HUMA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 12 juin 2008
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
J'aimerais tout d'abord remercier nos invités et témoins en Irlande. Merci beaucoup d'avoir réorganisé vous emplois du temps afin que nous puissions vous entendre une heure plus tôt. Comme vous le savez, au gouvernement, les choses changent parfois à la volée. Nous avons des votes un petit peu plus tard, et nous avons donc pensé qu'il serait préférable, dans l'intérêt de la continuité, de siéger pendant deux heures d'affilée au lieu d'être interrompus et de ne pas forcément être en mesure de revenir. Merci donc d'avoir été si accommodants et flexibles envers nous.
Je vais faire les présentations en suivant l'ordre dans lequel vos noms apparaissent sur ma liste. Nous avons Gerry Mangan, directeur du Bureau de l'inclusion sociale; Kevin O'Kelly, directeur de l'Agence de lutte contre la pauvreté; et Bevin Cody, chef des Communications et des affaires publiques, à l'Agence de lutte contre la pauvreté. Nous allons également nous entretenir avec le professeur Tim Callan, de l'Economic and Social Research Institute, en Irlande.
Bienvenue, mesdames et messieurs, et merci encore d'avoir modifié vos emplois du temps de manière à pouvoir passer du temps avec nous. Comme vous le savez sans doute, ici, au Comité des ressources humaines, nous entreprenons tout juste une étude sur la pauvreté au Canada. Nous croyons savoir que vous avez fait des choses formidables en Irlande. Nous vous sommes reconnaissants de prendre le temps de nous faire part de certaines de vos réussites.
Gerry, je vais commencer par vous, monsieur. Vous disposez chacun de dix minutes. Une fois que nous aurons entendu vos déclarations, nous entamerons la période des questions.
Oui, monsieur Savage.
Je ne sais pas si nos amis irlandais savent comment fonctionne notre Parlement. Vous pourriez peut-être tout simplement leur expliquer combien nous sommes au comité, la composition du comité et de qui vont leur venir les questions.
Oui.
Il est 8 heures du matin ici. Mais vous le savez sans doute.
Je vais vous expliquer un petit peu comment fonctionnent nos comités. Nous sommes en situation de gouvernement minoritaire, et des questions vous seront donc posées par des députés du parti au pouvoir ainsi que par des députés membres de l'opposition. Nous avons quatre députés du parti au pouvoir, le Parti conservateur. Nous avons quatre membres du Parti libéral. Nous avons deux députés du Bloc et un néo-démocrate; je sais que certains d'entre vous vous êtes entretenus au fil du temps et au fil des années avec M. Martin au sujet de la pauvreté.
Je suis, bien sûr, le président du comité, et je suis membre du Parti conservateur.
Voilà qui vous donne une petite idée de qui nous sommes. Une fois que vous aurez chacun eu vos dix minutes, nous passerons à des tours de sept minutes, suivis par des tours de cinq minutes, de questions et de réponses. Nous ferons le tour de la table afin que tous les membres du comité aient l'occasion de vous poser des questions.
Encore une fois, merci beaucoup d'avoir réorganisé vos emplois du temps afin de vous libérer pour nous. Merci également de votre obligeance en vous mettant à notre disposition une heure plus tôt aujourd'hui afin que nous puissions tenir notre réunion et avoir aujourd'hui une discussion exhaustive avec vous tout en pouvant aller voter.
Et merci, monsieur Savage, de votre suggestion.
Comme je le disais, Gerry, nous allons ouvrir le bal avec vous, monsieur. Vous disposez de dix minutes. Merci de votre présence.
Merci beaucoup, monsieur.
J'aimerais simplement dire à quel point nous sommes heureux d'avoir ainsi l'occasion de nous entretenir avec vous au sujet de notre stratégie de lutte contre la pauvreté ici en Irlande. Nous sommes sensibles au fait que c'est notre expérience, et que celle-ci est également, bien sûr, en partie une expérience européenne. Nous osons espérer que vous la trouverez intéressante.
M'entendez-vous bien?
Très bien.
Nous n'avons pas eu autant de difficulté à réorganiser notre emploi du temps que vous, j'imagine. C'est le milieu de la matinée pour nous, ici, en Irlande, et nous savons qu'il vous a fallu démarrer très tôt de votre côté. Nous sommes ravis que les changements que vous avez dû apporter ne nous aient pas empêchés de nous livrer à cet échange de vues.
Sensible que je suis à l'heure, je vais très rapidement faire mon exposé, après quoi je céderai la parole à mes collègues.
Pour vous exposer de manière générale ce que je me propose de faire, je compte vous situer un petit peu le contexte irlandais de la lutte contre la pauvreté et le choix de l'approche particulière que nous avons adoptée. Je vais ensuite vous parler de notre stratégie de lutte contre la pauvreté et de la manière dont celle-ci a été élaborée, et je conclurai en vous entretenant de manière générale de l'incidence que celle-ci est en train d'avoir ici en Irlande.
Au Canada, vous connaissez sans doute assez bien le contexte, vu les relations plutôt étroites que vous entretenez avec l'Irlande. Comme vous le saviez peut-être, l'Irlande a longtemps été caractérisée par des niveaux élevés de chômage, de sous-emploi, d'émigration et de pauvreté. Lorsque nous avons intégré l'Union européenne en 1973, le PIB par habitant n'était que de 60 p. 100 de la moyenne de l'Union européenne. Puis, après des progrès économiques sensibles dans les années 1960 et 1970, il y a eu une détérioration de la situation économique, précipitée par les chocs pétroliers de la fin des années 1970, chose que nous vivons peut-être dans une certaine mesure de nouveau aujourd'hui. Nous avions également une importante dette publique.
Dans le but de redresser la situation ou de poursuivre le développement économique et ainsi de suite, un processus de partenariat social a été entamé en 1987. Il s'agissait d'établir un consensus national quant aux mesures à prendre pour réaliser le développement économique, et cela a été l'une des principales influences et l'un des principaux moyens d'élaborer notre stratégie économique et sociale d'ensemble depuis.
Puis, bien sûr, est survenu dans les années 1990 le phénomène du Tigre celtique, comme on l'appelle, marqué par des niveaux de croissance économique sans précédent accompagnés d'un vaste recul du chômage et du chômage à long terme, d'un important accroissement de la participation des femmes au marché du travail, ce qui a amené une multiplication des familles à deux revenus, de la quasi-fin de l'émigration involontaire, d'une hausse considérable de la migration de retour et d'un accroissement énorme de l'immigration, qui, dans un court laps de temps, est passé de presque rien à 10 à 15 p. 100 de la population, la plupart de ces immigrants venant de pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est. Ces dernières années, notre taux de chômage a compté parmi les plus bas de l'Union européenne, et notre PIB par habitant est aujourd'hui parmi les plus élevés.
Cependant, comme je l'ai mentionné, les prix du pétrole et le resserrement du crédit ont enclenché un ralentissement temporaire du progrès économique que nous faisons.
Voilà donc le contexte, principalement économique, de l'évolution qu'a connue l'Irlande. En dépit de ce développement économique, la pauvreté a persisté. C'est ainsi que nous avons été davantage sensibilisés à la complexité de la pauvreté pour ce qui est des besoins divers des différents groupes vulnérables, comme les familles et les enfants, les personnes âgées, les minorités ethniques, etc. L'éventail de politiques et de programmes en place pour servir directement leurs besoins, comme par exemple soutien du revenu, aide à l'emploi, éducation, soins de santé et logement, était largement non coordonné et non intégré. Puis, il y avait l'incidence indirecte d'autres éléments, comme l'impôt sur le revenu, la justice et l'égalité, le développement communautaire, l'environnement, les gouvernements locaux, et ainsi de suite.
Nous sommes également très conscients du fait que ce que nous faisons peut-être par le biais de politiques visant à lutter directement contre la pauvreté peut sur certains points être défait par d'autres politiques de nature plus générale. Puis, bien sûr, il y a l'incidence des mécanismes de soutien, des lignes directrices et des exigences de l'Union européenne et d'organisations internationales comme le Conseil de l'Europe, l'OCDE et les Nations Unies. Toutes ces influences ont elles aussi rendu les choses plus complexes en ce qui concerne les pauvres du fait qu'intervenaient dans chaque volet des objectifs et des programmes différents ainsi que des processus pouvant à l'occasion être contradictoires et amener des résultats sous-optimaux.
L'on manquait également de connaissances scientifiques claires quant à l'envergure, la nature et les causes réelles de la pauvreté et, partant, quant aux meilleurs moyens de déployer des ressources en vue de livrer au mieux la lutte contre la pauvreté. Il existe peut-être également une attitude fataliste voulant que la pauvreté ne puisse jamais être enrayée et que notre principale tâche soit simplement de l'atténuer. L'on était par ailleurs très peu conscient du fait qu'en dehors des questions de justice sociale, la pauvreté représente un important coût économique, tant pour le présent que pour le futur. En conséquence, les ressources consacrées à la lutte contre la pauvreté devraient être perçues davantage comme un investissement social dans le développement économique d'aujourd'hui et de demain, plutôt que comme un fardeau pour l'économie. Voilà dans quel contexte s'est opérée une amélioration de notre compréhension de la pauvreté.
Il est donc ressorti de tout cela qu'il n'y avait pas de responsabilité claire quant à la lutte générale contre la pauvreté. Il n'y avait aucune stratégie intégrée assortie de buts, d'objectifs, de cibles et d'indicateurs pour mesurer non seulement les intrants et les extrants, mais, ce qui est le plus important, les résultats.
C'est donc contre cette toile de fond que le processus a été élaboré. La première stratégie nationale antipauvreté a été présentée en 1997, et elle a en partie été influencée par le Sommet des Nations Unies à Copenhague, le bureau du partenariat social et l'Agence de lutte contre la pauvreté, que vous allez entendre un peu plus tard.
Puis, en 2002, nous avons remanié la stratégie pour tenir compte de l'incidence du Tigre celtique. Nous étions un pays plus riche. Nous avions davantage de ressources. Nous étions davantage confiants quant à ce que nous pouvions faire. C'est ainsi que la stratégie révisée a été plus ambitieuse.
Il y a ensuite eu une intervention de l'UE, celle-ci cherchant à essayer d'encourager et d'aider les pays à élaborer une approche stratégique. Mon collègue Kevin, de l'Agence de lutte contre la pauvreté, en traitera plus tard.
Est ensuite intervenu le bureau de partenariat social. Celui-ci a commencé à négocier les dispositions de base; il a étoffé les stratégies. Et voici que nous avons notre plan moderne, qui a tout juste été adopté en 2006, intitulé « Towards 2016 » (vers 2016), et qui a été élaboré pour les 10 prochaines années.
Quant à la façon dont nous avons structuré la stratégie, tout d'abord, nous avons commencé par les défis, les tendances et les questions émergentes. Nous avons commencé à réellement comprendre quelles étaient les caractéristiques et la cause de la pauvreté. Nous avons commencé à cerner des aspects comme la pauvreté des enfants, l'augmentation de la participation des femmes au marché du travail et les parents seuls. C'étaient là les principales tendances. Puis, il y a eu la croissance de l'immigration. Nous nous sommes fixés un objectif général, et l'objectif que nous nous appliquons aujourd'hui à atteindre est de réduire la pauvreté d'entre 2 et 4 p. 100 d'ici 2012, pour l'éliminer complètement d'ici 2016.
Nous avons adopté une approche de cycle de vie pour essayer de promouvoir une meilleure intégration. Nos cycles de vie sont les enfants, les personnes en âge de travailler, les personnes âgées, et d'autres catégories, comme par exemple les personnes handicapées et les communautés. Nous fixons alors des objectifs pour chaque cycle de vie. Par exemple, dans le cas des enfants, nous avons des objectifs en matière d'éducation et de soutien du revenu. Pour les personnes en âge de travailler, nous avons des programmes de participation à l'emploi et de soutien du revenu. Pour les communautés, il a été déterminé qu'il nous fallait assurer une meilleure coordination et une meilleure intégration des politiques.
Nous avons 157 objectifs assortis d'un calendrier. Il s'agit de buts précis à atteindre dans des délais prescrits, puis nous avons les mesures à mettre en oeuvre pour atteindre ces buts et objectifs, par exemple soutien du revenu, santé, etc.
Pour ce qui est des structures administratives — et je ne suis pas loin de terminer — nous les bâtissons de bas en haut. Nous avons des unités d'inclusion sociale dans chaque ministère gouvernemental et administration locale. Puis, nous avons le Bureau de l'inclusion sociale — le bureau dont je suis directeur — qui, encore une fois, est là pour coordonner tout le processus à chaque niveau. Nous avons un groupe d'examen du partenariat social, grâce auquel employeurs, syndicats, agriculteurs ainsi que représentants des communautés et du secteur bénévole examinent et suivent les progrès réalisés. Nous avons un forum de consultation — un forum d'inclusion sociale — qui nous permet de rencontrer des personnes qui vivent la pauvreté. Puis, nous avons un groupe de hauts fonctionnaires, de personnes de haut rang au sein des ministères du gouvernement — et dont je suis membre —, et qui assure une coordination pangouvernementale et qui rend compte à un comité du Cabinet présidé par le premier ministre.
Ensuite, au niveau de l'UE, nous avons un comité de protection sociale par le biais duquel le processus est coordonné au niveau européen.
