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Messieurs, je pense que nous avons le quorum. Nous avons des témoins à entendre et un horaire très serré.
J'invite nos témoins, M. John Hughes, président de Gulf Trollers Association, et M. Jim Nightingale, directeur, à prendre la parole. Bienvenue, messieurs.
Le greffier me dit que je suis censé dire que nous procédons aujourd'hui à une étude de la gestion des pêches, en vertu de l'article 108(2) du Règlement.
Nous allons maintenant donner la parole à nos témoins.
Messieurs, vous avez 10 minutes et je vous demande de vous y tenir. Ceci laissera beaucoup de temps pour les questions. Je sais qu'il est toujours difficile de lire un mémoire complet en 10 minutes mais nous allons essayer de vous aider.
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Merci, monsieur le président, de nous avoir invités aujourd'hui.
Je m'appelle John Hugues et je suis président de la Gulf Trollers Association. Je suis accompagné de Jim Nightingale, l'un de nos directeurs.
La pêche commerciale au saumon sur la côte ouest du Canada est pratiquée par environ 540 pêcheurs à la traîne, 1400 pêcheurs à filets maillants et 280 senneurs. Notre association, Gulf Trollers, comprend 124 des bateaux à la traîne possédant un permis de pêche. Nous sommes des pêcheurs à la traîne qui produisons un saumon de grande valeur destiné aux restaurants du monde entier.
Beaucoup d'entre nous avons consacré toute notre vie à cette pêche et pouvions encore récemment en tirer un revenu raisonnable. Hélas, les 10 dernières années ont été extrêmement sombres. Si l'on n'apporte pas rapidement des modifications à la pêche commerciale au saumon sur la côte ouest, nous ne tarderons pas à disparaître. Et ceci ne proviendra pas d'un manque de poisson mais plutôt de la manière dont MPO gère cette pêche. Comment on le disait très clairement dans le rapport Pearse-McRae, « l'heure n'est plus au rafistolage ». Il nous faut un changement profond, et il nous le faut maintenant.
Nous venons de traverser une période durant laquelle le ministère a réattribué nos droits de pêche. Il l'a fait pour appuyer les revendications territoriales des Autochtones, pour apaiser les pêcheurs sportifs et en réponse à la menace d'une législation SARA. Les décisions du ministère ont peut-être donné satisfaction à ces divers intérêts mais elles ont eu pour effet d'asphyxier notre pêche. Nos pêcheurs ne pourront plus tenir longtemps si l'on ne modifie pas profondément la manière dont cette ressource est répartie.
Pour que cette pêche soit viable, il faut trois choses. En 2006, nous avons demandé au ministère d'attribuer un taux d'exploitation de 40 p. 100 au stock de saumon rouge du lac Cultus. Il nous faut cela pour pouvoir exploiter le grand nombre de saumons rouges qui vont bientôt remonter. Cette année sera l'année record du cycle de quatre ans du saumon rouge. C'est une année qui permet normalement à la pêche commerciale de tenir pendant les deux ou trois années qui suivent, qui seront très maigres. C'est donc maintenant ou jamais, nous sommes à genoux.
En contrepartie d'un taux d'exploitation de 40 p. 100, le secteur de la pêche commerciale réinvestira le produit de la vente de 100 000 saumons rouges dans l'infrastructure du Comité consultatif sur la pêche commerciale au saumon et, dans le cadre d'un plan pluriannuel que nous recommandons, consacrera une part supplémentaire au rétablissement des stocks du lac Cultus. Il s'agit là de sommes importantes qui constitueront une première en matière de cogestion.
Il convient par ailleurs que le ministère modifie avant 2007 ses méthodes de répartition pour garantir que chaque groupe d'utilisateurs rende compte de ses prises. Pour ce faire, il faut que chaque secteur, y compris les pêcheurs sportifs et les pêcheurs autochtones, se voie attribuer un pourcentage fixe du nombre total de prises autorisées et, dans ce total, un plafond d'exploitation des stocks préoccupants.
La dernière mesure nécessaire au rétablissement de notre viabilité consistera à mettre sur pied un système de partage des informations entre les divers secteurs pratiquant la pêche commerciale. Il convient d'élaborer une nouvelle formule de répartition fondée sur le nombre d'individus ou sur le poids plutôt que sur la valeur à quai. La formule actuelle exerce une pression à la baisse sur le prix du saumon, récompense la mauvaise qualité et punit ceux qui ajoutent de la valeur au poisson à bord de leur bateau -- ce qui est manifestement la mauvaise manière de gérer une ressource canadienne.
