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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 005 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 mai 2006

[Enregistrement électronique]

(1540)

[Traduction]

     Je vois que nous avons le quorum, la séance est ouverte. Notre comité est le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    Nous sommes ici aujourd'hui, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, pour étudier le rôle du Canada lors d'interventions internationales complexes en mettant l'accent sur les efforts du Canada en Haïti.
    Nous sommes très heureux d'avoir avec nous aujourd'hui l'Honorable Peter MacKay, ministre des affaires étrangères et du développement international. Nous l'avons vu en Afghanistan. Nous l'avons vu en Europe. Nous le voyons aujourd'hui devant notre comité.
    Monsieur le ministre, bienvenue au comité des affaires étrangères. Pour suivre le processus normal, vous allez faire une déclaration puis vous répondrez aux questions du comité.
    Monsieur le ministre.

[Français]

    Vous avez raison, monsieur le président. Merci à tous ceux qui travaillent à ce comité. Comme le président l'a dit, les enjeux de nos relations avec d'autres pays sont très complexes, et il faut toujours faire des efforts multinationaux dans le monde des affaires étrangères.

[Traduction]

    Monsieur le président, merci de m'avoir invité à parler du travail du Canada en Haïti. C'est peut-être l'un des meilleurs exemples de ce que vous venez de décrire où beaucoup de pays collaborent pour sortir Haïti de ses troubles actuels.
    La démarche adoptée par le Canada, son expertise et sa bonne réputation ont contribué à renforcer le rôle de premier plan qu'il a joué dans les efforts déployés par la communauté internationale pour rétablir la stabilité dans ce pays qui demeure le plus pauvre de l'hémisphère et l'État le plus fragile. Nous reconnaissons que la communauté internationale doit s'engager à long terme pour appuyer la réalisation des priorités d'Haïti. Nous nous rendons compte aussi de la nécessité d'adopter une démarche plus globale en matière d'aide d'urgence, de sécurité, de réhabilitation et du développement à long terme.
    Le Canada peut continuer à faire une différence, en se basant sur ses investissements anciens et récents afin de maintenir son rôle de leadership auquel s'attendent les Canadiens, les Haïtiens ainsi que nos principaux partenaires, notamment l'Union européenne, l'Amérique latine et les États-Unis.

[Français]

    Ce qui se passe en Haïti touche le Canada, la région, les États-Unis et nos partenaires des Caraïbes. Haïti, où le crime organisé et les problèmes de la migration illégale continuent de présenter de sérieux défis, demeure un point de transit important pour la drogue et les armes. La situation dans ce pays présente aussi des risques pour la santé en raison des possibilités de propagation des maladies dans une région qui est une grande destination touristique des Canadiens.
     La stratégie pangouvernementale du Canada a été axée sur la création de conditions favorables à la réussite de la reconstruction à long terme d'Haïti, et sur l'appui de ces conditions. Il y a eu une collaboration et des consultations intenses entre AEC, l'ACDI, le MDN et la GRC.

[Traduction]

    Donc, monsieur le président, quelles sont les conditions préalables à cette réussite?
    La sécurité, d'abord et avant tout. Le renforcement du processus démocratique et la gouvernance démocratique. Ces conditions peuvent être combinées avec des facteurs importants comme les droits de la personne, les efforts de reconstruction et un courant politique favorable. Il semble qu'il y maintenant une volonté de part de nombreux partenaires internationaux pour aider Haïti, donc le temps presse.
    La sécurité demande une collaboration étroite avec la Mission de stabilisation des Nations unies en Haïti, le MDN et la GRC répondent aux besoins urgents de sécurité et de stabilisation. Le rétablissement et le maintien de la sécurité sont absolument vitaux.
    Jusqu'à 100 policiers canadiens participent à la Mission de stabilisation des Nations unies, dont le mandat est d'assurer la sécurité, de rétablir la loi et l'ordre public et de réformer la police nationale d'Haïti. Le Canada maintient aussi une présence stratégique en ayant des officiers clés au quartier général de la mission, dont le major général et le commissaire de la police civile des Nations unies.
    Le Canada travaille avec les autorités haïtiennes et avec ses partenaires internationaux afin de s'assurer que le nouveau mandat de l'ONU en Haïti -- qui remplacera celui qui se termine en août -- contribue comme il convient au développement nécessaire économique et social à long terme d'Haïti.
    En ce qui concerne le processus et la gouvernance démocratiques, des élections crédibles et l'investiture d'un gouvernement élu étaient essentielles à la reconstruction et au développement à long terme d'Haïti. La contribution du Canada à la fois financière -- plus de 30 millions de dollars -- et au processus électoral est bien reconnue par les Haïtiens et par nos partenaires internationaux. Élections Canada, dirigé par Jean-Pierre Kingsley, a mené une mission internationale qui comprenait sept associés bilatéraux et quelques 130 observateurs canadiens dont des députés, comme vous le savez, notamment mes collègues M. Goldring et Mme McDonough. Je crois qu'il y avait un autre membre du comité, si je ne m'abuse.
    Haïti est le deuxième plus important bénéficiaire des programmes d'aide bilatérale du Canada qui se sont élevés à environ 190 millions de dollars pour les deux dernières années, soit 10 millions de dollars de plus que ce qui avait été prévu au départ.
    De plus, le Canada a fourni 5 millions de dollars pour appuyer les efforts consentis par les Nations unies pour améliorer la sécurité pendant les élections, notamment le déploiement de 25 policiers canadiens experts et de 3 500 observateurs nationaux.durant cette période très critique.
    Les résultats des élections de février sont rassurants. il y eut une participation électorale sans précédent de 63 p. 100, de sorte que les électeurs ont donné un mandat fort au président René Préval. cet appui politique et généralisé est indispensable si l'on veut que la stabilité et la reconstruction à long terme d'Haïti se poursuive.
    Pour ce qui est de l'avenir, monsieur le président, le Canada s'engage à fournir les ressources nécessaires pour aider Haïti à rétablir des institutions publiques efficaces parmi lesquelles, les institutions d'application de la loi et les institutions judiciaires. il y a encore un secteur qui demande beaucoup d'attention et d'efforts, c'est celui de l'anarchie qui règne en Haïti. Donc une forte police nationale et un système judiciaire d'application de la loi sont essentiels.
(1545)

[Français]

    En ce qui a trait aux droits de la personne, j'aimerais souligner que bien qu'il y ait eu des progrès sur le plan démocratique, il reste beaucoup à faire sur le plan des droits de la personne. La faiblesse du système juridique d'Haïti suscite des inquiétudes sur ce plan en raison des détentions prolongées sans procès ni jugement.
    En plus de sa contribution de plus de 190 millions de dollars, le Canada a joué un rôle de premier plan en élaborant et en renouvelant le Cadre de coopération intérimaire avec les Haïtiens et ses partenaires internationaux. Dans les jours à venir, ma collègue de l'ACDI, la ministre Verner, donnera un briefing au comité et fournira plus de renseignements à cet égard.
    Le Canada a travaillé fort pour qu'Haïti demeure au sommet des priorités de l'agenda international. Nous nous sommes attachés à faire pression auprès du G-8, des Nations Unies, de l'Organisation des États américains et du Sommet des Amériques pour le maintien de l'engagement envers Haïti. Le Canada est particulièrement heureux de voir ses partenaires de l'Amérique latine, en particulier l'Argentine, le Brésil et le Chili, assumer un rôle de chef de file, et de voir aussi l'engagement renouvelé de la part de la CARICOM.

[Traduction]

    Monsieur le président, la responsabilité des Haïtiens est bien sûr l'un des objectifs finaux. Nous avons été à la tête des efforts destinés à réunir le secteur privé haïtien autour d'une table pour discuter des conditions minimales qu'exige le rétablissement économique du pays. Une réunion a ainsi eu lieu à Ottawa à l'automne dernier. Une fois de plus, cette initiative a produit de bons résultats, et nous nous attendons d'avoir une autre réunion de suivi dans les prochains mois.
    Lors de sa récente visite en Haïti, Son Excellence la Gouverneure générale a aussi lancé un appel au secteur privé et à la société civile pendant le discours qu'elle a prononcé à la Chambre de commerce haïtienne. J'anticipe avec plaisir de rencontrer la Gouverneure générale cette semaine avant de me rendre moi-même à Haïti la semaine prochaine. Je sais qu'elle aura, pour des raisons personnelles et d'autres raisons, beaucoup de choses à dire sur sa visite qui a été très médiatisée au Canada, et plus important encore, bien reçue en Haïti.
    Le renforcement des capacités, le rôle des parlementaires, le rôle que l'opposition doit jouer dans un parlement haïtien sont aussi des expériences importantes que les membres du comité et ceux qui parmi vous qui ont participé au processus électoral peuvent partager avec un parlement haïtien. Nous envisageons d'entreprendre de gros des efforts sur le plan social. Tout cela est possible si la situation économique est stable et durable en Haïti.
    Peut-être le plus grand enseignement à tirer des efforts passés est que les Haïtiens eux-mêmes prennent la direction et la responsabilité de la mise en oeuvre de leur programme de développement. Pour que les Haïtiens prennent leur avenir en main, il faut absolument la participation de tous les secteurs de la société.
    En juillet se tiendra une conférence, dont un grand nombre d'entre vous a peut-être entendu parler, où se retrouvera la communauté internationale pour discuter des engagements qui seront nécessaires dans les jours à venir. Je crois que cette conférence attirera beaucoup d'attention,
    Cela nous mène à parler de l'engagement politique de haut niveau. Les visites de ministres et de fonctionnaires haut placés et les conférences sur Haïti sont nécessaires au maintien du courant international favorable qui atteste de l'importance que nous et nos partenaires internationaux attachons à la stabilisation et aux efforts de reconstruction en Haïti.
    Au cours des derniers mois, nous avons eu des occasions de montrer que le Canada maintient son engagement envers Haïti. J'ai mentionné la visite de la Gouverneure générale, mais nous avons eu la visite de l'ex-premier ministre Latortue et du président Préval ici à Ottawa il y a juste quelques semaines. Il était évident, que son nouveau gouvernement, qui n'avait pas encore prêté serment, appréciait au plus haut point le soutien du Canada et espérait qu'il serait maintenu.
    Je voudrais aussi mentionner que le secrétaire parlementaire aux affaires étrangères, Peter Van Loan, a aussi assisté à la conférence internationale sur Haïti à Brasilia au Brésil; il a eu l'amabilité d'y aller à ma place et m'en a fait un compte-rendu.
    Nous nous attendons à ce que le Canada soit très présent à d'importantes activités à venir comme à l'assemblée générale de l'Organisation des États américains en République dominicaine, à laquelle j'assisterai, et la Conférence internationale pour les annonces de contribution en juillet, à laquelle le Canada participera.
    Finalement, les prochaines étapes. Comme nous l'avons vu dans le passé, il semble que Haïti soit de nouveau à la croisée des chemins. De grands des obstacles assombrissent ses perspectives de rétablissement et de reconstruction. L'insécurité qui persiste se nourrit de la faiblesse de la gouvernance et de la corruption généralisée, ce qui rend les défis d'un vrai développement social et économique encore plus difficiles à relever.
    Le gouvernement haïtien doit faire des efforts pour établir le contact avec les partis de l'opposition, afin de les faire participer aux consultations et de mettre fin à l'affrontement qui caractérise la politique haïtienne. Les élections municipales et locales devraient être tenues au plus tôt de manière à assurer les fondements du développement démocratique et montrer que les citoyens peuvent contribuer à la transformation de leur vie.
    Le gouvernement doit aussi adopter des mesures pour régler un grave problème qui continue à sévir, celui des bandes organisés qui sillonnent dans certaines régions, terrorisent la population et créent une grande instabilité.
(1550)
    Le leadership canadien ne signifie pas que le Canada s'occupera seul de tous ces problèmes, mais il exige un engagement politique de tous les niveaux de gouvernement afin de s'assurer que les Haïtiens et les partenaires internationaux demeurent axés sur la question. Nous avons tiré des leçons de l'échec des efforts internationaux s'accomplit dans le passé en Haïti. Nous savons qu'un engagement international soutenu, la responsabilisation des Haïtiens et une collaboration bien coordonnée sont les clés du succès.

[Français]

    Finalement, monsieur le président, maintenant plus que jamais, nous devons fournir un appui continu au nouveau gouvernement afin d'enraciner le processus de transformation qui assurera le respect des droits de la personne, le retour de la stabilité et de l'ordre, ainsi qu'une meilleure gouvernance. Il s'agit d'un rôle que nos partenaires principaux, notamment les États-Unis et l'Union européenne, attendent de nous, un rôle sur lequel nous pouvons bâtir des relations spéciales partout dans notre hémisphère.
    Les récents événements politiques ainsi que les actions et les déclarations du président Préval nous ont donné des raisons de faire preuve d'un optimisme prudent relativement à l'avenir des Haïtiens et de leur pays.
    Merci, monsieur le président. Je serai très heureux de répondre aux questions des membres du comité.

