NDDN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent de la défense nationale
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 25 septembre 2006
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Mesdames et messieurs, je déclare ouverte la douzième séance du Comité permanent de la défense nationale qui se penche sur les Forces canadiennes en Afghanistan.
Grâce aux miracles de la technologie, nous entendrons deux témoins aujourd'hui. M. Douglas Bland, titulaire de la chaire d'étude en gestion de la défense de l'École des études politiques de l'Université Queen's, qui est avec nous en personne. Il s'adressera à nous en premier, mais j'aimerais également vous présenter notre témoin de Calgary — pouvez-vous nous entendre monsieur?
Parfait. Nous souhaitons la bienvenue à David Bercuson, professeur, directeur du « Centre for Military and Strategic Studies » de l'Université de Calgary.
Tout semble fonctionner.
M. Bland sera le premier à faire sa déclaration liminaire, puis vous aurez la parole, et enfin le comité vous posera des questions. Nous avons des règles assez strictes en ce qui concerne le temps de parole et qui a le droit de poser des questions à quel moment.
Avant de commencer, j'aimerais de nouveau remercier le comité de m'avoir élu président. C'est vraiment un honneur, et je vous en remercie. Je félicite M. Cannis et M. Bachand pour leur élection en tant que vice-présidents.
Monsieur Cannis.
Monsieur le président, je voudrais tout d'abord vous dire que vous avez mon soutien plein et entier.
Je m'excuse de ne pas avoir été présent, mais j'aurais voté pour vous. Je suis arrivé en retard à Ottawa, et j'ai constaté que la salle était déjà vide.
Félicitations, et merci à mes collègues. Je suis désolé de ne pas avoir été ici pour le vote.
Merci.
Monsieur Bland, nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire. Lorsque vous aurez terminé vos exposés, nous passerons aux questions, et vous pourrez tous les deux y répondre.
Merci monsieur le président, bonjour à tous les membres du comité. C'est un plaisir pour moi d'être ici, et je vous remercie de m'avoir invité.
Je vais commencer par vous adresser quelques remarques, en grande partie improvisées. Je me réjouis de vos questions et de toute discussion que vous aimeriez avoir à ce sujet.
Tout d'abord, la mission du Canada en Afghanistan axée sur les trois D — diplomatie, développement et défense — est la bonne mission pour le Canada et pour le peuple afghan. Elle épouse les traditions et valeurs profondément canadiennes et elle est de plus en plus efficace. Je l'appuie sans réserve et j'exhorte la Chambre des communes à s'exprimer de façon non partisane et unanime en sa faveur également.
En 1947, Brooke Claxton, ministre de la Défense nationale, a prononcé à la Chambre des communes un discours sur les réalisations du Canada au cours de la Seconde Guerre mondiale. Nous avons fait la guerre, a-t-il dit, pour appuyer des gens qui voulaient être libres.
L'objectif de notre politique en Afghanistan est d'appuyer un peuple afghan qui a déjà démontré sa volonté d'être libre. Comme saint Augustin l'a écrit il y a plus de 1 500 ans, la paix est toujours possible; il suffit d'obéir aux dictats du tyran.
Nous devons nous souvenir de nos politiques et de notre histoire, ainsi que de l'histoire des démocraties libérales partout dans le monde. La paix est facile à obtenir, mais est difficile à maintenir. La liberté est difficile à obtenir mais facile à maintenir. Nous, Canadiens, sommes actuellement dans la phase difficile pour ce qui est de faciliter la vie du peuple afghan, et la politique des trois D est le seul moyen d'avancer.
Je désire aborder brièvement chacun des D, mais tout d'abord, j'aimerais répondre à la critique selon laquelle notre engagement n'est pas équilibré. J'aimerais qu'on en discute de façon rigoureuse pendant quelques instants.
Certains disent que nous dépensons trop en opérations militaires et pas assez en développement humanitaire, mais ces critiques reposent souvent sur une erreur de raisonnement, en pensant qu'équilibre et égalité signifient la même chose. L'équilibre est réalisé pour chacun des D, l'un après l'autre, en y consacrant la quantité de ressources qui correspond aux exigences particulières de chacun des D. L'équilibre est maintenu lorsque nous ajustons les ressources au gré des besoins et des circonstances. Il n'y a pas de moyen logique ni approprié d'équilibrer les trois D sans mesurer les besoins particuliers indépendamment les uns des autres. En d'autres termes, il n'y a aucune logique ou exigence pour les rendre égaux à tous les égards. Le principe doit toujours être que les ressources correspondent aux besoins.
Si l'on prend la diplomatie, par exemple, nous constatons qu'il y a quelque 25 à 30 diplomates canadiens en poste à Kaboul aujourd'hui, alors qu'il n'y en avait aucun en 2001. Dans le même temps, il y a des foules de représentants canadiens à Ottawa, aux Nations Unies et à l'OTAN, à Washington, dans les capitales européennes et ailleurs, qui, chaque jour, coordonnent les politiques du Canada et encouragent les efforts humanitaires et sécuritaires en Afghanistan. Si l'on définit l'équilibre comme il se doit, c'est-à-dire comme le fait d'affecter des ressources appropriées aux besoins, la contribution diplomatique du Canada à la mission en Afghanistan est appropriée, délibérée et équilibrée.
Prenons maintenant le deuxième D, le développement. Comme vous le savez, le Canada est l'un des principaux bailleurs de fonds pour le développement en Afghanistan, puisqu'il finance neuf grands projets dans le cadre de la stratégie nationale de développement établie par le gouvernement afghan. Et c'est ce qu'il faut souligner, c'est leur stratégie de développement. Le coût du programme de développement s'élève en 2006 à 109,5 millions de dollars. Le gouvernement du Canada s'est engagé à y consacrer 100 millions de dollars par an jusqu'en 2011. Notre aide au développement en Afghanistan entre 2001 et 2011 totalisera pratiquement un milliard de dollars.
De plus, en janvier de cette année, à Londres, le gouvernement afghan a établi ses besoins sur les plans humanitaire et de développement et les a exposés aux « nations donatrices ». On a discuté, entre autres choses, de la mesure dans laquelle le gouvernement afghan pouvait mener de grands projets et gérer de fortes sommes d'argent. Si l'équilibre est mesuré comme étant le fait d'affecter des ressources appropriées aux besoins, le programme de développement canadien en Afghanistan est équilibré et efficace.
Prenons le troisième D, la défense. Les opérations militaires du Canada suscitent beaucoup d'attention de la part des médias. Elles sont intéressantes, excitantes, chargées d'émotions et faciles à décrire. Il n'est pas très excitant de filmer des enfants dans les écoles, et l'intérêt des médias pour l'aspect militaire — et, à mon avis, la piètre stratégie du gouvernement en matière de relations publiques et d'information — donne à beaucoup de Canadiens l'impression que la mission du Canada est exclusivement axée sur la défense et que les soldats canadiens ne font que participer à des combats.
Bien sûr, aider les Afghans à lutter contre leur ennemi est la principale raison du mandat des Nations Unies et demeurera au coeur des efforts menés dans ce pays tant que les talibans et d'autres groupes illégaux attaqueront le peuple afghan. Mais sur les quelque 2 300 membres des Forces canadiennes actuellement dans ce pays, 1 000 seulement font partie des troupes de combat de première ligne; le reste fait partie des troupes d'appui et participent aux programmes de reconstruction et d'action civile. Je suis certain que le chef d'état-major à la Défense vous a déjà donné les détails de ces missions.
Lorsque l'équilibre est mesuré comme étant le fait d'affecter les ressources appropriées aux besoins, les opérations multi-missions des Forces canadiennes en Afghanistan sont équilibrées et efficaces. Plutôt que de se concentrer sur les difficultés, j'encouragerais le comité à se pencher sur ce qui a été réalisé et sur les moyens de renforcer ces succès.
Qu'est ce qui a été réalisé?
Tout d'abord, la diplomatie canadienne a permis de maintenir une coalition de 36 États afin d'aider le peuple afghan à créer sa propre société, libre, durable et solide.
Pour ce qui est du développement, avec l'aide du Canada, 4,8 millions d'enfants ont été inscrits à l'école depuis 2001, et un tiers sont des filles. Douze mille villages ont désormais accès à des fonds pour répondre à leurs besoins en eau; quelque 63 000 soldats ont été désarmés; 11 000 armes lourdes ont été saisies, comme des chars d'assaut et des armes d'artillerie; 3,7 millions de réfugiés sont rentrés chez eux; les capacités en matière de gouvernance se renforcent aux échelles locale, régionale, provinciale et nationale grâce à deux élections libres, notamment l'élection d'un nouveau Parlement où 25 p. 100 des députés sont des femmes. Il me semble d'ailleurs qu'ils font mieux que nous sur ce dernier point.
Pour ce qui est de la défense, c'est-à-dire le troisième D, face aux opérations militaires des 36 nations participantes, les talibans et les autres groupes illégaux sont en fuite car ils ne peuvent soutenir les attaques de nos soldats, et parce qu'ils ne sont pas appuyés par les Afghans libres.
Permettez-moi maintenant de traiter des trois critiques principales faites à l'égard de la mission que j'observe depuis quelques années. Certains exhortent les Canadiens à laisser le peuple afghan aux tyrans, aux talibans, en échange de la paix. Cela touche tout d'abord la question de l'équilibre dont j'ai déjà parlé, mais permettez-moi d'être plus précis ici en ce qui concerne les opérations militaires.
Les détracteurs ont, à tort, affirmé que des milliards de dollars étaient dépensés chaque année pour les opérations militaires, et ils exagèrent le coût des opérations militaires afin d'étayer leurs arguments fallacieux de déséquilibre. Il faut prendre en compte deux types de dépenses militaires. Il y a les dépenses quotidiennes pour les soldats, l'équipement, et les opérations des Forces canadiennes, que les contribuables doivent payer où que se trouvent les unités, que ce soit au pays ou à l'étranger, et qu'elles soient en service actif ou non. Puis, il y a le coût des éventualités — les coûts liés à une opération en particulier, ou si vous préférez le coût des activités supplémentaires. En Afghanistan, il faut affecter des fonds pour construire une base, pour transporter les troupes et le matériel par voie aérienne, pour les munitions et la nourriture, pour le soutien médical, etc. Certains détracteurs additionnent à tort ces deux types de dépenses pour arriver à une seule facture énorme, et de ce fait ils exagèrent les coûts réels de l'opération et déclarent que la mission est disproportionnée.
Voici les faits. Le coût total des éventualités des opérations des Forces canadiennes en Afghanistan depuis le 11 septembre 2001 s'élève à 1,8 milliard de dollars, c'est-à-dire environ 360 millions de dollars par année. Le coût total pour 2005-2006, si on l'arrondit, est de 400 millions de dollars. Rappelez-vous que nous investissons 100 millions de dollars par an dans le développement. Étant donné qu'il est fort coûteux de subvenir aux besoins de 2 300 personnes dans une région éloignée et sous-développée, les dépenses liées aux Forces canadiennes sont raisonnables et équilibrées étant donné les circonstances.
La seconde raison que l'on nous donne pour laisser le peuple afghan à la merci des talibans, c'est la fierté. Les détracteurs expliquent que nous sommes simplement les caniches du président Bush et de la politique étrangère américaine. Si cela était vrai, qu'ont à dire les critiques à propos de l'intégrité des trois premiers ministres canadiens qui ont appuyé la mission et à propos de tous les présidents, premiers ministres, et parlements des 36 autres pays présents sur le terrain? Qu'est-ce que cela sous-entend à propos des Nations Unies, du Conseil de sécurité de l'ONU, et des deux votes unanimes du Conseil en faveur de la mission?Qu'est-ce que cela sous-entend à propos de l'OTAN et de l'Union européenne?
Il doit y avoir autre chose que l'intellect et le charme de M. Bush qui entrent en compte ici. Que savent les dirigeants de tous ces autres pays que nos détracteurs ici au pays ne savent pas? Pourquoi tous ces dirigeants pensent-ils que la diplomatie, le développement, et la défense représentent la bonne approche pour la mission en Afghanistan, et pourquoi pensent-ils que la sécurité est la condition nécessaire aujourd'hui pour arriver à stabiliser le pays? Si les détracteurs savent quelque chose de plus que toutes ces organisations et tous ces dirigeants, alors ils devraient nous le faire savoir.
La troisième raison qu'avancent les détracteurs afin que nous ne respections pas notre engagement à libérer le peuple afghan, c'est que nos pertes sont trop élevées. Bien entendu, chaque décès, chaque blessé et chaque accident est regrettable. Mais il faut replacer cela dans son contexte et se rappeler que le Canada a connu de nombreuses pertes au long de son histoire pour se défendre, pour défendre ses valeurs, et pour défendre les valeurs et les intérêts d'alliés animés des mêmes idées et d'autres personnes qui souhaitaient être libres.
Il est malheureux lorsque des personnes au sein de la communauté, pour quelque raison que ce soit, instrumentalisent le nombre de pertes pour appuyer leurs intérêts idéologiques. Certaines de ces personnes ont récemment diffusé des informations erronées afin de s'opposer à la mission, et j'aimerais aborder certaines de ces études soi-disant statistiques qui ont été présentées à la population canadienne ces dernières semaines. D'autres essaient également d'impressionner les Canadiens en citant, comme si c'était un spécialiste, un jeune officier britannique subalterne, un étranger. Je trouve cela regrettable. Je souhaiterais parler plus longuement de ces questions un peu plus tard, si cela intéresse le comité.