Nous souhaitons continuer la pêche commerciale et approvisionner le Canada en saumon sauvage. Toutefois, si le gouvernement, dans sa grande sagesse, préfère que cette ressource soit exploitée différemment, nous nous attendons à ce qu'il se comporte avec décence. Réattribuer les stocks sans compensation serait inacceptable dans n'importe quelle autre industrie d'exploitation des ressources et ne voyons pas pourquoi ce serait différent dans le secteur de la pêche.
En conclusion, voici ce que nous demandons à votre comité. Nous souhaitons votre appui pour un taux d'exploitation de 40 p. 100 des stocks du lac Cultus. Nous souhaitons votre appui au principe que la répartition est la clé de la conservation. Chaque groupe d'utilisateurs doit se voir imposer un pourcentage fixe des stocks disponibles. Il faut plafonner les prises des stocks préoccupants, et chaque groupe doit être tenu de rendre compte de ses prises. Nous vous demandons aussi d'adresser une lettre au MPO pour demander qu'il appuie le Comité consultatif sur la pêche commerciale au saumon dans la résolution du problème de la répartition intersectorielle. Pour ce faire, il faut un médiateur et il faut que le MPO nous fournisse les experts techniques dont nous avons besoin.
Plus important que tout, il faut que le MPO fasse une déclaration publique. Il faut qu'il dise au CCPCS qu'il nous appuiera jusqu'à la fin de l'année dans la recherche d'une solution à nos problèmes de répartition de la pêche commerciale. Si nous ne trouvons pas de solution d'ici la fin de l'année, il devrait imposer un arbitrage exécutoire.
Monsieur le président, nous vous avons remis deux mémoires dont l'un doit faire l'objet d'une correction, à la deuxième page, et cette correction est en cours.
Bienvenue, messieurs. Je suis heureux de vous revoir.
J'ai plusieurs précisions à vous demander. J'ai eu le plaisir de discuter quelques minutes avec vous hier et j'aimerais vous demander des précisions sur la notion de valeur ajoutée. Quand vous ajoutez de la valeur aux poissons, en quoi cela affecte-t-il le quota qui vous est attribué? Devrait-on appliquer le même principe aux autres secteurs de la pêche, afin d'égaliser les règles du jeu? Si je vous comprends bien, quand vous ajoutez de la valeur à votre poisson, votre quota diminue. Je crois qu'il est important que le comité vous entende à ce sujet.
Je crois comprendre aussi que certaines espèces sont en difficulté. Vous en avez parlé brièvement mais je vous demande de donner des précisions car j'estime qu'il est important que le comité sache ce que vous avez l'intention de faire pour assurer le rétablissement de ces espèces. Évidemment, cela est très important pour la pêche.
J'aimerais également vous demander d'expliquer au comité les difficultés que vous avez avec les pêcheurs sportifs. Certes, nous aimons tous le sport mais il est important que l'on sache quel est l'effet de la pêche sportive sur vos revenus. Vous êtes un pêcheur commercial, vous avez besoin de gagner votre vie et il est important que le comité et le gouvernement comprennent ce qui se passe quand on attribue un nombre important de poissons aux pêcheurs sportifs.
Je vous serais très reconnaissant de bien vouloir éclairer le comité sur ces diverses questions.
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En ce qui concerne la valeur ajoutée, elle est importante parce que la pêche commerciale est répartie en fonction de la valeur du poisson sur la base d'une équivalence avec le saumon rouge. C'est peut-être un peu compliqué mais il suffit de comprendre que tout dépend de la valeur commerciale du poisson.
De par la nature de leur activité, les pêcheurs à la traîne traitent chaque poisson individuellement. Chaque poisson est tué, saigné et vidé individuellement. Dans certains cas -- la moitié des pêcheurs de cette catégorie, à peu près, ont des congélateurs sur leur bateau et congèlent immédiatement leurs prises, ce qui donne un très beau produit pour lequel ils obtiennent un prix supérieur, ce qui porte à croire que c'est une excellente affaire.
Les autres pêcheurs, à la senne et au filet, vendent le poisson tel qu'il est pêché. Leur poisson n'est ni saigné ni vidé, c'est en usine qu'il est transformé. Dans certains cas, leur seule intervention consiste à le mettre dans un sac en plastique pour le vendre directement aux consommateurs.
Voici ce qui arrive l'année suivante. Comme les quotas sont attribués en fonction de la valeur du poisson pêché, les pêcheurs à la traîne sont pénalisés puisqu'ils ajoutent de la valeur à leur produit sur leur bateau. Les pêcheurs au filet obtiennent un quota plus élevé parce qu'ils fournissent un produit de moindre qualité, ce dont ils sont récompensés quand on les autorise à pêcher plus de poissons pour rééquilibrer leurs revenus. Ceci est manifestement injuste car notre objectif devrait être d'essayer d'obtenir le plus de valeur possible de cette ressource, et d'encourager chaque secteur à y ajouter de la valeur.
