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CC20 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-20


NUMÉRO 010 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 18 juin 2008

[Enregistrement électronique]

(1545)

[Traduction]

    Conformément à son ordre de renvoi du mercredi 13 février 2008, le Comité reprend l'étude du projet de loi C-20, Loi prévoyant la consultation des électeurs en ce qui touche leurs choix concernant la nomination des sénateurs.
    Je suis ravie de voir que nos collègues se sont joints à nous aujourd'hui pour assister à ce qui sera probablement notre dernière réunion d'ici l'automne. Je suis sûre que bon nombre d'entre vous pensaient que nous serions déjà en congé, mais il n'était pas question de partir en relâche estivale sans entendre un témoin qui a très à coeur le sujet que le comité a été chargé d'étudier.
    Le sénateur Bert Brown a été nommé au Sénat après s’être présenté à trois élections sénatoriales en Alberta. Il participe également au débat sur l'élection des sénateurs depuis plus de 20 ans. On m'a dit qu'il s'était même servi de son tracteur pour tracer les mots de la réforme sénatoriale dans un champ en Alberta.
    Je crois que nous avons tous hâte d'entendre ce que vous avez à dire, monsieur. Veuillez commencer.
     Merci beaucoup, madame la présidente.
    C'est intéressant que vous ayez mentionné que cela fait plus de 20 ans. Près de 20 ans ont passé depuis que j'ai comparu devant un comité de la Chambre des communes, un comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat. C'était il y a 20 ans. Chose curieuse, le sujet est le même qu'il y a 20 ans.
    Sans plus tarder, avec votre permission, je vais passer à mon exposé qui durera une dizaine de minutes. Au moment d'écrire mon discours, je ne pensais pas que la présidence serait assumée par une femme, donc j'espère que vous me pardonnerez. Mais je suis très heureux d'être des vôtres aujourd'hui.
    J'ai joint des exemplaires, en anglais et en français, de la déclaration, intitulée « Présentation en faveur de la réforme du Sénat », que j'ai faite aux premiers ministres des provinces et des territoires lors de nos rencontres des derniers mois. J'ai donc cru qu'il ne serait que juste que le comité entende le discours exact que j'ai livré aux premiers ministres du pays durant ma tournée depuis le début de janvier.
    Il me faudra une dizaine de minutes pour passer en revue les arguments en faveur de la réforme du Sénat. Je répondrai volontiers à vos questions sur ces arguments aussi bien que sur les réflexions sur le projet de loi C-20 et sa constitutionnalité et les amendements susceptibles d'intéresser tous les partis à la Chambre des communes.
    Selon les derniers sondages de l'opinion publique, l'élection des sénateurs recueille maintenant 79 p. 100 de la faveur populaire — et c'est à la grandeur du Canada.
    Pour la première fois de l'histoire, le Canada a un premier ministre qui s'est prononcé publiquement en faveur de l'élection des sénateurs.
    Une vraie réforme du Sénat peut profiter à toutes les provinces, grandes et petites, ainsi qu'aux intérêts minoritaires au sein des provinces.
    La réforme du Sénat est une question à laquelle les Canadiens s'intéressent depuis longtemps et qui revêt une telle importance qu'elle justifie que les assemblées législatives provinciales en fassent un point d'intérêt central.
    L'appel lancé par les provinces de l'Ouest en faveur du Sénat triple E n'a jamais été conçu comme une attaque contre les provinces centrales ou celles de l'Atlantique, mais plutôt comme un moyen de donner une vraie voix et un vote qui compte vraiment à la Chambre haute du Canada.
    L'accord du lac Meech a échoué parce qu'il n'a pas tenu compte des souhaits des provinces autres que l'Ontario et le Québec.
    La majorité des Canadiens et des provinces ont rejeté l'accord de Charlottetown, car celui-ci tentait d'aborder trop de questions dans une seule proposition constitutionnelle globale.
    La Fédération des provinces se fait l'écho des préoccupations des premiers ministres des provinces, mais comme ses membres ne se réunissent que quelques fois par an, ils ne font pas d'interventions continues en ce qui concerne les lois fédérales.
    Seul un Sénat élu qui siège de concert avec la Chambre des communes peut exprimer systématiquement le même point de vue sur les projets de loi fédéraux, en étant soutenu par le vote et, si nécessaire, le droit de veto d'une majorité d'élus provinciaux.
    Un Sénat réformé aurait pu empêcher les gouvernements majoritaires précédents de mener le Canada au bord du gouffre financier. Notre pays a besoin d'un contrepoids aux partis fédéraux qui poursuivent leurs propres intérêts en achetant des votes.
    Seul un Sénat réformé peut empêcher tout éventuel retour à un seul parti fédéral qui ferait passer ses intérêts avant les intérêts nationaux.
    La réforme du Sénat n'exige pas de modification constitutionnelle. L'Alberta a élu trois sénateurs, et deux d'entre eux ont été nommés sans qu'on ait à modifier la Constitution.
    Les seules conditions pour la nomination de sénateurs élus par un premier ministre ont toujours existé. Les conditions sont les suivantes: que le premier ministre s'engage à respecter le fait que des personnes soient élues dans leur province pour représenter leurs commettants au Sénat, et que les provinces soient disposées à élire des sénateurs.
    Le Sénat compte actuellement 14 postes vacants dans sept provinces et un territoire. Avant la fin de 2008, il en comptera 17 dans huit provinces et un territoire. Hier, le sénateur Gill a passé son dernier jour au Sénat; par conséquent, nous en avons déjà 15.
    Si plusieurs assemblées législatives provinciales saisissent cette occasion historique, elles peuvent avoir des élus qui protégeront leurs intérêts et les transmettront quotidiennement à la Chambre haute.
    On pourrait avoir une majorité de sénateurs élus dans moins de huit ans tout simplement en comblant les postes vacants laissés naturellement par les départs à la retraite à l'aide d'élus provinciaux.
    Ce délai donne huit ans aux gouvernements provinciaux pour discuter de l'ensemble des conditions permettant de proposer une modification constitutionnelle et s'entendre sur, tout d'abord, le changement de la représentation numérique au Sénat selon la province. Les provinces devront décider si le nombre de sénateurs correspond à la moitié d'un nombre égal pour de grandes provinces, aux trois quarts de ce nombre ou à ce nombre. Relativement à la deuxième condition, il faudrait que l'on s'entende sur une disposition d'exemption pour que la Chambre des communes dissipe les craintes de ceux qui s'opposent à un Sénat élu avec des pouvoirs de veto.
    Les provinces et leurs chefs ont la possibilité, pour une durée limitée, de démocratiser le Sénat pour le XXIe siècle, grâce à un premier ministre et à une vaste majorité de Canadiens qui sont prêts à le faire.
    En conclusion, monsieur le président, j'ai lu certains des témoignages de personnes et de groupes d'experts qui ont pris la parole sur le projet de loi C-20. Mes collègues et moi souscrivons à la plupart des recommandations de Vincent Pouliot du Centre for the Study of Responsible Government.
    M. Pouliot recommande que l'on confie au directeur général des élections la tâche de déterminer si les candidats ont les qualités voulues, aux termes de l'article 23 de la Loi constitutionnelle, pour devenir sénateurs. Cela devrait également inclure une disposition à la page 7 de la Constitution. L'expression « parti politique » devrait être remplacée par l'expression « parti politique provincial ». Le projet de loi C-20 devrait permettre aux provinces de déterminer comment elles souhaitent être représentées au Sénat. Par exemple, le Québec pourrait, dès le départ, vouloir élire ses futurs sénateurs par l'entremise de son Assemblée nationale. C'était la position du Québec lors des négociations de Charlottetown auxquelles j'ai assisté, et je suppose qu'elle n'a pas changé.
    Nous souscrivons à ces recommandations.
    Tout récemment, on nous a demandé une disposition de dérogation qui permettrait à la Chambre des communes de conserver sa suprématie sur un Sénat élu s'opposant majoritairement à un projet de loi des Communes. Après avoir consulté M. David Elton, professeur émérite en sciences politiques, et d'autres experts, nous avons conçu ce que j'ai appelé la « disposition de dérogation Elton », qui est toute simple et brève.
    Quand les Communes approuvent un projet de loi et le renvoient au Sénat, et qu'une majorité de sénateurs s'y opposent, le projet de loi est renvoyé aux Communes immédiatement. Par la suite, les Communes adoptent le projet de loi tel quel et le renvoient au Sénat par le même nombre de voix, ni plus ni moins, mais à une majorité simple.
    Le Sénat doit ensuite obtenir une majorité de sénateurs de sept provinces représentant 50 p. 100 de la population. Le délai pour la tenue de ce second vote au Sénat devrait être très court, soit peut-être un mois ou 12 jours de séance.
