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Bonjour, tout le monde. Bienvenue à nos témoins.
Le Comité permanent du patrimoine canadien entreprend sa 59e séance. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons une enquête approfondie du rôle du diffuseur public au XXIe siècle.
Au cours de la première heure, nous entendrons Jean-Louis Robichaud et Robin Jackson, représentants du Fonds canadien du film et de la vidéo indépendants. Soyez les bienvenus.
Madame Jackson, je vous prie de commencer.
Mesdames et messieurs, bonjour. Je suis la directrice générale du Fonds canadien du film et de la vidéo indépendants. Je suis accompagnée aujourd'hui de Jean-Louis Robichaud, président du fonds et ancien directeur du Centre provincial de ressources pédagogiques de Saulnierville, en Nouvelle-Écosse. Nous vous remercions de nous donner l'occasion de comparaître devant vous.
Le Fonds canadien du film et la vidéo indépendants est un organisme de financement dynamique du secteur privé qui appuie la réalisation par des producteurs canadiens indépendants de projets de films et de vidéos destinés au circuit non commercial qui favorise l'acquisition continue du savoir. Le fonds fournit une aide financière pour des documentaires, des films et des vidéos éducatifs et informatifs ainsi que des projets de nouveaux médias.
Ces programmes sont destinés au secteur de l'enseignement — de la maternelle à l'université —, aux musées, aux festivals de films, aux bibliothèques, aux services de santé, aux associations communautaires, aux services sociaux et culturels, à la télévision éducative et thématique, aux lignes aériennes et aux navires de croisière. Ils servent aussi sur le marché des affaires, de la vidéo domestique et des nouveaux médias.
Depuis 1991, le FCFVI a fourni 17,9 millions de dollars pour financer 900 projets couvrant une vaste gamme de sujets et faisant appel à divers formats, dont le documentaire, le documentaire dramatisé, la dramatique, l'animation et le film d'instruction. En gérant ses affectations financières pour venir en aide à des réalisateurs indépendants, le FCFVI s'assure que le tiers du financement disponible sert à aider des productions de langue française et environ les deux tiers, des projets originaux de langue anglaise.
Des activités de production éducatives et informatives sont organisées dans tout le Canada, et le FCFVI cherche par tous les moyens à encourager et à appuyer des productions de toutes les régions. À cette fin, le FCFVI vise à s'assurer qu'un cinquième des sommes disponibles à chaque date limite va à des projets de chacune des régions suivantes: les provinces de l'Atlantique et le Nord du Canada, le Québec, l'Ontario, les Prairies et la Colombie-Britannique.
Veuillez noter que le FCFVI ne fournit de réponses qu'à certaines questions soulevées par le Comité permanent du patrimoine canadien sur le rôle de la SRC.
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Le Fonds canadien du film et de la vidéo indépendants, le FCFVI, croit que Radio-Canada a un rôle à jouer au XXI
e siècle. Le diffuseur public canadien devrait offrir de la programmation canadienne distinctive de grande qualité qui, autrement, ne pourrait être diffusée. Il ne devrait pas offrir des émissions destinées au grand public, faisant ainsi concurrence aux diffuseurs privés. Nous croyons que Radio-Canada/CBC doit s'engager davantage à appuyer les documentaires canadiens de même que les longs métrages canadiens destinés au cinéma, y compris les documentaires de longue durée.
L'engagement de la télévision de Radio-Canada/CBC à offrir un contenu canadien de grande qualité devrait être atteint par le renforcement des liens avec le secteur de la production indépendante. À cette fin, le diffuseur public devrait servir de modèle aux autres diffuseurs en adoptant des pratiques commerciales justes et équitables à l'égard des modalités de contrat, les conditions contractuelles. Cela veut dire payer des droits de licence, ne pas exiger des modalités de licence trop longues et partager équitablement l'exploitation des droits.
Le fonds croit que le mandat législatif de Radio-Canada est toujours valide. Nous ne voyons pas l'à-propos de la question du comité à savoir si des partenariats plus forts pourraient être conclus entre Radio-Canada et les diffuseurs privés. Nous croyons que les diffuseurs privés sont déjà trop axés sur les profits pour épouser les objectifs de Radio-Canada.
Bien que ce sujet ne soit pas, à proprement parler, du ressort du fonds, nous aimerions dire qu'il existe un besoin de maintenir les services radiophoniques de Radio-Canada, car il n'y a pas d'autre option nationale viable. Nous voulons dire que les deux services, tant ceux en français qu'en anglais, devraient être offerts par tous les câblodistributeurs.
Au cours de la dernière année, l'industrie de la câblodistribution a soumis une demande et obtenu la permission du CRTC d'apporter des changements au Règlement sur la distribution de la radiodiffusion afin que les câblodistributeurs aient plus de latitude à l'égard de la distribution des stations radiophoniques locales. Bien que les câblodistributeurs doivent encore offrir les services de la CBC et de la Société Radio-Canada, ils ne sont tenus que d'offrir un service dans chaque langue. Dans certains cas, les câblodistributeurs ont choisi d'offrir uniquement la première chaîne de Radio-Canada et CBC One.
Le comité a demandé comment et dans quelle mesure la programmation de Radio-Canada/CBC devrait être revue par rapport aux nombreux types de programmation offerts par les divers services de la société d'État. Les commentaires du fonds canadien ne se rapportent qu'aux documentaires, y compris les émissions sur les arts et la culture.
CBC, Radio-Canada, Newsworld, RDI et RCI ont été d'importants partenaires financiers dans plusieurs projets auxquels le Fonds canadien du film et de la vidéo indépendants a accordé de l'aide au fil des ans. Cependant, nous avons remarqué récemment une diminution marquée de l'aide accordée aux documentaires au cours des trois dernières années. Les statistiques compilées par le fonds indiquent que la participation de Radio-Canada/CBC à des projets à qui le fonds accordait de l'aide est passée de un sur trois, 35,7 p. 100, en 2004, à moins de un sur quatre, 23,9 p. 100, en 2005, et à moins de un sur cinq, 19,1 p. 100, en 2006.
Selon les statistiques fournies par Documentaristes du Canada et l'Association canadienne de production de films et de télévision, le nombre d'heures consacrées aux documentaires par la télévision anglaise de CBC est passé d'un sommet de 263 heures en 2003-2004 à 122 heures en 2005-2006. Les deux organismes indiquent que le personnel de Radio-Canada les a informés que le nombre d'heures de programmation de Nature of Things passera de 17 heures à seulement 9 heures qui seront diffusées durant l'été. Life and Times, la série sur les biographies primées de la CBC et la série culturelle Opening Night ont toutes deux été annulées.
