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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 038 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 17 juin 2008

[Enregistrement électronique]

(0910)

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons poursuivre notre étude de la contribution fédérale pour diminuer la pauvreté au Canada.
    Est-ce que nos témoins au Royaume-Uni peuvent nous entendre?
    Une voix: Oui, je peux vous entendre de Londres.
    Une voix: Je vous entends depuis Bristol.
    Le vice-président (M. Michael Savage): Merci. Excellent. Nous sommes très heureux que vous preniez le temps de nous parler aujourd'hui.
    Comme vous le savez, nous sommes le Comité permanent des ressources humaines et du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes du Parlement du Canada, et nous sommes en train d'étudier la contribution fédérale pour diminuer la pauvreté au Canada.
    La semaine dernière, nous avons parlé à certains de vos collègues en Irlande au sujet du travail qu'ils font dans cette région, et nous sommes enchantés que vous soyez ici avec nous aujourd'hui.
    Nous allons demander à chacun d'entre vous de nous faire un exposé d'environ 10 minutes et ensuite, nous vous poserons des questions. La façon dont les choses fonctionnent ici, c'est que nous avons les quatre partis politiques du Canada — les conservateurs qui sont au pouvoir, et dans l'opposition, les libéraux, le Bloc québécois et le NPD — qui se relaieront pour vous poser des questions après que vous aurez donné vos exposés.
    Je tiens à vous remercier tous les deux; nous avons reçu une copie de certains des points saillants de vos exposés. Le Canada est fier d'être un pays bilingue et nous ne pouvons pas distribuer ces documents à nos membres avant qu'ils aient été traduits. Je vais vous demander, si c'est possible, de parler lentement, parce que vos propos seront interprétés dans les deux langues officielles.
    Sur ce, je tiens à vous remercier encore une fois d'être là.
    Peut-être pourrions-nous débuter par le professeur David Gordon, directeur, Townsend Centre for International Poverty Research, School of Policy Studies, Université de Bristol.
    Monsieur Gordon, vous avez 10 minutes, s'il vous plaît.
    J'aimerais vous remercier de me donner l'occasion de parler au Parlement du Canada et à ce comité très important qui entreprend cette étude importante.
    J'avais espéré pouvoir vous présenter des diapositives, mais malheureusement, le système Powerpoint est en panne en ce moment. Vous avez une copie des diapositives en anglais et je suis désolé de ne pas avoir eu le temps de les faire traduire en français.
    Lorsqu'on parle de la stratégie du Royaume-Uni, il est important de comprendre que beaucoup de détails sont dévolus aux quatre pays qui composent le Royaume-Uni: l'Angleterre, le pays de Galles, l'Écosse et l'Irlande du Nord. Peter et moi siégeons actuellement au sein du comité consultatif de l'Assemblée nationale de Galles; la stratégie est conçue pour aider à réaliser l'élimination de la pauvreté chez les enfants avant 2020. Toutefois, il s'agit d'une politique du gouvernement du Royaume-Uni, qui a été entérinée par les quatre pays constituant le Royaume-Uni, pour essayer d'éliminer la pauvreté chez les enfants avant 2020.
    Le principal moyen que le gouvernement du Royaume-Uni a mis en oeuvre pour y parvenir a été une politique de plein-emploi par le biais de mesures d'intervention active appliquées au marché du travail, en essayant de faire participer à la main-d'oeuvre des gens qui en étaient exclus auparavant. Ces mesures sont accompagnées d'une politique visant à faire en sorte que le travail soit payant par le biais d'une série de mécanismes, comme le salaire minimum, les crédits d'impôt, une forme d'impôt sur le revenu négatif, des crédits pour frais de garde et de la formation et de l'instruction pour les personnes qui en ont besoin pour avoir accès à un travail rémunéré.
    Ces politiques sont appliquées avec beaucoup de vigueur depuis environ 2000. Vers 2005-2006, elles ont réussi à réduire la pauvreté chez les enfants, telle qu'on la mesure par le faible revenu, d'environ le quart, ce qui est un résultat remarquable, étant donné les taux élevés d'enfants vivant dans la pauvreté que nous avions en 1999.
    Vous verrez dans une des diapositives que je vous ai remises que dans les années 80 et au début des années 90, la pauvreté chez les enfants, mesurée par le faible revenu, a triplé. Depuis environ 2000, elle a reculé d'environ le quart. Cependant, récemment, au cours de la dernière année, ces politiques ont perdu leur élan. En fait, la pauvreté chez les enfants a augmenté dans une certaine mesure au cours de la dernière année et peut-être également, au cours de l'année précédente.
    Il est peu probable, à la lumière de la recherche universitaire à notre disposition dans ce domaine, que l'application de mesures visant le plein-emploi suffira à elle seule pour éliminer la pauvreté chez les enfants pour toujours. Il y aura toujours des personnes qui auront besoin de recevoir des prestations d'aide sociale parce qu'elles ne peuvent pas travailler étant donné qu'elles ont l'obligation de prendre soin d'enfants et d'adultes.
    Pour que le gouvernement puisse réaliser son objectif, il devra en faire plus qu'il en fait à l'heure actuelle pour accroître le niveau de revenu des familles qui, pour diverses raisons, ne peuvent pas travailler. Les modèles de simulation qui ont été appliqués par certains de mes collègues de l'Université de Cambridge et de la London School of Economics and Political Science ont démontré que les politiques de plein-emploi et les mesures d'intervention active appliquées au marché du travail à elles seules parviendraient, au mieux, à réduire la pauvreté chez les enfants de moitié. Pour s'occuper de l'autre moitié, il faudra faire quelque chose au sujet des prestations d'aide sociale.
    Le gouvernement du Royaume-Uni a tenu des consultations très vastes il y a quelques années sur la façon de mesurer la pauvreté chez les enfants. Une grande partie du débat et une grande part de l'atteinte des cibles dépendent, de manière cruciale, de la façon de mesurer ces choses. Après ces consultations poussées, une approche à trois volets a été adoptée. Il y a maintenant trois mesures officielles de la pauvreté chez les enfants. Le gouvernement prétend qu'il saura s'il réalise ses objectifs si toutes ces mesures évoluent dans la même direction. Elles doivent diminuer toutes les trois, et non pas seulement une ou deux.
    La première mesure est une mesure du revenu relatif de l'UE, c'est-à-dire les enfants et les familles ayant un revenu correspondant à 60 p. 100 du revenu médian des ménages dans l'ensemble des 27 pays membres de l'Union européenne.
    La seconde mesure est une mesure fixe qui part du niveau de revenu qui aurait été nécessaire au milieu des années 90 et que l'on ajuste uniquement en fonction de l'inflation, plutôt qu'en fonction des changements de revenu survenus dans la société dans son ensemble.
    La troisième mesure est tirée de travaux de recherche universitaire réalisés par mes collègues Peter Townsend, Joanna Mack, Stewart Lansley et d'autres, et est très semblable, au niveau du concept, à la mesure utilisée en Irlande — la pauvreté persistante. C'est une combinaison entre un faible revenu et les privations multiples. Alors, vous mesurez à la fois les ressources dont disposent les gens et les familles, et les résultats de ces faibles ressources en termes de privation matérielle.
    Toutes ces mesures doivent décliner pour que les politiques du gouvernement soient efficaces, et il y a des cibles pour la première et la troisième mesures.
    Il y a également des mesures de pauvreté à l'échelle de l'Union européenne. La première est celle dont j'ai parlé, 60 p. 100 du revenu médian, et la seconde est le nombre d'enfants dans les ménages où personne ne travaille — les ménages sans travail.
    Il est important de comprendre que c'est là uniquement la vue d'ensemble de la façon dont c'est mesuré, en termes de revenu-pauvreté et de faibles ressources. Mais le gouvernement du Royaume-Uni possède d'autres politiques qui, d'après ce qu'on m'a dit, vous intéressent, pour éliminer la pauvreté énergétique. Ces dernières font appel à des définitions légèrement différentes et, malheureusement, les mesures de la pauvreté-revenu utilisées pour les cibles liées à l'élimination de la pauvreté chez les enfants et les mesures utilisées en matière de pauvreté énergétique ne sont pas alignées à l'heure actuelle. Fondamentalement, l'idée derrière la pauvreté énergétique, c'est que les ménages ne devraient pas avoir à consacrer une part disproportionnée de leur revenu pour chauffer adéquatement leur logement.
    C'est important dans un pays comme le Royaume-Uni, et également, je suppose, dans un pays comme le Canada où le fait de chauffer vos maisons, surtout en hiver, peut avoir des conséquences à long terme et à court terme sur la santé si cela n'est pas fait de manière appropriée. Et c'est particulièrement important à l'heure actuelle où les prix de l'énergie augmentent rapidement.
    La principale politique du gouvernement pour éliminer la pauvreté énergétique, qui est une obligation inscrite dans la loi — et qu'il ne parviendra fort probablement pas à remplir à cause des augmentations récentes du prix du pétrole — a été de déréglementer le marché dans l'espoir de réduire le coût de l'électricité et du gaz. Cela a été efficace dans le passé, mais ce n'est pas efficace à l'heure actuelle. Mais il s'agissait également d'identifier un groupe de population vulnérable — les personnes âgées recevant des prestations d'aide sociale — et d'offrir gratuitement à ces personnes des solutions pour améliorer l'efficacité énergétique de leur foyer, par exemple, l'isolation des greniers, de nouvelles chaudières et l'amélioration des systèmes de chauffage central.
    Le gouvernement a également accordé, chaque hiver, une somme d'argent accrue sous forme de versement unique aux retraités pour les aider à payer leurs dépenses énergétiques pendant l'hiver. C'est l'équivalent d'environ £ 200 U.K., selon divers critères.
    Alors voilà quels sont les moyens utilisés par le gouvernement central, mais les détails concernant la façon dont la politique contre la pauvreté et, dans une plus grande mesure, la politique sur l'exclusion sociale et l'inclusion sociale, sont mises en oeuvre, en ce qui concerne la prestation de services et la santé, l'éducation et le logement, dépendent, de manière très importante, du pays dans lesquels vous vivez au sein du Royaume-Uni. Ainsi, comme c'est le cas au Canada avec le système fédéral et provincial, nous avons au Royaume-Uni un système de gouvernement et ensuite, beaucoup de responsabilités sont dévolues aux pays individuels qui constituent le Royaume-Uni
    Les détails sur la façon dont cela a été fait varient d'un pays à l'autre, et je serai heureux de répondre à vos questions sur les détails particuliers. Mais il s'agissait simplement de vous donner une sorte d'aperçu.
    Merci beaucoup.
(0915)
    Merci beaucoup, monsieur Gordon. Nous vous sommes très reconnaissants.
    Nous passons maintenant à M. Peter Kenway, directeur du New Policy Institute à Londres.
    Monsieur Kenway.
    Je vais simplement dire un mot au sujet du New Policy Institute puisque nous ne faisons pas partie du milieu universitaire. Nous sommes un centre d'études et de recherches indépendant qui existe depuis plus de 10 ans maintenant. Au cours de cette période de temps, nous avons beaucoup travaillé, mais pas exclusivement, sur la pauvreté et l'exclusion sociale, habituellement, grâce au financement de la Joseph Rowntree Foundation.
    Dans le premier cas, notre rôle ici a été de suivre les progrès en utilisant presque exclusivement les données officielles et je pense que cela signifie que nous avons probablement fait deux choses utiles. Une chose à laquelle nous avons légèrement contribué, c'est de faire en sorte que le discours public reste honnête, et l'autre chose que nous avons été en mesure de faire grâce à cela, c'est de façonner la manière dont certaines questions sont vues, parfois avant qu'elles s'inscrivent dans le courant dominant.
    Je tiens à dire en particulier, parce que je pense que c'est crucial — j'imagine que c'est crucial pour vous aussi — que bien que la plupart des gens qui travaillent ne vivent pas dans la pauvreté, au Royaume-Uni, au moins la moitié des gens qui vivent dans la pauvreté appartiennent à des ménages qui travaillent. Alors, la solution simpliste voulant que le travail soit la solution pour se sortir de la pauvreté ne correspond pas à la réalité.
    Laissez-moi diviser ma contribution en deux parties. Premièrement, en examinant une partie de l'histoire, je ne suis absolument pas en désaccord avec quoi que ce soit que le professeur Gordon a dit, mais je pourrais peut-être nuancer les choses légèrement. Je veux ensuite faire une ou deux observations sur ma perception de la situation actuelle de la politique de lutte contre la pauvreté du Royaume-Uni qui, je l'espère, vous seront également utiles.
    Comme l'a dit David, le premier acte vraiment important de ce mouvement pour éliminer la pauvreté s'est joué vers 1999. Il y avait une concentration explicite sur les enfants et une concentration implicite sur les retraités. Puisque les enfants vivent avec des adultes, les adultes qui vivent avec des enfants étaient également, dans un certain sens, à la fois l'objet de la politique et les bénéficiaires de cette dernière. Le grand groupe qui a été laissé de côté et qui est encore laissé de côté, c'est le groupe des adultes en âge de travailler sans enfant à charge, et nous dirions que c'est important.
    Comme David vous l'a dit, vraiment, au cours des cinq ou six premières années de la politique du gouvernement, la pauvreté chez les enfants mesurée en fonction de l'indicateur du faible revenu a diminué de manière constante, peut-être pas aussi rapidement que nous l'aurions espéré, mais il est certain qu'elle diminuait. Je pense qu'à cette étape, la cible était exprimée en termes du désir d'extirper un million d'enfants de la pauvreté avant 2004-2005, ce qui représentait environ le quart des enfants qui vivaient dans la pauvreté.
    La meilleure année, qui était 2004-2005, je pense que quelque chose comme 800 000 enfants ont été sortis de la pauvreté, passant au-dessus du seuil de pauvreté-revenu. C'était inférieur à la cible visée, mais c'était néanmoins une réussite considérable. Nous avons maintenant deux années de données de plus et je pense que ces données montrent une histoire très différente. Il n'est pas toujours clair si ces choses sont statistiquement significatives, mais le chiffre qui fait la une, c'est que depuis ce temps, le nombre d'enfants vivant dans la pauvreté a de nouveau augmenté, d'environ 300 000. Cela signifie que, comparativement à l'objectif d'il y a deux ans qui était de réduire d'un million le nombre d'enfants vivant dans la pauvreté, nous l'avons, en fait, réduit de seulement 500 000. Nous ne sommes qu'à mi-chemin d'une cible que nous devions atteindre il y a deux ou trois ans.
