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Monsieur le Président, j'ai déjà eu l'occasion, le 15 mai 2007, de faire valoir en cette Chambre les considérations qui motivent l'appui du Bloc québécois au projet de loi , qui est identique au projet de loi . Par conséquent, je vous parlerai aujourd'hui de l'absence de démocratie qui caractérise le contexte général dans lequel sont conçus les traités internationaux.
Tout d'abord, le Bloc québécois souhaite que tous les traités passent par la Chambre des communes. La situation actuelle fait que la démocratie est absente. Le projet de loi , qui permet l'entrée en vigueur de conventions fiscales, démontre l'importance des traités internationaux dans la vie de tous les jours. Or, ce n'est que lorsqu'ils requièrent l'adoption d'une loi de mise en oeuvre que les traités sont ainsi soumis au Parlement.
Au Canada, le Parlement et les parlementaires ne prennent qu'une part minime à la négociation et à la ratification des traités internationaux. L'exécutif fédéral contrôle toutes les étapes du processus. Ce contrôle s'étend également au contenu des négociations, qui sont bien souvent secrètes. Ce secret est d'ailleurs un élément important de la stratégie de négociation du gouvernement fédéral. Rien ou bien peu n'est rendu public avant que les partis n'aient convenu d'un accord de principe sur le contenu ou même sur le libellé du traité. Enfin, bien qu'elles soient habituellement tenues au courant des négociations entourant les accords commerciaux, les provinces participent peu au processus et, sauf quelques rares exceptions, elles sont carrément exclues du processus décisionnel.
Aujourd'hui, la démocratie est complètement absente dès lors qu'un traité international entre en jeu, c'est-à-dire qu'il n'existe pas de recueil complet des traités. Le gouvernement les rend publics sur une base sporadique, et l'on ne sait pas s'il les dévoile tous. Même la direction des traités du ministère des Affaires étrangères n'a pas une telle liste que nous pouvons consulter. Le gouvernement n'est pas tenu de les déposer à la Chambre. En fait, il n'est même pas tenu d'en informer la Chambre ou la population lorsqu'il signe ou ratifie des traités. La Chambre ne les approuve pas. Le gouvernement peut signer et ratifier les traités qu'il veut sans consulter les représentants du peuple. Tout au plus, si la ratification du traité requiert des changements aux lois, le Parlement est appelé à se prononcer sur ces lois.
Au Québec, depuis 2002, l'Assemblée nationale doit se prononcer. Comme la Chambre n'est, en aucune façon, associée au processus de conclusion des traités, elle ne peut pas consulter la population. Il n'est pas étonnant, alors, que les gens tendent de plus en plus à faire valoir leurs oppositions dans la rue. Il n'existe pas d'autres lieux où ils peuvent être entendus. Le gouvernement n'est pas tenu non plus de consulter les provinces. Pourtant, Ottawa n'est pas en mesure de mettre en vigueur les traités qui relèvent de la compétence des provinces, et ces dernières ne sont pas liées par la signature d'Ottawa.L'absence de mécanisme formel de consultation est une absurdité.
Le gouvernement empêche les provinces d'agir sur la scène internationale en exerçant un contrôle d'opportunité sur leurs relations internationales et en ne leur permettant pas de conclure des ententes ayant valeur de traités. C'est une situation inacceptable.
Autrefois, les traités internationaux arbitraient les rapports entre États et n'avaient pas ou peu d'impact sur le fonctionnement de la société ou sur la vie et les droits des citoyens. Il pouvait donc être acceptable, à l'époque, que le gouvernement puisse, seul, signer et ratifier les traités.
Aujourd'hui, les traités internationaux, notamment les traités commerciaux, touchent le pouvoir de l'État, le fonctionnement de la société ou le rôle du citoyen et ont souvent des impacts plus grands que plusieurs projets de loi. La pratique canadienne en matière de ratification des traités est mal adaptée à cette réalité nouvelle. Les représentants du peuple doivent être associés aux décisions qui touchent ceux qu'ils représentent.
Bien qu'ils aient promis en temps d'élection qu'ils soumettraient les traités à la Chambre avant ratification, les conservateurs n'ont toujours pas rempli leur promesse. Encore récemment, le gouvernement a signé avec le Pérou un accord de protection des investissements. Cet accord est calqué sur le chapitre 11 de l'ALENA, que tout le monde décrie. Qu'à cela ne tienne, le gouvernement l'a conclu sans le soumettre à la Chambre. Lorsque la Chambre presse le gouvernement de respecter ses engagements internationaux, comme elle l'a fait au regard du Protocole de Kyoto, le gouvernement n'en fait qu'à sa tête, sans se soucier de la volonté de la population ni de la parole qu'il a donnée en concluant un traité.