Lors des récentes audiences du CRTC sur la demande de Radio-Canada/CBC en vue d'obtenir le contrôle effectif du Canadian Documentary Channel, la direction de la société a indiqué avoir réaffirmé l'importance des documentaires pour la télévision anglaise de CBC en nommant un directeur général chargé des documentaires.
L'un des premiers résultats de ce regain d'attention envers le documentaire a été la création de Doc Zone. Bien que nous soyons heureux de cette nouveauté, ces améliorations ne touchent pas les services spécialisés de Radio-Canada/CBC, soit Newsworld, RDI et Country Canada, et nous sommes très préoccupés par les ressources fort limitées à leur disposition pour la présentation de documentaires.
Radio-Canada/CBC limite les débouchés pour la programmation qui favorise le discours public par la présentation d'enjeux sociaux et de documentaires d'opinion. Une telle programmation, lorsque réalisée par des producteurs indépendants, est différente d'une production interne. Les documentaires de producteurs indépendants possèdent un niveau élevé d'expression et de contrôle par l'auteur. Ils tirent profit de leur indépendance et ne sont pas assujettis aux restrictions dictées par des règlements et des mandats internes.
C'est pourquoi l'aide offerte par le Fonds canadien du film et de la vidéo indépendants est si essentielle. Notre organisme apporte de l'aide aux documentaires qui ne sont pas grand public, mais qui font réfléchir, lancent un débat public et favorisent l'intervention à divers niveaux. Notre pays a besoin de diversité. Étant donné que le mandat de Radio-Canada/CBC est de contribuer au partage d'une conscience et d'une identité nationales, le FCFVI croit que le diffuseur public du Canada devrait satisfaire à ce besoin en diffusant ces genres de documentaires.
Le Documentary Channel est l'un des quelques diffuseurs canadiens qui offrent du temps d'antenne aux émissions sur les enjeux sociaux et aux documentaires d'opinion. Le Fonds canadien du film et de la vidéo indépendants espère sincèrement que si le CRTC approuve la demande de Radio-Canada/CBC en vue d'obtenir le contrôle effectif du Documentary Channel, ce dernier continuera de jouer cet important rôle social.
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Nos clients producteurs nous ont fait savoir que la SRC continue de diffuser des émissions documentaires, mais qu'il s'agit de plus en plus de production interne. Il nous est difficile de le confirmer parce que la SRC n'est pas tenue de rendre compte des diffusions et des affectations des dépenses entre la production interne et la production indépendante. Le FCFVI prétend que la SRC devrait recevoir pour instruction de commanditer plus de documentaires réalisés par des indépendants.
Nous sommes inquiets de voir que l'on demande aux producteurs indépendants de renoncer à des droits sur des plates-formes de diffusion multiples de la SRC sans dédommagement approprié. Le regroupement de droits de diffusion pour le principal réseau de télévision de la SRC et pour ses chaînes spécialisées sans droits de licence majorés ou séparés inquiète beaucoup les producteurs de documentaires indépendants. Si la SRC prend effectivement le contrôle de la chaîne documentaire, le radiodiffuseur public devrait être tenu de négocier des contrats de licence séparés avec les producteurs de documentaires indépendants.
La SRC a pour politique de ne pas diffuser de documentaires si l'Agence canadienne de développement international, l'ACDI, est partie prenante. D'autres radiodiffuseurs n'ont pas ce problème, et le FCFVI continue de financer des projets dans lesquels l'ACDI est partenaire financier. Le refus de la SRC de diffuser des projets financés par l'ACDI limite donc le nombre de radiodiffuseurs possibles pour des projets sur des sujets liés au développement international.
La SRC exige des producteurs indépendants qu'ils incluent leurs crédits d'impôt dans la structure de financement. Cette pratique dénature l'intention originale de l'encouragement sous forme de dégrèvement d'impôt, qui était une source de revenu garanti à réinvestir dans la société de production — à l'instar du crédit d'impôt pour enfants. Comme les crédits d'impôt ne sont versés au producteur qu'après la fin d'un projet, celui-ci doit chercher un financement provisoire auprès d'une banque pour couvrir l'intérim afin de financer le projet en question.
Le FCFVI aimerait voir prendre un engagement plus précis à l'égard de la production régionale de documentaires, ou de la coproduction interrégionale de documentaires, afin que les téléspectateurs puissent avoir accès à une large expression de points de vue canadiens permettant une diversité d'opinions.
L'émergence de contenu pour les nouvelles plates-formes de distribution offre des possibilités à la CBC/Radio-Canada, comme à tous les radiodiffuseurs et producteurs. Cependant, nous croyons savoir que les radiodiffuseurs, y compris la SRC, ne paient pas les nouveaux droits de plate-forme ou ne paient qu'une somme nominale. Nous savons que le contenu créé tout spécialement pour ces nouveaux médias n'a pas une grande valeur monétaire pour l'instant, mais on peut supposer sans trop s'avancer que ce n'est qu'une question de temps avant que ces nouvelles plates-formes de diffusion rapportent des recettes. Cela étant, le FCFVI recommande que la SRC ne réclame pas ces droits aux producteurs indépendants ou, si elle le fait, qu'il y ait une clause prévoyant un examen de la situation dans un délai raisonnable, afin que le producteur puisse être convenablement dédommagé, conformément aux taux du marché. À cette fin, la SRC devrait être tenue d'intégrer cet aspect de ses relations avec les producteurs indépendants dans le protocole de production indépendante qu'elle a mis en place pour travailler avec le milieu de la production indépendante.
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C'est très important, puisqu'il s'agit de l'examen du mandat de la SRC. Nous essayons d'aller au fond des choses et de savoir exactement ce qu'il faut faire pour continuer de soutenir la SRC et peut-être la renforcer. C'est ce genre d'information dont nous avons besoin. Alors vous pourriez peut-être l'envoyer au comité.
Mme Robin Jackson: Oui.
M. Ed Fast: J'ai revu une partie de votre témoignage et je crois que, de façon générale, vous êtes opposée à une vaste collaboration avec les diffuseurs privés — je crois que vous l'avez dit tout à l'heure — parce que, selon vous, ils ont des buts divergents. Vous avez dit aussi que vous étiez opposée à ce que la SRC essaie de conquérir un marché de masse. Vous aimeriez qu'elle se concentre davantage sur les marchés à créneaux et sur une programmation de haute qualité qui, autrement, pourrait ne pas être présentée. Cela m'amène à la question de la commercialisation de la SRC.
Vous avez proposé que la SRC se concentre sur des activités qui pourraient ne pas générer un revenu aussi important que la publicité. Deux écoles de pensée se sont fait entendre devant le comité. La première veut que la SRC se retire complètement des activités de publicité, qu'elle suive le modèle de la radio plutôt que le modèle de la télévision de langues anglaise et française.