    La façon dont nous avons résumé cela, et je pense qu'il est très important de tenir compte des deux parties, c'est que c'était une politique qui clairement fonctionnait. Les mesures qui ont été appliquées n'ont, à aucun point de vue, été un échec. Mais c'est une politique qui, ayant fonctionné, est maintenant arrivée au point mort. Peut-être s'est-elle épuisée. Il semble certainement qu'elle a très peu d'élan. Pourquoi cela est-il arrivé et quelles sont les conséquences pour le Royaume-Uni?
    David a également très clairement expliqué que cette politique, évidemment, dépend fortement de la croissance de l'emploi, en particulier chez les parents seuls, où il y a des taux très élevés de chômage au Royaume-Uni, et cela a été jugé comme une préoccupation importante.
(0920)
    Au cours des premières années du gouvernement travailliste, après 1997, le taux d'emploi augmentait. Il a augmenté d'environ 1 p. 100 en trois ans, ce qui est assez considérable, je pense. Depuis, il a eu beaucoup de difficulté à augmenter d'à peine un peu plus. Je pense que cela constitue une partie du problème qu'il y a d'avoir une stratégie qui mise autant sur le travail.
    Il n'en demeure pas moins que je pense que ce que vous pouvez voir ici — une politique d'emploi, des suppléments de revenu pour les gens par le biais de crédits d'impôt —, c'est une politique dans laquelle les moyens étaient bien adaptés à la cible visée. Je pense toutefois que le problème de cette politique, certainement en ce qui concerne les crédits d'impôt et l'utilisation du système des impôts et de prestations, c'est qu'elle ne s'adressait pas aux causes profondes, si vous voulez, de la pauvreté, qu'il s'agisse du marché du travail, qu'il s'agisse des niveaux de capital humain, les compétences, et le reste, ou qu'il s'agisse de la discrimination.
    Et elle a singulièrement omis de reconnaître, et encore moins de réduire, ce problème de la pauvreté chez les travailleurs. Comme je l'ai dit, à l'heure actuelle, la moitié des enfants qui vivent dans la pauvreté appartiennent à des ménages qui travaillent. Presque toutes les familles qui travaillent payent des impôts. Il y a toutes sortes de domaines qui n'ont peut-être pas été traités qui l'auraient peut-être été si la pauvreté chez les travailleurs avait été reconnue comme un problème en soi.
    Alors, où en somme-nous? Je pense que la conclusion que nous tirons, c'est que la façon dont le gouvernement travailliste de M. Blair a entrepris sa politique contre la pauvreté à la fin des années 90 était sans doute la seule façon de commencer, à savoir de se concentrer sur les enfants et d'utiliser des mesures très directes pour essayer d'accroître les revenus. Cela a fonctionné. Cela a continué de fonctionner pendant quelques années, mais cette mesure a semblé s'essouffler. Par conséquent, je pense que nous sommes arrivés au point où vous ne pouvez pas supposer que ces mesures directes, ces transferts de revenu direct de l'État aux particuliers et aux familles, peuvent se poursuivre indéfiniment, à moins que vous vous attaquiez à des problèmes plus vastes. Elles ont toujours fait partie de la politique de lutte contre la pauvreté ici, mais je ne pense pas qu'elles ont formé une partie cohérente de cette politique. Je ne pense pas qu'elles ont été intégrées de manière appropriée dans cette politique.
    Notre défi maintenant est de nous demander combien exactement de ces autres mesures sont destinées à influer sur la pauvreté ou sont censées influer sur cette dernière. Je pense qu'à partir de maintenant, les choses seront beaucoup plus difficiles. Il sera beaucoup plus difficile de voir l'évolution sur une base annuelle. Il reste néanmoins qu'il est presque certain que vous devez, en bout de ligne, procéder à des changements assez profonds dans la société si vous voulez éliminer la pauvreté. Vous ne pouvez pas l'éradiquer. Peut-être que vous ne pouvez même pas la réduire de manière substantielle pendant que, dans un certain sens, le reste de la société continue de faire comme elle a toujours fait.
    Je pense qu'il y a de très grands défis à l'horizon. Je pense que la distinction fondamentale qu'il y a maintenant avec d'autres politiques, c'est si vous allez avoir des politiques qui ciblent les ménages à faible revenu ou d'autres groupes défavorisés — on vous en a suggéré un certain nombre — ou si vous allez essayer de faire des choses qui, peut-être, transformeront la société dans son ensemble. J'ai remarqué dans votre liste la suggestion que quelqu'un vous a faite d'avoir un système de garde d'enfant universel. Je pense que cette mesure fait partie de cette catégorie, et je pense qu'il pourrait y avoir une discussion intéressante à ce sujet si c'est quelque chose qui vous intéresse.
    Merci.
(0925)
    Merci beaucoup.
    Nous avons beaucoup apprécié ces deux exposés.
    Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité. Nous aurons un premier tour de sept minutes pour les questions et les réponses. Ensuite, nous aurons un deuxième tour de cinq minutes. Ensuite, nous ferons le point.
    Nous allons commencer par l'opposition, le Parti libéral, représenté par l'honorable Judy Sgro.
    Merci beaucoup, messieurs Gordon et Kenway, d'être avec nous ce matin alors que nous poursuivons notre travail qui consiste à trouver des réponses sur notre rôle au gouvernement, dans la société, lorsqu'il s'agit de lutter contre la pauvreté dans nos pays.
    Vous avez parlé de modifier la société dans son ensemble. Un des objectifs de mon point de vue, c'est de partir de zéro pour s'assurer que nos enfants sont prêts dès le début, de sorte qu'ils soient exposés à des choses qui stimulent leur jeune esprit et qui s'intègrent directement dans notre système d'éducation. Nous continuons d'essayer de nous occuper de ce dont nous devons nous occuper aujourd'hui, c'est-à-dire des pauvres qui travaillent et de ceux qui, pour de nombreuses raisons, n'arriveront jamais à atteindre les chiffres nécessaires, comme vous l'avez dit plus tôt.
    Alors, étant donné que nous avons deux approches, une qui part de zéro et l'autre qui essaie de régler la situation des gens qui nous intéressent tous aujourd'hui, nous devrions au moins avoir une vision à long terme de notre point d'arrivée et de notre point de départ. Si nous avions commencé en 1999, en nous assurant que nous investissions tous dans les bonnes choses à ce moment-là, peut-être n'aurions-nous pas les chiffres que nous avons aujourd'hui.
    Mais si nous regardons les moyens précis que le gouvernement utilise pour essayer d'éliminer la pauvreté maintenant, nous parlons de garde d'enfants, d'augmentation du salaire minimum et de revenu garanti. Ce sont toutes des idées. Qu'est-ce que le gouvernement aurait dû faire de différent et qu'est-ce qu'il devrait faire de différent maintenant?
(0930)
    Est-ce pour moi?
    Pour l'un ou l'autre d'entre vous.
    Pourquoi ne pas commencer par M. Gordon?
    Très bien.
    Vous avez posé certaines questions clés ici. Le fait que le gouvernement du Royaume-Uni s'est concentré sur la pauvreté chez les enfants était dû en partie à un changement d'idéologie au sein du Parti travailliste qui est passé d'un accent socialiste sur l'égalité des résultats fondée sur le besoin à un accent portant davantage sur l'égalité des chances.
    Si c'est l'égalité des chances qui vous intéresse, vous devez investir fortement dans les enfants dès l'âge zéro de manière à égaliser les règles du jeu et à augmenter les chances de mobilité sociale. Le gouvernement a investi beaucoup d'argent et continue d'investir beaucoup d'argent dans les enfants en très bas âge. Il a créé des places de garderie gratuites pour les enfants âgés de quatre ans à l'école. Il a introduit des crédits de garde pour les enfants âgés de trois ans pendant deux jours et demi par semaine et il a créé toute une variété de nouvelles prestations pour essayer d'augmenter le revenu des familles ayant de très jeunes enfants.
    Cela a été fondé également sur de bons travaux de recherche scientifique. Les familles qui vivaient dans la pauvreté la plus profonde étaient celles qui avaient les enfants les plus jeunes. Cela contredisait les données statistiques de l'époque qui montraient que c'était les enfants plus âgés, mais c'était un artefact de ces statistiques. Alors, le gouvernement a répondu à l'idée que vous devez commencer à zéro, et peut-être que ces politiques vont fonctionner dans 10 à 20 ans, mais il s'agit de politiques à long terme.
    Il y a également un besoin impérieux de travailler sur les problèmes d'aujourd'hui et le gouvernement, comme je l'ai dit, a essayé de faire cela par le biais de mesures d'intervention active appliquées au marché du travail. Il a eu besoin, véritablement, d'essayer également d'augmenter les prestations qui sont accessibles aux familles ayant des enfants. La Grande-Bretagne est à mi-chemin dans la ligue européenne pour ce qui est de la générosité du système d'impôt et de prestations pour les familles ayant des enfants. Elle ne fait pas autant de redistribution à travers les âges des individus que, disons, le système français ou le système suédois, où de l'argent est prélevé chez les gens d'âge moyen pour leur être distribué lorsqu'ils sont enfants ou lorsqu'ils sont retraités, sous formes de prestations familiales ou de prestations de retraite. En Suède, 80 p. 100 de la redistribution se fait de cette manière, et non pas des riches vers les pauvres. C'est une façon très efficace d'éliminer la pauvreté chez les enfants.
    Le système en vigueur au Royaume-Uni et en Irlande est davantage fondé sur un examen des moyens d'existence, où l'argent est ciblé pour aider les pauvres, les retraités et les enfants. Cela signifie qu'il dépense moins, qu'il est capable de moins dépenser parce qu'il y a un ciblage plus précis. Mais si vous voulez éliminer la pauvreté chez les enfants pour toujours, il y a une limite à l'efficacité des mesures axées sur l'examen des moyens d'existence.
    Le vice-président (M. Michael Savage): Monsieur Kenway.
    Merci beaucoup.
    Il se pourrait très bien que dans 20 ans, nous regardions en arrière et que nous jugions que la plus grande contribution de notre gouvernement à la lutte contre la pauvreté chez les enfants a été les mesures qu'il a prises, et auxquelles David vient juste de faire allusion, pour aider les enfants à partir de zéro, comme vous dites. Je pense que notre programme assure qu'il y a du personnel dans les centres pour enfants pour l'éducation des enfants de trois et quatre ans. Il se pourrait très bien que lorsque vous adoptez le point de vue à long terme, ces petits suppléments de revenu semblent avoir été le deuxième ordre d'importance.
    Cependant, laissez-moi attirer votre attention sur une autre faille dans le travail que le gouvernement du Royaume-Uni a fait ou n'a pas fait. Il s'est occupé, et avec raison, des enfants à partir de zéro, mais le groupe qui a été ignoré en pratique et où il n'y a aucun signe de progrès, c'est le groupe formé des jeunes en fin d'adolescence et des jeunes adultes. Pour vous donner un exemple précis, nous avons regardé en particulier les mesures concernant les jeunes gens âgés de 19 ans qui n'ont pas ce que nous appelons la compétence de niveau deux. Dans un sens, le but du niveau précis n'a pas d'importance; le point clé que ces statistiques font ressortir, c'est qu'environ le quart des jeunes âgés de 19 ans n'arrivent pas à répondre au niveau minimum. C'était le cas il y a une décennie et c'est encore le cas maintenant.
    Le nombre de jeunes qui n'ont pas de travail, le nombre de jeunes adultes qui vivent dans la pauvreté constitue une tache réelle, si vous voulez, et une faille dans ce qui a été fait.
    Le point dans le cas de ces gens, c'est que lorsque nous nous sommes engagés à faire quelque chose à propos de la pauvreté chez les enfants, ces jeunes gens étaient des enfants. Je ne pense pas que cela soit simplement de la rhétorique vide. Si nous disons que nous allons avoir une stratégie pour lutter contre la pauvreté chez les enfants, il est très important que nous ayons une stratégie qui se préoccupe des intérêts de tous les enfants, et non pas seulement de ceux d'âge zéro, même s'ils sont très importants, mais des intérêts de tous les enfants jusqu'en haut de l'échelle.
    Je pense qu'une des raisons pour lesquelles nous pourrions devoir attendre très longtemps pour voir des effets de deuxième vague, si vous voulez, de la stratégie du gouvernement, c'est précisément parce qu'elle n'a pas réussi, et n'a peut-être même pas vraiment essayé, de s'occuper des enfants plus âgés, qui deviennent alors les plus jeunes travailleurs. Alors, ce cycle de privation risque fort de se répéter, du moins pour la prochaine génération, même si les mesures qui s'adressent aux très jeunes enfants parvenaient à faire quelque chose pour les générations qui suivront.
(0935)
    Pour faire le suivi des jeunes en fin d'adolescence, quel travail fait-on aujourd'hui avec ce groupe pour empêcher qu'eux et leurs familles deviennent les travailleurs pauvres de demain? Fait-on quelque chose de particulier maintenant pour les jeunes en fin d'adolescence?
    Je vais devoir vous demander de retenir cette question pour plus tard. Nous sommes un peu en retard.
    Nous allons donner la parole à M. Yves Lessard du Bloc québécois pour sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je veux aussi remercier M. Gordon et M. Kenway d'être venus, ce matin, partager avec nous leur expérience et leur expertise. Je trouve très intéressante et instructive votre expérience, en regard de l'angle sous lequel vous avez entrepris de combattre la pauvreté, c'est-à-dire dire l'angle de l'emploi d'abord: créer de l'emploi et faire en sorte que les gens qui sont aptes au travail puissent retourner au travail.
    Ma question comporte deux volets. D'abord, je voudrais savoir ce qui a motivé cet optimisme à l'effet de vous donner des objectifs d'enrayer la pauvreté d'ici 2020. Je comprends qu'au cours des cinq premières années, les résultats obtenus sont assez extraordinaires. Mais, comme vous le dites vous-mêmes, à un certain moment, vous avez atteint un plafond, et pour certains groupes, entre autres les familles monoparentales et les personnes âgées, la courbe s'est inversée. Donc, c'est ma première question.
    Deuxièmement, M. Gordon nous dit que votre expérience est en train de vous révéler qu'il y a peut-être 50 p. 100 des pauvres qui vont le demeurer si on ne change pas totalement notre approche, car 50 p. 100 de ces pauvres travaillent. C'est ce que je comprends en filigrane.
    Je voudrais savoir quelles sont les mesures que vous avez entreprises pour faire en sorte de soutenir les pauvres qui travaillent. Y a-t-il des mesures gouvernementales pour faire en sorte que les entreprises donnent de meilleures conditions de travail et, pour celles qui ne peuvent pas donner de meilleures conditions de travail, faire en sorte qu'on puisse les soutenir? De quelle façon les choses se placent-elles par rapport à cela?
    Je comprends aussi — vous me le direz si je me trompe — que toute la gestion du travail relève des parlements. Les trois autres parlements, ceux de l'Écosse, du pays de Galles et de l'Irlande du Nord, s'impliquent-ils au même titre que le gouvernement du Royaume-Uni comme tel?
(0940)