Lorsque le coût humain de la mission en Afghanistan se traduit par des dépouilles qui rentrent au pays, posez-vous la question suivante: qui ne se plaint pas? Les personnes qui ne se plaignent pas sont les membres des Forces canadiennes qui subissent ces pertes. Ils savent pourquoi ils sont là, et si vous leur posez la question, ils vous l'expliqueront. Ce dont nous avons besoin aujourd'hui au Canada de la part de nos leaders, c'est qu'ils appuient ce type de courage.
En conclusion, la mission axée sur les trois D est la bonne mission pour le Canada. Elles est dirigée par des Canadiens qui comptent parmi les personnes les mieux préparées et les plus dévouées que le Canada ait jamais envoyées à l'étranger. Ils appuient courageusement le peuple afghan, un peuple qui a déjà démontré sa volonté d'être libre. Ils appuient également la réputation du Canada en tant que pays défenseur de la liberté. La diplomatie, le développement, et la défense représentent la bonne mission pour le Canada en Afghanistan. Nous, les Canadiens, devrions oeuvrer afin de renforcer cette mission, et non pas afin de la miner.
Merci beaucoup.
Merci, monsieur Bland.
Nous allons maintenant nous rendre à Calgary.
Monsieur, si vous êtes prêt, vous avez la parole. Prenez le temps qu'il vous faudra. Ensuite, nous passerons aux questions. Nous ferons de notre mieux pour que les députés puissent poser leurs questions à la personne de leur choix. Nous vous ferons savoir si cette personne est vous-même ou M. Bland.
Vous avez la parole.
Merci beaucoup. J'appuie également cette mission, car je pense qu'elle diffuse les valeurs canadiennes à l'étranger, et elle est certainement dans l'intérêt des Canadiens.
Je souhaiterais communiquer aux membres du comité une information qu'ils ne possèdent peut-être pas car je viens de la lire sur le site Internet de la CBC il y a environ 10 minutes. Le titre de l'article est le suivant: « Fonctionnaire afghane chargée des affaires féminines abattue par des tireurs. Deux tireurs à moto ont abattu la directrice d'un service provincial chargé des affaires féminines près de chez elle à Kandahar, ont déclaré lundi des responsables du gouvernement afghan. »
Je ne pense pas avoir besoin d'ajouter quoi que ce soit à cela, car c'est l'une des principales raisons pour lesquelles nous sommes là-bas. Certaines personnes perdent de vue le fait que nous nous sommes engagés dans cette mission en grande partie afin d'essayer de libérer le peuple afghan du joug de cette intolérance religieuse fanatique. La bataille va être longue, néanmoins je pense que le jeu en vaut la chandelle.
Nous pouvons être fiers de participer à ces efforts en Afghanistan. D'autant plus que cela sert nos intérêts. Notre présence dans ce pays est liée à toute une série d'obligations internationales, qu'il s'agisse de commerce, de droit international, de diplomatie, ou de l'envoi de troupes dans différentes parties du monde. Quarante pour cent du revenu des Canadiens dépend du commerce international.
Nous ne pouvons pas faire semblant d'être isolés du reste du monde. Nous ne pouvons pas faire semblant qu'il est moralement acceptable de rester les bras croisés et de laisser les autres faire le gros du travail pour protéger et défendre les systèmes dont nous dépendons tandis que nous continuons nos activités quotidiennes grâce à la bonne volonté des autres. Ce n'est pas acceptable. Nous avons des obligations internationales, autant envers les Nations Unies que l'OTAN. Cela me paraît évident, et cela a été souligné à de nombreuses reprises dernièrement, notamment par le premier ministre dans son discours prononcé devant l'Assemblée générale la semaine dernière.
Je voudrais vous parler tout particulièrement du caractère changeant de la mission. Je crois que M. Bland a abordé les détails de la mission bien mieux que je ne pourrais le faire. Je souhaiterais simplement dire la chose suivante: dans une guerre, et ceci est une guerre, quoi qu'on en dise, l'ennemi a sa propre volonté et intelligence. Il ne va pas combattre de la façon dont vous le souhaitez. Il va combattre de façon à atteindre ses objectifs dès que possible.
Le gouvernement précédent a décidé d'assumer les efforts en matière de diplomatie, de développement et de défense qui étaient nécessaires dans une région importante de l'Afghanistan, à savoir Kandahar. M. Bland en a beaucoup parlé. Un des principaux éléments ici, c'est que sans les efforts de développement, l'insurrection continuera. Nous devons aider le gouvernement afghan à relier les régions éloignées du pays au gouvernement à Kaboul. Nous devons les aider à faire cela. Nous devons aider à reconstruire le pays après des années de guerre. Mais l'ennemi ne veut pas que nous réussissions, et c'est ce qui est crucial. Il existe un ennemi, et cet ennemi va essayer de miner, détruire et perturber nos efforts de reconstruction.
C'est pour cela que le caractère de cette mission a évolué au cours de la dernière année. C'est parce que nous devons réagir militairement à leurs efforts de destruction de ce que nous avons fait jusqu'à maintenant. Nous espérons qu'en fin de compte, nous réussirons à écraser l'insurrection, et que nous pourrons alors de nouveau nous concentrer sur l'essentiel, c'est-à-dire l'aide et le développement.
J'aimerais ajouter qu'au cours d'un conflit, qu'au cours d'une guerre, on connaît toujours des revers. Il arrive toujours des moments où l'ennemi ajuste ses tactiques et profite des faiblesses de l'autre, qui paraît alors être sur la défensive. Je ne sais pas si c'est ce qui se passe actuellement, mais nous avons certainement subi des pertes ces derniers temps, nous le savons tous. Il s'agit maintenant pour nous de nous ajuster et de surmonter les difficultés que nous pose l'ennemi.
Si l'objectif politique visant à appuyer le gouvernement Karzai et à empêcher les talibans de reprendre le pouvoir en Afghanistan en vaut la peine, si cela sert les intérêts nationaux, si cela sert nos valeurs — et je pense que c'est le cas — alors nous devons nous ajuster, nous reprendre, et nous devons anticiper, nous montrer plus intelligents que l'ennemi, et en fin de compte le battre. C'est ainsi, qu'à terme, nous vaincrons. Mais je pense qu'il est ridicule de croire que parce que nous avons subi, ici ou là, des pertes, cela signifie pour nous la débâcle et que nous sommes en train de perdre cette guerre.
N'importe qui aurait pu déclarer au matin du 20 août 1942 que le Canada avait été vaincu et que ce pays devait se retirer de la Seconde Guerre mondiale à cause des pertes énormes subies à Dieppe le jour précédent. Mais nous savions que ce n'était pas la chose à faire. Notre histoire nous montre que ce n'est pas la marche à suivre, et c'est également quelque chose que nous ressentons au fond de nous-mêmes.
Je souhaiterai aborder un dernier point. Certaines personnes ont parlé d'autres missions. Il n'y pas que l'Afghanistan qui a besoin de l'aide canadienne, qu'il s'agisse d'aide humanitaire, d'aide au développement, ou de soldats canadiens. Cependant, nous avons aujourd'hui une petite armée, et je ne veux pas entrer dans le débat politique concernant les raisons de nos actions; nous agissons, c'est tout. Nous faisons de notre mieux avec ce que nous avons. Cette mission est réalisable et les Forces canadiennes peuvent l'accomplir. Il ne nous reste malheureusement pratiquement plus de soldats pour faire quoi que ce soit d'autre.
Mais si nous décidions d'intervenir au Darfour, par exemple, ce qui serait bien sûr une mission honorable, nous devrions nous battre pour y arriver. C'est ce que les gens semblent oublier. On nous dit que le Darfour serait une opération humanitaire et que l'Afghanistan, c'est une guerre. Mais ceux qui pensent que nous pourrions intervenir au Darfour pour aider les réfugiés, pour aider à mettre un terme au génocide en train d'être perpétré dans le cadre de cette guerre civile sans avoir à nous battre, et sans avoir à prendre part à des combats aussi intenses qu'en Afghanistan se leurrent. Je voudrais rappeler au comité qu'il existe d'autres missions. L'Afghanistan n'est pas le seul endroit qui a besoin de nous, mais c'est une mission que nous pouvons mener à terme, et c'est ce que nous devrions faire.
Merci beaucoup.
Merci.
Nous allons maintenant passer aux questions. La première ronde est de sept minutes. C'est M. Dosanjh qui va commencer.
Merci, messieurs Bland et Bercuson.
Je vais poser quelques questions, et vous pourrez y répondre comme bon vous semble.
Monsieur Bercuson, vous avez dit que la mission changeait. Elle évolue notamment en réponse aux changements constatés chez les talibans ou l'ennemi. Pourriez-vous me dire qui sont les talibans dans le contexte actuel. Nous lisons beaucoup de choses dans les journaux. Il existe différentes composantes au sein des talibans, qu'ils proviennent du Pakistan ou d'ailleurs. Certains nous disent qu'on ne peut même plus parler de talibans, qu'il faut les appeler néo-talibans. Pourriez-vous me décrire l'ennemi en Afghanistan aujourd'hui. Comment a-t-il évolué, et devons-nous y répondre de façon différente? Est-ce pour cela que nos tactiques changent également?
Mon autre question s'adresse à M. Bland. Je suis en grande partie d'accord avec ce que vous dites. Vous affirmez que c'est une mission parfaite, et j'appuie moi-même pleinement cette mission. En tant qu'historien, pensez-vous qu'il y a certaines choses que nous ne faisons pas bien, ou que nous devrions faire différemment, ou bien encore s'il y a certaines choses qui devraient être intensifiées ou améliorées? Vous nous dites que c'est la mission parfaite, qu'elle est formidable. Nous appuyons cette mission. Pourriez-vous l'examiner de façon critique, tout en restant positif et constructif, et me dire s'il y a certaines choses que nous ne faisons pas mais que nous devrions faire, ou encore des choses que nous faisons et que nous ne devrions pas faire.
Merci.
Oui.
Je décrirai l'ennemi comme étant les insurgés. Qui sont-ils? C'est un mélange très certainement de fanatiques religieux et de chefs de guerre qui s'opposent au gouvernement pour des raisons qui leur sont propres, qu'elles soient politiques, sociales ou économiques, ou qui s'opposent aux forces de sécurité du gouvernement, c'est-à-dire les narcotrafiquants et les contrebandiers. Quand on fait face à une insurrection, et l'histoire de la guerre insurrectionnelle montre que c'est pratiquement toujours le cas, il y a toujours des éléments disparates qui se regroupent derrière un ou deux groupes principaux qui mènent l'insurrection. Ils ne sont pas forcément d'accord avec tous leurs objectifs, mais ils veulent que le gouvernement soit affaibli ou renversé. Il est dans leur intérêt que le gouvernement tombe, que cet intérêt soit politique, social, économique ou idéologique.
Ce à quoi nous sommes confrontés est une sorte de coalition en vrac d'insurgés, et cela m'amène directement à votre deuxième question, à savoir comment y répondre. Nous devons essayer d'arriver à un assortiment continu de diplomatie et de développement sur le terrain, nous devons essayer d'approcher certains des éléments afin de tenter de les pacifier, de les neutraliser, de les encourager à se retirer du conflit, tout en combattant les éléments purs et durs, ceux qui ne sont pas prêts à rendre les armes pour quelque raison que ce soit, généralement ceux qui ont une motivation idéologique. Nous devons combattre ces derniers.
Ce phénomène a été décrit par certains comme étant la « guerre de quatrième génération ». C'est une situation très différente de celle que nous avons connue au cours de la Seconde Guerre mondiale ou de la guerre de Corée. Nous devons agir à différents niveaux en même temps. C'est pour cela que la mission choisie par votre gouvernement était la bonne. Nous envoyons des troupes pour assurer la sécurité, mais nous devons également entreprendre des efforts de développement pour obtenir le soutien de la population. Si nous n'arrivons pas à obtenir le soutien de la population, ils finiront forcément par appuyer l'ennemi et le gouvernement afghan n'aura plus aucune chance.
Monsieur le président, il est difficile de décrire les forces ennemies dans ce type de situation, et tout le monde le comprend. J'ai d'ailleurs dû recommencer à lire des documents et des ouvrages qui m'intéressaient particulièrement dans les années 70, concernant la guerre révolutionnaire et autres conflits de ce genre. C'est très instructif.
Il y a de nombreuses factions au sein des talibans. Il y a de simples criminels, et il y en a d'autres. Les soldats qui ont servi en Afghanistan et à qui j'ai parlé savent qui est l'ennemi: c'est la personne qui leur tire dessus. C'est un problème difficile, mais les combattants talibans ne sont pas des géants. Ils ont peur, ils ont faim, ils sont fatigués, et ils vont devoir vivre dans les montagnes cet hiver. Eux aussi ont leurs propres problèmes, et nous devrions en tirer avantage.