Par contre, il y a ceux qui croient que nous nous adonnons maintenant à la publicité et que si nous voulons préserver la force de la SRC, il faut conserver ces revenus de publicité et peut-être y ajouter un plus grand financement de la part du gouvernement.
Vous semblez dire que la SRC ne devrait plus dépendre de la publicité commerciale. Est-ce que je lis bien entre les lignes?
À mon avis, toute la question de la commercialisation du contenu, les contraintes financières qui ont poussé la télévision publique vers la publicité... Tout le monde sera d'accord pour dire qu'elle s'est mise à courir après les revenus dont elle a besoin pour fonctionner. Elle a vu venir les compressions du gouvernement. Ce sera très difficile de trouver un équilibre — j'attends une réaction —, de plaider en faveur d'un soutien financier du gouvernement pour que la SRC s'acquitte d'un mandat qui la rend distincte et toutes ces choses, et en même temps de voir le contenu dépendre des revenus de publicité, ce qui serait peut-être contraire au mandat. Le mot « peut-être » est superflu — vous n'avez qu'à regarder ce que vous appelez les émissions de téléréalité.
Croyez-vous qu'il soit possible de continuer de tenir...? J'étais d'avis que les revenus de publicité étaient si importants qu'on pourrait difficilement songer à les éliminer. Nous parlons du XXIe siècle. C'est long. Allons-nous continuer de vouloir soutenir la SRC alors qu'elle se démarque de moins en moins et qu'elle court après ces revenus? Si nous voulons avoir une télévision indépendante, distincte, qui s'acquitte de son mandat, il faudra peut-être décider simplement de la soutenir, pas nécessairement par des ressources directes comme c'est le cas présentement, mais par d'autres options intéressantes qui ont été proposées. Est-ce là, selon vous, ce que nous devrons faire? Croyez-vous que, pour le reste du XXIe siècle, nous allons pouvoir arrêter cet hybride qui, à mes yeux, prend une direction qui est contraire à ce que la SRC doit être?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être ici ce matin. Nous vous en savons gré.
J'aimerais vous poser quelques questions, mais je dois admettre pour commencer qu'à mon avis, la SRC a un rôle important à jouer dans le maintien de notre unité nationale. Ce n'est qu'une opinion personnelle, et je crois qu'elle est partagée dans tout le pays, du moins dans certaines régions — peut-être pas toutes. Alors j'aborde ce dossier dans une perspective peut-être un peu différente par rapport à d'autres.
Vous dites que la SRC ne devrait pas présenter des émissions destinées à un auditoire de masse et entrer ainsi en concurrence avec les diffuseurs privés. Je dois poser la question suivante: Si les tous contribuables canadiens paient pour cette émission, pourquoi n'essayons-nous pas de les attirer? Quel auditoire visez-vous exactement? Mon collègue a dit que nous prêchons les convertis; nous essayons d'attirer un auditoire qui a déjà un fort sentiment d'unité nationale. Je me demande qui exactement, selon vous et selon votre organisation, la SRC devrait attirer, et pourquoi elle ne devrait pas attirer les autres.
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... l'importante fragmentation des téléspectateurs à l'heure actuelle.
Si nous n'essayons pas d'attirer un plus vaste auditoire — et nous observons une tendance à la baisse du pourcentage de Canadiens qui regardent la télévision d'État — si nous n'essayons pas de renverser cette tendance et que nous demandons encore aux contribuables de donner toujours plus, je crois qu'il y a un problème ici parce que nous demandons aux Canadiens de donner plus alors que nous leur donnons moins en retour. C'est là, je crois, le paradigme qui se pose ici .
Je crois fermement que nous devons avoir une télévision d'État avec laquelle tous les Canadiens peuvent avoir une certaine affinité. Je ne dis pas qu'ils doivent la regarder constamment, mais il faudrait que tous les Canadiens souhaitent la regarder à un moment donné. C'est donc là la question. Je dois peut-être changer ma façon de penser et croire que la SRC n'est pas ou ne devrait pas être pour tout le monde, mais je ne suis pas encore prêt à faire cette concession, à moins que vous puissiez me convaincre du contraire.
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Je crois qu'il y a des raisons à cela, et la fragmentation en est une. Avec l'avènement des nouveaux médias, la radio d'État est prise d'assaut par la radio par satellite.
Je suis un profane. Je ne suis pas ferré en statistiques, mais j'écoute mes électeurs. De plus en plus, les gens ont accès à la radio par satellite, et la concurrence s'installe. À l'heure actuelle, la radio d'État est la seule station de radio parlée dans ma région, mais maintenant, avec la radio par satellite, la concurrence est forte. Je me demande comment nous allons conserver la part d'auditoire ou même comment la SRC continuera d'être nécessaire dans ce monde de plus en plus fragmenté. Si nous ne commençons pas à trouver des façons d'attirer un plus vaste auditoire à la SRC, nous sommes dans l'eau chaude.
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Les membres des trois associations tiennent à se présenter.
Je représente l'Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec. L'association, qui est née en 1979, a pour mission de contribuer au progrès de la renommée de la radiophonie communautaire.
Nous représentons 30 stations de radio du Québec, d'un bout à l'autre de la province. Nous sommes présents dans 17 régions administratives. Nous desservons 500 000 auditeurs au Québec. Nous regroupons 22 000 membres. Il y a 230 employés qui travaillent dans ces stations, et environ 1 500 bénévoles qui participent chaque année à l'ensemble de notre programmation. Notre chiffre d'affaire est de plus de 10 millions de dollars.
Depuis l'année dernière, nous nous sommes regroupés sous la bannière Radiovision pour donner une image de marque à la radiophonie communautaire au Québec.
Je vais maintenant laisser la parole à mes collègues.
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Je m'appelle Serge Paquin et je suis secrétaire général de l'Alliance des radios communautaires du Canada.
Notre mouvement compte actuellement 21 stations en ondes, neuf en implantation, dont quatre nouvelles stations qui vont ouvrir leurs portes cette année. Nous sommes présents dans neuf provinces et deux territoires. Nous produisons 76 000 heures de production locale canadienne originale par année. Il s'agit donc de beaucoup d'heures et cela implique environ 1 000 bénévoles.
Il est certain que la radio communautaire francophone à l'extérieur du Québec contribue largement au développement de la langue et de la culture françaises. Nous comptons environ 250 000 auditeurs et nos cotes d'écoute sont faramineuses. Je crois même que la société d'État est un peu jalouse de notre succès en région. Il s'agit d'une radio de proximité qui répond à un besoin local. C'est une radio près de la communauté, et c'est pour cette raison que cela fonctionne.
