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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 010 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 20 septembre 2006

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Chers collègues, je déclare la séance ouverte, puisque le temps presse.
    Avant que je présente les témoins d'aujourd'hui, nous devons nous occuper de certaines questions de régie interne. Nous allons le faire aussi rapidement que possible.
    Comme vous vous en rappelez, lors de notre réunion précédente, certains membres du comité ont demandé que le ministre de la Défense nationale soit convoqué devant nous. Nous avons été informés que, compte tenu de son agenda, le ministre ne peut comparaître devant le comité avant la mi-octobre. Je vous invite à en discuter ou à exprimer des commentaires à ce sujet. La parole est maintenant à celui qui la demande.
    Monsieur Dosanjh.
    Eh bien, j'aurais aimé que le ministre vienne ici et nous dise où en sont les choses avant d'assister à la rencontre des ministres de l'OTAN, qui doit avoir lieu le 28, je crois. Évidemment, on s'inquiète que l'OTAN envisage d'augmenter les troupes. Reste à savoir si c'était prévu auparavant, mais c'est ce qui se dit maintenant. Dans ce sens, il aurait été souhaitable que nous entendions le ministre et que nous puissions lui faire part de nos préoccupations, pour qu'il soit bien préparé avant la rencontre des ministres de l'OTAN.
    Quoi qu'il en soit, je suis déçu.
    Y a-t-il d'autres commentaires?
    Monsieur McGuire.
    Monsieur le président, nous sommes certainement déçus que le ministre ne puisse venir ici, et je crois que nous devrions le convoquer à nouveau.
    Le premier ministre a déclaré que c'était une guerre, et je crois que le ministre doit informer le comité de la défense le plus tôt possible de ce qui se passe dans cette guerre. Je crois en outre, monsieur le président, que nous devrions avoir un briefing hebdomadaire, comme cela se faisait durant la guerre du Golf. Le comité devrait être mis au courant au moins une fois par semaine, sinon plus souvent, et le ministre devrait comparaître devant nous puisqu'il était en Afghanistan récemment. Il devrait s'adresser au Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes et nous tenir au courant de la situation.
    Merci, monsieur McGuire.
    Quelqu'un d'autre veut faire des commentaires sur la réponse du ministre?
(1540)
    Pouvons-nous l'assigner à témoigner?
    Je ne sais pas quel est le privilège du comité. Je crois que non; nous pouvons faire ce que M. McGuire a proposé, c'est-à-dire le convoquer à nouveau. Les commentaires des deux intervenants précédents ont été entendus à notre dernière réunion, compte tenu des circonstances, mais nous avons une réponse du ministre au sujet de sa disponibilité, et il ne pourra comparaître avant la mi-octobre.
    Monsieur Bachand.

[Français]

    Je faisais une blague lorsque je parlais de faire parvenir une assignation à témoigner au ministre, de façon à l'obliger à comparaître. Le greffier du comité pourrait peut-être me donner des éclaircissements sur la question suivante.
    Je crois savoir que le Comité de la défense nationale a le droit d'envoyer des assignations à des témoins. Est-ce que je dois comprendre que le ministre, en vertu d'un règlement, bénéficie d'une exemption à cet égard? Est-ce à dire qu'il peut refuser de se présenter à ce comité et que nous ne pouvons pas lui faire parvenir d'assignation à comparaître pour témoigner?
    Le comité a le droit d'émettre une assignation, mais pour que celle-ci soit exécutoire, il faut que le comité fasse rapport à la Chambre. Celle-ci doit alors émettre une motion qui rend l'assignation exécutoire. En fait, il est très rare qu'une assignation soit émise à l'endroit d'un ministre de la Couronne.
    Supposons que je veuille inviter M. Pellerin, qui est assis là-bas, mais que ce dernier refuse de comparaître. Dans un tel cas, est-ce que le comité devrait aussi passer par la Chambre?

[Traduction]

    J'invoque le Règlement. Monsieur le président, avant que le débat ne dérape, il faut, je crois, que les membres sachent que le ministre est prêt à comparaître devant le comité. Il ne peut tout simplement pas se libérer à court terme. Je suis certain que les membres du comité qui ont déjà été ministres peuvent comprendre que le ministre de la Défense a une lourde charge de travail. Alors, avant d'aller trop loin et d'utiliser la manière forte pour le faire comparaître, mes honorables collègues pourraient peut-être faire preuve d'un peu d'indulgence à l'égard du ministre et lui donner la chance d'aménager son horaire le plus rapidement possible.
    Nous revenons à M. Bachand, puis ce sera Mme Gallant.

[Français]

    Je veux bien donner une chance au ministre, mais il doit savoir que nous avons aussi une bombe atomique entre les mains. S'il ne veut pas modifier son horaire, il pourrait peut-être voir à utiliser des moyens un peu plus draconiens. Ici, je parle de procédure et non de guerre. C'est tout.

[Traduction]

    Madame Gallant.
    Ce que l'on souhaite, il me semble, c'est d'être informés de ce qui se passe en Afghanistan. Le greffier pourrait peut-être prendre des arrangements pour que nous puissions recevoir des briefings réguliers au MDN, si vous croyez que c'est nécessaire — si vous voulez effectivement être mis au courant de ce qui se passe.
    Monsieur  Dosanjh.
    À mon avis, il convient d'avoir des briefings du MDN à l'occasion, si nous le jugeons nécessaire, mais au bout du compte, le ministre est responsable de l'ensemble du ministère. Par conséquent, il a l'obligation de rendre des comptes. Je crois qu'il est important qu'il comparaisse devant nous.
    Je comprends les contraintes de temps et le fardeau qui incombe à un ministre, mais nous sommes dans une situation très complexe et difficile en Afghanistan. Le ministre a dit qu'il fournirait des rapports réguliers à la Chambre. Aucun rapport n'a encore été déposé à la Chambre. Il pourrait au moins présenter un compte rendu au comité. Nous l'avons rencontré la dernière fois il y a trois ou quatre mois, et je crois que la situation s'est aggravée depuis ce temps. Il importe que nous entendions le ministre de vive voix le plus tôt possible.
    Il se peut qu'il ne soit pas en mesure de comparaître avant le 28, bien que cela aurait été préférable, puisqu'il assistera à la réunion des ministres de l'OTAN, ce qui est très important. Il aurait pu nous apprendre certaines choses et, en retour, nous aurions pu lui faire des suggestions qui lui auraient peut-être parues raisonnables. Ce n'est pas que le comité veut le prendre à partie; c'est plutôt une question d'échange qui nous permettrait, à tous, d'apprendre, et le ministre peut apprendre aussi.
    Je donne la parole à M. Bouchard.
(1545)

[Français]

    Nous serons en congé pendant la semaine du 10 octobre. Je pense qu'il serait bon que le ministre vienne nous rencontrer avant ce congé, d'autant plus que nous avons besoin d'information. S'il comparaît après ce congé, la mi-octobre sera déjà dépassée. Je crois donc que nous devrions reformuler le texte et demander au ministre de revoir son horaire de sorte que sa comparution ait lieu plus tôt, si possible d'ici la fin de septembre.

[Traduction]

    Nous avons deux points de vue différents ici. D'un côté, vous voulez qu'on demande au ministre de faire tout ce qu'il peut pour nous rencontrer le plus tôt possible. De l'autre côté, d'après ce qu'a dit M. Hiebert, je crois comprendre que le ministre ne refuse pas de nous rencontrer. Il veut comparaître devant nous, mais son horaire rend la chose plutôt difficile. Je vous prie donc de m'indiquer...
    Monsieur Dosanjh.
    Je crois que les deux positions sont conciliables. M. Hiebert dit que le ministre peut éprouver des difficultés à comparaître. Nous disons qu'il devrait faire un autre effort et je crois que nous devrions le convoquer à nouveau.  
    Oui, madame Black.
    J'appuie cette motion.
    Vous demandez donc à la présidence de communiquer avec le ministre encore une fois, et immédiatement, pour lui demander de comparaître devant le comité. Est-ce bien cela?
    Demandez-lui de reconsidérer notre demande.
    Oui, monsieur Bachand.

[Français]

    Je pourrais appuyer cette motion, mais il faudrait, pour cela, la justifier. En d'autres mots, il faut des arguments. À mon avis, il y a urgence face à ce qui se passe en Afghanistan. De plus, il faut respecter le comité. Son travail est très important et il faut que le ministre s'en rende compte. Nous ne cherchons pas à tout bousiller; nous essayons de trouver des réponses et nous visons à régler un problème important et urgent. Dans la lettre ou la demande qui sera transmise au ministre, j'aimerais qu'on invoque ces deux éléments.

[Traduction]

    Permettez-moi de vous dire que je suis convaincu que le ministre respecte entièrement le comité et le travail qu'il fait, ayant lui-même été membre du comité avant d'occuper son poste actuel.
    Monsieur Hiebert.
    J'aimerais simplement proposer que vous communiquiez avec lui de façon informelle, ce qui serait plus approprié, au lieu de demander au comité d'adopter une motion qui exigerait un avis de 24 heures et d'autres formalités. À titre de président, vous pouvez peut-être demander au cabinet du ministre d'évaluer son emploi du temps une deuxième fois.
    C'est une excellente suggestion, qui nous évite l'avis de 24 heures. Merci d'avoir attiré notre attention sur cet aspect. Encore une fois, cela témoigne de vos bonnes intentions.
    Monsieur Dosanjh.
    Eh bien, vous pourriez faire les deux. Nous pourrions adopter une motion, mais vous pourriez aussi vous charger d'envoyer une note.
    Certainement, et cela satisfait tout le monde, si nous sommes tous d'accord.
    Est-il nécessaire de voter sur cette question? Nous pouvons le faire. Ou bien allons-nous de l'avant avec ces deux suggestions?
    Des suggestions ont été faites. Nous pourrions envoyer la demande informelle et, s'il faut aller plus loin, nous pouvons adopter la motion s'il le faut. Je crois qu'il serait approprié de faire un pas à la fois. Nous n'avons pas affaire à un ministre qui tente d'éviter le comité, alors donnons-lui la chance d'évaluer les choses et évitons d'utiliser la manière forte.
    Je comprends votre point de vue. Je ne crois pas que nous utilisions la manière forte; tout ce que nous faisons, c'est d'essayer de persuader le ministre du mieux que nous le pouvons. Je crois que le président peut contacter le ministre et nous pouvons aussi adopter la motion. La motion ne nuit en rien. Ce n'est pas comme s'il était accusé d'outrage; la motion est simplement un moyen officiel pour essayer de persuader le ministre de reconsidérer les choses.
    Je crois que la motion est la procédure officielle, si je peux le préciser, mais en votre nom, je vais parler au ministre demain, s'il est à la Chambre. Je ne connais pas son horaire, mais en votre nom, je vais lui en parler personnellement, ainsi que par l'intermédiaire de notre greffier.
    C'est une solution de compromis pour surmonter les contraintes de temps. Nous pouvons utiliser les deux méthodes — à moins qu'il y ait un vote. Le président agira selon votre volonté. Nous pouvons voter sur la motion ou nous pouvons aller de l'avant avec un consentement unanime. Toutefois, nous avons une motion sur la table et nous avons votre proposition également. Alors réglons cela, pour que nous puissions consacrer tout le temps nécessaire aux témoins.
    Est-il nécessaire de voter sur cette question?
(1550)
    C'est impossible sans un avis de 24 heures.
    Êtes-vous en train de dire qu'il faut un avis de 24 heures pour la motion? Est-ce bien ce que vous dites?
    Avant de voter sur la motion. Le Règlement stipule qu'il faut avoir un avis de 24 heures avant de voter sur une motion.
    Je donne donc cet avis, et nous pourrons voter la prochaine fois.
    Il me semble que nous avons eu une motion sur laquelle nous avons voté. Vous pourriez la présenter de nouveau. C'est plutôt redondant. Je crois que nous avions une motion à la dernière réunion.
    C'est vrai. J'essaie de revoir les notes de la réunion de lundi dernier. Si ma mémoire est bonne, nous avons adopté la motion, nous avons présenté la demande et le cabinet du ministre a répondu qu'il ne pouvait se libérer avant la mi-octobre. Alors, techniquement, nous nous sommes prononcés sur cette motion, ce qui nous amène à la déposer de nouveau et à donner un délai de 24 heures. Qu'on me corrige si je me trompe.
    D'accord. Comme le greffier m'en informe, vous avez raison de dire que l'avis de 48 heures est nécessaire pour une motion de fond que le comité doit examiner, à moins que la motion de fond porte directement sur la question à l'étude, et que l'avis de motion doit être déposé auprès du greffier du comité et distribué aux membres. Cela signifie qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un avis de 48 heures pour cette demande précise, comme il est stipulé dans le règlement du comité.
    Nous pouvons donc nous prononcer sur la motion qui a été déposée. Comme je vous l'ai dit, chers collègues, à mon sens, personne autour de la table n'essaie d'utiliser la manière forte, mais comme je l'ai entendu des deux côtés, ce sont des temps inhabituels, des temps difficiles. Le ministre, je le sais, souhaite comparaître devant le comité pour nous informer de la situation et nous tenir au courant.
    Il semble que nous n'ayons pas de consensus, alors je vais mettre aux voix la question sur le double arrangement.
    (La motion est adoptée.)
    Nous allons donc informer le ministre du double arrangement que nous avons.
    L'autre question de régie interne sera réglée rapidement. Vous avez tous été informés que le Canada recevra la visite du ministre de la Défense de la Croatie le 9 octobre. On a demandé si notre comité ou quelqu'un était disponible... Je sais que ce sera la semaine de relâche et que la Chambre ne siégera pas. Vous pouvez peut-être nous informer dans les prochaines 24 heures si vous pouvez être ici à Ottawa le 10 octobre pour rencontrer le ministre. Je vous prie de nous le dire le plus tôt possible. Regardez vos agendas — nous savons certainement ce que nous faisons d'ici deux semaines — pour que nous puissions dire au ministre ce qu'il en est.
    Voilà qui met fin aux questions de régie interne. Nous allons présenter les témoins.
    Dans le cadre de notre étude sur les Forces canadiennes en Afghanistan, qui est à l'ordre du jour, j'ai le plaisir d'accueillir aujourd'hui des représentants de la Conférence des associations de la défense: le lieutenant-général Richard J. Evraire (à la retraite), président de l'association, et le colonel Brian S. MacDonald (à la retraite), analyste principal de défense. Nous accueillons également M. Sean Maloney, professeur agrégé d'histoire du Collège militaire royal du Canada.
    Messieurs, soyez les bienvenus. Nous attendons avec impatience d'entendre vos déclarations. Nous avons habituellement dix minutes par personne. Si nous pouvons procéder comme nous le faisions lorsque j'étais président, nous allons entendre chacun d'entre vous et à la fin des exposés, nous allons passer aux questions, si tout le monde est d'accord pour procéder ainsi.
    Je ne sais pas si vous avez pigé au hasard pour savoir qui allait commencer, mais M. Evraire apparaît le premier sur ma liste. Voulez-vous commencer, monsieur?
(1555)
    Monsieur le président, merci beaucoup. Je vais présenter un exposé, et le colonel MacDonald m'aidera à répondre aux questions à la fin des déclarations.