[Traduction]

    Très bien. Merci, monsieur le ministre.
    Nous allons passer au premier tour de cinq minutes.
    Oh! C'est un ministre. Ça pourrait être difficile, puisque nous avons commencé en retard, mais si vous voulez passer à un tour de 10 minutes, nous le ferons.
    Commençons par M. Patry.
    Monsieur le président, je resterai le temps qu'il faut.
    Bien. Nous attendons deux autres témoins à 16 h 30 nous pourrons peut-être prolonger la séance, mais pas trop.
    Monsieur Patry. Merci.
    Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je partagerai mon temps de parole avec quelques collègues.
    Merci, monsieur MacKay. Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui.
    M. MacKay, dans vos remarques préliminaires vous avez dit que la sécurité, le processus et la gouvernance démocratiques, les droits de la personne, la reconstruction, le courant politique favorable, la responsabilité des Haïtiens, l'engagement politique de haut niveau étaient les prochaines étapes. Ça fait beaucoup. Vous avez conclu en disant :
Nous avons tiré des leçons de l'échec des efforts internationaux accomplis dans le passé en Haïti. Nous savons qu'un engagement international soutenu, la responsabilisation des Haïtiens et une collaboration bien coordonnée sont les clés du succès.
    Je suis allé à Haïti ces trois dernières années, le climat d'insécurité est permanent. Récemment, Droits et démocratie à Montréal et une coalition d'ONG du Québec ont publié une lettre qu'ils ont envoyée à Kofi Annan concernant Haïti, je vous lis des extraits :
Dans le domaine de la sécurité de la personne, il est évident que les résultats de la MINUSTAH sont médiocres.
et :
Nous avons du mal à comprendre pourquoi MINUSTAH, qui est sur le terrain depuis presque deux ans avec une force de deux mille soldats, des centaines de policiers et une solide infrastructure, ne peut pas remplir son mandat qui est de rétablir l'ordre et la sécurité dans le pays et de désarmer les bandes.
    Je pose ma question, sachant que le mandat de la MINUSTAH, la force de stabilisation des Nations Unies en Haïti, doit être renouvelé au mois d'août prochain, le 15 août de cette année, que peut-on faire à court et à long termes pour améliorer l'efficacité opérationnelle de la MINUSTAH notamment dans les domaines des droits de la personne, du désarmement des bandes armées et de la réforme de la police nationale?
(1555)
    Merci pour votre question, monsieur Patry.
    Je crois qu'actuellement, en Haïti, on peut voir que le Canada assume un rôle de leadership. Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration d'ouverture, notre pays joue maintenant un rôle plus actif en matière de sécurité; c'est-à-dire que nous nous employons à faire davantage de formation. Jusqu'à 100 agents de la GRC et des polices municipales ont le mandat de travailler avec les autorités et la police haïtiennes, dont bon nombre des effectifs sont en formation, afin de pouvoir s'acquitter efficacement de cette tâche ardue qui consiste à rétablir la loi et l'ordre public ainsi que la stabilité dans les communautés.
    Comme vous le savez, c'est un Canadien qui occupe là-bas le poste de commissaire, et il s'agit d'un élément majeur de la contribution du Canada. Le rétablissement de la sécurité, qui est à mon avis le plus grand défi, nécessitera du temps. On ne peut tout bonnement imposer la sécurité du jour au lendemain, d'autant plus que ceux qui profitent de l'illégalité opposeront une résistance active. C'est pareil dans n'importe quel pays, y compris le nôtre. S'attaquer au crime organisé n'est pas une mince affaire, et les confrontations sont inévitables. C'est la triste réalité en Haïti.
    Le Canada a consacré 5 millions de dollars à l'accroissement de la sécurité et à la formation. Cela s'est avéré particulièrement important pendant les élections, et je pense que nous pouvons en déduire que des efforts redoublés en matière de sécurité peuvent donner des résultats. Lors de ces élections, nous avons été témoins de la participation accrue des Haïtiens et de leur désir d'adhérer au processus démocratique, et je crois que cela augure bien.
    Certes, nous pouvons réfléchir aux événements passés et aux erreurs commises. Certaines des leçons que nous avons tirées sont essentielles mais, pour répondre directement à votre question, je crois qu'il importe surtout qu'à court terme, nous tirions parti de nos récents succès pour pousser plus avant nos efforts de stabilisation, avec l'aide de la police et en formant nos représentants là-bas. Cela exigera un travail acharné, de la formation et un engagement de la part du personnel dévoué qui est en Haïti pour accomplir cette lourde tâche.

[Français]

    Merci, monsieur le ministre.
    Avant de céder la parole à mon collègue, j'aimerais que vous vous engagiez formellement à faire en sorte que votre gouvernement soit présent en Haïti aussi longtemps que le peuple haïtien aura besoin du Canada. Selon moi, il serait très important que votre gouvernement énonce aujourd'hui une position claire, nette et précise.

[Traduction]

    Eh bien, certainement.

[Français]

    Ce gouvernement a l'intention de rester en Haïti tant et aussi longtemps que ce sera nécessaire, afin de compléter les tâches de renforcement des efforts internationaux avec les autres partenaires. Notre travail n'est pas encore terminé. Le Canada y sera donc pour une période indéfinie.
(1600)

[Traduction]

    Monsieur Wilfert.
    Oh, je suis désolé, monsieur Martin. M. Wilfert parlera au second tour de table.
    Merci, messieurs MacKay et Khokar, de votre présence parmi nous aujourd'hui.
    J'ai deux brèves questions qui s'inscrivent dans la même veine que celles de mon collègue, M. Patry. Ce doit être très décourageant pour tous ceux qui parmi nous sont concernés par ce qui se passe en Haïti depuis un certain temps.
    Nous avons investi beaucoup d'argent. Ma question est celle-ci : en prenant les objectifs de développement du millénaire comme mesure de réussite ou d'échec — nous avons investi 190 millions de dollars ces deux dernières années et des sommes encore plus considérables avant cela —, où en sommes-nous en ce qui concerne les objectifs de développement pour Haïti? Savons-nous s'il y a eu des changements au chapitre de la pauvreté, dans les statistiques relatives à la santé des mères et à la mortalité ou encore à l'accès à l'éducation? Savons-nous combien de policiers haïtiens nous avons formés? Comme vous l'avez dit, tout cela est absolument essentiel à la réussite et à la stabilité du pays.
    Merci.
    Merci, monsieur Martin. Félicitations pour votre récente nomination à titre de porte-parole officiel en matière d'affaires étrangères.
    D'après les statistiques dont je dispose, en plus d'une partie de la police active — GRC ou police municipale — et de la présence très modeste de militaires qui sont là-bas à des fins d'instruction, des officiers de police à la retraite font eux aussi de la formation afin de poursuivre les efforts de stabilisation contre les gangs et le crime organisé. Quant à notre façon d'analyser les résultats tangibles, c'est un peu plus compliqué.
    Concernant le nombre de policiers qui ont été formés et ce dont le Canada et nos policiers peuvent s'enorgueillir, je ne peux vous donner de statistiques. Mais je peux demander au ministère quelle est l'ampleur de la formation et combien de policiers participent au processus. Je m'engage à vous fournir ces renseignements.
    Pour ce qui est des objectifs du millénaire, de l'avis de tous, il s'agit d'un projet à long terme. Je dirais que Mme Verner, la ministre qui comparaîtra également devant vous, serait la mieux placée pour vous fournir des données exactes sur l'utilisation de cet argent et ce à quoi les Haïtiens et le président Préval ont demandé que les fonds soient consacrés.
    Encore une fois, je ne dis pas cela dans un esprit partisan ou de manière frondeuse, mais il est évident que le Canada s'est engagé à long terme. Depuis l'arrivée au pouvoir de notre gouvernement, il y a plus de 100 jours, nous avons dû faire un examen rétrospectif afin de tenter de déterminer où en est la contribution du Canada par rapport aux objectifs du millénaire, particulièrement concernant Haïti. Mais je vous ferai parvenir cette information, à vous et au comité.
    Merci, monsieur le ministre.
    Madame Lalonde.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, monsieur le ministre. Kofi Annan avait dit que la communauté internationale devrait être en Haïti pour 10 ans, mais il aurait dû ajouter les mots « au moins ».
    J'aimerais revenir rapidement sur la question de la sécurité puisque, après le départ d'Aristide, nous avons, à ce comité, rencontré des ONG qui nous ont fait des recommandations pour rétablir la sécurité. Outre ce qu'on a déjà dit sur la nécessité d'une collaboration entre la MINUSTAH et la police nationale, elles disaient qu'il fallait procéder au désarmement.
    Après l'intervention de Clinton, en 1994, avec ses 24 000 soldats, il n'y a pas eu de désarmement. Haïti a donc continué à être envahie, à être le lieu de circulation d'armes et de drogue en provenance des États-Unis. Les gangs politiques de tous ordres pouvaient donc s'approvisionner facilement.
    Or, j'ai posé la question à plusieurs reprises à la Chambre des communes et on m'a répondu que la MINUSTAH n'avait pas un mandat de désarmement. Vous engagez-vous à vous informer et à faire le nécessaire pour qu'on puisse, dans le respect des décisions du premier ministre Préval, faire en sorte de désarmer ce pays? Autrement, parler de sécurité, c'est se leurrer.
    Deuxièmement, est-ce que la volonté politique de votre gouvernement va dans le sens d'aider la population à se reprendre en main et non pas de la développer à sa place? Je sais que la réponse semble évidente. Cependant, la façon de faire de tous ceux qui vont intervenir en Haïti peut consister davantage à remplacer qu'à aider.
    Vous engagez-vous aussi à aider? Ce sont mes deux questions de principe.
(1605)
    Merci pour votre question, madame Lalonde. Je vais vous répondre en anglais, si vous me le permettez.

[Traduction]

    En matière de déploiements en Haïti, vous avez raison, il y en a eu quelques exemples, récents ou non. Ils ont été très réussis, si je puis m'exprimer ainsi, quand ils étaient de nature internationale et chapeautés par l'ONU. Le Canada a participé à ces déploiements jusqu'en 1994. À l'origine, 530 soldats canadiens faisaient partie de cette force intérimaire mandatée par l'ONU, et ils sont restés en Haïti jusqu'au milieu de 2004.
    La direction de cette force onusienne a changé à quelques reprises. Je crois que ce sont actuellement les Brésiliens qui dirigent la mission en Haïti, et cela doit changer encore au cours de l'été, en août. Dans l'immédiat, le Canada n'a aucun plan de redéploiement ou d'envoi de personnel. Six troupes des Forces canadiennes se trouvent là-bas en ce moment.

[Français]

    Ma question ne portait pas sur le fait que vous remplaciez, mais sur votre capacité — vous êtes un des intervenants majeurs — d'insister pour qu'on procède au désarmement.

[Traduction]

    Il ne fait aucun doute que les forces de l'ONU et le Canada, par sa présence policière, doivent se concentrer sur le désarmement. Comme vous le savez, cela concerne principalement les armes légères, les armes de poing. Il y a également les carabines, mais le problème des armes de poing est criant en Haïti.
    Malheureusement, dans ce pays, il y a des fusillades presque quotidiennement à cause de la prolifération des armes de poing. Je sais de source officielle que c'est une préoccupation centrale en ce moment. C'est là-dessus que nos représentants concentrent leurs efforts, de concert avec la police civile — la nôtre, la force de police multinationale qui y est déployée et la police haïtienne en formation — et les militaires afin de régler le problème.
    En ce qui concerne votre question de nature altruiste concernant le besoin des Haïtiens d'avoir davantage de responsabilités et de prendre en mains leur vie et leur destinée, je dirais que c'est là-dessus que portait le puissant message lancé par la gouverneure générale au cours de sa visite en Haïti. Je crois qu'elle en a appelé à l'autonomisation des chefs d'entreprises et des communautés afin qu'ils puissent participer plus activement au développement des capacités ainsi qu'aux événements qui visent à élever le statut de chacun.
    Il y a une limite à ce que la communauté internationale peut accomplir sans une implication active et complète des politiciens, mais aussi de la population elle-même et des dirigeants des communautés qui font actuellement face à d'énormes défis. Mais je dirais, et je pense que vous serez de mon avis, que notre philosophie doit être celle-ci : nous sommes là-bas pour apporter notre aide, mais c'est aux Haïtiens qu'il revient, en fin de compte, de prendre des décisions; nous ne pouvons que les accompagner dans la voie qu'ils auront choisie, afin qu'un jour, ils puissent voler de leurs propres ailes.
    Merci.
    Madame Bourgeois, vous avez quatre minutes.