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Le paysage médiatique du Canada nous apparaît parfois comme deux monolithes qui s'opposent l'un à l'autre: la radio commerciale et CBC/Radio-Canada. Toutefois, la loi qui régit le système de radiodiffusion au Canada définit trois composantes: publique, privée et communautaire.
Comme vous le savez, la radio privée diffuse des émissions dans un but lucratif. L'objectif des stations commerciales est d'offrir une programmation populaire qui attire un auditoire. Par conséquent, les diffuseurs commerciaux sont souvent redevables envers les entreprises qui s'annoncent sur leurs ondes ainsi qu'envers leurs auditoires et les organismes de réglementation. La musique et les émissions d'information de la radio privée visent essentiellement à divertir, ce qui est logique pour elle sur le plan économique.
Par ailleurs, la radio publique est une forme de service public et doit répondre aux divers besoins d'un auditoire au niveau national. La concurrence dans laquelle la SRC devrait s'engager se situe au niveau de la programmation plutôt que des chiffres, et la qualité doit être sa principale préoccupation. La diffusion publique, en particulier au Canada, est géographiquement universelle. Cela signifie que les programmes sont disponibles partout au pays, sans exception. Il s'ensuit qu'un seul et même service est offert à tous les Canadiens, mais aussi que les décisions sont prises en haut lieu. On reproche souvent à la SRC — et c'est devenu un peu cliché — le fait que trop de décisions sont prises à Toronto et à Montréal. Mais systématiquement, la SRC fera toujours un meilleur travail dans la programmation nationale que dans la programmation locale.
C'est là où entrent en jeu les médias locaux et communautaires, le troisième secteur du système de radiodiffusion, qui est animé par les gens. La radio communautaire est, de par sa nature, dirigée par la base. Bien que son mandat ressemble à bien des égards à celui de la radio publique, la radio communautaire est encore plus un service public, ayant une double mission de développement social et culturel tout en fournissant une information locale essentielle et un divertissement. La Loi sur la radiodiffusion touche précisément à ce mandat communautaire lorsqu'elle parle de la diversité, des ressources locales à exploiter, de la programmation éducative et communautaire, et des besoins particuliers des minorités linguistiques du pays. Nous croyons que chacun de ces éléments a une place dans le système de radiodiffusion, et qu'il existe d'excellentes raisons économiques de soutenir la radiodiffusion non commerciale au Canada.
Bien que la collaboration entre des entreprises d'un même secteur, comme la radiodiffusion commerciale, puisse être nécessaire pour la vitalité de ce secteur dans son ensemble, ce dernier profite également de la présence d'un environnement extérieur compétitif. La radiodiffusion non commerciale contribue à cet environnement en offrant des idées neuves et créatives et en identifiant de nouveaux marchés potentiels. Nous croyons que la force de la radio communautaire contribue à renforcer davantage la radio commerciale et publique.
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Pour bien comprendre notre rôle dans l'industrie canadienne de la radiodiffusion, il faut remonter aux origines de la radio communautaire au Canada. La première radio étudiante a vu le jour en 1922 à Kingston, à l'Université Queen's. Ensuite, la radio communautaire s'est développée dans les grands centres urbains, particulièrement dans les années 1970, dans la mouvance de tous les changements sociaux qui ont eu lieu au cours de ces années. On a vu des radios communautaires apparaître à Montréal, à Québec, à Ottawa, ainsi qu'à Vancouver.
Dans les années 1980, le modèle s'est régionalisé, et c'est au cours de cette période, plus précisément en 1988, qu'est apparue la première radio francophone hors Québec, qui était Radio Péninsule, au Nouveau-Brunswick.
Toutes ces éclosions de stations ont amené des changements dans la réglementation de l'industrie de la radiodiffusion. En 1991, le CRTC a reconnu la radio communautaire comme étant un secteur à part entière de l'industrie. Il l'a en outre autorisée à vendre de la publicité et donc à prendre sa place économique dans le secteur de la radiodiffusion.
En terminant, je veux vous mentionner que la semaine dernière, la 141e radio communautaire a vu le jour à Bécancour, sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, juste en face de Trois-Rivières.
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La prochaine diapo concerne la définition du CRTC, mais je ne vais pas la lire intégralement. Il est important de retenir que nous sommes tous des organismes sans but lucratif. Les radios communautaires et les radios de campus appartiennent à la collectivité, qui est responsable de leur gestion, de leur programmation et de leur exploitation. C'est vraiment un outil de développement économique, social et culturel au service des communautés. Notre mandat est très diversifié.
C'est extrêmement difficile, avec le peu de moyens dont nous disposons, de répondre autant aux besoins des communautés, des groupes communautaires qu'à ce qu'on pourrait appeler les goûts musicaux. On est obligés de faire jouer plusieurs genres de musique sur les ondes pour plaire à la collectivité en général, ce qui fait que, contrairement à la radio privée, qui est souvent dans le mainstream et qui fait jouer de la musique populaire, on est restreints quant au contenu musical.
J'aimerais dire un dernier mot au sujet du mandat très communautaire, comme on le voit dans la définition. Malheureusement, Radio-Canada a tenté sans succès de faire de la radio communautaire pour se rapprocher de la communauté. En effet, la société d'État a souvent de la difficulté à aller chercher des cotes d'écoute dans certaines régions, principalement dans les régions francophones éloignées. On peut même se demander pourquoi la cote d'écoute est extrêmement faible, voire minuscule dans certaines régions. Il reste que Radio-Canada a tenté de se rapprocher de la communauté, mais sans grand succès.
Le mandat de la radio communautaire est très différent de celui de la radio publique. On respecte les deux, mais il ne faudrait pas que Radio-Canada s'engage aujourd'hui à faire de la couverture très locale. En ce moment, c'est le mandat de nos stations et, comme les cotes d'écoute le prouvent, on y répond très bien.
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J'aimerais vous donner des exemples du type de radios qu'on trouve au Canada. La première radio qu'on voit est CKIA. C'est une radio communautaire située dans la basse-ville de Québec, qui a un bon rayonnement dans la ville. C'est une radio qui a plus ou moins 25 ans d'existence, et 150 bénévoles y oeuvrent actuellement. En ce qui concerne le contenu, il y a beaucoup de magazines d'affaires publiques ainsi qu'une émission matinale qui couvre l'actualité socio-politique. Beaucoup de temps d'antenne est accordé au milieu communautaire de la grande région de Québec. En ce qui a trait au contenu musical, il y a beaucoup de musique du monde et de musique émergente. On essaie de faire jouer de la musique qu'on n'entend pas à la radio commerciale.
Bien évidemment, c'est un peu le mandat en général. On est là pour soutenir la participation des citoyens et la production de la diversité culturelle. Quand je dis « on », je parle bien évidemment de CKIA. On attache beaucoup d'importance à l'information locale.