Comme en ce qui concerne le projet de loi qui a été adopté, le fait que le projet de loi sera adopté rapidement est une occasion de démontrer au gouvernement qu'il n'a pas à craindre la démocratie lorsqu'il conclut des traités raisonnables. Le gouvernement doit respecter sa promesse de soumettre aux représentants de la population les traités qu'il entend ratifier, comme il est forcé de le faire aujourd'hui avec trois traités fiscaux. Lorsqu'il les a ratifiés, il doit les respecter, comme, nous espérons, il le fera avec les traités fiscaux, dont on discute aujourd'hui, et avec le Protocole de Kyoto, que la Chambre le presse de respecter.
L'absence des représentants du peuple est un anachronisme. L'énumération du partage des compétences législatives dans la Loi constitutionnelle de 1867 ne permet pas de déterminer qui, du gouvernement fédéral ou des gouvernements des provinces, a compétence pour conclure un traité avec un pays étranger. En effet, aucune disposition de la Constitution canadienne ne mentionne un domaine de compétence pouvant être associé aux affaires étrangères ou aux relations internationales. Cette situation tient du fait que, en 1867, au moment de l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1867 par le Parlement de Londres, le Canada était encore une colonie de l'Empire britannique. En effet, en 1867, le Parlement britannique a réservé à la Couronne britannique le pouvoir de représenter le Dominion du Canada sur la scène internationale et celui de conclure en son nom des traités avec les pays étrangers.
En vertu de l'article 132 de la Loi constitutionnelle de 1867, le gouvernement fédéral s'est toutefois vu confier la responsabilité de mettre en oeuvre, au Canada, les traités conclus par la Couronne britannique, autant qu'ils soient applicables au Canada.
En 1931, en vertu du Statut de Westminster, le Canada, ainsi que plusieurs autres dominions de l'Empire britannique, a acquis sa pleine indépendance et, avec elle, la compétence d'agir avec tous les attributs d'un État souverain sur la scène internationale. C'est à partir de ce moment que le gouvernement fédéral a acquis sa compétence en matière d'affaires étrangères. Or, comme il s'agissait d'une prérogative de la Couronne impériale lors de l'établissement de la Constitution, elle a été transférée au gouvernement qui, à titre de représentant de la souveraine, l'exerce sans partage et sans impliquer le Parlement.
Dès que le gouverneur général en conseil approuve une convention intervenue entre le Canada et un pays étranger, peu importe les personnes qui l'ont négociée, cette convention devient un traité international. Les représentants du peuple n'ont pas leur mot à dire, et tout cela, parce que le gouvernement fédéral a simplement hérité d'une prérogative de la Couronne datant de l'époque de l'Empire britannique.
En fait, le Parlement n'est impliqué que lorsque la ratification d'un traité requiert l'adoption d'une loi de mise en oeuvre. Il arrive que, en vertu du traité, il faille apporter des modifications à la législation canadienne. La mise en oeuvre législative de ces traités est la seule occasion où le Parlement exerce un pouvoir décisionnel sur l'entrée en vigueur d'un traité au Canada.
Il faut toutefois préciser que plusieurs traités qui amènent l'État canadien à adopter des normes particulières ne sont pas présentés au Parlement pour l'adoption d'une loi de mise en oeuvre. Dans ces cas, le gouvernement estime que la législation canadienne est déjà conforme aux obligations internationales souscrites ou que l'objet du traité ne requiert pas l'adoption de nouvelles dispositions législatives.
En conséquence, il n'y a alors aucune modification des lois en vigueur ni adoption d'une nouvelle loi par le Parlement. À titre d'exemple, mentionnons qu'avant la ratification de la Convention internationale des droits de l'enfant, aucune loi de mise en oeuvre et d'approbation n'a été adoptée par le Parlement. Dans ces cas, le traité ne se rend jamais au Parlement.
En somme, le Canada est moins démocratique aujourd'hui qu'il ne l'était dans les années 1920. En juin 1926, le premier ministre King a présenté une résolution qui a été adoptée à l'unanimité par la Chambre des communes et qui disait:
[...] avant que les ministres canadiens de Sa Majesté ne recommandent la ratification d'un traité ou d'une convention intéressant le Canada, [...] l'approbation du Parlement devra être obtenue [...]