[Traduction]

    Cette question s'adressait-elle au professeur Gordon?

[Français]

    Oui. Je m'adressaient à l'un et l'autre. Je pense qu'il y en a pour les deux.

[Traduction]

     Professeur Gordon.
    Merci beaucoup de ces questions intelligentes.
    Premièrement, je veux parler des jeunes en fin d'adolescence. Le gouvernement en a fait beaucoup moins pour ce groupe et pour les adultes en âge de travailler qu'il en a fait pour les jeunes enfants et les personnes âgées. Dans une certaine mesure, la mentalité derrière le droit du pauvre l'emporte encore en ce sens qu'il est plus facile du point de vue politique de considérer les jeunes et les vieux comme étant méritants et, peut-être, les jeunes en fin d'adolescence et les jeunes gens comme non méritants et, par conséquent, le gouvernement est beaucoup plus prudent lorsqu'il s'agit d'investir plus d'argent dans ce groupe.
    Toutefois, il a fait un certain investissement en améliorant la formation, en particulier pour le groupe qu'il appelle « NETE » —  qui signifie, pour les Britanniques, not in education training or employment —, ceux qui ne sont pas en formation ni au travail. Il y a une politique du salaire minimum qui est très importante pour ce groupe, mais malheureusement, le salaire minimum qui s'applique pour les moins de 25 ans est inférieur à celui qui s'applique pour les plus de 25 ans, alors, encore une fois, il y a une limite à l'efficacité de cette politique.
    Une idée qu'il envisage, c'est d'augmenter l'âge de scolarité obligatoire pour le faire passer de 16 à 18 ans, pour qu'il n'y ait pas de jeunes âgés de 16 ou 17 ans qui ne fréquentent pas l'école et qui n'ont pas d'emploi et qui ne sont même pas en formation. Voilà le genre de politiques que le gouvernement poursuit, mais il y a une gamme étendue de politiques dans lesquelles il tend à ne faire qu'un investissement limité comparativement à ce qu'il fait dans les cas des politiques qui s'appliquent aux enfants plus jeunes.
    Une des raisons pour lesquelles le gouvernement est confiant de pouvoir éliminer la pauvreté chez les enfants, c'est que si vous regardez ce qu'il en coûte pour éliminer la pauvreté chez les enfants en termes de quantité de revenu qui doit être transférée des gens qui ne vivent pas sous le seuil de la pauvreté à ceux qui vivent sous le seuil de la pauvreté, cela représente un peu moins de 1 p. 100 du produit intérieur brut.
    Le Royaume-Uni possédant une économie très grande, cela signifie alors que des transferts de revenu relativement faibles par rapport à la taille de l'économie permettraient effectivement d'éliminer la pauvreté chez les enfants, si vous adoptez des politiques qui permettent ces transferts de revenu. Ce n'est pas une somme négligeable, 1 p. 100 du PIB, mais néanmoins, c'est quelque chose de faisable. Cela ne signifie pas que la société dans son ensemble, telle que nous la connaissons, doive être restructurée.
    Les politiques du gouvernement pour les pauvres qui travaillent, comme Peter l'a si bien dit, n'ont pas été aussi efficaces que le gouvernement l'avait espéré. Encore une fois, le salaire minimum est lié aux crédits d'impôt qui viennent appuyer les gens qui ont un faible revenu. Il y a eu des problèmes avec l'intégration des systèmes d'avantages fiscaux. Les responsables de l'impôt sont habitués de prélever de l'argent; ils ne sont pas très efficaces, surtout au début, quand il s'agit de rendre de l'argent aux gens, alors il y a eu beaucoup de confusion dans le cas de ces politiques. Elles fonctionnent un peu mieux maintenant, mais il faut en faire davantage.
    Les politiques que le gouvernement a entreprises ont été efficaces, mais elles n'ont pas été suffisamment efficaces, particulièrement dans le cas du pauvre qui travaille. Il y a eu d'autres tendances dans la société, comme une réduction du salaire familial. Dans les années 50, une personne travaillait, habituellement l'homme, et cette personne pouvait subvenir aux besoins de sa famille. Maintenant, vous avez un profond clivage entre les ménages riches qui travaillent et les ménages pauvres qui travaillent, où vous avez des familles où deux personnes travaillent, et cela a tendance à protéger de la pauvreté de manière presque universelle. Mais si seulement une personne travaille, surtout dans un emploi à bas salaire, alors, cette famille glisse sous le seuil de la pauvreté. Ce n'est peut-être pas bien loin sous le seuil, mais il reste que même avec les avantages accessibles, ces familles ont tendance à glisser sous le seuil de la pauvreté.
    Il y a des politiques en place qui, si on y investissait davantage et si elles étaient administrées plus efficacement, pourraient régler le problème du pauvre qui travaille et quand même soulager le fardeau des personnes qui ont tellement de soins à prodiguer et de responsabilités qu'il n'est pas vraiment possible pour les deux parents de travailler. Du point de vue de certains autres objectifs de politique, et certainement du point de vue de ces familles, il ne serait peut-être même pas souhaitable que les deux adultes travaillent. Le gouvernement n'a pas encore vraiment essayé de régler ce problème.
(0945)
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Lessard.
    Pour l'information de nos témoins, nous céderions normalement la parole à notre troisième parti de l'opposition, qui est le Nouveau Parti démocratique, mais le représentant de ce parti au sein du présent comité est actuellement en Irlande pour rencontrer certains responsables et se préparer pour la conférence sur le revenu de base qui aura lieu plus tard cette semaine, alors nous allons donner la parole au parti gouvernemental.
    Nous allons commencer par la secrétaire parlementaire du ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, Lynne Yelich, et il se pourrait qu'elle partage son temps de parole avec M. Gordon Brown.
    Vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui.
    Je partage mon temps avec M. Brown. Nous allons nous relayer l'un l'autre parce que nous trouvons qu'il n'y a jamais suffisamment de temps pour poser des questions lorsque nous essayons de faire certaines comparaisons.
    Ma principale question s'adresse à David Gordon. Comment votre gouvernement en est-il arrivé à la définition de pauvreté énergétique? Nous avons entendu parler de beaucoup de pauvreté, mais cela m'intéresse. Pourriez-vous nous en parler davantage, s'il vous plaît.
    Professeur Gordon.
    La définition de pauvreté énergétique est assez peu controversée, du fait que les familles ne devraient pas avoir à consacrer une part disproportionnée de leurs ressources pour chauffer adéquatement leur logement. La partie controversée, c'est la façon de la mesurer. Cela a été fait à partir de travaux réalisés il y a très longtemps, dans les années 1970, par une universitaire du nom de Brenda Boardman. Elle a pu déterminer que les familles qui dépensaient plus de 10 p. 100 de leur revenu en énergie avaient également tendance à être pauvres. C'est cela qui est utilisé comme définition depuis ce temps, bien qu'elle ait été retravaillée lorsque de meilleures données ont été disponibles.
    Cependant, la mesure n'est pas fondée sur la somme réelle que les gens dépensent. Elle est fondée sur la somme que ces personnes devraient dépenser pour chauffer adéquatement leur logement, compte tenu de l'efficacité énergétique de leur logement et du coût moyen de l'énergie dans la région du pays où elles vivent. Alors, c'est un calcul assez complexe. Il y a un débat considérable sur la question de savoir si cela fonctionne bien et dans quelle mesure.
    Elle recoupe, dans une mesure raisonnable, les personnes âgées pauvres en termes de revenu, mais elle présente un biais rural beaucoup plus important. Alors, dans les régions urbaines comme Londres, où le coût de l'habitation est élevé, les gens ont souvent un revenu élevé pour payer leur logement. Mais parce que cela n'est pas pris en considération dans la définition, ils n'apparaissent pas comme des personnes pauvres du point de vue énergétique, tandis que nous savons à partir de mesures scientifiques sociales objectives que ces personnes ont souvent de la difficulté à chauffer leur logement. Alors, mon point de vue personnel, c'est que l'idée de la pauvreté énergétique est très importante, particulièrement dans un pays froid.
    La façon actuelle de mesurer la pauvreté énergétique au Royaume-Uni a entraîné des difficultés à la fois pour ce qui est de cibler les personnes ayant le plus grand besoin et pour ce qui est de l'atteinte de ces objectifs par le gouvernement. La politique adoptée par le gouvernement qui est d'identifier les populations vulnérables et d'améliorer l'efficacité énergétique de leur logement est bonne également pour la réduction des émissions de dioxyde de carbone provenant des habitations. Mais la somme d'argent investie pour faire face à la pauvreté énergétique est terriblement insuffisante. Non seulement le gouvernement ne parviendra-t-il pas à l'éliminer, mais il est probable qu'elle augmentera d'ici 2010.
    Merci beaucoup.
    C'est au tour de M. Brown. Vous avez trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins de se joindre à nous aujourd'hui à partir du Royaume-Uni.
    J'aimerais explorer cette question de la pauvreté énergétique avec le professeur Gordon. Qui est susceptible d'être pauvre du point de vue énergétique? Quelles solutions aviez-vous à offrir? Quels genres de répercussions pensez-vous que des taxes additionnelles sur l'énergie pourraient avoir sur la pauvreté énergétique?
(0950)
    Les gens les plus susceptibles d'être énergétiquement pauvres sont ceux qui ont un très faible revenu et ceux qui habitent les logements les moins récents, en particulier les maisons construites avant 1919, ou les unités d'habitation en très mauvais état n'ayant jamais été rénovées. Il y a deux groupes qui se chevauchent: les gens qui sont pauvres de par leur revenu et ceux dont le logement est insalubre ou inadéquat. Un grand nombre de ménages se retrouvent dans l'une de ces deux catégories.
    Il y a également les effets attribuables... Bien évidemment, la température est plus tempérée au milieu d'une ville que dans les régions rurales. On retrouve donc généralement tout un groupe de gens habitant des logements inadéquats dans de petites villes rurales ou des villages en périphérie de ces villes, mais aussi des résidents des centres-villes qui sont extrêmement pauvres. C'est particulièrement le cas pour les aînés, ceux qui ont plus de 75 ans; les grandes familles, celles qui ont de nombreux enfants; et les gens qui sont sans emploi.
    Les taux de pauvreté sont très élevés parmi les chômeurs, et le problème est particulièrement criant pour les jeunes femmes célibataires qui sont sans emploi. Les femmes de ce groupe ne sont pas prises en compte par bon nombre des politiques gouvernementales. Les taux de pauvreté énergétique sont habituellement plus élevés chez les femmes célibataires en général — les ménages ayant à leur tête une femme. Plus souvent qu'autrement, les politiques ciblent les femmes célibataires âgées de 75 ans, mais les plus jeunes, surtout celles de 19 à 29 ans, accusent également des taux de pauvreté énergétique très élevés.
    J'aimerais faire intervenir Peter Kenway un moment, si cela est possible.
    Il a indiqué que quelques-unes des politiques mises en place par le gouvernement travailliste avaient eu un impact considérable sur la pauvreté au Royaume-Uni avant de perdre de leur efficacité. Peut-être pourrait-il nous en dire un peu plus sur les raisons qui expliquent ce phénomène.
    Monsieur Kenway, je vais vous demander de répondre assez brièvement. Vous avez environ 30 secondes.
    Je dois vous dire que la principale politique s'articulant autour de crédits d'impôt constitue une intervention majeure sur le marché du travail. Elle a essentiellement pour effet de favoriser les adultes ayant des enfants au détriment de ceux qui n'en ont pas. On lui reproche également d'être une forme de subvention aux employeurs en même temps qu'aux travailleurs.
    Nous avons notamment constaté que parallèlement à une forte augmentation du nombre d'enfants affranchis de la pauvreté, le nombre de ceux semblant avoir besoin du soutien de l'État pour éviter la pauvreté a aussi grimpé. On pourrait résumer en disant qu'au bout d'un certain temps, la politique commence à s'éroder d'elle-même. C'est une bonne tactique à court terme, mais elle n'est pas efficace comme stratégie à long terme.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer au second tour de questions.