La solution que nous proposons consisterait à faire la répartition non pas en fonction de la valeur mais en fonction du nombre d'unités ou du poids. Si tel était le cas, chaque pêcheur aurait intérêt à accroître la valeur de son poisson.
J'espère que cela répond à votre question. James, vous pouvez peut-être répondre au sujet du lac Cultus.
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Je vais simplement conclure à ce sujet en mentionnant l'étude qui n'a pas encore était traduite, intitulée « Allocation within Commercial Fisheries in Canada » et qui porte sur le hareng, le saumon et le poisson de fond du Pacifique. Cette étude, préparée et présentée par Gordon Gislason, explique avec force détails et très clairement le principe des équivalences en saumon rouge. Vous y trouverez une excellente explication de ce que John vient de vous dire et sur quoi je n'insiste pas parce que c'est très technique.
En ce qui concerne le lac Cultus, il y aura cette année une remontée de 18 millions de saumons rouges dans le Fraser. C'est une quantité énorme et c'est une remontée qui nous a permis de gagner beaucoup d'argent dans le passé mais, cette année, nous avons un problème avec les stocks du lac Cultus. C'est un lac très proche de Vancouver où il y a beaucoup de problèmes. Les saumons rouges qui vont y remonter auront beaucoup de problèmes. L'an dernier, nous n'avons pas du tout été autorisés à y pratiquer la pêche à cause de ces problèmes et à cause du moment et de la manière dont s'était faite la remontée.
Nous sommes autorisés à pêcher une certaine partie de cette remontée -- un certain pourcentage de ce que nous appelons en anglais des morts. Pour pouvoir pêcher une partie quelconque de ce poisson, nous pensons qu'il nous faut un quota de 40 p. 100 de morts, ce qui peut paraître élevé mais nous avons prévu des améliorations sur ce lac. Nous avons prévu de dépenser de l'argent pour cela... Ce sera une première pour des pêcheurs puisque nous allons nous imposer une taxe afin de résoudre les problèmes du lac. Nous avons consulté des scientifiques qui nous disent qu'il sera plus bénéfique d'investir de l'argent pour résoudre ces problèmes que de réduire les quotas de la pêche commerciale, et que cela devrait permettre de maintenir un taux d'exploitation de 40 p. 100.
Le problème fondamental du lac est qu'on y a introduit de l'achillée millefeuille et que cette herbe permet au fretin de brochet, un prédateur du petit saumon, de s'y cacher et d'attaquer le jeune saumon au moment de l'éclosion et à la sortie du lac. C'est un gros problème.
Le problème ne concerne pas tant la pêche commerciale que le lac lui-même, et cette proposition fera beaucoup pour... Si l'on décidait de mettre un terme à la pêche commerciale de ce poisson sans résoudre les problèmes du lac -- je m'avance peut-être un peu, ici -- cette remontée disparaîtrait. Il faut résoudre les problèmes du lac.
Allez-y, John.
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Le problème qui se pose est que cette remontée est menacée. Hélas, elle vient aussi avec les 17,5 millions de saumons rouges qui ne sont pas menacés. Tous les poissons remontent ensemble et on ne peut pas les différencier, ce qui signifie que, quand nous pratiquons la pêche dans un stock particulièrement abondant, nous pêchons aussi les poissons qui posent des problèmes. C'est un handicap pour notre pêche.
Le Conseil consultatif de la pêche commerciale au saumon a demandé à un biologiste d'étudier la situation. Le problème n'est pas que l'on pratiquerait de la surpêche dans ce lac, il concerne le lac lui-même. Nous avons décidé de réunir des fonds pour essayer de rétablir l'état du lac. Notre biologiste nous dit que, si nous agissons ainsi, nous aurons une meilleure remontée dans quatre ans que si nous ne pêchons pas du tout. Ce serait un pas en avant considérable.
Nous avons demandé l'an dernier au MPO si nous pouvions faire ce travail et nous avons essuyé un refus pur et simple. Le MPO nous a dit alors : « Si vous pouvez convaincre les Autochtones le long du fleuve de le faire, nous vous appuierons; sinon, débrouillez-vous ». Cette année, nous sommes allés discuter avec tous les groupes d'utilisateurs. Tous les pêcheurs commerciaux sont avec nous. Le Conseil consultatif de la pêche sportive est avec nous. La Fraternité autochtone, qui représente les 30 p. 100 de pêcheurs commerciaux de notre groupe qui sont autochtones, nous appuie. Les autochtones du détroit de Johnstone sont avec nous. Les écologistes voulaient nous limiter à 11 p. 100 l'an dernier mais nous avons entendu dire qu'ils seraient prêts à accepter 30 p. 100 si nous faisions ce travail de rétablissement du lac.