[Français]

    Bonjour, monsieur le ministre.
     Selon tous les renseignements et les documents que j'ai lus concernant Haïti, il semble qu'il y règne un climat permanent d'insécurité et d'impunité. La majorité des organismes non gouvernementaux et des universitaires qui travaillent là-bas semblent dire qu'il faudrait régler le problème de la sécurité avant de passer à autre chose.
    En Afghanistan, il existe un problème d'insécurité. Le Canada s'est empressé d'envoyer des soldats pour aider à la reconstruction du pays mais également pour sécuriser le pays. Comment se fait-il que le Canada ait été très discret, très timide à l'égard de la situation en Haïti?
    Lorsque M. Préval est venu au Canada, le gouvernement conservateur n'a pas mis beaucoup l'accent sur sa visite. Pourquoi? Y avait-il une certaine gêne face à M. Préval lors de sa visite au Canada?
(1610)
    Merci pour votre question. Je vais répondre tout d'abord à la dernière partie. Il n'y a pas eu de gêne ni d'efforts faits en vue de minimiser la présence du président Préval lors de sa visite.

[Traduction]

    Lui et moi avons eu des rencontres bilatérales très productives. Il a assisté à une réception où certains membres du comité étaient également présents. Je peux vous dire — et j'hésite à le faire — que son état de santé n'était pas bon pendant son séjour au Canada. Il m'a paru évident qu'il faisait des efforts considérables pour assister aux réunions. C'est un homme très déterminé, et son attitude témoigne de son leadership et de l'ardeur qu'il met à aider son pays. C'est pour cette raison que de nombreuses réunions ont été écourtées et que M. Préval a dû retourner à son hôtel pour se reposer. Peut-être est-ce aussi pour cela que les médias n'en ont pas davantage parlé. Je vous fais seulement part de mes observations.
    On vient de me rappeler qu'au moment de sa visite, M. Préval n'avait pas encore été investi à titre de président. Il n'avait pas encore été assermenté, ce qui explique peut-être le protocole qu'on a utilisé.
    En réponse à votre question, oui, le Canada participe en Afghanistan à une mission sous l'égide de l'ONU dans ce qui constitue notre déploiement le plus important depuis celui de Corée. Nous y avons actuellement 2 300 soldats en rotation constante. Jusqu'à présent, environ 14 000 soldats ont été déployés par roration. Les objectifs sont similaires. Comme vous l'avez dit, il s'agit de rétablir la stabilité dans la région. Je dirais que dans bien des cas, c'est une décision politique que de déterminer où nous déploierons les troupes canadiennes. Le déploiement en Afghanistan s'est fait sous le gouvernement précédent, et nous l'avons appuyé.
    Le déploiement qui a eu lieu précédemment en Haïti a également été décidé par un autre gouvernement. Actuellement, il n'y a aucune demande pour accroître la présence des troupes canadiennes là-bas. Compte tenu de la vaste force onusienne dirigée par les Brésiliens qui est en place, je dirais que c'est toujours possible, mais nous ne prévoyons pas que ce sera pour bientôt.
    Comme l'ont avancé de nombreuses personnes, y compris des membres de ce comité, actuellement, nous nous concentrons surtout sur le développement et l'implantation de la démocratie. Le Canada est impliqué sur plusieurs plans en matière de développement international. Mais en Haïti, c'est là-dessus que nous devons concentrer nos efforts. À cet égard, le Canada joue un rôle traditionnellement très marqué et axé sur le développement. Je pense que c'est une question que les Canadiens prennent très au sérieux en raison de la grande diaspora haïtienne au pays.
    Mais nous ne perdons pas de vue une seule seconde l'importance de la stabilité, qui justifie la présence d'une police nationale ainsi que des efforts pour former et accorder notre soutien en vue de la mise en place d'un système judiciaire fonctionnel qui respecte la primauté du droit et qui comprend une magistrature.
    Dans les faits, nous pourrions peut-être en faire plus. J'ai l'impression que c'est en bonne partie l'objectif visé par ce comité. Peut-être devrions-nous envoyer en Haïti davantage de juges, ou un comité de parlementaires qui parleraient de la nécessité d'un parlement efficace et fonctionnel, parce qu'à mon avis, cela constitue un défi imminent.
    J'en ai terminé, madame.
(1615)
    Merci, monsieur le ministre.
    La parole est à M. Goldring, suivi de M. Van Loan.
    Merci, monsieur le président. Je tiens aussi à remercier le ministre et M. Khokar de leur présence aujourd'hui.
    Monsieur le ministre, dans votre déclaration liminaire, vous avez indiqué qu'Haïti était à la croisée des chemins. Après avoir constaté les progrès réalisés durant mon bref séjour là-bas, je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point. Les dernières élections ont eu un effet stabilisateur, selon moi. On pourrait dire que le verre est à moitié plein. Malgré une participation électorale d'environ 30 p. 100, étant donné l'instabilité des élections précédentes et la stabilité relative de celles-ci, on a fait des progrès.
    J'ai parcouru le pays et observé aussi un certain développement industriel. Lorsque j'ai visité l'usine canadienne de Gildan, j'ai eu la surprise d'apprendre qu'en plus de cette usine bien gérée comptant quelque 1 300 employés, on prévoyait en ouvrir deux ou trois autres et créer entre 4 000 et 5 000 emplois. Souhaitons que ces emplois ne seront pas tous dans le secteur de la confection de vêtements; il y a beaucoup plus de possibilités à exploiter. C'est une population qui a envie et est très capable de travailler; ces emplois sont donc absolument nécessaires.
    Cependant, si l'on se penche sur les autres problèmes — dont certains devront être réglés probablement sous peu —, le plus flagrant est celui du quartier de Cité Soleil, toujours aux mains de bandes armées. Si le pays n'est pas sûr, la croissance économique, le tourisme ainsi que le renforcement des institutions et les réformes démocratiques sont tous compromis.
    Monsieur le ministre, a-t-on fixé un échéancier? A-t-on songé à prendre prochainement des mesures plus fermes pour remédier à l'instabilité, en particulier dans cet immense bidonville de la capitale haïtienne? À quoi peuvent s'attendre les citoyens?
    Permettez-moi d'abord, monsieur Goldring, de vous remercier pour l'engagement et l'initiative dont vous faites preuve depuis longtemps. Je sais que vous avez visité la région à quelques reprises et que vous manifestez une réelle volonté de changer les choses, non seulement en Haïti, mais aussi ailleurs dans les Caraïbes.
    Le gouvernement du Canada est tout à fait conscient du fait qu'il faudra beaucoup de temps pour obtenir les résultats escomptés. On doit établir des points de repère. Il doit y avoir des indicateurs évidents dans tous les secteurs de développement, notamment l'économie, le renforcement de la démocratie... Je propose qu'on se concentre principalement sur le maintien de l'ordre dans le pays qui, comme vous l'avez remarqué, laisse à désirer, pour ramener la stabilité.
    Vous êtes allé dans ces villes et ces communautés. Il y a toujours un groupe d'individus déterminés qui s'en prennent aux citoyens d'Haïti et qui, à mon avis, essaient de tirer parti de la vulnérabilité du pays. Haïti a presque atteint un seuil critique; le pays risque de s'effondrer si la communauté internationale n'intervient pas dans ces secteurs de développement et d'aide, et le rétablissement de l'ordre est la priorité en ce moment.
    Au risque de me répéter, les élections constituaient la meilleure preuve que les habitants en ont assez de cette lutte. Selon les témoignages et les rapports que j'ai reçus, de nombreuses communautés continuent d'être sous l'emprise de ces bandes -- de ces bandits, comme vous les appelez -- , ce qui cause de plus en plus de frustration à l'intérieur du pays.. Même dans les villes, les gens craignent pour leur vie. Le Canada a donc fait un effort concerté pour renforcer la surveillance policière.
    Nous avons parlé du désarmement. La démobilisation de ces bandes est cruciale, et la réintégration de leurs membres — après avoir été traduits en justice, si nécessaire — sera également importante. Je dirais que la réforme pénale est aussi essentielle. L'instauration d'un système de justice fondé sur la primauté du droit et l'obligation de rendre compte sera sans doute lente, mais il semble que tout cela commence à prendre forme.
    Je compte, tout comme vous, visiter ce pays pour voir de mes propres yeux les progrès accomplis et surtout sonder la population pour savoir dans quels domaines le Canada devrait continuer de concentrer ses efforts de façon structurée et diligente.
(1620)
    Merci.
    Monsieur Van Loan.
    Notre étude visait en partie à examiner les efforts passés du Canada et à en tirer des leçons. Haïti est considéré comme un bon objet d'étude étant donné que le Canada y a déployé de nombreux efforts par le passé qui se sont soldés par des échecs. Nous tentons notamment d'en déterminer les causes afin de ne pas commettre les mêmes erreurs à l'avenir.
    Au cours de discussions préliminaires auxquelles j'ai participé, on nous servait toujours la même réponse, c'est-à-dire qu'un engagement international durable était nécessaire. Le problème, c'est que la communauté internationale s'est retirée trop vite dans le passé. Vous savez, l'engagement du Canada est très important; il est grandement apprécié par les Haïtiens et aussi par d'autres.
    Pour maintenir un engagement international durable dans ce pays, nous devons avoir un plan et la capacité de garder nos partenaires engagés. Nous venons d'apprendre que l'Espagne a décidé de mettre fin à son engagement militaire en Haïti, comme elle l'a fait ailleurs dans le monde.
    Comment le Canada devrait-il s'y prendre pour que d'autres pays, même parmi ceux qui ne sont pas représentés là-bas, s'engagent en Haïti ou que ceux qui y sont déjà maintiennent leur engagement, pour que nous ne soyons pas les seuls à porter le fardeau?
    Je vous remercie de votre question, monsieur Van Loan. Je sais que vous revenez d'une conférence qui portait principalement sur ce sujet. Il faut trouver le moyen de garder la communauté internationale au coeur des efforts et de lui rappeler qu'à défaut d'un tel engagement, Haïti retomberait dans le chaos et l'anarchie.
    Le Canada peut faire valoir ce point à diverses occasions, comme vous l'avez fait au Brésil. J'assisterai à une conférence en République dominicaine la fin de semaine prochaine. Tous les principaux intervenants y seront. Malheureusement, en raison des conflits internes au Brésil et de certains événements sur la scène internationale, bon nombre de pays n'ont pas été aussi bien représentés qu'ils l'auraient pu. Toutefois, il y a cette conférence imminente organisée par l'OEA en République dominicaine, ainsi que la International Pledge Conference qui aura lieu en juillet, à Port-au-Prince ou à Washington, selon les circonstances. À mon avis, il s'agit d'une tribune idéale pour le Canada; il pourra non seulement démontrer son engagement durable à l'égard des Haïtiens, mais aussi encourager les autres à faire de même, à engager des fonds, à prendre des mesures concrètes et à assumer une mission à court et à long terme.
    Permettez-moi de revenir au point soulevé par M. Goldring sur le développement économique. C'est tout particulièrement grâce à ce type d'investissements — et les entreprises comme Gildan Activewear en sont un parfait exemple — que le Canada peut contribuer à la stabilité économique du pays. Toutefois, les entreprises sont interdépendantes étant donné qu'elles hésitent naturellement à investir dans un pays qui présente un taux de criminalité et des risques élevés et où règne l'anarchie.
    C'est une autre triste réalité. Compte tenu des circonstances politiques, mais aussi à cause du pillage des ressources du pays, la beauté naturelle de cette île des Antilles est aujourd'hui en grande partie détruite.
    Lorsqu'on compare avec la République dominicaine qui, il n'y a pas si longtemps, se trouvait, toutes proportions gardées, dans un contexte semblable, on peut constater à quel point l'industrie touristique et les investissements des agences de voyage et des Canadiens ont progressé, et combien les affaires sont florissantes.
    Cette île partagée connaît une dynamique très tragique. Les Haïtiens regardent leurs voisins et se disent : regardez comment on peut changer les choses, comment la situation pourrait et devrait être pour nous.
    Pour en revenir à ce que vous disiez, je pense que le Canada doit continuer de faire des interventions intelligentes et réfléchies à l'occasion de ces conférences afin d'expliquer son rôle, de manifester son engagement et d'encourager les autres pays à emboîter le pas.
(1625)
    Madame McDonough.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à dire combien j'ai apprécié l'occasion qui m'a été donnée d'aller en Haïti juste avant la cérémonie d'entrée en fonction de René Préval. J'ai appris beaucoup de choses. Certaines de mes craintes ont été confirmées, et sur d'autres choses, j'ai changé d'avis. J'espère bien que c'est ce que nous faisons tous quand nous faisons un tel voyage.
    J'ai tellement de questions à poser; j'essaierai de me résumer.
    Je suis très heureuse de vous entendre souligner l'importance des droits de la personne et de la règle de droit, et tout cela, mais j'aimerais commencer par parler de ce qui pourrait provoquer de l'embarras, quelque chose à quoi nous devons vraiment faire face.
    Vous savez que nous avons eu le privilège de rencontrer M. Préval en Haïti, avec son conseiller principal, Jacques Edouard Alexis. Quand M. Préval est venu au Canada, juste avant son entrée en fonction, M. Alexis a été empêché d'entrer au Canada — ce qui a été source d'un embarras monumental, je pense, pour le Canada — parce qu'en principe son nom figurait sur une « liste noire ». Je me demande si vous pouvez préciser exactement ce que cela signifie.
    Par la suite, la nomination de M. Alexis a été confirmée par une vaste majorité du Sénat et du Parlement, au poste de premier ministre désigné de Préval. Je me demande si vous pouvez m'expliquer comment nous allons remettre de l'ordre dans nos affaires et ce que cela signifie.