    Les membres du comité en sont conscients, mais pour la gouverne des quelque 30 millions de Canadiens qui ne manqueront pas de regarder nos délibérations à la maison, nos témoins ne sont pas des représentants du gouvernement du Royaume-Uni; ce sont des observateurs et des experts qui nous font profiter de leur opinion éclairée sur la situation de la pauvreté dans leur pays. Nous espérons entendre les représentants du Royaume-Uni et du programme de lutte contre la pauvreté à l'automne.
    Monsieur Cuzner, vous avez cinq minutes pour amorcer le deuxième tour.
    Au nom des membres du comité, je tiens à dire que c'est un privilège pour nous de recevoir ces deux messieurs. Je dois aussi les remercier tout spécialement au nom de CPAC, car c'est la semaine des sondages et je sais que les cotes d'écoute vont monter en flèche.
    Messieurs, les efforts pour réduire la pauvreté ont toujours été axés sur l'emploi. Pourriez-vous nous donner un aperçu de l'évolution du taux de chômage et de sa situation actuelle? Au Canada, il se situait à 12 p. 100 il y a 10 ans et il avoisine actuellement 6,5 p. 100; nous allons donc dans la bonne direction. Pourriez-vous nous dire comment les choses se passent dans votre pays?
    Qui veut commencer?
    Je parle de l'évolution depuis la mise en oeuvre de la stratégie en 1999.
(0955)
    Cette fois-ci, je vais commencer par permettre à David de respirer un peu.
    J'estime très important de ne pas se limiter au taux de chômage établi suivant les définitions officielles, même si l'on utilise celle de l'OIT. Le chômage a diminué considérablement. Cependant, le nombre de personnes inactives du point de vue économique n'a pas connu une baisse aussi rapide; en fait, il a beaucoup augmenté. Il s'agit essentiellement de parents seuls ou de personnes ayant droit à des prestations d'invalidité qui ont tout de même fait connaître leur désir de travailler.
    Les données que j'ai en main sont le pendant de vos chiffres sur le chômage; il s'agit des données sur l'emploi. Le taux d'emploi qui se situait, je crois, juste sous les 73 p. 100 en 1997, lorsque le gouvernement de M. Blair est arrivé au pouvoir, a augmenté très rapidement pour atteindre 74 p.100. Dans les huit années qui ont suivi, la hausse n'a jamais été supérieure à un point de pourcentage. Le taux fluctue entre 74 p. 100 et 75 p. 100. Je ne pourrais pas vous donner le chiffre exact de mémoire, mais je peux vous dire sans trop de crainte de me tromper que plusieurs millions de personnes ont indiqué qu'elles souhaiteraient travailler.
    Il y a donc des gens qui veulent tirer profit de la stratégie gouvernementale, mais il faut admettre dans une certaine mesure qu'il n'y a tout simplement pas à l'heure actuelle suffisamment d'emplois pour tous.
    Peut-être pourrais-je également répondre à cette question.
    Le nombre de chômeurs a diminué énormément depuis le début des années 90, alors qu'on en comptait plus de trois millions. Il a baissé jusqu'à un demi-million et se situe actuellement à environ 800 000. Ces chiffres sont établis selon une définition constante du chômage, car tout dépend bien sûr de la façon dont on le définit.
    À toutes fins utiles, un taux de chômage de 3 à 4 p. 100 correspond au plein emploi. Mais il y a d'autres aspects à considérer. Le nombre de travailleurs a connu une hausse fulgurante et dans bien des régions du Royaume-Uni, il y a pénurie de main-d'oeuvre. La Grande-Bretagne et l'Irlande ont absorbé plusieurs millions de travailleurs migrants en provenance de la Pologne et de pays de l'Europe de l'Est qui font maintenant partie de l'Union européenne. Je crois qu'en Irlande, un travailleur sur 10 vient de Pologne ou des pays baltes.
    Il y a d'autres éléments à prendre en compte car il y a bien des gens qui, même s'ils ne sont pas officiellement en chômage, sont tout simplement désillusionnés. Ils ne sont pas comptés parmi les chômeurs, car ils ne cherchent plus d'emploi. Il y a en outre eu une croissance marquée du nombre de personnes touchant des prestations de maladie qui seraient prêtes à accepter un emploi pouvant convenir à leur situation. C'est tout au moins ce que croit le gouvernement. Cependant...
    Monsieur Gordon, je vous remercie mais j'aimerais pouvoir poser une autre question, si vous me le permettez.
    Je voudrais revenir aux coûts de chauffage et aux rabais consentis aux aînés dans le besoin. Y a-t-il répartition en fonction des pays? Y a-t-il variation d'un pays à un autre ou bien utilise-t-on un modèle unique pour le Royaume-Uni? Quel est le mécanisme en place? Est-ce que les aînés doivent présenter une demande après coup ou vous servez-vous d'une liste pour déterminer qui est admissible?
    Je suis simplement curieux de savoir comment vous administrez cette mesure de soutien aux ainés.
    L'aide est offerte en grande partie par l'intermédiaire du régime de pensions. Tous les ainés reçoivent un paiement juste avant Noël. C'est un régime universel. Il y a aussi un soutien plus ciblé à l'intention des ainés demandant différentes prestations qui prend la forme de supplément à ces prestations. Il y a donc une légère variation selon les programmes.
    Les principales différences se situent au niveau des formulaires à remplir et de l'aide offerte en fonction des améliorations apportées à l'unité d'habitation. Il y a peu d'écart quant aux paiements en espèces versés directement aux gens pour qu'ils puissent acheter du combustible, mais les données indiquent que les ménages visés ont souvent d'autres priorités. Ils continuent à vivre dans des logements mal chauffés et utilisent ces sommes pour acheter de la nourriture et régler d'autres frais.
    Ce n'est donc que théoriquement que ces paiements doivent servir à mieux chauffer les maisons. Le versement en espèces est censé aider à payer les coûts du chauffage, mais il est souvent utilisé à d'autres fins plus importantes pour ces personnes âgées.
(1000)
    Merci beaucoup.
    Nous allons revenir aux conservateurs pour une période de cinq minutes. Monsieur Mike Lake.
    J'aimerais d'abord poursuivre dans le sens d'une question posée par l'un de mes collègues concernant la taxe sur le carburant. Nous avons parlé un peu du concept de pauvreté énergétique. Nous avons ici au Canada des gens qui envisagent d'imposer une nouvelle taxe sur le carbone, une nouvelle taxe sur le combustible qui toucherait le mazout servant au chauffage domiciliaire, par exemple. Cette taxe n'a pas encore été articulée avec précision, mais nous essayons de déterminer quels en seraient les impacts.
    Peut-être pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez. Pourrait-il y avoir par exemple des conséquences non désirées dont nous devrions nous méfier dans ce contexte, tout particulièrement pour les gens à faible revenu dont nous parlons aujourd'hui?
    Qui veut répondre à celle-ci? Monsieur Gordon?
    Je suis dans une situation un peu délicate, parce que nous avons récemment mené une étude pour le gouvernement concernant la répartition des avantages possibles de la mise en oeuvre d'une limite de carbone de six tonnes par personne, qui obligerait les gens à acheter des crédits de carbone pour en utiliser davantage. Comme nos résultats n'ont pas été rendus publics, je dois en respecter la confidentialité.
    Différents problèmes et effets distributifs néfastes peuvent être associés à l'instauration d'une taxe sur le combustible, surtout si elle est à taux uniforme. Si la taxe n'est pas progressive, il va de soi qu'elle représente une plus forte proportion du revenu pour les pauvres qui ne peuvent pas se passer de combustible par rapport aux gens mieux nantis, qui utilisent souvent plus d'énergie mais sont parfaitement en mesure de payer la note. Il y a tout particulièrement un groupe se situant au centre, qui est souvent le plus mal en point, mais qui se rapproche du seuil de pauvreté. Dans le cas de certains groupes, surtout en région rurale, s'il est question de carburant pour le transport et de mazout pour le chauffage, qui peut être plus coûteux que le gaz et souvent l'électricité pour chauffer une maison au Royaume-Uni, il faut procéder à un examen minutieux pour déterminer qui seront les gagnants et les perdants.
    C'est une situation plutôt complexe; il y a toujours des gagnants et des perdants. Je ne suis pas certain que les conjonctures respectives du Canada et du Royaume-Uni soient suffisamment comparables pour essayer de déduire qui seront ces gagnants et ces perdants chez vous, mais il y a assurément des impacts au Royaume-Uni qu'il serait bon que vous preniez en considération avant d'adopter de telles politiques.
    Est-ce que M. Kenway aurait quelque chose à ajouter à ce propos?
    Je dirais très brièvement que dans une perspective purement économique, il pourrait être souhaitable d'instaurer des mesures semblables afin d'essayer d'inciter les gens à consommer moins d'énergie et à utiliser celle-ci de façon plus efficiente.
    Il faut toutefois reconnaître, et c'est peut-être là qu'intervient la mise en oeuvre d'une stratégie globale de lutte à la pauvreté, que si l'on choisit d'appliquer de telles mesures, il faudra trouver parallèlement des façons d'indemniser les moins bien nantis pour ce système qui peut paraître très logique du point de vue de la société dans son ensemble. Comme vous le savez pertinemment, les hausses actuelles des prix de l'énergie et des aliments ont d'importants impacts très concrets sur le revenu réel des gens. D'une certaine manière, la nouvelle taxe ne constituerait qu'un problème de plus pour certaines personnes.
    Je pense qu'il convient de bien réfléchir à certaines questions dont David Gordon nous a parlé tout à l'heure — la valeur des prestations notamment, mais aussi l'importance de l'impôt sur le revenu pour les gens au bas de l'échelle — pour voir s'il existe des solutions. Si l'on veut se montrer radical dans l'application d'une taxe sur le carbone, je crois qu'il faut l'accompagner de ces autres mesures pour veiller à ce que les plus démunis n'en souffrent pas de façon disproportionnée.
    Je passe à un autre sujet, car je serais curieux de connaître certaines statistiques. Vous vous êtes beaucoup intéressés au cas des familles monoparentales. Pourriez-vous nous dire quelle proportion des enfants du Royaume-Uni grandissent au sein de telles familles? Savez-vous à peu près quel serait ce pourcentage?
    Je vous dirais que le quart des enfants vivent maintenant au sein de familles monoparentales. C'est l'aboutissement d'une hausse constante échelonnée sur une très longue période, car ce taux se situait à environ 10 p. 100 à la fin des années 70.
    Il a notamment été question dans vos commentaires de la nécessité d'un soutien du revenu plus senti.
    J'ai souvent fait référence ici à une étude réalisée par John Richards, un ancien ministre provincial au Canada, qui s'est intéressé aux conséquences involontaires d'une accessibilité accrue à l'aide sociale, faisant valoir à toutes fins utiles que cela avait pour effet de faire augmenter la pauvreté. En fait, il a surtout traité de réductions effectuées dans quelques provinces de notre pays par différents gouvernements de différentes allégeances et de l'impact de ces réductions au chapitre de l'aide sociale qui contribuent en fait à diminuer la pauvreté. En effet, pour les personnes aptes au travail, le resserrement des critères d'admissibilité à l'aide sociale constitue un encouragement à trouver un emploi qui procure un revenu supérieur à ce qu'offrait l'aide sociale. Ainsi, les sommes reçues au titre de l'aide sociale avaient en quelque sorte pour effet de les coincer dans un cycle de pauvreté, d'où cette théorie voulant que l'aide sociale ait pour conséquence non souhaitée d'accroître la pauvreté.
    Pourriez-vous nous parler un peu de cette conséquence non désirée possible du choix de cette avenue pour cet autre groupe de 50 p. 100 auquel vous faisiez référence?
(1005)
    Messieurs, je vais vous demander de garder pour vous pour l'instant vos réflexions à ce sujet. Nous avons dépassé de beaucoup le temps alloué. Peut-être pourrons nous y revenir dans la prochaine série de questions, mais je m'efforce de faire respecter les limites de temps aussi rigoureusement que possible.
    Nous passons maintenant au Bloc québécois. Monsieur Lessard, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse tant à M. Kenway qu'à M. Gordon. Y a-t-il une mesure qui s'est avérée particulièrement efficace? Si oui, peut-on nous indiquer dans quelle proportion elle a pu réduire la pauvreté?