Pour ce qui est de son incidence — et je suis certain que nous pourrons en discuter tout à l'heure, en réponse à des questions —, je dirais que l'un des éléments essentiels est qu'il y a une plus grande sensibilisation à la pauvreté, à son envergure et à ses causes, et ce à l'échelle du gouvernement tout entier, parmi les partenaires sociaux et chez le public en général. Il y a maintenant des objectifs et des cibles clairs et une concentration sur l'obtention de résultats. Nous avons ainsi le sentiment de mieux contrôler ce qui se passe sur le terrain. Nous savons vers quoi nous nous dirigeons. Nous savons où nous voulons aboutir. Nous savons ce qui doit être fait pour aboutir là où nous voulons nous retrouver, et il y a une reconnaissance de la nécessité d'approches davantage intégrées. Nous avons plusieurs exemples illustrant le fait que, lorsque les différents services oeuvrent ensemble au niveau tant national que local, l'on obtient de meilleurs résultats.
Il y a une plus grande mobilisation de tous les intervenants, de telle sorte que l'on ne compte pas simplement sur le seul gouvernement. Nous faisons intervenir les gouvernements locaux et les partenaires sociaux, ainsi que tous les groupes bénévoles et ainsi de suite.
Ceux-ci travaillent davantage ensemble et assurent la communication et les échanges à un niveau plus pratique et plus ciblé. Nous travaillons bien sûr également avec les autres États membres de l'Union européenne, de telle sorte qu'il y a à certains égards une plus grande détermination paneuropéenne à combattre la pauvreté.
Pour conclure, pour ce qui est des résultats émanant de cette politique, compte parmi les plus importants la réintégration du marché du travail par des chômeurs ou des inactifs de longue date, en âge de travailler, grâce à la conjugaison de soutien du revenu et de soutien à l'emploi; une approche coordonnée en matière de soutien aux familles et aux enfants; et d'importantes améliorations sur le plan du sans-abrisme. Un autre important élément du processus a été une réaction rapide au défi de l'immigration. Voilà donc quelques petits exemples des résultats de notre politique.
Je vais m'arrêter là et céder la parole à mon collègue, le professeur Tim Callan, qui prendra la suite.
Merci beaucoup.
J'encouragerais les témoins à parler un petit peu plus lentement afin que les interprètes puissent suivre.
Nous faisons toujours la même chose. Nous vous accordons 10 minutes pour nous livrer des journées entières de renseignements, alors merci beaucoup.
Vous allez donc céder maintenant la parole à Tim?
Je vous remercie moi aussi de l'occasion de m'entretenir avec vous sur cette question.
Je vais m'efforcer de tailler les propos que je vais vous tenir de manière à ne pas dépasser 10 minutes. Je vous ai fait parvenir des renseignements à l'avance.
Il y a deux principales questions dont j'aimerais traiter avec vous. Il y a, tout d'abord, ce que l'on appelle parfois le « poverty-proofing » ou, plus récemment la « poverty impact assessment », c'est-à-dire l'évaluation de l'incidence des importantes politiques, plus particulièrement les politiques fiscales et de bien-être social, sur la pauvreté, et de leurs ramifications.
Pour ce qui est de la deuxième partie, je suppose qu'en ma qualité d'économiste j'aimerais user de mon avantage comparatif et essayer de raconter une histoire au sujet du tableau plus vaste de la façon dont nous sommes partis d'une économie avec un taux de chômage de 15 p. 100 à une économie caractérisée par un taux de chômage de 5 p. 100 ou moins et des changements connexes dont Gerry a parlé, pour essayer de tout intégrer dans un récit.
Premièrement, pour ce qui est de l'évaluation de l'incidence sur la pauvreté, l'idée maîtresse dans la stratégie dont Gerry a parlé est que les ministères gouvernementaux évalueraient leurs politiques et programmes aux étapes de la conception et de l'examen en vue de déterminer quelle incidence ils auraient sur la pauvreté ou sur les inégalités susceptibles d'amener la pauvreté. J'aimerais me concentrer plus particulièrement sur la façon dont cela est fait relativement aux politiques fiscales et de prestations sociales ou de ce que vous appelleriez peut-être les politiques fiscales et de sécurité sociale.
L'idée est que l'on se préoccupe beaucoup de ce qui arrive aux personnes à l'assistance ou qui bénéficient, de manière générale, de la sécurité sociale, et des taux des versements qu'elles reçoivent comparativement à d'autres participants à l'économie en période de croissance très rapide. Nous avons à cette fin utilisé un modèle de prestation fiscale qui est parfois appelé un modèle de microsimulation, et dont vous en avez plusieurs au Canada. Je sais que Statistique Canada s'adonne lui aussi à ce genre de travail.
Il s'agit d'essayer de comparer l'incidence du budget de chaque année en matière d'établissement des principaux paramètres de politiques fiscales et de sécurité sociale et taux de versement et ainsi de suite. L'on procède à un examen des changements de politique véritables comparativement à un scénario neutre. Je ne vais pas vous expliquer le détail de la structure, mais il s'agit essentiellement d'un scénario neutre sur le plan de la distribution qui repose sur l'indexation des taux de paiement et des tranches fiscales et ainsi de suite en fonction de la croissance des salaires, les salaires étant la forme de revenu dominante dans l'économie.
Il s'agit d'un travail qui a été fait dans le contexte irlandais par le service de Gerry, le ministère des Affaires sociales et de la famille, avec le ministère des Finances, qui mène en fait cet exercice dans le cadre de l'établissement de la documentation aux fins du budget annuel.
Je ne sais pas si vous avez certaines des transparences que je vous ai envoyées, mais il est intriguant de constater, en comparant cinq années au milieu des années 1990 — soit la période de 1993 à 1997 —, puis une période plus récente, que l'impact distributif des changements de politiques sur ces périodes est très différent.
Je ne suis pas en train de dire que cela est entièrement attribuable à cette approche de mesure et de modélisation, mais je pense, comme le disait Gerry, que lorsqu'on concentre son attention sur quelque chose — lorsque ce quelque chose devient mesurable et contrôlable —, cela a des conséquences sur les résultats obtenus, et vous verrez dans cette comparaison que dans la période ultérieure, une fois le système bien en place, l'impact distributif penche beaucoup plus en faveur des pauvres, et qu'il y a en fait une réduction connexe du côté des mesures générales de la pauvreté.
Le revers de cette médaille est peut-être bien illustré par les récents développements constatés au Royaume-Uni: une vive réaction politique à l'abolition du taux d'imposition de 10 p. 100. Un aspect de cela concerne, encore une fois, la question du choix des cibles et les cibles qui sont disponibles.
Au Royaume-Uni, il y a une cible pour la réduction de la pauvreté chez les enfants. Il y a aucune cible pour ce qui est de la réduction de la pauvreté en général. Dans un tel contexte, il est facile de voir qu'en se concentrant exclusivement sur l'élément pauvreté des enfants l'on peut donner l'impression que c'est une bonne idée alors que si l'on utilisait également l'objectif général, ce serait peut-être dès le départ contrecarré.
Je vais maintenant passer à la deuxième partie de ce que je voulais couvrir, et faire le lien entre certaines des idées au sujet de ce qui se passe dans l'économie générale et l'évolution de la pauvreté en Irlande. Je pense qu'il ressort assez clairement de comparaisons avec des pays aux pratiques exemplaires, comme les pays scandinaves, que la réduction de la pauvreté ne peut pas être réalisée sur la seule base de l'accroissement des taux de prestations sociales, ni sur la seule base d'une stratégie axée uniquement sur le travail, politiques qui ont peut-être été adoptées ailleurs, mais que la combinaison des deux est très porteuse.
Dans le contexte irlandais, pour des raisons dont je ne vais pas traiter, du fait de leur complexité, ce n'est pas la seule explication de ce qui s'est produit et de ce que l'on appelle souvent le Tigre celtique, mais le problème du chômage a été examiné et résolu, le taux passant de 15 à 5 p. 100. C'est là le premier volet d'action, mais, dans un deuxième temps, il y a eu des augmentations sensibles des prestations d'aide sociale, en premier lieu, pour les personnes en âge de toucher une pension, et, à un stade ultérieur, pour les autres catégories d'allocation d'assistance. Avec cette combinaison de scénarios, il a été enregistré en Irlande d'importantes réductions de la pauvreté selon les mesures habituelles.
L'une de ces mesures est ce que l'on appelle la « pauvreté persistante », mesure qui a été notamment élaborée par des collègues à moi à l'ESRI, Brian Nolan et Chris Whelan — et si cela vous intéresse, nous pourrions peut-être discuter de cela un peu plus dans le détail. L'autre mesure qui est souvent utilisée en est davantage une de pauvreté relative du revenu, qui ressemble aux mesures de faible revenu qu'emploie Statistique Canada. Mais sur la totalité de la période dont nous discutons, il y aurait eu des réductions pour ces deux mesures.
J'espère vous avoir livré quelques éléments sur lesquels m'interroger plus tard, quelques pistes, et je vais maintenant transmettre le bâton à Combat Poverty.
Merci, professeur. Je suis bien sûr certain qu'il y aura beaucoup de questions.
Je devine que c'est maintenant à Kevin que vous cédez le micro.
Kevin, merci beaucoup. Nous envisageons avec plaisir de vous écouter pendant 10 minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Ma collègue Bevin Cody, est avec moi, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure. Bevin participera plus tard à la période de questions et réponses.
J'aimerais tout d'abord dire que je me joins à Gerry et à Tim pour vous dire à quel point nous sommes heureux de l'occasion qui nous est ici donnée de nous entretenir avec vous. J'ai en fait eu le privilège de visiter l'immeuble dans lequel vous siégez, il y a environ trois ans de cela, et de faire le tour des édifices du Parlement à Ottawa, alors je suis vraiment ravi.
Je vais traiter de deux questions seulement. Premièrement, je vais vous parler un petit peu de ce que fait Combat Poverty, de ce qu'est notre rôle, puis je reprendrai ce que Gerry a mentionné tout à l'heure au sujet du contexte européen et de la manière dont le système qu'ont esquissé Gerry et Tim s'inscrit dans le contexte européen.
Pour commencer, la Combat Poverty Agency est un organisme d'État. L'agence a été créée en vertu d'une loi en 1986, et a donc plus de 20 ans. Elle est plutôt unique au sein de l'Union européenne; il n'existe dans aucun autre État membre une organisation créée en vertu d'une loi et qui joue un rôle semblable.
En vertu de la loi nous créant, nous jouons quatre principaux rôles: le premier est de donner des conseils en matière de politiques au ministre et au gouvernement relativement à la planification sociale et économique par rapport à la pauvreté; le deuxième est d'entreprendre et d'évaluer des programmes et des initiatives destinés à éliminer la pauvreté; le troisième est de promouvoir, de financer et d'effectuer des recherches sur la nature, les causes et l'envergure de la pauvreté; et le quatrième est de promouvoir une meilleure compréhension de la pauvreté au moyen de communications et d'éducation publique.
Ces rôles englobent du travail avec les ONG, la communauté et le secteur bénévole en Irlande, ainsi que la promotion du recours au développement communautaire comme moyen de vaincre la pauvreté.
Nous sommes tenus par la loi d'élaborer un plan stratégique tous les trois ans — nous sommes en fait en train d'effectuer ce travail en ce moment même —, et ces plans doivent refléter le cadre de politique national en place au moment de leur élaboration. Par exemple, comme cela a été expliqué plus tôt, le plan stratégique pour les trois prochaines années, que nous sommes en train de préparer, serait très axé sur l'approche des cycles de vie. L'on s'y attarde sur les enfants, les personnes en âge de travailler, les personnes âgées, les personnes handicapées et les communautés. Cela est en place en ce moment et fait partie de la stratégie que nous appliquons en Irlande.
Notre travail intéresse en ce moment plusieurs de ces domaines. Par exemple, nous avons fait un travail considérable sur toute la question de la pauvreté des enfants, qui est un assez grave problème en Irlande. Est bien sûr lié à cela le problème des parents seuls, et c'est dans ces deux catégories ou groupes que l'on relève les taux de pauvreté les plus élevés.
Une autre importante catégorie sur laquelle nous nous penchons est celle des personnes âgées, et l'incidence de l'action gouvernementale est très bien fondée dans les résultats de l'examen des personnes âgées, car au cours des dernières années, dans le cadre du processus budgétaire, l'on a mis l'accent sur la lutte contre la pauvreté chez les personnes âgées et les retraités, et l'on a constaté une diminution du nombre de personnes âgées vivant dans la pauvreté.
Deux autres domaines dans lesquels nous oeuvrons à l'heure actuelle chez Combat Poverty concernent l'exclusion financière, soit la situation des personnes qui ne peuvent pas accéder à un compte bancaire ni au crédit. Elles éprouvent ainsi de la difficulté à se trouver un emploi car il leur faut un compte en banque, et c'est donc un cercle vicieux. Nous oeuvrons aux côtés des institutions financières, du régulateur financier et du ministre des finances en vue de cerner la marche à suivre face à ce problème.
Enfin, une nouvelle préoccupation qui est ressortie au cours des dernières années, pas seulement en Irlande mais dans toute l'Europe, est la situation des travailleurs à faible revenu et, par voie de conséquence, des familles à faible revenu. Nous participerons à des recherches sur cette question et estimons qu'il s'agit d'un problème qui doit être abordé au niveau national.