Cette radio a changé depuis quelques années; elle s'est repositionnée. Vous savez que le portrait de la radio a changé. Donc, on doit s'analyser continuellement en tant que radio communautaire. En outre, CKIA a pris un virage un peu plus multiculturel à Québec à cause de l'augmentation du nombre d'immigrants au cours des dernières années.
Cela vous donne une idée de ce qu'est une radio urbaine.
La radio que notre association a choisie est CKJM, Radio Chéticamp, une coopérative. Environ 50 p. 100 des membres de notre mouvement se sont incorporés sous forme de coopérative.
La venue de cette radio a vraiment transformé la vie des Chéticanais. Cela a été une révolution. Avant l'arrivée de CKJM, les gens n'écoutaient pas du tout la radio en français. Ils étaient isolés. Chéticamp est situé au Cap-Breton, tout près du Cabot Trail. Il s'agit d'une petite région vraiment très isolée, où on parle français depuis 400 ans. Ce sont des pêcheurs qui vivent principalement de la pêche, mais aussi de l'industrie et du tourisme.
En 1995, l'ouverture de la radio a véritablement transformé la vie des gens de Chéticamp. Ils ont découvert la musique en français et des talents locaux. Ils ont un studio d'enregistrement et ils font jouer sur leurs ondes de la musique de leurs artistes locaux. Ils parlent le français avec leur accent et les gens les comprennent, ils s'entendent et s'écoutent parler. Il y a 3 500 francophones dans la région de Chéticamp. Les gens participent donc activement à cette petite station qui compte quatre employés permanents. C'est tout de même un tour de force.
La radio contribue vraiment au développement social et économique de la région. Ils font entre autres des levées de fonds pour l'hôpital. C'est vraiment une radio exemplaire. On a fait un sondage maison, sans que ce soit scientifique, et on a constaté que 90 p. 100 des gens écoutaient leur radio. Il est donc évident qu'une radio ancrée dans la communauté, qui répond à ses besoins, contribue véritablement à sa vitalité et à dynamiser la communauté en français. À présent, les gens cherchent des disques en français, mais personne n'en vend. C'est donc la radio qui vend des disques en français. Les gens y ont pris goût et ils contribuent très activement à cette radio très dynamique.
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Dans le secteur anglais, je vais vous parler d'une station située à Nelson, en Colombie-Britannique, soit CJLY. Voilà, je crois, un excellent exemple de participation et d'engagement communautaires. Il s'agit d'une coopérative. Son indicatif est CJLY, mais la station s'appelle Kootenay Co-op Radio et elle est située dans une très petite localité. Comme il s'agit d'une coopérative, ses membres adhèrent à la station radiophonique. Celle-ci compte plus de 1 400 membres issus de la communauté.
En tant que station communautaire, elle doit se battre pour obtenir un revenu et doit parfois faire preuve de créativité. Outre le fait que tout son équipement lui a été donné, notamment par la SRC, elle a récemment dû se trouver de nouveaux locaux. La communauté s'est retroussé les manches et a construit un bâtiment de A à Z pour abriter la station. Elle a donné son temps, ses services et sa main-d'oeuvre pour offrir à la station radiophonique un bâtiment d'où elle pouvait diffuser ses émissions.
La station radiophonique est un bel exemple de ce qui caractérise nos stations sur le plan de la diversité de la programmation, des voix et de la participation. Les stations de radio étudiante sont quelque peu différentes, mais elles vivent des histoires semblables un peu partout.
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Parfois, il y a des préjugés qui circulent. Les gens pensent que la radio communautaire était un trip des années 1970. Toutefois, ce n'est pas vrai, puisque la radio communautaire est en plein essor en ce moment au Canada. Des projets de station éclosent partout au pays.
Selon notre analyse de la situation, la raison de cette éclosion est que la concentration de la propriété dans les médias a causé une perte de sources d'information locale, de la même façon que les coupes à Radio-Canada dans les années 1990 ont fait que certains services régionaux d'information ont fermé leurs portes dans les régions, créant des besoins accrus en information locale.
Pour cette raison, depuis la fin des années 1990 et le début des années 2000, on voit vraiment un dynamisme dans notre secteur qui est très fort et qui fait que beaucoup de citoyens se mobilisent, en ce moment, pour créer de nouvelles radios communautaires.
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En effet, il y a des perceptions qui perdurent par rapport à la radio communautaire. On entend souvent dire que les radios communautaires sont subventionnées. Dans la réalité, les stations membres de l'ANREC ne reçoivent aucune subvention, ni pour leurs opérations ni pour leurs immobilisations. Les stations de l'ARC du Canada profitent de l'enveloppe du Programme d'appui aux langues officielles strictement pour 50 p. 100 de leurs immobilisations. Cela signifie que la communauté doit trouver 50 p. 100 du financement dans les poches des contribuables pour mettre sur pied sa radio. C'est pourquoi la mise sur pied d'une radio prend de sept à huit ans, sans compter, bien sûr, toutes les étapes qu'on doit franchir. Par la suite, nos radios ne reçoivent aucune subvention.
Le Québec est la seule province au Canada à reconnaître l'importance du média communautaire et il a un programme, depuis les années 1980, qui contribue de 10 à 20 p. 100 du financement pour les besoins opérationnels de certaines stations, principalement les stations éloignées, les stations de premier service en région.
C'est donc un mythe que la radio communautaire est financée par l'État. Ce n'est pas vrai. La plupart des radios, sinon la grande majorité, doivent faire des prélèvements de fonds chaque année afin de boucler leur budget. Ce sont là les enjeux actuels. Le tiers secteur de la radiodiffusion au Canada est laissé à lui-même. Notre gouvernement ne se préoccupe pas du tiers secteur. Il investit tous ses oeufs dans la société d'État, sans égard pour le tiers secteur, qui joue un rôle important et déterminant dans le développement social et culturel, et le maintien de la souveraineté du Canada et de la nouvelle locale. Je crois qu'il est grand temps que notre gouvernement réalise que ce tiers secteur a des choses à dire et contribue au développement de la radiodiffusion au Canada.
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Concernant la politique sur la radio communautaire, sachez que le Canada constitue, par rapport au reste du monde, l'exception plutôt que la règle en raison de la façon dont il définit la radio non commerciale. Les pays indiqués sur la diapositive, auxquels s'ajoutent plusieurs autres pays industrialisés, adoptent à l'égard des médias non commerciaux une approche plus systématique. Ils n'établissent pas de distinction réglementaire claire entre les médias publics, d'une part, et les médias communautaires, d'autre part. Ils les considèrent tous comme des médias non commerciaux qui apportent une contribution notable au système de radiodiffusion.