[Traduction]

    Qui veut répondre?
    Monsieur Kenway.
    Je pense que le gouvernement de notre pays s'est montré très efficace dans ses efforts pour accroître le taux d'emploi des parents seuls et que son système de crédits d'impôt, qui vise à offrir une hausse considérable du revenu à un parent seul travaillant au moins 16 heures par semaine, est certes partiellement à l'origine de ce résultat. Les mesures incitatives mises en oeuvre semblent avoir produit les effets escomptés. Dans l'ensemble, le taux d'emploi des parents seuls se situe actuellement, si je ne m'abuse, à environ 58 p. 100, soit juste un peu moins de 60 p. 100. Si on se limite aux parents seuls n'ayant pas d'incapacité, le taux d'emploi avoisine actuellement les 65 p. 100, ce qui se compare selon moi très avantageusement au taux d'emploi général des femmes au Royaume-Uni. Il s'agit donc assurément d'une réussite.
    Il y a certes toutefois des conséquences non souhaitées, mais je ne veux pas prendre trop de temps, alors peut-être voudrez-vous revenir à cette question ultérieurement.
    Monsieur Gordon.
    Dans une perspective plus générale, nous savons que des études comparatives paneuropéennes ont révélé que les États-providence redistribuent les fonds des riches vers les pauvres et des hommes vers les femmes, principalement, mais également tout au long du cycle de vie, prenant l'argent des adultes d'âge moyen pour le donner aux aînés, sous forme de pensions, et aux jeunes, sous forme de prestations familiales et pour enfants. Nous savons que ces régimes universels de pensions et de prestations familiales se montrent efficaces pour réduire la pauvreté aux différentes étapes du cycle de vie.
    Ce faisant, les taux de pauvreté sont réduits considérablement. Pour certains groupes ciblés, il va de soi que l'éducation est la voie à suivre pour s'affranchir de la pauvreté et que les investissements à ce chapitre se sont révélés utiles, mais un minimum adéquat au niveau du filet de sécurité sociale a toujours été, dans tous les pays où une telle mesure a été appliquée, un moyen efficace et efficient de diminuer la pauvreté.

[Français]

    Vous avez maintenant un réseau universel de garderies. Pouvez-vous nous indiquer comment fonctionne ce réseau, et nous dire aussi dans quelle mesure il interfère sur la pauvreté, notamment pour permettre aux femmes, particulièrement les femmes monoparentales, de travailler? Pouvez-vous nous en parler un peu?
(1010)

[Traduction]

    Monsieur Gordon.
    Un des principaux obstacles au retour des femmes sur le marché du travail a toujours été l'insuffisance criante de services de garde d'enfants à coût abordable. Le gouvernement a multiplié les politiques pour essayer de réduire les coûts à ce chapitre, y compris dans le cadre d'un réseau national de garderies, mais aussi à l'aide de crédits pour frais de garde et d'un large éventail d'autres politiques.
    Ces mesures se sont montrées efficaces jusqu'à un certain point, mais constituent des moyens très dispendieux pour remettre les gens au travail, surtout lorsque seulement des emplois mal rémunérés sont disponibles. D'une certaine façon, on peut en arriver au point où on paye un groupe de femmes relativement pauvres pour garder les enfants d'un autre groupe de femmes tout aussi pauvres. Ce résultat est attribuable au fonctionnement de l'économie, car l'effet apparent est une augmentation du PIB. Si vous vous occupez de vos propres enfants, il n'y a aucune retombée économique; si vous vous chargez des enfants de quelqu'un d'autre, le PIB du pays augmente. La productivité économique s'accroît donc, mais il y a certaines conséquences négatives du point de vue stratégique.
    Certains enfants peuvent éprouver des problèmes s'ils passent beaucoup de temps en garderie à très bas âge et si leurs deux parents ont de très longues journées de travail. La famille vit généralement une situation de stress, tant pour les parents que pour les enfants. Il est nécessaire de reconnaître concrètement la valeur du travail non rémunéré et des soins prodigués aux enfants, ce que ne font pas vraiment les politiques d'exclusion sociale du gouvernement actuel dans toutes les régions du Royaume-Uni. Le phénomène est reconnu davantage dans certains secteurs du pays seulement.
    Ce sont des questions importantes dont les ministres ne traitent souvent que superficiellement: qui devrait prendre soin des enfants, comment devraient-ils s'y prendre, combien de temps devraient-ils leur consacrer et qui va payer la note?
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Lessard.
    Nous allons passer maintenant à Judy Sgro.
    Plus vous nous en dites, plus nous avons de questions sur une variété de sujets.
    J'aimerais savoir si la question de la santé mentale a été prise en compte dans le cadre de cette stratégie anti-pauvreté et dans quelle mesure cet aspect est important lorsqu'il est question des familles vivant dans la pauvreté.
    Dois-je répondre à celle-ci?
    Oui, s'il vous plaît, monsieur Kenway.
    Il s'agit effectivement d'un aspect très important. Pour répondre à votre première question, je ne crois pas que cet aspect ait été adéquatement pris en compte.
    Dans nos discussions d'aujourd'hui, nous n'avons pas vraiment abordé toute la question des personnes handicapées dont l'incapacité liée au travail est bien souvent le fait d'une maladie mentale. À certains égards, il persiste encore ici l'image populaire voulant que ces personnes soient, comme autrefois, d'anciens mineurs ou des hommes ayant des problèmes de dos. Il y a bien sûr toujours des cas semblables, mais ils ne sont pas la majorité.
    Il faut surtout noter que le taux de pauvreté pour les adultes en âge de travailler ayant une incapacité correspond à peu près à deux fois le taux enregistré pour les autres adultes. Il s'agit manifestement d'une source importante de désavantage économique, et aucune solution n'a été apportée. J'estime que l'aspect maladie mentale est particulièrement délicat et exige une attention très minutieuse.
    D'ici à ce qu'on arrive à bien saisir toutes les facettes du problème, les gens entretiennent des idées très simplistes au sujet de la situation des personnes handicapées et des possibilités qu'elles soient aptes ou non au travail et que leur état puisse parfois varier d'une journée à l'autre. C'est donc une question très importante, mais je ne pense pas que le Royaume-Uni puisse vous en apprendre beaucoup à ce sujet.
    Allez-y, monsieur Gordon.
    Je voulais seulement dire que je suis d'accord avec la réponse de Peter. La santé mentale pose un problème important et nous notons une augmentation substantielle de la prescription d'antidépresseurs. Il y a toujours eu, et il continue d'avoir, une discrimination marquée des employeurs à l'encontre des candidats ayant des antécédents de problèmes de santé mentale. Les politiques prévues par le gouvernement dans la Disability Discrimination Act sont tout à fait valables, mais comme elles n'ont pas été appliquées avec rigueur, un grave problème perdure.
    La Sustainable Communities Act vient tout juste d'entrer en vigueur au Royaume-Uni. Pourriez-vous nous dire un peu en quoi consiste cette loi et de quelle manière elle s'inscrit dans l'effort global visant à éliminer la pauvreté? La question s'adresse aux deux témoins.
(1015)
    Cela nous ramène d'une certaine façon à la question de la valorisation du travail non rémunéré. Ainsi, surtout dans les petites villes et les villages en périphérie, il y avait autrefois des femmes qui avaient le temps d'aider les gens de leur communauté, de s'occuper de leurs voisins et de faire du bénévolat. Comme les femmes doivent désormais, tout comme les hommes, occuper un emploi pour subvenir aux besoins de leur famille, les gens n'ont plus autant de temps pour participer à des activités bénévoles et aider leurs voisins. Parmi les problèmes sous-jacents à cette nouvelle réalité, on note le fait que ces communautés ne sont plus viables. On se retrouve donc avec des collectivités où les aînés sont privés des réseaux de soutien social auxquels ils pouvaient avoir accès il y a 20, 30 ou 40 ans.
    Ainsi, la Sustainable Communities Act et différentes politiques gouvernementales rurales sont autant de tentatives pour trouver des mécanismes susceptibles de favoriser l'autonomie des communautés locales, ce qui est également vrai pour ce qui est de leurs objectifs écologiques, mais je n'en dirai pas davantage car je ne crois pas que cela soit pertinent au sujet de votre étude.
    En fin de compte, il nous faudra sans doute recommander des outils de mesure pour aider dans la lutte contre la pauvreté.
    Au Royaume-Uni, on utilise actuellement une approche à plusieurs niveaux pour mesurer la pauvreté infantile. Pourriez-vous nous fournir de plus amples détails à ce sujet? Ma question s'adresse à tous les deux.
    Comme je l'ai indiqué, cette approche à plusieurs niveaux a été instaurée à la suite de consultations.
    Le premier niveau s'applique dans l'ensemble de l'Union européenne et est utilisé dans les 27 pays. Il correspond à un revenu inférieur à 60 p. 100 du revenu équivalent médian. C'est donc la mesure valable pour l'ensemble de l'Union européenne. L'échelle d'équivalence utilisée ne conviendrait sans doute pas pour le Canada mais, aux fins du revenu relatif et de l'égalisation, c'est une mesure qui en vaut bien d'autres. Je dois toutefois dire que le Canada en compte aussi d'excellentes, y compris les seuils de faible revenu, les normes budgétaires fondées sur le marché et d'autres méthodes en cours d'élaboration.
    Le second niveau est en quelque sorte un seuil de pauvreté fixe, que l'on qualifie d'absolu, mais qui est simplement en réalité un seuil relatif fixe.
    Le troisième niveau est une mesure combinée du revenu et du degré de privation. Cette mesure très valable du point de vue scientifique se rapproche beaucoup plus d'une concrétisation adéquate de la définition de pauvreté utilisée par l'Union européenne, laquelle s'applique aux ménages et aux familles dont les ressources sont si restreintes qu'ils n'ont pas accès à un niveau de vie acceptable dans le pays où ils résident. Au dernier niveau, on cherche donc à examiner le mode de vie des gens ainsi que le revenu dont ils disposent. C'est une mesure qui est utilisée dans bien des pays, pas seulement en Europe mais également ailleurs dans le monde.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant revenir aux conservateurs.