Notre travail nous amène également à oeuvrer aux côtés des administrations locales, car l'exécution d'une bonne partie de la stratégie suppose des initiatives et des programmes au niveau local. Nous travaillons donc très étroitement avec les autorités locales et les services de santé, tout en faisant du financement et de la recherche sur les tendances en matière de pauvreté et des études « ciel bleu » pour identifier des formes nouvelles ou émergentes de pauvreté.
Tim a parlé il y a quelques instants du processus budgétaire. En effet, l'un de nos principaux devoirs annuels est de soumettre un projet de budget aux différents ministères sur ce que nous envisageons comme étant nécessaire dans le cadre du budget de l'État pour l'année. Aux côtés de Tim et de ses collègues à l'Economic and Social Research Institute, nous analysons par ailleurs le budget en utilisant les modèles que Tim a décrits.
La deuxième question sur laquelle j'aimerais attirer votre attention est le contexte européen dans le cadre duquel tout cela s'inscrit. En 1997, soit il y a tout juste un peu plus de 10 ans, en vertu du traité d'Amsterdam, l'Union européenne, financée par et travaillant avec la Commission européenne, a élaboré une stratégie d'emploi destinée à combattre les taux de chômage élevés dans les pays membres de l'Union européenne. Par la suite, la stratégie de Lisbonne a été adoptée lors d'une réunion des chefs de gouvernement sur l'orientation économique et sociale de l'Union européenne, tenue à Lisbonne au début de l'année 2000. Cette stratégie visait entre autres la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. En vue de faire avancer ce dossier, la Commission européenne énonce chaque année des lignes directrices pour les États membres afin que ceux-ci puissent mesurer leur action dans la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Tous les deux ans, les États membres sont tenus de déposer auprès de la Commission un rapport national sur l'inclusion sociale, les pensions et la protection sociale, puis un rapport conjoint est adopté par les chefs de gouvernement, chaque année à leur réunion de printemps.
Une partie de ce processus est ce que nous appelons l'approche non impérative. Nous suivons la méthode ouverte de coordination dans le cadre de laquelle il se fait des examens par des pairs, des experts des États membres examinant les approches suivies dans d'autres États membres et donnant leur avis et leur réaction quant à la façon dont les États membres progressent à l'égard de leurs objectifs particuliers au regard des lignes directrices. Un certain nombre d'initiatives et de programmes transnationaux sont financés par la Commission européenne. C'est notamment le cas de l'enquête annuelle Eurobaromètre appelée l'Enquête de l'UE sur le revenu et les conditions de vie, qui nous livre les données grâce auxquelles mesurer les progrès que nous faisons.
Enfin, j'aimerais dire qu'il est très intéressant que ce soit aujourd'hui que vous veniez nous rendre visite en Irlande, car c'est aujourd'hui que nous votons sur le traité de Lisbonne, et nous sommes le seul pays à le faire, les 26 autres adoptant le traité par voie d'un processus parlementaire. Il est intéressant que l'inclusion sociale figure pour la toute première fois comme objectif dans un traité de l'UE. L'article 3 du traité dit que l'Union
combat l'exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l'égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l'enfant.
Si le traité est adopté d'ici la fin de l'année, cela sera inscrit dans les nouveaux traités de l'Union européenne. Ce traité engage également l'UE à éliminer la pauvreté et à protéger les droits de la personne dans une approche mondiale. Le traité prévoit également l'établissement d'un comité consultatif en matière de protection sociale, chargé de promouvoir la collaboration entre les États membres et la Commission européenne en matière de politiques de protection sociale.
Le traité de Lisbonne, dont nous espérons qu'il sera adopté aujourd'hui en Irlande et ratifié d'ici la fin de l'année, consacrera également la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale dans les lois fondamentales de l'Union européenne.
Merci beaucoup, Kevin.
Nous allons maintenant entamer notre premier tour de table, avec quatre tours de sept minutes, un pour chacun des partis. Le premier parti sera le Parti libéral, parti de l'opposition.
Monsieur Savage, vous disposez de sept minutes.
Merci, monsieur le président.
Bonjour. Nous sommes vraiment très heureux d'avoir la possibilité de nous entretenir avec vous aujourd'hui. Comme c'est le cas d'autres membres du comité, je fais partie de la diaspora irlandaise, étant né dans le Nord et ayant de profondes racines dans la République, et comptant encore de nombreux parents là-bas.
Cela me procure certainement beaucoup de fierté et de joie de constater les vastes progrès qui ont été réalisés en Irlande dans la lutte contre la pauvreté. Comme l'a mentionné Gerry, l'Irlande a été confrontée à de nombreux défis économiques au fil des ans. Aujourd'hui, l'Irlande est florissante à de très nombreux égards. Le pays est au troisième rang pour l'indice de liberté économique et au cinquième rang pour l'indice de développement humain des Nations Unies. En 2005, il s'est classé au premier rang pour ce qui est de l'indice de qualité de vie de l'Economist Intelligence Unit, mesurant la santé et la vie familiale, la vie communautaire, la sécurité d'emploi, l'égalité des sexes et d'autres choses du genre.
Je pense que, quelle que soit la mesure employée, le travail qui a été accompli en Irlande a certainement été très positif. Nous avions espéré, comme Gerry doit le savoir, nous rendre là-bas la semaine prochaine pour vous rencontrer et participer à la conférence sur le revenu de base. Nous espérons avoir l'occasion de le faire en personne un jour, mais nous sommes néanmoins très reconnaissants d'avoir la possibilité de nous entretenir à distance avec vous aujourd'hui.
Nous souhaitons faire quelque chose d'important au Canada pour combattre la pauvreté, et il nous faut cerner les mesures à prendre et faire le tri dans toutes sortes de choses.
J'aimerais d'abord, si vous permettez, demander à ceux d'entre vous qui étiez là au début, en 1997, et même avant, si vous ne pourriez pas nous faire une recommandation fondée sur votre expérience.
Comment faire pour mobiliser la population générale et la sensibiliser à l'importance pour un pays de mener une vaste et robuste campagne de lutte contre la pauvreté?
Je suppose que cela se fait à plusieurs niveaux. Je pense, tout d'abord, qu'il doit y avoir un ferme engagement gouvernemental depuis le haut. Il n'est pas forcément question ici d'une augmentation des ressources, bien que cela en fasse partie, mais il s'agit plutôt de reconnaître qu'il nous faut nous attaquer à la pauvreté, qu'il nous faut adopter une approche stratégique, qu'il nous faut connaître la nature, l'envergure et la gravité de la pauvreté, et qu'il nous faut cerner nos objectifs et ainsi de suite. C'est cette réflexion stratégique qui est essentielle.
La deuxième chose est qu'il vous faut être convaincus que la pauvreté peut être vaincue. Il existe une attitude plus ou moins passive voulant que la pauvreté ne puisse jamais être enrayée. C'est ainsi qu'il est plus difficile de mobiliser les gens. En Irlande, nous avions déjà en place — et c'est pourquoi j'ai fait mention de cela, et j'en ai peut-être trop longuement parlé — un processus de partenariat social intégrant les employeurs, les syndicats et ainsi de suite. Ils étaient déjà engagés et ont ensuite pris part au projet, ce qui a permis au gouvernement d'oeuvrer aux côtés de certains des intervenants clés pour combattre la pauvreté.
Puis, sont montés à bord d'autres groupes non gouvernementaux organisés, et ceux-ci ont été d'une aide énorme car ils défendaient les besoins des gens, savaient exactement ce qui se passait sur le terrain et ont ensuite pu, eux aussi, devenir des parties prenantes dans le processus.
Je pense que c'est cette dynamique, menée par le gouvernement, qui a permis de galvaniser l'approche globale de lutte contre la pauvreté, mêlée d'un certain degré de frustration du fait qu'en dépit des importants efforts déployés les résultats espérés n'aient pas été réalisés dans toute la mesure souhaitée. Je pense que c'est cela qui s'est passé.
Dix ans plus tard, personne ne critique la stratégie. L'on se plaint que l'on n'ait pas fait suffisamment de progrès et que les choses ne se passent pas aussi bien qu'on le souhaiterait, mais tout le monde convient, à tous les paliers de gouvernement et au sein de la société civile, qu'une approche stratégique est nécessaire.
C'est exactement cela qui s'est passé au niveau de l'Union européenne. J'ai siégé dès le départ aux comités de l'Union européenne. Je me souviens d'avoir ardemment défendu, m'appuyant sur l'expérience irlandaise, la nécessité d'une approche stratégique. Les pays avaient eu quelques réserves à cet égard, quelques réserves au sujet de la participation de l'UE, mais, 10 années plus tard, absolument personne ne doute de cette approche ou de son utilité.
Je suppose que c'est ainsi que j'ai vu la chose évoluer. Bien sûr, cela s'est développé petit à petit. En 2002, nous sommes allés beaucoup plus loin que précédemment, et nous sommes allés beaucoup plus loin encore depuis. Mais dès lors que le processus est enclenché, il prend vie, et les gens en verront le mérite.
Merci.
C'est un défi intéressant, et peut-être que Bevin aurait quelque chose à dire là-dessus, mais l'un des problèmes, monsieur Savage, est que dans une économie riche il est très difficile de faire passer le message qu'il existe de la pauvreté.
Il y a 20 ans, voire même 10 ans, l'émigration irlandaise était très forte, le taux de chômage était élevé et la pauvreté était plutôt manifeste en Irlande. On la voyait dans les files d'attente de chômeurs et dans la rue. Mais aujourd'hui, la situation est très différente, et même s'il y a de la pauvreté de-ci de-là, il est très difficile de faire passer ce message. Bevin étudie des travaux de recherche effectués par la Joseph Rowntree Foundation faisant ressortir que la chose a été particulièrement difficile au Royaume-Uni également.
Il y a 20 ans, lorsque nous avons lancé les arrangements de partenariat social, comme Gerry l'a mentionné, la première entente, en 1987, avait été baptisée « Programme for National Recovery », programme pour une relance nationale. La situation économique et sociale en Irlande était à l'époque si triste qu'il nous fallait une entente en vue d'une relance nationale, et cela a fixé les bases et le cadre grâce auxquels l'économie du Tigre celtique a pu se développer dans les années 1990. Mais il est devenu plutôt évident pendant les années 1990 que le partage par le Tigre celtique n'était pas égalitaire, et c'est à ce moment-là qu'il a été jugé essentiel d'élargir les négociations au-delà d'arrangements tripartites gouvernements-syndicats-employeurs pour asseoir des arrangements sociaux beaucoup plus vastes. C'est ainsi qu'on a fait appel au secteur communautaire et bénévole pour intégrer une dimension sociale au développement économique qui s'opérait. Il importait d'élargir les partenariats pour reconnaître la nécessité de partager la richesse qui était en train d'être créée.
Bevin.
Je pense que ce qu'a dit Kevin est juste, soit que l'opinion publique et les attitudes du public sont sans doute très importantes pour obtenir en fait que le processus s'enclenche. Cependant, j'estime que le leadership politique est très important pour maintenir les progrès réalisés.
La troisième chose que je dirais est qu'il importe de mettre solidement l'accent sur l'établissement de la capacité des différents acteurs qu'il vous faut mobiliser, car pour nombre de ces questions auxquelles on veut s'attaquer, parfois les gens, premièrement, ne sont même pas au courant des problèmes et, deuxièmement, ne savent pas quoi y faire une fois qu'ils y ont été sensibilisés.
Une part importante du travail de Combat Poverty intéresse donc l'établissement de la capacité des personnes qui vivent la pauvreté de contribuer au processus décisionnel puis, de l'autre côté, une intervention auprès des ministères gouvernementaux pour les aider à apporter les changements nécessaires.
Merci.
Je me souviens d'être allé en Irlande en 1987, je pense. Je devrais en fait avoir plus de certitude là-dessus, car c'était mon voyage de noces. C'était en 1987. Je me souviens clairement que c'était en 1987. Et je me souviens que l'économie ne se portait pas particulièrement bien à l'époque. Je pense que vous avez mentionné cette année-là en particulier.
J'aimerais faire une observation. La lutte contre la pauvreté englobe quantité d'aspects différents. Un aspect est le fait d'avoir une économie solide. Un autre est le Tigre celtique. Un autre est l'investissement dans l'éducation. Encore un autre est la réforme fiscale.
Mais je crois également comprendre qu'entre 1997 et 2006, le taux de base des prestations de bien-être social a augmenté de 99,7 p. 100, bien au-dessus de l'augmentation de 34,2 p. 100 de l'IPC et bien au-dessus de l'augmentation des revenus industriels bruts moyens.
Interviennent donc toutes ces choses, mais il s'agit également de faire un effort déterminé pour dire que l'on va consacrer des ressources à cette question, dans l'intérêt des plus vulnérables. Est-ce exact?
Cela illustre clairement que l'un des produits du Tigre celtique a été une augmentation des ressources pouvant être canalisées pour appuyer les plus démunis.