Le dernier groupe à se joindre à nous est le groupe des Autochtones du fleuve. Nous n'avions pas beaucoup d'espoir à ce sujet et, comme il y a 97 bandes le long du fleuve Fraser, la tâche s'annonçait difficile. Toutefois, nos représentants ont rencontré des représentants autochtones la semaine dernière et ils doivent les rencontrer à nouveau cette semaine et la semaine prochaine. Les Autochtones doutent de nos données scientifiques. Nous allons leur donner des explications à ce sujet. Ils tiennent aussi à ce que l'on reconnaisse qu'ils possèdent certains droits d'exploitation économique de ce poisson.
Nous leur avons donné notre accord à ce sujet, avec réticence et en fixant certaines conditions : que leurs pêcheurs travaillent comme les nôtres, en suivant les mêmes règles, et qu'il y ait une reddition de comptes. Chaque poisson devra être comptabilisé, sinon nous serons tous en difficulté.
Il semble que nous puissions obtenir suffisamment d'appuis cette année pour aller de l'avant. C'est une perspective très encourageante. Il faut que ça se fasse.
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À mon avis, le principal problème que nous avons avec le ministère et avec la cogestion est que les politiques établies n'ont pas de limite de temps. Il n'y a aucune obligation de les revoir. Or, j'ai la ferme conviction que toute politique devrait comporter une date de révision obligatoire afin que l'on puisse y apporter des changements quand c'est nécessaire.
À l'heure actuelle, les pêcheurs sportifs bénéficient d'un accès prioritaire qui détruit totalement la pêche commerciale. Hélas, nous ne pouvons rien y faire parce que c'est la politique. C'est ce qu'on nous a dit. Pourtant, chaque groupe d'utilisateurs admet que c'est préjudiciable à la pêche commerciale, mais ça ne change rien.
Au sein même du secteur de la pêche commerciale, nous avons beaucoup de difficultés à nous entendre sur la manière dont la politique devrait être modifiée. Nous convenons tous que la politique ne fonctionne pas mais, si des changements y sont apportés, il y aura des perdants et des gagnants.
Au bout d'un certain temps, il faut être capable d'imposer la décision. La législation SARA nous ruine mais au moins, quand elle a été adoptée, on avait prévu une révision au bout de cinq ans. Il devrait y avoir la même chose pour chaque politique.
J'espère que cela répond à votre question.
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Le secteur de la pêche sportive est défendu par un groupe de pression très puissant. Beaucoup de gens achètent des permis de pêche et les politiciens sont très sensibles à leurs arguments. De fait, le groupe de pression lui-même est composé exclusivement de gens d'affaires. Ce sont des entrepreneurs exploitant des camps de pêche ou de grands bateaux de pêche sportive qui gagnent très bien leur vie en pêchant le même poisson que nous.
Ce secteur a connu une croissance phénoménale en Colombie-Britannique au cours des cinq dernières années. Par exemple, il y a cinq ou six ans, sur la côte nord, on pêchait très peu de saumon du Pacifique, l'une des principales cibles des pêcheurs à la traîne. L'an dernier, ils en ont pêché 80 000 individus. Cette année, on nous a attribué 156 000 saumons du Pacifique et on leur en a attribué 75 000. En ce qui concerne le saumon coho, on leur en a attribué plus de 100 000 individus cette année, ce qui est considérable.
Ils bénéficient de ce que nous appelons un accès prioritaire. Il y a quelques années, le Canada a décidé que la pêche sportive avait plus d'importance que la nôtre et on a donc accordé à ces pêcheurs un accès prioritaire pendant les années moins abondantes, afin de préserver leurs entreprises. Maintenant, c'est devenu un accès prioritaire permanent. La bombe que Pêches et Océans Canada a fait éclater il y a une semaine...
Au fait, messieurs, si les prises de saumon quinnat sur la côte ouest de l'Île de Vancouver augmentent de 10 p. 100, vous n'aurez pas de poisson l'an prochain. Dans les Îles de la Reine-Charlotte, c'est le saumon quinnat que nous pêchons et il y a eu des remontées abondantes dans le passé. Par contre, à l'ouest de l'Île de Vancouver, ce saumon est menacé. Pour le protéger, nous sommes limités à 6 p. 100 cette année. Autrement dit, si nous dépassons 6 p. 100 sur la côte ouest de l'Île de Vancouver, nous serons en difficulté.