[Français]

    Monsieur Jacques Gourde, vous disposez de cinq minutes.
     J'aimerais remercier les témoins pour tout ce qu'ils nous disent aujourd'hui. Nous apprenons beaucoup sur l'étude de la pauvreté au Royaume-Uni.
    Vous corrigerez mon préambule si je fais erreur, messieurs Gordon et Kenway. Le Royaume-Uni est l'un des premiers pays au monde à se pencher sur la question de la pauvreté énergétique, et à prendre des mesures pour y remédier. Les ménages sont considérés comme énergétiquement pauvres lorsqu'ils consacrent plus de 10 p. 100 de leur revenu à l'achat de carburant pour leur foyer. On estime donc qu'environ 2,5 millions de ménages au Royaume-Uni étaient énergiquement pauvres en 2005. L'objectif du gouvernement du Royaume-Uni et des administrations décentralisées est de mettre un terme à la pauvreté énergétique d'ici 2018.
    Compte tenu de la hausse du prix de l'énergie à l'échelle mondiale, ce sera sans doute plus difficile d'atteindre vos objectifs pour 2018. Puisque dans votre stratégie vous avez estimé que la pauvreté énergétique était l'un des facteurs qui pouvait nuire aux jeunes familles, recommanderiez-vous à d'autres de prendre en considération la pauvreté énergétique dans leur efforts de lutte contre la pauvreté? Ma question s'adresse aux deux témoins. J'aimerais entendre vos commentaires, s'il vous plaît.
(1020)

[Traduction]

    Qui veut commencer?
    Est-ce que je me lance, David?
    Je vais faire d'abord une observation de nature quasi politique, même si elle ne relève pas de la politique partisane.
    Je constate qu'il y a beaucoup plus de soutien public à l'égard d'une intervention concernant la pauvreté énergétique qu'il peut y en avoir pour les mesures à prendre en vue de s'attaquer aux formes plus générales que peut prendre la pauvreté, y compris celles qui nous intéressent ici. Nous allons tenir un séminaire sur le sujet dans quelques semaines et c'est toujours une bonne façon de sonder l'intérêt pour ces questions. Nous n'avons aucune difficulté à trouver des participants. Je pense donc que vous devriez certainement inclure cet aspect, car la pauvreté énergétique est un problème très tangible dont les gens sont pleinement conscients.
    Peut-être puis-je apporter une précision d'ordre technique. David a déjà fait valoir ce point mais je voudrais aller juste un peu plus loin. Cela concerne en grande partie les célibataires. Disons simplement qu'un célibataire dispose de la moitié du revenu d'un ménage constitué de deux adultes, mais que les coûts énergétiques qu'il doit assumer correspondent aux trois quarts des leurs. Et c'est aussi étroitement lié à l'incapacité. Selon moi, les personnes vraiment vulnérables à cet égard sont celles qui passent toute la journée à la maison. Il est bien évident que les personnes handicapées sans emploi sont susceptibles de faire partie de ce groupe, mais on peut facilement les rejoindre par le truchement des systèmes de soutien pour leur verser des prestations.
    Monsieur Gordon.
    Pour répondre directement à votre question, je répéterais qu'il faut que la lutte contre la pauvreté énergétique fasse partie intégrante de la stratégie de lutte contre la pauvreté de tous les pays, et ce, même en Afrique, où nous savons que dans les régions les plus défavorisées, les gens n'ont pas les moyens d'acheter du combustible pour cuisiner. Il n'est pas seulement question de chauffage.
    De toute évidence, le gouvernement devra planifier très soigneusement ses politiques s'il souhaite réduire les émissions de dioxyde de carbone à l'échelle nationale, car de nombreuses personnes vivant dans la pauvreté énergétique doivent accroître leur consommation de combustible et, par le fait même, augmentent leurs émissions de dioxyde de carbone. Il faut donc implanter un mécanisme qui permettra de réduire la consommation de combustible des grands utilisateurs, tout en tenant compte des besoins individuels. Il faut s'assurer que les taxes sur le carburant n'ont pas d'effet pervers sur les plus démunis en aggravant leur situation financière et leurs conditions de vie. Je constate que votre politique antipauvreté ne tient pas compte de l'aspect énergétique du problème; c'est bien dommage, car les politiques visant à réduire les émissions de dioxyde de carbone auront des conséquences néfastes sur les plus défavorisés et la stratégie destinée à leur venir en aide.

[Français]

    Monsieur Gourde.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais que le comité tienne compte de ce que les témoins ont dit et qu'on puisse ajouter à notre ordre du jour la pauvreté énergétique. Le comité pourrait donc y travailler subséquemment. Ce serait important pour notre comité et pour les Canadiens en général. Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous ferons un autre tour de table.
    Nous commencerons par M. Cuzner, de Cap-Breton—Canso, en Nouvelle-Écosse, qui se trouve à mi-chemin entre ici et l'Angleterre.
    Merci, monsieur le président. Sachez que vous faites un excellent président suppléant.
    J'aimerais poser une question à chacun de nos témoins. Notre discussion est vraiment passionnante aujourd'hui. Je poserai mes questions, puis vous donnerai l'occasion d'y répondre.
    Monsieur Gordon, vous avez parlé du soutien destiné aux aînés. L'argent est versé aux bénéficiaires, particulièrement à ceux qui vivent dans de vieux logements, qui ne l'utilisent pas nécessairement pour rénover et isoler les lieux ou pour réduire les dépenses de chauffage. Tout ce que nous faisons, c'est tourner en rond et jeter l'argent par les fenêtres. Que pensez-vous de cette situation?
    Est-ce que le Royaume-Uni peut faire mieux? Je crois que nous nous en sortons très bien au Canada, en mettant en oeuvre des initiatives afin d'encourager les aînés à contribuer à la réfection des toitures, des fenêtres et des chaudières. Avez-vous entendu parler de mesures visant à favoriser la réduction des coûts de chauffage?
    Je laisse M. Gordon penser à sa réponse.
    Monsieur Kenway, vous vous inquiétez de l'imposition d'un prix sur le carbone et des difficultés que cela pourrait entraîner si l'on ne prend pas de mesures connexes pour atténuer l'augmentation de ce prix. J'aimerais que vous précisiez votre pensée.
    Je demanderais à M. Gordon de répondre en premier, puis ce sera au tour de à M. Kenway. Merci.
(1025)
     Peter, comme bien d'autres d'ailleurs, a fait remarquer que la politique visant à éradiquer la pauvreté énergétique d'ici 2018 semble irréaliste; les objectifs provisoires le sont certainement. Actuellement, environ 4 000 personnes passent par les maisons afin de prendre des mesures écoénergétiques pour améliorer l'isolation des fenêtres, des murs et des toits, changer les ampoules et appliquer d'autres politiques du même genre. Mais c'est loin de suffire à la tâche, compte tenu de l'âge du parc résidentiel du Royaume-Uni et du niveau très bas de mises en chantier actuellement. Nous remplaçons environ 1 p. 100 des habitations au Royaume-Uni par année; à ce rythme, il nous faudra probablement plus de 100 ans pour toutes les remplacer. C'est beaucoup trop long pour respecter l'objectif de 2018, d'autant plus qu'une grande partie des vieux bâtiments est mal isolée.
    Les nouveaux règlements de construction devraient favoriser une amélioration notable de l'efficacité énergétique, mais ces mesures réglementaires ne sont pas toutes entrées en vigueur. Les politiques nous aident, dans une certaine mesure, à résoudre les problèmes de logement, même si c'est insuffisant. Il existe au moins un million de logements insalubres, pour une raison ou une autre. En outre, nous n'en faisons pas assez pour ceux dont les revenus sont si bas que, même s'ils disposaient d'un logement efficace, ils ne pourraient pas assumer les dépenses énergiques associées.
    Monsieur Gordon, pourriez-vous apporter un éclaircissement, je vous prie? Vous avez indiqué plus tôt que les aînés reçoivent de l'argent pour les aider à régler leurs factures de combustible, mais que parfois, leurs priorités sont telles qu'ils n'utilisent pas les fonds aux fins prévues. C'est tout à fait compréhensible, mais existe-il un moyen de les convaincre de réinvestir l'argent dans leur logement pour réduire ces coûts? Comment y parvenir?
    Il y a deux facettes à ce problème. Certaines autorités, comme les administrations locales — car ces politiques sont de leur ressort — s'efforcent de mettre en oeuvre ce que nous appelons des initiatives « d'épargne par l'investissement » afin d'informer la population sur la manière dont on peut investir son argent dans des mesures d'éco-efficacité pour épargner à long terme. Le problème, c'est qu'il s'agit souvent de ménages à faible revenu, et quand arrive Noël, ils doivent choisir entre investir dans des mesures écoénergétiques pour épargner à long terme ou acheter des cadeaux à leurs petits-enfants.
    Stratégiquement parlant, ce n'est pas très avisé d'empêcher les personnes défavorisées d'acheter des cadeaux de Noël à leurs petits-enfants. Pour résoudre le problème, il faut adopter une approche multidimensionnelle plutôt que verser un montant forfaitaire pendant les Fêtes.
    Je vous remercie, professeur Gordon.
    Je vais donner à M. Kenway la chance de répondre rapidement à la question que lui a posé M. Cuzner.
    Merci.
    Je suppose que nous entrons maintenant dans une ère où les coûts de l'énergie resteront élevés; en tant que scientifiques, nous voulons donc réduire notre consommation d'énergie. Or, il me semble qu'en Grande-Bretagne, nous avons tendance à y aller un peu coup par coup. Dans la situation actuelle, je crois que l'improvisation n'est toutefois pas de mise. Il faut adopter une approche intégrée et cohérente au chapitre des taxes sur l'énergie, des impôts sur le revenu et du système de prestations.
    En Grande-Bretagne, la pauvreté aura au moins eu comme effet, ces dix dernières années, de nous pousser à examiner régulièrement les répercussions de la distribution des fonds et à comparer les effets des changements sur les ménages à faible revenu par rapport à ceux qui ont un revenu moyen ou élevé. Je crois que c'est un pas dans la bonne direction. Nous avons, en un sens, adopté un point de vue intégré; il faut s'assurer de porter attention aux répercussions de la distribution des fonds, particulièrement sur les plus démunis.
(1030)
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous allons écouter maintenant les conservateurs. Monsieur Mike Lake, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Je vais commencer par vous remercier d'être venus témoigner pour nous aider dans le cadre de notre étude.
    Je voudrais revenir sur le scénario de la famille monoparentale dont vous avez parlé. Vous avez tout à fait raison de dire que nous devons porter une attention particulière aux enfants victimes de cette situation. Mais maintenant que nous discutons de la question, certaines idées me viennent à l'esprit. D'abord, nous savons que le taux de pauvreté est plus élevé chez les familles monoparentales, dont le nombre augmente — un fait que M. Gordon a soulevé, si je me rappelle bien. Nous savons également que la principale cause de l'éclatement des familles est la pression financière. Si l'on considère ensemble ces trois facteurs, il me semble logique de penser qu'en prenant des mesures pour réduire le fardeau financier sur les familles, nous pourrions, dans une certaine mesure, résoudre ce problème à long terme. Qu'en pensez-vous? J'ignore si des études ont été réalisées sur le sujet.
    Je ferai quelques commentaires, puis laisserai la parole à David.
    La première chose que j'aimerais souligner, c'est que l'augmentation du nombre de familles monoparentales, qui s'est accru environ du quart, s'inscrit dans une tendance à très long terme. Il est tentant de croire qu'elle s'est accélérée sous le nouveau gouvernement travailliste, qui a instauré un système de crédits d'impôts très favorable, d'une certaine manière, aux parents seuls. Mais en fait, l'époque de la révolution et des grands bouleversements a été, à bien des égards en Grande-Bretagne, la fin des années 1980, sous le gouvernement de Mme Thatcher, après la récession du début de la décennie. C'est pendant cette période de grande croissance, à la fin des années 1980, que bien des choses ont changé, et je crois que c'est à partir de là que le nombre de familles monoparentales s'est accru de façon substantielle.
    Devrait-on modifier les systèmes pour offrir un meilleur soutien aux couples? C'est une question très raisonnable. Sachez que la plupart des travailleurs pauvres viennent d'une famille nucléaire, alors que la pauvreté chez les sans-emploi s'observe surtout chez les parents seuls. Je crois qu'il faut se demander jusqu'à quel point intervenir socialement à cet égard. Nous devons peut-être aussi nous demander comment nous reconnaissons et récompensons ceux qui se chargent de donner des soins. Comme David l'a déjà fait remarquer, la prestation de soins non rémunérée est bien peu reconnue dans notre société, notamment du point de vue financier.
    Peut-être que le problème que vous avez soulevé appelle une réponse détournée plutôt que directe. Mais c'est certainement une question légitime.
    Allez-y, monsieur Gordon.
    J'allais dire que j'étais d'accord avec Peter. L'augmentation du nombre de familles monoparentales est une tendance à long terme, pas seulement au Royaume-Uni, mais dans toute l'Europe. Vous avez tout à fait raison de dire que l'une des causes principales de cette augmentation est la pression financière. Mais je doute qu'en la diminuant, nous réduirons également le nombre de séparations des familles, qui dépend d'une multitude de facteurs.
    Ce qui me fait douter de votre théorie, c'est que les femmes jouissent maintenant d'une indépendance financière qui leur permet de quitter leur conjoint si elles sont insatisfaites de leurs relations, car elles sont moins économiquement dépendantes.
    C'est un problème complexe. Je doute que la diminution du fardeau financier fasse réduire de façon significative le nombre de familles monoparentales. Pourtant, votre question est tout à fait valable.
(1035)
    J'ai parlé un peu plus tôt des conséquences non intentionnelles des stratégies de soutien du revenu. Il est évident qu'il incombe aux gouvernements d'aider ceux qui ne peuvent subvenir à leurs besoins en leur offrant de tels programmes. Il n'y a pas beaucoup d'autres moyens d'y parvenir.
    J'ai un fils autiste maintenant âgé de 12 ans, et j'ai vu des adultes qui souffrent d'autisme ou d'autres handicaps qui ont de toute évidence besoin d'aide, financière ou autre. Mais lorsque nous consacrons trop de ressources aux personnes qui pourraient gagner un revenu, nous y perdons au change, car nous manquons ensuite de ressources pour aider les vrais démunis.
    Quant aux 50 p. 100 dont vous parliez plus tôt, ce pourcentage de personnes si difficiles à atteindre, il semble que nous ayons porté notre attention sur les 50 p. 100 qui peuvent, d'une certaine manière, subvenir à leurs besoins. Nous leurs octroyons énormément de ressources et d'argent, en mettant l'accent sur le soutien du revenu. Peut-être devrions-nous nous efforcer de trouver des solutions non financières. Dans bien des cas, ce serait plus efficace à long terme. Que nous reste-t-il pour aider les 50 p. 100 qu'on a tant de mal à rejoindre pour leur offrir l'aide concrète dont elles ont besoin.
    Vous pourriez peut-être commenter.
    C'est la deuxième fois que M. Lake soulève cette question, et j'aimerais bien qu'on y réponde.
    Le gouvernement du Royaume-Uni n'a pas toujours affecté beaucoup d'argent à la surveillance du système d'assistance sociale, pas plus maintenant que par le passé. Comme c'est toujours le cas avec ce genre de systèmes, des gens tenteront de le contourner, d'en abuser et d'en profiter alors qu'ils n'en ont pas vraiment besoin. Mais il semble que ce ne soit qu'un infime pourcentage. D'aucuns affirmeront que le système du Royaume-Uni est, comme bien d'autres, trop surveillé, faisant valoir que les coûts de la prévention, qui servent à pincer ceux qui empochent des prestations alors qu'ils devraient travailler, dépassent de loin les gains que l'on obtient à attraper les coupables. Dans la vaste majorité des cas, si le système d'aide sociale ne réussit pas à prévenir la pauvreté, l'augmentation du montant des prestations permettra d'améliorer nettement la situation. Par contre, cette mesure aura un bien faible impact sur le nombre, déjà réduit, de fraudeurs. Ce n'est pas le cas qu'au Royaume-Uni, comme l'ont démontré de nombreuses études comparatives réalisées dans divers pays.
    Les chiffres qui figurent dans les recherches objectives menées en sciences sociales ne sont tout simplement pas concluants, peu importe les croyances politiques sous-jacentes des chercheurs. Dans la plupart des cas, si le système est adéquat, l'augmentation des prestations ne manquera pas d'avoir un effet.
    Madame France Bonsant.