    Une majorité extraordinaire comme celle exigée au Sénat par la disposition Elton justifie le fait que les pouvoirs dont dispose maintenant le Sénat soient conservés par un Sénat réformé dont les membres seraient élus et qui représenterait les provinces de manière égale. Bref, c'est le Sénat de l'avenir. Ce nouveau Sénat serait vraiment la Chambre des provinces.
    Je vous remercie, madame la présidente.
(1550)
    Merci, sénateur.
    Nous allons passer à notre premier tour de questions.
    Monsieur Murphy.
    Merci, madame la présidente, et merci à vous, monsieur le sénateur.
    Vos observations figurent dans le document que j'ai sous les yeux. Je les ai lues, et je vous ai écouté. Je sais que vous vous êtes rendu dans plusieurs provinces et que vous avez parlé à plusieurs représentants officiels. Nous avons lu à ce sujet également.
    Dans votre exposé et dans le document que vous nous avez remis, vous dites que pour la première fois de l'histoire, le Canada a un premier ministre qui s'est prononcé publiquement en faveur de l'élection des sénateurs. Je veux être bien clair. Avez-vous parlé au premier ministre, et vous a-t-il dit, en privé et en public, qu'il se prononce en faveur de l'élection des sénateurs?
    J'en parle parce que le projet de loi fait allusion au choix des sénateurs. Même Peter Hogg dit que c'est la raison pour laquelle il est constitutionnel, puisque le premier ministre a la prérogative de l'accepter ou de la refuser.
    Ce que votre observation sous-entend, monsieur, c'est que le premier ministre s'est prononcé en faveur de l'élection des sénateurs et que le choix, qui est le mot utilisé dans le projet de loi C-20, est en fait une élection que le premier ministre doit respecter. Est-ce votre vision des choses?
     Oui, à peu de choses près.
    Permettez-moi de préciser, tout d'abord, que je connais le premier ministre depuis plus de 20 ans, je crois. Lui et moi avons été des conférenciers invités à Winnipeg lors de la fondation du Parti réformiste. Je dois vous dire que le comité pour un Sénat triple E n'a jamais été affilié à un parti politique. Nous avons présenté cette idée à chaque parti politique dans chaque province du pays au cours des 20 dernières années ou presque.
    Pour revenir à votre question initiale de savoir si le premier ministre s'est prononcé en faveur de l'élection des sénateurs, je réponds un oui catégorique, parce qu'il me l'a dit, lui-même; mais il s'agit d'une offre d'une durée limitée pour les premiers ministres provinciaux et territoriaux. S'ils tiennent des élections sénatoriales, le premier ministre acceptera le résultat de ces élections. J'ai eu de nombreuses conversations avec le premier ministre à ce sujet. Je ne vais pas prétendre que lui et moi voyons toutes les choses du même oeil. À force de poser des questions sur ce projet de loi, vous verrez que nous ne nous entendons pas sur absolument tout; par contre, ce sur quoi nous nous entendons, c'est sur l'idée d'élire les sénateurs futurs et d'accorder aux provinces le délai nécessaire pour décider ce qu'elles voudraient faire relativement à une modification constitutionnelle.
    La preuve que le premier ministre est en faveur de l'élection des sénateurs, c'est ma propre nomination.
(1555)
    Ma deuxième question concerne la disposition de dérogation Elton, quelque chose de nouveau pour moi lorsque j'ai lu votre document. Plusieurs mots semblent manquer, mais l'essentiel, c'est que si les Communes approuvent un projet de loi et le renvoient au Sénat et qu'une majorité de sénateurs s'y opposent, le projet de loi sera renvoyé aux Communes immédiatement. Si les Communes l'adoptent de nouveau, elles le renvoient de nouveau au Sénat par le même nombre de voix, ni plus ni moins, mais à une majorité simple.
    J'aimerais savoir, tout d'abord, ce que cela signifie. Deuxièmement, si le Sénat, encore une fois, approuve le projet de loi, est-ce que celui-ci devient loi?
     Je suis conscient du fait que la disposition est très précise dans sa forme actuelle, et vous avez raison de dire que certains mots ont été enlevés. Ce que la disposition de dérogation ferait, c'est de permettre au Sénat de conserver les pouvoirs dont il dispose maintenant. Je suis sûr que vous savez probablement que le Sénat a un veto absolu sur tout ce qui provient de la Chambre des communes, y compris les budgets. Toutefois, il n'exerce pas ce pouvoir. Parfois, il menace de le faire, mais il n'exerce jamais ce pouvoir pour la simple raison que, de l'avis des médias et du public, le Sénat n'est pas légitime parce qu'il n'est pas élu.
    Pour revenir à votre question précise, voici comment cela fonctionnerait: si les Communes adoptent un projet de loi et le renvoient au Sénat, le Sénat serait en mesure de le modifier, de l'amender ou d'y mettre son veto s'il ne pouvait satisfaire le critère ultime de la dérogation.
    Le premier critère de la dérogation, c'est que le Sénat doit être convaincu qu'il a une majorité de sénateurs des provinces. Et s'il y a une majorité de sénateurs qui s'opposent au projet de loi ou qui souhaitent le modifier, ils devraient alors voter en conséquence. Par la suite, le projet de loi serait immédiatement renvoyé à la Chambre des communes. Le but, c'est de donner à la Chambre des communes un répit, histoire de dire que même si un projet de loi est populaire auprès d'un parti et de son chef, il ne l'est pas avec la majorité des sénateurs élus.
    En ce qui concerne le deuxième critère, pour que le Sénat puisse réellement exercer ses droits, apporter un amendement ou mettre son veto, il devrait montrer qu'il y avait une majorité de représentants élus au Sénat qui proviennent de sept provinces sur dix et qui représentent au moins 50 p. 100 de la population. Cela signifie que le Canada central ne serait pas le seul à pouvoir imposer une dérogation; il faudrait au moins l'une des provinces centrales, ainsi que cinq autres provinces.
    Il s'agit donc d'une dérogation extraordinaire, une barre très haute, si vous voulez, à surmonter. Mais à ce stade-là, l'auteur de la dérogation juge que ce serait la chose la plus simple à faire; cela transmettrait également un message très clair à la Chambre des communes, à savoir que le projet de loi éprouve des difficultés parce que sept provinces sur dix et 50 p. 100 de la population voudraient le modifier ou y opposer leur veto. Le cas échéant, le projet de loi ne serait pas un vote de confiance.
    Il se pourrait tout simplement que le gouvernement reconnaisse qu'il y a, de toute évidence, beaucoup d'opposition, disons comme ce fut le cas pour la TPS — si vous vous souvenez de la première fois qu'elle a été présentée — soit le gouvernement accepterait un amendement, soit il abandonnerait tout simplement le projet de loi pour élaborer un nouveau libellé qu'il juge plus acceptable pour le public.
    Je vais revenir à l'idée des chambres concurrentes dans ma prochaine série de questions, mais brièvement à ce sujet, avez-vous tenté d'obtenir une opinion sur la question de savoir si cette dérogation nécessiterait une modification constitutionnelle? Vous pourriez peut-être y répondre par un simple oui ou non, parce que c'est tout le temps qu'il me reste de toute façon.
(1600)
     Oui, nous croyons que toute option autre que celle de faire élire les sénateurs par leurs provinces et de les faire accepter par le premier ministre nécessiterait une modification constitutionnelle à un moment donné.
    La dérogation de l'amendement Elton exigerait-elle une modification constitutionnelle?
    Je crois que oui. Cela ferait partie de la décision de savoir quel type de représentation adopter et quel pouvoir garder au Sénat. Nous avons eu cette discussion lors des négociations de l'accord de Charlottetown, il y a très longtemps.
    Merci, sénateur.
    Monsieur Paquette, vous avez la parole.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le sénateur, de nous présenter vos réflexions sur le projet de loi C-20.
    Je constate, et c'est un peu une suite à la question qui vous a été posée, que dans votre document, certains éléments touchent le projet de loi C-20, mais que d'autres vont beaucoup plus loin. Par exemple, vous proposez que les provinces soient représentées de manière égale. Cela va beaucoup plus loin que ce contient le projet de loi C-20 et demande probablement une modification constitutionnelle assez sérieuse.
    Par contre, vous dites: « La réforme du Sénat n'exige pas de modification constitutionnelle! » J'imagine que vous faites référence au projet de loi C-20. Vous écrivez ensuite: « L'Alberta a élu trois sénateurs, et deux d'entre eux ont été nommés sans qu'on ait à modifier la Constitution. » Cela s'est effectivement produit, mais dans ce cas, ce que vous dites plaide en faveur du statu quo. On n'a pas besoin du projet de loi C-20 si vous faites la démonstration que l'Alberta a élu trois candidats et que le premier ministre a choisi deux sénateurs parmi eux.
    J'aimerais que vous clarifiiez cela. Quand vous dites que la réforme du Sénat n'exige pas de modification constitutionnelle, j'imagine que vous faites référence au projet de loi C-20.
    Si l'Alberta a pu, par le biais d'élections, offrir au premier ministre trois candidats dont deux sont maintenant au Sénat, cela veut dire qu'on n'a pas besoin du projet de loi C-20 pour élargir cette pratique aux provinces qui le désireraient.