Au moment même où nous nous parlons, il y a là-bas un bateau qui procède à des essais. Toutes les deux semaines, un bateau part faire des essais et c'est nous, les pêcheurs, qui en payons les frais. Nous effectuons des examens d'ADN sur ce poisson, ce qui permet de connaître le pourcentage d'individus pêchés qui proviennent de la côte ouest. Si nous dépassons 6 p. 100, nous arrêtons. Sinon, nous continuons. Si c'est plus de 6 p. 100 quand nous sommes en train de pêcher, on nous chasse de ces eaux ou on nous interdit de continuer. Par contre, les gens des camps de pêche le long de la côte peuvent continuer. De fait, les bateaux gigognes peuvent aller dans ces eaux avec leurs pêcheurs sportifs et prendre précisément les poissons que nous n'avons pas le droit de pêcher.
Il n'y aurait pas de problème si les pêcheurs sportifs avaient leur propre niveau à gérer mais toutes leurs prises sont comptabilisées avec les nôtres et, à la fin de l'année, si c'est plus de 10 p. 100, nous ne pêchons plus l'année suivante mais eux peuvent continuer.
Ce que nous demandons, c'est la même règle pour tout le monde. Donnons-leur une part du gâteau mais obligeons-les également à rendre des comptes en ce qui concerne les stocks menacés.
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Merci beaucoup d'être venus ce matin, messieurs.
Je voudrais revenir au problème du lac Cultus parce que ce sera probablement le problème le plus important dans le secteur de la pêche cette année. J'aimerais revenir sur les détails pour m'assurer que chacun comprend bien la situation.
Cette année, il y aura une remontée de 17 ou 18 millions de saumons rouges dans le Fraser. La moitié, en gros, constituera la prise autorisée, qui sera répartie entre les divers groupes d'utilisateurs.
Vous avez dit -- avec raison, je crois -- que le taux d'exploitation de ce saumon Cultus était de 11 p. 100 l'an dernier et que c'est ce chiffre qui fait l'objet de négociations pour cette année. Les pêcheurs commerciaux disent que le taux d'exploitation devrait être d'environ 40 p. 100. Certains groupes autochtones disent qu'il devrait être de zéro.
Quand on parle d'un taux d'exploitation de 12 p. 100, cela ne représente pas beaucoup de poissons, n'est-ce pas?
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Le ministère a publié un rapport à ce sujet il y a quelques années, le rapport des consultants ARA, où l'on estimait la valeur de la pêche sportive en tenant compte de ses retombées locales provenant, par exemple, de l'achat de chaque moteur de bateau et de chaque dame de nage en Colombie-Britannique. En ce qui concerne le poisson commercial, sa valeur était calculée à quai, c'est-à-dire en fonction de l'argent payé au pêcheur. C'était la comparaison.
Nous pensons que cette comparaison était injuste. La valeur du poisson commercial est peut-être trois ou quatre fois sa valeur à quai. Quand on expédie ce poisson au Japon, il a une valeur ajoutée considérable provenant de la transformation, des réparations, des industries associées à notre flotte, etc. Il y a beaucoup de retombées économiques.
Pour la pêche sportive, nous estimons que 25 p. 100 des pêcheurs, environ, viennent de l'étranger, et ce sont des gens qui créent des dollars d'exportation. Certains des camps de pêche appartiennent à des Américains et les profits sortent donc aussi du pays.
Environ 75 p. 100 de la pêche commerciale de notre région, surtout sur la côte ouest et dans les Îles de la Reine-Charlotte, est exportée, ce qui fait entrer de l'argent au Canada. Comparez le fait que 75 p. 100 de notre pêche commerciale est exportée, ce qui rapporte de l'argent, aux 25 p. 100 que rapporte la pêche sportive.
Nous pensons que les consultants du rapport de ARA n'ont pas calculé correctement la valeur réelle de notre pêche.
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Il y a 12 ou 14 ans environ, on avait demandé à un certain M. Kelleher d'étudier le problème de la répartition et il avait produit un rapport à ce sujet. C'est ce qu'il avait recommandé. La répartition est faite de cette manière-là depuis ce temps-là. Chaque année, nous nous réunissons dans une pièce et nous nous battons mais l'objectif global est de répartir la pêche à proportion de 22 p. 100, 38 p. 100 et 40 p. 100 en utilisant les équivalents de saumon rouge.