[Français]

    Merci, messieurs.
    Depuis tout à l'heure, vous parlez de familles monoparentales dont les enfants sont pauvres. J'ose croire que les chefs de ces familles monoparentales sont, dans la majorité des cas, des femmes.
    Existe-t-il chez vous un processus ou une loi sur l'équité salariale?

[Traduction]

    Oui, nous avons une loi sur l'équité salariale, mais la disparité salariale persiste néanmoins. Je crois que l'écart de salaire entre les hommes et les femmes est de 17 ou 18 p. 100; David pourra peut-être me corriger.
    Cependant, même si l'écart salarial entre les hommes et les femmes et la loi sur l'équité salariale restent des questions extrêmement importantes, je crois que ce qui devrait nous préoccuper vraiment au chapitre de la pauvreté, c'est le salaire des travailleurs à temps partiel, qui sont en majorité des femmes. Je ferais cependant remarquer que le salaire des hommes qui travaillent à temps partiel n'est guère plus reluisant. Nous croyons que les préjugés sont tenaces à l'égard de ce type d'emplois. Je ne sais pas si cela passe bien en français, mais en anglais, on voit presque toujours le mot « seulement » en avant de temps partiel — c'est « seulement » du temps partiel.
    Selon moi, nous aiderions énormément les femmes à faible revenu si nous réglions le problème du bas salaire des travailleurs à temps partiel. Sachez que ces salaires ne sont régis qu'en partie par les forces du marché, car bon nombre d'emplois à temps partiel se trouvent dans le secteur public. En Grande-Bretagne, par exemple, de nombreux travailleurs à temps partiel sont employés au sein de la fonction publique; on pourrait donc intervenir.
    Ce problème ne découle pas seulement de la mondialisation ou de la concurrence internationale. Le travail à temps partiel est, à mon avis, le principal élément qui touche tant les hommes que les femmes du point de vue du salaire. Il y a, bien sûr, d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte.
(1040)
    Je répondrais ici que le Royaume-Uni a édicté une loi sur l'équité salariale et la discrimination sexuelle à l'aube des années 1970. Cette loi a une certaine efficacité, car les causes de particuliers, si elles sont accueillies, se règlent souvent à l'avantage des plaignants. La mesure législative n'a toutefois eu aucun effet sur le problème sous-jacent, c'est-à-dire que souvent, les gens n'ont pas les moyens de se défendre ou n'ont pas accès aux renseignements dont ils auraient besoin.
    Pour éliminer les écarts salariaux actuels, il faudrait probablement intenter des recours collectifs comme aux États-Unis — et normalement, je n'aime pas tellement la politique sociale américaine — et établir des comparaisons en fonction des preuves statistiques plutôt que des données empiriques. Même si la disparité salariale a beaucoup diminué, il n'en demeure pas moins qu'à compétences et à travail égaux, un homme et une femme auront, au cours de leur vie, des revenus très différents.

[Français]

    En parlant de qualifications, vous savez que les gens illettrés sont un gros fardeau en ce qui concerne la pauvreté. Existe-t-il un partenariat entre les gens d'affaires, le gouvernement et les organismes sans but lucratif pour favoriser l'alphabétisation, afin d'aider les gens à combler leur manque d'instruction et ainsi pouvoir trouver un emploi mieux rémunéré?

[Traduction]