    Deuxièmement, je partage cet optimisme prudent, vraiment. On a, jusqu'ici, l'impression d'une véritable célébration, à en juger des espoirs qu'exprime la population, mais en même temps, des violations terribles des droits de la personne continuent, notamment la détention de prisonniers politiques qui n'ont jamais été accusés de quoi que ce soit. J'ai eu l'impressions, lorsque nous étions là, que l'une des tensions sous-jacentes venait de la nécessité de s'attaquer à cela avec détermination. Neptune, par exemple, est encore en prison. J'avais eu clairement confirmation qu'il serait libéré avant la cérémonie d'entrée en fonction. Il semble que ce ne soit pas arrivé. Je me demande ce que fait le Canada à ce propos.
    Troisièmement, je pense que ce que nous nous efforçons de faire, en matière de réforme pénale, de réforme des prisons, et de rendement du système judiciaire est très important. Je devrais préciser que je n'ai pas été étonnée, à la veille de la cérémonie, qu'il y ait eu un vaste soulèvement dans ce qui est certainement le pire pénitencier que j'ai vu de ma vie. Je n'en ai pas vu énormément, mais les conditions y étaient absolument épouvantables. Des adolescents qui avaient peut-être volé des poules pour sauver leur famille de la famine sont détenus avec des prisonniers politiques — coupables d'on ne sait quoi, et jamais accusés de quoi que ce soit — avec des assassins et des revendeurs de drogue. Personne ne sait exactement qui est coupable de quoi, parce que personne n'a jamais fait l'objet d'accusations. Nous avons vu une prison ou, selon les normes internationales, il devrait y avoir quatre ou six prisonniers par cellule, mais il y étaient 40. Ils pouvaient à peine se tenir debout, et ils avaient droit à une heure de sortie par jour. Je me demande si vous pourriez parler de ces choses-là.
    Enfin, j'aimerais dire combien j'ai été impressionnée par le leadership dont ont fait preuve les policiers, nos soldats, et quelques fonctionnaires là-bas. C'était rafraîchissant de les entendre insister sur le fait que la sécurité et le développement économique sont liés. Ils ont plaidé, vraiment, pour la réduction de la pauvreté et l'assainissement environnemental. Comme ils l'ont dit, nous pourrions nous retrouver à tenter de sauver un pays qui n'est pas viable si nous ne le faisons pas, et il est certain que c'est beaucoup de travail à faire.
    Je sais que j'ai posé quatre questions. J'aimerais entendre vos commentaires.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame McDonough, je sais que vous avez fait ce qu'il fallait, en ce qui concerne vos voyages en Haïti, et je connais aussi votre profond intérêt pour tous les aspects de la société haïtienne et pour les problèmes qu'elle connaît. Je suis heureux que vous ayez parlé d'assainissement environnemental, parce que ce sera l'un des énormes défis que devra relever le pays; la reforestation, la replantation. D'après ce que j'ai compris, des eaux de ruissellement des terres vers l'océan, qui sont le résultat de la dégradation environnementale qu'a connue le pays, est l'un des défis à plus long terme qui nécessitera un plan bien précis, dans lequel le Canada pourrait très bien... et c'est l'un de ces aspects qui ne retient pas beaucoup d'attention, peut-être parce qu'il n'est pas considéré comme pressant.
    À propos des droits de la personne, je ne peux qu'exprimer mon accord. Le Canada, encore une fois, à mon avis, peut tenir un rôle de leadership en la matière. Les Nations Unies, comme vous l'avez dit, sont en train de subir leur propre réforme et de créer un conseil des droits de la personne, et je pense qu'elles seront à court terme appelées avec insistance à jouer un rôle plus actif sur ce plan.
    Les cas particuliers dont vous avez parlé, notamment la nomination du premier ministre d'Haïti, Alexis, disons-le, est une affaire très délicate, à tout le moins. Je choisis mes mots avec beaucoup de prudence, en raison des lois qui protègent les renseignements personnels, alors nous ne pouvons pas commenter les détails de cette affaire. Il y a des problèmes, actuellement, avec Citoyenneté et Immigration Canada, qui nous ont retenus jusqu'ici d'accorder un visa, ne serait-ce qu'un visa de visite. Cependant, nous pouvons exercer une certaine discrétion. J'espère que nous pourrons très bientôt régler tout cela.
(1630)
    Mais le premier ministre ne fait-il pas l'objet d'accusations contre lesquelles il peut se défendre? Ou est-ce que nous tombons dans ces mêmes horreurs du manquement aux règles...
    C'est le problème.
    ... l'absence de règle de droit qui a fait qu'il y a des prisonniers politiques? Je ne pense pas qu'il nous faille un autre chapitre comme celui-là.
    Eh bien, nous ne le voudrions surtout pas. Mais d'après ce que je comprends — et bien des détails sont un peu confus à cause de l'absence de procédures établies et d'un système judiciaire fonctionnant tout à fait de la manière à laquelle nous sommes habitués — ce sont de justes allégations. Donc, nous essayons de trouver ce délicat équilibre entre le respect de l'opposition d'Haïti sur la question, et notre propre évaluation indépendante.
    En fait, nous sommes dans la position où nous devons fonder notre décision sur l'accès, à des fins de délivrance de visa, sur des renseignements qui nous sont fournis par Haïti, lesquels peuvent être ou non exacts, parce que rien n'a été éprouvé dans le cadre d'une audience judiciaire normale.
    Je ne pense pas que quiconque veuille suggérer que nous devrions prendre la décision sans consulter les autorités d'Haïti. Le problème, c'est qu'à cause de leur système de droit, et même, comme vous le savez, à cause de la fragilité de leur parlement actuel, qui essaie de s'établir et de prendre ses fonctions, ils n'ont pas de ministre de la Justice; ils n'ont pas de ministre des Affaires étrangères avec qui nous pourrions avoir ces discussions. J'espère que cela pourrait être en grande partie réglé quand ils auront au moins un gouvernement fonctionnel et un cabinet en place.
    Je réponds à vos questions de mon mieux sans chercher à les contourner. Mais selon moi, il nous faudra du temps pour pouvoir nous engager dans un dialogue concret avec le gouvernement lui-même au sujet de son premier ministre, ce qui est une véritable anomalie, à tout le moins. Mais il a été désigné démocratiquement, et nous devons le respecter.
    Il y a d'autres exemples, dans le passé, de dirigeants qui ont fait l'objet d'accusations similaires au sein de leur propre pays. Je pense que M. Martin connaît certains de ces cas où des dirigeants africains faisaient face à des accusations similaires mais ont été autorisés à venir au Canada. Donc, d'après les renseignements que nous avons, et par respect pour le pays en question, nous devons prendre une décision éclairée. Je pense qu'en toute justice, si vous voulez approfondir cette question, je vous inviterais à vous adresser au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. Mais nous devons, lui, moi et d'autres, encore discuter de cette question.
    Au sujet de la question tout aussi délicate de M. Neptune, c'est encore là un dossier dont le Canada s'est occupé activement. Nous avons soulevé cette question. Nous continuons de le faire. M. Neptune, à ce que j'ai entendu dire, est aussi dans une situation très vulnérable et pénible, puisqu'en prison, sa santé se détériore.
    C'est vrai, il avait été question qu'il soit libéré, ou à tout le moins qu'il aurait la possibilité de se défendre dans le cadre d'une audience judiciaire indépendante, peu avant l'entrée en fonction du nouveau gouvernement. Cela ne s'est pas fait. Mais le Canada a, à maintes reprises, soulevé la question et continuera de le faire. J'entreprendrai de me renseigner quand nous irons en République dominicaine, et je parlerai directement au président dans les prochains jours.
    Vous aviez plusieurs autres questions sur la réforme des prisons et du système judiciaire. Un régime juridique fonctionnel, un processus accusatoire fonctionnel, sont des aspects de la démarche en cours de renforcement général de la capacité. Je pense que le Canada, comme il l'a déjà fait dans le domaine du maintien de l'ordre, peut faire preuve de leadership, peut-être en envoyant là-bas du personnel. Je pense que nous avons un système judiciaire hautement fonctionnel et efficace, sur lequel Haïti pourrait prendre exemple. Nous avons des juges, qu'ils soient actifs et travaillent encore ou à la retraite qui, selon moi, seraient très heureux de pouvoir partager leur expertise et leur expérience. Donc, ce qu'il faut c'est les envoyer là-bas, ou peut-être, faire venir ici des membres du système judiciaire haïtien, pour entreprendre cette formation.
    Mais je pense que ce qui est le plus important, et le message que j'ai retenu de vous et d'autres qui sont venus, et de gens de mon propre ministère qui sont allés en Haïti, c'est que l'optimisme se propage peut-être en dépit de tout... La légèreté de la sonnerie de mon téléphone cellulaire est tout à fait dans le ton de ce sentiment d'optimisme.
(1635)
    Ce ne devrait pas être de faux espoirs que nous inspirons au peuple haïtien. Il faudrait tout de même des investissements phénoménaux dans bon nombre de ces domaines. Ce n'est pas qu'une question d'argent, comme vous le savez. Ce n'est pas seulement qu'une question de leur remettre des fonds et de leur dire d'arranger leurs affaires et d'utiliser cet argent à leur discrétion. Je pense qu'il faudra leur apporter beaucoup d'aide pour prendre de bonnes décisions sur la meilleure utilisation à faire de l'argent, sur l'engagement des ressources humaines et financières et, pour revenir à ce que disait Mme Lalonde, inspirer au peuple haïtien le sentiment qu'il prend charge de son propre avenir. Ceci, je pense, stimulera aussi l'orgueil national et le sentiment d'accomplissement.
    Je l'ai constaté. Vous et d'autres avez eu la chance de rencontrer René Préval. Il me semble être un homme de grande conviction, de grande détermination et qui a la volonté de voir son gouvernement réussir là où d'autres ont échoué, c'est-à-dire de finalement parvenir à extraire Haïti de ce tourbillon dans lequel se trouve le pays depuis des dizaines d'années.
     Je pense que l'optimisme est une bonne chose, mais ils auront besoin vraiment d'un soutien énorme et continu du Canada et de tous leurs partenaires internationaux, en particulier ceux qui sont sur le terrain, qui font ce travail. Le moins que puisse faire le gouvernement du Canada, c'est de continuer de les appuyer de son mieux.
    Merci, monsieur MacKay.
    J'espère que vous n'utiliserez pas... [Note de l'éditeur—Inaudible]... comme exemple de manière de créer des emplois de qualité. Je tenais à le dire.
    Merci, monsieur le ministre.
    Très rapidement, je vais accepter quelques questions très brèves de l'opposition.
    Monsieur Wilfert.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, vous avez parlé d'évaluation d'objectifs, et à mon avis, les espoirs qu'on place dans le nouveau président ne fait aucun doute. Le problème, comme vous le savez d'après nos discussions antérieures, est surtout celui du renforcement de la capacité au niveau local. Existe-t-il des instruments que nous n'exploitons pas actuellement?
    Nous regardons des facteurs comme la détérioration de l'environnement, et le moyen d'améliorer des aspects fondamentaux comme la situation sanitaire et les problèmes d'eau, les enjeux de l'emploi et des stratégies d'emploi à long terme. Y a-t-il des méthodes — et je dois faire vite, avec l'indulgence du président — que nous pourrions appliquer auxquelles nous n'avons peut-être pas songé, que vous ou le ministère pourriez être en train d'évaluer, pour y parvenir? De toute évidence, une importante somme d'argent, plus de 600 millions de dollars depuis une vingtaine d'années, n'a pas résolu le problème. Nous ne pouvons pas agir seuls. Mais est-ce que nous songeons à agir de concert avec d'autres?
(1640)
    Merci, monsieur Wilfert. J'apprécie votre question. Je vous remercie aussi pour les quelques suggestions et contributions très positives que vous avez faites à ce sujet et à d'autres.
    En un mot, oui. Je pense que l'ACDI, en particulier, est en train d'examiner tout un éventail d'aspects pour lesquels l'organisation pourrait apporter son aide, dans les domaines de l'environnement, de l'investissement dans l'économie et le renforcement de la capacité, certains des éléments fondamentaux dont vous avez parlé, que nous tenons tellement pour acquis. Je pense que l'eau salubre, l'hygiène, l'infrastructure, la construction de routes, l'accès, la possibilité de faire le va-et-vient entre un village et une ville pour chercher un emploi, sans parler de la capacité d'obtenir un emploi.
    Les fonctionnaires de l'ACDI analysent constamment ces aspects fondamentaux, en collaboration avec la communauté internationale et, peut-être plus important encore, avec les ONG qui sont là-bas, la Croix-Rouge, les nombreux groupes indépendants qui forment des partenariats. Cette analyse est ce qui permettra au Canada de prendre d'importantes décisions sur les investissements à faire, tant en ressources humaines que financières.
    Je m'attends aussi à ce que les importants travaux que fait ce comité aident le Canada à prendre des décisions justes et valables en ce qui concerne l'appui continu de l'ACDI au peuple d'Haïti.
    Encore une fois, je félicite les membres du comité et je suis impatient de lire le rapport, d'entendre d'autres témoins qui, je le sais, viendront ici faire des recommandations pratiques, aider à comprendre la situation en profondeur, parce qu'ils ont été sur place. Quant à moi, j'ai hâte d'aller en Haïti et de voir le travail qu'y ont fait les Canadiens, d'y amener certains des messages qu'ont fait ressortir les membres du comité ici aujourd'hui.
    Merci, monsieur le ministre.
    Pour terminer, j'aimerais préciser que je pense que tous les Canadiens, et certainement les gouvernements, ont reconnu qu'Haïti a suscité beaucoup de frustration. Pendant de nombreuses années, nous avons voulu faire une différence. Air Canada y a fait une énorme différence, mais il semble que chaque fois, nous avons été déçus. Je pense que tous les partis voudraient pouvoir faire plus, apporter un changement réel. Même votre venue ici, aujourd'hui, pour parler de certaines réalisations fondamentales que nous souhaitons, je pense, est un motif d'optimisme, peut-être un optimisme à court et à moyen terme.
    Je sais que vous cherchez toujours de nouveaux moyens d'appliquer les ressources là où elles sont nécessaires et peut-être, au fil de notre étude, à ce Comité, pourrons-nous rédiger un rapport qui pourrait être avantageux pour le ministère et pour vous.
    Merci à vous et à votre ministère d'être venus ici.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes, puis nous accueillerons d'autres invités, pour parler d'Haïti.
(1640)