Quand il a produit son rapport, on pratiquait la pêche tout le long de la côte. Peu après son rapport et peu après que nous l'ayons accepté, on a réparti la pêche en huit secteurs. Il y a trois secteurs pour la pêche à la traîne, trois secteurs pour la pêche au filet maillant et deux secteurs pour la pêche à la senne. il y avait le saumon rouge du fleuve Fraser que l'on utilisait pour faire un partage égal. Aujourd'hui, ce n'est plus possible parce qu'il y a des secteurs géographiques bien précis et que ce poisson n'est pas disponible dans tous les secteurs. Vous me suivez?
Donc, le processus de répartition ne fonctionne plus et on ne peut pas le réparer. Tout le monde convient qu'il ne marche plus -- le ministère, les secteurs commerciaux, les observateurs indépendants. Ça ne marche plus, les gars. L'an dernier, on a demandé à la CCPCS et au ministère de régler le problème. Le ministère a alors procédé à un exercice d'évaluation de nos permis de pêche pour les revendre aux Autochtones afin de régler leurs revendications territoriales.
Je veux bien qu'on vende mon permis mais quelle est sa valeur? Qu'allez vous acheter vraiment? Aujourd'hui, une simple possibilité de pêcher car je ne possède rien.
Nous avons donc dû attribuer une valeur à ces permis. Pour ce faire, on a fait une estimation de toutes les remontées et on les a réparties entre chaque détenteur de permis. Par exemple, il y a 538 pêcheurs à la traîne et ils ont droit à 22 p. 100 des prises totales. Donc, on divise ces prises par 538 et on obtient la part de chacun. Si un Autochtone achète mon permis, c'est ce qu'il achète.
Par contre, si un Autochtone du fleuve Fraser achète mon permis, il ne veut pas nécessairement du saumon rouge de la rivière Skeena ou du saumon de printemps des Charlottes. Nous avons donc proposé que l'on établisse une sorte de banque d'échange afin que le poisson excédentaire auquel telle ou telle bande ne peut pas avoir accès soit mis en banque les pour que d'autres bandes puissent y avoir accès dans le cadre d'un processus d'échange. Ce que nous proposons n'est pas parfait mais nous n'avons rien trouvé de mieux.
Ce n'est pas ce que nous faisons ici aujourd'hui. C'est une tâche qui a été confiée à la CCPCS qui doit chercher la meilleure méthode de répartition des stocks. Ce que nous demandons à votre comité, c'est que l'on donne une aide financière et technique à la CCPCS pour qu'elle puisse entreprendre des négociations adéquates, et surtout, que l'on fixe une date limite -- fin décembre, par exemple, à défaut de quoi on imposera un arbitrage exécutoire. Et je ne pense pas qu'il y ait trop de pêcheurs... Je sais que je ne souhaite pas d'arbitrage exécutoire. Je préfère qu'on trouve une solution.
J'aimerais remercier nos témoins...
M. John Cummins: Puis-je poser quelques brèves questions?
Le président: Non, John, nous n'avons plus assez de temps et j'ai deux questions à poser, ou plutôt trois.
Suite aux discussions que j'ai eues avec vous hier, et après vous avoir entendu ce matin, je voudrais revenir sur les trois choses que vous attendez de ce comité, et vous me corrigerez si je me trompe.
Premièrement, la répartition en fonction de la valeur ne marche pas pour votre secteur et s'est traduite en réalité par une baisse des prises totales autorisées pour votre secteur depuis plusieurs années.
Deuxièmement, il y a le problème du lac Cultus, parce que vous souhaitez une augmentation des prises autorisées sur ce lac cette année.
Troisièmement, et ce facteur n'a pas été mentionné, on procède actuellement, comme vous l'avez expliqué, à des tests d'ADN sur le stock du lac Cultus. Est-ce bien cela? Ou est-ce la flotte commerciale qui fait les tests?
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Je remercie le comité de m'avoir offert cette opportunité de lui faire part de nos graves préoccupations au sujet du projet de refonte du Programme des observateurs en mer qui a été annoncé l'an dernier par le MPO.
La direction et les employés de Biorex s'opposent avec vigueur à ce projet de refonte du Programme des observateurs en mer. Nous sommes d'avis que sa mise en oeuvre aura des impacts négatifs très importants sur l'ensemble des intervenants, incluant les pêcheurs, les observateurs, le MPO, les compagnies d'observateurs comme Biorex, et que cette refonte ira à l'encontre des impératifs de conservation et de protection des ressources halieutiques canadiennes.
Les raisons qui nous permettent d'avancer ce qui précède sont nombreuses et il serait difficile de toutes les expliquer dans ce court exposé. Un document présentant l'ensemble de notre argumentation a déjà été distribué aux membres du comité. Je limiterai donc ma présentation à deux éléments fondamentaux du projet de réforme, soit l'intégrité du programme et son coût.