    Puis-je répondre?
    L'analphabétisme est un problème de taille — je ne parle pas de l'incapacité totale de lire, mais de l'analphabétisme fonctionnel. Le taux d'analphabétisation est très élevé au Royaume-Uni, même s'il est difficile d'obtenir des statistiques comparatives à ce sujet.
    Le gouvernement a établi des partenariats à l'échelle nationale et locale, ainsi qu'avec le secteur bénévole; il collabore toutefois beaucoup moins avec le milieu des affaires. On a déjà offert davantage de stages et de formation en milieu de travail, mais la politique du Royaume-Uni dans ce domaine est loin de faire figure d'exemple. En fait, un des problèmes qui se pose au chapitre de la pauvreté, ordinaire ou énergétique, c'est que le gouvernement ne s'est pas réellement associé au secteur des affaires. Par exemple, même si l'on offre des tarifs préférentiels aux personnes vivant dans la pauvreté énergétique, ces dernières paient souvent leur énergie plus cher que celles qui ont les moyens de faire effectuer des prélèvements automatiques.
    Ainsi, si l'on parle en chiffres absolus, les personnes défavorisées paient souvent plus cher que les riches pour les mêmes biens et services, et ce, dans bien des domaines. Et souvent, il est très désavantageux pour ces personnes d'essayer de s'alphabétiser, car elles perdent des revenus pour aller suivre une formation.
    Merci beaucoup.
    Nous revenons aux conservateurs. Monsieur Lake, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Pourrais-je revenir sur un commentaire de M. Gordon? Lorsque vous m'avez répondu, vous avez soulevé la question des abus. Mais je ne parlais pas d'abus dans la situation à laquelle je faisais référence, mais plutôt de la mauvaise utilisation des politiques et des programmes gouvernementaux. En effet, je crois que les gouvernements font l'erreur de consacrer nos ressources limitées à des programmes de soutien du revenu à long terme pour des personnes à qui il vaudrait mieux offrir de la formation ou des débouchés.
    Dans certain cas, on pourrait proposer des services de conseil ou d'orientation, alors que dans d'autres, nous pourrions intervenir plus énergiquement. Mais ce qu'il faut, c'est prendre ces personnes sous notre aile pour qu'elles parviennent à subvenir à leurs besoins à long terme.
    Je crois que parfois, nous optons pour la solution de facilité, qui consiste à mettre sur pied un programme de soutien du revenu et à croire que nous avons résolu le problème. Lorsque nous agissons ainsi, nous dilapidons des ressources qui seraient mieux employées à servir des gens qui sont vraiment incapables de gagner leur vie ou qui ont de la difficulté à joindre les deux bouts, des gens qu'il faut aider financièrement à long terme. Souvent, dans des cas de pauvreté infantile, où les difficultés sont bien réelles, nous pourrions offrir une solution pendant une plus longue période — par exemple, en envoyant des préposés vivre avec des personnes handicapées.
    Donc, pour être bien clair, je ne parlais pas des personnes qui abusent du système, mais bien de l'inverse.
(1045)
    Je suis désolé de vous avoir mal compris. Ce n'était pas intentionnel.
    Je suis absolument d'accord avec vous. De toute évidence, il est préférable d'aider les gens à subvenir à leurs besoins que de leur offrir, semaine après semaine, un soutien du revenu minimum. Ces politiques peuvent toutefois être très onéreuses. Le soutien hebdomadaire peut se révéler une solution plus économique, du moins à court terme. Souvent, les gouvernements ne sont pas disposés à investir l'argent nécessaire pour aider les plus démunis à s'en sortir. Mais même lorsqu'ils le font — et je crois que, dans une certaine mesure, le gouvernement du Royaume-Uni a mis en oeuvre ce genre de politique d'intervention sur le milieu du travail —, il n'en reste pas moins qu'un nombre considérable de personnes doivent continuer de prendre soin d'adultes ou d'enfants handicapés. Ces personnes, qui accomplissent un travail indispensable, ont réellement besoin d'un soutien du revenu pour avoir un niveau de vie décent.
    Monsieur Lake, pourrais-je faire un commentaire? Je crois sincèrement que l'on ne peut accuser les gouvernements qui se sont succédés au pouvoir ces dix dernières années — et je ne laisse pas entendre que c'est ce que vous faites — de penser qu'il suffit d'offrir un soutien au revenu, puis s'asseoir sur ses lauriers. Ils ont adopté de très rigoureuses politiques d'intervention sur le marché du travail, semblables à ce que vous proposiez à l'instant dans votre exposé.
    On peut toujours s'interroger sur la façon de faire ou les priorités du gouvernement, mais je crois que du point de vue stratégique, il a pris le genre de mesures que vous proposez. Sans être entièrement mauvaises, elles sont, comme David l'a fait remarquer, plutôt coûteuses à mettre en oeuvre. Je crois que l'exemple du Royaume-Uni montre que ce type d'interventions a aussi ses limites.
    Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter un dernier commentaire sur un point qui est revenu à quelques reprises — notamment à la dernière question — au sujet du milieu des affaires. Notre gouvernement n'y a pas fait appel, pas plus qu'il n'a cherché à en modifier le comportement. Or, je crois qu'il faut probablement faire les deux — essayer d'équiper et d'habiliter les citoyens, mais également de modifier le comportement du secteur des affaires. À mon avis, nous avons appliqué une politique unidimensionnelle à cet égard, alors qu'il serait plus efficace d'agir sur deux plans.
    Merci, monsieur Kenway.
    Merci, monsieur Lake.
    Nous passerions normalement au NPD, mais, comme je l'ai indiqué, Tony Martin se trouve en Irlande dans le cadre de travaux sur la pauvreté. M. Lessard a proposé de poser ses questions, mais je crains de ne pouvoir l'y autoriser. L'adjoint de M. Martin aimerait également intervenir, ce que je dois également refuser. Il nous reste donc un tour de table à effectuer. J'accorderai la parole à Mme Yelich, et peut-être à M. Brown, pour cinq minutes.
    Merci.
    Je voulais discuter un peu de la stratégie que vous avez adoptée pour l'étude sur la pauvreté, car nous nous apprêtons à entreprendre une telle démarche. Vous n'avez pas vraiment abordé la question du panier de consommation, sauf pour parler de la pauvreté énergétique, et ce point nous intéresse toujours. Comme Jacques l'a indiqué, il faudrait probablement accorder une large place à la pauvreté énergétique dans notre étude. Devrions-nous nous intéresser à d'autres éléments? Y a-t-il d'autres facteurs qui influent sur le panier de consommation?
    À ce chapitre, je crois qu'il faudrait nous pencher sur diverses méthodes d'évaluation de la pauvreté. Il a été question du revenu et des médianes, mais jamais du panier de consommation. Je ne sais pas si vous connaissez bien ce concept, ou si vous l'avez utilisé et ne vous en êtes tout simplement pas servi pour établir une analogie. J'aimerais savoir si c'est un concept que vous avez utilisé. Vous avez parlé plus tôt de certaines familles qui, en raison de leur situation, ne bénéficient peut-être pas des mêmes occasions que d'autres. Je me demande simplement si vous avez des suggestions à cet égard dans le cadre de l'étude sur la pauvreté.
(1050)
    Qui veut répondre à cette question?
    Voulez-vous que je réponde, Peter, ou préférez-vous le faire?
    Non, vous pouvez répondre, David. C'est de votre ressort.
     Le gouvernement du Royaume-Uni a rejeté idée d'utiliser les normes budgétaires pour évaluer la pertinence des taux de soutien du revenu. Par le passé, grâce aux travaux de Booth et de Rowntree, ce type d'étude était largement utilisé en Grande-Bretagne. Les travaux de Rowntree, menés dans les années 1930, ont servi à fixer les taux d'aide nationale qui constituent les fondements du système d'aide sociale. Dans les années 1960, on a cherché à évaluer la pertinence des taux d'allocations complémentaires et de soutien du revenu. Ces études ont été -- et sont toujours, je crois -- classés « secrets officiels » par le gouvernement.
    Il est peu probable que le gouvernement du Royaume-Uni utilise, dans un avenir prévisible, des mesures axées sur le marché, qui constituent la norme dans ce domaine. Il existe, en Grande-Bretagne et en Europe, quelques excellentes études universitaires, où l'on utilise divers niveaux pour établir des critères, comme le revenu minimal nécessaire au maintien d'un bon niveau de vie, où l'on s'appuie sur facteurs médicaux pour déterminer ce dont on a besoin pour conserver de saines habitudes de vie. Ce sont des études très intéressantes pour faire la comparaison avec nos taux de soutien du revenu, et particulièrement en ce qui concerne l'argent dont disposent les familles qui comptent un membre handicapé, surtout un enfant.
    Mais je ne crois pas que le gouvernement du Royaume-Uni prendra de telles mesures. Le gouvernement australien a envisagé d'y recourir avant de faire volte-face, considérant que les facteurs à prendre ou non en compte étaient trop matière à débat. Je crois qu'ils ont vu ce qui s'est passé au sein de la Douma russe, qui a été secouée par une tempête sur le nombre de soutiens-gorges que devrait comprendre le panier de consommation des femmes à divers âges. Pareille situation n'a pas manqué de faire frissonner d'horreur les fonctionnaires britanniques.
    Même si ces mesures sont valables, je ne crois pas que les gouvernements européens chercheront à les appliquer dans un avenir prévisible.
    Bien. Donc, la seule recommandation que vous feriez pour notre étude est de traiter de la pauvreté énergétique. Nous y consacrons certainement une large part. Je tiens à connaître votre opinion à ce sujet, parce que je crois que nous pourrions recommander au comité de se pencher sur l'impact que ce facteur aurait sur la population, notre étude et nos efforts de lutte contre la pauvreté. C'était là ma question — croyez-vous qu'il soit très important que nous accordions beaucoup d'attention à la pauvreté énergétique dans notre étude?
    J'ajouterais qu'au Royaume-Uni, l'autre facteur important est le coût du logement. Nous utilisons deux mesures du revenu assez normalisées, l'une appliquée avant les coûts du logement et l'autre, après. Elles permettent de voir les choses sous deux angles fort différents. Et les impacts géographiques ne sont pas du tout les mêmes.
    Nous ne nous appuierons peut-être pas sur la norme budgétaire pour établir les taux de prestations, mais cela ne doit pas nous empêcher de nous intéresser à certains coûts. Je suis certain qu'au Royaume-Uni, les plus grosses dépenses sont actuellement attribuables au logement. J'ajouterais que ce sont peut-être toujours les coûts du logement qui ont compliqué les choses au chapitre de la norme budgétaire, même à l'époque des travaux de Sir William Beveridge, dans les années 1940. C'est donc un facteur important, lourd de conséquences pour de nombreux citoyens.
(1055)
    Je vous remercie beaucoup.
    Voulez-vous intervenir brièvement, monsieur Gordon?
    J'allais dire que personnellement, je crois que le Canada adopte une excellente approche. Il est important de traiter de la pauvreté énergétique. Si le coût du logement est déterminant au Royaume-Uni, il ne l'est peut-être pas autant au Canada.
    Il faudrait probablement aussi se préoccuper du coût d'un autre service de base, comme celui de l'eau.
    Merci beaucoup.
    Je ne poserai qu'une seule question, qui sera la dernière.
    Lorsque nous avons discuté de la question avec vos collègues irlandais qui, au sein de leurs ministères, s'attaquent au problème de la pauvreté, ils nous ont indiqué qu'il est largement reconnu, dans la sphère politique, que la pauvreté est un problème de taille, et que l'Irlande avait remporté de belles victoires à cet égard depuis 1997.
    Compte tenu de la relative instabilité politique que l'on observe actuellement au Royaume-Uni, y a-t-il une différence notable entre les travaillistes et les conservateurs? Par exemple, si David Cameron prenait le pouvoir, adopterait-il une nouvelle approche pour lutter contre la pauvreté? Je ne poserais pas cette question-là à un fonctionnaire, mais je n'hésite pas à vous la poser pour que vous nous fassiez brièvement part de votre opinion éclairée.
    Je répondrai en premier, puis je vous laisserai la parole, David.
    Je crois qu'en Grande-Bretagne, ce n'est que depuis que Cameron a pris la tête du Parti conservateur que ce dernier a abandonné sa politique de l'autruche pour admettre le problème de la pauvreté. C'est un excellent revirement, car ce qui était auparavant une question d'ordre technique est maintenant débattue au grand jour dans l'arène politique.
    Selon moi, les conservateurs ont tellement critiqué les travaillistes pour leurs lacunes que s'ils sont élus en 2009 ou 2010, ils ne pourront tout simplement pas ignorer la pauvreté; je crois toutefois qu'ils adopteront une approche différente. Cependant, s'il sont portés au pouvoir, il ne tarderont à découvrir qu'il est difficile de rompre avec les politiques des travaillistes, qui, après tout, s'appuient sur les recommandations des fonctionnaires; il leur faudra donc peut-être beaucoup de temps avant de pouvoir effectuer un véritablement changement de cap.
    Vous avez la parole, monsieur Gordon.
    J'abonde dans le même sens que Peter. Tous les partis politiques du Royaume-Uni conviennent qu'il faut réduire ou éradiquer la pauvreté. Le gouvernement travailliste a déclaré qu'il devrait être jugé en fonction de ses résultats dans ce dossier, et les autres partis ont réagi en prenant la pauvreté au sérieux et en relevant le défi du gouvernement.
    Depuis l'arrivée de David Cameron, on a observé un spectaculaire changement d'attitude au sein du Parti conservateur à l'égard de la pauvreté; celui-ci semble maintenant déterminé à adopter des politiques rigoureuses de lutte contre la pauvreté, alors que par le passé, ce dossier figurait loin dans ses priorités.
    Au sein des assemblées régionales, les nationalistes gallois et écossais ne manquent pas une occasion de promettre de s'attaquer à la pauvreté, tout comme le font les partis de l'Irlande du Nord.
    Merci beaucoup.
    Je tiens à remercier M. David Gordon, directeur du Townsend Centre for International Poverty Research de la School of Policy Studies, de l'Université de Bristol. Merci, monsieur. J'aimerais également remercier M. Peter Kenway, directeur du New Policy Institute of London. Je vous remercie beaucoup tous les deux d'avoir analysé la situation et de nous avoir fait part de votre opinion éclairée. Nous nous pencherons de nouveau sur la politique du Royaume-Uni en matière de pauvreté à notre retour, cet automne.
    J'aimerais rappeler deux choses aux membres du Comité. D'abord, il n'y aura pas de réunion jeudi. Ensuite, la Commission sur l'assurance-emploi a déposé hier son rapport, que le greffier nous fera parvenir en temps opportun.
    Puisqu'il n'y aura pas de réunion jeudi, je suis certain que vous vous joindrez à moi pour remercier notre personnel, qui a travaillé d'arrache-pied pour assurer le bon déroulement des séances et qui nous a épaulés dans nos travaux.
    Monsieur Lessard, voulez-vous intervenir?

[Français]

    Monsieur le président, je ne sais pas si vous en avez pris connaissance, mais demain après-midi, le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord se réunira pour visionner le film Le peuple invisible. Vous avez sûrement reçu l'invitation. Ce serait peut-être une belle occasion pour notre comité de s'y rendre. Cela aura lieu à 15 h 30, mais je ne me souviens pas dans quelle salle. On avait mis sur la liste des invités, pour l'étude de la pauvreté, le groupe qui a fait ce film avec M. Richard Desjardins. Cela aura lieu demain après-midi à 15 h 30. La diffusion durera environ 1 heure ou 1 heure et demie.
(1100)

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Lessard; j'en prends bonne note. J'encourage tous les membres à faire de même.
    Je remercie donc le personnel et les membres du Comité. Passez un bel été. Nous reviendrons à l'automne pour discuter sérieusement de la pauvreté. Merci beaucoup.
    Je tiens à remercier le vice-président, qui a fait un travail formidable.
    La séance est levée.