[Français]

    Monsieur le président, je vous remercie de l'invitation faite à la Conférence des associations de la défense à parler de l'engagement militaire du Canada en Afghanistan.

[Traduction]

    L'exposé de la CAD portera sur cinq sujets : les critères servant à évaluer l'efficacité de la mission de la FIAS, la force internationale, sujet sur lequel nous avons inclus un document dans le dossier que nous avons remis au comité; le concept d'opération de la FIAS; quelques mots sur l'évaluation du succès des opérations de la FIAS jusqu'à présent; quelques commentaires sur la relation entre les opérations de combat de la mission canadienne et les efforts de reconstruction; et, pour terminer, un commentaire sur l'état du personnel et de l'équipement des Forces canadiennes en Afghanistan.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, la CAD croit que la mission de la FIAS — et l'importante participation du Canada dans cette mission — est une entreprise louable que dirigent les Forces canadiennes avec le plus grand professionnalisme et qu'elle aura été efficace seulement lorsque la campagne de terreur menée par les talibans et leurs alliés extrémistes aura échoué; lorsque la sécurité aura été restaurée au point où les citoyens afghans ordinaires se sentiront libres et libérés de la peur; lorsque l'armée et la police afghanes pourront assurer la sécurité efficacement; lorsque l'économie de marché du pays commencera à prospérer; lorsque le contrôle du gouvernement afghan central s'étendra sur l'ensemble du pays; lorsque les droits de la personne seront respectés; lorsque d'importants programmes de développement de l'infrastructure auront été mis sur pied; et lorsque les éléments d'un système de gouvernement démocratique conçu en Afghanistan se seront répandus dans toutes les régions du pays.
    Il est clair que l'atteinte de ces objectifs est une entreprise extrêmement complexe et difficile. Néanmoins, la CAD croit que l'absence d'un seul de ces critères ferait douter de la réussite finale de la mission de la FIAS.

[Français]

    La Force internationale d'assistance à la sécurité en Afghanistan, la FIAS, a pour mission d'aider le gouvernement afghan et la communauté internationale à maintenir la sécurité dans sa zone d'opération. La FIAS aide le gouvernement afghan à étendre son autorité au reste du pays et à instaurer un environnement sûr, propice à la tenue d'élections libres et équitables, au respect de la primauté du droit et à la reconstruction du pays, et ce, avec le concours de l'armée afghane et de la police nationale.
    Dès le début, la mission de la FIAS comprenait cinq phases. La première, qui était une phase d'évolution et de préparatifs incluant les opérations menées à Kaboul, est actuellement terminée. Le déploiement sur l'ensemble du territoire constitue la deuxième phase. Il faut préciser qu'en octobre 2003, le Conseil de sécurité de l'ONU autorisa le déploiement de l'OTAN au-delà des limites de la capitale afghane, Kaboul. En octobre 2004, l'OTAN se déploya dans les provinces du Nord et, en septembre 2005, dans les provinces de l'Ouest. Il est également à noter que le déploiement vers les provinces du Sud, incluant Kandahar, fut complété le 31 juillet 2006, il y a de cela à peine six semaines. La troisième phase des opérations, dans le cadre de laquelle opèrent et oeuvrent actuellement les Forces canadiennes, est une phase de stabilisation. Les deux dernières phases, la quatrième et la cinquième, sont des phases de transition et de redéploiement.
    Les Forces canadiennes sont déployées depuis peu dans la province de Kandahar, ce qui constitue le début de la troisième phase, celle de la stabilisation. En revanche, la FIAS est dans les secteurs du Nord et de l'Ouest depuis beaucoup plus longtemps que dans la province de Kandahar, et on y a atteint un niveau de stabilisation relativement élevé. Cela justifie un certain degré d'optimisme.

[Traduction]

    Le rapport de l'enquête sur la production d'opium en Afghanistan en date du 12 septembre 2006, que l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime publie chaque année, est la source la plus fiable au monde sur le commerce de l'opium et de l'héroïne en Afghanistan; en outre, il s'agit d'une source indépendante et empiriquement vérifiable par laquelle on peut mesurer les progrès et la réussite des opérations de la FIAS. Elle comporte également de solides indices quant aux changements qui s'opèrent dans la production de l'opium et quant au niveau de sécurité, ce qui témoigne en retour du niveau de réussite, sur une échelle régionale, des opérations de stabilisation de la FIAS. Le rapport montre que la plupart des provinces et des districts du nord et de l'ouest sont à faible risque sur le plan de la sécurité, tandis que le sud, où la FIAS est en place depuis seulement six semaines, comporte une proportion beaucoup plus grande de provinces et de districts à risque élevé ou extrême.
    Le changement observé entre 2005 et 2006 dans la superficie totale des cultures de pavot est une autre mesure que l'on trouve dans le rapport de l'ONUDC. Bien que les limites géographiques des diverses régions utilisées dans le rapport ne correspondent pas exactement aux limites régionales de la FIAS, elles sont suffisamment rapprochées pour permettre de tirer des conclusions significatives. Nous constatons que dans le nord, la superficie cultivée a chuté de 20 p. 100 sur une base annuelle, tandis que dans le sud, elle a fait un bond alarmant de 121 p. 100 bien que, chose intéressante, elle ait régressé de 3 p. 100 dans la province de Kandahar, qui relève de la responsabilité des Canadiens.
(1600)

[Français]

    Si nous nous fions aux deux indices signalés dans le récent rapport de l'ONU sur l'opium en Afghanistan, le pourcentage du territoire servant à la culture du pavot et le niveau de sécurité dans chacune des provinces, force est de constater que les opérations de la FIAS dans les secteurs du Nord et de l'Ouest ont connu un certain succès. Nous croyons raisonnable d'en espérer autant dans le secteur du Sud.

[Traduction]

    Le gouvernement afghan est aux prises avec un grave problème, soit l'écart énorme entre ses sources de revenu et celles dont disposent les narco-trafiquants.
    Le rapport sommaire de l'ONUDC sur les tendances liées à l'opium en Afghanistan de 2005 montre que la valeur totale des exportations d'opium vers les pays voisins s'est chiffrée à 2,7 milliards de dollars. De cette somme, les agriculteurs ont reçu 560 millions de dollars, tandis que les narco-trafiquants ont conservé 2,14 milliards de dollars, environ 80 p. 100 de la valeur totale des exportations. Puisque le PIB de l'Afghanistan était de 5,2 milliards de dollars cette année-là, les exportations d'opium correspondaient à environ 52 p. 100 du PIB.
    À l'opposé se trouve la base de revenu du gouvernement afghan. Les principaux indices des pays en développement de l'Asie et du Pacifique pour 2004, utilisés par la Banque asiatique de développement, montrent que le revenu total du gouvernement afghan de cette année-là s'élevait à 652 millions de dollars, soit environ 5,2 p. 100 du PIB.
    En 2005, la production d'opium dans la région du sud constituait 43 p. 100 de la production afghane totale et aurait rapporté aux narco-trafiquants du sud un revenu annuel de quelque 900 millions de dollars. En 2006, l'ONUDC signale que 61 p. 100 de la production totale viendra du sud. Si les prix à l'exportation restent les mêmes, ce sont environ 1,9 milliard de dollars qui se retrouveront dans les mains des narco-trafiquants.
    Selon nous, il est évident que l'immense écart entre les ressources financières des narco-trafiquants et celles du gouvernement national afghan assurerait la défaite totale des forces du gouvernement national afghan dans le sud.
    Si la FIAS devait se retirer, le pays replongerait rapidement dans une guerre civile qui, au mieux, entraînerait un déclin du contrôle des seigneurs de la guerre dans les régions et, au pire, permettrait l'arrivée au pouvoir d'une structure néo-talibane financée par les narco-trafiquants. L'Afghanistan serait passé d'une narco-économie à un narco-État. Ceux qui recommandent que nous pliions bagage doivent comprendre qu'ils favorisent le retour d'un régime terroriste taliban-al-Qaïda au lieu de la naissance, certes difficile, d'une démocratie fragile.

[Français]

    La reconstruction de l'Afghanistan ne peut se poursuivre sans que paix et sécurité ne règnent sur le territoire, permettant alors aux agences d'aide et de développement du Canada, des autres pays de l'OTAN et de nombreux pays à travers le monde de s'engager fermement à réparer ou remplacer les éléments d'infrastructures nécessaires à la floraison d'une économie de marché. Or, depuis le début de l'engagement des Forces canadiennes en Afghanistan et compte tenu de la nature changeante des opérations militaires contre les talibans et leurs alliés, la Conférence des associations de la défense reconnaît et admire le professionnalisme des militaires canadiens et de leurs commandants à adapter leurs méthodes et à modifier leur inventaire de matériel militaire selon les besoins du moment. Ceci permet aux militaires canadiens d'atteindre les nombreux objectifs de leur mission, la réussite de laquelle est une condition sine qua non de la reconstruction de l'Afghanistan.

[Traduction]

    Il faut se rappeler, toutefois, que la situation des Forces canadiennes en Afghanistan et leur capacité d'accomplir la mission qui leur est confiée au sein de la FIAS doivent être considérées dans le contexte plus vaste des autres obligations internationales du Canada, et de ses obligations nord-américaines, tant au pays qu'ailleurs sur le continent, obligations qu'elles doivent pouvoir remplir.
    C'est pourquoi la CAD continue d'encourager tous les décideurs à reconnaître que nous vivons aujourd'hui dans un monde incertain, où la préparation à la défense et à la sécurité, visant à offrir un environnement sûr aux citoyens, constitue la plus importante responsabilité du gouvernement.
    Il est donc essentiel que le gouvernement continue de respecter ses obligations envers les hommes et les femmes des Forces canadiennes en leur assurant un effectif suffisant et dûment formé ainsi que l'équipement dont ils ont besoin pour poursuivre et mener à bien les missions qui leur sont confiées.
    En conséquence, la CAD considère que l'ajout récent, à la mission de la FIAS, d'un escadron de chars, d'une compagnie d'infanterie, de spécialistes du génie de combat et d'autres éléments est une réponse prudente et louable aux besoins de la mission qu'a formulés le commandant responsable des opérations, qui évalue constamment la situation changeante de son secteur.
    Pareilles décisions permettront d'améliorer sensiblement la capacité du Canada de remplir son mandat actuel en Afghanistan.
(1605)

[Français]