[Traduction]

    Oui, vous avez raison pour ce qui est de votre hypothèse à propos du projet de loi C-20. Même si je l'appuie, et même si le comité que je préside appuie l'idée du projet de loi C-20 concernant l'élection des sénateurs, nous divergeons de la position du premier ministre parce que nous proposons la possibilité de deux mandats de six ans pour la réélection.
    Nous avons estimé que le mandat unique n'avait pas la faveur populaire au Sénat actuel, d'autant plus qu'il réduirait le pouvoir du vote. Si vous tenez des élections pour un seul mandat et que vous ne procédez pas à une réélection, les gens de la province qui ont élu ces sénateurs ne pourront plus dire: « Si vous voulez être réélus, vous devez écouter attentivement ce que nous voulons que vous fassiez et comment nous voulons que vous nous représentiez au Sénat. »
    L'autre partie de votre question concernait une obligation constitutionnelle. Nous envisageons une réforme du Sénat maintenant, après notre expérience au lac Meech et à Charlottetown. C'est comme un escalier: on ne passe pas d'un palier à l'autre d'une seule enjambée. On doit monter une marche à la fois.
    Ce que nous proposons, c'est la première marche: accepter le fait que le premier ministre est très déterminé à ce que les sénateurs soient choisis démocratiquement. Toutefois, il n'est pas constitutionnellement tenu d'accepter le résultat. Seule sa parole politique l'obligerait à le faire, et nous espérons pouvoir en profiter afin de laisser le plus grand nombre de provinces élire les sénateurs qu'elles veulent. Politiquement, le premier ministre s'engagerait à accepter le résultat de ces élections.
    Nous ne disons pas qu'il est constitutionnellement lié par une élection. Nous disons que c'est un processus électif et, politiquement, le lien serait très solide.

[Français]

    Plus loin, vous dites: « que les provinces soient disposées à élire des sénateurs. » Dans votre document, vous dites aussi que pour le Québec, on a eu Benoît Pelletier, il y a deux semaines, qui lui prône que ce soit les provinces, les gouvernements des provinces qui choisissent eux-mêmes les sénateurs, ou l'Assemblée nationale, comme vous le suggérez dans votre texte.
    Quand vous proposez que les provinces soient disposées à élire des sénateurs, parlez-vous de la population, des assemblées législatives ou, selon la province, pourrait-on avoir l'une ou l'autre des formules?
(1605)

[Traduction]

    Eh bien, notre premier choix serait...
    Excusez-moi, madame la présidente, suis-je censé répondre par votre entremise ou suis-je censé parler à...?
    Oui, par mon entremise, mais vous vous en tirez bien.
    D'accord, je suis désolé.

[Français]

    Tout passe par elle, mais pour le reste, on peut...

[Traduction]

    J'aurais dû m'enquérir du protocole avant de prendre la parole, et je vous demande pardon.
    Ne vous en faites pas. Je ne veux pas que vous perdiez le fil de vos idées. C'est une discussion intéressante.
    Merci.
    Je siège à plusieurs comités au Sénat depuis plusieurs mois maintenant, et nous ne passons pas par la présidence dans nos interventions. Je suis désolé.
    Pour répondre à votre question, monsieur, vous avez mentionné le Québec. Nous avons vu les négociations à Charlottetown en 1992, durant lesquelles nous avons conclu une entente sur un Sénat triple E. Toutes les provinces ont approuvé une représentation égale au Sénat. Toutes les provinces ont approuvé le concept des élections, sauf la province de Québec qui voulait élire ses sénateurs parmi les membres de son Assemblée nationale. C'est pourquoi nous avons inclus cela dans notre document. Nous avions prévu que c'est ce que voudrait le ministre Pelletier.
    Je dois dire que je n'ai pas encore eu de rencontres au Québec, mais il y aura un congrès à la fin de juillet, et j'espère que nous rencontrerons le ministre Pelletier à ce moment-là.

[Français]

    J'ai encore une question à poser. Vous faites référence à Vincent Pouliot, du Center for the Study of Responsible Government, et au fait qu'il propose que l'expression « parti politique » soit remplacée par « parti politique provincial ».
    J'aimerais que vous m'expliquiez quel en serait l'avantage. Pour ma part, je crois que, comme nous sommes au niveau fédéral, il est fort probable que le Parti conservateur voudra avoir son pendant, sans nécessairement que celui-ci ne soit un parti aussi structuré que celui de la Chambre des communes. Il voudra sûrement des sénateurs de philosophie conservatrice, et les libéraux voudront sûrement des sénateurs de philosophie libérale. Donc, dans les faits, le parti aura peut-être davantage de sections provinciales, mais il reflétera la réalité des divisions partisanes du niveau fédéral. Je voudrais donc que vous m'expliquiez ce qu'apporterait de plus le fait d'utiliser l'expression « parti politique provincial ».

[Traduction]