En 1941, Mackenzie King a réitéré son engagement envers cette formule:
Exception faite de traités sans grande importante ou dans les cas d'extrême urgence, le Sénat et la Chambre des communes sont invités à approuver des traités, conventions et ententes formels avant qu'ils ne soient ratifiés par ou au nom du Canada.
Au fin des ans, on a eu de moins en moins recours à l'approbation par résolution. Pendant la guerre froide, l'habitude d'obtenir l'approbation du Parlement pour la conclusion des traités ou une intervention militaire à l'étranger a été carrément abandonnée.
On a même cessé de déposer les traités au Parlement. En fait, exception faite de l'Accord de Kyoto, aucun traité n'a été approuvé par résolution depuis 1966, il y a presque 40 ans; il s'agissait du Pacte de l'automobile. Dans le cas de Kyoto, le gouvernement refuse de le respecter. Belle démocratie!
Qui plus est, le Canada est moins démocratique que le reste du monde industrialisé. La plupart des autres grandes démocraties industrialisées font participer davantage leurs Parlements à l'approbation des traités. Par exemple, la France, l'Allemagne, le Danemark, l'Italie et les États-Unis sont obligés, par leur Constitution, d'obtenir l'approbation législative d'au moins certaines catégories d'accords internationaux avant leur ratification.
Certains pays qui ont en commun des traditions constitutionnelles avec le Canada ont tout de même cherché à enchâsser le rôle que leur Parlement joue dans l'examen des traités.
Au Royaume-Uni, une convention établie dans les années 1920, la Ponsonby Rule, rend obligatoire le dépôt des accords internationaux devant les deux Chambres du Parlement au moins 21 jours avant leur ratification. Les parlementaires ont ainsi l'occasion d'en débattre avant que le gouvernement ne les ratifie, bien que ces débats ne soient pas décisionnels. Il n'y a rien de tel au Canada.
Plus récemment, soit en 1996, l'Australie a modifié son processus de conclusion des traités. Selon ce processus, il faut: déposer les traités au Parlement au moins 15 jours de séance avant qu'une mesure exécutoire ne soit prise par l'exécutif; préparer et déposer au Parlement, pour chaque traité, une analyse d'intérêt national portant sur l'incidence prévisible des obligations associées au traité; établir un comité permanent mixte des traités pour étudier les traités envisagés et faire un rapport à leur sujet. Il n'y a rien de tel au Canada.
Il faut enfin souligner que le Canada est en retard sur le Québec, comme d'habitude.
Au Canada, ce sont les provinces qui adoptent les lois dans les domaines où la Constitution leur reconnaît une compétence. Comme l'a précisé le Conseil privé britannique en 1937 dans l'affaire des Conventions du travail, la compétence législative des provinces s'étend également à la mise en oeuvre des traités internationaux.
Dès lors qu'un traité ou une partie d'un traité porte sur un domaine qui est de compétence des provinces, les dispositions qui y ont trait ne peuvent être mises en oeuvre que par ces provinces. C'est ainsi que le Québec a conclu quelque 550 engagements internationaux depuis 1964 qui touchent un grand nombre de domaines dont il est responsable, en tout ou en partie, tels la culture, le développement économique, les permis de conduire, l'adoption internationale, l'environnement, les sciences et la technologie, les communications, etc.
Pour être lié par un accord important, le gouvernement du Québec doit d'abord le soumettre à l'approbation de l'Assemblée nationale du Québec. C'est à cette seule condition que le Québec peut être lié et qu'il s'engage à légiférer pour mettre en oeuvre l'accord international du Canada. De plus, la loi prévoit que le ministère des Relations internationales enregistre et publie toutes les ententes internationales du Québec. Il n'existe rien de tel au Canada.
À trois reprises, le Bloc québécois a déposé un projet de loi sur les traités pour moderniser tout le processus de conclusion des traités internationaux.
Le projet de loi du Bloc québécois sur les traités visait à établir la transparence et la démocratie dans le processus de négociation et de conclusion des traités internationaux. Comme ceux-ci occupent une place de plus en plus importante dans la vie de la population, un tel changement de pratique était plus important que jamais. De plus, le projet de loi assurait le respect par le gouvernement fédéral des compétences législatives des provinces.