    Dans la même veine et pour les mêmes motifs, la CAD se réjouit de l'intention du gouvernement du Canada d'entreprendre de façon significative la recapitalisation des éléments de matériel militaire dédiés au transport stratégique étatique sous la forme de nouveaux aéronefs et de navires.
    En conclusion, monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de votre gentille attention. Le colonel à la retraite Brian MacDonald, analyste à la CAD, et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci de votre exposé.
    Nous entendrons maintenant M. MacDonald.
    Monsieur le président, comme le général Evraire l'a fait remarquer, j'ai participé à la rédaction de son exposé, et je ne présenterai donc pas de témoignage distinct. Je vais aider le général Evraire à répondre à toutes les questions que le comité voudra nous poser.
    Merci. Nous attendons avec impatience vos réponses — en personne, pas seulement à la télévision, ce qui est très intéressant. Nous aurons ainsi plus de temps pour vous poser des questions.
    Monsieur Maloney.
    On m'a demandé de me libérer pour répondre à des questions sur l'état actuel des opérations en Afghanistan, alors il serait préférable que je me présente.
    Je suis un historien du domaine militaire. J'enseigne actuellement la conduite de la guerre contemporaine au Collège militaire royal du Canada. Depuis 2003, je voyage en Afghanistan chaque année. J'ai observé les opérations du Canada et de la coalition pour les organisations suivantes: la FIAS d'avant l'OTAN; les opérations américaines durant l'opération Enduring Freedom; la FIAS sous l'OTAN, y compris les équipes provinciales de reconstruction dans le nord; les opérations de l'EPR canadienne dans le sud; et plus récemment, cet été, les forces opérationnelles Aegis et Orion et l'EPR, qui forment les opérations canadiennes collectives dans le sud.
    Je peux vous offrir diverses conceptualisations sur la façon dont la guerre a évolué et dont elle a été menée. Je peux établir des comparaisons entre diverses techniques et parler de l'évolution des opérations dans le théâtre. Je peux vous donner un aperçu de l'état de la menace ou de ce que peut penser notre ennemi.
    Je vais m'arrêter ici; je suis simplement disponible pour répondre aux questions.
    Merci beaucoup, monsieur Maloney.
    Nous allons passer aux questions du comité. J'aimerais rappeler aux membres que nous avons sept minutes chacun au premier tour, en comptant les questions et les réponses. Nous allons essayer d'en faire le plus possible.
    Monsieur Dosanjh.
    Merci.
    Permettez-moi de poser une première question à M. MacDonald, ou à M. Evraire.
    Vous avez dit que le déploiement supplémentaire de chars, de spécialistes du génie, etc. faisait suite à la demande des commandants sur le terrain, comme ce doit l'être, en fonction des opérations. Évidemment, ces ressources sont nécessaires à la sécurité et à la protection de nos troupes et c'est ce qui doit toujours primer. Toutefois, j'aimerais vous poser une question sur les incidences que cela aurait sur les coeurs et les esprits.
    Je lis dans les commentaires de M. MacDonald que les coeurs et les esprits peuvent emprunter différentes directions. Cette bataille peut prendre de nombreux contours. Les chars assurent la sécurité et la protection de nos troupes, mais ils ne sont pas reconnus pour contribuer à la reconstruction ou au développement. Ils servent habituellement à faire exploser, à démolir et à détruire. Du point de vue du militaire que vous êtes, quelles sont les incidences sur les coeurs et les esprits?
    M. Maloney pourrait ensuite enchaîner, à la lumière de ses connaissance de l'Afghanistan, en expliquant quelles pourraient être les incidences sur les sentiments des Afghans que nous essayons de gagner. Au bout du compte, si nous souhaitons la stabilité et la sécurité en Afghanistan, outre la présence militaire, il faut beaucoup de projets de développement, de développement pacifique, si jamais nous en arrivons là.
(1610)
    Monsieur le président, pour répondre à cette question, ce sont entre quatre et quinze chars de combat principaux qui ont été ajoutés à la force. Concernant les tactiques, l'armée enseigne depuis des années, à la lumière de sa vaste expérience, que vous devez avoir une équipe de combat interarmes, réunissant l'infanterie, l'artillerie et les blindés. L'interaction entre ces trois composantes est essentielle au succès de toute bataille tactique parce que chacune apporte des caractéristiques particulières au champ de bataille.
    Si vous tentez de vous engager dans des opérations conventionnelles, par exemple en attaquant une position fixe enfouie, le processus sera très long si vous utilisez seulement l'artillerie et l'infanterie, en particulier au point d'attaque. En pareil cas, l'infanterie, qui s'approche de l'objectif, est appuyée par l'artillerie, qui fait feu sur l'objectif, empêchant ainsi les soldats de l'autre côté de tirer directement sur l'infanterie.
    À un moment donné, l'infanterie sera si près de l'artillerie que celle-ci doit arrêter ses tirs, parce que les fragments qui s'en dégagent menacent alors la vie de nos fantassins. À ce moment-là, à une distance d'environ 300 mètres, l'ennemi peut sortir de ses tranchés et tirer directement sur notre infanterie. C'est alors que l'infanterie subit la plupart de ses pertes.
    Pour éviter cela, les chars de combat principaux avancent avec l'infanterie, équipés de mitrailleuses et de leur armement principal, pour fournir l'appui-feu rapproché lorsque l'artillerie doit se retirer et pour continuer de supprimer le tir défensif de l'ennemi afin de permettre à notre infanterie d'atteindre l'objectif.
    Récemment, les forces néo-talibanes ont changé leur tactique en adoptant des positions fixes enfouies alors qu'elles procédaient auparavant par raids éclairs. Le commandant, le général Fraser, a donc jugé que si les néo-talibans adoptaient cette tactique à l'avenir, il lui fallait des chars de combat principaux pour faire face à la situation.
    J'aimerais faire remarquer également qu'en plus de cet escadron de chars, les troupes additionnelles fournies au général Fraser comprennent un certain nombre de membres du génie, en particulier des officiers d'expérience qui peuvent effectuer des tâches de génie de combat, mais aussi superviser des travaux de construction. Ces officiers serviront d'agents de projet et s'occuperont des petits projets de développement et de reconstruction mis en branle, puisque les gens du pays ont indiqué qu'ils en avaient besoin. L'arrivée de ces officiers du génie et le financement supplémentaire versé par l'ACDI, par l'intermédiaire de l'équipe provinciale de reconstruction, leur permettent de s'occuper de petits projets de reconstruction; il peut s'agir de la construction de puits, du nettoyage des fossés d'irrigation, de la réparation de routes, etc. En outre, quelques véhicules blindés du génie ont aussi été déployés. Ce sont des véhicules chenillés comportant une lame de bouteur sur le devant et un bras qui ressemble beaucoup à celui d'une rétrocaveuse ordinaire, ce qui permet d'effectuer ce genre de travaux.
    Ce déploiement supplémentaire comporte une composante destinée à améliorer l'équilibre tactique des Forces canadiennes sous le commandement du général Fraser; une compagnie additionnelle pour renforcer la sécurité des équipes provinciales civiles-militaires de reconstruction; et des officiers du génie capables d'entreprendre et de superviser ces projets de reconstruction, y compris d'engager de la main-d'oeuvre locale qui participera à ces projets.
    Je tiens à souligner qu'il s'agit d'un ensemble supplémentaire de ressources, certains éléments étant affectés aux scénarios de combat tandis que d'autres sont affectés à des scénarios concrets de développement à petite échelle.
(1615)
    Comme le temps presse, j'aimerais donner à M. Maloney la chance de répondre à la question.
    Si vous voulez ajouter des commentaires, monsieur, nous vous écoutons.
    L'un des problèmes que nous avons dans le débat public sur ce que nous faisons en Afghanistan vient de la distinction artificielle entre les opérations de combat et l'aide au développement et le lien qui existe entre les deux.
    Sur le terrain, l'ennemi — et ce ne sont pas seulement les talibans, il y a un certain nombre d'ennemis qui travaillent ensemble — utilise diverses techniques pour atteindre ses objectifs. Je pourrais les énumérer, mais vous les connaissez déjà: attentats suicides, mobilisation politique et intimidation politique — ce que nous appelons des opérations de guérilla. Il utilise une quantité de techniques, pas seulement une.
    Un outil différent doit être utilisé pour composer avec chacune de ces techniques. Il n'est pas utile de privilégier un outil au détriment d'un autre à un moment particulier. Vous devez avoir une quantité de techniques à votre disposition, et nous les avons. Dans ce cas-ci, nous avons simplement décidé d'en ajouter quelques-unes. Les techniques que nous avons dans le théâtre sont très bonnes. L'ennemi a eu de la difficulté à essayer de percer notre système. Toutefois, personnellement, je ne considère pas que l'ajout d'une puissance de feu nuise à une « campagne visant à gagner les coeurs et les esprits », pour utiliser une expression de l'époque du Vietnam. Je n'utiliserais pas ce terme. J'hésiterais même à parler d'une campagne de reconstruction.
    Puis nous devons comprendre ce qui se passe dans la tête des parties concernées sur le terrain, et nous avons des problèmes de paramètre dans ce domaine.
    Alors, la simple présence de certaines pièces d'équipement de tir ou autre sur le terrain n'aura pas nécessairement un effet négatif sur nos autres efforts. Nous avons affaire à une société qui est en guerre depuis 1979. Elle est habituée à certains niveaux de violence. Elle est habituée à la présence d'équipement. Elle est même habituée à compter des morts civils. Encore une fois, la présence de cette force particulière ne nuira pas nécessairement à ce que nous essayons d'accomplir à l'égard de la population. En fait, ce pourrait être le contraire. Si nous n'employons pas nos forces efficacement, nous pourrions en fait perdre le respect de certaines parties de la population.
    Je vous demande donc de garder ces choses à l'esprit lorsque vous examinez les enjeux que comporte l'Afghanistan et de ne pas cibler une pièce d'équipement en particulier, parce qu'elle fait partie d'un ensemble.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Maloney.
    Monsieur Bachand, vous avez la parole.
    Monsieur le président, je mentionne souvent que la guerre du Vietnam a été perdue non pas au Vietnam mais aux États-Unis, à cause de la perception que les gens avaient de ce qui se passait là-bas.
    Actuellement, les Canadiens et les Québécois ont la perception qu'il s'agit d'une mission axée à 95 p. 100 sur la chasse aux talibans plutôt que sur la sécurité. Ils sont d'accord pour que l'on fasse la chasse aux talibans, mais pas exclusivement.
    Il faut également se mettre dans la peau des Afghans. Comme vous êtes historien militaire, vous savez qu'il s'agit d'un peuple qui a toujours résisté aux envahisseurs. Par là, je ne veux pas dire que les pays de l'OTAN sont des envahisseurs. Au contraire, je pense que ce sont des libérateurs. Toutefois, le danger, en Afghanistan, est que les Afghans considèrent qu'il ne s'agit plus d'une armée de libération mais d'occupation. En effet, ils n'ont pas constaté d'amélioration dans leur vie quotidienne depuis que les Forces armées sont arrivées.
    Pour ma part, j'éprouve un certain problème face à cette mission. Je me rappelle qu'au mois de juin, lorsque nous avions entrepris un débat à la Chambre des communes, le discours de presque tous les partis politiques était axé sur l'importance de la reconstruction: bâtir des hôpitaux, rétablir les infrastructures, construire des écoles.
    Aujourd'hui, les Canadiens et les Québécois ont l'impression que ce n'est pas ce qu'on fait. D'ailleurs, vous décrivez très bien les instruments militaires en votre possession. De plus en plus de gens, dont moi-même, ont des doutes sur le fait qu'on parviendra à établir une démocratie et reconstruire un pays uniquement en se servant des armes.
    J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet. Je pense que ce que j'affirme est le reflet de ce que pensent beaucoup de Québécois dans nos circonscriptions respectives. Certaines personnes disent qu'il faut un retrait, d'autres disent qu'il faut rester sur place. Toutefois, nous ne gagnerons pas le coeur et l'esprit de la population en tuant le plus de talibans possible et en les poursuivant jusqu'au Pakistan s'il le faut. Je pense que cela exige autre chose et je ne suis pas certain qu'on en est rendu à cette étape.
(1620)

[Traduction]

    Nous avons juste cinq minutes. Je tiens à vous rappeler que nous avons sept minutes pour les échanges questions-réponses, et nous devons en tenir compte si nous voulons que les témoins aient le temps de répondre.
    Monsieur Maloney.
    Je peux certainement répondre à la question sur différents angles.
    L'un des problèmes que nous avons, c'est qu'un grand nombre de Canadiens ont une vision de ce qui se passe en Afghanistan par l'entremise des médias, et non d'après une expérience concrète sur le terrain. Or, les médias ont tendance à se concentrer sur les aspects plus captivants et à négliger les autres, notamment ce dont vous parlez, comme la construction d'écoles, etc. Toutefois, si vous avez des forces ennemies dans les parages — et j'ai vécu cette expérience moi-même — elles vont assassiner les médecins et trancher la tête des enseignants s'il n'y a pas une certaine forme de protection. C'est ce dont je parlais tout à l'heure. C'est le yin et le yang entre les opérations de combat, les opérations qui ne sont pas liées au combat et la façon dont tout cela est imbriqué.
    Les médias n'ont donc pas fait leur travail en négligeant de montrer ces aspects moins palpitants. Nous avons une vision étroite d'un certain nombre d'enjeux ici.
    Parlons de démocratie pour quelques instants. Les Afghans ont leur propre forme de gouvernement au niveau des districts et des villages, qui ressemble à l'ancienne démocratie grecque. Nous ne voulons pas toucher à cela et nous n'essayons pas de le faire. Il y a donc déjà des mécanismes de gouvernance qui ne sont pas établis sur le modèle taliban et que nous n'avons même pas besoin d'encourager.
    L'utilisation aveugle de la puissance de tir entraînerait toutes sortes de problèmes avec la population. C'est ce qu'ont fait les Soviétiques et c'est ce qu'ont fait les Américains au Vietnam. Pas nous. On pourrait le croire, mais c'est une perception des médias qui est transmise par la lentille d'une caméra ou la description d'un commentateur. Les médias n'envoient personne sur le terrain pour essayer de comprendre ce qui se passe dans la tête des gens et le transmettre ensuite aux Canadiens. Alors je crois qu'il faut être prudent face à l'information que l'on retire de ces perceptions.
    Nous ne sommes pas là juste pour générer un décompte des corps, mais vous devez parfois tuer ces gens. Vous devez vraiment les tuer et faire couler le sang. Comment allez-vous le faire? Vous ne pouvez tout simplement pas avoir des projets de reconstruction et de développement s'il n'y a pas de sécurité. Tout cela se tient.