Étant donné ce que nous faisons actuellement, et ce que fait l'OTAN, nous devrions négocier avec les talibans. Non pas en leur disant: « Nous allons vous laisser opprimer 50 p. 100 des femmes si vous arrêtez les combats », mais en négociant leur désarmement, en les encourageant à abandonner leurs unités, à prendre la fuite, à se rendre, etc. Cela se fait, quel que soit le type de guerre.
Je ne prends pas la question à la légère, mais transposons le problème de « reconnaître les méchants » aux villes canadiennes. Comment la police peut-elle identifier des délinquants dans la rue avant qu'ils ne commettent une infraction? C'est un problème, et il n'y a pas de réponse simple à cette question.
Je ne pense pas avoir dit que la mission était parfaite. J'ai déclaré que je l'appuyais car c'est la bonne mission à mener. Je pense que l'équilibre est juste, toutefois il n'est jamais stable et il doit évoluer. Il faut modifier les ressources en fonction de l'évolution des exigences, et c'est ce que fait le chef d'état-major de la Défense actuellement pour ce qui est de l'aspect militaire. Certains députés souhaiteraient peut-être se pencher sur les opérations de l'ACDI, il semblerait qu'il y en ait eues beaucoup ces dernières années. Mais je ne vais pas m'étendre là-dessus.
Que faire? À l'échelle nationale, nous devons considérer cela comme étant un problème de gestion de la guerre qui est pangouvernemental. Cette mission n'est pas seulement une mission des Forces canadiennes ou du ministère de la Défense nationale, ou encore de l'ACDI et du ministère des Affaires étrangères. Les fonctionnaires et les autres doivent comprendre que c'est une opération pangouvernementale, non pas une opération des trois D. Il faudrait que des comités de la Chambre des communes, et peut-être de l'autre endroit, se penchent sur la question de la gestion des intérêts canadiens en temps de guerre. C'est un examen important. Nous devons faire connaître aux Canadiens, par le biais des médias si nécessaire, les efforts qui sont menés afin qu'ils aient une image complète de ce qui se passe.
Je conseillerais au gouvernement de ne pas avoir recours à des hommes aux cheveux grisonnants en complet-cravate qui viennent de l'académie ou de vieux généraux pour expliquer aux Canadiens ce qui se passe. Il devrait se rendre sur le terrain pour aller chercher des jeunes hommes et des jeunes femmes, des capitaines, des majors, des sergents-majors, etc. et les laisser s'adresser aux Canadiens. Ils remettraient quelqu'un comme M. Staples à sa place. Je l'ai déjà fait quelques fois avec mes étudiants de troisième cycle à l'Université Queen's, et l'expérience a été extraordinaire.
Comme je l'ai dit, je pense que d'autres ministères devraient s'intéresser à la question. On trouve aujourd'hui sur le terrain des officiers très expérimentés qui mènent ce type de guerre depuis 1990. Ils sont montés en grade grâce à leur compétence, et je pense que les gouvernements et d'autres personnes devraient écouter ce qu'ils ont à dire. Ils savent mieux que nous quels sont les tactiques et l'équipement nécessaires sur le terrain.
Nous avons entrepris une mission qui prendra du temps, et par conséquent nous devons transformer le système de recrutement, modifier les lois qui régissent le recrutement. Il faut que la Chambre des communes puisse rapidement donner son aval à des projets d'acquisition à tous les niveaux, pas seulement pour des acquisitions majeures comme des aéronefs. Et nous devons investir plus dans l'opération.
Voici comment, à mon avis, le gouvernement et la Chambre des communes tout particulièrement peuvent jouer un rôle de chefs de file. Il faut que les talibans et leurs émules aient peur d'une démocratie libérale contrariée. C'est ce que nous avons fait au cours de notre histoire. Il n'y a rien de plus impressionnant qu'une démocratie libérale au sein de laquelle tout le monde s'unit pour lutter contre ce genre de personnes.
Merci, monsieur Bland.
Monsieur Dosanjh, je vous remercie de votre question.
Nous passons maintenant à M. Bachand.
[Français]
D'abord, monsieur Bland, j'aimerais vous dire en passant que je suis un bon ami de M. Staples. Les points de vue sur le conflit actuel sont fort nombreux, et il y en a un dont j'aimerais vous faire part, de façon à savoir si à cet égard, vous pensez comme moi.
Je vais souvent à l'ONU. Je suis en outre membre de l'Association des Parlementaires de l'OTAN. Ce n'est pas seulement au Canada mais bien partout qu'on débat du calibrage de la présente intervention en Afghanistan. J'imagine que vous êtes tous deux d'accord pour dire que la conduite de cette guerre relève des autorités civiles, c'est-à-dire que ce sont les élus qui décident de quelle façon elle doit être menée. Si les élus perçoivent que certaines choses ne vont pas, ils ont le devoir de le faire savoir et d'essayer de faire changer les choses.
J'aimerais savoir, messieurs, si vous êtes d'accord pour dire que les autorités civiles ont le dernier mot sur la conduite de la guerre. Cela comprend naturellement le Comité de la défense nationale ici présent. J'espère vous entendre répondre oui.
[Traduction]
Au cours des dix dernières années, j'ai exprimé dans de nombreuses publications et dans de nombreuses tribunes le fait qu'à mon avis, il devrait y avoir un plus grand contrôle parlementaire sur le déploiement des troupes à l'étranger. J'ai demandé à ce qu'il nous soit nécessaire que le Parlement approuve l'envoi de troupes à l'étranger, même pour des petits contingents de 200 à 300 soldats. Je pense que ceci est absolument essentiel, non seulement pour respecter les mécanismes de notre démocratie parlementaire, mais également pour que les Canadiens prennent part au débat lorsqu'il s'agit d'envoyer des troupes à l'étranger.
Deuxièmement, j'ai demandé que votre comité obtienne plus de pouvoirs, et cela est dû au fait que votre comité, à mon avis, traite d'un domaine qui est tout à fait différent des autres domaines qui relèvent gouvernement. Votre comité examine des questions militaires et touchant à la défense nationale. Il traite du déploiement de soldats canadiens à l'étranger qui, si nécessaire, tueront d'autres personnes sur ordre du gouvernement afin de servir nos intérêts nationaux.
Les personnes déployées à l'étranger risquent leur vie. En s'engageant dans les Forces canadiennes, elles acceptent d'assumer, d'une certaine façon, une responsabilité illimitée. Elles sont prêtes à risquer leur vie pour les Canadiens et le gouvernement du Canada si nécessaire. Aucun autre citoyen dans ce pays, pas même un policier, n'a une telle responsabilité. C'est pour cela que je pense que votre comité devrait avoir plus de pouvoirs que les autres comités parlementaires, et pourquoi le Parlement devrait se prononcer sur les déploiements à l'étranger.
Toutefois, entre le moment où le vote se fait et celui où les militaires doivent venir faire rapport au Parlement à la fin du déploiement, vous devriez permettre aux militaires de prendre toutes les mesures nécessaires. Vous ne pouvez pas passer votre temps à vous ingérer dans les affaires militaires.
Je suis en grande partie d'accord avec David, et je suis certain qu'il le sait.
Néanmoins, j'ai une perspective théorique un peu différente de la sienne. Je ne pense pas que le gouvernement soit responsable de la défense nationale du Canada ou du contrôle civil des forces armées. C'est le Parlement qui est responsable du contrôle des forces armées. Le pouvoir civil dans un système démocratique est composé de civils élus au Parlement. Le gouvernement doit rendre des comptes au Parlement pour la mise en oeuvre des politiques, etc.
Je ne veux pas passer trop de temps sur ce sujet, mais je pense également que le Parlement et les députés ont besoin de plus de renseignements. Ils ont besoin de connaître le contexte, et si je puis me permettre, en toute humilité, les députés doivent faire l'effort de se tenir au courant de ce qui se passe afin de pouvoir assumer leurs responsabilités.
En revanche, je ne suis pas d'accord avec M. Bercuson lorsqu'il affirme qu'une fois que la décision est prise d'entrer en guerre, alors il faut laisser les militaires s'occuper de tout. Bien entendu, je sais que la position de M. Bercuson n'est pas aussi intransigeante. À mon avis, ce qui faisait souvent défaut aux opérations canadiennes jusqu'à l'époque de la Bosnie, et vous vous souvenez tous de la Somalie, c'était une surveillance active et éclairée de la part du Parlement, et ce pour différentes raisons.
Ces dernières années, la situation s'est profondément transformée, et j'encourage le comité, la Chambre, et l'autre endroit à s'intéresser de beaucoup plus près à la surveillance des opérations militaires. Je ne parle pas ici d'une surveillance qui mènerait à contester ce qui se fait, mais plutôt à s'assurer que les ressources sont adéquates, que la mission est bien comprise, que les objectifs de la mission sont clairs, à savoir si les fonds sont suffisants, et s'il y a assez d'appui. Je pense que ce type de surveillance serait très bien accueilli.
[Français]
Je suis quand même satisfait de votre réponse. Cependant, je ne suis pas d'accord pour qu'on dise aux militaires, une fois le vote adopté à la Chambre, qu'ils ont carte blanche, et qu'on sorte le chéquier en leur demandant combien d'argent ils veulent pour s'occuper de la question.
Je m'interroge au sujet de ce qu'on lit présentement dans les journaux et de ce qui se passe dans les théâtres d'opération comme tels. Je ne sais pas si vous avez vu le rapport qui vient de sortir aux États-Unis dans lequel on mentionne que depuis les interventions en Afghanistan et en Irak, le terrorisme est à la hausse.
En tant que parlementaires, nous sommes en mesure de nous interroger à savoir si l'approche militaire, presque strictement militaire, est la meilleure.
Vous dites que les talibans sont un peu en déroute. Dans ce cas, je ne comprends pas pourquoi on envoie des chars. On dit également qu'on enverra peut-être des F-18. En fait, ils ne sont pas tellement en déroute.
D'ailleurs, on s'interroge à ce sujet. Comment se fait-il que nous soyons incapables de les vaincre? C'est peut-être parce qu'ils ont l'appui de leur propre population maintenant. Il se peut que ce soit parce qu'il n'y a pas eu suffisamment de développement et qu'ils pensent que rien n'a changé depuis l'intervention militaire.
J'aimerais que vous me donniez votre avis à cet égard. Personnellement, je sens que vous avez tous les deux un fort penchant militaire. Je ne vais pas contester cela, puisque c'est votre droit. Cependant, certains d'entre nous croyons qu'il faudrait peut-être penser à autre chose. Il faudrait peut-être voir comment on peut gagner l'esprit et le coeur des Afghans. En fait, cela va souvent se réaliser en construisant des écoles, des hôpitaux. Je suis d'accord qu'il faut assurer la sécurité, mais il y a plusieurs façons de le faire, et ce n'est pas nécessairement en tuant jusqu'au dernier taliban au Pakistan. Il pourrait y avoir des périmètres de sécurité pour s'assurer que ce qu'on construit ne soit pas démoli pendant la nuit.
J'aimerais entendre vos commentaires sur les deux autres aspects, soit la diplomatie et le développement, plutôt que sur la démarche militaire, car je ne suis pas certain que ce soit la meilleure voie à suivre à ce moment-ci.
[Traduction]
Malheureusement, votre temps de parole est écoulé, mais vous pouvez répondre brièvement si vous le souhaitez.
Eh bien, nous sommes des universitaires, mais nous allons essayer.
Je suis d'accord avec vous. Je pense que la politique du gouvernement ne se limite pas à des opérations de combat et à faire la chasse aux talibans. Quand les talibans cesseront de tirer sur nos soldats, ceux-ci vont construire des écoles et des maisons. S'il est vrai que le terrorisme et la menace, si vous voulez, sont à la hausse, alors je suppose que nous avons deux options. Tout laisser tomber et se sauver, ou bien faire face à la menace et renforcer nos ressources pour lutter contre cette menace. Je pense que nous devons choisir la deuxième option.
À qui devrions-nous demander conseil au sujet de ce qui se passe en Afghanistan? Je pense que ce serait bon que le président de l'Afghanistan vienne ici pour nous en parler.
Merci beaucoup.
Et merci à tous les deux de comparaître devant le comité, l'un en personne et l'autre grâce à la technologie.
Je voudrais poser deux questions. Premièrement, je ferai une observation sur le décès, dont le professeur Bercuson a parlé tout à l'heure, de Safia Ama Jan, qui dirigeait les programmes destinés aux femmes dans la province de Kandahar. Elle avait demandé à maintes reprises à son gouvernement de lui fournir un véhicule officiel et des gardes du corps, ce qu'on lui avait toujours refusé. Je pense que le gouvernement local doit assumer la responsabilité d'assurer la sécurité de ses fonctionnaires quand ils en font la demande. Elle n'est pas la première personne assassinée dans cette province par les forces de l'insurrection. Je trouve que c'est triste qu'elle ait demandé une protection et qu'on la lui ait refusée. Elle se déplaçait en taxi quand elle a été assassinée.
Je voudrais vous interroger sur la situation telle que vous la percevez sur le terrain en Afghanistan. On sait que les Américains sont également présents dans le sud de l'Afghanistan où se trouvent les Canadiens, les Britanniques et les Néerlandais. Je me demande quels sont les rapports entre ces deux missions différentes, l'opération Enduring Freedom, à laquelle les Américains participent, et la mission de l'OTAN, et si vous envisagez à l'avenir des changements dans les deux missions différentes dans le sud de l'Afghanistan.