Le principal problème de ce projet de refonte est qu'il accorde aux pêcheurs le droit de choisir ceux qui observent leurs opérations de pêche. Un tel système placera les compagnies d'observateurs ainsi que les observateurs eux-mêmes en situation de conflit d'intérêts. En effet, la pression compétitive sur les compagnies qui tenteront d'obtenir ou de conserver des contrats avec l'industrie de la pêche créera des situations où l'industrie tentera de manipuler le système à son avantage.
Par ailleurs, comme c'est le cas pour le programme de pesage à quai, que le projet de refonte utilise comme modèle, le système proposé permettra à l'industrie de la pêche de créer et contrôler ses propres programmes.
Enfin, les observateurs à bord des bateaux seront constamment en situation de compromis entre les exigences du programme et le souhait de certains pêcheurs pour qu'ils ignorent des irrégularités ou faussent les données. Il faut comprendre qu'un observateur qui ignore une infraction ou qui fausse des données peut augmenter considérablement les profits des opérations de pêche et que, avec le nouveau système proposé, cela pourrait assurer des contrats futurs à son employeur ou assurer son propre emploi.
Le problème de crédibilité et d'intégrité des programmes à fournisseurs multiples, tel que celui proposé, est bien connu des experts et intervenants nationaux et internationaux. Il a été mis en évidence dans plusieurs conférences internationales et rapports gouvernementaux décrits dans le mémoire qui a été distribué. Je me contenterai de ne mentionner ici que les deux cas les plus pertinents.
Premièrement, un expert indépendant mandaté par le MPO pour examiner les diverses options de refonte du Programme des observateurs en mer a recommandé en 2000 de maintenir l'exclusivité régionale présentement en vigueur pour la fourniture des services. Le projet de refonte annoncé va donc diamétralement à l'encontre de cette recommandation fondamentale.
Deuxièmement, sur la centaine de programmes d'observateurs qui existent présentement dans le monde, il n'y a en a que deux qui accordent aux pêcheurs le droit de choisir ceux qui les observent. Ces deux programmes couvrent les eaux de l'Alaska et ont des problèmes de crédibilité.
Le gouvernement américain réalise présentement des études approfondies afin de changer le système et faire en sorte que les pêcheurs n'auront plus le droit de choisir ceux qui les observent.
Pour conclure mes remarques sur l'intégrité du programme, il y a un consensus général à l'effet qu'accorder à l'industrie le droit de choisir le fournisseur des services d'observation équivaut à enfermer le loup dans la bergerie.
Quant au coût du programme, le gouvernement estime qu'il réalisera une économie de 2 millions de dollars par année à l'échelle du Canada en mettant en oeuvre cette refonte. Par ailleurs, on fait miroiter aux pêcheurs qu'avec le nouveau système, il y aura une réduction des coûts des services pour eux.
Nous soutenons que cette hypothèse n'est pas fondée sur des évaluations crédibles et que les impacts économiques de la refonte pour les pêcheurs et la société en général seront négatifs, pour les raisons suivantes.
Premièrement, l'économie de 2 millions de dollars pour le gouvernement provient d'abord du transfert à l'industrie du coût de coordination du programme actuellement payé par le MPO aux compagnies d'observateurs. Ce coût de coordination s'élève actuellement à 3 millions de dollars par année à l'échelle du Canada. D'autre part, le gouvernement prévoit une augmentation de 1 million de dollars de ses coûts internes pour le contrôle du nouveau système. Or, 3 millions de dollars, moins 1 million de dollars donne un montant égal à l'économie de 2 millions de dollars espérée par le gouvernement.
Deuxièmement, selon ces chiffres publiés par le MPO, le coût d'administration du programme augmentera donc de 1 million de dollars par année avec la refonte. En vertu de la refonte, le niveau de compétition entre les compagnies d'observateurs risque de diminuer plutôt que d'augmenter. En effet, comme c'est actuellement le cas pour le programme de pesage à quai, les compagnies d'observateurs qui seront contrôlées par l'industrie de la pêche bénéficieront de véritables monopoles afin de servir leurs flottes.
Troisièmement, le projet de refonte permettrait la fragmentation des programmes régionaux actuels en unités plus petites. Cela entraînera une perte substantielle d'économies d'échelle au niveau de la coordination du programme et augmentera le coût de déplacement des observateurs entre les ports d'attache des bateaux.