[Français]

    Monsieur le président, il est clair que cette perception n'existe pas seulement au Québec; elle existe à la grandeur du Canada et peut-être même ailleurs dans le monde.
    J'abonde dans le même sens que M. Maloney en ce qui concerne ce que rapportent les médias au sujet des événements là-bas. Je signale tout simplement qu'il y a eu un changement énorme depuis 2001. En fait, 4,8 millions d'enfants sont retournés à l'école, dont un tiers sont des jeunes filles; 12 000 villages ont maintenant accès à de l'eau potable ou à des fonds nécessaires pour s'en procurer; 63 000 soldats ont été désarmés; 11 000 pièces lourdes d'armement ont été sécurisées, mises de côté, hors de combat; 3,7 millions de réfugiés sont retournés en Afghanistan. Ce sont des faits qui, malheureusement, ne font pas l'objet de reportages de la part des médias.
    En matière de gouvernance, on ajoute aussi qu'il y a eu deux élections depuis 2001, incluant la création d'un parlement dont 25 p. 100 des représentants sont des femmes, une nouvelle constitution, des conseils provinciaux, etc.
    Si, par l'entremise de ce comité, ces faits pouvaient être rapportés à la population québécoise et canadienne en général, cela nous aiderait, je pense, à convaincre les Canadiens de l'importance de cette mission qui, il faut l'admettre, est difficile, mais qui connaît beaucoup de succès.
(1625)

[Traduction]