Je crois savoir que les Américains sont présents dans le sud et je crois qu'ils sont environ 3 000 ou 4 000 — mais je n'en suis pas certain. La plus grande partie des troupes américaines dans le sud ont été retirées, soit qu'elles ont été sorties du pays complètement, soit qu'elles ont été envoyées dans l'est de l'Afghanistan. Les troupes américaines qui sont présentes dans le sud sont, que je sache, placées sous le commandement de l'ISAF. Quant à l'opération Enduring Freedom, qui est l'élément de la mission contrôlée par les États-Unis — ce pays a environ 20 000 soldats dans le cadre de cette opération —, elles se déploient dans d'autres régions du pays.
Si vous me demandez quels sont les rapports entre les deux opérations, je pense que la réponse est que la mission ISAF est évidemment placée sous le commandement et le contrôle de l'OTAN. Le commandant de l'ISAF est un général britannique. Il relève du Conseil de l'Atlantique Nord et du Comité militaire de l'Atlantique Nord et, en définitive, du commandant de l'OTAN. En un sens, la communauté internationale a son mot à dire parce que les membres de l'OTAN peuvent influer politiquement sur les objectifs ultimes de l'ISAF et les méthodes utilisées pour mener à bien sa mission, tandis que l'opération Enduring Freedom relève exclusivement, à ma connaissance, du commandement central des États-Unis.
Je n'ai pas grand-chose à ajouter. Il y a dans cette ville des experts, des militaires qui pourraient vous décrire la situation avec force détails. Je dirai seulement que, comme M. Bercuson l'a précisé, c'est une mission de l'OTAN à laquelle nous participons. Cette mission de l'OTAN comprend d'importantes unités américaines. Les forces de l'OTAN sont commandées par des généraux internationaux qui relèvent d'une autorité politique à Bruxelles, à laquelle nous avons un accès total, et ces troupes sont donc placées sous l'autorité de notre premier ministre et d'autres intervenants.
La grande valeur de l'organisation militaire de l'OTAN est qu'au fil des années, on a mis au point des méthodes très perfectionnées de commandement et de contrôle des forces nationales, de sorte que la souveraineté nationale n'est nullement diminuée.
Comment réagissez-vous au plaidoyer auprès des pays de l'OTAN pour qu'ils fassent leur part en participant à la mission de combat et à l'absence manifeste d'engagement de la part de beaucoup d'alliés de l'OTAN pour ce qui est de participer à la mission de combat contre les forces de l'insurrection dans le sud de l'Afghanistan.
Je sais que le gouvernement polonais a accepté d'envoyer 1 000 soldats. Cependant, je ne suis pas certaine du rôle que joueront les troupes polonaises. Participeront-elles aux opérations de combat, à votre connaissance?
Pour ma part, je ne sais pas ce que feront les troupes polonaises. Mais je dirai ceci: premièrement, je pense que l'on oublie qu'à l'heure actuelle les combats auxquels se livre l'ISAF sont particulièrement concentrés dans la région de Kandahar. Il ne faut pas oublier que ce n'est que récemment que l'ISAF a été déployée dans cette région. Quand l'ISAF a été créée, c'était une mission de l'ONU ayant seulement le mandat de se déployer dans la région de Kaboul et qui devait essentiellement servir de garde du corps, pour ainsi dire, du président Karzai.
Nous devons nous rappeler que d'autres pays ont participé au combat ou ont subi des pertes. Je ne me rappelle pas le chiffre exact pour les Allemands ou les Espagnols, mais dans les deux cas, je sais que plus d'une douzaine de soldats de ces deux pays ont été tués au combat. Je pense que l'OTAN doit faire sa part, comme vous l'avez dit, cette fois-ci.
Je serai extrêmement déçu de l'OTAN et je mettrai en doute l'avenir de l'OTAN dans sa forme actuelle — non pas son existence future, mais sa future gouvernance — et la manière dont elle organise ses forces militaires, et je me demanderai si elle se transforme assez rapidement pour répondre aux besoins de ces nouvelles missions qu'elle a accepté de mener à bien, si d'autres pays de l'OTAN ne décident pas d'envoyer des contingents importants de soldats, surtout dans les régions du sud du pays.
C'est la première mission de l'OTAN hors de son théâtre d'opération, sa première mission dans laquelle elle participe directement à des combats terrestres, et je pense que l'OTAN est en train d'apprendre comment faire son travail, comme nous le sommes tous. Les Canadiens, eux aussi, sont en train d'apprendre comment se comporter et fonctionner en situation de guerre. Je pense que c'est un défi pour l'OTAN. Il n'y a absolument aucun doute là-dessus.
Je dirai brièvement que c'est la démocratie en action, je le crains. Les pays indépendants qui constituent l'alliance peuvent déterminer ce qu'ils veulent faire; ils ont chacun leur propre manière de procéder. Je pense qu'il y a aussi dans cette discussion sur le partage du fardeau — c'est le nom de code à l'OTAN — un certain élément de ce qu'on pourrait appeler le syndrome du « après vous, Alphonse ». Chacun attend que quelqu'un d'autre se décide en premier. On verra.
Il serait utile pour le gouvernement canadien si le comité parlementaire chargé des affaires de l'OTAN continuait d'exercer des pressions sur les autres alliés, mais rappelez-vous que ce n'est pas du tout inhabituel. Nous avons passé quatre ans dans les Balkans et les États-Unis n'y étaient pas. Il a fallu beaucoup de pression pour obtenir la participation des États-Unis aux opérations dans les Balkans. Je crains que ce soit ainsi que l'alliance fonctionne, et elle n'est pas parfaite.
C'est tout le temps dont dispose Mme Black.
Merci, messieurs.
Nous allons maintenant entendre M. Hawn.
Merci, monsieur le président.
Merci, M. Bland et M. Bercuson, de vous joindre à nous.
Monsieur Bland, je vais vous poser ma première question, après quoi j'en aurai plusieurs autres.
Vous avez mentionné que l'aide de camp du général britannique était critique envers la mission. Je voudrais que vous nous en disiez plus long là-dessus et je vous invite à nous parler de la position dans laquelle se trouve un aide de camp et de la pertinence de pareils commentaires, par rapport aux commentaires que l'on a pu entendre de la part d'officiers canadiens occupant des postes analogues.
Eh bien, ayant eu la mauvaise fortune dans ma vie antérieure d'être l'aide de camp d'un général, je ne souhaite à aucun officier canadien de se retrouver dans cette situation.
Cela m'a frappé et j'ai trouvé extrêmement étrange que quiconque au Canada, surtout les dirigeants politiques, puissent accorder le moindre crédit aux déclarations d'un officier très subalterne, qui se trouve en fait à être le valet d'un général, un officier qui n'était même pas sur le terrain, si je comprends bien. S'il s'était agi d'un officier américain du même rang disant que les Canadiens devraient en faire plus, j'imagine que dans certains milieux de la société canadienne, on s'offusquerait grandement qu'on puisse tolérer pareils propos de la part d'un capitaine américain.
Mon seul conseil à la Chambre, en toute déférence, c'est que l'on devrait convoquer le plus grand nombre possible de capitaines canadiens d'expérience, des soldats qui ont de la boue sur leurs bottes, pour ainsi dire, et de leur demander ce qu'ils pensent de la mission. Nous n'avons pas besoin d'écouter des officiers britanniques tout à fait subalternes.
Merci.
Ma question suivante s'adresse à M. Bercuson, parce que je sais déjà ce que vous en pensez, monsieur Bland.
Un certain nombre d'études qu'on a fait passer pour scientifiques tentent de faire des projections quant au nombre de victimes. L'une a été faite par le Centre canadien de politiques alternatives; on a fait un simple calcul arithmétique pour dire que si l'on continue jusqu'en février 2009, nous perdrons encore 140 soldats. J'en reviens à Dieppe, que M. Bland a évoqué. Si l'on avait fait le même calcul mathématique simpliste, en prenant les chiffres de ce jour-là, on aurait conclu que le Canada perdrait 900 000 hommes avant la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
M. Bercuson, que pensez-vous de la pertinence de telles études pseudo-scientifiques et pourquoi semblent-elles obtenir une audience dans certains segments de la population canadienne?
Eh bien, je ne sais pas à quoi pensent les gens qui rédigent de tels rapports, et celui-ci en particulier. Je peux seulement dire qu'il doit y avoir derrière tout cela un motif politique. Enfin, j'ai trouvé que nous avions là un exemple très intéressant de manipulation des statistiques pour tenter de prouver des conclusions qu'on avait posées au départ.
C'est quasiment comme si l'on voulait mesurer l'élévation de l'océan en un point donné. Il y a une vague de 30 mètres ici et il y a un creux un peu plus loin, alors prenons la moyenne et voyons ce que cela donne. Je sais pas ce que cela prouve.
J'avais un professeur de philosophie, c'était à l'époque des dinosaures, qui avait coutume de dire: « La racine carrée de Hong Kong est rouge ». Voilà une phrase qui comporte tous les éléments constitutifs d'une phrase, mais qui n'a absolument aucun sens.
L'étude publiée la semaine dernière est exactement de la même farine: si les victimes continuent de s'accumuler au même rythme, si la guerre s'oriente dans telle direction, si ceci arrive, si cela arrive, si par contre... Les pertes sont un sujet très sensible. Dans notre pays, nous avons la chance de ne pas avoir subi de lourdes pertes en action depuis 50 ans. Mais je rappelle au comité que plus de 500 Canadiens sont morts en service actif en deux ans et demi durant la guerre de Corée, à une époque où la population du pays était très inférieure à celle d'aujourd'hui.
Je pense qu'il faut replacer les pertes dans leur contexte. On subit toujours des pertes dans une guerre. Parfois il y en a plus, parfois il y en a moins. D'essayer de prédire qu'il y aura un nombre x au bout de cinq ans ou de dix ans, c'est strictement et purement un exercice politique, rien de plus, rien de moins.
Si je peux faire une brève déclaration pour appuyer nos affirmations, je pense que les auteurs de cette étude, à la fin de leur travail, auraient dû recommander que le Canada se retire de toutes les missions de l'ONU. Si l'on applique les mêmes statistiques, vous vous rappellerez qu'il y a environ un mois, un officier canadien en service au Liban a été tué sur le théâtre des opérations. Cela représentait 100 p. 100 du contingent canadien. Donc, les opérations de l'ONU sont manifestement beaucoup plus dangereuses que tout ce que nous faisons en Afghanistan.
Par contre, si leurs conclusions sont vraies ou ont une valeur quelconque, alors je pense que ce document prétendant proposer des solutions de rechange aurait dû se terminer par une recommandation de renforcer considérablement la mission du Canada en Afghanistan, parce que la situation est très dangereuse — mais cela n'en vaut tout simplement pas la peine.
Ma question suivante s'adresse à l'un ou l'autre d'entre vous. Il est évident que les talibans ciblent les Canadiens tout comme ils ciblent d'autres personnes. Étant donné la chronologie de leurs attentats, compte tenu des activités ou événements survenus dans le monde, dans quelle mesure ciblent-ils les soldats canadiens et dans quelle mesure s'en prennent-ils aux députés?
Monsieur Bercuson.
Je vois.
Oui, bien sûr. Cela fait partie de la guerre de quatrième génération: il faut tenir compte de l'opinion publique des pays participants et l'on essaie d'ébranler l'adhésion de la population. Les démocraties libérales sont particulièrement vulnérables à ce type d'opération parce que nous avons la liberté de la presse, dont nous profitons comme privilège et que nous devons protéger. Mais cela veut dire que, par exemple, quand nous commettons des erreurs, si l'un de nos soldats tire par inadvertance sur des policiers afghans ou bien si des soldats de l'armée nationale afghane sont tués par les tirs amis de nos soldats, cela fait les manchettes dans nos journaux. C'est un élément inévitable de cette guerre sale dans laquelle nous sommes impliqués; notre opinion publique est l'objectif stratégique le plus important de l'ennemi. S'il peut ébranler la détermination de notre population, il aura remporté la victoire. C'est aussi simple que cela. Ils peuvent nous battre chez nous, même s'ils sont incapables de nous battre sur le terrain.
Je dirai simplement qu'il y a une logique militaire dans ce type de question et de réponse, mais que nous ne devons pas en surestimer l'importance. Je pense que les talibans dans la région où nous sommes attaquent les Canadiens parce que nous sommes la cible la plus proche et ils tirent donc sur nous parce que nous sommes là. Mais il est certain que leurs chefs, s'ils sont rationnels, verraient un lien quelconque entre l'inquiétude qu'ils provoquent chez nous... tout est affaire de volonté.
Si je peux me permettre, monsieur le président, je voudrais vous faire un à-côté. Quand un soldat canadien est tué, on en voit le résultat quatre, cinq ou six fois à la télévision, sous forme d'un cercueil qui est ramené au pays. Or, quelqu'un a-t-il vu des images de talibans morts sur le terrain, ou de véhicules criblés de balles, ou de prisonniers talibans ou quoi que ce soit? On ne voit pas cela à la télévision et le paradoxe, c'est que nos lois ne nous le permettent pas. C'est contre la loi, contre le droit international qui régit les conflits, d'humilier l'ennemi en montrant les corps des soldats tués ou les soldats capturés, attachés ou quoi que ce soit, mais nous pouvons montrer nos propres victimes, et cela influence les gens. C'est un aspect un peu ironique de notre système libéral tout à fait légitime.