Une dimension intéressante de cela, et c'est quelque chose qui a créé beaucoup de problèmes pour nous, est que le taux de pauvreté relative a en fait diminué pendant cette même période. Ce taux est fondé sur les revenus courants dans le pays, et ceux-ci augmentaient à tout un rythme. Il y avait plus d'emplois, il y avait des emplois mieux rémunérés. La participation des femmes au marché du travail était à la hausse, et il y avait de ce fait davantage de ménages à deux revenus. Il y a eu des réductions de taux d'imposition, ce qui était un élément clé de la politique économique, un moyen de maintenir les salaires à un niveau modéré et d'indemniser partiellement les travailleurs grâce à des taux d'imposition inférieurs.
Pendant que tout cela se faisait, il y a eu une augmentation générale des revenus et des améliorations sensibles du côté du bien-être social, mais, en dépit de cela, l'écart entre la majorité, pour ce qui est du niveau de vie, et les moins bien nantis, allait augmentant, même si, dans l'ensemble, le niveau de vie de chacun s'améliorait.
Il s'agit donc d'un genre de problème ou de défi qu'une approche stratégique peut contrer. Premièrement, vous constatez ce qui se passe, puis vous découvrez pourquoi, et vous commencez ensuite à vous attaquer aux causes. Nous nous y attaquons depuis 10 ans. Nous commençons à intervenir non seulement en maintenant les prestations de bien-être social à un niveau élevé, mais également au moyen d'encouragements, pour inciter les gens à retourner au travail, et en levant les obstacles à l'emploi — toute une gamme d'initiatives du genre. Mais c'est ainsi qu'il faut s'attaquer à la pauvreté dans une société complexe et en évolution rapide. Si vous comptez sur des initiatives stratégiques courantes et distinctes, cela ne fonctionnera pas aussi bien que dans le cadre d'une approche davantage stratégique.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je veux aussi remercier les personnes de l'Irlande, qui sont là ce matin, de nous éclairer par rapport à l'expérience qu'elles vivent.
Si vous me le permettez, je vais peut-être avoir l'air d'insister, mais je crois que les premières questions posées par M. Savage sont cruciales pour nous. En effet, ce que nous comprenons, c'est que vous avez pris partie de lutter contre la pauvreté et décidé, à un certain moment, de dire que c'était assez, que vous alliez prendre position pour lutter contre cette pauvreté.
J'ai lu que ce n'est pas la première fois. Vous avez déjà vécu des crises dans le passé. Il y a aussi eu des débats au gouvernement d'Irlande relativement à ce sujet dans le passé. Le parcours que je peux constater, c'est un peu le même que celui qu'on vit ici. En 1990, par exemple, il y a eu des accords et des engagements à lutter contre la pauvreté. Il y a effectivement eu des mesures, mais il n'y a pas eu de stratégie d'ensemble comme chez vous, avec les résultats qu'on connaît aujourd'hui. Donc, je reviens là-dessus.
Je ne sais pas qui va me répondre, mais il me semble qu'il s'est passé quelque chose en 1997, ou un peu avant, qui a fait office de bougie d'allumage. Les réponses que vous avez données sont des réponses qui reposent sur une analyse, sur des faits objectifs, mais que vous aviez aussi dans le passé. Toutefois, sur le plan de l'engagement politique, il me semble qu'il s'est passé quelque chose qui a en quelque sorte allumé une flamme et qui vous a fait dire que le moment était venu pour vous d'agir.
[Traduction]
Puis-je faire quelques commentaires là-dessus?
Plusieurs choses se sont conjuguées à ce moment précis, et l'une des premières a été le visage du gouvernement à l'époque, en ce sens qu'il y avait un ministre d'un gouvernement qui était plutôt centre gauche, ce qui a peut-être été un facteur — mais l'initiative a malgré tout été largement appuyée, alors les choses auraient peut-être de toute façon évolué dans le même sens.
Ce qui a sans doute fait aboutir le tout est qu'il y a eu un sommet des Nations Unies à Copenhague, un sommet mondial des dirigeants des pays, portant sur la lutte contre la pauvreté. L'un des sujets de discussion à l'époque était la nécessité d'une approche stratégique. Le ministre dont je viens de faire mention a manifestement été inspiré par cette conclusion et a obtenu l'approbation du gouvernement pour la préparation d'une stratégie et d'une approche stratégique.
Puis, l'organisation de Kevin, la Combat Poverty Agency, était là pour donner son appui, et celui-ci a été très important. On a commencé — très sagement, je pense, rétrospectivement — par mener de vastes consultations. Il n'a donc pas été question d'une simple stratégie imposée par le gouvernement, mais du fruit de peut-être 18 mois à deux années de consultation de toutes les parties prenantes, y compris les partenaires sociaux et les organisations non gouvernementales. C'est ainsi qu'une stratégie plutôt modeste a été élaborée. Mais elle englobait tous les éléments clés que j'ai mentionnés: il y avait une analyse claire de la nature et de l'envergure de la pauvreté; il y avait un désir de fixer des objectifs clairs et des cibles en vue de la réalisation de ces objectifs, ainsi que l'élaboration des mesures à prendre pour atteindre ces cibles et objectifs; puis il y a eu un système de surveillance et de contrôle des résultats. Le processus de partenariat social est très largement intervenu du côté de la surveillance.
Je pense que tout le monde a reconnu la valeur d'une approche stratégique, car celle-ci demandait « Comment pouvons-nous utiliser nos ressources de manière optimale? Comment pouvons-nous mobiliser toutes les personnes qui, d'une façon ou d'une autre — y compris les familles à la maison — essaient de s'attaquer à la pauvreté, et comment pouvons-nous traiter avec les personnes défavorisées, et ainsi de suite? » C'est sur cette base que je pense qu'il y a eu l'étincelle. La valeur même du processus a empreint les intéressés, y compris ceux et celles qui vivaient dans la pauvreté.
Cette même expérience a été vécue par tous les pays d'Europe qui ont, depuis, adopté cette approche stratégique, à l'échelle, donc, de l'Union européenne. C'est tout à fait ce que tout le monde dit qu'il faut faire.
[Français]
La question de fixer des cibles semble vous motiver beaucoup. Lorsqu'on examine votre parcours, on constate qu'à un moment donné, vous avez décidé d'accélérer l'atteinte de certains objectifs d'ici 2012. C'est assez fascinant parce qu'on constate — et vous me le direz si je me trompe — que vous avez eu un taux de réussite assez remarquable en ce qui concerne certaines populations cibles mais, par ailleurs, il y a eu, inversement, comme une augmentation pour d'autres populations cibles, par exemple les familles monoparentales et les personnes âgées.
Pourriez-vous nous parler un peu de ce phénomène? Comment avez-vous accéléré l'atteinte de vos cibles, alors qu'il y avait des retards dans certains groupes cibles?
[Traduction]
Pour ce qui est d'accélérer les choses, c'est un petit peu amusant lorsqu'on y réfléchit. Lorsque les objectifs en matière de réduction de la pauvreté ont été fixés en 1997, ils l'ont été sur la base d'anciens chiffres, car c'était ce que l'on avait de disponible à l'époque. Lorsqu'une enquête sur la pauvreté a été effectuée ultérieurement, on a découvert que les cibles étaient déjà dépassées lors de leur établissement en 1997, du fait qu'elles avaient été fondées sur de vieux renseignements. Ce qui s'est passé, bien sûr, est que, dans l'intervalle, il y avait eu une énorme période de croissance économique, l'une des plus rapides que le pays ait vécues dans toute son histoire. C'est ainsi qu'une quantité énorme de nouvelles ressources sont arrivées. D'autre part, il y a eu une baisse du chômage, et le coût du chômage a donc de beaucoup reculé.
Mais vous avez mis le doigt dessus, car il y a des groupes qui ont perdu — ce n'est pas tant qu'ils ont perdu, mais ils n'ont pas progressé au même rythme que les autres. L'un d'eux est celui des parents seuls. C'était à cause d'une vieille attitude. Lorsque nous avons instauré des allocations hebdomadaires pour les parents seuls, l'idée était vraiment de permettre à ces parents seuls de rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants, comme tout le monde. Mais à la fin des années 1990, il a fallu concevoir ces allocations de manière à aider les parents seuls à aller travailler, comme tous les autres, la participation des femmes sur le marché du travail ayant sensiblement augmenté et d'importantes barrières empêchant les parents seuls d'accéder à l'emploi et de jouir de l'appui dont ils avaient besoin.
Il y a donc eu un important virage dans l'orientation de la politique. Il s'agit aujourd'hui d'essayer de faciliter la participation des parents seuls à l'emploi. Cela suppose des services de garde d'enfants ainsi que d'éducation et de formation, car nos enquêtes font ressortir qu'une part importante des parents seuls ont un niveau d'instruction inférieur à la norme, ce qui constitue en soi un obstacle. Et cela suppose également des améliorations dans les transports, pour permettre aux gens de se rendre plus facilement à leur lieu de travail et des horaires de travail plus flexibles, etc.
Le processus est manifestement plus clair, mais le problème demeure. Nous avons aujourd'hui un bien plus grand nombre de personnes en situation de ménage sans emploi du fait d'être parent seul ou d'avoir une déficience ou autre que du fait d'être chômeur. La plupart de ces ménages comptent des enfants, ce qui ajoute à nos niveaux relativement élevés de pauvreté chez les enfants.
Le tout a donc pour objet de s'attaquer à la pauvreté dans toute une gamme de volets, que je viens à l'instant de décrire.
Bien sûr, mais faites vite, car nous avons déjà dépassé le temps prévu. Une réponse rapide serait formidable.
Très bien, je ferai vite, mais je tiens à tirer une chose au clair.
Nous travaillons avec deux mesures de la pauvreté. Au niveau de l'Union européenne, nous utilisions une formule — 60 p. 100 du revenu médian, que nous considérons comme étant le niveau « à risque de pauvreté ». Il s'agit d'une mesure de revenu. Cela est plutôt élevé en Irlande, à cause de ce dont Gerry a parlé: il y a eu une augmentation marquée des revenus supérieurs, alors qu'un grand nombre d'autres personnes ont peut-être vu leur revenu augmenter, mais pas au même rythme.
Mais nous avons également une deuxième mesure, qui est, je pense, beaucoup plus importante. C'est ce que nous appelons la pauvreté persistante. Celle-ci est mesurée, premièrement, sur la base de la pauvreté sur le plan du revenu, dont j'ai parlé, mais également sur la base d'une série de critères, comme par exemple la possibilité d'une personne de consommer un repas chaud tous les deux jours, ou de se procurer un manteau chaud, ou de sortir avec des amis une fois par mois, à cause de leur revenu. Il y a 11 critères de ce genre.
Sur cette base, les chiffres les plus récents que nous ayons, pour 2006, montrent une augmentation de la pauvreté des enfants et de la pauvreté chez les parents seuls. Les deux choses sont bien évidemment interreliées. Mais nous avons également constaté, par exemple, une baisse de la pauvreté chez les personnes âgées, que j'ai mentionnée plutôt, ainsi que chez les immigrants, qui sont peut-être venus chez nous après l'accession de pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est à l'Union européenne en 2004. Ces personnes paraissaient vivre dans la pauvreté en 2005, mais ce niveau a en fait sensiblement reculé en 2006. Le tableau est donc mixte; nous voyons des progrès dans certains domaines, et des difficultés dans d'autres.
Merci beaucoup.
J'aimerais tout d'abord remercier Gerry pour tout le travail qu'il a fait en prévision de la possibilité qu'une délégation du comité se rende dans son pays pour le rencontrer et pour rencontrer ceux qui participent à cette réunion d'aujourd'hui, ainsi que d'autres, afin que nous puissions pleinement comprendre la dynamique et l'énergie sous-tendant cette campagne de lutte contre la pauvreté en Irlande, et qui fonctionne manifestement fort bien.
Comme vous le savez, je suis très déçu que nous ne puissions pas nous rendre chez vous. Nous traiterons de cela à un autre moment.
J'aurai peut-être moi-même la possibilité de me rendre dans votre pays et de rencontrer certains d'entre vous la semaine prochaine, malgré tout. Nous verrons commence cela évolue.
Nous sommes venus ici ce matin très impressionnés, comme je l'étais déjà, par les efforts déployés tout particulièrement par l'Irlande pour lutter contre la pauvreté, en tant qu'engagement. Au fil des questions que d'autres vous ont posées, vous avez fait état de la dynamique qui existe derrière ce travail. Des décisions ont été prises au niveau de l'Union européenne. À un moment donné, un ministre a pris l'engagement de combattre la pauvreté. Il y a eu l'établissement d'un consensus national qui vous a permis d'obtenir l'appui du public. Je crois que le partenariat social a été un élément important dans tout cela.
Je sais que lorsque j'étais là-bas en 2002, vous veniez de sortir l'un de vos plans quinquennaux, appelé « Programme pour la prospérité et la justice », qui m'a pas mal impressionné. Je sais qu'il fait partie de tout cet effort.
Quelque chose nous a-t-il échappé, ou m'a-t-il échappé, qui soit un ingrédient essentiel ou primordial du programme que vous administrez aujourd'hui et qui a manifestement produit quelques résultats impressionnants?
Merci beaucoup, monsieur Martin.
Nous sommes évidemment déçus que vous et vos collègues n'ayez pu faire le voyage, mais nous comprenons les difficultés qui peuvent surgir, car nous aussi travaillons avec des ministres et des parlementaires et autres personnalités. Nous espérons pouvoir vous rencontrer si vous faites le voyage la semaine prochaine. Il va sans dire que nous nous mettrons entièrement à votre disposition et à celle de vos collègues si nous pouvons vous être utiles et expliquer ce que nous avons fait.