Je pourrais prendre n'importe quel pays comme exemple et vous expliquer comment il finance les médias communautaires. Toutefois, les États-Unis revêtent un intérêt particulier. Comme vous le savez sans doute, il y a deux entités distinctes aux États-Unis qui jouent un rôle clé dans le secteur des médias non commerciaux. Il y a d'abord la Corporation for Public Broadcasting, qui agit comme mécanisme de financement, et ensuite la National Public Radio, qui est le principal fournisseur de contenu des stations radios.
Donc, comme il n'existe aucune distinction réglementaire claire entre les médias communautaires et les médias publics, une station comme WGNU, à Denver, reçoit environ 15 p. 100 de son financement de la Corporation for Public Broadcasting, alors qu'elle ne diffuse aucune émission de la National Public Radio. Elle se définit comme une radio communautaire indépendante. Toutefois, comme il s'agit d'une station de radio locale, elle reçoit du financement de la CPB.
À l'autre extrême, on retrouve WGBH, à Boston, qui est accessible via le câble dans certaines régions du pays. Elle se définit clairement comme une radio publique. Même si sa programmation est presque entièrement composée d'émissions de la National Public Radio et d'autres émissions de radio publique, elle reçoit une aide similaire de la CPB.
La distinction qu'établit le Canada entre les deux secteurs, ce que j'appelle une fausse dichotomie, est un peu artificielle. Aux États-Unis, la Corporation for Public Broadcasting finance près de 800 stations — rurales, urbaines, ethniques, ainsi de suite.
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Nous pensons que pour répondre aux besoins des Canadiens, la solution serait de créer un fonds canadien pour la radio communautaire. Ce fonds viendrait soutenir la diversité culturelle et la participation citoyenne, et favoriser l'information locale.
La mission, l'objectif et le mandat du fonds canadien pour la radio communautaire sera d'aider la radiophonie communautaire à atteindre son plein potentiel en tant que secteur médiatique canadien bien financé, indépendant, diversifié, dynamique et accessible.
Le fonds canadien pour la radio communautaire sera un organisme à but non lucratif, qui sollicitera et distribuera des fonds destinés au développement et au maintien de la programmation locale dans les radios communautaires et de campus, tant en milieu urbain que rural. La structure du fonds est conçue solidement pour garantir son indépendance, afin que les gens aient confiance. La transparence, l'imputabilité et la reddition de comptes feront partie du mode de fonctionnement de ce fonds.
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En conclusion, concernant le mandat de Radio-Canada, je crois qu'on est tous d'accord pour dire qu'il est important qu'une société d'État reflète les besoins et les aspirations des Canadiens et des Canadiennes d'un océan à l'autre. On ne doit pas remettre cela en question, car c'est important pour tous les Canadiens. C'est une programmation de qualité et, bien sûr, Radio-Canada a les moyens de faire de la radio et de la télévision de qualité.
La Société Radio-Canada évolue dans un environnement radiophonique compétitif. On dit souvent qu'on n'est pas en compétition. Je ne crois pas qu'on soit en compétition avec Radio-Canada, du moins notre secteur ou celui de la radio privée. Nous sommes complémentaires. Évidemment, les gens qui veulent une radio de divertissement vont se diriger vers la radio privée. Les gens qui veulent une radio informative vont se diriger principalement vers la programmation de Radio-Canada. Les gens qui veulent une radio de proximité, qui veulent savoir ce qui se passe dans leur communauté, dans leur région, vont écouter la radio communautaire. Donc, le système canadien est vraiment complémentaire.
Si le secteur de la radio communautaire est en meilleure santé, cela profite également à Radio-Canada. Nous sommes actuellement une pépinière pour les employés de Radio-Canada. Il y a un roulement de personnel très important dans nos stations et la grande majorité de ces gens vont travailler, éventuellement, pour Radio-Canada. C'est donc nous qui formons ces jeunes, lesquels s'en iront travailler à Radio-Canada. Nous n'avons aucun mérite pour cela. Nous sommes là pour les former et, dès qu'ils commencent à être très compétents, Radio-Canada vient nous les « voler ». On trouve cela correct. C'est notre rôle que de former les gens et de leur apprendre leur métier et, par la suite, la société d'État en profite. Tant mieux si la radio communautaire est en meilleure santé, car cela profite à Radio-Canada.
Cette complémentarité est importante pour la souveraineté du Canada. On ne peut pas, comme gouvernement responsable, s'isoler et voir qu'il n'y a que Radio-Canada qui existe dans le système canadien. Il y a la radio privée. Le CRTC a fait en sorte qu'il n'y ait pratiquement plus aucune réglementation pour la radio privée. On vient d'assister à des fusions extrêmement importantes, de l'ordre de plus d'un milliard de dollars. Trois fusions totalisent environ 3 milliards de dollars. Le CRTC va se pencher sur la question de la convergence. Après des fusions de 3 milliards de dollars, il n'y a plus aucune limite. La radio privée n'est plus assujettie à une réglementation, si ce n'est l'exigence de présenter 35 p. 100 de contenu canadien. La radio privée est en croissance, elle fait des profits record.
La radio privée a connu des difficultés au début des années 1970. Le CRTC a enlevé la législation pour permettre une compétition plus féroce, et cela fonctionne. On peut donc considérer aujourd'hui que la radio privée est rentable. Elle génère et engrange des profits énormes, alors que la radio publique est financée à 100 p. 100 par l'État. Le reste, le tiers secteur, est laissé à lui-même.
En conclusion, le gouvernement canadien devrait voir que l'ensemble du système canadien est interrelié. L'interrelation entre ces trois secteurs permet d'équilibrer les besoins des Canadiens et des Canadiennes. Aujourd'hui, nous sommes ici pour vous sensibiliser à ces besoins.
Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les députés. Nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.
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J'ai trouvé votre présentation intéressante, mais j'essaie de trouver une sorte de fil conducteur. Vous semblez représenter un éventail d'intérêts radiophoniques communautaires. Je comprends très bien le mandat des radios communautaires en milieu minoritaire linguistique dans des communautés très isolées, où la société Radio-Canada ne serait pas présente. Vous touchez un très petit nombre de personnes. Vous représentez également la radio communautaire urbaine, comme Radio Basse-Ville de Québec, par exemple, et les radios de campus universitaires.
Je suppose que les cotes d'écoute sont différentes également. Est-ce que plusieurs étudiants écoutent la radio universitaire? Je me demande qui écouterait la Radio Basse-Ville de Québec, étant donné le choix qui existe.
Comment voyez-vous votre rôle vis-à-vis de Radio-Canada? Pour les communautés des minorités linguistiques, devriez-vous avoir un partenariat plus étroit avec Radio-Canada? Il y aurait peut-être même lieu d'obtenir des fonds de Radio-Canada pour financer votre rôle de pépinière.