Merci.
Le temps est écoulé.
Nous allons maintenant commencer notre deuxième tour, avec des interventions de cinq minutes. L'ordre est le suivant: l'opposition officielle, les ministériels, le Bloc, de retour aux ministériels, et de nouveau l'opposition officielle.
J'ai ici le nom de M. McGuire comme premier intervenant.
Merci, monsieur le président.
Je voudrais d'abord féliciter M. Bercuson pour sa suggestion que notre comité s'implique davantage dans les activités quotidiennes de ce que le premier ministre a appelé la guerre en Afghanistan. Et comme je l'ai dit la semaine dernière, nous devrions recevoir des séances d'information, au moins une fois par semaine sur ce qui se passe dans ce théâtre d'opération. Non seulement nous n'en avons aucune, mais nous ne pouvons effectuer le moindre contrôle des besoins éventuels des participants à cette opération.
Je pense que notre comité devrait demander au premier ministre, ou bien nous devrions prendre nous-mêmes l'initiative de nous impliquer davantage. Je sais que durant la première guerre en Irak, le comité de la défense nationale recevait régulièrement, de façon hebdomadaire, des séances d'information sur ce qui se passait. Ce n'est pas le cas actuellement et je pense que ça devrait l'être. Et je vous remercie de l'avoir dit publiquement. Je souscris assurément à cette suggestion parce que nous sommes vraiment dans l'ignorance. Nous lisons les journaux, essentiellement, mais nous ne savons même pas quelle est exactement la situation. Je sais que nos militaires ont crié victoire, en un sens, mais nous ne savons vraiment pas au comité si nous avons remporté une victoire là-bas, nous ne savons pas quel coup nous a porté à l'ennemi. Monsieur le président, je pense que nous devrions être davantage partie prenante dans la situation et recevoir au moins des séances d'information régulières sur ce qui se passe là-bas.
J'ai écouté la récente entrevue du président Clinton dans laquelle il a dit que s'il était encore président, il aurait 20 000 soldats en Afghanistan, que c'était une erreur de retirer ces troupes et de les envoyer en Irak. Bien sûr, l'OTAN a demandé aux pays membres de renforcer leur effectif et on a laissé entendre que la Pologne est le seul pays qui ait répondu à l'appel pour l'instant. Je crois savoir, pour avoir écouté l'émission Insight sur l'Europe centrale à 4 h 30 ce matin, pendant que je me rendais à l'aéroport, que cette demande a provoqué l'éclatement du gouvernement polonais de coalition, parce qu'il n'y avait pas suffisamment d'appuis au Parlement pour envoyer ces 1 000 soldats.
Si l'ex-président des États-Unis dit que nous avons besoin de 20 000 soldats là-bas, que ce retrait a donné lieu à l'insurrection et que la situation semblait assez bien sous contrôle jusqu'à ce que les Américains choisissent de s'en aller en Irak, laissant une présence militaire considérablement réduite en Afghanistan, pour paver la voie à la mise en place durable d'institutions démocratiques, quel espoir avons-nous, en réalité, compte tenu du nombre de soldats que nous avons sur le terrain à l'heure actuelle? Je lance la question et je vous invite tous le deux à y répondre.
Eh bien, je ne suis pas marchand d'espoir, ce n'est pas mon rayon. Je pense que la mission est faisable. Je le répète, il faudra apporter des ajustements à mesure que les circonstances changeront. C'est intéressant que l'on mette l'accent sur l'OTAN et je pense que l'on devrait exercer des pressions sur l'OTAN pour qu'elle agisse, mais il s'agit d'une mission de l'ONU. Il y a des dizaines de milliers de soldats de l'ONU d'autres pays qui sont engagés dans des opérations de moindre envergure dans différentes parties du monde. Peut-être est-il temps que l'ONU dans son ensemble, parce que c'est bel et bien sa mission, commence à contribuer davantage. Et je pense que les gens devraient y réfléchir un peu. Mais je pense que les bons offices des dirigeants politiques de l'Alliance de l'Atlantique Nord permettront de démêler tout cela, comme ils ont permis de résoudre presque tous les autres différends, et il y en a eu beaucoup au fil des années.
Je vous dirais ceci. On n'a jamais trop de soldats pour une opération militaire. Le but d'une guerre, ce n'est pas de faire preuve des mêmes prouesses que celles de l'ennemi. Le but d'une guerre c'est de battre l'ennemi. Si vous parvenez à avoir 10, 20 ou 30 fois plus de soldats que l'ennemi, vous ne vous en porterez que mieux. Moins vous avez de soldats, plus il vous sera difficile de gagner.
Cela dit, je ne sais pas si la chose est faisable avec le nombre de soldats qu'il y a actuellement en Afghanistan. Je l'ignore. J'ai déjà essayé de le dire un peu plus tôt, la mission en vaut la peine parce qu'elle en vaut la peine. Et s'il faut envoyer davantage de soldats pour la réaliser, qu'il en soit ainsi.
Cela veut-il dire qu'il ne serait pas préférable d'envoyer davantage de soldats? Il est toujours préférable d'avoir davantage de soldats. La quantité a en soi une qualité, et je pense qu'il ne faut jamais l'oublier.
Merci, monsieur le président.
Pour revenir rapidement sur ce que disait M. McGuire, je me souviens fort bien du jour où on avait annoncé pour la première fois que le Canada allait s'engager en Afghanistan. C'était le dimanche qui avait précédé l'Action de grâces en 2001, et cette annonce avait été faite unilatéralement par le premier ministre. On n'en avait pas débattu à la Chambre des communes; on a tout simplement envoyé nos soldats. Le débat que nous avons eu récemment fut la première occasion qui nous a été donnée de parler de l'Afghanistan.
Le professeur Bercuson a clairement énoncé la réponse à la question, et je vais donc maintenant la poser à M. Bland. Pourriez-vous nous dire, pour mémoire, pourquoi la mission en Afghanistan va dans l'intérêt national du Canada?
Je pense qu'elle va dans l'intérêt national du Canada parce qu'un environnement planétaire stable composé d'États démocratiques libéraux semble être, pour la communauté internationale, la configuration la plus pacifique qu'on puisse imaginer. Plus nous aurons d'États libres, parlementaires et démocratiques — ce qu'ils sont en train de devenir —, plus nous arriverons à la paix et à la sécurité.
Dans le milieu, c'est là une hypothèse fondamentale. Lorsqu'on songe à l'Europe de l'Est, aux Balkans et à bien d'autres régions du monde encore, l'hypothèse est que les citoyens qui élisent librement leur gouvernement ont tendance à se livrer à des activités pacifiques. Partout où nous pouvons faire cela ailleurs, je dirais qu'il est important de le faire.
Je vous remercie.
Monsieur Bercuson, ceux qui critiquent cette mission prétendent que nos forces ne pourront pas réussir là où l'Union soviétique a échoué après 10 ans. Pourquoi, à votre avis, pourrions-nous réussir?
Parce que la mission politique est totalement différente, et je voudrais faire ici l'analogie avec les Britanniques qui étaient en Afghanistan au XIXe siècle, une analogie qui est très souvent utilisée par ceux qui critiquent cette guerre. Nous ne sommes pas là pour conquérir l'Afghanistan. Nous ne sommes pas là pour imposer aux Afghans notre volonté politique. C'est par contre ce que l'Union soviétique essayait d'y faire. L'URSS soutenait un gouvernement fantoche qu'elle avait mis en place après un coup d'État et elle a envoyé ses troupes à cette fin. Ce n'est pas cela que nous faisons.
Le gouvernement afghan a été élu dans les règles à l'issue de tout un processus constitutionnel, et le gouvernement en question a besoin de notre aide et il nous l'a demandée. Il contrôle une armée nationale et une police nationale — pas aussi imposante ni aussi bien entraînée que nous l'aurions espéré, mais il les contrôle néanmoins. Ce gouvernement exerce sa souveraineté sur la plupart des Afghans, il veut que nous soyons là et il nous demande de l'aider à combattre les insurgés. C'est totalement différent de ce qui se passait pendant l'invasion soviétique.
Pourriez-vous nous dire, messieurs, si le Pakistan en fait suffisamment pour empêcher les talibans de pénétrer en Afghanistan?
Je ne suis pas expert pour cette région du monde, mais je vous dirais à l'évidence non, ne serait-ce qu'en raison des critiques que les dirigeants des autres pays adressent au Pakistan. Les Pakistanais vous expliqueront que c'est un ennemi difficile et qu'ils y travaillent. Mais en réalité je ne saurais que répondre à votre question.
Moi non plus, je n'ai pas de réponse. Par contre, je me demande pourquoi il se fait qu'avec une aussi grosse armée que la leur, les Pakistanais n'ont pas mieux réussi à empêcher les talibans de traverser la frontière.
Monsieur Bland, vous avez parlé de M. Staples, un témoin que nous avons déjà entendu. Si vous avez lu son témoignage, avez-vous des observations? Si vous ne l'avez pas lu, je vous saurai gré de le lire et de transmettre ensuite au comité les commentaires que vous aimeriez faire à son sujet.
Effectivement, j'ai lu ce témoignage. Je l'ai lu en détail et d'ailleurs, M. Staples et moi avons participé il y a 15 jours à un débat public à l'occasion de la rentrée à l'Université Queen's. Il y avait dans la salle entre 300 et 350 personnes, des étudiants, des gens plus âgés, des hommes grisonnants en complet-cravate. Nous avons discuté pendant deux heures en présence d'un arbitre. M. Staples a utilisé une partie de son témoignage du 8 juin. À la fin du débat, le recteur de l'université a procédé à un vote à main levée, et je suis fier de pouvoir vous dire que 75 p. 100 de l'auditoire s'est exprimé en faveur du maintien des troupes canadiennes en Afghanistan, et que M. Staples s'est trouvé en minorité.
Son point faible, c'est qu'il avance tout un tas de preuves qui sont très faciles à réfuter et très difficiles à appuyer. Il cite également le capitaine britannique comme il le ferait d'une sommité. Il cite le conseil Senlis, la solution britannique pour le dossier des stupéfiants. Il parle de l'étude, des différentes solutions politiques avancées. Il affirme également — chose étrange — et il le fait en rappelant l'exposé du 8 juin — que le Canada devrait faire davantage dans le monde, davantage de missions de maintien de la paix et de missions de l'ONU, etc., et que nous devrions réduire le budget de la défense.
Je ne vois pas trop bien comment cela pourrait marcher.
C'est avec plaisir que j'ai vu que mon ami John McCallum qui, comme vous le savez tous, a été ministre de la Défense et président d'une banque en plus de ses antécédents de professeur, était présent à cette séance de votre comité et qu'il a bien expliqué à M. Staples que ses faits étaient inexacts.
[Français]
Merci, monsieur le président. Merci également à vous deux pour vos présentations.
Ma question s'adresse à M. Bland. Vous nous avez parlé des pertes de vie. Nous connaissons le nombre de soldats canadiens qui ont perdu la vie. Connaît-on le nombre de soldats venant d'autres pays qui ont perdu la vie en Afghanistan? Peut-on savoir le nombre de talibans qui sont morts au combat? Peut-on dénombrer les éléments de la force qui est devant nous? Je présume qu'on tue un certain nombre de talibans et que certains sont fait prisonniers. Que fait-on des prisonniers? Est-ce qu'on les garde ou est-ce qu'on les relâche par la suite? Je présume que non.
Je ne sais pas si vous pouvez répondre à toutes ces questions. Je crois qu'il serait intéressant de connaître votre opinion à ce sujet.
[Traduction]
Non, il m'est impossible de répondre à toutes vos questions. Par contre, il est très facile de trouver la réponse à votre première question concernant les pertes des autres forces qui sont présentes en Afghanistan, et je pense que vos attachés de recherche pourraient vous trouver ce renseignement. Au cas contraire, que quelqu'un m'envoie un mot et je vous donnerai un site Web qui vous donnera ce renseignement.
En ce qui concerne maintenant le détail de l'organisation des talibans, il existe ici aussi des éléments à ce sujet sur le Web, des renseignements qui sont publiés par différents pays et différentes organisations et qui donnent une idée de la composition et de l'ampleur des effectifs talibans. Je parierais que les sources d'information du comité sont meilleures que les miennes. Je pense qu'il vous est possible de travailler à huis clos, et c'est précisément ce genre de questions qu'il faudrait de préférence poser à huis clos.
J'aimerais savoir ce que M. Bland en pense, mais pour moi, il est toujours vrai que le chiffre des pertes canadiennes en Afghanistan est le plus faible jamais enregistré pour tous les conflits auxquels le Canada a participé. J'entends par là la Première Guerre mondiale, la Deuxième Guerre mondiale et la guerre de Corée. C'est le chiffre le plus bas, et de loin.