Je pense que vous avez très bien résumé l'évolution du processus, qui s'est déroulé en quelque sorte à deux niveaux. Le système gouvernemental a reconnu la valeur de cette action, que ce soit le ministère des Finances ou d'autres instances, ayant réalisé l'intérêt qu'il y a à maîtriser la problématique de la pauvreté et à mettre en oeuvre des moyens efficaces. Je pense que cela va sans dire. En outre, j'ai mentionné aussi tous les principaux groupements d'intérêts, tels que le patronat, les syndicats et ainsi de suite.
Je pense que le patronat est un exemple intéressant, car il est vrai en Irlande, et vrai de manière générale, qu'il réalise l'effet de frein économique que la pauvreté représente aussi. Cela a été très bien illustré en Irlande où, lorsque l'économie a pris son essor et qu'un nombre énorme d'emplois ont été créés, nous avons manqué de travailleurs pour les combler, parce que beaucoup n'avaient pas l'éducation, la formation professionnelle, les soutiens qui étaient requis. L'intervenant précédent a mentionné les parents seuls, qui étaient un exemple frappant de ce problème.
Par conséquent, cela a conduit à des niveaux d'immigration élevés, ce qui ne nous gêne évidemment pas, mais cela a mis en lumière l'impact économique qui résulte lorsqu'on laisse persister la pauvreté, et la nature historique de la pauvreté. Nombre des problèmes que nous avons rencontrés à ce stade étaient le résultat, d'une certaine manière, de l'absence d'une éducation adéquate, de soutiens adéquats, etc. Aussi, lorsque ces gens sont arrivés à l'âge de travailler, ils n'étaient pas en mesure d'occuper les emplois qui étaient devenus disponibles.
Au fur et à mesure de l'évolution des choses, il est devenu de plus en plus clair que la lutte contre la pauvreté comporte également une importante dimension économique, ou des avantages économiques. L'OCDE, dont le Canada est un membre très éminent, répercute aussi ce message. Lors d'une réunion récente des ministres des Affaires sociales, le Secrétariat de l'OCDE a prononcé une déclaration très sentie à cet égard, disant que non seulement la pauvreté a des implications sur le plan de la justice sociale mais qu'elle exerce aussi de fortes répercussions économiques dans le présent et dans le futur. Je sais que tous les États membres, tous les pays qui étaient représentés, n'ont éprouvé aucune difficulté à admettre ce message.
J'espère que cela répond à certains des points que vous avez soulevés.
Merci beaucoup.
Je n'ai qu'une autre question dans l'immédiat. Je comprends mieux maintenant la dynamique au niveau supérieur, au niveau national, et même l'accent mis par l'Union européenne sur ce programme, avec la nouvelle charte qui sera approuvée aujourd'hui par l'Irlande, je l'espère, mais comment cela se concrétise-t-il sur le terrain, dans les collectivités locales? Vous devez tenir compte des différences urbaines et rurales, et au Canada nous avons un défi intéressant, en ce sens que nous avons un gouvernement fédéral, nous avons des gouvernements provinciaux, puis des gouvernements municipaux, et la difficulté est de faire descendre sur le terrain la réflexion qui se déroule au sommet, et de la concrétiser par des programmes produisant des résultats sur le terrain.
Vous avez mentionné à un moment donné l'idée du développement communautaire comme moyen de couvrir les poches de pauvreté les plus difficiles à traiter ou les plus persistantes. Peut-être pourriez-vous nous parler pendant quelques minutes de la façon dont l'action est concrétisée au niveau local et peut-être nous expliquer mieux cette notion de développement communautaire.
Gerry, nous n'avons presque plus de temps, alors essayez de nous donner une réponse aussi brève que possible. Je sais que c'est une vaste question.
Pour ce qui est des collectivités locales, nous sommes convaincus que les démunis eux-mêmes ont un gros rôle à jouer pour combattre la pauvreté au sein de leur collectivité, mais ils ont besoin de soutien et de ressources pour cela. L'Irlande a un vaste programme de développement communautaire, avec quelque 292 projets de développement communautaire à travers le pays dans le cadre desquels la population entreprend des actions de lutte contre la pauvreté au niveau local. Il existe également un ministère responsable du développement communautaire.
À un autre niveau, il existe un grand programme d'action de la part des autorités locales, qui fournissent nombre des services dont a besoin la population démunie. Je suppose que cela a présenté des difficultés propres, en ce sens que les politiques étaient élaborées au niveau national mais devaient ensuite être traduites et mises en oeuvre et exécutées au niveau local. L'Agence de lutte contre la pauvreté a travaillé au cours des sept dernières années avec les autorités locales pour les aider à de doter de la capacité d'entreprendre des stratégies locales de réduction de la pauvreté pour traduire les objectifs des stratégies nationales au niveau local. Cela n'est pas allé sans difficultés, mais c'était facilité par un certain nombre de structures au niveau national. Par exemple, il existe un groupe de travail des autorités locales sur l'inclusion sociale qui opère au niveau national et rassemble un certain nombre de ministères du gouvernement national, et cela représente donc un autre volet.
Merci, Bevin.
Nous allons maintenant passer aux conservateurs et au gouvernement.
Madame Yelich, vous avez la parole pour sept minutes.
Merci beaucoup.
Je vais partager mon temps avec M. Brown.
Je voudrais juste dire que nous avons rencontré hier votre ambassadeur, Declan Kelly, qui était l'hôte conjoint d'une réception ici, sur la Colline parlementaire, à l'occasion de la sortie d'un livre sur Thomas D'Arcy McGee, intitulé Passion, Reason, and Politics,1825-1857. Cela a été une réception intéressante et, bien entendu, Declan Kelly représente très bien votre pays.
J'ai entendu plusieurs remarques intéressantes. Je ne sais plus qui a mentionné que l'impulsion était venue d'un ministre de gauche, mais lorsqu'on parle de pauvreté, je ne pense pas que ce soit une affaire de gauche ou de droite politique. Nous sommes tous intéressés à combattre la pauvreté car nous allons tous retirer un grand bénéfice de l'éducation et de tous les avantages d'une économie florissante.
Je sais que votre réussite tient en grande partie à votre dynamisme économique. Est-ce que cela change votre stratégie ou votre définition de la « pauvreté » par rapport au point de départ de cette stratégie il y a 10 ans?
Je voudrais également savoir quel changement le traité de Lisbonne, si vous le signez, va apporter à votre stratégie? Allez-vous fixer une nouvelle orientation? Et pour reprendre le propos de M. Martin, sur nos niveaux de gouvernement superposés, comment allez-vous concrétiser cela sur le terrain? Que se passera-t-il lorsque vous signerez le traité de Lisbonne, le cas échéant? Quel changement cela va-t-il apporter à toute votre stratégie? Va-t-elle changer d'orientation?
Je ne veux pas accaparer trop de temps, car j'espère laisser le temps à M. Brown de poser aussi une question, mais j'aimerais savoir ce que contenait ce panier d'épicerie. Vous avez nommé quelques articles. Même si vous pouviez juste nous mettre par écrit la composition et nous l'envoyer, ce serait utile.
Merci.
En fait, j'avais encore une question sur vos parties prenantes. Vous avez dit qu'il y en avait beaucoup. Nous aussi souhaitons inviter certaines des parties prenantes à venir.
Ont-ils apporté une contribution positive à ces changements dans les politiques? Nous souhaitons leur contribution, et non pas qu'ils viennent présenter au gouvernement un catalogue d'exigences. Quelle contribution ont-ils apportée pour sortir les gens de la pauvreté? Je parle là du patronat, des chefs de petites et grandes entreprises, et des syndicats que vous avez mentionné. Bien sûr, nous savons tous que les bénévoles représentent le plus gros atout dans la lutte contre la pauvreté, mais quelle contribution ces intervenants ont-ils apportée, en sus d'une économie dynamique?
Merci.
Merci beaucoup.
Encore une fois, il est très intéressant pour nous d'apprendre tous ces liens entre les Canadiens et les Irlandais. Dans mon cas, j'ai trois cousins germains au Canada, dont l'un porte le même nom que moi, et nous avons donc beaucoup de contacts personnels.
Pour ce qui est du commentaire, très justifié, concernant cette personnalité politique de gauche, il se trouve simplement que la personne qui a lancé ce mouvement était de gauche. Mais le gouvernement dont elle a été membre, qui n'était pas réellement de gauche — il était plutôt centriste — a donné tout son appui. Ensuite, l'élan a été maintenu par le gouvernement suivant — d'ailleurs, ce ministre a quitté le pouvoir avant que le plan entre en vigueur.
Je peux dire qu'il existe un consensus au niveau de tout l'échiquier politique dans ce domaine, fort heureusement, en ce qui concerne le souci de combattre la pauvreté.
Pour ce qui est des autres aspects, plutôt que de monopoliser la conversation, je vais d'abord inviter Tim à nous parler de la nature la pauvreté et de la manière dont elle est calculée et ainsi de suite.
Je pense que c'est un problème général et pas propre à l'Irlande, mais certains aspects ont fait l'objet d'un vif débat en Irlande. Il s'agit de savoir comment ajuster la définition de la pauvreté en fonction de la fonction de la croissance des revenus au fil du temps. Il s'agit de savoir comment mesurer le faible revenu ou quelle mesure de la pauvreté relative l'on va employer, ce que l'UE appelle le « risque de pauvreté ». Tous ces indicateurs augmentent selon une mesure du revenu moyen, ou parfois médian.
L'indicateur de pauvreté persistante est une mesure mise au point plus récemment. Ce n'est pas une mesure fixe dans le temps, encore qu'elle s'inscrive dans la même tradition, en ce sens que la mesure de la pauvreté persistante cherche à définir la pauvreté comme étant l'exclusion de la vie sociale ordinaire et ainsi de suite. C'est la même notion, mais en l'appliquant à la situation que nous avons connue en Irlande — soit une période de croissance très rapide — la fiabilité de cette mesure est problématique. Pour ma part, étant analyste, cela me rend hésitant à attribuer des droits exclusifs à une mesure particulière de la pauvreté. Je pense que les différentes mesures nous apprennent différentes choses. Cela ne signifie pas que nous baissons les bras, mais ces mesures nous apprennent différentes choses sur ce qui se passe dans une situation complexe, et il faut les interpréter prudemment.
Je ne puis évidemment pas m'étendre sur le sujet ici, mais nous serions ravis de le faire par courriel, si nécessaire, ainsi que sur tout autre sujet.
Je vais répondre aux deux autres questions, soit le traité de Lisbonne et la contribution des parties prenantes. Peut-être Bevin voudra-t-elle également intervenir là-dessus.
Je ne pense pas que l'adoption du traité de Lisbonne changerait grand-chose. Je pense que tous les États membres se sont maintenant engagés, comme Gerry l'a dit, à mettre en oeuvre des stratégies de lutte contre la pauvreté, ou des stratégies d'inclusion sociale comme on les appelle au niveau européen.
J'en ai fait état dans mes remarques liminaires car pour la première fois cela sera inscrit dans les traités de l'Union européenne. Jusqu'à maintenant, c'était une aspiration. Cela restera une responsabilité des États membres, mais il y aura une plus grande coordination des approches et un partage des expériences entre les 27 États membres sur la façon de s'attaquer à la pauvreté.
Nous aurons des délégations d'autres États membres qui viendront voir ce que nous faisons en Irlande; nous serons en contact avec d'autres États membres qui nous expliqueront leur programme et nous pourrons nous en inspirer. C'est tout à fait une démarche de partage au sein de l'Union européenne. Je pense que cela imprimera un élan et contribuera beaucoup à faire progresser tout l'agenda de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
En ce qui concerne les parties prenantes, une des caractéristiques intéressantes, pour ce qui est de la participation des syndicats et du patronat, c'est que nous avons en Irlande une seule centrale syndicale et une seule organisation patronale; au niveau des partenaires sociaux nous avons des organisations à tête unique qui travaillent avec le gouvernement, non seulement au niveau de la concertation nationale mais aussi de toute une série d'organismes gouvernementaux, si bien que les partenaires sociaux jouent un rôle majeur dans la planification économique et sociale en Irlande, tant au niveau de l'élaboration que de l'exécution.
L'autre point que j'allais mentionner est en rapport avec la question de M. Martin sur l'accord national du PPF. En 2006 et 2007, il s'est produit une situation intéressante en Irlande, en ce sens que nombre des programmes en place convergeaient en même temps et ont dû être renouvelés à peu près en même temps. Nous avions la stratégie nationale antipauvreté, qui a été terminée en 2007. Le PPF a été terminé en 2006 et le nouvel accord décennal, appelé Horizon 2016, est entré en vigueur l'an dernier. ensuite il y a eu le plan de développement national qui a été élaboré en même temps et nous devions aussi rédiger des rapports pour l'Union européenne. Tous ces différents éléments ont convergé, ce qui a permis d'intégrer et de relier entre elles bon nombre des stratégies en un programme d'action nationale cohérent, ce qui nous a aidé à définir une direction nationale dans laquelle nous voulions aller.
Merci.