    Il nous reste 35 secondes, monsieur Maloney, si vous pouvez ajouter quelque chose dans ce laps de temps. Je vous donne le temps exact, mais notre comité est reconnu pour sa grande générosité.
    Comme je l'ai mentionné, je suis allé dans ce pays à de nombreuses occasions. Lorsque j'étais à Kandahar en 2003, il n'y avait aucun système de justice. La justice coupait la gorge de quelqu'un et le pendait à un pont avec un panneau disant de ne pas lancer de roquettes sur le camp. Nous n'avons plus cela maintenant. Nous avons des rues passablement propres et des panneaux de signalisation à Kandahar. Cela n'existait pas auparavant. Les systèmes d'irrigation que j'ai vus dans les collines se sont énormément améliorés depuis mon voyage en 2003.
    Je peux donc voir des signes de progrès chaque fois que je vais dans ce pays. Toutefois, les choses se font progressivement. Encore une fois, nous devons répondre à une population canadienne qui est impatiente. Nous voulons réussir maintenant, pour pouvoir nous retirer maintenant. Eh bien, ce n'est pas pareil là-bas. Le concept de temps en Afghanistan est bien différent de ce qu'il est ici. C'est extrêmement contre-productif d'essayer de faire avaler de force l'aide que nous offrons — et je l'ai vu. Les choses doivent évoluer naturellement, compte tenu des structures en place. Cet aspect me préoccupe beaucoup parce qu'un certain nombre d'organismes, au Canada et ailleurs, essaient d'accélérer le développement de ce pays. C'est le pays des Afghans, et ce sont eux qui doivent décider jusqu'où le progrès ira, et à quel moment.
    En fait, nous les aidons. Vous n'en entendez jamais parler. Les médias ne parlent jamais de l'Équipe consultative stratégique - Afghanistan et de la façon dont les Canadiens ont pu aider le gouvernement afghan à élaborer la stratégie de développement national de l'Afghanistan, qu'exigeait le FMI avant de dégager des fonds. Toutefois, comme vous le savez, l'influence de l'ECS-A à Kaboul dépendait du sang de nos soldats sur le terrain. Tout cela se tient. Nous n'aurions pas eu cette influence si nous n'avions pas eu de soldats sur le terrain dans le sud, ou des gens dans l'équipe provinciale de reconstruction, ou des forces d'opérations spéciales. L'ensemble nous donne ce pouvoir d'influence.
    Peut-être que les médias n'en parlent pas parce qu'ils ne communiquent pas efficacement avec les analystes professionnels qui pourraient les conseiller, et ils rapportent mal les choses.
    Il me faut 50 minutes pour l'expliquer à mes étudiants, mais...
    Nous allons donner la parole à Mme Black.
    Merci beaucoup.
    Je remercie les trois témoins d'être ici aujourd'hui et de nous faire profiter de leur expertise.
    Monsieur Maloney, vous nous avez dit que vous avez voyagé plusieurs fois en Afghanistan et vous y avez observé une évolution au cours des dernières années. À votre avis, est-ce une mission de contre-insurrection? Le cas échéant, que nous a appris l'histoire sur les meilleures tactiques à utiliser, en particulier à l'égard de la population civile et la capture de prisonniers?
    J'aimerais aussi connaître votre opinion sur le rôle du Pakistan. Croyez-vous que ce pays pourra un jour empêcher les insurgés de traverser la frontière? Ce problème dure toujours, et j'aimerais savoir ce que vous avez à dire à ce sujet.
    À quoi voulez-vous vous attaquer d'abord?
    Vous pouvez choisir; je vais simplement poser mes questions.
    La dernière chose que je voulais vous demander — j'ai trois questions — est ceci. Sommes-nous en train d'observer un changement de tactique chez les talibans —  je crois que vous en avez fait allusion — qui délaisseraient les guérillas pour prendre une position plus conventionnelle et rester à un endroit; si c'est le cas, quelles sont les incidences sur la mission?
    D'accord, nous avons différentes questions ici. Laquelle voulez-vous que j'aborde en premier?
    Mme Dawn Black: C'est comme vous voulez.
    M. Sean Maloney: Parlons de ce que fait l'ennemi. Voyons-nous un changement? La façon dont l'ennemi opère change constamment en Afghanistan. Nous l'avons observé au cours des dernières années. L'ennemi va et vient entre différents niveaux de violence et différentes techniques pour essayer de contrer ce que nous faisons, parce que nous évoluons constamment aussi.
    Ainsi, vous avez peut-être observé un changement dans la zone de Pashmul. Toutefois, l'ennemi ne va pas nécessairement adopter ce type de défense ailleurs dans le sud, en raison du terrain et de la nature de nos forces. Il va s'ajuster en fonction de ce que nous faisons. Alors, ce n'est pas un changement linéaire. Il y a un concept maoïste selon lequel vous passez essentiellement d'une opération de guérilla à une opération plus conventionnelle. Ce modèle ne s'applique pas encore. Rien ne montre que les talibans pensent de cette façon. Je crois qu'ils sont davantage comme les Viêt-cong, en ce sens qu'ils vont utiliser les ressources qui, selon eux, nous nuiront le plus dans le théâtre, puis qui auront le plus d'incidence à l'extérieur du théâtre, en particulier sur la population canadienne et la population de nos alliés également.
    Personnellement, je ne considère pas qu'il s'agit d'un virage important. Ils ont essayé cette technique à cet endroit particulier. S'ils l'avaient fait partout, peut-être, mais ce n'est pas ce que j'ai vu. C'est une mission de contre-insurrection, absolument.
(1630)
    Que nous a appris l'histoire?
    Permettez-moi d'expliquer ce qui constitue pour moi une contre-insurrection. Il y a beaucoup de confusion chez les gens, en particulier en ce qui a trait à la terminologie que nous utilisons pour décrire les missions. Voici ce que je dis à mes élèves du CMR.
    Dans la gamme des opérations que nous menons, il y a la mission d'interposition, qui ressemblerait à Suez en 1956, où nous avons deux pays qu'une force de l'ONU légèrement armée sépare, en vertu d'un accord politique. C'est une opération d'interposition.
    La phase suivante est une opération de stabilisation, et c'est ce que nous avons fait surtout dans les années 90. Malheureusement, les gens utilisent l'expression « maintien de la paix » pour parler de stabilisation, ce qui porte à confusion. Les opérations de stabilisation se déroulent surtout dans un pays fragmenté, où il n'y a pas nécessairement de gouvernement représentatif. Vous devez recourir à des techniques différentes et à des niveaux de force plus élevés que dans les opérations d'interposition.
    Je vous ai posé une question précise sur la population civile et la question des prisonniers, également.
    Je vais y arriver.
    La phase suivante, la contre-insurrection, est une mission particulière qui ressemble beaucoup à une opération de stabilisation, mais qui exige des niveaux de force plus élevés, une approche beaucoup plus intégrée et, comme en Afghanistan, elle vise habituellement à soutenir un pays souverain. Dans une opération de stabilisation, vous avez un pays déchiré et la communauté internationale intervient. Voilà comment je distingue les trois opérations. Nous sommes engagés dans une opération de contre-insurrection en Afghanistan.
    L'impact sur la population varie en fonction de la région du pays dont on parle: nord, sud, est, ouest,ou Kaboul.
    À l'heure actuelle, nous...
    Vous parlez de l'endroit où nous menons nos opérations dans le sud?
    Oui.
    Les gens ont vu ces choses auparavant. En fait, ils ont déjà vu pire. Rappelez-vous que l'Union soviétique a tué deux millions de personnes à cet endroit sur une période de dix ans. Les gens sont habitués à des niveaux de violence élevés. Ce que nous faisons est relativement mineur en comparaison avec l'expérience du passé, qui, soit dit en passant, se transmet par tradition orale dans les diverses localités.
    Vous n'êtes certainement pas en train de dire qu'ils acceptent cette situation parce qu'ils y sont habitués.
    Eh bien, oui. Lorsque je leur ai parlé...
    Rappelez-vous que nous avons affaire à une culture totalement différente du Canada urbain. Nous avons affaire à quelque chose qui est si radicalement différente que vous devez être là et parler à ces gens. J'ai fait beaucoup d'efforts en ce sens durant mon séjour, parce que c'est très facile de s'asseoir avec nos soldats et d'observer simplement ce qu'ils font. Je me suis promené avec la police de sécurité afghane et l'armée nationale afghane et je me suis rendu dans quelques villages pour parler avec des gens, plus précisément sur la période soviétique, qui m'intéresse beaucoup en tant qu'historien. Je leur ai demandé ce qu'ils pensaient de ce que nous faisons là-bas. Ils m'ont dit « Ce n'est rien. Vous auriez dû voir les Soviétiques lorsqu'ils ont détruit tout un village au napalm, ou qu'ils ont utilisé la guerre chimique, etc. Nous pouvons supporter cette situation, nous avons vu cela auparavant. »
    C'est le contraire de ce qu'a dit cette jeune femme, une députée de l'Afghanistan. Ce n'est certainement pas son point de vue.
    C'est bien. Tout le monde a droit à son point de vue. Je me suis entretenu avec beaucoup de personnes qui...
    Je dis simplement que j'ai peine à croire que des gens peuvent avoir une attitude aussi cavalière alors qu'ils sont bombardés et tués.
    Quoiqu'il en soit, ma dernière question porte sur le Pakistan.
    Le Pakistan. La principale question ici est de savoir à quoi nous avons affaire. Est-ce un pays unifié? Est-ce un État presque défaillant? Est-ce un État presque défaillante qui possède des armes nucléaires?
    Le Balouchistan, en particulier, qui se trouve de l'autre côté de la frontière du Kandahar, est aux prises avec une insurrection depuis des décennies. Toutefois, nous n'avons pas exercé la pression nécessaire sur le Pakistan, à mon avis, pour régler la situation. Nous pouvons explorer les enjeux avec un expert du Pakistan. Mais dans ce cas-ci...
    Croyez-vous que nous en serons capables un jour? Pouvons-nous vraiment espérer que nous en serons capables, compte tenu de tous les problèmes au Pakistan même?
    Je le crois, parce qu'ils ont réussi à mener des opérations passablement efficaces avec le Waziristan, et ils ont arrêté beaucoup d'activités à cet endroit. Je crois qu'il y a un manque de volonté à l'heure actuelle et nous devons exercer beaucoup de pression sur le Pakistan à cet égard. Je crois que c'est possible.
    Serons-nous en mesure de faire cela?
    Cela déborde peut-être du cadre de cette mission. Toutefois, je crois que c'est possible, ce qui m'amène à parler d'un autre aspect. Lorsque vous pensez à l'Afghanistan, vous devez penser à une situation régionale. Vous ne pouvez pas voir seulement un pays.
    Oui, je suis d'accord avec vous.
    Ma dernière question est très brève et porte sur...
    Une question courte maintenant, parce que le chronomètre vient de sonner.
    Vraiment? D'accord.
    Il s'agit de la production d'opium, parce que...
    Ce sera un peu trop long, je crois, à moins d'avoir une réponse rapide.
    C'est que le général Evraire nous a donné des chiffres sur la situation depuis l'arrivée de la FIAS, mais la production d'opium s'est poursuivie depuis l'opération Enduring Freedom, et les Canadiens ont participé à cette opération. Alors je ne suis pas certaine que ce soit juste de parler seulement des six semaines où les Canadiens ont mené leur mission dans le cadre de la FIAS.
(1635)
    Ce que vous dites est juste.
    En effet, monsieur le président, le fait demeure qu'il y a une tendance au nord. Les choses se sont améliorées au nord essentiellement en raison de la présence des forces, d'abord dans le cadre de l'opération Enduring Freedom puis sous l'OTAN. Toutefois, la meilleure façon de voir les choses est de demeurer optimiste; il y a eu une tendance et nous pouvons seulement espérer les mêmes résultats dans le sud.
    Monsieur Hiebert, vous avez la parole.
    Merci.
    Tout d'abord, j'aimerais remercier les trois témoins de comparaître devant le comité aujourd'hui.
    J'ai une question complémentaire pour M. Maloney, mais j'aimerais auparavant poser une question au lieutenant-général Evraire, et peut-être au colonel MacDonald, si vous voulez faire des commentaires également.
    Comme vous le savez, le chef du NPD a récemment exigé que le Canada retire ses troupes de l'Afghanistan. Pouvez-vous me dire quel effet cette mesure aurait sur le moral de nos troupes et, plus précisément, si pareille déclaration expose nos troupes de première ligne à un plus grand risque?
    Merci de poser cette question.
    Monsieur le président, je crois qu'on a très bien fait comprendre que l'une des choses auxquelles tiennent les Forces canadiennes, c'est l'appui du Canada pour la mission qu'elles effectuent là-bas. Des indices montrant qu'il n'y a pas un appui massif auraient un certain impact.
    Je dois ajouter, cependant, et je suis certain que M. Maloney peut le confirmer, que les soldats sur le terrain sont très concentrés sur les opérations qui se déroulent là-bas. Bien que des informations du Canada leur soient transmises, toute leur attention est consacrée à la préparation de la prochaine mission. Ils pourraient être troublés dans une certaine mesure, mais je ne crois pas que le moral des troupes serait gravement atteint, et nous devons reconnaître que le moral est très bon.
    Lors du plus récent incident malheureux, qui a coûté la vie de quatre soldats, un certain nombre de soldats qui ont été interviewés après l'incident, et qui étaient de très bons amis ou des connaissances des victimes, ont indiqué qu'ils tenaient encore plus au succès de la mission. Je ne crois pas que nous pouvons dire que le moral est à la baisse par suite de l'incident.
    À mon avis, il est bien normal que des militaires qui mènent des opérations à l'extérieur de nos frontières, en particulier dans ce type de mission, espèrent que tous leurs concitoyens applaudissent leurs efforts. Ce serait simplement raisonnable de limiter la réaction à une déception au lieu de saper le moral en soi.
    Colonel MacDonald, voulez-vous ajouter un commentaire?
    Les militaires forment une organisation sociale distincte, et les individus, sur le plan du moral, dépendent beaucoup l'un de l'autre parce que leur vie dépend de l'un et de l'autre. Cette relation sociale est beaucoup plus intense que tout ce que nous pouvons trouver dans la vie civile. Dans ce sens, ce qui est le plus important pour le moral, ce sont les personnes autour d'eux.
    Chose particulière, selon les commentaires des gens qui retournent au pays, ils sont aussi très conscients de l'impératif moral de ce qu'ils font. Ils voient les besoins du peuple afghan; ils voient un pays détruit, un pays qui montre des signes de renaissance, mais qui reste extrêmement fragile. Ils le voient tous les jours et dans ce sens, ils sont animés par l'idée que la mission doit être réussie, mission qui consiste à stabiliser un pays fragile afin d'en permettre la reconstruction. Le retrait des Forces canadiennes créerait chez les soldats le sentiment d'avoir abandonné une mission extrêmement importante pour la population de l'Afghanistan et le monde, et le sentiment d'avoir été quasiment trahis par les gens qui ont décidé de retirer ces forces.
    Ma première question portait aussi sur l'incidence qu'aurait pareille déclaration sur la sécurité. Les talibans surveillent-ils les commentaires faits par les dirigeants politiques sur la scène internationale? Comprennent-ils l'impact de ces déclarations sur le moral des troupes ou les engagements de certains gouvernements?
(1640)
    Eh bien, la réponse à la deuxième partie de votre question est bien sûr qu'ils le font et bien sûr qu'ils le savent.
    La réponse à la première partie de la question, c'est que si nous retirons le groupement tactique canadien de la brigade basée au sud, le reste de la brigade serait dans une position intenable car à Kandahar, nous nous trouvons sur une ligne de communications reliée au groupement tactique britannique dans la province de Helmand. La brigade est composée de certains de nos meilleurs alliés historiques — les Britanniques, les Danois, les Hollandais, les Australiens — des nationalités qui ont été à nos côtés depuis de nombreuses années. Par conséquent, il est possible que cela ait un effet dévastateur sur notre réputation.
    Ma deuxième question s'adresse au professeur Maloney, une fois de plus, elle est liée aux commentaires faits par le chef du NPD demandant que nos troupes abandonnent cette mission.
    Je me demande si vous pouvez dire au comité quel serait l'effet d'un retrait sur la sécurité dans la province de Kandahar, et plus loin, sur la capacité de nos troupes et sur l'équipe provinciale de reconstruction au niveau des avantages dont profite la collectivité grâce à l'aide et aux efforts de reconstruction comme c'est le cas aux endroits où cela se fait actuellement.
    Permettez-moi de répondre ainsi. Toute guerre insurrectionnelle est une guerre psychologique. Nous axons nos efforts sur la psychologie de la population; parlons de la psychologie de l'ennemi, de la psychologie de notre population et de la psychologie de nos amis.
    Permettez-moi de revenir un peu en arrière. Pour moi, on peut tracer une ligne lorsque les Américains ont quitté la Somalie après l'opération connue sous le nom de Black Hawk Down et après le onze septembre. C'est là que tout a changé. Le fait que les Américains déguerpissent après avoir eu huit morts a enhardi Oussama Ben Laden, comme l'indique ses écrits. Il a qualifié les États-Unis de « tigre de papier » et cela a incité d'autres opérations.
    Dans ce cas, le retrait précipité du contingent canadien serait perçu comme une victoire psychologique importante pour l'ennemi. Donc, c'est avec beaucoup de circonspection que j'entends les questions ou les suggestions visant des négociations avec l'ennemi ou notre retrait de ce pays. Notre réputation dans le monde en souffrirait beaucoup -- je dis bien en souffrirait beaucoup.
    Et au niveau de l'effet que le retrait aurait sur notre capacité à fournir de l'aide et à reconstruire?
    Il faudra oublier cela. Notre équipe provinciale de reconstruction n'aurait absolument aucune crédibilité auprès des Afghans, du gouvernement, de nos alliés et nous ne pourrons pas avoir les ressources requises pour faire ce que nous devons faire. Encore une fois, tout va ensemble. Il n'est pas possible d'avoir une EPR dans ce pays et pas de force combattante.
    Étant donné qu'à vous deux, messieurs, vous n'avez pas dépassé les 10 minutes, je peux vous accorder un peu plus de temps si vous voulez parler rapidement.
    Vous n'avez pas hésité à répondre à ma première question et aux deux autres, donc vous voulez peut-être nous dire quel sera l'effet sur le moral ou sur le risque posé à nos troupes, sachant que... je pense que vous hochez la tête en signe d'approbation pour dire que l'ennemi surveille ce qui se passe ici au Canada.
    Je sais très bien que l'ennemi surveille ce que nous faisons. Il surveille de très près ce qui se passe ici. Nous croyons, par exemple, que la campagne des attentats-suicides qui à commencé en 2005 à Kandahar visait peut-être à convaincre le FMI de ne pas aider financièrement le pays en créant une instabilité artificielle afin de faire croire que Kandahar échappait à tout contrôle et que par conséquent le pays en entier échappait à tout contrôle. C'est quelque chose dont nous devons tenir compte. L'ennemi manie très bien les opérations d'informations.
    Sur Internet, des sites jihadi affichent des photos de nos soldats dans des cercueils. Des sites jihadi montrent des Russes en Tchétchénie victimes d'explosions et assassinés, et c'est pareil pour les Américains en Irak. Ils utilisent des langues que nous ne parlons généralement pas, donc nous ne pouvons pas avoir accès à ce monde, mais nous pouvons voir leurs images. Ils surveillent de très près la situation.
    Nous entrons dans le domaine des renseignements, donc je ne sais pas ce que je peux dire. Il serait préférable d'inviter quelqu'un des services de renseignements qui vous en parlera plus précisément. Mais ils existent et il y a des liens.
    Vous affirmez qu'ils écoutent ce que nous disons.
    Absolument.
    Et nous n'avons pas des gens qui peuvent interpréter ce qu'ils disent?
    Non, nous en avons. Je voulais simplement dire que si le Canadien moyen naviguait sur Internet et sur ce genre de sites -- je n'en suis pas très sûr -- mais il pourrait croire que ce sont des nouvelles alors qu'en fait c'est un message des jihadistes.
    Mais les gens que nous avons sur le terrain peuvent comprendre et comprennent ce qui est transmis de leur côté.
    Tout à fait. Nous avons de très bons contacts avec les Afghans dans ce domaine.
    Bien.
    Nous passons à la deuxième série de questions, je rappelle au député et aux invités qu'elle se limite à cinq minutes.
    M. McGuire, vous avez la parole.
(1645)
    Merci, monsieur le président.
    Je vous souhaite encore la bienvenue.
    Beaucoup de gens ont appris ces dernières années l'histoire de l'Afghanistan. Les politiciens et les citoyens qui connaissent cette histoire organisent beaucoup de débats au pays. Ils se demandent si nous pourrions nous retirer la tête haute ou si nous pouvons quitter le pays au moyen d'une stratégie de retrait qui améliorera la situation en Afghanistan. Étant donné le prix que nous payons, vaut-il la peine d'y rester? Ils sont découragés, je crois, par ce qu'ils lisent et apprennent sur le pays et par ce que les Russes et les Britanniques... Et les Grecs, cela dépend jusqu'où voulez remonter dans l'histoire de ce malheureux pays.
    Le premier ministre a dit qu'il retirera les troupes quand il aura réussi. Pour une stratégie de retrait, il n'y a pas... Et il est difficile de fixer un délai. Comment peut-on fixer un délai à une guerre? Quand nous sommes engagés dans la Première Guerre mondiale, nous n'avions pas fixé de délai, me semble-t-il, ni à la Seconde Guerre mondiale.
    Je vois un article ici écrit par le général Paul Manson qui délimite les conditions d'une stratégie de retrait et le temps qu'il faudrait pour se retirer. En vous fondant sur votre propre expérience, combien de temps pensez-vous qu'il faudrait pour quitter ce pays, quand sa population sera-t-elle en mesure de prendre les choses en main? Combien de temps faudrait-il aux Afghans pour gouverner leur pays, contrôler leur destin? Quand les forces de l'OTAN pourront-elles se retirer de ce pays, après avoir accompli leur mission?
    La Bosnie est l'exemple le plus proche que nous avons aujourd'hui. Nous y sommes restés 14 ans. La situation en Bosnie était simple en comparaison à celle de l'Afghanistan, donc j'hésite à fixer un délai pour un retrait. Ça va durer au moins une décennie et il y a déjà cinq ans que nous y sommes.
    Nous sommes restés à Chypre de 1964 à 1993, donc nous pouvons faire face à un long conflit. La question est... Vous avez anticipé mon prochain article pour Maclean's, qui traite de la stratégie de retrait. Le Canada n'a jamais eu de stratégie de retrait. Nous n'avons jamais été forcé d'en élaborer une auparavant. Nous avons suivi le courant, nous nous sommes joints à une autre organisation internationale et nous l'avons laissée réfléchir à notre place. Nous ne pouvons pas faire cela dans ce cas, c'est-à-dire que nous devons évoluer et commencer à réfléchir à une stratégie. Que voulons-nous? Quelles vont être les conditions?
    Je pense que les forces de sécurité afghane et surtout la police sont le gros problème. C'est un vrai problème. L'armée nationale afghane s'améliore légèrement. Ces deux corps doivent vraiment s'améliorer, car ce sont eux qui vont s'occuper de la sécurité.
    Cela dit, n'oublions pas qu'un général canadien s'occupe de la formation de la police. Ils viennent juste de lancer un programme à cet effet. Cela prendra du temps. Il n'y a pas de solution facile. Comme je l'ai indiqué, la notion du temps est différente dans la société afghane.
    Encore fois, l'une des raisons initiales de notre présence là-bas, c'est pour assurer une protection afin que ces autres efforts puissent se réaliser. Un jour ou l'autre, cette protection devra être assurée par les Afghans. En ce qui concerne la prise de contrôle de leur destinée, ils ont déjà réussi dans un grand nombre de secteurs, mais pas dans tous les secteurs. C'est l'une des raisons de notre présence là-bas.
     Quelqu'un d'autre veut-il ajouter quelque chose à ce sujet?
    Je vous en prie.
    Permettez-moi de vous donner quelques chiffres. En Afghanistan, le PIB annuel moyen par habitant s'élève à environ 228 $ américains. Selon la Banque asiatique de développement, en 2004, l'assiette des recettes du gouvernement afghan s'élevait, comme nous l'avons mentionné, à un total de 625 millions de dollars dont 300 millions de dollars provenaient de l'impôt uniforme et d'autres recettes du gouvernement afghan et les autres 325 millions de dollars en aide directe; bien sûr, il y avait en plus de cela des aides indirectes de divers programmes administrés par des organisations internationales.
    Si l'on considère les ressources du gouvernement national afghan dans un scénario sans participation internationale, on voit un gouvernement qui n'a pratiquement pas de ressources et à qui on demande de mener des opérations normales de sécurité que l'on demanderait à un pays occidental. Ils ne sont tout simplement pas en mesure de le faire pour le moment. Il faut donc songer à un programme de développement à long terme afin d'augmenter le PIB à partir de sources légitimes du gouvernement, pour lui permettre d'élever les dépenses du gouvernement central d'environ 7 p. 100 du PIB à un taux plus normal d'environ 20 à 30 p. 100 d'un pays en voie de développement, jusqu'à un taux d'un pays développé situé entre 40 et 60 p. 100.
    Il faut considérer une stratégie de retrait comme, tout d'abord, un effort de reconstruction d'un pays en ruine après 25 ans de guerre. Quand cette reconstruction de base aura été faite, il faudra songer peut-être à quelque chose de semblable au plan Marshall en Allemagne, puis envisager un programme d'aide de développement à long terme qui nous fera quitter le pays dans 20 ou 25 ans. Un retrait rapide n'est simplement pas vraisemblable.
(1650)
    [Note de la rédaction: Inaudible]... Ou en déclin ou ils seront contrôlés par soit les Pakistanais soit les... Il n'y aura jamais de reconstruction ni d'augmentation du PIB si les talibans arrivent et font sauter tout ce qui vient d'être construit. Quand pensez-vous que les forces du mal ou les talibans cesseront leurs opérations et qui sera capable de faire cela?
    Deux réponses brèves.
    La situation du pays en entier n'est pas aussi mauvaise que dans le sud. Les talibans ne contrôlent pas la majeure partie du pays; ils contrôlent une partie du pays.
    Une réponse brève?
    Pour défendre le professeur Maloney, dans la région nord...
    [Note de la rédaction: Inaudible]... une plus grande région. Ils continueront à s'emparer d'une plus grande partie comme ils l'ont fait auparavant.
    M. McGuire, je suis plus que généreux maintenant.
    La région nord du pays a fait de bons progrès en termes de stabilité et de développement qui suit une fois que la stabilité est instaurée.
    Nous devons faire avancer les choses. Je vous prie de m'excuser. Comme vous l'avez remarqué, je suis très flexible, comme dans le passé et j'essaie d'être juste avec tout le monde.
    M. Hawn.
    Merci, monsieur le président, et merci, messieurs, de répondre assez brièvement.
    À votre avis, d'après les discussions que nous avons eues concernant le fait que les talibans surveillent ce qui se passe ici, êtes-vous d'accord ou non avec une déclaration disant que les talibans ne ciblent pas les soldats canadiens et d'autres, mais aussi la population canadienne et particulièrement les députés au Canada?
    C'est là que je me lance dans une discussion pour expliquer où se situe Al-Qaïda dans tout cela. Lorsqu'on parle de plusieurs ennemis, les talibans ne constituent que l'un de nos ennemis. Nous affrontons le mouvement Al-Qaïda, une organisation appelée HIG dirigée par Gulbuddin Hikmatyar et nous affrontons les organisations tribales Khani. Nous avons un certain nombre d'ennemis parmi lesquels les talibans sont les plus nombreux. Je crois que par l'intermédiaire de leurs cohortes dans Al-Qaïda, qui leur fournit le plus gros de leur soutien en matière d'opérations d'informations, les politiciens canadiens et le public canadien sont les cibles des opérations d'information. Je n'en ai aucun doute.
    J'ajouterai seulement que le moment choisi pour l'attentat au dispositif explosif de circonstance monté sur une bicyclette et la mort de quatre soldats canadiens lors de l'ouverture de la législature n'était pas qu'une coïncidence.
    Nous avons beaucoup parlé du fait que le message ne passe pas parce que les médias ont clairement un autre objectif. Qui, selon vous,colonel McDonald, devrait informer le public canadien de la situation réelle?
    Tout d'abord, si l'on parle des médias -- parce que comme vous le savez, j'ai beaucoup d'occasions de les rencontrer là-bas -- l'ancienne règle voulant que le « le sang fait la une » détermine bien sûr les informations qui seront diffusées à l'écran. J'ai aussi remarqué au cours des années que la durée d'attention des médias a diminué. Quand je faisais un reportage pendant la première guerre du Golfe avec Lloyd et CTV, nous disposions peut-être de deux minutes et quarante secondes pour un reportage. Lorsque la deuxième guerre du golf a éclaté, nous n'avions plus qu'une minute et vingt secondes, par conséquent il n'y a que des aperçus très brefs et très superficiels de la situation.
    Les médias font ce qu'elles doivent faire puisque c'est ainsi qu'elles fonctionnent. En ce qui concerne qui devrait être responsable pour transmettre les informations, j'encourage fortement le ministère de la Défense et le gouvernement du Canada à continuer leur programme pour expliquer encore et encore ce qui se passe aux Canadiens.
(1655)
    Puis-je ajouter quelque chose à cela?
    Je vais parler d'un point de vue très personnel. Quand j'étais là-bas au mois de juillet, mon chauffeur et moi avons échappé à un attentat-suicide commis avec un dispositif explosif de circonstance monté sur un véhicule. Mais dix personnes qui se trouvaient dans la foule n'y ont pas échappé. J'ai appris plus tard qu'un reporter local travaillant pour un média canadien a apparemment filmé l'attaque en sachant très bien que nous allions être attaqués. Donc je pense que nous devons commencer à examiner très soigneusement la connexion des médias.
    Au dernier monsieur, le général Evraire, il y a au Canada des organisations, comme le Centre canadien de politiques alternatives, qui ont publié récemment ce qui est à mon avis des prévisions de pertes humaines très simplistes. Que pensez-vous de leur précision -- bien sûr que vous ne savez pas -- ou de l'utilité de ce genre d'informations?
    Je dois dire que je n'ai pas consulté ces statistiques. Toutefois je suppose que se concentrer sur cet aspect de l'opération est moins qu'instructif et plutôt alarmiste. Nous ne pouvons pas vérifier la précision de leurs statistiques donc je ne passe pas beaucoup de temps à les consulter.
    je pense que c'est de l'arithmétique plutôt simpliste.
    Monsieur le professeur Maloney, vous avez parlé un peu de la façon dont l'opération Archer pour aider l'armée nationale afghane et la police afghane et l'opération Argus pour aider le gouvernement afghan à se développer sont finalement ce qui permettra aux Afghans de se gouverner. Où en sommes-nous à ce niveau et pouvons-nous faire plus que de tout simplement continuer?
    Oui, nous pouvons faire beaucoup plus dans ce secteur, surtout dans la formation de l'armée nationale afghane, et particulièrement la formation de la police. Je peux vous donner des chiffres précis. Quand j'étais là-bas au mois de décembre 2005, nous avions deux agents de la GRC de Kandahar à l'EPR. Il y en a maintenant dix, huit sont en déploiement. Ce n'est pas suffisant. Nous devons être plus cohérent au niveau de la formation de la police qui arrive du Canada. C'est absolument essentiel.
    Lorsque j'ai visité le centre national d'entraînement cet été, on m'a dit que nous avions très peu de personnes, environ 12, pour l'équipe de formation intégrée là bas. Nous devrions tripler ce chiffre facilement. Le fait que les Américains dirigent la formation nous pose un autre problème, l'armée afghane devient dépendante de la puissance aérienne américaine. C'est quelque chose que nous ne pouvons pas accepter. Lorsque les Américains retireront leur puissance aérienne, il faudra encore avoir une armée qui fonctionne. Donc, il reste encore beaucoup à faire.
    Je suis le développement de l'armée nationale afghane depuis 2002, elle est renvoyée d'une mission à une autre. On commence à constater des progrès, mais il reste beaucoup à faire dans ce domaine, cela veut dire que si cela va faire partie de notre « stratégie de retraite », il faudra investir encore plus dans l'armée afghane et de d'une manière beaucoup plus cohérente.
    J'ai une question très rapide à poser à propos du matériel; je la pose à quiconque veut y répondre. Notre matériel compte parmi le meilleur qu'aient les alliés en ce moment, là-bas, même si il en manque peut-être. Y a-t-il un article en particulier -- nous avons parlé des Leopard, alors oublions ça -- que nous devrions avoir, selon vous? Quelqu'un veut répondre?
    Oui. Je crois que nous devrions avoir le Predator B.
    Je sais de quoi il s'agit, mais pourriez-vous en faire une description rapide?
    C'est un véhicule aérien sans pilote capable d'utiliser des munitions Hellfire et d'exercer des missions de surveillance. Ou nous pourrions avoir l'AH-64, peut-être, l'hélicoptère d'attaque. Personnellement, je choisirais le Predator. Je me débarrasserais des véhicules aériens tactiques télépilotés qui sont là en ce moment, et je choisirais certainement le Predator B, dès maintenant.
    Y a-t-il d'autres réponses rapides à la question?
    Pour répondre rapidement, il existe plusieurs articles du programme d'acquisition de matériel à long terme du gouvernement, pour les tâches lourdes du transport aérien -- des hélicoptères lourds, par exemple -- qui seraient d'une extraordinaire utilité si on en avait.
    Merveilleux.
    Monsieur Bouchard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d'être présents à notre comité.
    Ma première question s'adresse au colonel MacDonald.
    Vous connaissez les enjeux concernant l'approvisionnement en équipement militaire. L'équipement des Forces canadiennes qui est utilisé en Afghanistan est-il approprié pour cette mission? Selon vous, de quel équipement, dont elles ne disposent pas à l'heure actuelle, les troupes ont-elles le plus besoin?
(1700)