(1645)
    Je déclare que la séance reprend.
    Nous avons le plaisir d'accueillir ici aujourd'hui Jean-Pierre Kingsley, le directeur général des élections, d'Élections Canada. Nous sommes aussi heureux d'accueillir Diane Davidson, qui est directrice adjointe des élections et premier conseiller législatif d'Élections Canada.
    Un jour que j'étais sur la route, M. Kingsley m'a appelé sur mon téléphone cellulaire pour me demander si je pourrais envisager d'inviter ici Jacques Bernard, le directeur général du Conseil provisoire d'Haïti. Nous sommes très heureux de l'accueillir aujourd'hui à notre comité.
    Nous vous souhaitons la bienvenue.
    Nous avons aussi un observateur, que j'aimerais vous présenter: Robert Tippenhauer, l'ambassadeur d'Haïti au Canada. Il est là-bas, à titre d'observateur.
    Nous vous souhaitons la bienvenue.
    J'aimerais aussi vous offrir nos excuses pour notre début tardif, mais nous sommes impatients d'entendre ce que vous avez à dire. Nous avons votre témoignage ici. Nous vous laisserons le temps de présenter vos observations préliminaires, puis nous vous poserons des questions.
    Bienvenu monsieur Kingsley, monsieur Bernard et madame Davidson.
(1650)
    Puisque vous avez déjà présenté mon bon ami et collègue, monsieur Jacques Bernard, ainsi que mon amie et collègue d'Élections Canada, je vais entamer mes observations.

[Français]

     Je vais commencer dans ma langue maternelle, puis je passerai à l'anglais.
    C'est un privilège pour moi de comparaître devant votre comité. Je crois que c'est la première fois, depuis quelques saisons que je suis en poste, que je comparais devant le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    Aujourd'hui, je vous parlerai brièvement de la Mission internationale d'évaluation des élections en Haïti, communément appelée MIEEH, dont je suis le président. Je dirai quelques mots sur les origines de la mission, sur ses principaux éléments ainsi que sur ses réalisations. Tout comme la Mission internationale sur les élections en Irak, établie en décembre 2004, la Mission internationale d'évaluation des élections en Haïti est fondée sur un tout nouveau modèle d'observation et d'évaluation électorales internationales. Ce nouveau modèle vise avant tout la viabilité des processus et des systèmes électoraux démocratiques, ainsi que le renforcement à long terme des capacités des commissions électorales nationales. L'approche en est une d'accompagnement. La mission fournit de façon continuelle des rapports et des conseils à l'organisme de conduite des scrutins, en l'occurrence le Conseil électoral provisoire en Haïti.
    L'une des caractéristiques cruciales de la mission est l'indépendance de la commission électorale. Une telle approche ne réussit pas si une commission électorale n'est pas indépendante de l'autorité politique de son pays.
    Cet accompagnement est également fondé sur le respect de la culture et de l'histoire. C'est un élément très important dont on pourra certainement discuter. Il s'inscrit dans la lignée des partenariats qu'Élections Canada a mis en place par le passé, notamment avec l'Institut fédéral électoral — l'IFE — du Mexique depuis 1992.
    De plus, cette approche jette les bases de projets de coopération futurs, je l'espère, et facilite la réalisation des recommandations et l'adoption de normes de pratique élevées en administration électorale.
    Autre caractéristique cruciale, le comité directeur de la mission est composé de commissions électorales indépendantes de partout sur le continent américain. Cette indépendance de chacun des membres dans son propre pays confère de la crédibilité à la mission et lui permet de jouer ce rôle d'accompagnement, c'est-à-dire d'aider les pays à mettre au point les meilleures règles électorales, un bon cadre législatif et des processus administratifs efficaces. La mission utilise des normes et des pratiques reconnues internationalement et se sert d'évaluations approfondies menées par des experts sur divers aspects des processus avant, pendant et après l'élection, et non pas seulement pendant l'élection, ce que la communauté internationale se targue de faire généralement, tels que le cadre juridique. Je donne des exemples: l'inscription des électeurs, l'accès aux médias et le processus de plaintes. En tout, 13 aspects sont examinés; je viens d'en nommer quatre. On trouve la liste complète sur le site web de la MIEEH, dont je donnerai l'adresse un peu plus tard.
    Notre modèle a réussi à réunir deux éléments disparates: les analyses poussées d'experts mariées à la vaste expérience et à la connaissance des intervenants, soit les huit membres du comité.
    J'aimerais maintenant parler des débuts de la Mission internationale d'évaluation des élections en Haïti. Au printemps 2005, le ministère des Affaires étrangères ainsi que l'ACDI m'ont demandé conjointement d'explorer la possibilité de mettre sur pied une mission internationale d'observation des élections en Haïti. On estimait en effet qu'il fallait recueillir l'appui de la communauté internationale en vue des prochaines élections présidentielles, législatives et municipales, donc les trois tours, qui devaient alors être tenues dès l'automne 2005. Comme Élections Canada avait les qualifications requises, dont l'indépendance dont on se targue au Canada, avait déjà collaboré avec Haïti dans les années 1990 à différentes reprises et entretenait d'excellentes relations avec les autres commissions électorales des Amériques, c'est à moi qu'on a demandé de créer cette mission selon le modèle utilisé lors des élections en Irak, comme je l'ai dit plus tôt.
    Les 15 et 16 juin, un forum international a réuni à Montréal, sous les auspices d'Élections Canada, les représentants de commissions électorales de partout en Amérique, du Conseil électoral provisoire — bon nombre de ses membres y furent —, de l'Organisation des États américains ainsi que de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti. Après deux jours de discussion, les chefs de huit commissions électorales ou organismes électoraux, soit ceux du Brésil, du Canada, du Chili, des États-Unis, de la Jamaïque, du Mexique, du Panama et de la République dominicaine, ont formé le comité directeur et convenu de la structure et de l'objectif de la mission. C'était l'objectif de ce forum deux jours. C'est ainsi que naquit la MIEEH.
    Je vais maintenant passer à l'anglais.
(1655)

[Traduction]