Votre temps est écoulé. Nous vous donnerons la parole, monsieur Brown, lors du prochain tour.
Nous allons entamer notre deuxième tour de cinq minutes, avec Mme Sgro, du Parti libéral.
Merci beaucoup.
Nous avons beaucoup appris ce matin. J'apprécie que vous nous consacriez tout ce temps.
Comme vous le savez, plusieurs de nos provinces relèvent également le défi et conçoivent une stratégie antipauvreté. Nous espérons pouvoir travailler en coordination avec nos provinces, ainsi qu'avec nombre de nos villes et collectivités.
Vous avez mentionné les familles monoparentales. De nombreuses femmes aujourd'hui, en sus de la tâche importante que représente l'éducation des enfants, veulent également participer à la population active afin de ne pas se retrouver démunies dans leur vieillesse. Quels programmes spécifiques avez-vous, sachant maintenant que nombre de femmes irlandaises veulent travailler? Que faites-vous sur le plan de la garde des enfants et pour les personnes âgées démunies? Avez-vous des programmes spécifiques à cet égard?
Ma troisième question porte sur les sans-abri.
Je vous lance ces trois questions en rafale, car le temps nous est compté et nos collègues veulent aussi pouvoir poser leurs questions. Pourriez-vous donc me donner des réponses concises sur ces trois problèmes complexes?
Très rapidement, pour ce qui est des parents seuls, le principal objectif est de pouvoir concilier leur travail et la garde des enfants. Leur priorité est donc, à très juste titre, la garde des enfants, mais ils veulent pouvoir en même temps faire une carrière. Bien entendu, la faculté de faire carrière évolue avec l'âge des enfants et ils deviennent plus libres une fois que les enfants sont scolarisés.
Les services de garde sont donc un élément clé. Nous les avons considérablement développés mais il reste beaucoup de chemin à faire. De nombreuses cultures offrent les services de garde depuis de nombreuses années et ont accompli beaucoup de progrès, mais je suppose que la nécessité en est aujourd'hui admise chez nous. La direction dans laquelle nous allons est claire. Il faut du temps pour édifier la capacité, et c'est ce que nous sommes en train de faire.
La majorité de nos parents seuls ont un emploi. Une minorité, une minorité importante, ne travaille pas. Dans leur cas, c'est principalement par manque d'instruction, par manque de formation, mais souvent aussi par manque d'emplois disponibles là où ils vivent — difficultés de transport, ce genre de choses. Nous avons donc un programme d'activation qui va offrir à ces parents seuls un soutien de type assurance-chômage ordinaire. Ils vont être traités comme des personnes disponibles pour travailler. Leurs besoins seront évalués, les obstacles seront levés dans la mesure du possible et les encouragements nécessaires, tels que formation, etc. seront fournis. Cette politique fait partie du plan, et va être mise en place dans les années qui viennent. C'est l'une des grandes priorités, sinon la principale, car l'absence d'emploi des parents seuls, comme je l'ai mentionné, contribue également à la pauvreté infantile.
En ce qui concerne les personnes âgées, un gros effort a été fait pour accroître les pensions. Ce sont des majorations substantielles pour tenter de les arracher à la catégorie « risque de pauvreté » que nous avons mentionnée, les porter au-dessus de ce niveau. Il peut être nécessaire également de cibler les personnes vivant seules. Une forte proportion des personnes âgées pauvres vivent seules, ne pouvant pas partager les frais du ménage avec quelqu'un jouissant d'une autre pension ou d'un autre revenu. Ensuite nous avons tout un système de soutien communautaire que nous ne cessons de développer, sur le plan de l'aide à domicile, des soins de relève, de l'aide ménagère, de l'assistance chauffage et du combustible. Nous offrons l'électricité gratuite, les déplacements gratuits, les licences de télévision gratuites, et toute une série d'allocations aux ménages qui aident les personnes âgées à couvrir leurs frais majeurs. Voilà donc pour le second groupe.
En ce qui concerne les sans-abri, nous en sommes presque au stade où la plupart de ceux qui vivaient dans la rue ont maintenant un toit. Mais il faut ensuite passer de cette situation, où les gens vivent dans ce que nous appelons en Irlande des « gîtes », ou des logements temporaires et ainsi de suite, à un logement plus stable. Il s'agit pour cela, premièrement, de mettre à disposition des logements appropriés, mais aussi d'offrir des allocations loyer couvrant une grande partie du loyer à payer.
Je suppose que l'on a mis l'accent en Irlande sur les services de garde en tant que mesure d'incitation à travailler, par opposition à la conception plus holistique des garderies comme propices au développement des enfants. Une nouveauté récente a été la création d'un ministère des Enfants, responsable de cet aspect, qui recoupe différents domaines, dont la santé, l'éducation et quelques éléments du système judiciaire.
Merci beaucoup de ce complément d'information, Bevin.
Nous allons maintenant passer à M. Lake, du Parti conservateur, pour cinq minutes.
J'aimerais commencer par vous remercier d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer de cette façon. Je trouve que cela a été une très bonne discussion, une excellente façon de faire cela et nous avons fait économiser aux contribuables canadiens 70 000 $ en ayant recours à ce moyen. C'est important pour nous.
C'est intéressant lorsqu'on considère les juridictions. Je sais que Tony a abordé la question. Je fais ressortir que nos particularités posent des difficultés intéressantes. Par exemple, la distance d'un bout à l'autre du Canada est presque la même que de Dublin à la Nouvelle Delhi. Notre structure gouvernementale est donc très différente, puisque nous avons au Canada 10 provinces, toutes partenaires égales. Ce sont les provinces qui possèdent la responsabilité constitutionnelle à l'égard de la plupart des aspects touchant la pauvreté.
Vous avez évoqué la question juridictionnelle, et je sais que quelqu'un a parlé du fait que tous les niveaux de gouvernement participent. Existe-t-il en Irlande une entité, une juridiction infranationale, ayant des responsabilités comparables ou même plus grandes que le gouvernement national pour ce qui est de la plupart des aspects dont nous parlons?
Non.
Premièrement, nous avons très conscience de la différence d'échelle entre l'Irlande et le Canada. Nous avons aussi ce problème au niveau de l'Union européenne, avec 80 millions d'Allemands et 56 millions de Britanniques et ainsi de suite. Nous réalisons que ce qui peut fonctionner en Irlande devrait être adapté pour donner des résultats dans des pays plus importants.
Pour ce qui est de la juridiction au sein de la République d'Irlande — et il en existe une autre, bien sûr, avec l'Irlande du Nord — nous sommes un pays de quatre millions d'habitants. C'est un territoire relativement petit qui tiendrait probablement dans un petit coin du Canada. Le niveau suivant est celui des autorités locales, mais qui sont loin d'avoir des pouvoirs comparables. La plupart des grands programmes comme la santé, le soutien du revenu et le soutien de l'emploi sont administrés au niveau national, mais avec une présence locale. Mais la responsabilité réside virtuellement au niveau national, sans niveau de compétence intermédiaire. À cet égard, nous sommes un peu comme le Royaume-Uni, un pays plutôt centralisé.
Je sais qu'en Scandinavie, en particulier, ce qu'ils appellent leurs municipalités possèdent des responsabilités considérables à l'égard des services sociaux, mais il n'en va pas de même en Irlande.
Je ne veux nullement diminuer, en disant cela, vos accomplissements car ils paraissent considérables.
Vous travaillez manifestement dans ce domaine depuis longtemps, et peut-être pourriez-vous nous parler un peu des difficultés que vous avez rencontrées en chemin. Toute cette problématique représente évidemment un gros défi, mais avez-vous tiré quelques leçons de l'expérience que vous n'attendiez peut-être pas? Lorsque vous parlez aux différents responsables politiques qui tentent de prendre des décisions pour leur pays, quelles leçons pourrions-nous tirer pour éviter de répéter les mêmes erreurs?
Je suppose que l'une des grandes difficultés — et elle est persistante — est d'amener les ministères à adopter une optique plus large. Les ministères restent largement focalisés sur leur domaine de responsabilité. Il en résulte un effet de silo, comme nous l'appelons souvent ici, tel que leur principal objectif est de parvenir aux bons résultats dans leur domaine de compétence. Il s'agit donc de les amener à adopter une approche pangouvernementale de la pauvreté. Cela s'applique tant au niveau national qu'au niveau local. C'est pourquoi nous avons introduit cette approche du cycle de vie, pour essayer d'amener les gens à focaliser sur les actions exigeants une coopération et une intégration interministérielle et ainsi de suite. Je pense que cela a été l'une de nos plus grosses difficultés.
Il est également juste de dire qu'il existe toujours une tension entre la perspective économique et la perspective sociale. Les gens disent, d'une part, et à juste titre, que le développement économique est primordial. Mais en même temps, il faut essayer de les convaincre que l'on peut promouvoir le développement économique aussi par le biais de la dimension sociale. C'est un peu un objectif à plus long terme. L'un des problèmes des soutiens sociaux est qu'ils mettent du temps à porter fruit — ou du moins de façon visible. Si vous voulez investir dans les enfants, par exemple, il peut falloir attendre 20 ans avant d'en voir les fruits. Mais ce qui est très évident, c'est que si l'on n'investit pas en eux, on peut voir les fruits aujourd'hui du manque d'investissement dans le passé. Il faut donc une perspective à plus long terme. Bien entendu, c'est vrai également en ce qui concerne le vieillissement de la population et la nécessité de préparer l'avenir, car la population irlandaise vieillit aussi.
Je suppose que ce sont là les conditions: une perspective trans-sectorielle, une perspective à plus long terme, et la capacité de discerner les avantages économiques de l'investissement social. Tout cela se fait, mais il faut un moment pour y parvenir.
Une chose importante que nous n'avons pas du tout mentionnée ce matin est ce que Garry a évoqué, soit le Plan d'action national pour l'inclusion sociale, 2007-2016, un plan mis en place l'an dernier. Ils ont un document similaire en Irlande du Nord, du nom de Lifetime Opportunities. Ces deux documents comportent un texte similaire qui nous engage à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale à l'échelle de toute l'Irlande. Nous travaillons en ce sens, entreprenant quelques actions avec l'Irlande du Nord, en particulier sur la pauvreté rurale pouvant exister dans les régions frontalières de l'Irlande. C'est un aspect important que nous n'avons pas encore mentionné, mais qui me paraît important.
En ce qui concerne votre deuxième question, je suppose que l'une des choses intéressantes que nous avons apprises est qu'un ministère peut prendre des mesures ouvrant un cercle vicieux de pauvreté, auquel un autre ministère va devoir remédier, par exemple le ministère des Affaires sociales et familiales. Par exemple, il y a deux ou trois ans, le ministère de l'Environnement a permis aux autorités locales d'imposer des droits d'enlèvement des déchets, sans étudier l'impact que cela aurait sur les familles à faible revenu, qui ont souvent davantage de déchets parce qu'elles ont plus d'enfants et pas les moyens d'emmener leurs rebuts aux déchèteries ou ce genre de choses. Donc, parfois une mesure prise dans un domaine peut avoir un impact sur la population démunie, problème qu'il faut ensuite régler par une approche pangouvernementale ou intergouvernementale.
Un autre exemple sont les parents seuls, comme Gerry l'a déjà mentionné. Beaucoup de chômeurs cherchent à accéder aux centres de formation, mais le ministère des Transports peut décider d'autoriser la société de transport nationale à réduire les services dans certaines régions rurales, pour des raisons économiques, ce qui isole les gens vivant seuls. De fait, un autre ministère s'occupant du développement communautaire a dû créer un deuxième système de transport pour compenser l'arrêt des services de la société de transport nationale.
Vous avez donc des situations où vous faites quelque chose dans un domaine, ce qui entraîne des répercussions sur les pauvres, et il faut y remédier par une autre mesure. Il s'agit donc d'harmoniser tous ces éléments et adopter une approche pangouvernementale pour s'attaquer à tous ces facteurs très complexes de la pauvreté.
Merci, Kevin.
Gerry, c'est vous qui avez initialement indiqué que le but de votre agence est de coordonner l'action de toutes ces autres organisations. Ce semble être là l'une des mesures clés, le fait que vous travaillez avec tant d'organisations différentes pour boucher toutes les lacunes qui peuvent surgir ou régler les conflits potentiels, et donc avoir une vue d'ensemble et coordonner l'action de tout le monde. C'est très intéressant.
Nous allons passer au tour suivant.
Nous avons M. Lessard, du Bloc, pour cinq minutes de nouveau, monsieur.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Ce qui me frappe, c'est que vous avez deux facteurs de référence clés. Vous me le direz si je me trompe. D'une part, il y a le taux de pauvreté persistant, qui vous guide et vous permet de savoir où intervenir. D'autre part, il y a le cadre du cycle de vie, une notion qui nous est moins familière et que vous utilisez également. C'est assez intéressant. Il me semble que cela vous permet de suivre l'évolution de la pauvreté, de l'enfance à la vieillesse, et des personnes qui réussissent à s'en sortir.
Vous avez assuré ce suivi dans les faits. Ai-je bien compris? Si oui, comment réussissez-vous à le faire? Prenons l'exemple d'un enfant dont les parents ont réussi à lui permettre d'avoir un revenu ou des conditions de vie plus intéressants. Cet individu va évoluer dans la vie. Va-t-il retomber ensuite dans la pauvreté? Est-ce votre intention? Depuis 10 ans, vous avez pu non seulement mettre en place des mesures d'intervention sur la pauvreté, mais aussi des mesures d'analyse. Pouvez-vous me dire comment vous assurez ensuite un suivi?