[Traduction]

    Je crois que les Forces canadiennes ont tiré profit des procédés assouplis d'acquisition de matériel, qui autorisent des achats imprévus, de sorte qu'on peut passer outre au procédé d'acquisition très lent qui s'applique en temps normal. Et je pense à des choses comme l'acquisition des obusiers M777 et des véhicules blindés Nyala, qui représentent précisément le genre de matériel nécessaire aux forces présentes là-bas et dont on a pu faire l'acquisition en très peu de temps. En ce sens, il est certain que je prête foi à la volonté qu'a le gouvernement de réagir aux affirmations de l'officier général commandant en Afghanistan, pour ce qui est d'entendre les exigences que celui-ci formule, puis de prendre les mesures voulues pour choisir un procédé d'acquisition qui permettra de livrer le matériel en un tour de main.
    Au point où nous en sommes, je ne sais pas si je suis prêt à substituer mon jugement à celui des gens qui se trouvent sur le terrain là-bas, qui ont une connaissance intime de ce qu'il faut. Je dirais simplement que si le général Fraser détermine qu'il y a lieu de se procurer tel article, je suis tout à fait prêt à accepter son jugement sur la question.

[Français]

    Ma deuxième question s'adresse à M. Maloney.
    Vous êtes enseignant au programme d’études sur la conduite de la guerre, au Collège militaire royal du Canada. Vous avez dit qu'il y avait une culture de violence en Afghanistan, du moins chez un certain nombre d'Afghans. Également, vous êtes allé plusieurs fois en Afghanistan et vous avez parlé avec la population.
    Qui sont les talibans? Comment en sont-ils venus à exister? Que veulent-ils? Quels résultats veulent-ils obtenir? Quelle est leur raison d'être?

[Traduction]