    Merci beaucoup pour la question.
    À notre avis, les mots « parti politique provincial » sont extrêmement importants parce que c'est ainsi que la législation de l'Alberta a été conçue. Chose intéressante, les gens qui l'ont élaborée à l'époque voulaient empêcher le Parti réformiste de présenter des candidats; c'est pourquoi ils ont exigé que ce soit un parti politique provincial, sans se rendre compte qu'on pouvait créer un parti politique provincial avec 1 500 signatures.
    Mais, la seule chose qui, selon nous, créerait un écart entre les partis fédéraux et le Sénat, c'est la personne qui signerait la nomination. Je ne veux pas qu'on croie que le premier ministre partage notre avis là-dessus. En fait, il préférerait probablement que les sénateurs soient élus au fédéral.
    Je dois préciser ici que dans le cadre du mandat qu'il m'a confié pour un dialogue avec les provinces, je parle aux premiers ministres ou à leurs représentants, mais je ne parle pas pour eux. Je ne parle pas non plus pour le premier ministre, mais je parle avec lui. Il y a une grande distinction ici, et je ne veux pas qu'on pense autrement. En d'autres termes, je transmets le message de la réforme du Sénat, comme je l'ai fait pendant 20 ans.
    Je crois que la majorité des Canadiens sont en faveur d'une sorte de réforme démocratique du Sénat. À l'heure actuelle, nous en sommes rendus à 14 personnes: un premier ministre consentant qui nommerait des sénateurs élus, et 13 premiers ministres qui auront l'occasion de décider s'ils veulent tenir des élections démocratiques ou non.
    Le premier ministre prendra la décision finale quant à savoir s'il respectera les partis politiques provinciaux comme représentants élus au Sénat, chose qu'il a déjà faite dans mon cas et dans celui de Stan Waters, le premier sénateur élu. C'est le premier ministre qui prendra cette décision, et je ne veux pas qu'on croie que je parle pour lui.
(1610)
    Merci.
    Monsieur Comartin.
    Je vais laisser passer mon tour, madame la présidente, merci.
    Merci.
    Monsieur Reid.
    Je vous remercie, sénateur Brown, d'être venu comparaître devant nous. Je crois que je n'exagère pas en disant que vous êtes un homme patient. Cela fait très longtemps que vous travaillez sur ce dossier.
    J'ai joint les rangs du Parti réformiste en 1991, et vous écriviez déjà sur ce sujet depuis un certain nombre d'années à l'époque.
    Je voulais connaître votre avis sur quelques points qui ont été soulevés dans nos discussions.
    Nous avons déjà entendu, bien sûr, plusieurs témoins, et certains se sont interrogés sur le danger d'avoir des sénateurs élus, qu'ils soient élus directement ou qu'ils soient, comme le propose le projet de loi, présélectionnés, c'est-à-dire suggérés ou recommandés au premier ministre qui peut ensuite fournir un avis au gouverneur général — peu importe le cas. On pense que le processus électoral amènera les sénateurs à devenir plus partisans, alors qu'à l'heure actuelle, ils le sont moins que leurs homologues à la Chambre des communes, c'est-à-dire les députés.
    Je me demande seulement si vous trouvez que le Sénat est moins partisan que la Chambre des communes.
    Madame la présidente, pour répondre à la question, je dois dire bien franchement que la seule surprise que j'ai eue depuis que je siège au Sénat en octobre, c'est de voir que les sénateurs sont, à tout le moins, plus partisans que les députés à la Chambre des communes. Cela m'a étonné. En fait, d'après mes conversations avec certains des sénateurs actuels — et je ne donnerai pas de noms parce que je ne crois pas à l'idée de critiquer des sénateurs particuliers —, je dois dire qu'à l'heure actuelle, ils se considèrent comme étant l'opposition du gouvernement. Cela me rend perplexe parce que, selon moi, à la Chambre des communes, il y a trois partis qui sont en opposition avec le gouvernement pour l'instant. J'ignore donc pourquoi les sénateurs le seraient aussi.
    Lorsque je me suis renseigné là-dessus auprès de certains des bibliothécaires parlementaires, j'ai découvert que ce n'était pas le cas il y a quelques années; le Sénat assurait plutôt un second examen objectif. Mais à l'heure actuelle, je crois honnêtement que le Sénat est contrôlé par les deux leaders du gouvernement à l'autre place — comme il nous est permis de l'appeler. Je crois qu'ils contrôlent le Sénat.
    Je vous remercie.
    Je dois admettre que cela confirme l'impression que j'avais, moi aussi, à savoir que le Sénat est un endroit où il y a déjà pas mal de partisanerie.
    Je voulais également votre avis sur un projet de loi en provenance du Sénat. Il est maintenant adopté par le Sénat, et je crois que M. Murphy a l'intention de le parrainer à la Chambre des communes lorsqu'il y sera déposé — le projet de loi S-224. En vertu de ce projet de loi, si un siège au Sénat devient vacant, le premier ministre devra proposer un remplaçant qualifié, essentiellement dans un délai de six mois.
    Je vais vous dire tout simplement ce que j'en pense. À mon avis, si ce projet de loi est adopté, il aura pour effet de nous empêcher de saisir l'occasion de réformer le Sénat, de l'élire ou même, dans la pratique, d'essayer de l'éliminer, comme le proposent les néo-démocrates. La raison en est simple: ce projet de loi poussera le gouvernement à combler tous les sièges vacants et ce, selon le choix qu'on lui donnera. Il pourra les combler par les conservateurs, auquel cas le premier ministre sera forcé de s'engager dans le même processus partisan et sera qualifié d'hypocrite, etc., l'obligeant ainsi à défendre cette position. Ou encore, il faudra nommer un mélange quelconque de conservateurs et de libéraux, étant donné que les néo-démocrates et les bloquistes ne voudront sans doute pas proposer de candidats. Le projet de loi est donc conçu, me semble-t-il, pour faire échec à toute tentative de démocratiser le Sénat.
    Je me demande si vous partagez mon avis ou si vous avez un point de vue différent.
(1615)
    Oui, pour répondre par l'entremise de la présidente encore une fois, monsieur Reid. En fait, j'ai rédigé un bref amendement au projet de loi S-224, pour qu'au lieu de devoir combler les sièges vacants dans un délai précis, on les comble au terme d'un processus consultatif avec les provinces. J'ai essayé de garder le libellé aussi simple que possible, tout en veillant à ce qu'il favorise quand même la démocratie.
    À mon avis, si le projet de loi S-224, il obtient l'approbation des deux Chambres, je ne suis pas sûr qu'il puisse être appliqué. Je suis allé à la Bibliothèque parlementaire, ma plus grande source d'information depuis que je suis ici, et j'ai découvert que certains des sièges sont restés vacants pendant aussi longtemps que huit ans. Le Manitoba détient en fait le record. Un certain nombre de sièges sont restés vacants pendant sept ans et de nombreux autres, pendant six ans. Certains sièges ont été vacants pendant, je crois, 405 jours, moins de deux ans, mais notre Constitution se fonde sur les précédents, à bien des égards. La raison pour laquelle je dis cela, c'est que la Constitution ne fait aucune mention de la nomination des sénateurs par le premier ministre. C'est le gouverneur général qui s'en occupe, et je vais essayer de citer l'extrait textuellement:
Le gouverneur-général mandera de temps à autre au Sénat... des personnes ayant les qualifications voulues...
    ... pour représenter les provinces selon les représentations indiquées dont on donne la liste.
    Mais je n'ai pas plus d'espoir pour le projet de loi S-224 que pour le projet de loi C-20 dans sa forme actuelle. Je crois que si nous pouvions parler du fait que les sénateurs sont prêts à accepter un mandat maximal de 12 ans et que nous pourrions servir la démocratie grâce à un amendement qui permettrait deux mandats de six ans, nous aurions quelque chose de spectaculaire pour le pays.
    Merci.
    Est-ce qu'il me reste encore du temps, madame la présidente?
    Vous avez du temps pour une toute petite question.
    Merci. Je serai très bref dans ce cas-là.
    Pour ce qui est de l'amendement Elton dont vous avez parlé, c'est la première fois que j'en entends parler, mais j'avais entendu des idées analogues dans les séances mixtes, et tout le reste. J'ai une question d'ordre technique.
    On parle d'une majorité de sénateurs de chaque province. La plupart des provinces ont un nombre égal de représentants au Sénat — par exemple, à l'heure actuelle, 6 de l'Alberta, 10 de la Nouvelle-Écosse, 4 de l'Île-du-Prince-Édouard, 24 de l'Ontario. Donc, est-ce que vous voulez dire 50 p. 100 des sénateurs, ou 50 p. 100 plus un des sénateurs de chaque province? Autrement dit, dans la représentation actuelle, si l'on a dix sénateurs d'une seule province, a-t-on besoin de six voix en faveur? Cela fait une grande différence lorsqu'on veut déterminer à quel point l'obstacle sera difficile à surmonter.