Il y a diverses opinions et je pense que vous n'avez pas assez bien décrit le rôle que joue Radio-Canada dans les communautés canadiennes. Avez-vous reçu des plaintes sur Radio-Canada? Cette société vous nuit-elle à quelque égard? J'essaie de comprendre comment vous voyez Radio-Canada.
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Pour répondre à votre question, je vais vous raconter une anecdote. Je suis dans un bar dans la région de Clare, dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, Saulnierville, Comeauville. Je demande aux gens de l'endroit quelle radio ils écoutent. Ils me répondent qu'ils écoutent CIFA, la radio locale. Je leur demande alors pourquoi ils n'écoutent pas Radio-Canada. Ils me répondent: « On ne comprend point ce qui disions ». Ils ne comprennent pas ce qui se dit à Radio-Canada.
Comment peut-on, comme radio responsable, s'adresser à une communauté en français, mais dans un français que les gens ne comprennent pas? Depuis 1991, on tente d'établir des partenariats plus étroits avec Radio-Canada. On a réussi à négocier un petit partenariat publicitaire avec la société, qui nous envoyait des capsules publicitaires. Ce partenariat a duré quelques années. Comme on voulait des capsules adaptées à nos besoins et aux besoins des communautés, cela représentait beaucoup d'efforts. Finalement, ce partenariat s'est terminé parce que Radio-Canada n'avait pas d'argent à y consacrer.
Outre cela, Radio-Canada est une tour d'ivoire. Les décisions se prennent à Montréal, dans le cas de la radio française. C'est impénétrable. On prétexte des problèmes de syndicat, mais ils n'ont pas de programmes. Leur mandat n'est pas d'aider la radio communautaire et il n'y a pratiquement pas de partenariats.
Je ne dis pas qu'ils ne font pas un bon travail. Ils font un excellent travail parce qu'ils en ont les moyens. Cependant, quand cela s'adresse à une minorité de francophones, on est à même de se questionner sur l'efficacité, sur le rendement. Si on n'est plus efficace et qu'on ne s'adresse qu'à quelques dizaines ou centaines de personnes, il faut peut-être revoir la formule.
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Merci, monsieur le président.
D'abord, je dois dire que je ne m'attendais pas à vous entendre parler de tels sujets. En effet, les documents que vous nous aviez fait parvenir étaient avant tout axés sur votre demande de fonds totalisant 18 millions de dollars. Je suis néanmoins très heureuse d'entendre un autre son de cloche. Les membres du comité ont visité certains endroits du Canada. Le tableau qu'on nous a brossé donnait à penser que la radio de Radio-Canada fonctionnait très bien, qu'elle était très écoutée et qu'il s'agissait d'un service accessible à pratiquement tout le monde, à l'exception de communautés où les francophones se battent pour faire reconnaître leur station radio.
Votre présentation est très intéressante, en ce sens que vous apportez peut-être une réponse à la demande qu'on nous a faite concernant la radio de proximité. À mon avis, vous pourriez répondre à plusieurs besoins locaux. Est-ce que des gens de l'extérieur font appel à vous? Je pense, par exemple, aux provinces anglophones. En outre, bon nombre de communautés francophones à l'extérieur du Québec reçoivent des services inadéquats et, comme vous, ont besoin d'argent.
Par ailleurs, et je termine là-dessus, monsieur le président, vous avez voulu rencontrer Bev Oda, mais vous avez fait face à un refus de sa part. Je veux savoir ce qu'il y avait derrière ce refus et quel motif a été invoqué. C'est le temps de le dire: nous sommes en comité.
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Pour être franc, je mettrais un bémol. Quand vous faites une tournée, vous rencontrez dans bien des cas les gens de l'élite, ceux qui sont impliqués dans le milieu de la francophonie. Monsieur et madame tout le monde ne comparaissent pas nécessairement devant le comité. Bien sûr, ces gens écoutent Radio-Canada, mais il faut tenir compte des vrais chiffres parce que ce sont eux qui parlent. Les cotes d'écoute en Nouvelle-Écosse sont inférieures à 1 p. 100; voilà qui parle de soi-même. On ne va pas se le cacher: à Montréal, la radio de Radio-Canada est un vrai succès. La cote d'écoute y est très bonne. Par contre, dès qu'on s'éloigne et qu'on arrive dans les régions, le pourcentage baisse pour atteindre 3 p. 100, comme à Moncton. En revanche, la radio communautaire de Shédiac, CJSE, obtient une cote d'écoute de 54 p. 100, soit la meilleure cote d'écoute toutes stations radio confondues, même du côté anglophone. Voilà la réalité.
Pour ce qui est de la demande, je peux vous dire que neuf stations sont en cours de mise en oeuvre, c'est-à-dire que neuf communautés veulent mettre sur pied leur station radio. Or, il s'agit d'un long processus. Il faut trouver 50 p. 100 du financement et pour ce faire, organiser des campagnes de financement toutes les années. La demande est encore plus importante dans l'Ouest, vu tout le travail qu'il faut faire en matière de développement. Comme vous le savez, la communauté francophone de l'Ouest est affaiblie et éparpillée ici et là sur le territoire. Ça nous cause des difficultés.
La demande est présente, mais mobiliser une communauté déjà hypothéquée pour mettre sur pied une station radio pendant six, sept ou huit ans est très exigeant, surtout quand on n'a pas tous les outils et le financement nécessaires.De plus, une fois qu'on a fait le saut, il faut être rentable. Dans une petite communauté anglophone de 1 000, 2 000, 4 000 ou 5 000 personnes, il s'agit d'un vrai défi. À Calgary, mettre sur pied une station de radio communautaire n'est pas évident. Il y a environ 10 000 ou 15 000 francophones mais pas de quartier francophone. Il est donc très difficile de mobiliser les gens et d'assurer le financement d'un tel projet.
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Je vous remercie pour votre présentation.
J'avoue aimer la radio communautaire et la radio de campus. Je crois en effet que vous contribuez de façon très spéciale au développement de nouveaux talents.
[Traduction]
Je n'aime pas parler du bon vieux temps, monsieur le président, mais je vais profiter des trois minutes qui me restent pour le faire.
À 18 ans, je faisais partie d'une formation qui participait à toutes sortes de petits événements musicaux. Les seuls endroits où nous pouvions jouer, c'était là où il y avait une radio communautaire, parce que personne d'autre ne diffusait de la musique nouvelle. Nous sommes venus à Ottawa. Nous avons appris que nous allions jouer à guichet fermé pendant trois soirs, au club Roxy. Nous avions du mal à le croire. Comment était-ce possible? C'est parce que la station CKCU émettait un signal qui était capté dans tous les coins de la ville.