    Je commencerai par parler des origines des talibans. Je serai bref, mais, essentiellement, les talibans plongent leurs racines dans la classe marchande de Quetta, qui se souciait des voies commerciales menant de Quetta à Spin Boldak et à Kandahar. En même temps, l'Afghanistan était prise dans ce que nous appelons une guerre civile ou la guerre des commandants, de sorte que ce sont essentiellement les seigneurs de la guerre qui y régnaient.
    Les services de renseignements pakistanais et les forces armées pakistanaises sont ensuite venus s'ajouter aux talibans et, essentiellement, sont devenus l'instrument dont se sert le Pakistan pour exercer sa domination en Afghanistan, dans une situation jugée chaotique. Puis il y a l'élément d'islamisme radical qui s'insère dans tout cela.
    Quand ils ont réussi à prendre le contrôle d'une partie de l'Afghanistan-  -n'oubliez pas, la résistance provenait surtout des populations de Tadjiks, de Hazaras et d'Ouzbeks, et les talibans sont d'abord et avant tout des Pachtouns, qui comptent pour 38 p. 100 de la population -- , c'est essentiellement par l'épée qu'ils ont pris le contrôle de grands segments de l'Afghanistan. À ce moment-là, ils ont invité Al Qaïda à aménager une série de secteurs, et cette organisation a parasité les talibans.
    En 2001, l'Opération Enduring Freedom fait tomber le bouclier taliban, si bien que nous sommes en mesure de nous attaquer directement à Al Qaïda. Les talibans en tant qu'institution se dispersent et prennent la fuite vers le sud, et Al Qaïda a tendance à fuir vers l'est, puis à gagner le Pakistan.
    Qui sont les talibans? Essentiellement, il en existe différents types. Premièrement, il y a les purs et durs de la période en question qui sont revenus se fondre dans leurs villages ou leurs villes, dans le Sud. Ils peuvent avoir été des combattants. Il y a aussi une sorte de caste dirigeante, qui a décampé du Pakistan. Ses membres proviennent surtout de Quetta et du Baloujistan. Par-dessus cela, il y a les djihadistes purs et durs. Ils entrent en Afghanistan grâce aux faveurs des cellules talibanes. Habituellement, ils sont entraînés par Al Qaïda ou une organisation affiliée. Ils peuvent être Tchétchènes, ils peuvent être des Panjabis, ou encore des Canadiens. Il y a toutes sortes de gens dont l'entrée au pays est facilitée et qui sont chargés de missions particulières. Puis les talibans possèdent une sorte de milice. Ils essaient de se faire du capital auprès des adolescents en leur proposant des armes, des motocyclettes et de l'argent, pour leur demander de se rallier à eux. Il y a donc ces différentes couches.
    En ce moment, le débat porte sur ce qu'ils veulent au juste. Nous ne pouvons que déduire ce qu'ils veulent d'après leurs actions. D'après ce que nous pouvons voir, ils s'intéressent à la partie sud de l'Afghanistan. Ils ne semblent pas s'intéresser aux régions non-pachtounes de l'Afghanistan en ce moment; ce sera peut-être le cas plus tard, mais il est très évident à mes yeux qu'ils essaient de créer une sorte d'enclave. Ils essaient de nous sortir de la partie sud et de créer ce que j'appellerais pour rire le Pachtounistan, sous une sorte de structure de califat islamiste, de créer cette enclave que ne pourrait attaquer la communauté internationale.
    Cela sert un certain nombre de fins. Les talibans ont pour but d'acquérir une forme de contrôle ou de domination sur les groupements tribaux dans le Sud, de part et d'autre de la frontière. Cela sert à Al Qaïda, car c'est une défaite psychologique pour l'Occident.
    Le fait que nous soyons présents en Afghanistan et que nous ayons expulsé les talibans et Al Qaïda du pays au cours des premiers stades de la guerre représente notre première victoire sur le mouvement Al Qaïda, à l'échelle mondiale. C'est énorme, et vous pouvez le constater en lisant la documentation d'Al Qaïda. On y pleure la perte de l'Afghanistan. Qu'il soit question d'ennemis différents et d'objectifs différents, c'est tout de même dans le même sens.
    Si nous devons donc cibler ces populations, nous voulons le faire au moyen de différentes ressources. Nous allons peut-être pouvoir convaincre le garçon qui s'est vu offrir un AK-47 et une moto de délaisser ce mode de vie particulier. Nous n'allons pas pouvoir convaincre les djihadistes; nous allons devoir les tuer. Nous allons devoir tuer aussi la caste dirigeante. C'est de cette façon que je vois les choses en ce moment. Je ne dis pas que c'est la seule façon de voir les choses, mais, vu les informations dont nous disposons en ce moment, c'est la meilleure façon d'appréhender les objectifs des insurgés. Ils semblent confinés dans le secteur sud en ce moment, mais ils voudront peut-être étendre leur territoire plus tard.
    J'espère avoir bien répondu à votre question.
(1705)
    Vous avez bien entamé le temps supplémentaire qui vous est alloué. Vous disposez de cinq minutes et je suis habituellement moins rigoureux pour les questions et les réponses.
    Monsieur Calkins.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, messieurs, d'être venus témoigner aujourd'hui.
    J'aimerais parler un peu du rôle de l'OTAN dans cette opération. Du point de vue de la superficie, l'Afghanistan n'est pas un très grand pays; malgré la présence de nombreuses forces internationales, l'OTAN a demandé à ses membres de s'engager à envoyer d'autres soldats. Étant donné l'évolution du rôle de l'OTAN par rapport à l'origine, à ce que l'organisation a pu faire par le passé et ce que nous lui demandons de faire aujourd'hui, l'OTAN possède-t-elle les ressources et l'expertise nécessaires pour être aux commandes de cette mission?
    Bien entendu, le débat sur les ressources fournies par les pays membres de l'OTAN en Afghanistan est toujours actuel. Nous admettons que les pays ne se sont pas bousculés aux portes pour proposer plus de matériel et d'autres soldats.
    Je devrais souligner que si nous retraçons l'historique de l'OTAN depuis sa naissance en 1951, nous ne serons pas étonnés de constater qu'il y a aujourd'hui une crise en réaction à ce à quoi les gens s'attendent de la part des pays membres. Si vous voulez mon avis, les crises émaillent l'histoire de l'OTAN depuis les tout débuts et, fait intéressant, l'alliance est parvenue à traverser des périodes très difficiles -- pendant la guerre froide et depuis lors avec les modifications apportées à son mandat -- , à survivre, et plutôt bien. En ex-Yougoslavie, pour la première fois de son histoire, elle a entrepris des opérations offensives, ce qu'elle continue de faire aujourd'hui en Afghanistan.
    Oui, nous admettons que la réaction est lente. À ma connaissance, la seule manifestation jusqu'à maintenant est l'annonce de la Pologne, qui propose d'ajouter à sa contribution, et on ne saurait qu'espérer que, à la suite de la série de réunions ministérielles à venir, d'autres encore se manifesteront.
    Je devrais souligner que, malgré le nombre accru de pays membres de l'OTAN, certains des nouveaux ne se trouvent pas forcément dans une situation idéale pour prêter assistance au genre d'opérations qui se déroulent en Afghanistan. Bien entendu, si vous voulez invoquer le cas contraire, il y a la contribution à la fois réjouissante et incroyable de la Roumanie, très petit pays, faut-il le dire, et du point de vue de la capacité militaire... nous nous réjouissons au plus haut point de sa présence. Tout de même, je crois que nous sommes probablement un peu plus déçus, au Canada, de la réaction des membres de l'alliance. Je ne peux que répéter ce que j'ai dit il y a un instant: les difficultés du genre qui touchent l'alliance en ce moment sont presque une caractéristique type des discussions qui ont eu lieu, et ces discussions vont se poursuivre, sans aucun doute, l'idée étant expressément d'inciter ceux qui n'ont pas encore réagi à accroître leur contribution.
    Je signalerais aussi que la plus grande proportion -- la majorité même -- des pays membres de l'OTAN apportent une contribution sous une forme ou une autre. À l'inverse, pourrait-on dire, c'est un très faible nombre de pays membres qui s'occupent de la plupart des tâches lourdes. Je dirais presque que c'est à notre tour, car au fil des ans, pendant la guerre froide, certes, où nous avons présenté au début une très bonne contribution pour la réduire sensiblement par la suite, ce sont d'autres qui ont pris en charge les tâches lourdes. Non seulement c'est à notre tour de le faire, mais, certes, à mon avis, les gens admettront assez rapidement que pour que cette mission de l'OTAN porte fruit -- et je suis sûr que c'est ce à quoi s'attend l'alliance -- , d'autres se manifesteront.
(1710)
    Cela m'amène un peu à poser la question suivante. Il y a de nombreux autres alliés de l'OTAN qui imposent à leurs soldats des mises en garde assez restrictives sur ce que les gens peuvent faire et ne pas faire. Je me demande si vous pourriez nous donner un point de vue historique sur la question; peut-être que M. Maloney pourrait le faire. Je veux savoir si cela a toujours été le cas, et je crois qu'on en a déjà parlé un peu. C'est peut-être au tour du Canada, mais il y a certainement d'autres alliés membres de l'OTAN pour qui le temps est venu aussi de gagner la scène, qui n'ont peut-être pas pris en charge beaucoup de tâches lourdes par le passé.
    Selon vous, qu'en sera-t-il de ces mises en garde à l'avenir? Pour que l'OTAN soit efficace à l'avenir et qu'elle réussisse à stabiliser quelque peu la scène internationale en contrant la menace terroriste, doit-elle envisager de refaire sa propre structure ou son mode de gouvernance de telle sorte que, parfois, les mises en garde en question ne soient pas si restrictives, que les commandants sur le terrain aient réellement la marge de manoeuvre nécessaire pour obtenir les résultats que nous attendons d'eux?
    La première fois où j'ai entendu parler de mise en garde, c'était en rapport avec la FIAS à Kaboul. Je sais que le concept existait auparavant, et particulièrement au Kosovo, et probablement sous forme de prototype dans le cas de la SFOR. Tout de même, la première fois où j'ai vraiment entendu parler de ça et des restrictions imposées à divers contingents nationaux, c'était dans le cas de la FIAS, à l'époque où j'y étais, en 2004, et c'était tout un problème. Cela traduit le contrôle qu'exercent les pays sur leur force nationale, ce qui est tout à fait légitime, étant donné la nature de l'alliance. Il appartenait alors au commandement de la force d'appliquer ses ressources, compte tenu des limites existant à ce moment-là. Cela a été à l'origine de plusieurs problèmes.
    Si je comprends bien, une fois que nous avons cédé la responsabilité de l'opération Enduring Freedom à la FIAS dans le Sud, ce n'était plus tout à fait le cas. Les pays qui ne veulent pas s'engager là sont engagés ailleurs, particulièrement avec le RC Ouest de Herat et le RC Nord. Les gens qui veulent pouvoir apporter une contribution solide à l'exercice se dirigeront vers le sud.
    Cela devient une affaire de diplomatie, d'une part, et de motivation des troupes, d'autre part, dans les divers pays en question. Sans avoir accès à l'information, je me dis qu'il serait intéressant de voir, du point de vue des divers membres de l'OTAN, comment on a évalué le degré de motivation des diverses forces dans le contexte, ou dans n'importe quel contexte. De fait, si vous procédez à une analyse historique, vous constaterez que les tâches lourdes en question ont été l'affaire des pays ABCA, puis, habituellement, des Pays-Bas. C'est donc les État-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, et les Pays-Bas; et, parfois, l'Allemagne.
    Vous constaterez que le groupe ABCA et la Nouvelle-Zélande sont toujours là. Vous pouvez les retrouver dans presque chacune des opérations. Je crois avoir fait un article là-dessus à un moment donné. Puis, il y en a qui se manifestent, et d'autres, pas. Je suis obligé de me dire que c'est comme ça. Ce sont ces éléments qui vont constituer le coeur de toute force appelée à intervenir. Il en va de même de toutes sortes d'autres éléments qui s'y rattachent.
    Nous cédons la parole à M. Dosanjh.
(1715)
    J'ai entendu dire récemment que les combattants talibans, comme M. Maloney a pu le dire, ont diverses provenances. Bon nombre d'entre eux sont des Pachtouns, mais il y en a d'autres. Je crois savoir -- et dites-le moi si je me trompe -- que les combattants tchétchènes, qui sont nettement mieux entraînés et organisés, arrivent maintenant sur le terrain en tant qu'éléments des talibans.
    Ils quittent puis ils reviennent. Il y a des Tchétchènes là-bas depuis 2001.
    Ils n'ont jamais quitté le pays?
    Non, il y a toujours eu des Tchétchènes là-bas. Ce n'est rien de neuf dans la région.
    Les Tchétchènes font-ils partie des groupes qui font la navette entre l'Afghanistan et le Pakistan?
    Oui. Les Tchétchènes faisaient partie des formations conventionnelles d'Al Qaïda au moment du renversement en 2001. D'autres Tchétchènes sont venus se joindre à eux plus tard.
    D'autres arrivent au pays en provenance de la Tchétchénie?
    Je n'ai pas de statistiques précises, mais ils font partie de l'afflux général de djihadistes. Il y a d'autres nationalités, mais ils y figurent.
    Je crois avoir vu le général Jones à la télévision aujourd'hui; il parlait de la demande présentée à divers alliés membres de l'OTAN, les 15 p. 100. Il affirmait que cela ne traduisait aucun désespoir; c'était déjà prévu. De fait, il n'y a aucun engagement en rapport avec les 15 p. 100 en question.
    La question est un peu curieuse, mais est-il prudent pour l'OTAN d'être de tous les combats comme nous le voyons, à croire que les 15 p. 100 à combler importent du point de vue de la bataille ou des batailles à gagner, en sachant que les alliés n'ont pris aucun engagement ferme avant l'expansion vers le sud et le genre de batailles qui a lieu en ce moment?
    Les engagements provenaient de l'alliance dans son ensemble. Le respect effectif des engagements est tombé à 85 p. 100 environ. Le général Jones a dit il y a une semaine ou deux: « vous m'avez promis 100 p. 100. Vous m'avez donné 85 p. 100. Donnez-moi maintenant les 15 p. 100 qui restent. »
    Est-il possible d'organiser des opérations en comptant sur moins de 100 p. 100 des engagements faits? Bien entendu que oui. On ne peut en faire autant avec 85 p. 100 qu'avec 100 p. 100, mais, certainement, on peut atteindre les objectifs fixés dans un secteur particulier. Pour atteindre tous les objectifs, il faut les 100 p. 100 et peut-être plus encore, car il faut alors prévoir les renforts qui viendront remplacer les blessés. Mais on peut aller de l'avant en ayant moins que 100 p. 100.
    Mais ma question était la suivante: était-il prudent, en sachant ce que vous savez maintenant... que les appels lancés pour que le quota ou les 15 p. 100 soient honorés deviennent de plus en plus fréquents? Dans les circonstances -- je ne vous demande pas de remettre en question l'avis des gens qui se trouvent sur le terrain, mais à titre d'observateur indépendant, loin du théâtre des opérations -- est-il prudent de s'engager dans ce genre de lutte dangereuse où nous sommes actuellement engagés, dans le sud de l'Afghanistan, sans disposer d'un contingent complet?
    Il y a un vieux dicton militaire qui dit que tous les plans tombent dès la première rencontre avec l'ennemi, et je crois que nous constatons aussi, bien entendu, une évolution des tactiques employées par les talibans. Les appels lancés pour que nous disposions de moyens particuliers reflètent l'évolution de la situation sur le terrain lui-même, puis notre réaction a évolué elle aussi. J'aimerais aussi revenir à ce que j'ai dit plus tôt, soit qu'une bonne part des engagements nouveaux annoncés récemment par le Canada sont destinés à l'équipe de reconstruction provinciale, par opposition aux soldats engagés dans des combats directs.
    J'ai une dernière question, et elle est très courte. Je reviens à une question dont mon collègue a déjà parlé.
    Vous avez lu le texte d'un de vos collègues, le général Manson, dont le titre est « Une stratégie de retraite rationnelle pour l'Afghanistan ». Il y énumère un certain nombre de signes qui, selon lui, devraient se manifester clairement avant qu'un départ des troupes puisse être raisonnablement envisagé, et il affirme qu'il ne sait pas combien de temps l'opération va prendre.
    Quand je regarde les signes en question, c'est-à-dire le déclin des talibans, le rétablissement de la sécurité, un accroissement de l'efficacité de l'armée et de la police afghane, l'économie de marché qui commence à fleurir localement, une évolution très marquée des droits de la personne, le rayonnement du contrôle du gouvernement central, la création d'un infrastructure, la démocratisation -- ce sont toutes des choses dont nous savons, en Occident, que ce sont des conditions préalables importantes si vous voulez une société stable -- je ne vous demande pas de sortir votre boule de cristal, mais se tromperait-on en disant que cela pourrait prendre 20 à 30 ans en Afghanistan?
(1720)
    Pour vous donner une réponse brève, oui. Au fil du temps, durant les 20 ou 30 années en question, le nombre de soldats nécessaires finirait par diminuer, et les ressources nationales alors fournies pourraient signifier une diminution des ressources militaires que nous fournissons et un accroissement des ressources d'aide au développement que nous fournissons. J'y verrais un processus évolutif: les choses commencent à se stabiliser, puis l'évolution se poursuit.
    Et je peux être d'accord avec vous; je ne suis pas expert en la matière. Mais pour renforcer la sécurité, vous conviendrez qu'il est essentiel d'empêcher que des marchandises et du matériel destinés aux talibans traversent la frontière poreuse du Pakistan, et que de nouvelles recrues aillent grossir les rangs des talibans pour se battre à leurs côtés. Si nous n'y arrivons pas, nos efforts pourraient bien ne jamais aboutir.
    À ce propos — sans vous demander de porter un jugement —, j'ai n'ai vu aucune initiative internationale entreprise par notre gouvernement, les États-Unis ou encore par l'OTAN, pour contrôler la situation au Pakistan. Cela en dit long sur notre préparation et notre prévoyance face aux opérations. Vous ne pensez pas?
    Je répondrai succinctement en disant que c'est la prérogative des Américains, étant donné la relation particulière qu'ils entretiennent avec le Pakistan. Et il y a plein de choses qui se passent en coulisses que la population ne voit pas.
    Mais ce sont aussi nos hommes et nos femmes qui meurent.
    Exactement.
    Alors, n'est-il pas de notre devoir d'engager un débat là-dessus, autant publiquement qu'en privé?
    Qui vous dit que cela n'a pas déjà été fait en privé?
    Personne ne nous l'a dit. Ce sont des questions que nous posons dans les médias, comme vous le faites tous les jours.
    Merci.
    Madame Gallant.
    Merci monsieur le président.
    J'aimerais aussi remercier les témoins pour les réponses qu'ils ont données jusqu'à maintenant.
    J'ai lu quelques articles de la CAD hier soir, dont l'un s'intitulait « Le Canada pourrait-il se retirer de l'Afghanistan? Un scénario de simulation ». Dans cet article, on envisageait les principales conséquences d’une décision canadienne de retirer ses troupes. J'ai particulièrement retenu cet extrait : « ...en faisant preuve d’une telle faiblesse face au terrorisme des fanatiques, le Canada deviendrait une cible lucrative pour des attentats futurs. Parlerons-nous un jour de New York, de Londres, de Madrid, de Bali et de Vancouver? »
    J'aimerais que vous commentiez cet énoncé.
    Je pense que dans un groupe de pays, vous cherchez celui où vous pourrez exercer le mieux vos moyens de pression. Autrement dit, vous ciblez le maillon le plus faible. Vous frappez là où ça fait le plus mal et vous risquez de créer une véritable onde de choc. Je pense que si le Canada avait le moindrement montré qu'il était un membre de la coalition faible psychologiquement, si je puis dire, ou que l'opinion publique était divisée, on nous aurait déjà visés. Le Canada pourrait alors être ciblé sur son territoire, et Dieu sait à quel point nous ne sommes pas préparés si cela venait qu'à se produire.
    Monsieur Maloney, auriez-vous autre chose à ajouter?
    J'aimerais rappeler que lorsque nous combattons le mouvement Al-Qaïda, nous sommes son ennemi, et nous sommes déjà considérés comme une cible facile. Nous sommes vulnérables. Il y a des cellules terroristes en activité dans le pays. Bien entendu, elles peuvent attaquer plus efficacement les États-Unis si nous ne les traquons pas trop. Il y a un élément psychologique à ne pas négliger. Si nous agissons en Afghanistan comme nous l'avons fait en Somalie, nous serons aux prises avec de sérieux problèmes plus tard. Les Américains l'ont appris à leurs dépens avec les événements du 11 septembre. Nous serons perçus comme une nation faible, où l'on peut manipuler très facilement l'information et la société.
    Je pourrais aussi parler des implications régionales en Afghanistan de l'arsenal nucléaire pakistanais, du réseau d'A.Q. Khan ou de la situation en Iran. Souhaitons-nous réellement être ceux qui, par inadvertance, faciliteront l'entrée d'un engin nucléaire en sol américain? Évidemment, non. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous collaborons avec le Pakistan. Nous devons être très prudents. C'est grâce à la coopération des Pakistanais que nous avons réussi à démasquer certains réseaux. Il y a un lien entre le démantèlement du programme nucléaire d'A.Q. Khan, les attaques déjouées contre des compagnies aériennes cet été et la situation actuelle en Afghanistan.
    C'est pourquoi il faut faire très attention. C'est bien malheureux que des gens périssent à cause de cela, mais quelqu'un devra expliquer à la population que c'est pour le plus grand bien de tous.
(1725)
    En quoi un échec en Afghanistan pourrait-il nuire à l'avenir de l'OTAN, et par conséquent à la défense des pays membres?
    De toute évidence, cela porterait un dur coup à l'alliance, et vous pouvez être sûr que ses membres ne souhaitent pas que cela se produise. Aussi loin qu'on puisse remonter dans l'histoire de l'alliance, les membres n'ont jamais laissé faire ce genre de choses. Étant donné que c'est imminent et que les choses vont se compliquer, d'après ce que nous connaissons des membres de l'alliance, ils vont intervenir, et j'ai la conviction que les discussions en cours portent là-dessus et qu'il en sera question aux prochaines rencontres ministérielles. Je vois mal un membre de l'alliance reculer devant ce qui, au bout du compte, se révélerait nécessaire pour régler définitivement le problème, parce que c'est dans l'intérêt de tous les pays membres, pas seulement de l'Afghanistan. C'est aussi dans l'intérêt de bien d'autres régions du monde en raison de ce qui pourrait survenir en Afghanistan. Les membres doivent donc assumer leur responsabilité et verser les 15 p. 100 qu'il manque aux contributions. Ce serait désastreux, c'est certain.
    Voulez-vous profiter du temps qu'il vous reste?
    Oui, j'ai une question très brève.
    Des témoins nous ont dit que l'interruption de la production d'opium nuit aux agriculteurs. On a affirmé plus tôt aujourd'hui qu'on avait réussi à réduire la production de 3 p. 100. Aux fins du compte rendu, pourriez-vous expliquer en quoi cela touche les intérêts du Canada et quelle est incidence sur les insurgés et par conséquent sur la sécurité des troupes?
    Puis-je répondre à cette question? Je pense qu'on disait dans le texte qu'il est intéressant que la production ait été réduite. Je ne pense pas que ce soit réellement attribuable aux activités canadiennes, parce que pour éliminer la production, il faut d'abord cesser la plantation. La plantation se fait normalement à ce temps-ci de l'année, et les récoltes auront lieu l'an prochain, entre avril et juin. Par contre, l'éradication du pavot à opium a certainement été plus efficace dans le nord.
    J'ai remarqué deux choses.
    Dans une guerre anti-insurrectionnelle, il faut faire en sorte que les gens se rangent de notre côté. Toutefois, il y a deux choses qui nous empêchent de le faire dans les régions rurales du sud. Premièrement, il y a l'éradication du pavot, et deuxièmement, l'égalité des sexes qu'on tente d'imposer. Selon ce qu'on m'a dit, les gens n'acceptent ni l'une ni l'autre. Et il semble que la question de l'éradication soit particulièrement délicate.
    On fait preuve d'incohérence. Le département d'État américain, et, dans une moindre mesure, les Britanniques, déploient des efforts en vue d'éradiquer le pavot pour diverses raisons. Quand je parle à des commandants militaires sur le terrain, ils affirment que cela nuit à leur relation avec la population parce qu'on prive les gens de leur gagne-pain. Les résultats des programmes de subsistance varient, et nous ne savons pas exactement quelle est la meilleure stratégie pour remédier à la situation, particulièrement dans la province d'Helmand, où les Britanniques se sont heurtés à de nombreux problèmes cet été. Il y a un lien entre l'insurrection et la question du pavot. Mais d'un autre côté, il y a des producteurs de pavot qui n'ont pas joint les rang des insurgés, mais qui vont se ranger derrière la personne aux commandes, etc. Il existe manifestement une division chez les cultivateurs de pavot.
    Il ne faut pas arriver dans les régions rurales et commencer à tout chambarder, car cela suscite du mécontentement chez les habitants, et les talibans leur diront bien qu'ils les avaient prévenus que les choses se passeraient ainsi.
(1730)
    Monsieur Bachand, à vous la parole.