Le projet de loi prévoyait cinq changements: le dépôt systématique des traités devant la Chambre des communes, l'approbation des traités importants par la Chambre, la consultation de la société civile par un comité parlementaire avant que le Parlement ne se prononce sur le traité important, la publication des traités dans la Gazette du Canada et sur le site Internet du ministère des Affaires étrangères ainsi que la consultation obligatoire des provinces avant de négocier un traité relevant de leurs compétences.
Le projet de loi sur les traités ne s'est rendu à l'étape du vote qu'une seule fois: le 28 septembre 2005. Tous les partis fédéralistes s'y sont opposés.
N'étant pas à une contradiction près, les conservateurs ont fait deux promesses relativement aux traités internationaux lors de la dernière campagne électorale. Ils ont promis de soumettre les traités internationaux à la Chambre avant ratification et de reconnaître un rôle aux provinces dans la conclusion des traités qui touchent leurs compétences. Ces deux promesses ont été brisées.
Depuis leur élection, les conservateurs ont amendé l'ALENA. Ils ont signé deux accords de protection des investissements calqués sur le chapitre 11 de l'ALENA, dont un a été ratifié. Ils ont conclu un accord de coopération militaire pour autoriser les soldats britanniques à venir s'entraîner au Canada. Ils ont signé des accords de coopération en matière d'enseignement supérieur, alors que cette question ne relève pas d'Ottawa. Ils ont conclu un accord facilitant les transferts technologiques du Canada vers la Chine. Enfin, ils ont modifié l'Accord de libre-échange avec le Chili.
Mis à part la modification au traité de l'OTAN, qui a fait l'objet d'un minidébat de dernière minute et d'un vote, aucun de ces traités internationaux n'a été soumis à la Chambre.
Qu'en est-il de la nation québécoise, dans tout cela? Les partis fédéralistes disent avoir rejeté le projet de loi du Bloc québécois en raison de deux articles, soit les articles 4 et 6.
Tout d'abord, l'article 4 prévoyait la mise en place d'un mécanisme de consultation des provinces:
Le Canada ne peut, sans consultation des gouvernements provinciaux faite conformément aux ententes conclues conformément à l'article 5, négocier ni conclure un traité:
a) dans un secteur de compétence législative provinciale;
b) dans un domaine touchant un secteur de compétence législative provinciale.
Quant à l'article 6, il reconnaissait la validité de la doctrine Gérin-Lajoie:
La présente loi n'a pas pour effet de limiter, de quelque manière, la prérogative royale exercée par les gouvernements provinciaux en ce qui a trait à la négociation et à la conclusion des traités dans un secteur de compétence législative provinciale.
L'article prévoyant la consultation du Québec et des provinces n'était absolument pas révolutionnaire. Lorsque le gouvernement fédéral discute, dans un forum international, du texte d'un traité ayant des incidences sur les provinces, il arrive qu'il consulte les provinces avant de s'y rendre.
En vertu d'une entente conclue en 1975 — et toujours en vigueur — entre le gouvernement Trudeau et les provinces, Ottawa consulte les provinces à toutes les étapes de la négociation de traités relatifs aux droits de la personne.
Voilà que tous les partis fédéralistes à Ottawa sont plus centralisateurs que Pierre Elliott Trudeau sur la question des relations internationales.
Ce n'est pas seulement un projet de loi du Bloc québécois que les partis fédéralistes ont rejeté, c'est une loi du Québec. L'article 22.1 de la Loi sur le ministère des Relations internationales prévoit le consentement du gouvernement du Québec tant à la signature qu'à la ratification ou à l'adhésion du gouvernement du Canada, avant que ce dernier n'agisse sur la scène internationale relativement à tout accord portant sur des matières de la compétence constitutionnelle du Québec.
Quant à l'article qui reconnaissait que les provinces ont le droit de négocier et de conclure des traités internationaux dans leurs champs de compétence, il constituait une simple reconnaissance de la doctrine Gérin-Lajoie à laquelle tous les gouvernements du Québec adhèrent depuis 1965.
La doctrine Gérin-Lajoie est intimement liée à l'autonomie du Québec: les provinces étant entièrement souveraines à l'intérieur de leurs champs de compétence, elles doivent pouvoir exercer ces compétences de A à Z, y compris par la signature et la ratification des traités internationaux.
En conclusion, ce sont quelques-unes des considérations qui militent pour une plus grande participation des parlementaires dans la négociation et la ratification des traités internationaux pour le plus grand bien de la démocratie.