    Au début d'août 2005, la MIEEH a établi un secrétariat à Port-au-Prince. À compter de septembre 2005, des observateurs à long terme ont été envoyés sur le terrain, et ils ont commencé à fournir des comptes rendus hebdomadaires au comité directeur. De plus, les évaluateurs experts ont, eux, mené des études approfondies sur les 13 aspects choisis du processus électoral.
    La mission a également déployé quelque 130 observateurs électoraux à court terme pour les élections du 7 février et du 21 avril. Ils venaient du Canada, des pays de la CARICOM et du Japon. Nous avons collaboré étroitement avec les autres missions d'observation en Haïti — nationales ou internationales — de façon à ce que les observateurs couvrent le maximum de territoire. Évidemment, nous étions la principale mission en Haïti.
    La MIEEH a publié de nombreux rapports et déclarations, à commencer par son rapport d'étape d'octobre 2005, qui portait sur le cadre juridique, l'inscription des électeurs et les préparatifs électoraux. Notre dernier rapport a été publié le 24 avril, peu après le second tour des élections législatives. Nous préparons maintenant le rapport final, qui devrait être rendu public d'ici quelques semaines.
    Tous ces rapports sont disponibles sur le site Web de la mission, dont l'adresse figure dans le texte que je vous ai remis. Les rapports sont disponibles en cinq langues, c'est-à-dire en anglais, en français, en créole, en espagnol et en portugais.
    J'ai apporté des exemplaires des rapports en anglais et en français à l'intention des membres du comité. La greffière peut vous les remettre.
    La MIEEH a collaboré étroitement avec le conseil électoral provisoire, le CEP, et particulièrement avec son directeur général, M. Jacques Bernard. Je dirais que nos relations avec M. Bernard ont été importantes durant toute l'opération, depuis son entrée en fonction à la fin d'octobre, si je ne m'abuse. Depuis sa nomination, il a adroitement rassemblé tous les acteurs, dont l'OEA et la MINUSTAH, afin que les préparatifs électoraux soient menés à bien. Tout au long du processus, nous avons fourni conseils et recommandations avec les bons offices de M. Bernard.
    Il convient de mentionner notre travail de coordination avec la MINUSTAH, qui a été essentiel, vu les exigences en matière de sécurité, ce qui nous inquiétait tous, surtout au premier tour, comme certains membres s'en rappelleront sûrement.
    À cet égard, je souligne l'excellent soutien que nous ont fourni les dirigeants de la MINUSTAH, notamment M. Juan Gabriel Valdés et M. Gerardo Le Chevalier.
    Je veux aussi mentionner le rôle important joué par l'OEA, qui a été chargée des listes électorales sur lesquelles 3,5 millions d'Haïtiens sur 4,5 millions d'électeurs admissibles se sont inscrits de leur plein gré, sous le leadership d'une concitoyenne, Elizabeth Spehar, qui travaillait pour le compte de l'OEA, et non en tant que Canadienne.
    Je tiens également à souligner la participation d'un autre organisme, la CARICOM. Elle a fait partie intégrante de la mission, largement grâce à l'apport de M. Danville Walker, directeur général des élections de la Jamaïque et vice-président du comité directeur de la mission. Il s'est rendu plusieurs fois en Haïti seul pour s'acquitter de ses fonctions de vice-président, et je lui en suis reconnaissant.
    Je dois dire que la présence de la CARICOM, même si ce n'est pas de façon officielle sur la scène internationale, a fait beaucoup d'après nous pour ouvrir la voie à l'intégration d'Haïti dans sa région du globe.
    La MIEEH a même réussi à susciter de l'intérêt, en fait, ailleurs dans le monde. Ainsi, le ministère des affaires étrangères du Royaume-Uni a exprimé son appui à notre mission lors de ma visite en Angleterre en mars dernier, au cours de laquelle il a été principalement question de notre mission en Irak.
    De même, des responsables de la Francophonie, avec lesquels nous entretenons des relations particulières, se sont dit très heureux des activités de la mission. Le colonel Sangaré, qui était en Haïti encore récemment, représentait la Francophonie et Mme Christine Desouches, s'occupait des questions de démocratie électorale pour la Francophonie.
(1700)
    À mon avis — et je suis ici pour en discuter — la MIEEH s'est avérée un moyen efficace de répondre au besoin à court terme, soit la vérification de la légitimité des élections, ainsi qu'au besoin à long terme, c'est-à-dire soutenir la démocratisation par le renforcement des capacités de la Commission électorale haïtienne.
    Monsieur le président, je pense que vous serez maintenant heureux d'entendre mon bon ami et collègue, M. Jacques Bernard, avant que nous commencions la discussion.
    Merci, monsieur Kingsley.
    Monsieur Bernard, à titre d'information, pourriez-vous nous dire combien de temps va durer votre déclaration?
    Très bien. Allez-y, monsieur Bernard.
    Merci, monsieur le président. Je suis heureux de m'adresser à vous après mon bon ami Jean-Pierre Kingsley.
    J'aimerais d'abord remercier les membres du comité de me donner l'occasion d'être ici aujourd'hui. J'aimerais aussi adresser mes remerciements à la population du Canada qui a accepté généreusement de contribuer au financement des élections en Haïti. Bien sûr, je tiens tout particulièrement à remercier M. Jean-Pierre Kingsley et son équipe d'observateurs à court et à long terme pour l'aide et les conseils qu'ils ont offerts au conseil électoral provisoire d'Haïti. Ils ont contribué de façon importante au succès des deux tours de scrutin.
     Ces élections ont été bien différentes de toutes les précédentes en Haïti. On peut dire qu'elles témoignent vraiment de la volonté du peuple haïtien d'élire de façon légitime son président et son Parlement. Je suis heureux d'annoncer que personne en Haïti n'a contesté la légitimité du processus électoral. Il a été transparent ainsi qu'ouvert à tous les partis politiques et aux observateurs nationaux et internationaux.
    Il ne m'est pas possible de vous expliquer tout le processus, mais nous pensons qu'il est nécessaire de faire ressortir certains des aspects qui différencient vraiment cette élection de toutes celles qui ont eu lieu auparavant en Haïti. Je vais vous mentionner seulement six nouveautés de ces élections: la carte d'identité, la liste électorale, les centres de vote, le centre de tabulation, la publication sur Internet et la contestation légale des résultats.
    La carte d'identité. Je crois qu'il faut en parler, parce que c'est la première fois dans l'histoire d'Haïti que nous inscrivons 3,5 millions de citoyens sur 4,5 millions d'électeurs potentiels. La carte n'est pas seulement une carte de vote, c'est aussi une carte d'identité valide pour 10 ans, de sorte que nous pourrons l'utiliser pour de prochaines élections. On n'y retrouve pas seulement la photo de son détenteur mais aussi ses empreintes digitales. Quand nous avons vérifié les 3,5 millions d'empreintes digitales, nous n'avons trouvé que 5 000 cartes en double. En ce sens, l'opération a été une réussite. J'aimerais ajouter que, sur les 3,5 millions d'électeurs inscrits, 600 000 n'avaient jamais eu de document d'identification de citoyenneté. Je crois que c'est remarquable. C'est presque une révolution dans l'histoire d'Haïti.
    À partir des données de la carte d'identité, nous avons établi une liste électorale sur laquelle figure non seulement la photo de la personne mais aussi, dans un code à barres, le numéro de sa carte. On peut ainsi identifier les électeurs qui vont voter à l'aide de la carte mais aussi de la photo qui se trouve sur la liste électorale. L'électeur appose sa signature à côté de sa photo pour éviter qu'il ne vote deux fois. Je pense que ce sont des nouveautés importantes, parce que cela ne s'était jamais fait avant lors d'élections en Haïti.
    Maintenant, les centres de vote. Il y avait normalement en Haïti environ 13 000 bureaux de scrutin et personne n'en avait le contrôle. Nous n'avions pas la capacité logistique pour en assurer la surveillance. Alors, pour les dernières élections, nous avons établi 802 centres de vote pour que le CEP puisse les contrôler, et les observateurs nationaux et étrangers ont pu être sur place pour surveiller les 20, 30, 40 et même 50 bureaux de scrutin qui s'y trouvaient. Sur le plan de la sécurité, cela s'est avéré une idée formidable pour les observateurs et le CEP. Je dois toutefois vous dire que les politiciens s'y étaient beaucoup opposés, faisant valoir que les électeurs avaient une trop grande distance à parcourir à pied pour aller voter. Mais je pense qu'ils se sont trompés si l'on se fie au taux de participation qui a été de 63 p. 100 au premier tour.
(1705)
    Nous avons ensuite mis sur pied le centre de tabulation où tous les bulletins de vote étaient apportés pour être dépouillés. C'est très important parce que c'est à cette étape qu'il y avait habituellement de la fraude en Haïti. Mais cette fois, nous avons eu la situation bien en main. Nous avons fait entrer les données deux fois par deux opérateurs indépendants, sans possibilité de collusion entre eux, et c'est seulement quand les résultats concordaient qu'ils ont été comptés.
    Nous pensons que ces élections reflètent légitimement la volonté du peuple haïtien. De plus, nous avons publié tous les résultats sur Internet, pas seulement le résultat des élections mais celui de chaque bureau de scrutin, de sorte que le candidat pouvait calculer ses propres résultats dans le confort de son salon. Je crois également que les Haïtiens de la diaspora qui s'intéressent à ce qui se passe en Haïti étaient très heureux de pouvoir suivre les résultats presque d'heure en heure sur Internet.
    Enfin, j'aimerais vous parler de la contestation des résultats. Auparavant, le conseil électoral annonçait le gagnant tout simplement. Cette fois-ci, les candidats défaits ont pu contester les résultats devant deux tribunaux différents. Ils avaient un premier recours devant un tribunal départemental, dont ils pouvaient aussi contester la décision à un deuxième palier, devant un tribunal national. Et je dois dire que nous avons donné à un certain nombre de ceux qui ont mis en cause les résultats la possibilité de se défendre. Les décisions rendues n'ont pas été contestées et les résultats annoncés par le CEP n'ont pas fait l'objet d'autres plaintes.
    Donc, globalement, je crois que les élections ont été très légitimes, et je dirais que la MIEEH a beaucoup contribué au succès des élections, parce que les relations de travail du CEP avec les membres de la mission ont été réciproques. Nous leur avons communiqué des informations et ils nous ont fait part de leurs observations sur le terrain, ce qui nous a permis de corriger beaucoup d'erreurs. Nos relations avec la MIEEH ont été beaucoup plus étroites qu'avec d'autres missions d'observation, et je dois l'en féliciter parce que, bien franchement, elle a vraiment contribué au succès des élections.
    Maintenant que nous avons un président et un Parlement, le processus électoral n'est hélas pas terminé. Nous devons encore organiser les élections locales. Elles vont permettre d'élire les maires, les assemblées de section communales, les conseils d'administration des sections communales et les délégués de ville.
    Il sera très difficile d'élire les assemblées et les conseils d'administration des sections communales ainsi que les délégués de ville pour diverses raisons. Premièrement, il faut refaire beaucoup de districts. Deuxièmement, il n'y a pas de cadre juridique permettant à ces dirigeants d'exercer leurs fonctions parce qu'il n'y en a jamais eu avant en Haïti. Ces postes ont été créés dans la constitution de 1987 mais, pour une raison ou une autre, le gouvernement d'Haïti a toujours négligé d'établir le cadre juridique voulu pour que ces élus puissent remplir leurs fonctions. Troisièmement, franchement, il y aurait après les élections 9 000 fonctionnaires de plus à rémunérer, alors que le gouvernement ne peut même pas payer ceux qu'il a déjà.
    Il y a donc des problèmes à régler avant d'élire les assemblées des sections communales, les conseils d'administration des sections communales et les délégués de ville.
(1710)

[Français]

    Mais pour les municipalités, je crois qu'il est absolument nécessaire de tenir ces élections et ce, pour plusieurs raisons.
    En Haïti, nous avons 142 communes, et le maire est le maire de la commune. Il y a donc 142 maires en Haïti. C'est une structure de gouvernement qui a toujours existé. Les cadres juridiques existent et il y a toujours eu des maires en Haïti.
    Quelle est la tendance en Haïti quand les maires ne sont pas élus? Quand les maires ne sont pas élus, le ministère de l'Intérieur nomme les maires. Une fois qu'ils sont nommés, ces maires doivent rendre des comptes au ministère de l'Intérieur. Cette situation constitue peut-être la plus grande source de corruption en Haïti, parce que les taxes qui sont perçues au niveau de la commune sont acheminées vers Port-au-Prince plutôt que de rester dans la commune pour servir la population de la zone.
    Je crois qu'il est donc absolument nécessaire d'avoir des élections municipales, d'autant plus que, quand les maires sont nommés, l'exécutif a non seulement le contrôle politique de tout le pays par l'intermédiaire des maires, mais aussi le contrôle financier de tout le pays.
    Si nous voulons sauvegarder tout le travail qui a été fait, il est absolument nécessaire d'avoir ces élections dans les plus brefs délais pour que l'exécutif n'ait pas la tentation de nommer les maires. Je me bats depuis quelque temps déjà pour qu'on puisse avoir ces élections.
    Je reviens de Washington et je dois vous dire que j'ai eu plusieurs entrevues avec le département d'État pour encourager les Américains à nous aider dans le financement de ces élections, car le gros problème qui se pose pour nous en est un de financement. Les Américains ont déjà répondu positivement en nous accordant un certain montant, mais nous n'avons pas la totalité de ce qu'il faut pour gagner ces élections.
    Comme vous êtes des partenaires privilégiés dans le processus électoral, par l'intermédiaire de M. Kingsley et de la Mission internationale d’évaluation des élections en Haïti, j'insiste pour vous dire que si nous voulons sauvegarder tout le travail qui a été fait, il faut absolument, dans les plus brefs délais, organiser des élections municipales.
    Thank you, Mr. Chair.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Bernard et monsieur Kingsley.
    Nous allons passer aux questions, pour un premier tour de cinq minutes, en commençant par M. Martin.
    D'accord, monsieur Rodriguez.

[Français]

    Je vous félicite pour la tenue des élections, et je félicite en particulier M. Bernard.
    Je connais bien Haïti, car j'y suis allé plusieurs fois au cours des 15 dernières années. Je suis allé dans des coins comme l'île de la Tortue et l'île à Vaches. Comment transportiez-vous les bulletins de vote des régions éloignées?
    Ils ont été transportés par hélicoptère. Le matériel non délicat — les isoloirs, les crayons, etc. — était transporté par véhicule. Entre 24 et 48 heures avant le jour des élections, on a commencé à distribuer le matériel délicat, soit les bulletins. Ces bulletins étaient gardés à la base militaire de la MINUSTAH au niveau départemental. Donc, on distribuait les bulletins d'abord sur la base militaire de la MINUSTAH bien avant le jour des élections, et un jour ou deux avant les élections, ces bulletins étaient ramassés à la base de la MINUSTAH et transportés par hélicoptère dans les endroits éloignés.
     Combien de lieux de vote aviez-vous dans tout le pays?
    Nous avions 802 centres de vote, mais nous avions à peu près 10 000 bureaux de vote à l'intérieur de ces 802 centres de vote.
    Il y avait donc 802 lieux physiques où il y avait plusieurs... Et en général, ça s'est bien passé dans les 802 centres?
(1715)
    Absolument. Je dois vous dire qu'il y a eu certains endroits où on a eu des problèmes, et c'est la raison pour laquelle nous avons repris à peu près 14 élections au niveau des circonscriptions pour les députés ainsi que certaines élections pour les sénateurs dans le nord-est.
    Est-ce que vous diriez qu'aujourd'hui, Haïti dispose d'un système électoral permanent? Sinon, quels changements faudrait-il apporter pour en avoir en?
    Je crois qu'il faut préciser de quoi nous parlons, parce que c'est un sujet de débat et de discussion. Je crois qu'il faut faire la distinction entre la machine électorale et le conseil d'administration qui se trouve en haut.
    Nous avons besoin d'une machine électorale capable d'organiser des élections techniquement et scientifiquement en Haïti. Selon moi, ce n'est pas le fait d'avoir un conseil d'administration provisoire — comme celui que nous avons actuellement — ou permanent qui peut garantir la tenue d'élections. Ce qui va garantir la tenue d'élections, c'est l'efficacité de cette machine, et c'est sur cela que nous devons surtout nous concentrer, sans égard au conseil d'administration.
    Plus précisément, comme vous avez la carte d'identité, la liste électorale et tous les éléments que vous avez mis en place, vous avez déjà un système électoral plus structuré, plus permanent.
    Je repose ma question sous cet angle. Dans ce cas-ci, avez-vous dû faire des efforts quasi surhumains pour en arriver là et, s'il y avait des élections demain matin, serait-il excessivement difficile de les répéter? Ou bien y a-t-il des éléments plus permanents qui feraient en sorte que la prochaine fois, ce ne serait pas aussi facile qu'une répétition, mais beaucoup plus facile?
    Absolument. De fait, même pour les élections municipales, qui devront se tenir probablement dans deux ou trois mois, on va mettre en place la même machine. La même carte d'identification nationale sera utilisée, le même système sera utilisé et la même liste électorale partielle sera utilisée.
    Ce qu'il nous faut maintenant, c'est consolider ces acquis. On a fait rouler la machine à deux reprises et il faut consolider ces acquis de sorte que pour les prochaines élections, qui viendront dans deux ans — le tiers du sénat —, nous aurons au moins une machine capable d'organiser ces élections.
    Nous avions organisé ces élections avec l'aide technique de la MINUSTAH et de l'OEA . Au moment où je vous parle, nous n'avons pas encore fait le transfert de technologie. Cela veut dire que nous n'avons pas encore des Haïtiens capables de se substituer à l'OEA surtout, en particulier en ce qui concerne la liste électorale partielle, le registre que nous voulons maintenir en Haïti.
    Il faudra un certain temps pour transférer la technologie de la MINUSTAH et de l'OEA à une équipe haïtienne.