    Encore une fois, par l'entremise de la présidente, la raison pour laquelle vous n'avez pas entendu parler de la disposition de dérogation Elton, c'est qu'elle ne date que d'environ un mois. En fait, le premier ministre m'a dit, il y a un certain temps, qu'il voulait s'assurer que la suprématie de la Chambre des communes l'emporterait à la fin. Déterminé à trouver une façon d'y arriver, j'ai demandé au sénateur Hugh Segal d'examiner les lois du Parlement britannique, de 1911 à 1945. J'ai lu pas mal de choses ennuyantes, mais il y a de quoi perdre la tête juste après 48 pages de lecture sur ce que les Britanniques ont essayé de faire avec la Chambre des lords. Je suis donc retourné voir le professeur David Elton parce qu'il a été mon principal mentor. Nous avions eu recours à des conseillers constitutionnels de tout le reste du Canada, mais le professeur Elton a été le premier et le plus efficace de tous. J'ai donc porté le problème à son attention et, deux ou trois semaines plus tard, il m'est revenu avec ce qu'on a appelé la disposition de dérogation Elton.
    Pour répondre à votre question précisément, le premier vote doit être une majorité simple du Sénat. Autrement dit, les provinces de l'Ontario et de Québec pourraient, à elles seules, décider que leurs représentants renvoient le projet de loi à la Chambre des communes. Et si la Chambre voulait voter une fois de plus sur le projet de loi, alors la dérogation reviendrait au Sénat et non à la Chambre des communes. Afin d'exercer le pouvoir de dérogation, le Sénat doit démontrer qu'il a une majorité de représentants élus de sept provinces sur dix, représentant 50 p. 100 de la population.
    C'est une dérogation on ne peut plus musclée, mais si vous avez une Chambre des communes qui fait fi d'une telle dérogation, alors le projet de loi risque probablement d'échouer.
(1620)
    Merci, monsieur.
    Madame Fry.
    J'aimerais remercier le sénateur de témoigner devant nous aujourd'hui. Vous avez soulevé quelques points importants.
    J'aimerais poser des questions sur certaines des choses que vous avez évoquées dans votre exposé, tout simplement pour les clarifier un peu. À la deuxième page, vous dites qu'un « Sénat réformé aurait pu empêcher les gouvernements majoritaires précédents de mener le Canada au bord du gouffre financier ». Dans votre disposition de dérogation Elton, vous laissez entendre que si les Communes n'aiment pas la façon dont le Sénat a voté, elles peuvent renvoyer leur projet de loi.
    Comme vous le savez bien, n'importe quel projet de loi qui porte sur un désastre financier aurait besoin d'un vote de confiance à la Chambre des communes et au sein du gouvernement de l'heure; de toute évidence, le gouvernement serait donc obligé de le renvoyer si le Sénat votait contre. On se trouverait alors dans une impasse, et le Sénat, en vertu de la disposition de dérogation Elton, n'aurait effectivement pas la capacité d'arrêter cela, même si le projet de loi de finances était considéré comme étant nuisible.
    Ces deux éléments ne semblent pas concorder; ils semblent être contradictoires. Peut-être que vous pourriez m'éclairer.
    Deuxièmement, vous dites: « Ce nouveau Sénat serait vraiment la Chambre des provinces » dans la disposition de dérogation Elton. Est-ce vraiment ce qu'on essaie de faire? Essaie-t-on de créer une autre série de gouvernements provinciaux qui auront ensuite la capacité de contrôler le gouvernement fédéral et la Chambre des communes?
    Nous avons vu, à maintes reprises, que les provinces ont une façon très distincte et très différente de voir les choses. Cela n'enfreindra-t-il pas le mandat et la compétence du gouvernement fédéral à bien des égards si ces sénateurs sont la « Chambre des provinces », comme vous dites? Voilà ma deuxième question.
    Comme dernière question, vous avez dit que tout cela est possible si l'on a un premier ministre qui « s'engage à respecter le fait que des personnes soient élues dans leur province pour représenter leurs commettants au Sénat ». Mais qu'en est-il d'un premier ministre qui s'engage à respecter, d'abord et avant tout, la Constitution? À mon avis, ce projet de loi comporte un tel tour de passe-passe qu'à bien des égards, il méprise fondamentalement la Constitution.
    Voilà les trois choses que je voulais porter à votre attention, et j'aimerais entendre ce que vous avez à dire là-dessus.
    Toujours par l'entremise de la présidence, je voudrais répondre à vos questions dans l'ordre inverse, si vous me le permettez.
    Si le Sénat devenait la Chambre des provinces, ce serait, je crois, une solution à bien des problèmes auxquels notre pays a fait face. Les provinces, en vertu de la Loi constitutionnelle elle-même, ou de la loi sur la souveraineté sur les soins de santé, l'éducation, les services sociaux, la main-d'oeuvre, etc... cela rappelle énormément les problèmes que le Québec a eus avec le gouvernement fédéral dans le passé. Ces questions, à elles seules, ont presque causé la tenue de plusieurs référendums pour la séparation.
    La raison pour laquelle j'ai distribué cette photo, c'est pour vous faire comprendre que notre comité est entièrement déterminé à préserver l'unité de notre pays. Ces mots ont été tracés dans les champs de céréales en Alberta, en 1992, trois semaines avant le dernier référendum. C'était notre réponse à une invitation à prendre part à un rassemblement à Montréal pour déployer ce drapeau gigantesque. Nous voulions faire quelque chose. Cette image a fini par faire les manchettes de beaucoup de journaux au Québec. C'est pourquoi je vous l'ai distribuée.
    Tel est notre but: répondre aux besoins de toutes les provinces. En vertu de la Constitution, elles ont compétence en matière de soins de santé, de services sociaux, de main-d'oeuvre, etc., et nous voulons qu'elles aient un mot à dire dans le gouvernement durant l'adoption d'un projet de loi, au lieu de lutter contre un projet de loi qu'elles n'aiment pas une fois que celui-ci est adopté.
(1625)
    Monsieur Brown, voici l'effet que cela aurait: les provinces l'emporteraient sur les décisions du gouvernement fédéral portant sur des questions particulières qui relèvent spécifiquement de la compétence fédérale. Le gouvernement fédéral ne tente jamais, et n'a jamais tenté, de passer outre à la compétence provinciale, mais négocie plutôt avec les provinces dans certains domaines. C'est pourquoi on a créé l'union sociale comme moyen de régler cette question.
    En d'autres termes, cela laisse entendre qu'au lieu d'avoir un gouvernement fédéral et une Chambre des communes, nous ne devrions avoir que les provinces dotées de parlements provinciaux qui dirigeraient alors le pays dans son ensemble. Tel en serait l'effet; je ne dis pas que c'est ce que vous suggérez, mais tel en serait vraiment l'effet, parce que le Sénat a la capacité de passer outre aux projets de loi de la Chambre des communes ou de les rejeter. Par conséquent, selon moi, cela aurait un effet très négatif sur le gouvernement fédéral et la compétence fédérale.
    Madame Fry, votre temps est épuisé, mais je pense que nous devrions permettre au sénateur Brown de répondre à vos questions.
    Merci, madame la présidente.
    Sur ce point, je dois dire que je ne suis pas du tout d'accord avec vous pour la simple raison que j'ai été témoin à une assignation du premier ministre de l'époque afin de traiter de la question des soins de santé. Tous les premiers ministres provinciaux et territoriaux assistaient à la réunion, qui était télévisée. Le premier ministre a dit que chaque premier ministre provincial et territorial aurait cinq minutes pour se prononcer sur le sujet. Lorsque ce fut le tour du premier ministre de l'Alberta, coïncidence, on avait déjà commencé à distribuer un document. Avant que le premier ministre albertain puisse terminer son discours, le premier ministre a dit: « C'est à prendre ou à laisser », puis a quitté la salle. Le premier ministre de l'Alberta est allé dans un casino.
    C'est juste un des problèmes.
    À la question précédente, vous avez voulu savoir pourquoi nous disions que ce pays avait été mené au bord du gouffre financier. Cela remonte à 1981-1982 lorsque nous avions déjà une énorme dette. Je ne me souviens pas du chiffre exact, mais c'était de l'ordre de 550 milliards de dollars, et nous étions sur le point d'atteindre les 680 milliards de dollars. Nous étions en train d'accumuler une dette de 9 milliards de dollars par mois. L'homme qui a créé cette disposition de dérogation est en fait venu me voir pour m'apprendre que, dans 18 mois, le FMI nous dirait comment diriger le pays. Je ne blâme aucun parti politique en particulier parce que l'accumulation de cette dette s'est étalée sur une période où les chefs et les premiers ministres du pays provenaient de deux partis politiques.
    M. Elton s'est posé les questions suivantes: comment mettre fin à cela? Comment faire comprendre aux gens qu'un premier ministre avec un gouvernement majoritaire a des pouvoirs illimités? La Constitution n'impose aucune limite aux pouvoirs d'un premier ministre, à part l'éventualité d'une révolte par son Cabinet. Toutefois, les membres du Cabinet se révoltent très rarement s'ils ont des enfants au collège, aiment avoir une voiture avec chauffeur, ou s'ils ont l'intention de devenir ministre ou secrétaire parlementaire, ou peu importe.