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Monsieur le Président, c'est également la deuxième occasion que j'ai de parler de ce projet de loi. On sait déjà, par les propos ma collègue de , que d'entrée de jeu je confirme que le Bloc québécois appuie en principe le projet de loi .
L'adoption de ce projet de loi permettra au Canada de ratifier la Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d'autres États et d'adhérer au Centre international de règlement des différends relatifs aux investissements.
Compte tenu que je ferai souvent référence au Centre international de règlement des différends relatifs aux investissements et que ce nom est un peu long, je l'appellerai tout simplement le Centre pendant mon allocution.
Le projet de loi intègre dans le droit interne les exigences de la convention, notamment pour assurer le respect des sentences arbitrales et accorder les immunités dont doivent jouir le Centre et son personnel. Le Centre a été créé en 1965 par la Banque mondiale en vertu du Traité de Washington. Il y a 156 pays qui en sont actuellement membres. Le Centre est chargé d'arbitrer des différends entre un État et un investisseur étranger.
Ces conflits peuvent être de deux ordres: premièrement, il y a des différends relatifs au respect d'accords bilatéraux de protection des investissements étrangers et, deuxièmement, des différends relatifs à des ententes entre des gouvernement et des investisseurs étrangers. Ce sont des ententes du type de celles que le gouvernement du Québec, entre autres, conclut régulièrement en suscitant des investissements étrangers sous promesse, par exemple, de fourniture d'électricité à un prix convenu.
L'adhésion du Canada n'aura aucun impact sur les provinces et le Québec, sinon qu'elles pourront elles aussi prévoir le recours au Centre lorsqu'elles concluront des ententes avec des investisseurs. Quant aux traités bilatéraux qui lient le gouvernement fédéral, ils prévoient déjà le recours à l'arbitrage du Centre, mais par l'intermédiaire du mécanisme complémentaire d'arbitrage plutôt que par un mécanisme régulier qui n'est accessible qu'aux pays qui ont ratifié la Convention.
En fait, la seule chose que l'adhésion du Canada au Centre changera, c'est qu'il pourra intervenir dans les négociations visant à amender la Convention ou les règlements du Centre et qu'il aura l'assurance de pouvoir participer à la nomination des tribunaux d'arbitrage. Il y aura donc une participation directe au Centre. En définitive, le Centre n'est qu'un tribunal. Or, le problème n'est pas le tribunal, mais les mauvais traités de protection des investissements que conclut le Canada.
Le Bloc québécois appuie la conclusion d'accords de protection des investissements en autant que ce soit bien sûr de bons accords. Il est tout à fait normal qu'un investisseur, avant d'effectuer un investissement, cherche à s'assurer qu'il ne se fera pas dépouiller de son bien et qu'il ne sera pas victime de discrimination. C'est cette situation que les accords de protection des investissements étrangers visent à encadrer. Le phénomène n'est pas nouveau. Le premier accord connu qui comporte des dispositions relatives à la protection des investissements étrangers a été conclu entre la France et les États-Unis en 1788, soit il y a plus de deux siècles.
On comptait en mai 2007 plus de 2 400 accords bilatéraux de protection des investissements dans le monde. Si on y ajoute les conventions fiscales qui traitent du traitement fiscal accordé aux investissements et aux revenus étrangers, cela fait environ 5 000 traités bilatéraux qui concernent les investissements étrangers. Le Bloc est en faveur de la conclusion de tels accords et reconnaît qu'ils favorisent l'investissement et la croissance. Ces accords reposent à peu près tous sur les mêmes principes.
Le premier principe qu'on pourrait avancer est le respect du droit de propriété, indépendamment de la nationalité du propriétaire. Deuxièmement, il n'y a pas de nationalisation sans juste et prompte compensation financière. Troisièmement, il y a l'interdiction de traiter différemment un bien situé sur son territoire selon l'origine de son propriétaire. Et en dernier lieu, il y a la libre circulation des capitaux issus de l'opération et de la disposition de l'investissement.
Dans tous les cas, en cas de non-respect, les États peuvent soumettre les litiges relatifs au respect de l'accord devant un tribunal international d'arbitrage. Dans la majorité des cas, un investisseur peut soumettre lui-même le litige devant un tribunal international, mais seulement après avoir obtenu le consentement de l'État. Dans bien des cas, cet arbitrage international que l'accord prévoit se fait devant le Centre. Y adhérer, comme le prévoit le projet de loi , c'est aussi adhérer à l'ordre international dans le domaine des investissements.