[Traduction]
Premièrement, de manière très générale, nous tirons les leçons de notre expérience et de l'expérience étrangère quant aux divers changements requis sur le plan du développement de l'enfance. L'accent est clairement mis sur les services de garderie, mais de bonnes garderies, particulièrement dans les cas de faible instruction parentale ou autres difficultés.
L'une des phases déterminantes de la vie d'un enfant est la plus précoce, particulièrement sur le plan de la réussite scolaire et professionnelle ultérieure, etc. Cela est généralement admis. Il y a donc les services de garde et l'éducation de la prime enfance, entre autres. Ensuite, bien entendu, il faut aider la famille avec un soutien du revenu et d'autres moyens, tels que le soutien au rôle parental et ainsi de suite.
Voilà donc, si vous voulez, les mesures de soutien. Mais pour essayer de suivre cela... Et je sais que vous faites cela également au Canada car nous nous sommes beaucoup inspirés de vos enquêtes et études longitudinales et ainsi de suite, qui vous permettent de suivre le développement des enfants et l'effet des diverses influences.
L'institut de mon collègue Tim travaille là-dessus, et je vais peut-être lui demander de répondre, et de parler aussi de l'indicateur de pauvreté persistante.
Je pense que l'indicateur de pauvreté persistante est très clairement le point focal de la stratégie à l'heure actuelle. Pour ce qui est du suivi des progrès, il existe, comme l'a dit Gerry, une nouvelle étude de cohorte qui va suivre quelque 10 000 enfants irlandais, depuis peu après la naissance jusqu'à des moments clés de leur carrière — même chose pour une cohorte d'enfants de neuf ans. Cela nous apportera donc des enseignements intéressants pour la politique et représente pour nous un travail nouveau et passionnant. Comme l'a dit Gerry, vous avez déjà fait du travail dans ce domaine.
Mais pour ce qui est d'une image annuelle régulière des résultats de la politique, vous les trouvez dans les instantanés fournis par l'élément irlandais de l'EU-SILC, qui sera le principal outil employé.
Pour compléter, et bien que ce ne soit pas lié directement à votre question, nous avons une étude similaire portant sur les personnes âgées. Le but est là aussi de suivre leur évolution et de voir quelles sont les diverses influences qui s'exercent sur cette population, tant positives que négatives.
En ce qui concerne le terme « consistent poverty », nous savons ce qu'il signifie, mais ce n'est pas un terme immédiatement compréhensible par des étrangers. Je crois que vous avez parlé de « pauvreté persistante ». La pauvreté persistante serait clairement une pauvreté qui perdure sur une certaine période. La « consistent poverty » est réellement la pauvreté absolue, le fait pour des personnes de ne pas avoir accès à des biens et services considérés comme des nécessités élémentaires de la vie dans le pays.
Nous vous en enverrons une liste, mais voilà de quoi il s'agit. Ce sont réellement des personnes qui souffrent de privation fondamentale. La notion nous sert à mettre en lumière, ou nous permet d'établir, un ordre de priorité dans notre action. On dit souvent qu'il est plus difficile de combattre la pauvreté relative, mais en réalité il est plus difficile de s'attaquer à la pauvreté absolue, car là on a affaire à un groupe divers de gens ayant des besoins très fondamentaux. C'est la priorité que nous nous sommes fixés.
Merci beaucoup. Le temps est écoulé.
Nous allons maintenant passer à Mme Dhalla, du Parti libéral, pour cinq minutes.
Merci beaucoup pour tous les renseignements que vous nous avez apportés sur le plan que vous avez mis au point. Je sais que nous sommes nombreux autour de cette table à être extrêmement intéressés à ce que vous pouvez nous dire. Vous jouissez d'une grande réputation ici, au Canada, pour tout le travail que vous avez effectué, individuellement et collectivement, pour combattre la pauvreté.
J'ai plusieurs questions.
Premièrement, à la lecture de certains de vos chiffres intéressant votre plan stratégique, il m'apparaît qu'initialement vous vous étiez fixé comme objectif de réduire le taux de pauvreté, qui se situait entre 9 et 15 p. 100 en 1997, à 5 à 10 p. 100 en 2007. Ensuite vous avez révisé l'objectif pour le ramener à 2 à 4 p. 100 en 2012 et éliminer entièrement la pauvreté d'ici 2016. Pourriez-vous nous expliquer ce qui a conduit à cette transition et à ces changement d'objectifs?
Je sais que l'un des changements dont vous avez parlé concerne la situation des familles monoparentales, où vous aviez des parents seuls, principalement des femmes, restant initialement au foyer et qui se sont ensuite intégrés à la population active.
Est-ce que d'autres facteurs ont conduit à cette modification des chiffres cibles, et comment tout cela a-t-il évolué?
En ce qui concerne le changement d'objectifs, il traduit le fait, je suppose, que lorsque nous les avons fixés initialement nous ne savions pas réellement quel était le taux de pauvreté, le taux de la pauvreté de base. Ensuite, nous avons obtenu quelques années plus tard des chiffres plus à jour et découvert que nous avions réalisé beaucoup plus de progrès que nous le pensions.
Comme le j'ai mentionné, l'Irlande était devenue plus prospère et nous avons donc estimé qu'il était possible de fixer des objectifs de réduction de la pauvreté plus ambitieux. De fait, nous voulions l'éliminer dès 2007. Mais, malheureusement pour nous, du point de vue de la politique, une nouvelle façon de mesurer la pauvreté a été introduite avec cette enquête de l'UE que nous avons mentionnée. Elle a révélé, au moyen de méthodes différentes, que le taux de pauvreté absolue était en fait supérieur à ce que nous pensions initialement. Nous avons donc connu toutes sortes de bouleversements de ce fait. Mais nous sommes maintenant convaincus d'avoir une base solide, car c'est elle qui est utilisée à l'échelle de l'UE. Nous avons ainsi fixé de nouveaux objectifs, qui dans une certaine mesure étaient plus élevés qu'auparavant, mais qui étaient solidement ancrés sur une nouvelle façon de mesurer la pauvreté.
Quand aux moyens de les réaliser, nous savons d'après ces enquêtes quels sont les groupes vivant dans la pauvreté absolue. Nous savons qui est vulnérable et nous savons pourquoi. Par conséquent, toute la stratégie est axée sur les besoins de ces personnes. Une catégorie importante sont les familles avec enfants, particulièrement les familles monoparentales, mais aussi les familles nombreuses. Nous regardons ce qu'ont fait les autres pays qui ont beaucoup mieux réussi à cet égard, et nous savons qu'ils ont réglé le problème en instaurant des services de garde, d'éducation, de formation professionnelle adéquats — toutes les méthodes que j'ai décrites précédemment.
Nous savons également qu'il y a des chômeurs de longue durée, un groupe restreint mais néanmoins conséquent, et le même processus est suivi à leur égard. Nous avons mentionné que nous allons sortir les personnes âgées de la pauvreté en augmentant sensiblement les pensions de base. Ensuite nous nous attaquerons à des groupes plus restreints, tels que les sans-abri, des personnes anciennement placées en établissement, telles que les personnes souffrant de dépendance à la drogue, à l'alcool et ainsi de suite.
Les migrants sont une priorité nouvelle et cruciale, soit les gens venant d'autres pays. Nous cherchons à les intégrer, à éviter leur ghettoïsation. Nous tirons les leçons des erreurs peut-être commises par d'autres pays européens, et nous avons clairement appris comment régler ce problème.
Voilà donc juste quelques exemples de la façon...
J'ai une question avant que le président ne me dise que mon temps est écoulé.
Premièrement, pourriez-vous nous donner un exemple de quelques autres pays dont vous pensez qu'ils ont réalisé des progrès sur la voie de l'élimination de la pauvreté et ont d'excellentes stratégies nationales?
Deuxièmement, en ce qui concerne la définition de la pauvreté absolue que vous employez, pourriez-vous nous indiquer quelques-uns des 11 repères que vous avez adoptés? Ce serait très utile.
Enfin et surtout, vous avez parlé de vos objectifs nationaux et de votre vision; vous avez parlé de l'analyse que vous avez effectuée et de l'importance d'avoir des objectifs clairs et mesurables et des repères. Avez-vous traduit cette vision au niveau local pour assurer d'avoir des solutions communautaires locales?
Gerry, il n'y a jamais de questions rapides ici, mais faites de votre mieux. Nous dépassons déjà l'heure, mais faites de votre mieux pour répondre de manière aussi concise que vous le pouvez.
Merci, Gerry.
Eh bien, en ce qui concerne vos deux premières questions, je vais vous envoyer les renseignements sur les autres pays et les repères et ainsi de suite.
Pour ce qui est de solutions locales, au niveau des autorités locales nous avons des unités d'inclusion sociale qui coordonnent l'activité des autorités locales, qui interviennent également dans le processus de développement des comtés à la poursuite du développement tant économique que social. Ces unités collaborent de près avec des organisations non gouvernementales aux fins du développement communautaire. Nous pourrions vous fournir toute une documentation à ce sujet aussi; il serait impossible de vous décrire tout cela très rapidement, mais nous pourrions vous fournir cette information et je sais que mes collègues y contribueront.
Monsieur le président, pourrais-je dire un mot très rapide sur l'atteinte des objectifs, la question soulevée par le député précédent?
Nous ne nous faisons aucune illusion, il sera extrêmement difficile d'atteindre ces objectifs. Nous avons deux difficultés particulières. La première est le ralentissement de l'économie mondiale et les répercussions qui s'exerceront sur l'économie irlandaise, qui est une économie très ouverte sur le monde. Nous n'aurons plus les ressources que nous avions ces 10 dernières années à consacrer à la lutte contre la pauvreté.
Deuxièmement, nous cherchons à atteindre ces objectifs dans une population en expansion. Notre bureau des statistiques estime qu'au cours des huit à 10 prochaines années, la population va augmenter d'environ 20 p. 100 pour dépasser 5,2 millions d'habitants, et réduire la pauvreté dans une population en expansion représentera pour nous un défi majeur. Nous ne nous faisons aucune illusion à cet égard.
Merci, Kevin.
Nous retournons maintenant au Parti conservateur. Nous allons commencer avec M. Brown, et s'il nous reste un peu de temps, nous aurons M. Wallace.
Allez-y, monsieur Brown, cinq minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président et merci aux témoins d'être venus se joindre à nous aujourd'hui. Cela est rendu possible par la technologie moderne.
En fait, vous venez d'aborder l'une de mes questions principales. Nous connaissons tous les difficultés que l'économie mondiale traverse en ce moment, surtout avec la hausse des prix de l'énergie, et nous savons que peu de pays vont être à l'abri d'un ralentissement. Si nous allons effectivement connaître une crise économique, comment votre gouvernement compte-t-il préserver les progrès enregistrés dans la lutte contre la pauvreté au cours des 10 dernières années et en réaliser de nouveaux d'ici 2016?
Une des choses que nous avons apprises au cours du processus est que des ressources très substantielles seront toujours consacrées à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Nous espérons beaucoup pouvoir maintenir, en termes réels, les ressources actuellement disponibles; le degré d'amélioration s'en ressentira.
On me demande souvent ce qu'il adviendra des objectifs. Je dis que les objectifs seront remplis, mais il faudra peut-être quelques années de plus pour y parvenir à cause du ralentissement des ressources. Nos économistes — je me réfère là encore à mon collègue de l'Institut — prédisent que le ralentissement économique que nous connaissons actuellement ne durera pas trop longtemps et que les fondamentaux de notre économie sont bons. J'espère qu'ils ont raison, selon notre perspective.
À cet égard, nous pensons que le processus fera en sorte que les ressources existantes seront gérées plus efficacement. Je travaille dans ce domaine depuis pas mal de temps. J'ai assisté à des fluctuations économiques et je dis souvent que les ralentissements donnent l'occasion d'éliminer les gaspillages, de se débarrasser des mécanismes qui ne fonctionnent pas particulièrement bien et de mettre le système au régime minceur, de telle façon que lorsque l'économie repartira, on pourra faire meilleur usage des ressources nouvelles qui seront alors disponibles.
Indépendamment de l'évolution de l'économie, la nécessité existe toujours de bien gérer, d'établir des objectifs et des priorités et des cibles réalistes pour obtenir le meilleur rendement des ressources, en argent et en personnel, mises en oeuvre.
Quelqu'un a dit tout à l'heure que les lumières se sont allumées. Qu'est-ce qui a fait, précisément, que les lumières se soient allumées et que l'on ait décidé de combattre la pauvreté?
Je pense pouvoir dire — vous savez, il ne faut pas se montrer injuste envers les générations précédentes — qu'il y a toujours eu une forte volonté de combattre la pauvreté, mais on le faisait de manière très différente. Ceux qui travaillait là-dessus ne le faisaient pas de manière coordonnée, intégrée. La stratégie a été introduite afin d'établir une façon plus efficace, coordonnée, de cerner les causes de la pauvreté, les remèdes possibles, puis de mobiliser toutes ces parties prenantes afin d'obtenir de meilleurs résultats.