    À la Chambre des communes à l'heure actuelle, peu importe l'affiliation politique du premier ministre — et je ne veux pas qu'on pense que je suis en train d'attaquer un parti plutôt qu'un autre —, n'importe quel premier ministre peut embarquer le pays sur une voie que personne ne veut emprunter, sans qu'on puisse l'arrêter. Ainsi, lorsque la dette a commencé à s'accumuler et à grimper de 9 milliards de dollars par mois, il a été impossible de faire demi-tour avant que 300 milliards de dollars supplémentaires s'ajoutent à la dette. Par conséquent, le pays a dû effectuer beaucoup de manoeuvres pour en arriver où nous sommes maintenant, c'est-à-dire, à ma connaissance, à un peu moins de 500 milliards de dollars.
    Lorsque j'en ai parlé au gouvernement provincial en Alberta, j'ai demandé au Trésor de calculer le total, à supposer qu'on rembourse 5 milliards de dollars par an à 5 p. 100. Résultat: 2 780 milliards de dollars pour payer la dette nationale à l'époque.
    Je ne connais pas de meilleure façon pour expliquer pourquoi nous avons besoin d'un Sénat qui peut servir les intérêts des provinces, d'un Sénat qui a non seulement un mot à dire et une capacité d'apporter des amendements, mais aussi éventuellement, d'exercer un droit de veto. Il n'est pas nécessaire que ce soit une motion confiance. Une chose que le Sénat ne peut pas faire actuellement, c'est présenter des projets de loi pour dépenser beaucoup d'argent. Il a le pouvoir d'y opposer son veto, pouvoir s'il n'exerce tout simplement pas.
(1630)
    Merci, sénateur Brown.
    Monsieur Lukiwski.
    Merci, sénateur, d'être des nôtres.
    J'aimerais obtenir très brièvement une clarification concernant la question posée tout à l'heure par mon collègue, M. Reid, à propos de la disposition de dérogation Elton.
    Sa question était la suivante. Selon la règle des 7/50, comme il y a un nombre égal de sénateurs dans chaque province, la disposition de dérogation signifie-t-elle que si, disons, une province compte dix sénateurs, elle aura besoin de six voix en faveur? Ou est-ce que cela signifie que le total des voix au Sénat doit inclure 50 p. 100 des grandes provinces plus une voix? Cela change les chiffres assez considérablement.
    Nous n'en sommes pas encore rendus à un tel degré de détails concernant la disposition de dérogation, mais je peux vous dire qu'il faut une majorité de sénateurs de chacune des sept provinces sur dix et qu'ils doivent représenter... Donc, le nombre de sénateurs importe peu. Si vous en avez six, vous aurez besoin de quatre voix pour avoir une majorité.
    C'est ce qu'on cherchait à savoir parce qu'en théorie, le Sénat pourrait avoir une majorité de voix, incluant les provinces représentant au moins 50 p. 100 de la population. Ainsi, une province qui occupe dix sièges au Sénat pourrait avoir cinq voix, alors qu'une autre pourrait en avoir huit sur dix. Au bout du compte, le nombre de voix serait supérieur à ce qui est requis. Par conséquent, sept des provinces qui votent doivent avoir des majorités simples.
    Oui. Parmi tous les documents que nous avons épluchés dans le cadre de la recherche que nous avons confiée au sénateur Segal, c'était la méthode la plus simple. Les lois du Parlement britannique de 1911 et 1945 ne fonctionnaient tout simplement pas. Elles étaient trop compliquées et ne fixaient pas un délai qui empêcherait la Chambre des lords de simplement tarder à accepter un projet de loi jusqu'à la prorogation du Parlement, jusqu'à la fin d'une session parlementaire, ou peu importe.
    Le délai doit être fixé et définitif.
(1635)
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Moore.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, sénateur Brown.
    Il y a une chose qu'on n'a pas abordée aujourd'hui. Nous avons entendu parler de certains des commentaires des différents premiers ministres, des provinces et des partis, et vous êtes probablement mieux placé que quiconque pour répondre à la question. Êtes-vous au courant de ce que pensent les Canadiens ordinaires sur la question des changements au Sénat? En tant que députés, nous avons tous probablement entendu dire, à différents degrés, dans nos circonscriptions que les Canadiens devraient avoir un certain mot à dire sur ceux qui les dirigent — c'est ainsi qu'ils présentent la chose parfois — ou qui les gouvernent, surtout lorsqu'on tient compte de certains des pouvoirs de notre Sénat.
    Croyez-le ou non, nous nous sommes lancés dans cette discussion aujourd'hui sans vraiment parler de ce que vous disent les gens, les Canadiens, les électeurs, pour ce qui est de savoir s'ils souhaitent avoir un certain mot à dire dans le choix de ceux qui les gouvernent.
    Toujours en passant par la présidence, pour répondre à votre question précisément, le comité n'a jamais tenu de sondage, mais au début de nos travaux, c'est-à-dire probablement à notre troisième année d'existence — nous allons célébrer notre 25e anniversaire le 13 août cette année —, nous avons eu un appel de Maclean's/Decima pour savoir si nous aimerions faire un sondage sur le degré d'appui des Canadiens à l'égard d'un Sénat triple E. Nous avons accepté, mais seulement pour apprendre que cela nous coûterait 100 000 $. Nous n'avons jamais eu un budget de l'ordre de 100 000 $, et personne au comité, sauf une secrétaire, ne touche un salaire; ils nous ont donc dit qu'ils ne feraient que l'inclure dans leur sondage régulier.
    Et ils l'ont fait pendant de nombreuses années. Je crois que, selon le premier sondage, la faveur populaire était de l'ordre de 55 p. 100. C'était à la grandeur du Canada. Je crois que le résultat de 79 p. 100 provenait d'un sondage Crop. Une semaine après l'arrivée au pouvoir du premier ministre actuel, Mike Duffy a fait un sondage informel sur CTV en posant uniquement la question: « Aimeriez-vous élire vos sénateurs, oui ou non? ». Le résultat a été de 83,1 p. 100. Nous étions bouche bée. Selon le dernier sondage, administré par Sun Media à Calgary, la faveur populaire était de 93 p. 100.
    C'est tout ce que je peux vous dire sur ce que les Canadiens veulent en matière de démocratie. Lorsqu'on entre dans les détails, c'est-à-dire le degré de pouvoir qu'ils aimeraient avoir et tout le reste, je crois qu'il faut que les assemblées législatives provinciales se rassemblent en vue d'un amendement distinct. Elles doivent en discuter ensemble, comme on l'a fait à Charlottetown. J'ai passé cinq jours à l'édifice Pearson durant les négociations de Charlottetown, et nous avons discuté de cette question avec le premier ministre Harcourt et son groupe, le premier ministre Getty et son groupe, le premier ministre Devine et son groupe, le premier ministre Filmon et son groupe, et le premier ministre Clyde Wells. Ce qui nous a étonnés, c'est lorsque le premier ministre Rae, alors premier ministre de l'Ontario, a accepté la disposition d'égalité. Tout a commencé avec une question du premier ministre Filmon. Le premier ministre Rae a dit que l'Ontario s'était retrouvé dans le pétrin après avoir renoncé à des sièges au Sénat du temps de Peterson et du lac Meech et que la province ne referait pas la même chose. Le premier ministre Filmon a alors dit, dans mon souvenir, que tous les animaux sont égaux, sauf que certains sont plus égaux que d'autres. Et c'est ainsi que nous avons pu faire adopter la disposition de l'égalité.
    Sénateur, voici une autre question qui a déjà été soulevée. À la lumière de ce qui semble être un appui massif — selon certains sondages, y compris celui que vous avez inclus — à l'idée de permettre aux Canadiens de participer démocratiquement, en partant du principe que les Canadiens devraient contribuer démocratiquement à leurs institutions, considéreriez-vous l'absence d'un consensus parfait ou d'une législation parfaite comme un obstacle aux efforts visant à satisfaire la volonté des Canadiens qui veulent avoir un certain mot à dire? Certains des témoins qui ont comparu devant nous ont laissé entendre que, tant qu'il n'y aurait pas de conjoncture parfaite ou de formule parfaite, nous ne devrions rien faire. Si ce n'est pas parfait, ne faisons rien. Toutefois, quiconque ayant un peu de vécu sait que, dans la vie, rien n'est parfait.
    Je me demande ce que vous en pensez. Considérez-vous cela comme un obstacle — c'est-à-dire pensez-vous que si nous ne parvenons pas aux conditions parfaites, alors nous ne devrions pas aller de l'avant?
(1640)
    Par l'entremise de la présidente encore une fois, je dirai que non, rien n'est un obstacle pour moi. Je travaille sur cette question depuis longtemps; nous avons donc entendu toutes sortes de propositions de la part de toutes sortes d'experts et de pontes, et nous les voyons encore lorsque je parle publiquement de certaines des discussions avec les premiers ministres provinciaux et territoriaux.
    Je crois que cela revient à ce que j'ai dit. À mon avis, nous devrions rechercher la démocratie au Sénat; par la suite, il faudra cinq à huit ans pour obtenir une majorité de sénateurs qui sont élus, et il y aura des sièges vacants naturellement à mesure que les sénateurs atteindront l'âge de 75 ans. Comme je l'ai dit, depuis hier, nous avons 15 sièges vacants. Nous en aurons 17 d'ici la fin de l'année, puis 29 d'ici la fin de 2009. Si nous tenons des élections pour combler tous ces sièges vacants, il faudra cinq à huit ans avant d'avoir une majorité. Autrement dit, il faudra cinq à huit ans avant de découvrir si les gens comme moi méritent d'être au Sénat et si nous valons plus qu'un autre.