Dans les accords de protection des investissements qu'ils concluent, seuls deux pays, soit le Canada et les États-Unis, accordent systématiquement aux investisseurs le droit de s'adresser directement aux tribunaux internationaux. Il y a là une dérive. En permettant à une entreprise d'évoluer en marge du contrôle de l'État, on lui accorde le statut de sujet du droit international, un statut qui appartient normalement aux gouvernements.
Les accords que le Canada conclut contiennent un certain nombre de dérives semblables qui accordent aux sociétés multinationales des droits qu'elles ne devraient pas avoir et qui limitent le pouvoir de l'État de légiférer et d'intervenir pour le bien commun. Faisons référence au chapitre 11 de l'ALENA qui est tristement célèbre maintenant. Ce dernier prévoit qu'un litige puisse se retrouver devant le Centre. Or, ce chapitre est mauvais à trois égards: la définition de l'expropriation, la définition d'un investisseur et la définition d'un investissement.
La définition de l'expropriation est tellement floue que la moindre mesure gouvernementale, sauf une mesure fiscale générale, peut être contestée par un investisseur étranger si elle diminue les profits qu'il tire de son investissement. C'est ainsi qu'un plan de mise en oeuvre de l'accord de Kyoto, qui ferait payer cher les grands pollueurs que sont les entreprises pétrolières, pourrait être contesté en vertu du chapitre 11 et entraîner une compensation gouvernementale.
Les pétrolières albertaines sont en effet majoritairement contrôlées par des intérêts américains. Le chapitre 11 ouvre la porte aux poursuites les plus abusives. La définition d'un investisseur est tellement large qu'elle inclut n'importe quel actionnaire. C'est ainsi qu'à peu près n'importe qui peut poursuivre l'État et chercher à obtenir une compensation relativement à une mesure gouvernementale qui aurait pour effet de diminuer les profits d'une entreprise.
Quant à la définition d'un investissement, elle est tellement large qu'elle inclut même les profits qu'un investisseur espère tirer de son bien dans l'avenir. En cas d'expropriation, non seulement l'État se trouve donc forcé de verser non seulement la juste valeur marchande, mais il faut qu'il y ajoute le montant des revenus que l'investisseur comptait tirer dans l'avenir. À ce compte-là, il ne serait plus possible de nationaliser l'électricité, comme on l'a fait au Québec dans les années 1960.
Prenons l'exemple de SunBelt, une entreprise formée d'un actionnaire canadien et d'un actionnaire californien. L'entreprise a fermé ses portes lorsque le gouvernement de la Colombie-Britannique lui a retiré le droit d'exporter de l'eau en vrac qui lui avait été accordé. L'actionnaire canadien, en s'appuyant sur les lois canadiennes, a reçu une compensation équivalente à la valeur de son investissement, soit 300 000 $. Quant à l'actionnaire américain, s'appuyant sur le chapitre 11 de l'ALENA, il a inclus dans sa réclamation l'ensemble des revenus potentiels qu'il aurait pu tirer de la vente de l'eau dans l'avenir, soit 100 millions de dollars. Heureusement ou non, l'affaire s'est réglée hors cour, moyennant un montant qu'on ignore et qu'on ignorera probablement toujours.
Compte tenu des montants en cause, le chapitre 11 décourage toute mesure gouvernementale, particulièrement dans le domaine environnemental, qui aurait pour effet de faire diminuer les profits d'une entreprise de propriété étrangère. Le mécanisme de règlements des différends permet aux entreprises de s'adresser directement aux tribunaux internationaux pour chercher à obtenir compensation sans même avoir besoin du consentement de l'État.
Peut-on imaginer qu'une société multinationale puisse, de sa propre autorité, amorcer un conflit commercial entre deux pays? C'est pourtant cette situation absurde que permet le chapitre de l'ALENA sur les investissements. Compte tenu de ces failles, le chapitre 11 de l'ALENA diminue la capacité de l'État d'intervenir pour le bien commun et de légiférer sur le plan environnemental, et constitue une épée de Damoclès qui peut s'abattre à tout moment sur toute mesure législative et réglementaire qui aurait pour effet de diminuer le profit des entreprises.