Enfin, selon nous, il n'est pas réaliste de penser que la mise en oeuvre de la refonte proposée permettra une réduction des coûts pour les pêcheurs et pour la société en général. Ce qui est plus beau ou plus probable, c'est que les impacts négatifs de la refonte proposée sur les coûts d'administration, de coordination et de déplacement des observateurs créeront une forte pression à la baisse sur les salaires des observateurs et sur les procédures de vérification des données, tout cela au détriment de la qualité du programme.
En conclusion, nous ne comprenons pas pourquoi certains sont prêts à compromettre la qualité, l'intégrité et l'efficacité du programme, pour un maigre 400 000 $ par région, d'autant plus que les économies que le gouvernement espère réaliser avec cette réforme n'en sont pas vraiment pour la société. Il s'agit en grande partie d'un transfert du gouvernement à l'industrie de la pêche.
Nous croyons que le MPO ferait une erreur grave et possiblement irréversible s'il mettait en oeuvre la refonte annoncée. Afin d'assurer l'intégrité et l'efficacité du programme, il faut absolument maintenir le lien contractuel entre le MPO et les compagnies d'observateurs et garantir à ces dernières, dans le cadre des contrats, l'exclusivité des services à l'échelle régionale.
Pour terminer, nous recommandons que ce soit le MPO plutôt que les compagnies d'observateurs qui procède au recouvrement des coûts auprès de l'industrie, et cela, par le biais de droits de pêche. Ce changement améliorerait considérablement le programme pour la très grande majorité des intervenants.
Voilà qui met fin à cet exposé. Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie M. Gagnon de son exposé.
J'ai eu des contacts avec Seawatch Inc., de Terre-Neuve, qui fournit ses services à la province depuis 1981. Je suis très préoccupé par l'intégrité du programme pour la simple raison que, comme on dit par chez moi, je crains que le gouvernement ne demande au loup de garder la bergerie. Ce n'est pas comme ça qu'on va préserver la pêche.
Il faut en outre se pencher sur le coût du service et le coût qui retourne dans les poches des pêcheurs. Ma question est celle-ci : comment votre société, ou les sociétés concernées, peuvent-elles réduire les coûts pour les pêcheurs?
À l'heure actuelle, dans ma région, l'une des grandes préoccupations concerne la hausse continue des coûts de participation à la pêche. Si ce programme est transformé comme l'envisage le gouvernement, les coûts seront à nouveau transférés aux pêcheurs. Voilà la question à laquelle je vous demande de répondre.
Je voudrais de plus vous demander de parler de la concurrence -- vous avez abordé la question avec mon collègue -- entre les sociétés qui fournissent aujourd'hui le service. Pourriez-vous nous donner une idée de ce que coûtait le programme d'observation il y a cinq ans, par rapport à aujourd'hui? Même si je n'approuve pas la refonte du programme -- je tiens à le dire dès le départ -- j'aimerais savoir quel est son coût actuel.
Je vous serais très reconnaissant de bien vouloir essayer de répondre à ces questions.
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Merci. Je vais d'abord répondre à la question la plus facile.
En ce qui concerne l'évolution du coût du programme, je ne peux parler que pour Québec et le Golfe. Je n'ai pas les détails pour les autres régions, bien que j'en aie une certaine idée.
À Québec et dans le Golfe, je peux vous dire -- et MPO et Travaux publics ont tous les détails -- que les coûts du programme d'observateurs ont baissé de 10 p. 100 entre 1995 et aujourd'hui, en tenant compte de l'indice des prix à la consommation. Bien des raisons expliquent cette baisse, l'une d'entre elles étant que le processus d'offres était compétitif. Je ne sais pas combien de secteurs peuvent présenter une baisse de 10 p. 100 en 10 ans.
Je peux vous dire aussi que les prix dans les régions de Québec et du Golfe sont très compétitifs quand on les compare à ceux de programmes d'observation d'autres pays, sauf en Afrique. Si vous comparez le prix total de notre programme par jour en mer au prix des programmes américain, européen, australien ou néo-zélandais, vous verrez que nous sommes très compétitifs. Je pense que nous sommes les moins chers au monde.
En ce qui concerne la manière dont le coût du programme devrait être partagé entre le gouvernement et l'industrie, mon sentiment est qu'il ne m'appartient pas d'en décider ou d'en parler au nom de mon entreprise. C'est au gouvernement et à l'industrie qu'il appartient de régler cette question.
Tout ce que je veux dire aujourd'hui, c'est que le système actuel n'est peut-être pas parfait mais qu'il repose sur des principes fondamentaux garantissant le meilleur prix. Après la réforme, ces principes fondamentaux auront été jetés par-dessus bord et qui sait comment le prix évoluera.