[Français]

    Je suis très heureux de pouvoir poser une dernière question, car je voudrais soulever un point très important qui n'a pas encore été abordé.
    En mai dernier, je suis allé en Afghanistan. Je suis ensuite allé à Paris pour assister à une réunion de l'OTAN.
    Il y a une région dont on n'a pas encore parlé ici cet après-midi: l'Est. À ma connaissance, l'OTAN contrôle actuellement le Nord, le Sud et l'Ouest. Or, les Américains ont toujours voulu garder le contrôle de l'Est, mais je ne sais pas si c'est encore le cas.
    J'entends toujours parler du général Jones, qui est responsable des Forces américaines, mais j'ai rencontré plus souvent le général Richards en Afghanistan, parce qu'il est responsable des forces de l'OTAN.
    Certaines choses qu'on nous a dites à Paris posait pour moi des problèmes, à savoir que le Nord, l'Ouest et le Sud seraient le théâtre d'une action anti-insurrection et que l'Est serait le théâtre d'une action anti-terroriste et que c'était la raison pour laquelle les Américains voulaient le conserver. Je voyais toute la problématique entourant les règles d'engagement qui peuvent être différentes. Par exemple, de quelle façon l'OTAN peut-elle appeler les Américains pour avoir une couverture aérienne? Le général Jones et le général Richards avaient de la difficulté à me répondre à ce sujet.
    Pourriez-vous nous dire si les Américains controlent toujours l'Est, et si cela pourrait causer des problèmes pour toute l'opération?

[Traduction]

    Actuellement, l'est est toujours sous contrôle américain. L'objectif était de faire passer le sud sous contrôle de la FIAS au printemps de cette année, ce qui a d'ailleurs été fait. On voulait faire la même chose pour l'est à l'automne. En vérité, je pense qu'à l'origine on prévoyait se retirer autour de cette date, à quelques jours près. Cela ne s'est pas encore fait. Je n'en connais pas les raisons et je ne suis pas non plus capable de dire quand exactement cela aura lieu.
    Même quand la FIAS contrôlera les quatre régions, en admettant que cela se fasse, on aura toujours besoin d'une interface avec le commandement central américain, qui a établi son quartier général dans la région du Golfe, comme vous le savez, parce qu'il contrôle la flotte d'aéronefs, les A-10 qui ont mitraillé accidentellement nos troupes, et toutes les autres ressources sur place qui n'appartiennent pas à l'OTAN. La participation des États-Unis sera donc encore nécessaire.
    Le général Jones est le commandant suprême des forces alliées de l'OTAN; il n'est pas le chef du commandement central.
    Et Richards?
    Et Richards, bien sûr, est sous les ordres du général Jones, en tant que commandant de l'OTAN en Afghanistan; il contrôle les trois régions et, un jour ou l'autre, peut-être, la quatrième région. Il ne faut pas perdre de vue le fait que les pays membres de l'OTAN engagés en Afghanistan, au moins les membres de longue date, travaillent depuis des dizaines d'années avec les forces américaines, et évidemment, sont normalement habitués à faire les aménagements nécessaires et à répondre aux exigences opérationnelles; cela n'est donc pas nouveau ni difficile.
    Avant de conclure, permettez-moi de vous dire que c'est un grand inconvénient pour le président que de ne pouvoir participer à la discussion. Au moins, il a le privilège de pouvoir ajouter ses commentaires à la fin.
    J'aimerais poser une question brièvement. Monsieur Maloney, vous avez dit, et je vous cite, que les Canadiens voulaient que cela fonctionne, et tout de suite. Je regrette de ne pas partager votre avis sur ce point. Je crois que les Canadiens ont le sens des réalités, pour commencer, et qu'ils sont intelligents. Lorsque nos troupes s'engagent dans un théâtre comme celui-ci ou une mission semblable, ou encore dans un conflit de ce type, les gens veulent des faits et non des ouï-dire. Il se pourrait que les médias, parfois, ne donnent pas une image fidèle de la situation.
    Autant que je me souvienne, je ne crois pas qu'il y ait jamais eu de mission, de conflit ou quelqu'autre engagement militaire où une nation, ou même l'OTAN, ait dit précisément quand cela commencerait et se terminerait. Si quelqu'un peut me dire qu'il y a eu... Même si on envoyait 300 soldats au combat, ceux-ci ne sauraient pas quand ils commenceraient ni quand ils partiraient. Ce sont des conflits qui sont en train de se produire, aujourd'hui.
    Voici ce qui sème la confusion: vous faites référence aux trois missions dans lesquelles les militaires canadiens se sont engagés. Vous avez parlé de Chypre, de la Bosnie et de l'Afghanistan. La mission à Chypre était totalement différente — si vous n'êtes pas d'accord, dites-le moi. En Bosnie, c'était aussi une mission très différente comparée à l'Afghanistan. Aujourd'hui, nous parlons d'une mission dans laquelle l'OTAN a une obligation à respecter. Par le passé, lorsque nous nous engagions dans des missions sous la bannière de l'OTAN, il y avait toujours un plan; les choses ne se décidaient pas du jour au lendemain ou d'une semaine à l'autre.
    Voici donc ma question. Nous avons envoyé des hommes et des femmes en mission en Afghanistan. Nous savions, parce que nous étions à Bruxelles avec ce comité il y a quelque temps et que avons parlé avec nos représentants sur place... Lorsque le gouvernement canadien a décidé de s'engager dans cette mission, il est certain que l'OTAN avait un plan pour deux ans. J'aimerais que vous me donniez des précisions à ce sujet car je voudrais savoir ce qui se passe. Dans les missions précédentes, nous devions remplir une obligation dans le cadre de l'OTAN, disons pendant une année ou deux, puis les autres membres de l'OTAN prenaient la relève et ainsi de suite. N'est-ce pas ce qui devrait se produire dans ce cas-ci, ou est-ce que le mandat de l'OTAN a changé?
(1735)
    De combien de temps disposons-nous?
    Je suis le dernier. J'ai moi aussi droit à cinq minutes. J'en ai déjà pris deux et demie, alors il vous en reste autant, ou un peu plus. J'ai accordé du temps supplémentaire à tout le monde.
    Quand nous parlons de l'OTAN, est-il question de l'engagement du Canada à l'égard de la FIAS, ou encore de celui envers l'OEF? De quelle participation du Canada en Afghanistan parlons-nous?
    Peu importe; j'essaie seulement de mieux comprendre le fonctionnement de l'OTAN.
    Aucun problème.
    Là ou le bât blesse en partie, en ce qui concerne la FIAS, c'est qu'elle était au départ une organisation qui ne relevait pas de l'OTAN, et qu'on l'avait délibérément rendue neutre pour que l'ONU l'accepte. D'après ce que j'en sais, on n'arrivait pas à trouver quelqu'un pour en prendre le contrôle. Puis, le Canada est arrivé en disant qu'il voulait s'en charger, mais souhaitait l'« otaniser » pour pouvoir mobiliser davantage de ressources.
    On a fait des plans à différentes étapes, mais il était difficile d'évaluer quelles seraient les actions de la FIAS, quand celle-ci agirait, et son rôle par rapport à l'opération Enduring Freedom. Cette structure scindée a posé un problème qui, espérons-le, sera éliminé lorsque nous aurons le CR de l'Est. Cela remonte à la création même de l'organisation.
    Sous commandement canadien, on avait un plan. Pendant cette période, on a élaboré le prototype de la Stratégie nationale, mais ceux qui ont pris la relève six mois plus tard l'ont jeté aux poubelles, disant qu'ils ne voulaient pas y participer. Donc, au cours des six mois qui ont suivi, quelqu'un a repris la FIAS en mains et a lancé sa propre proposition. Je dirais qu'en ce qui a trait à cette mission, il y a un problème de continuité.
    La crédibilité de l'OTAN est-elle donc mise en question? Est-ce également ce que vous me dites?
    Oui.
    Je n'ai pas d'autre question. Je pense avoir pris plus de temps que ce à quoi j'avais droit. Merci.
    Au nom de l'ensemble des membres ici présents, j'aimerais tous vous remercier pour votre présence et pour avoir partagé avec nous votre expertise, vos connaissances et vos points de vue, alors que nous avançons dans ce dossier de première importance. Merci pour l'appui et la protection de nos hommes et de nos femmes qui sont sur le terrain.
    Merci beaucoup. La séance est levée.