En ce qui concerne les pertes du côté des talibans, je pense que ce n'est pas par le nombre de morts qu'on peut mesurer la réussite ou l'échec dans cette guerre. Il faut également vous dire que lorsque j'entends les militaires canadiens parler de nombre de morts, je pense que ce n'est pas du tout le bon message qu'on veut envoyer. À mon avis, il ne faut pas parler du nombre de gens qu'on tue ou qu'on ne tue pas chez l'ennemi. J'ignore comment nous pourrions en avoir une certitude lorsqu'ils chassent l'ennemi dans le champ de bataille. Pour moi, c'est plutôt ceci. Avons-nous conquis et gardé un territoire? Avons-nous agrandi le territoire sur lequel l'État peut exercer son contrôle? Avons-nous réussi à sécuriser le territoire pour permettre les opérations de reconstruction? C'est selon ces critères-là qu'on devrait juger de la réussite ou de l'échec de la mission.
Pourrais-je ajouter un mot à cela?
Je suis d'accord, et je ne pense pas que le fait de parler des pertes canadiennes soit une mesure de la réussite de l'opération ou une preuve de l'utilité de nos efforts.
Vos attachés de recherche pourraient en fait se renseigner pour savoir combien de soldats canadiens ont été tués de façon accidentelle, lors de l'entraînement, etc. depuis 2001. Je parierais que ce chiffre est à peu près équivalent à celui des soldats tués pendant les opérations en Afghanistan. Je ne dis pas cela pour les diminuer de quelque façon que ce soit, mais bien pour mettre un peu les choses en perspective. Vous vous souviendrez qu'il y a un mois environ, trois membres des Forces canadiennes sont morts dans un accident d'hélicoptère. Ce genre de chose est beaucoup plus fréquent qu'on ne le pense généralement.
Mais j'imagine que le grand axe de la recommandation à l'intention de la Chambre des communes serait que, et encore une fois je dis cela en toute déférence, il ne faut pas essayer de fixer une politique nationale bataille par bataille. Il s'agit ici en l'occurrence d'une longue campagne. Nous allons gagner certaines batailles et nous allons en perdre d'autres, mais au bout du compte, je crois que nous allons gagner. Mais nous n'allons pas gagner toutes les manchettes et nous n'allons pas gagner toutes les batailles.
[Français]
Vous avez affirmé que le Canada avait dépensé 1,8 milliard de dollars depuis le début de la mission en Afghanistan. Comment sont détaillées ces dépenses? Est-ce qu'on tient compte des militaires, dans ce montant? J'aimerais avoir plus de détails pour savoir ce qui est comptabilisé dans ce 1,8 milliard de dollars.
[Traduction]
À ce que je sache, toute cette information est déjà disponible auprès du ministère de la Défense nationale. Le ministère prépare, à l'intention du Parlement, toutes sortes de rapports sur les dépenses, crédit par crédit et poste par poste.
D'après ce que me dit l'un de mes collègues, le dernier rapport, qui a pour titre « Dépenses pour le maintien de la paix, 2005-2006 » vient tout juste d'être bouclé ou est en passe d'être déposé. Les rapports de ce genre offrent des renseignements détaillés sur les dépenses du ministère de la Défense, ligne par ligne.
Je vous remercie.
Nous allons maintenant passer à M. Calkins qui disposera de cinq minutes, après quoi nous reviendrons à M. Cannis.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Bercuson, vous affirmez dans un article récemment publié que les Canadiens sont apathiques en ce qui concerne les questions de défense nationale. Je me demande ce qu'il faudrait faire pour convaincre nos compatriotes de la réalité de la menace que représente le terrorisme.
J'étais aux États-Unis il y a encore peu de temps, et je m'y suis entretenu avec des militaires américains qui disent pour l'essentiel que pour les États-Unis, c'est là la priorité. Aux États-Unis, c'est une question de vie ou de mort. Les Américains considèrent que la guerre contre le terrorisme est une question de vie ou de mort, or au Canada, nous ne semblons pas voir les choses de la même façon. Que faudrait-il faire ici, au Canada, pour que les gens accordent peut-être un peu plus d'importance à ce dossier qu'actuellement?
C'est difficile à dire, parce que tout le monde n'est pas du même avis au Canada. Il y a le gouvernement, il y a la presse qui est libre, il y a des chroniqueurs comme Doug Bland, comme moi-même et bien d'autres encore, qui sont contre la guerre, etc. Dire qu'il faudrait un message concerté dans ce dossier, ou qu'il faudrait un message concerté à propos de cela, le problème est en l'occurrence de savoir qui va concerter le message.
À mon avis, l'un des gros problèmes que nous avons toujours ici au Canada, c'est que nos compatriotes pensent — comme le sénateur Dandurand qui avait été abondamment cité au début des années 20 — que nous vivons dans une maison à l'abri de toutes les intempéries possibles. Les Canadiens ont toujours pensé cela. C'est ce qu'ils pensaient dans les années 30, alors même que la situation se dégradait en Europe, avec pour résultat la Seconde Guerre mondiale. C'est ce qu'ils pensaient également dans les années 50 et dans les années 60. Et ils pensent toujours la même chose aujourd'hui. C'est extrêmement difficile de convaincre les gens, surtout dans ce dossier-ci.
Je suis vraiment interloqué par tout cela. Il y a eu le 11 septembre, et 24 Canadiens sont morts. S'ils sont morts, c'est fortuitement car ce n'était pas eux, des Canadiens, qui étaient attaqués. Il se fait qu'ils se trouvaient au World Trade Centre au moment de l'attentat. Mais combien de milliers et de milliers d'emplois ont disparu au Canada dans les semaines qui ont suivi ces attentats à cause de la fermeture de la frontière? Comment expliquer aux Canadiens qu'alors même qu'on a, sur ce continent, un système industriel intégré, un système dans lequel la livraison juste à temps est la règle plutôt que l'exception, que si la frontière devait à nouveau être fermée à la suite d'un autre attentat terroriste perpétré aux États-Unis, nous risquons de voir non seulement des milliers d'emplois disparaître presque immédiatement après, mais que nous risquons aussi de voir les grosses compagnies nous dire: « Écoutez, si nous voulons pouvoir travailler sur le marché américain, pouvons-nous vraiment prendre le risque d'ouvrir une usine au Canada dans l'éventualité d'une nouvelle fermeture de la frontière? »
C'est cela que je voulais dire un peu plus tôt lorsque je faisais valoir que 40 p. 100 du moindre dollar que chaque Canadien a en poche provient du commerce international, et pour l'essentiel du commerce avec les États-Unis. Il y va de notre intérêt national économique direct de faire le maximum pour maintenir un semblant d'ordre planétaire. Le problème tient au fait que, puisque le danger n'est pas vraiment à notre porte, parce que les 16 de Toronto, peu importe le chiffre, n'ont pas réussi dans ce qu'ils ont essayé prétend-on de faire, Dieu merci, le sang ne coule pas dans les rues du pays. Les gens ne considèrent donc pas cela comme un problème immédiat, alors que c'en est un.
Après mon estimé confrère, je vais à mon tour vous livrer une citation. En 1910, Wilfrid Laurier a arrêté le premier grand principe de la politique canadienne en matière de défense: il n'existe aucune menace, et s'il y en avait une, les Américains viendraient nous sauver. Tous les premiers ministres en ont convenu. Tous croient que la meilleure chose à faire, c'est de profiter gratuitement de l'aigle américain — après tout, cette politique est rationnelle. Mais je pense aussi que c'est un peu pour cela que les Canadiens pensent de cette façon. Sans vouloir trop jouer les cyniques ou les radicaux, je dirais que si tous les membres des milieux politiques croyaient qu'il y a quelque part dans le monde quelque chose qui menace gravement le Canada, une politique en matière de défense dépourvue de toute partisanerie nous serait à tous très profitable et imprimerait à la communauté canadienne un certain leadership. Je suis certain qu'il doit y avoir certaines choses sur lesquelles nous pourrions tous nous entendre.
Je vous remercie.
Pourriez-vous être un peu plus précis, messieurs? À l'heure actuelle, la mentalité canadienne a beaucoup de mal à accepter les pertes et ce genre de choses en raison surtout de la façon dont elles sont présentées. J'entends souvent les gens dire que le rôle du Canada sur la scène internationale est un rôle de maintien de la paix — nous sommes les gardiens de la paix. Si on remonte un peu dans l'histoire du Canada, on voit bien que ce n'est pas vrai, parce que nous avons participé à toutes sortes de conflits militaires. Pourriez-vous donc à notre intention être un peu plus précis: le maintien de la paix était-il la raison première pour laquelle le Canada a envoyé des troupes en Afghanistan en 2002?
Absolument pas. Le Canada a envoyé des troupes en Afghanistan pour aider les Américains dans le sud du pays, dans la région de Tora Bora, pour essayer de déloger ben Laden et, c'était au printemps 2002, essayer de détruire le siège des activités d'al-Qaïda.
Comment compareriez-vous la mission actuelle à ce premier déploiement? Y a-t-il quelque chose qui a changé? La mentalité canadienne semble avoir évolué; la mentalité canadienne semble être que peut-être sommes-nous allés là-bas au début pour maintenir la paix alors que maintenant, nous en avons plein les bras avec un véritable conflit militaire. Or, vous nous avez dit il y a quelques instants qu'en réalité, nous avons été envoyés là-bas pour déloger les talibans, pour déloger les insurgés, pour amener la paix et la stabilité en Afghanistan, de sorte que notre mission a-t-elle vraiment changé par rapport au premier déploiement?
Non, notre mission n'a pas changé. D'ailleurs à l'époque, dans la foulée immédiate des attentats du 11 septembre, je pense que nous nous souviendrons facilement qu'il y avait au Canada entre 70 et 80 p. 100 des gens qui exigeaient précisément que nous intervenions militairement dans la lutte contre al-Qaïda.
Ce qui a changé, je crois, pour être franc avec vous, c'est que depuis lors, il y a eu l'invasion de l'Irak, il y a eu cette dégringolade de la popularité du président des États-Unis, il y a eu un genre de démonisation, si vous me passez l'expression, d'à peu près tout ce que faisaient les États-Unis, et par conséquent, les adversaires de cette mission ont tiré parti du fait que nous sommes en Afghanistan avec les États-Unis pour nous brosser sur le même tableau que le président américain. Je pense que c'est cela qui fait la différence entre le niveau de soutien populaire actuel et le niveau de soutien qui existait au début de 2002, lorsque les Canadiens exigeaient du gouvernement qu'il envoie nos soldats en Afghanistan.
Votre temps d'intervention est écoulé.
Nous allons maintenant donner la parole à M. Cannis, puis à M. Hiebert, puis à nouveau à M. Scott.
Je dois signaler au comité que M. Bland a un engagement et qu'il doit nous quitter à 17 h 15, de sorte que ces trois créneaux d'intervention de cinq minutes...
J'ai un engagement avec VIA Rail et j'ai également un cours très tôt demain. La différence entre les professeurs et les étudiants c'est que les professeurs sont obligés d'aller à leurs cours.
Des voix: Oh, oh!
Je vous remercie.
Monsieur le président, j'ai une petite phrase qui, à mon avis, reflète bien chacun et chacune de nos compatriotes. J'ai l'intime conviction que tous les Canadiens et Canadiennes soutiennent nos hommes et nos femmes, peu importe qu'ils servent au pays, qu'ils interviennent en cas de catastrophe et ainsi de suite, ou encore qu'ils soient en mission à l'étranger.
Je trouve parfaitement regrettable et assez étrange, dans certaines des déclarations qui ont été faites, et dont je parlerai dans un instant... Mais avant de le faire, je voudrais profiter de l'occasion pour répondre à ma bonne amie Mme Gallant qui avait rappelé que le gouvernement libéral précédent avait unilatéralement pris la décision de mettre à exécution la politique des trois D. Elle a tout à fait raison. Et, pour mémoire, après avoir consulté les parties intéressées à l'étranger, le gouvernement libéral de l'époque avait effectivement pris unilatéralement la décision d'engager nos troupes en Afghanistan dans le cadre de cette même politique.
Or, la question que posent aujourd'hui les Canadiens est celle-ci: Moins de trois mois après le début de la mission — et je pose également la question à nos invités — pourquoi avoir décidé d'élargir celle-ci et pourquoi le gouvernement actuel n'a-t-il pas également décidé unilatéralement, quitte à laisser les Canadiens et les Canadiennes porter leur propre jugement, plutôt que de procéder à un vote?
En fait, cela revient à un commentaire formulé par M. Bland lorsqu'il parlait de polarisation. Je commencerai par là, monsieur. Ce sont des mots comme ceux-là qui ne sont pas vraiment utiles à un moment comme celui-ci. Vous avez dit essentiellement ceci: « Je trouve répugnant que les gens, pour l'une ou l'autre raison, se servent du chiffre des pertes pour faire avancer leurs intérêts idéologiques, mais je trouve cela particulièrement regrettable lorsqu'ils le font dans le but de gagner quelques sièges au Parlement. »
Laissez-moi dire ceci au nom de tous les parlementaires. Je puis vous donner l'assurance, monsieur, que ce n'est pas une question de sièges, il s'agit simplement de faire ce qu'il faut faire pour notre pays et pour la communauté internationale.
Monsieur le président, il y a eu plusieurs questions des deux côtés de la table et, à plusieurs reprises, M. Bland nous a dit qu'il ignorait la réponse. Or, il nous a également dit que nous ne devrions pas entendre des hommes vieillissants aux tempes grises et en costume-cravate, mais plutôt les soldats qui font partie de la mission. Je lui demande donc que diable fait-il ici?