    Je ne veux pas insinuer, encore une fois, qu'il y a quelque chose qui cloche avec les personnes au Sénat. On y trouve des gens remarquables. Par exemple, il y a le Dr Keon qui vient juste d'être nommé au Temple de la renommée médicale; il est dévoué, plus que toute personne que je connais, à la cause des jeunes Canadiens, des pauvres, des enfants, etc. Je siège à son comité, et j'admire absolument son intelligence et son engagement. Je ne vais pas commencer à nommer toute une série de sénateurs parce que je finirais par oublier quelqu'un. Je mentionne le sénateur Keon en particulier parce qu'il a récemment été nommé au Temple de la renommée médicale.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Murphy.
    Comme il ne me restait plus de temps tout à l'heure, j'aimerais revenir à la question de savoir quelles seraient les conséquences d'un Sénat élu et comment les sénateurs élus comme vous se sentiraient. Je suppose qu'ils se diraient qu'ils ont été choisis par le peuple pour représenter son intérêt, à l'instar de ce qu'a dit Rob Moore. Voilà qui semble juste. Les Canadiens accepteraient cela; j'en suis sûr.
    Mais du côté de la Chambre des communes, cette réalité existe déjà. On y trouve des gens élus par le peuple. Avec le projet de loi C-20, en fait, je pourrais dire que dans la province du Nouveau-Brunswick, que moi et Rob Moore représentons, chaque sénateur pourrait avoir un mandat plus grand — c'est-à-dire, par des votes — que chacun de nous parce que leur circonscription couvrirait l'ensemble de la province du Nouveau-Brunswick. Ils se sentiraient donc ivres de pouvoir, si vous voulez. Ensuite, nous nous retrouvons ici, avec un Sénat élu — disons, les sénateurs du Nouveau-Brunswick et les députés du Nouveau-Brunswick — et nous nous querellons à propos d'un projet de loi, par exemple. La Constitution ne changera pas avec le projet de loi C-20; nous ferons donc face à une impasse entre les deux chambres, sans aucun mécanisme pour le résoudre.
    Ce que vous avez dit à propos du souhait du premier ministre que la Chambre des communes conserve sa suprématie, même si c'était bien intentionné de votre part — et je vous considère comme un homme franc et direct qui se consacre à une cause depuis si longtemps —, cela semble sonner faux. Le premier ministre vous a dit que la Chambre des communes devrait garder sa suprématie, et pourtant le projet de loi ne semble pas assurer cela, et ne peut probablement pas le faire sans une sorte de changement constitutionnel. Alors le projet de loi C-20 n'est-il qu'une perte de temps? Vous croyez — du moins, c'est ce que je pense, et j'aimerais connaître votre avis là-dessus — que la Chambre des communes devrait l'emporter sur le Sénat. Pourtant, si les deux chambres sont élues, laissez-moi vous dire que, selon moi, dans la pratique, les sénateurs élus se sentiraient aussi puissants que les députés élus et, avec le temps, on pourrait assister à un peu de querelle sur la question de savoir qui a plus de pouvoir. La Constitution ne dit pas que la Chambre des communes a la suprématie.
    Si le premier ministre vous a vraiment dit ce qu'il pensait, alors je ne sais pas pourquoi son ministre de la Réforme démocratique, le leader du gouvernement à la Chambre, ne l'a pas dit au moment du dépôt du projet de loi. Je ne sais pas pourquoi il n'a pas dit que le blocage ne poserait pas de problème puisque nous faisons en sorte que la Chambre des communes conserve sa suprématie. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
(1645)
    Ce que je peux vous dire, c'est que cela m'amènerait, madame la présidente... là encore, je pense ne pas bien faire; je devrais vous appeler « l'honorable madame la présidente ».
    Je suis davantage intéressée par le déroulement de la discussion, donc ne vous en faites pas.
    Merci.
    Je crois, tout d'abord, que le type de Sénat que nous envisageons, c'est le Sénat australien. Les sénateurs australiens — qui sont tous élus, avec un nombre égal par État — ont cru faire face à une crise constitutionnelle parce qu'à un moment donné, ils se trouvés dans une impasse relativement à une question. Et j'ignore les détails du projet de loi — je ne pense pas que c'était le budget —, mais ils en sont venus à bout parce qu'ils se sont tout simplement rencontrés et ils ont dit: « D'accord, nous devons résoudre ce problème; nous ne voulons pas dissoudre le gouvernement ni créer une crise constitutionnelle. »
    C'est pourquoi nous avons pensé à la disposition de dérogation comme mesure de prévention. Si vous avez le temps, envisagez la dérogation, mais avec une autre condition: que les gens élus au Sénat représentent des partis politiques provinciaux. La raison pour laquelle nous nous sommes battus si fort à cet égard, c'est que certains partis ne sont pas actuellement représentés au Sénat, ni à la Chambre des communes. Ainsi, le Parti Québécois serait en mesure de présenter des candidats pour le Sénat. La Colombie-Britannique — aidez-moi; ils étaient au pouvoir à...
    Oui, le Parti de la Saskatchewan, etc.
    Oui, le Parti de la Saskatchewan. Bien. Merci. J'avais un trou de mémoire.
    Il y a un parti au Québec qui revient au pouvoir de temps à autre, pas seulement le NPD, mais aussi le Parti Crédit quelque chose... Pardon?
    Action démocratique?
    Non, je parle de la Colombie-Britannique.
    Crédit social.
    Oui, le Parti Crédit social. Merci beaucoup. Je suis désolé, j'ai beaucoup de choses à l'esprit.
    Là où nous voulons en venir, c'est que si on avait un si grand nombre de partis différents et qu'on était tenu d'obtenir une majorité à partir de ce grand nombre de partis, ce serait quelque chose de très important pour non seulement les habitants d'une province particulière, mais pour ceux de deux ou trois provinces, et de toutes les allégeances politiques. On y trouverait aussi des partis indépendants, parce que quand on tient des élections, il faut également laisser les gens se présenter comme candidats indépendants.
    Je sais que je suis très enthousiaste à l'idée de la disposition de dérogation Elton, parce que j'ai lu beaucoup de choses très compliquées, mais je crois réellement que c'est la réponse à la préservation de la suprématie de la Chambre des communes, tout en donnant une grande influence au Sénat grâce aux pouvoirs dont il dispose maintenant.
    Permettez-moi de conclure en disant ce qui suit: je ne pense pas que le Sénat opposera son veto à beaucoup de projets de loi, un point c'est tout. Je crois plutôt qu'il en amendera certains. J'imagine les sénateurs en train de parler avec les députés, à la cafétéria et dans les couloirs, chose qu'il font maintenant aussi. Je les imagine en train de dire quelque chose comme: « Nous estimons qu'il y a beaucoup de résistance à l'égard de tel ou tel projet de loi; pourquoi ne l'amendez-vous pas avant que nous ayons à le faire? »
    Souvenez-vous de la TPS. C'était la première fois que je voyais le Sénat exercer un pouvoir réel. Lorsque la TPS a été présentée à 11 p. 100, il y a eu un tollé de protestations... Je pense que le premier ministre de l'époque était Mulroney. Tous les députés qui étaient au pouvoir recevaient des appels et des menaces de leurs circonscriptions: « Si vous acceptez cette taxe de 11 p. 100, nous allons voter contre vous aux prochaines élections. »
    Le premier ministre a donc réduit la taxe à 9 p. 100, l'a présentée de nouveau, et dit à ses députés de s'asseoir et de se la fermer, puis il est allé de l'avant. Les Canadiens se sont alors tournés vers les sénateurs, et ils ont commencé à les appeler, à leur envoyer des fax; bref, ils ont tout fait pour s'opposer à la TPS de 9 p. 100. C'est alors que le Sénat a fait la première tentative d'obstruction dont j'ai jamais entendu parler. On entendait des mirlitons à la chambre du Sénat, et un gars était en train de lire des recettes. Tout cela est inscrit dans le hansard; vous pouvez le trouver si cela vous intéresse.
    Par la suite, le premier ministre Brian Mulroney a nommé huit sénateurs extraordinaires pour la première fois dans l'histoire de cette disposition de la Constitution. En vertu de cette disposition, il est possible de nommer deux sénateurs extraordinaires par région de façon à ce qu'un Sénat qui essaie de faire de l'obstruction puisse être vaincu par une majorité de ce parti. Il a donc exercé ce privilège, puis a fait adopter la taxe à 7 p. 100 — mais, il l'avait réduite de 2 p. 100 de plus.
(1650)
    Merci.
    Monsieur Gourde.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'aimerais remercier et féliciter le sénateur Brown du travail qu'il a fait au cours de sa vie, surtout au cours des 20 dernières années, pour promouvoir un Sénat élu. Je suis persuadé que si le Québec peut emboîter le pas et élire ses sénateurs un jour, un député ou un ex-député du Bloc québécois sera un jour élu sénateur.
    Monsieur le sénateur, sentez-vous actuellement beaucoup de réticence à l'endroit d'un Sénat élu chez vos confrères et consoeurs du Sénat?