[Traduction]

    Madame Lalonde.

[Français]

    Merci beaucoup. Je commence moi aussi par vous féliciter. Avant de parler de l'avenir, j'aimerais vous poser des questions.
    Si on regarde cela froidement, on voit qu'on est passé à côté d'un précipice. On a frôlé le précipice lors du dévoilement de résultats qui n'étaient pas confirmés. Les partisans de René Préval, quand les autres résultats venaient doucement, avaient peut-être l'impression que certains essayaient de magouiller. Je suivais la situation au jour le jour, beaucoup moins que vous, mais passablement quand même.
    Ensuite, quand le candidat préféré était nettement en avance et aurait gagné lors d'un deuxième tour, mais n'avait pas la majorité de passage, on a négocié en vue de transformer les bulletins en blanc en autre chose. Or, j'ai des amis haïtiens pour qui le bulletin en blanc n'était pas une anomalie, mais plutôt la volonté d'exprimer qu'on voulait voter, mais pour aucun candidat en particulier.
    Monsieur Bernard, je ne parle pas des problèmes que vous avez eus. Je peux en parler étant donné qu'ils ne sont pas demeurés privés. À un moment donné, pendant ce processus, vous avez dû quitter parce que votre vie était en danger.
    Dans ce que vous dites, je ne vois pas vraiment de recommandations qui permettraient d'éviter que cela ne se reproduise. J'aimerais vous entendre sur ces questions. Je pense qu'il est important de dévoiler les résultats, car on pourrait se retrouver avec les mêmes problèmes. Donc, il y a le moment du dévoilement, les bulletins en blanc relativement à la majorité, et un autre point que je ne veux pas oublier. À un moment donné, on a retrouvé des bulletins dans un dépotoir. De quoi s'agissait-il? Était-ce vraiment des bulletins? Cela semblait confirmer qu'il y avait eu fraude.
    Je termine en disant qu'il me semble bien important que vous nous donniez des éclaircissements à ce sujet.
(1720)

[Traduction]

    Merci, madame Lalonde.
    M. Bernard ou M. Kingsley.

[Français]

    En ce qui concerne le traitement des bulletins en blanc, le décret électoral n'est pas très clair. Il y a l'interprétation personnelle de la définition d'un bulletin en blanc et ce que dit le décret électoral à ce sujet, qui n'est pas très clair. Si vous lisez l'article du décret électoral qui traite des bulletins en blanc, vous verrez qu'il dit exactement ce qui suit : « Sont valides et comptabilisés, les bulletins de votes marqués d'une croix, d'un « X » ou de tout autre signe indiquant de façon non équivoque l'intention de l'électeur de voter dans l'espace (cercle, photo, emblème) réservé au candidat. » Ensuite, le même libellé est repris : « Sont aussi valides et comptabilisés les bulletins ne comportant aucun choix. » Cela veut dire que le libellé utilisé pour les bulletins valides est également utilisé pour les bulletins en blanc. Cela a créé énormément de confusion.
    Personnellement, quand j'ai commencé le traitement au centre de tabulation, je comptabilisais les bulletins en blanc simplement pour en établir le pourcentage. Ce n'est pas une décision qui a été prise à la légère. Je n'ai moi-même pas participé à cette décision parce que je suis le directeur général du CEP. C'est une décision qui a été prise par le tribunal où siègent le conseil d'administration et des juristes. Les opinions étaient partagées à ce sujet. Certains juristes argumentaient dans un sens, d'autres dans l'autre. Il y a eu énormément de confusion. Je crois que la solution est d'avoir un décret électoral clair qui éliminerait toute confusion en ce qui concerne le traitement des bulletins en blanc.
    Et le dévoilement?
    Le dévoilement?
    Le fait que M. Préval se retrouvait avec 48 p. 100 des voix...
    Nous avons essayé de moderniser ces élections en Haïti. Nous avons créé un centre de diffusion. Le centre de diffusion annonçait chaque jour les résultats des élections, en plus de ce que nous publiions sur Internet.
    Il se trouve que ce jour-là, j'ai été le seul à annoncer les résultats. M. Préval était tombé à 49,7 p. 100. Vous connaissez la suite de l'histoire. Je crois que ce n'est pas parce que nous avons eu une réaction négative à la décision qui a été prise de créer un centre de diffusion que nous devrions abolir ce centre. Je crois que, lors des prochaines élections en Haïti, le centre de diffusion devrait continuer d'exister, parce que cela permet aux journalistes d'être présents, aux membres du CEP de donner des résultats, et cela permet également une meilleure compréhension du processus électoral par les journalistes.

[Traduction]