Ne devrions-nous pas inviter des personnes comme le lieutenant-général Richard Evraire, qui est à la retraite, ou le colonel Brian MacDonald, qui était avec notre comité, afin d'entendre leur opinion informée, tout comme nous avons entendu votre opinion à vous et celle du brave monsieur de Calgary aussi? Je crois que ces personnes qui sont au front disposent aujourd'hui d'une expertise et qu'elles peuvent nous enseigner des choses que nous pourrons transmettre aux futurs comités.
J'estime que ce genre de commentaires polarise l'opinion publique, alors que nous devrions chercher des solutions qui nous permettront de régler les problèmes internationaux qui se posent aujourd'hui.
Vous avez mentionné la grande bataille de Dieppe, monsieur, et permettez-moi de vous dire quelle est la différence ici, à mon humble avis. C'est que les Canadiens n'ont pas reculé alors, ni les Britanniques, les Américains, les Français, tous les alliés. Le problème se situe aujourd'hui au niveau des institutions avec lesquelles nous collaborons, que ce soit l'OTAN ou les Nations Unies. Les Canadiens s'interrogent sur leur crédibilité.
On a mentionné plus tôt, je crois, les troupes polonaises et ce que M. McGuire a entendu ce matin. Je ne l'ai pas entendu moi-même, mais je vous remercie vivement de nous avoir aidés à faire le point. Le Canada a toujours été à l'avant-plan, et nous sommes disposés à y rester, mais il s'agit tout de même d'une responsabilité partagée.
Quand on parle de capacité d'emport, par exemple — et nous étions à l'OTAN avec le comité, et nous étions d'accord — la question est celle-ci, pourquoi le Canada devrait-il assumer ce fardeau? Pourquoi devrions-nous acquérir une capacité d'emport, dont nous avons besoin à mon avis, si l'on ne s'en sert pas? Quand nous acceptons ces missions internationales, pourquoi ne pas s'assurer collectivement que l'OTAN, par exemple, est bien équipée pour utiliser ce matériel quand on en a besoin.
Je crois que notre comité a l'obligation de se pencher sérieusement sur les missions que nous acceptons sous l'égide des Nations Unies et de l'OTAN, et que c'est le genre de question que les Canadiens se posent eux-mêmes aujourd'hui.
Mon temps de parole est-il écoulé, monsieur le président? Ah, mon Dieu, que le temps file.
Monsieur Cannis, je vous rappellerai seulement une chose. M. Bland est ici sur invitation du comité.
Vous avez pris vos cinq minutes pour faire une déclaration, et nous l'acceptons comme telle.
Nous allons passer à M. Hiebert pour cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
Merci à nos deux invités qui sont ici cet après-midi pour nous éclairer et nous faire part de leur perspective sur les événements en Afghanistan.
J'ai plusieurs questions, mais ce qui m'a intrigué le plus lorsque j'ai entendu l'exposé de M. Bland, c'était son commentaire à propos.... En fait, je pense qu'il s'agissait presque d'une question de pure forme à propos des accusations qu'ont portées certains députés de l'opposition, dont le chef du NPD, qui disaient que nous sommes le chien de poche du président, pour employer votre expression.
Nos deux invités pourraient-ils nous expliquer exactement ce qu'ils cherchaient à dire au comité lorsqu'ils ont dit qu'il s'agissait pour les Canadiens de reconnaître que ce sont les trois premiers ministres et tous ces autres chefs de parti qui ont envoyé nos troupes là-bas? Que cherchiez-vous à dire par là? Que répondez-vous au chef du NPD qui veut que nous décampions?
Eh bien, ce que j'essaie de dire, c'est qu'on m'a invité ici pour donner mon opinion sur la mission. Je crois que c'est une mission que nous devons soutenir de tout notre coeur et que c'est une mission qui en vaut la peine pour notre pays et pour le monde entier.
Évidemment, je ne suis pas du tout d'accord avec M. Layton pour plusieurs raisons, mais le plus important, c'est parce que je ne crois pas qu'il nous appartient d'amorcer le dialogue. Je ne crois pas qu'il appartienne au Canada et je ne crois pas qu'il appartienne non plus à l'OTAN de décider que nous allons amorcer ou non le dialogue avec les rebelles. Je pense que cela appartient au gouvernement de l'Afghanistan, et le gouvernement de l'Afghanistan a décidé de ne pas le faire.
Le président Karzai était justement ici la semaine dernière pour faire valoir avec force la raison pour laquelle il faut combattre l'insurrection. J'ai essayé de dire la même chose ce matin en rappelant la nouvelle sur l'assassinat de ce gouverneur de province. Voilà qui résume essentiellement mon propos, en ce qui me concerne.
À mon avis, et je l'ai déjà dit, votre comité doit avoir un meilleur aperçu des questions relatives à la défense dans notre pays. C'est ce que je crois fermement, et je le crois depuis longtemps, et j'inclus ici la guerre en Afghanistan. Vous faites bien de tenir ces audiences et de faire ces enquêtes. Mais je dis aussi qu'il existe une chaîne de commandement. Le chef d'état-major de la défense rend des comptes au ministre de la Défense nationale, qui lui rend des comptes au Cabinet, et la contribution du comité doit être placée dans sa juste perspective au sein de cette chaîne de commandement.
Ce que vous ne pouvez pas faire, comme Doug l'expliquait plus tôt, c'est de dire, d'accord, il y a eu une autre bataille, nous avons perdu une autre bataille, la semaine a été mauvaise, nous avons essuyé des pertes, alors faisons une autre enquête. Très franchement, je crois que vous risquez ainsi de miner le moral des troupes. Personne ne veut miner le moral des troupes, je ne le crois pas; je crois qu'il s'agit simplement de choses qui arrivent.
Pour ce qui est des interrogations constantes concernant la mission, il arrive un moment où il faut se dire qu'on a décidé d'accepter cette mission et qu'un vote a eu lieu au Parlement. Nous en reparlerons dans six mois, nous en reparlerons dans un an, et nous en reparlerons lorsqu'on décidera de redéployer nos troupes. Le débat aura alors lieu, et la discussion reprendra. C'est ce que nous devons faire à mon avis.
Je dirais d'emblée que j'ai du mal à accepter les déclarations de M. Layton. Le fait est que je n'y comprends rien, je ne m'y retrouve pas, et je ne comprends pas de quoi il parle. Pour ce qui est de quitter le pays immédiatement, ou d'ici février au plus tard, je ne comprends pas comment on pourrait y arriver.
Quand je vois que des gens parlent de la politique de l'ancien gouvernement canadien, et du gouvernement de M. Martin, et de l'actuel gouvernement et qu'on dit qu'on se contente simplement de plaire aux Américains, et tout le reste, je crois que c'est malhonnête de dire cela, c'est le moins qu'on puisse dire. Les Canadiens prennent leurs propres décisions. Ils ont un Parlement et ils élisent leur gouvernement. Si les Canadiens sont en désaccord avec les décisions du gouvernement, ils vont changer de gouvernement.
Je crois qu'on peut parler des liens qu'il y a entre la politique de défense, la politique commerciale, la politique d'immigration, de nos relations avec d'autres pays, et des effets que tout cela a sur nos rapports avec les États-Unis, mais cela ne fait pas de nous les otages des États-Unis. Nous ne sommes pas en Afghanistan, à Chypre, au Moyen-Orient, dans l'Atlantique, dans l'OTAN ou en Bosnie pour plaire aux Américains. Nous sommes en tous ces endroits parce que nous avons des convictions. À mon avis, il est important que les chefs politiques s'assurent que les gens comprennent bien ces liens.
Très rapidement, monsieur Bland, pourriez-vous nous reparler de ce que vous disiez à propos des dépenses imprévues et répondre au commentaire qui a été fait encore aujourd'hui, lors de la période des questions, où l'on a dit que le coût de nos opérations militaires représentait un dixième du coût de notre aide au développement?
Comment définiriez-vous cette équation, et dites-nous pourquoi il est important d'assurer la sécurité des responsables de l'aide humanitaire?
Très bonne question. Lorsque les gens me demandent pourquoi les Forces canadiennes sont en Afghanistan, je leur réponds: « Pensez-vous qu'il devrait y avoir des travailleurs humanitaires en Afghanistan? » Les gens me répondent habituellement « Oui, bien sûr » et je leur explique alors le lien qu'il y a entre la sécurité et les opérations humanitaires.
Comme j'ai voulu vous l'expliquer, je ne vois pas de lien naturel ou logique entre l'argent qu'on investit dans les opérations humanitaires et, nécessairement, l'argent qu'on investit dans les opérations militaires. Chaque domaine a ses propres exigences et sa propre dynamique. Avec l'évolution des possibilités et des circonstances, l'utilisation des ressources évolue.
Combien d'argent faut-il consacrer à la défense? Personne ne le sait. Combien d'argent faut-il consacrer aux opérations humanitaires? Personne ne le sait, mais le gouvernement de l'Afghanistan a son opinion sur la question et doit être consulté lui aussi.
Merci beaucoup. Je ne fais que passer au comité, soyez donc un peu patient avec moi.
J'aimerais connaître la réponse de nos deux témoins à la question avec laquelle tout le monde ici semble se débattre, et c'est la question de savoir ce que nous, les parlementaires, devons faire dans ces circonstances.
On a mentionné les raisons pour lesquelles le public ne semble pas être d'accord avec cette mission. La question est légitime. Nous sommes parlementaires. Je reçois des appels. Il y a une base militaire importante dans mon comté. Les conjoints et conjointes des militaires nous téléphonent. Ils veulent savoir ce qu'on fait là-bas. Ce sont des questions légitimes, et ce sont des questions légitimes que nous devons poser.
J'ai la conviction qu'il y a toutes sortes de gens ici qui jouent le jeu politique. C'est dans la nature de notre travail, mais c'est une question légitime, et il est injuste d'insinuer, lorsqu'on pose de telles questions, que nous sommes motivés par d'autres considérations, alors qu'il s'agit de questions légitimes posées par des parlementaires qui ont des commettants intéressés.
Ma question est celle-ci — M. Bercuson disait qu'on pourrait réétudier la question à tous les six mois, et ainsi de suite. À votre avis, quel devrait être le rôle que devraient jouer les parlementaires? Je trouve troublant de me faire demander si la question que je pose a trait au fait que je représente de nombreux militaires — et il s'agit de militaires qui sont en service actif — et il y a leurs conjoints aussi... Je pose une question, et l'on remet tout à coup en question mon appui à ces gens. C'est franchement injuste, mais il est vrai que ça arrive souvent.
Ma question est celle-ci, quel doit être notre rôle? Que doit faire un parlementaire qui représente plusieurs milliers de Canadiens qui s'intéressent à cette question et qui veulent savoir ce que nous faisons là-bas, pourquoi nous sommes là, comment ça va? Ce sont des questions légitimes que les Canadiens peuvent poser.
Oui, je suis parfaitement d'accord avec vous.
À l'époque où j'étais à Queen's, nous avons sondé les députés fédéraux pour savoir ce qu'ils pensaient de la politique de défense, quelle idée ils s'en faisaient, quel rapport ils établissaient avec d'autres politiques. Nous avons dit très souvent que les comités parlementaires jouent un rôle extrêmement important et qu'ils ont besoin de nombreux attachés de recherche pour sensibiliser les gens, pour être informés sur ce qu'ils doivent faire.
Les députés fédéraux doivent s'intéresser aux détails et expliquer les choses aux citoyens. Ils ont besoin de beaucoup d'informations pour faire cela, et le plus d'informations on recevra des Forces canadiennes, des gens qui sont sur le terrain, du gouvernement et des autres instances, mieux nous nous en porterons tous.
J'encourage le comité et tous les députés fédéraux à se familiariser à fond avec cette activité nationale importante et à aller parler aux gens ensuite. Lorsqu'il y a des critiques légitimes, celles-ci doivent être entendues.
L'une des raisons pour cela, j'espère, c'est de s'assurer que les gens sur le terrain ont les ressources qu'il leur faut pour faire le travail que les Canadiens leur ont demandé de faire, et ce genre de soutien pour la mission devrait provenir de tous les éléments du milieu politique.
Je suis parfaitement d'accord. Si j'ai bien compris, vous voulez savoir quel rôle doivent jouer les parlementaires? Je vais vous dire simplement quel rôle ils ne doivent pas jouer à mon avis, à savoir, remettre en question les tactiques, remettre en question les opérations mêmes, dans une certaine mesure. Je crois que votre rôle doit se situer au niveau stratégique. Vous devez vous pencher sur les ressources. Vous devez vous pencher sur les politiques relatives au personnel. Vous devez vous pencher sur les services médicaux post-conflits, par exemple, vous assurer que ceux qui reviennent reçoivent l'aide psychologique dont ils ont besoin. Tout cela, et ce, sur une base régulière — je dis bien régulière. Voici ce que je considère être des questions stratégiques: la mission politique générale est-elle toujours réalisable? Les conditions qui nous ont conduits là-bas existent-elles toujours? Autrement dit, tenons-nous encore à réaliser les objectifs politiques que nous nous étions donnés en avril 2005? Ces objectifs politiques sont-ils toujours valables?