[Traduction]

    Oui, il y a beaucoup d'hésitation de l'autre côté. Du mien, je ne crois pas qu'une majorité absolue de tous les sénateurs puisse être qualifiée de « conservateurs ». Mais je suis traité avec respect. On ne me vilipende pas. Je ne considère pas les sénateurs de l'autre côté comme mes ennemis ou quelque chose de ce genre. Je me sens assez à l'aise, du moins pour l'instant. Si j'obtiens trop de succès, ma popularité ne durera pas.
    À mon avis, tout le monde craint que les sénateurs élus viennent ici se pavaner en disant: « Nous sommes élus et, vous autres, vous n'êtes rien. » Je ne pense pas que vous verrez cela.

[Français]

    Il est évident que lorsque le Sénat sera élu, les candidats au poste de sénateur devront faire une campagne électorale.
    Pensez-vous que c'est l'une des réticences des sénateurs en place? Peut-être les sénateurs d'allégeance libérale trouvent-ils cela plus difficile qu'une nomination. Une nomination, c'est relativement facile. On est nommé sénateur et on n'a pas de problème. Par contre, si on doit être élu, on doit faire toute une campagne électorale et avoir une certaine notoriété à l'échelle de la province.

[Traduction]

    Par l'entremise de la présidente encore une fois, nous ne considérons aucunement les sénateurs actuels comme des ennemis. Nous avons dit à plusieurs d'entre eux que le premier sénateur, de n'importe quelle province, qui démissionnera et se portera candidat sera probablement élu avec une majorité écrasante. Deuxièmement, nous n'essayons pas de forcer l'un ou l'autre d'entre eux — un point, c'est tout.
    Tout ce que nous voulons, c'est combler les sièges vacants. Pourquoi? Parce que nous voulons accorder aux Canadiens un délai pour leur permettre d'observer le travail des sénateurs élus et voir s'ils pensent... La seule raison d'une élection, selon moi, c'est que si vous n'aimez pas le travail que votre sénateur fait pour vous, vous ne voterez pas pour lui une seconde fois. Je crois que c'est le fondement de la démocratie. Je sais que tel est le cas avec vous tous. Vous avez des élections de temps en temps et, pour l'instant, ce n'est pas du tout certain s'il y aura des élections la semaine prochaine ou le mois prochain, ou s'il y en aura l'année prochaine.
    Mais je crois également en des élections fixes. Nous avons dit que nous aimerions voir les sénateurs élus occuper un mandat de six ans pour qu'ils n'interfèrent pas avec les élections des députés, la plupart du temps. Et s'ils sont élus par les provinces, il n'y aura certainement pas d'interférence puisque, chaque année, environ trois provinces tiennent des élections provinciales; elles pourront donc tenir leurs élections sénatoriales en même temps.
(1655)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Reid, vous avez le dernier tour de questions.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Sénateur, vous avez parlé de certains changements qui nécessiteraient forcément une modification constitutionnelle de la formule des 7/50. Sans conteste, les changements que vous proposez — c'est-à-dire l'ajout d'une disposition comme la dérogation Elton ou des changements au nombre de sénateurs par province — nécessitent une révision concernant la formule des 7/50.
    Certains témoins nous ont dit que c'est la bonne voie à suivre pour n'importe quelle modification au Sénat, y compris les changements modestes envisagés dans le projet de loi C-19 et le projet de loi C-20.
    Je profite de l'occasion pour faire une petite observation — et libre à vous de commenter lorsque j'aurai terminé —, plus particulièrement sur la raison pour laquelle il peut s'avérer problématique de se tourner vers les provinces pour obtenir leur consentement à l'égard de ces questions.
    Il arrive, à l'occasion, qu'un de nos témoins nous explique comment d'autres pays ont modifié leurs constitutions. Les Australiens, par exemple, exigent l'appui d'une majorité d'États, à savoir quatre sur six États. La Suisse, pour sa part, exige une majorité de cantons, ainsi qu'une majorité de la population. Les Américains, bien entendu, exigent l'appui des trois quarts des États.
    Mais dans les cas de la Suisse et de l'Australie, ce sont vraiment les gens des États qui décident du référendum. Pour ce qui est des États-Unis, l'existence même de tant d'États empêche ce qui se passe ici au Canada, c'est-à-dire qu'on cherche réellement à obtenir l'appui des premiers ministres qui, dans notre système, sont bel et bien des dictateurs élus dans leurs provinces, tout comme notre premier ministre est un dictateur élu ici, grâce à la force de la discipline de parti dans notre système.
    La conséquence, c'est que nous pouvons nous retrouver dans une situation analogue à celle de l'accord du lac Meech, et particulièrement de l'accord de Charlottetown, où ils agissent essentiellement comme des barons féodaux en train de marchander: « Je vous donnerai telle disposition si vous me donnez telle autre disposition », etc. Avant que l'on s'en rende compte, on aura créé un cancer qui ne cessera de croître comme l'accord de Charlottetown, qui comprend effectivement toutes les dispositions imaginables — et le Sénat n'est qu'une partie de cette grosse tumeur, à savoir une modification constitutionnelle dont nous sommes maintenant saisis.
    Je crains beaucoup que nous soyons incapables d'obtenir le consentement de la majorité des premiers ministres ou des sept premiers ministres, représentant la moitié de la population, sans mettre de côté le Sénat et passer à d'autres sujets. Cela m'inquiète un peu.
    Je me demande si vous avez les mêmes préoccupations — ou peut-être n'en avez-vous pas?
    Oui, pour répondre par l'entremise de l'honorable madame la présidente, je n'ai aucune préoccupation parce que j'ai passé par le processus une fois à Charlottetown, et nous n'avions pas une majorité de sept provinces sur dix, mais de dix sur dix. Même les premiers ministres territoriaux étaient du nombre — il n'y avait que deux gouvernements territoriaux à l'époque.
    La raison pour laquelle je n'ai pas de problème, c'est que nous demandons une modification constitutionnelle distincte. Il y en a eu deux dans toute l'histoire du pays, à ma connaissance. Il se peut qu'il y en ait plus. Il y en a eu une à Terre-Neuve sur la séparation des églises, et une autre au Québec sur le bilinguisme. C'étaient deux modifications constitutionnelles distinctes. Il n'y a eu aucune dissidence de la part des provinces. Elles ont toutes signé; elles ont toutes accepté.
    Nous pouvons leur donner un délai de cinq à huit ans pour voir comment cette chose évoluera, puis leur dire: « D'accord, vous avez une date butoir qui arrive à grands pas. Nous ne sommes pas exactement sûrs de quoi il s'agit, mais vous ne voudrez probablement pas avoir un Sénat élu qui a une majorité si vous n'avez pas réglé la question de la représentation et des pouvoirs. »
    Voilà pourquoi nous considérons le processus comme un escalier; nous en sommes à la première marche, et c'est un avertissement.
    La raison pour laquelle nous ne sommes pas inquiets au sujet des premiers ministres provinciaux et territoriaux — et ce n'est pas une insulte à leur égard, c'est juste une réalité —, c'est que nous avons eu 59 premiers ministres provinciaux et territoriaux depuis le début de nos travaux sur la réforme du Sénat.
(1700)
    Merci.
    Est-ce tout pour vos questions?
    Oui, merci.
    Je tiens à remercier notre témoin de nous avoir fait part de ses idées et de ses expériences tout à fait particulières. Vos observations sur l'accord de Charlottetown m'ont certainement rappelé des souvenirs puisque que j'étais membre du comité spécial chargé d'étudier l'accord. Je vous remercie donc, monsieur, de votre témoignage.
    J'aimerais également remercier tous les membres du comité de leur participation.
    Comme il s'agit de la dernière réunion avant l'automne, je profite de l'occasion pour remercier particulièrement notre greffier et notre analyste qui nous ont guidés dans la bonne voie grâce à leurs bons conseils. Merci à tous.
    La séance est levée.