    Madame Lalonde, votre temps est écoulé.
    Monsieur Goldring.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je veux essayer de laisser cinq minutes à chacun, et si vos questions sont longues, nos invités auront moins de temps pour répondre.
    Messieurs Kingsley et Bernard, je veux moi aussi vous féliciter de l'excellent travail qui a été accompli pour les élections.
    Ma question revient sur ce dont M. Rodriguez a parlé, et je suis désolé si le message n'a pas bien passé. On a investi beaucoup dans l'équipement — les appareils électroniques et les ordinateurs — du grand centre de vote. J'ai eu l'impression que ce n'était peut-être pas un centre permanent. Je pense que le pays devrait en faire une installation permanente pour pouvoir tenir d'autres élections, parce que j'imagine que les ordinateurs fonctionneraient de la même façon.
    Est-ce une installation permanente et est-ce qu'on dispose de tous les manuels et guides d'utilisation pour faire assurer le fonctionnement du processus afin que les autorités haïtiennes puissent prendre la relève à un moment donné?
(1725)
    J'aimerais que ce soit une installation permanente. L'immeuble où se trouve le centre de tabulation appartient au gouvernement. En fait, tout le parc industriel où nous sommes est la propriété du gouvernement. Je pense donc que c'est plus facile d'en faire installation permanente.
    Tout l'équipement s'y trouve. Je dois dire que j'ai demandé à M. Kingsley si un expert du Canada pouvait venir nous aider à faire exactement ce dont vous parlez. Il m'a proposé Alain Gauthier, qui a travaillé à ce projet depuis le tout début. Il est venu chez nous pour le deuxième tour, et il a déjà terminé son travail qui est précisément ce dont vous parlez. J'ai un épais cahier qui décrit chaque étape du processus. Je l'ai reçu il y a deux jours, et je dois donc le lire et formuler des observations à son sujet. Mais ce travail a été fait par un Canadien et grâce à M. Kingsley.
    J'ai tout de même le sentiment, d'après ce que vous dites, que ce n'est pas nécessairement une installation électorale permanente.
    Ce que je vous dis c'est que, depuis mon entrée en fonction au CEP, j'ai tellement concentré mes efforts sur les élections que ce n'est que maintenant que je commence à penser à l'avenir et à déterminer comment nous allons pouvoir conserver ces installations, tout ce savoir, et assurer le transfert de connaissances de l'OAE à Haïti. C'est la prochaine étape. Et c'est pourquoi j'ai parlé d'établir une machine électorale. Conserver les installations fait partie de la question.
    Oui, parce que la salle où nous nous trouvions était extraordinaire. Il y avait des centaines d'ordinateurs. On a investi beaucoup de temps et d'argent pour le mettre sur pied et ce serait bien dommage si on ne pouvait conserver les installations pour d'autres élections, si elles étaient seulement louées.
    Oui, j'espère pouvoir les conserver. C'est ce que je vais recommander au gouvernement dès mon retour à Haïti le 4 juin. C'est une des choses que je suis censé faire. J'ai déjà pris des mesures pour que le centre soit permanent mais, en dernière analyse, ce n'est pas moi qui décide, mais le gouvernement.
    J'ai une dernière question à vous poser.
    En Ukraine, les élections municipales et régionales ont eu lieu en même temps. Les gens avaient quatre bulletins de vote à remplir. Avez-vous l'intention plus tard de tenir plusieurs élections en même temps plutôt que de les tenir à différents moments? Vous êtes en train d'organiser les élections municipales. Ne peut-on pas regrouper les élections comme on l'a fait en Ukraine et ailleurs?
    Pour cette élection, nous avons fait des regroupements par fonction. Par exemple, pour la présidence, tous les candidats figuraient sur un bulletin de vote, mais représentaient différents partis politiques. Il faut comprendre qu'environ 45 partis politiques étaient représentés, alors c'était bien de procéder ainsi. Au deuxième tour, toutefois, lorsque nous avons réduit à deux le nombre de candidats au poste de député, les bulletins de vote étaient environ de la taille d'une feuille de papier.
    Il est toutefois nécessaire d'avoir différents bulletins de vote par circonscription, parce qu'il est physiquement impossible d'avoir une circonscription différente sur le même bulletin. Ce serait très difficile.
    Monsieur Goldring, votre temps est écoulé.
    Madame McDonough.
    Merci beaucoup.
    Ce n'est pas nécessaire de prendre le temps du comité maintenant, mais je me demande si vous pouvez déposer — vous allez peut-être le faire de toute façon avec votre rapport final — des statistiques qui nous permettraient d'établir des comparaisons avec l'élection précédente, tant pour ce qui est du nombre d'électeurs inscrits que de la participation électorale. Selon moi, c'est la combinaison de ces deux données qui rend le niveau de participation remarquable. Lorsque ces données sont prises séparément, le taux de participation n'est pas aussi impressionnant que si l'on tient compte aussi du nombre d'électeurs inscrits.
    Vous voudrez peut-être faire des commentaires à ce sujet, mais je ne veux pas utiliser tout le temps qui m'est attribué à poser des questions.
    Deuxièmement, je suis plus perplexe que jamais à l'égard de ce qui était clairement un conseil électoral provisoire. Je croyais — et j'ai peut-être eu une fausse impression — que, par définition, puisqu'il s'agissait d'un organe provisoire jusqu'à la mise en place d'un gouvernement dûment élu, on aurait prévu l'adoption d'une loi afin de créer — je ne sais pas comment on l'appellerait — un organisme totalement indépendant et permanent, semblable à Élections Canada. Pouvez-vous apporter des précisions à ce sujet?
    Troisièmement, je dois dire qu'il n'y a rien de pire que des politiciens qui croient avoir tout saisi en passant quelques jours à un endroit quelconque. C'est ridicule, mais c'était très impressionnant de pouvoir sentir la fierté et l'espoir véritable des gens qui se présentaient aux bureaux de vote avec leur carte d'identité, ce qui leur évitait d'avoir à répondre à toutes sortes de questions, et ainsi de suite. Certains ont critiqué l'importante diminution du nombre de centres de vote et on se demandait si cette baisse allait limiter l'accès.
    Pouvez-vous nous dire si on va recommander de s'en tenir aux 802 centres de vote ou bien passer à un nombre intermédiaire entre 802 et les 11 000, 12 000 ou même 13 000 bureaux de jadis? Je comprends la raison de la diminution, mais il semble, comme vous l'avez dit, que le nombre de participants n'ait pas diminué pour autant et qu'on a plutôt observé le contraire. Va-t-on recommander d'accroître les possibilités de voter, en fonction de l'expérience et du savoir-faire acquis, ou va-t-on recommander de s'en tenir à ce nombre?
    J'ai un dernier commentaire. Dans le contexte de ce qui a été clairement une expérience positive, des centaines de prisonniers politiques languissaient en prison, invisibles aux yeux de la communauté internationale, mais non à ceux des Haïtiens eux-mêmes. C'était, je crois, de fervents partisans de Lavalas, qui n'étaient accusés de rien et qui n'ont pas eu droit à l'application régulière de la loi. Il est difficile de concevoir que vous n'allez pas faire de commentaire à ce sujet dans un contexte où il est difficile de dire qu'une élection est tout à fait juste et libre. Quelqu'un a laissé entendre — et ce n'est pas une mauvaise analogie — que ce serait comme emprisonner tous les dirigeants d'un parti politique du Canada et de s'attendre à ce que le parti dise « c'était difficile, mais hormis cela, c'était juste et libre ».
    Je me demande si vous avez choisi de garder le silence sur cet aspect du paysage politique. Il est difficile de comprendre pourquoi ce ne serait pas important de souligner ce facteur dans le contexte où vous avez tenu cette élection.
(1730)
    Vous avez environ 30 secondes pour répondre.
    Concernant la documentation, nous allons vous fournir ces données comparatives, dans la mesure où nous pouvons les trouver.
    Le conseil électoral provisoire est, comme son nom l'indique, provisoire et doit devenir permanent avec la tenue des élections. Les autorités locales élues sont censées former un organisme permanent et, s'il n'y a pas d'élections locales, il faudra voir ce qui peut être fait. Ce sera probablement un autre conseil électoral provisoire, mais je ne veux pas revenir sur ce que mon collègue a fait valoir. Un effort concerté devrait être déployé pour qu'un organisme permanent soit établi afin de maintenir l'état de préparation aux élections, puisque 16 élections sont prévues par la constitution au cours des 10 prochaines années. Cela répond également à la question de M. Goldring au sujet des élections. Elles sont prévues par la constitution. Il faudra modifier la constitution pour procéder différemment. Du moins, c'est ce que je comprends.
    Concernant les prisonniers politiques et le fait que l'organisme que j'ai présidé n'a pas fait de commentaire à leur sujet, j'imagine qu'il aurait pu le faire, mais tout le monde le faisait, même l'ONU, qui avait approuvé la tenue des élections par la présence de la MINUSTAH. C'est là un facteur. S'il avait eu un effet négatif sur l'ensemble du processus, Élections Canada n'aurait pas participé. Je n'aurais pas participé à titre de directeur général des élections du Canada. La communauté internationale a encouragé Haïti à régler le problème et, en même temps, à aller de l'avant et à tenir des élections. Élections Canada croit pouvoir jouer un rôle utile pourvu qu'il a la bénédiction de l'ONU.
    Voilà ma réponse à votre question.
(1735)
    Merci, monsieur Kingsley.
    J'accorde une très brève question à M. Van Loan, puis ce sera M. Martin.
    A-t-on évalué ce qu'il en coûterait d'établir une superstructure électorale permanente? Voilà ma première question.
    Deuxièmement, propose-t-on de l'inclure dans les futurs enjeux de développement de la communauté internationale? Ce projet fait-il partie du programme d'apaisement social que M. Préval met de l'avant? S'inscrit-il quelque part? Est-il prévu dans les enjeux financiers?
    Concernant les élections municipales par rapport aux élections locales, votre position, monsieur Bernard, montre que la question n'est toujours pas réglée. Toutefois, je crois que les donateurs commencent à s'entendre pour dire qu'il vaut mieux procéder avec les élections municipales et l'élection des maires, et voir aux conseils locaux plus tard. Combien de temps peut-on attendre avant qu'il ne soit nécessaire d'investir sérieusement dans la mise à jour de la liste — permanente ou temporaire — des électeurs qui a été dressée avec ces cartes d'identification nationale? À quel moment cette liste devient-elle périmée au point où nous devons encore y investir massivement?
    Si vous me le permettez, je vais d'abord répondre à la deuxième question. L'inscription des électeurs a été arrêtée volontairement puisque nous devions arrêter quelque part pour pouvoir dresser une liste. Lorsque nous aurons terminé les élections municipales, nous pourrons reprendre l'inscription. Nous avons la technologie nécessaire. Haïti n'a pas vraiment besoin d'aide technique, puisque l'OEA nous a donné l'aide initiale.
    Toute l'équipe était composée d'Haïtiens. Ils étaient sur le terrain avec un ordinateur, faisaient le travail, consignaient les données sur un CD, qu'ils envoyaient au Mexique pour l'impression des cartes. Il aurait fallu que le gouvernement en Haïti investisse dans une petite usine pour produire ces cartes.
    Il n'est pas nécessaire d'attendre les élections locales pour commencer l'inscription. Nous pouvons commencer après les élections municipales, et nous pouvons même mettre à jour la liste pour les élections locales. Je crois que ce sera nécessaire.
    Pour ce qui est des élections locales, je crois qu'il y a un problème dans les districts et qu'il faut consulter la base de données pour déterminer exactement à quel district les gens appartiennent. C'est un processus fastidieux. C'est pourquoi ma préoccupation actuelle est de fournir à Haïti une structure gouvernementale suffisante pour lui permettre de travailler efficacement.
    Comme je l'ai dit tout à l'heure, il n'y a pas non plus de cadre juridique pour les ASEC, les CASEC et les délégués de ville. Le gouvernement devra donc établir ce cadre d'abord, avant l'élection de ces personnes. La dernière fois qu'elles ont été élues, en 1994, elles ne savaient pas quoi faire. Elles étaient là tout simplement. Elles n'ont jamais figuré dans le budget du gouvernement. Elles se promenaient. Alors, je crois que le gouvernement doit effectuer un travail préparatoire pour créer le cadre juridique et inclure ces personnes dans les budgets, etc., avant que le conseil électoral provisoire puisse lancer une élection. Autrement, il y aura toutes ces personnes élues qui ne sauront trop quoi faire.
    Le CEP permanent naîtra de cette élection. Nous devons faire en sorte que si nous le faisons, il n'y aura pas de changement dans la constitution. On parle de changer certaines procédures prévues dans la constitution parce qu'elles sont encombrantes. J'ai calculé qu'il y aura 16 élections au cours des 10 prochaines années. Haïti n'en a pas les moyens. Il faut faire quelque chose. Il faut reconnaître les contraintes financières que représente, pour un pays aussi pauvre, la tenue de 16 élections en 10 ans.
(1740)
    Merci, monsieur Bernard.
    Monsieur Martin, pour une très brève question.
    Merci, monsieur Kingsley, madame Davidson et monsieur Bernard, de comparaître devant nous aujourd'hui. Je vous félicite pour votre travail, non seulement en Haïti, mais partout dans le monde. Grâce à vous, le Canada se distingue en guidant les pays et en développant leur capacité électorale.
    Un de mes amis a demandé à un autre ami quelles étaient les trois choses les plus importantes dont Haïti avait besoin. Voici ce qu'il a répondu: premièrement, une élection libre et ouverte, deuxièmement, une élection libre et ouverte et troisièmement, une autre élection libre et ouverte. Combien de temps prévoyez-vous que nous devrons nous investir dans Haïti avant que les Haïtiens puissent contrôler leur propre infrastructure électorale?
    Enfin, quand on agit dans un environnement où la corruption est endémique — ce qui nuit nécessairement à votre capacité de créer l'infrastructure sur le terrain, comme vous l'avez tous mentionné — que faut-il faire pour essayer d'enrayer la corruption endémique, mis à part la restructuration économique évidente qui doit avoir lieu dans le pays?
    Je vais répondre à la première question et je vais évidemment laisser mon collègue parler de la corruption endémique.
    À mon avis, il faudrait peut-être une année de partenariat de plus avec l'autorité électorale haïtienne — si elle est établie — pour pouvoir dire qu'il n'est plus nécessaire d'assurer un soutien externe, sauf peut-être un soutien financer par d'autres moyens, etc. Je dis une année parce que je tiens compte des propos de mon collègue au sujet du transfert des connaissances de la MINUSTAH et plus particulièrement de l'OEA sur la question des listes.
    Cela peut paraître un peu court, mais je crois que ce serait réalisable.
    La prochaine étape, ce sera le prochain tour. Je vais m'entretenir avec les responsables de l'ACDI et des Affaires étrangères pour voir exactement comment mon bureau participera à ce prochain tour et dans toute autre forme de partenariat permanent qui peut être mis en place pour permettre à cette période d'un an de s'écouler, et pour que nous ayons le sentiment d'avoir fait tout ce que nous pouvons et que nous ne sommes plus nécessaires, dans le même sens qu'aujourd'hui. Ce serait semblable à ce que nous avons fait avec le Mexique, par exemple.
    Merci, monsieur Kingsley.
    Monsieur Bernard, pour répondre à la deuxième question de M. Martin.
    Concernant la corruption, permettez-moi de vous dire que j'ai été chargé d'organiser les élections, mais que je ne suis pas vraiment un expert dans ce domaine. Croyez-le ou non, je suis avant tout un économiste et un banquier international. Je peux vous dire que j'ai voyagé dans de nombreux pays du tiers monde et que la corruption, à mon avis, est le cancer qui ronge ces pays. Par conséquent, elle doit être éliminée. Je crois toujours qu'un pays n'a pas à être économiquement efficient pour bâtir son économie, mais qu'il n'ira nulle part s'il y a de la corruption. En effet, la corruption est endémique en Haïti.
    Puisque la plupart des pays du tiers monde ne peuvent se développer d'eux-mêmes — ils n'ont ni le savoir-faire ni les capitaux nécessaires — des pays comme le Canada leur prêtent main-forte. Pour dire vrai, les conditionnalités de l'aide étrangère doivent comprendre un programme systématique de lutte à la corruption. Si le pays ne peut imposer lui-même la discipline, je crois qu'une des conditionnalités de l'aide étrangère doit être un programme systématique de lutte à la corruption.
    À vrai dire, Haïti ne s'est jamais développé et est resté derrière la plupart des autres pays d'Amérique centrale et des Caraïbes notamment à cause de la corruption. Dans les années 50, Haïti se trouvait au même niveau de développement économique et était peut-être même plus avancé que bon nombre de ces pays. Aujourd'hui, ils sont 100 ans en avance. L'ensemble du problème peut être lié à la corruption.
    Je dénonce donc fortement la corruption. Je crois que la communauté internationale doit prendre la chose très au sérieux et que la lutte à la corruption doit faire partie des conditionnalités de l'aide offerte à un pays du tiers monde.
(1745)
    Merci, monsieur Bernard.
    Vous avez mentionné dans votre exposé — ou c'était peut-être M. Kingsley — qu'un certain nombre de personnes contestaient les résultats ou que vous aviez un protocole pour ceux qui contesteraient les résultats.
    Y a-t-il eu plusieurs contestations différentes? Était-ce une remise en question générale ou certaines contestations à certains bureaux de vote? Remettait-on en question le dépouillement des votes ou l'ensemble de l'exercice?
    Nous ne pouvons pas vraiment établir de catégories. Je dois dire qu'en Haïti, nous avons beaucoup de mauvais perdants.
    Eh bien, nous en avons ici également.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Je ne regarde personne, mais...
    Il y a deux types de contestations. D'abord, concernant le nombre de votes puisque, comme il s'agissait d'un processus ouvert, chacun avait une copie des rapports. Les gens viennent et nous les amenons au centre de tabulation pour leur montrer précisément que ce que nous affichons sur Internet est un reflet du vote.
    Deuxièmement, des problèmes ont été signalés dans certains centres de scrutin, et nous avons effectivement eu des problèmes dans certains secteurs. Par exemple, dans un secteur, j'ai arrêté l'élection pour le deuxième tour. C'était la deuxième fois que je mettais fin à l'élection dans ce district. Il s'agit d'une région appelée Grande Saline, dans l'Artibonite. Nous refaisons les élections dans 11 districts notamment parce qu'il y a eu des problèmes. Il y a eu des cas de fraude; il y a eu aussi des candidats qui envahissaient les centres de scrutin avec des hommes armés et remplissaient les urnes électorales, des choses semblables.
    Nous avons cerné tous ces problèmes et avons éliminé ces centres de scrutin. Dans certains cas, nous avons éliminé les centres de scrutin, mais dans une région, nous sommes allés de l'avant et avons publié un rapport. Toutefois, dans certaines régions, le centre de scrutin était tellement important que nous avons dû refaire l'élection.
    Je dirais donc qu'il y a eu ces deux types de problèmes. Dans certains cas, un candidat prétendait qu'il y avait eu des erreurs de calcul et, dans d'autres cas, il y a eu des problèmes réels, et c'est pourquoi nous avons dû reprendre des élections dans environ 14 circonscriptions.
    Vous avez dit qu'il y a eu un taux de participation de 63 p. 100. Est-ce pour les deux jours d'élections? J'ai entendu que le taux était de 30 p. 100 lors d'une élection.
    Au premier tour, nous avons eu 63 p. 100, et au deuxième tour des élections législatives, nous avons eu 31 p. 100, plus précisément 30,86 p. 100. Il faut comparer ces résultats à ce qui se produisait auparavant lors des deuxièmes tours en Haïti. On n'avait jamais obtenu mieux que 15 p. 100. Cette fois-ci, nous avons atteint 31 p. 100, alors c'était un succès, dans une certaine mesure.
    De plus, il n'y avait pas de candidats à la présidence lors du deuxième tour et, malgré cela, le taux de participation a été de plus de 30 p. 100, soit le double des résultats antérieurs. Il a été reconnu qu'il s'agissait d'un grand succès pour un deuxième tour. C'est ce que je voulais ajouter.
    Je tiens à vous remercier de votre présence aujourd'hui. Je sais que cette réunion a été utile à notre comité. Il nous arrive parfois de nous demander, à la suite d'une réunion, comment les témoignages entendus s'inscrivent dans ce que nous sommes en train d'étudier. Nous venons certainement de passer une heure très fructueuse et je tiens à vous en remercier.
    Monsieur Kingsley, je tiens plus particulièrement à vous remercier d'avoir facilité la présence de M. Bernard ici.
    La séance est levée.