Comme je l'ai mentionné, c'est presque aujourd'hui une question historique — pourquoi alors et pas avant, pourquoi alors et pas après? J'ai mentionné la convergence du ministre concerné qui a obtenu le soutien du gouvernement, et aussi le sommet des Nations Unies, le climat de partenariat et les ressources économiques. Tous ces facteurs se sont simplement conjugués au bon moment.
J'ai juste une dernière question avant de céder la parole à M. Wallace. Avez-vous des conseils à nous donner sur des points que nous n'avons pas encore abordés dans nos questions?
Vous avez certainement posé beaucoup de questions.
Non, je pense avoir couvert presque tout le terrain, en tout cas de mon point de vue. Je ne sais pas si mes collègues souhaiteraient ajouter quelque chose.
Je pense que la croyance prévalait en Irlande il y a 20 ans que si nous résolvions le chômage, la pauvreté serait résolue, et le fait que la croissance économique nous a donné le plein emploi a réellement concentré les esprits sur les causes structurelles empêchant certaines catégories d'échapper à la pauvreté. Ensuite, l'adoption de cibles a eu un impact énorme sur la politique budgétaire et les taux d'aide sociale.
Je pense que le plus grand défi en matière de lutte contre la pauvreté, un problème persistant et que cherche à résoudre le plan d'action national actuel, concerne la prestation des services, la manière dont les services sont fournis aux pauvres.
Permettez-moi une remarque très rapide, sur ce qui est peut-être davantage une dimension politique.
Nous avons mentionné le ministre, mais je dois dire qu'il y avait réellement un engagement tout au sommet de l'État. Je me suis trouvé avec le ministre à des réunions de comités du Cabinet présidées par le premier ministre en personne, ce qui envoyait le message très clair, du haut en bas de la hiérarchie, qu'il s'agissait là d'une priorité gouvernementale et que la ligne de responsabilité allait jusqu'au sommet. Donc, si on peut convaincre les responsables au plus haut niveau et que l'on a un soutien parlementaire et ainsi de suite...
Et je ne soulignerai jamais assez la confiance en la possibilité d'entamer, de réduire la pauvreté et — qui sait? — de l'éliminer entièrement. C'est possible. Il faut pour cela la volonté et la volonté peut venir du sommet. Je pense que c'est une dimension importante, mais il faut mettre en place les structures pour concrétiser cette volonté.
Merci.
Nous n'avons presque plus de temps. Plusieurs personnes aimeraient poser une question brève. Je vais donner la parole à M. Wallace, M. Martin, M. Cuzner, puis Mme Bonsant, dans cet ordre. Chacun aura droit à une question rapide pour terminer. Le problème c'est que nous n'avons pas eu de questions courtes. Mais nous allons faire de notre mieux.
Merci, Mike. Je vous donne la parole, puis à M. Martin.
Merci, monsieur le président.
Merci de vous joindre à nous. Je m'adresse au professeur Callan concernant le document qu'il nous a fourni sur l'impact des modifications des prestations fiscales de 1993 à 1987, puis de 2003 à 2007. Ma question est simple.
Si je regarde le diagramme — et je précise que je siège au Comité des finances et que ma question est davantage de nature financière — je vois que les changements au régime fiscal au cours de la période de 1993 à 1997 ont touché la classe moyenne de manière un peu plus positive et la classe pauvre de manière négative, et ensuite cela a changé au cours de la période de 2003 à 2007. J'aimerais savoir quelle était la capacité financière du gouvernement au cours de la période de 1993 à 1997, comparée à la capacité financière du gouvernement au cours de la période de 2003 à 2007, et a-t-elle changé considérablement?
Je n'ai pas en main les chiffres exacts, mais la capacité n'était pas si différente. Il faut bien comprendre, lorsqu'on regarde cette grande barre au point de départ, sur le côté gauche, qu'elle saute aux yeux et donne à penser que le coût a dû être énorme, mais en fait c'est un gain proportionnel pour le quintile le plus pauvre. Mais les revenus dans cette catégorie sont si faibles que cela ne coûte en fait pas grand-chose.
Merci.
Je veux juste faire ressortir à quel point vous avez bougé vite une fois que vous avez décidé d'agir. Nous-mêmes sommes enlisés dans un exercice plutôt intellectuel depuis une quinzaine d'années maintenant, cherchant à décider comment définir la pauvreté. Les uns parlent de pauvreté relative, les autres de pauvreté absolue.
Vous avez adopté cette notion d'inclusion et d'exclusion sociale. J'ai remarqué dans tout ce que j'ai lu qu'elle est appliquée de façon très large. Il ne s'agit pas seulement d'inclure les gens dans la vie de leur collectivité mais, par exemple, il y a eu le projet N1 à Dublin, un gros projet résidentiel dans votre zone riveraine. Sous l'impulsion de gens comme Seanie Lambe, je suppose, vous avez obtenu que ce projet englobe un nombre assez important de logements à prix modique.
Pourriez-vous nous parler un peu de toute cette notion d'inclusion sociale et pourquoi vous avez opté pour cette voie de préférence à toute autre?
Je suppose que dans une certaine mesure l'inclusion sociale représente une dimension de l'ensemble, mais comme Tim l'a dit, il n'existe pas d'indicateur unique de la pauvreté.
J'en ai mentionné deux. J'ai mentionné la privation fondamentale, qui cible les plus démunis. Ensuite vous avez la pauvreté relative, qui vise plutôt l'inégalité, ou illustre l'inégalité, soit les personnes tombées sensiblement en dessous de la norme. Elles ne souffrent pas nécessairement de privation grave, mais elles ne parviennent pas à suivre le niveau de vie général et sont clairement vulnérables. Une partie de cette vulnérabilité prend la forme de vulnérabilité aux chocs: lorsque ces personnes essuient un revers majeur, elles ne peuvent pas faire face. Il faut donc les aider.
En ce qui concerne l'exclusion sociale, elle représente la mesure dans laquelle la pauvreté isole les gens. Je vais vous donner un exemple concret, qui pourra également illustrer le phénomène pour d'autres tranches d'âge.
Un enfant rentre chez sa mère, qui est peut-être célibataire, et dit: « Mes amis m'ont invité à une fête ». Le cadeau pour la fête coûte 20 euros. La mère a déjà dressé son budget pour la semaine. L'enfant ne peut aller à la fête, ou si elle y va en apportant un présent, la mère ne bouclera pas son budget. Il existe des gens qui vivent dans des conditions financières très serrées, qui ne peuvent se permettre de faire une sortie, qui sont isolés de leurs amis et parents. Des personnes âgées vivent séparées. C'est cela l'exclusion sociale: les gens ne participent pas à la société. Peut-être ne votent-ils pas. Ils ne s'impliquent pas dans les activités communautaires. Les gens se voient exclus de toutes sortes d'aspects. La cause est la pauvreté, mais la conséquence est l'exclusion sociale.
En outre, il existe la nécessité d'un type de développement communautaire qui va offrir aux pauvres ce soutien et cet accès à une meilleure qualité de vie que celle qu'ils auraient autrement. Donc, lorsqu'on considère la pauvreté, il ne faut pas perdre de vue toute cette autre dimension.
L'Union européenne dirait de nous que nous ne faisons pas assez pour relever le défi de l'exclusion sociale, par opposition à la lutte contre la pauvreté au sens traditionnel, et que nous devons donc faire plus également dans ce domaine. Voilà donc ce qu'il faut retenir à cet égard.
Il faut utiliser diverses mesures de la pauvreté, et chacune d'entre elles vous apprendra quelque chose d'important.
Monsieur Martin, j'ajouterais qu'au cours des dernières années nous avons fait des recherches sur ceux qui sont socialement exclus: ils sont aussi exclus financièrement. Ils n'ont pas de compte en banque. Ils n'ont pas d'accès au crédit. Donc, du point de vue de l'accès aux moyens financiers permettant de traverser les mauvaises passes dont parle Gerry, ils n'ont pas cela, à moins de s'adresser à des prêteurs pratiquant des taux d'intérêt usuraires.
Nous travaillons là-dessus avec les institutions financières pour essayer d'ouvrir des comptes en banque par le biais du système postal pour régler le type de problème de revenus marginaux que connaissent les gens exposés au risque de pauvreté.
J'aimerais juste ajouter un mot rapide à ce que Kevin a dit.
Nous avons un service de conseils financiers dont nous vous enverrons aussi la description.
Je ne vais pas vous retarder plus longtemps, mais cela pourrait vous intéresser.
Excellent.
Les cloches sonnent, ce qui signifie que nous avons des votes, et nous allons partir dans 15 minutes. Mais nous avons deux courtes questions encore, de M. Cuzner, puis de Mme Bonsant.
Monsieur Cuzner, s'il vous plaît.
Merci beaucoup.
Ma question porte plus particulièrement sur les difficultés que connaissent les pauvres dans les collectivités rurales. Évidemment, les vastes distances dans notre pays les amplifient. Mais dans votre situation en Irlande... et mention a été faite toute à l'heure du transport et de l'accès aux centres de formation et ainsi de suite. Avez-vous quelques initiatives spécifiques touchant la pauvreté rurale, ou bien cherchez-vous à prévoir une marge de manoeuvre suffisante dans vos critères ou la structure de vos programmes pour les adapter aux besoins des pauvres en milieu rural?
Nous avons quelques initiatives. L'une de nos catégories est celle des « défavorisés urbains et ruraux », et le volet rural est important.
Premièrement, il faut considérer la composition de la population. On trouve une beaucoup plus forte proportion de personnes âgées et de jeunes dans les collectivités rurales. Le groupe intermédiaire souvent va occuper des emplois en ville.
Selon mon expérience, la pauvreté rurale est très similaire dans tous les pays développés. J'étais récemment à une conférence à Rome et j'ai été frappé de voir à quel point les problèmes sont similaires au niveau européen.
Ce que vous avez dit est vrai. Tout d'abord, les gens sont isolés, et il leur faut une forme de soutien et d'intervention organisée à cet égard. Nous offrons cela en Irlande par le biais des initiatives de développement communautaire, telles qu'un contact est pris avec les personnes isolées, des liens sont noués, et on les amène quotidiennement dans les centres communautaires où elles peuvent interagir avec d'autres et des personnes de leur âge.
Dans le nord-ouest de l'Irlande, nous avons un projet particulier pour les hommes âgés, qui sont considérés comme particulièrement vulnérables sur le plan de l'isolement et ainsi de suite, et beaucoup de bon travail a été fait. En fait, il s'agit d'une région frontalière, et c'est donc un projet conjoint de l'Irlande du Nord et de la République d'Irlande.
En ce qui concerne le transport, que vous avez mentionné, c'est très vrai. Nous avons une initiative de transport rural. La desserte par des transports en commun est très irrégulière, et c'est donc une initiative très focalisée sur les besoins des gens: l'accès aux services, l'accès à la formation s'ils sont chômeurs, parfois l'accès à l'emploi. Et c'est la clé si l'on veut améliorer sensiblement la qualité de vie des gens. Nombre des services au niveau local laissent à désirer en raison du manque de masse critique. Autrement dit, les personnes possédant une voiture peuvent se rendre dans les grands centres. Celles qui n'ont pas de voiture ou qui n'ont pas facilement accès à ces services se retrouvent avec des services très déficients.
Voici donc juste quelques exemples; nous en avons beaucoup plus. Mais la nature de la pauvreté rurale fait d'elle une forme de pauvreté très distincte appelant des soutiens très distincts, et une stratégie peut identifier cela et trouver des solutions plus intégrées.
Merci.
Nous avons maintenant une dernière question rapide de Mme Bonsant, puis nous allons devoir aller voter.
Allez-y.
[Français]
J'aimerais savoir quel effet la réduction de la pauvreté chez vous a eu sur la criminalité. Si elle a eu un impact, je voudrais connaître son importance.
[Traduction]
La criminalité est en hausse pour toutes sortes de raisons différentes. En Irlande, elle est beaucoup liée à la drogue et au trafic de drogue, à la toxicomanie et ainsi de suite, et l'on a assisté à un accroissement considérable de ces fléaux en Irlande. Cela conduit à une hausse de la criminalité grave par rapport à ce que l'on voyait dans le passé. Et c'est la clé. À l'évidence, la pauvreté est l'une des causes. Il subsiste des poches d'extrême pauvreté et la toxicomanie et le trafic de drogue y sont très présents.
Je suppose que certaines formes de criminalité ont reculé du fait que davantage de gens ont un emploi et de meilleurs revenus. Mais, malheureusement, ce type de criminalité a augmenté.
Par ailleurs, il existe une plus grande disponibilité d'armes à feu et davantage de crimes liés à leur présence que ce que l'on voyait en Irlande dans un passé plus simple. Mais cela existe aujourd'hui, comme dans beaucoup d'autres pays développés.
Gerry, Kevin, Bevin et Tim, merci infiniment de toutes les connaissances que vous nous avez apportées aujourd'hui. Le comité est très reconnaissant du temps que vous lui avez accordé.
Si vous avez d'autres renseignements que vous pouvez nous faire parvenir, nous apprécierions grandement. En outre, vous pourriez peut-être ajouter à cette documentation les stratégies que vous avez essayées et qui n'ont pas donné de bons résultats.
Merci beaucoup. Nous vous souhaitons une excellente journée. Merci.
La séance est levée.