Le troisième soir, parce qu'il y avait tellement de gens qui venaient nous voir — la station avait fait la promotion du spectacle —, le disc-jockey de la fameuse station rock est venu nous rencontrer dans les coulisses. C'était à l'époque où les CHUM et les CHOM, de véritables géants, ne touchaient jamais à la nouvelle musique. Il nous a dit à quel point il aimait notre formation, et nous avons été emballés. J'ai dit, « Pourquoi ne faites-vous pas entendre notre musique? » Il a répondu, « Vous ne comprenez pas. Notre station s'adresse aux gens qui n'aiment pas la musique. » Il a dit, essentiellement, « Jouer de la musique intéressante ne fait pas partie de notre mandat. »
Ma question est simple. Elle comporte deux volets. Le premier porte sur votre rôle en tant que promoteur de nouveaux talents, de nouveaux radiodiffuseurs, de raconteurs culturels qui en sont à leur début. Pouvez-vous nous décrire le rôle que vous jouez à ce chapitre et aussi par rapport à la SRC? Ensuite, est-ce que l'Internet, MySpace et toutes ces autres formes d'expression ou pépinières culturelles constituent pour votre secteur un débouché, un défi, une menace?
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Je me rappelle quand votre formation est passée par Halifax, au début des années 1980. Je me souviens des affiches. Je travaillais déjà dans le domaine à ce moment-là.
Ce qui m'avait attiré chez CKDU, à Halifax, c'est le fait que je ne pouvais entendre de la musique jazz sur aucune autre station. Même chose pour la musique rock. La radio communautaire remplit ce rôle depuis les années 1970. Les gens entendent une formation qu'ils aiment, et parce qu'ils animent une émission, ils peuvent diffuser cette musique sur les ondes. Les décisions qui impliquent des risques permettent d'assurer la découverte de nouveaux talents.
C'est à l'époque où je travaillais pour CKDU, à Halifax, que Sarah McLachlan a donné son premier concert avec sa première formation, un groupe de techno-pop. La station radio en a fait la promotion. Nous avons lancé sa carrière, tout comme celle de Sloan. On voit la même chose se produire partout au Canada. Et cela continue.
Les radios communautaires et étudiantes continuent de jouer un rôle important dans ce domaine, parce que nous avons un auditoire très vaste, ce qui n'est pas le cas de MySpace et des autres sites, leurs auditoires étant très fragmentés.
Cela ne veut pas dire que nous n'accordons pas une plus grande place aux nouveaux médias. Au contraire. Nous voulons nous lancer dans la diffusion de nouvelles musiques pour baladeur, dans l'audio sur demande, et ce, pour tous nos auditoires, rendre ce matériel davantage accessible dans les formats qui intéressent les gens.
Mais il n'y a rien comme le fait d'avoir un espace physique où l'on peut apporter un DC et dire, « Écoutez cela. C'est moi qui l'ai réalisé. » On va probablement le jouer et quelqu'un va en faire la critique. C'est comme cela que les carrières naissent.
Je vous remercie de vos observations. Je me demande s'il n'y a pas, ici, un conflit. Il y a quelques années, nous avons réalisé une étude sur l'état du système de radiodiffusion canadien. Une idée, entre autres, s'est dégagée de l'étude: soit le fait que la radio de Radio-Canada a le devoir et la responsabilité d'être plus représentative, de faire davantage au niveau local.
Voici la situation qui se présente dans ma circonscription, là où se trouve mon bureau. D'après la SRC, si nous recevons des fonds, la SRC va se charger de diffuser, dans la région des Kootenays, une émission matinale réalisée à Cranbrook. Le contenu de l'émission du midi va être accru. Celle-ci va conserver son caractère régional, car il y aura une personne sur le terrain qui se chargera d'alimenter le contenu. Celui-ci sera donc amélioré. Les nouvelles locales seront incorporées dans le radio-journal, sept jours sur sept. Il y aura également un volet culturel: les artistes locaux seront entendus à la radio locale. Il sera ainsi possible de promouvoir la culture locale, de favoriser le rayonnement des artistes de la région des Kootenays, y compris les auteurs, les comédiens, les musiciens — bref, les artistes de tout genre. Ils ont besoin de 25 millions de dollars pour mettre le projet en branle, et pas seulement ici, mais dans toutes les régions du Canada.
La SRC, et c'est tout à son honneur, a réagi de manière positive au rapport Lincoln. Elle va de l'avant. Or, si je me fie à ce que vous avez dit aujourd'hui, j'ai l'impression que sa démarche cadre, en fait, avec vos attentes. Je pense qu'il y a, ici, un conflit, ou une apparence de conflit. Je me demande si vous pouvez nous aider à éclairer la situation.
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Je voudrais faire un bref commentaire au sujet du rapport Lincoln. Cette étude portait sur le système de radiodiffusion canadien. Nous n'en faisions pas partie. Notre secteur en était exclu. Et je pense que c'est l'une des raisons pour lesquelles nous sommes ici aujourd'hui. Nous avons demandé au comité de mener une étude similaire sur les radios étudiantes et communautaires. On nous a dit qu'il serait peu probable qu'une telle étude soit réalisée, qu'il fallait venir rencontrer le comité en personne.
Même chose pour le rapport Lincoln: nous avons été exclus de cette étude, mais comme il faut continuer d'augmenter le contenu local et communautaire, il est naturel que cette responsabilité, d'après le rapport, revienne à la SRC. Et je trouve merveilleux que la SRC veuille faire autre chose dans ce domaine, mais qu'en est-il des stations qui remplissent déjà un rôle à ce chapitre? Vous parlez d'accroître le contenu local de cette station, sauf qu'il y a déjà au moins deux stations de radio dans la région des Kootenays, dont une qui est en train de voir le jour, à Castlegar. Je me trompe peut-être. Mais elles remplissent déjà ce rôle et toutes les émissions sont locales. Il n'y a personne, au niveau régional, qui fournit de l'information à quelqu'un d'autre. Tout est fait par les personnes qui travaillent au niveau local.
Si le rapport Lincoln nous avait accordé davantage d'attention, les rôles auraient été un peu plus clairement définis.
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Nous reprenons nos travaux.
Je voudrais discuter de la réunion de jeudi. Le comité doit faire le point sur l'étude actuelle, afin d'avoir une idée précise des questions qu'il entend aborder lors de ses dernières réunions à St. John's et à Montréal.
Vous allez recevoir, aujourd'hui, une ébauche du rapport et des recommandations. Je propose que la réunion de jeudi se tienne à huis clos, puisque nous allons examiner certaines des recommandations formulées. D'après une pratique de longue date à la Chambre des communes, les rapports de fond doivent rester confidentiels jusqu'à leur dépôt à la Chambre.
Êtes-vous d'accord pour que le comité se réunisse, jeudi, à huis clos?
Des voix: Oui.