La question la plus importante que votre comité doit se poser à mon avis, et régulièrement, c'est celle de savoir si le gouvernement de Hamid Karzai bénéficie toujours du soutien du peuple afghan? Par exemple, si ce gouvernement perd le soutien populaire, comment allons-nous mesurer cela? Le moment ne serait-il pas venu alors pour nous de repenser notre mission et notre présence là-bas? C'est le genre de questions que vous devez vous poser à mon avis.
Je crois que vous devez également savoir... J'ai le plus grand respect pour les Forces canadiennes et son haut commandement, mais voyons les choses en face, ces gens-là jouent le jeu politique comme tout le monde à Ottawa, et vous devez parfois vous interroger sur certaines de leurs déclarations concernant leurs réalisations. Je ne dis pas cela du tout parce que je ne les crois pas — j'ai tendance à croire ce qu'ils me disent — mais il vous appartient à vous, les parlementaires, d'engager le débat avec eux.
Merci.
C'est terminé. Désolé, monsieur Scott. Le temps file.
Voilà qui met fin au deuxième tour. L'ordre du troisième tour sera le suivant, soit le Parti libéral, ensuite les conservateurs, ensuite le Bloc, et cela nous mènera jusqu'à 17 h 30 et conclura nos travaux.
Monsieur Dosanjh.
Merci.
Eh bien, monsieur Bercuson, ce que vous venez de dire rejoint la question que je pensais vous poser. J'ai deux questions, l'une à ce sujet, et l'autre à propos d'une chose que vous avez dite plus tôt.
Nous avons lu l'article de Graeme Smith, l'un de nos journalistes du Globe and Mail, sur Panjwai. Avez-vous lu cet article qui est paru dans le Globe and Mail de samedi?
J'aimerais avoir votre avis à ce sujet, parce que cela rejoint ce que vous disiez. De toute évidence, M. Smith semble dire qu'en ce qui concerne Panjwai, l'OTAN, de manière générale, ne nous avait pas dit toute la vérité. Je ne sais pas si c'est vrai ou non, je pose simplement la question. Vous êtes un expert. Si vous avez lu l'article, veuillez me dire ce que vous en pensez.
Deuxièmement, vous avez parlé plus tôt de cette dame qui avait été tuée, qui était la directrice des programmes destinés aux femmes, et que cela suffit à montrer notre raison d'être là-bas.
Tout le monde est d'accord avec l'égalité pour les femmes, tout le monde veut que le enfants aillent à l'école, que la construction reprenne en Afghanistan, que l'Afghanistan devienne un pays démocratique. Mais si je me souviens bien, de manière générale, nous sommes en fait là-bas pour nous assurer que l'Afghanistan ne retombe pas entre les mains de ceux qui feraient du pays une base d'opérations contre nous et les autres démocraties du monde.
Je sais que l'égalité des femmes et le développement sont de manière générale les moyens de parvenir à nos fins, mais j'aimerais que vous nous parliez de cela aussi.
Merci.
Certainement.
Permettez-moi de répondre tout d'abord à votre deuxième question. En tant qu'historien, je crois que l'une des leçons que nous avons apprises de l'histoire, c'est que les gouvernements qui oppriment leurs propres citoyens sont ceux qui risquent le plus de commettre des agressions contre les autres. Je ne pense pas qu'il s'agisse là d'une question distincte. Je pense que ce sont là les deux côtés de la médaille. Si l'on regarde les grandes dictatures totalitaires et les agresseurs depuis les 100 dernières années environ, on constate invariablement que les plus dangereux pour l'ordre international étaient également ceux qui ont construit des prisons pour leurs citoyens sur une grande échelle. Je pense que les deux vont ensemble.
En ce qui concerne votre première question, je dois y répondre avec circonspection, mais je serai très franc. Je suis un historien militaire, de sorte que je dois jeter un regard rétrospectif sur les campagnes militaires bien après qu'elles se sont déroulées, et je dois souvent comparer les résultats des campagnes par rapport à ce que disaient à l'époque les dirigeants militaires, les dirigeants politiques et les journalistes. Ce que je constate très souvent, c'est qu'il y a un écart important entre ce qui a été dit à l'époque et ce qui s'est réellement produit. Cela découle en partie du phénomène que nous connaissons tous et que l'on appelle le « bouleversement provoqué par la guerre ». Cela porte tout simplement extrêmement à confusion. Les guerres portent extrêmement à confusion, et il n'y a pas beaucoup de gens qui sont vraiment très au courant de la situation réelle à n'importe quel moment donné, et cela inclut parfois ceux qui participent en fait aux combats.
Est-ce que cela veut dire que je crois que l'OTAN a dit tout ce qui était exact et que tout ce que l'OTAN a dit au sujet de la bataille de Panjwai est vrai? Je ne peux pas le croire. Si je croyais tout ce qu'ils disaient, je renoncerais à mon travail comme historien militaire, mais cela ne veut pas dire que je ne pense pas que la situation en général ne soit pas relativement positive. C'est tout simplement que lorsque j'entends un général dire A, B ou C, y compris nos propres chers dirigeants militaires, je dis toujours, très bien, est-ce vraiment ce qui se produit ou y a-t-il autre chose qui se passe en réalité, et est-ce quelque chose qu'on me cache ou s'agit-il de quelque chose dont ils ne sont pas au courant?
Je veux dire que je ne voudrais pas laisser entendre que je ne suis pas d'accord avec l'égalité des femmes ou pour que les enfants et les jeunes femmes aillent à l'école. Je voulais tout simplement dire — et je prends bonne note de ce que vous dites — que notre objectif ultime est de nous assurer que l'Afghanistan ne devient pas une base d'opérations terroristes contre nous et d'autres comme nous. Je suis d'accord lorsque vous dites que si l'on n'a pas l'égalité et la démocratie dans une société, cette société risque de devenir un centre d'opérations pour le terrorisme.
C'est tout ce que j'avais à dire. S'il reste du temps, M. Cannis voudrait peut-être poser une question, car il n'a pas pu le faire.
Le président Karzai a dit, et je suis certain que vous l'avez entendu dans son exposé, qu'il y avait moins d'enfants inscrits à l'école. Pouvez-vous le confirmer?
La dernière question, c'est que nous connaissons le problème, et il s'agit de la culture du pavot dans cette région. Pourquoi ne mettons-nous pas tout simplement l'accent sur l'élimination de cette culture, ce qui permettrait d'éliminer les revenus et nous pourrions ainsi nous attaquer plus sérieusement au problème? Pourquoi ne faisons-nous pas cela?
Je ne sais pas pourquoi nous ne le faisons pas. Je pense que c'est sans doute lié au fait que localement il est très compliqué de tenter d'utiliser ces gens, ces ressources qui sont les mieux à même d'aider notre cause et de le faire immédiatement. Il est peut-être nécessaire d'éliminer la culture du pavot à long terme, mais ce n'est pas possible de le faire rapidement. Je ne sais pas vraiment.
J'ai une assez petite question, et c'est une question que M. Cannis aurait vraiment voulu poser s'il avait eu davantage de temps. Vous avez parlé de Dieppe et du sacrifice de Dieppe. Nous avons perdu des centaines de soldats en une journée, et comme il l'a souligné avec raison, nous n'avons pas abandonné, et nos alliés n'ont pas abandonné, etc. Comment pouvons-nous aider le Canada et les Canadiens à accepter la réalité du sacrifice qu'il est nécessaire de faire et des risques importants que doivent prendre nos alliés pour une cause noble? Comment pouvons-nous faire cela?
M. Bland d'abord.
L'important, cependant, ce n'est pas de comparer les pertes occasionnées par une guerre à celles occasionnées par une autre guerre. Ce qui à mon avis est remarquable ici, c'est la détermination que les gens avaient au cours des autres conflits pour assumer le coût de la guerre, et que nous pourrions y arriver. Après Dieppe, bon nombre de Canadiens ont repris leurs boîtes à lunch et sont retournés travailler ici au Canada.
Il semble tout simplement que dans ce cas-ci, il s'agit peut-être d'un cas particulier, mais nous avons de la difficulté à accepter ces pertes qui sont moindres que pour bon nombre de missions de maintien de la paix en Bosnie et ailleurs, et lors d'incidents au cours de la formation, et je ne sais pas trop pourquoi.
Pour faire suite à cette même ligne de pensée, monsieur Bland, vous avez dit qu'il n'était pas particulièrement utile de comparer les statistiques en se fondant sur les pertes découlant des engagements précédents, et je serais d'accord avec cela. Je pense cependant qu'il est particulièrement important de comparer les objectifs stratégiques et la volonté des gouvernements au pouvoir à l'époque.
Nous pouvons revenir en arrière et regarder quelle était la volonté des gouvernements au pouvoir pendant la guerre de Corée et la volonté du gouvernement au pouvoir pendant la guerre du Vietnam et voir ce qui s'est produit lorsqu'il y avait un manque de volonté publique ou lorsque le gouvernement de l'époque n'avait pas la volonté de terminer le travail. Pourriez-vous nous en parler davantage?
Nous savons que jusqu'à présent le coût a été énorme, mais pourriez-vous nous dire, d'après ce que nous a enseigné l'histoire passée, quel serait le prix de perdre par rapport au prix que nous payons à l'heure actuelle pour ce qui semble être une mission qui a en fait du succès?
Cela est difficile à dire. Pour les Canadiens... ou bien les Américains nous protégeront, de sorte qu'à mon avis nous ne devons pas trop nous inquiéter.
Nous ne voulons peut-être pas contribuer aux alliances que nous avons signées. Nous ne voulons peut-être pas partager la responsabilité de protéger. Nous ne voulons peut-être pas participer aux missions de maintien de la paix des Nations Unies.
Je crois tout simplement... et l'une de mes étudiantes l'a dit l'autre jour. Elle a dit: « Je ne comprends pas. Il s'agit d'une mission des Nations Unies qui est parrainée par les Nations Unies, qui a été votée par le conseil de sécurité. C'est une mission légitime. Les gens en Afghanistan nous ont demandé d'être là. Notre contribution n'est pas énorme, pour un pays de 32 millions d'habitants et membre du G8. S'il ne s'agit pas d'une mission que les Canadiens peuvent appuyer, j'imagine qu'il n'y a aucune mission que nous pourrons appuyer. »
Je n'ai pas non plus la réponse à cette question.
[Français]
Pour terminer, ma question s'adresse à vous deux.
Selon les faits que vous connaissez actuellement, quel est votre degré de satisfaction en ce qui concerne l'opération telle que vous la concevez? Si vous aviez des ajustements à faire au cours des prochaines semaines, quels seraient-ils?
[Traduction]
Eh bien, je suis partiellement satisfait, et je dis cela parce que j'aurais aimé que les États-Unis et l'OTAN consacrent plus de ressources à l'Afghanistan, au lieu d'intervenir en Irak. C'est une tout autre question dont on pourrait parler.
Je crois que l'intervention en Irak était une erreur stratégique, même si à l'époque, j'ai appuyé l'idée, je dois le dire.
Donc je suis partiellement satisfait. Je dis cela parce qu'il est évident que les talibans ne vont pas prendre le contrôle du pays. Il est évident que les talibans ne dominent même pas dans la zone autour de Kandahar. Il me semble que depuis la fin de la bataille il y a une semaine et demie ou il y a deux semaines, cette zone a été relativement calme, du moins selon nos forces armées et la presse.
Qu'est-ce que je voudrais voir comme changement? J'aimerais voir plus de troupes là-bas. Il s'agit d'un test pour l'OTAN, à mon avis, et j'aimerais voir l'OTAN trouver les ressources nécessaires pour faire ce travail plus rapidement et plus efficacement.
Je suis d'accord avec cela, et comme je l'ai déjà dit, je crois qu'à ce niveau, au niveau stratégique d'Ottawa, entre autres, le plus utile serait un effort concerté du milieu politique afin de reconstruire et de transformer les Forces canadiennes rapidement.
En 1950, lorsque l'OTAN a été créée, les forces terrestres comptaient moins de 30 000 soldats, la force aérienne se servait de vieux avions à hélices, et la marine n'avais que de vieux navires tout rouillés. Six années plus tard, nos forces terrestres comptaient 120 000 soldats, la force aérienne avait des escadrons d'avions à réaction, 12 escadrons étaient déployé en Europe; et la marine avait une nouvelle flotte de navires.
Lorsque les Canadiens ont décidé qu'il était important de se défendre contre cette vague de communisme qui, petit à petit, gagnait en popularité, nous avons agi.
Je crois que la volonté au Parlement de renforcer les forces armées de façon radicale, rapidement, et de façon concertée serait utile. Et si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais vous annoncer que le 5 octobre à Ottawa, l'Université Queen's rendra publique une nouvelle étude intitulée « Reinventing Canadian Defence Procurement », qui pourra servir de plan, nous l'espérons du moins, pour faire une partie de ce travail.
Mais il faut faire preuve de sérieux. Notre armée ne compte que 20 000 soldats, et ils portent le fardeau pour le pays dans son ensemble. Ces jeunes ont besoin d'appuis, et ils ont besoin de beaucoup d'appuis, pas juste un petit peu.
Très bien. Merci.
Il ne nous reste plus de temps.
J'aimerais vous remercier, monsieur Bercuson, à Calgary. Cette technologie a fonctionné assez bien.