En 2005, les États-Unis ont changé quelques-unes des dispositions de leur accord type de protection des investissements. En 2006, le Canada a fait de même. Comme les deux pays ont ainsi reconnu le caractère néfaste et abusif du chapitre 11 de l'ALENA, le moment est propice pour que le gouvernement entreprenne rapidement des discussions avec ses partenaires américains et mexicains pour amender le chapitre 11 de l'ALENA. Nous devons dire non aux mauvais accords de protection des investissements.
En plus du chapitre 11 de l'ALENA, et malgré le fait que tous aient décrié son caractère abusif, le gouvernement a conclu 16 autres accords bilatéraux de protection des investissements étrangers, qui en sont des copies conformes. Tous ces accords de protection des investissements étrangers sont mauvais et devraient être renégociés.
En 2006, le gouvernement a en quelque sorte reconnu que ces accords étaient mauvais. Copiant les modifications effectuées par l'administration Bush l'année précédente, le gouvernement conservateur a en effet apporté des modifications à son Programme d'APIE du Canada pour en corriger certaines des lacunes les plus criantes. Il a précisé la notion d'expropriation en spécifiant qu'une mesure gouvernementale non discriminatoire visant à protéger la santé, l'environnement et à promouvoir un objectif gouvernemental légitime ne devrait pas être considérée comme une expropriation et ne devrait donc pas générer automatiquement une compensation.
Il est trop tôt pour évaluer la portée réelle de cette précision, mais, à première vue, elle semble être une amélioration. Il a restreint la notion d'investissement en précisant que la valeur d'un bien équivaut à sa juste valeur marchande. Fini, cette folie qui y faisait ajouter l'ensemble des profits potentiels que l'investisseur espérait tirer de son investissement. Quant au reste, l'accord type de protection des investissements continue d'être calqué sur le chapitre 11 de l'ALENA.
Le gouvernement doit continuer à améliorer cet accord type, notamment en ci qui concerne le mécanisme de règlement des différends. Les sociétés multinationales doivent revenir sous l'autorité de l'État, comme n'importe quel citoyen.
De plus, le gouvernement devrait soumettre à la Chambre les traités et accords internationaux avant de les ratifier. C'est ce qu'on nous promet et c'est ce que j'ai mentionné plus tôt, mais est-ce vraiment pour avoir une discussion de fond? Est-ce vraiment une discussion pour connaître les avantages, les opportunités, peut-être, ou les méfaits au regard de certaines industries du Canada et du Québec?
Hier, le gouvernement semblait dire qu'en ce qui concerne la ratification, c'était pour discuter, pour étudier, mais va-t-il ratifier sans que la Chambre se soit réellement prononcée en faveur ou non d'un accord spécifique?
Au début de l'année dernière, le gouvernement a émis communiqué pour annoncer qu'il venait de ratifier un nouvel accord de protection des investissements étrangers avec le Pérou. C'est en lisant ce communiqué que les parlementaires et la population ont pris connaissance de cet accord. Jamais le Parlement n'en a été informé. Jamais il ne l'a approuvé. C'est complètement antidémocratique.
Lors la dernière élection, la plateforme électorale conservatrice était pourtant claire: les conservateurs s'engageaient à soumettre pour approbation tous les traités et accords internationaux avant de les ratifier. Ce n'est pas ce qu'on a entendu hier en cette Chambre: il s'agissait de les présenter à la Chambre et de les lui faire connaître, mais jamais les deux députés conservateurs, dont le ministre, n'ont dit que la Chambre devait les ratifier.
Depuis l'arrivée au pouvoir des conservateurs, le Canada a ratifié plus ou moins 26 ou 27 traités internationaux. Mis à part la modification au traité du NORAD, qui a fait l'objet d'un minidébat de dernière minute et d'un vote, aucun de ces traités internationaux n'a été soumis à la Chambre.
Aujourd'hui, les accords internationaux ont des conséquences sur nos vies comparables à celles que les lois peuvent avoir. Rien, absolument rien ne justifie qu'ils soient conclus unilatéralement et en catimini par le gouvernement en passant par-dessus la tête des représentants de la population.
Par le passé, le Bloc québécois a soumis des projets de loi pour restaurer la démocratie et assurer le respect des compétences du Québec et des provinces dans la conclusion des traités internationaux. Compte tenu du fait que le gouvernement s'était engagé à le faire, nous ne sommes pas revenus à la charge cette fois-ci. Nous constatons pourtant aujourd'hui que la parole des conservateurs ne vaut pas très cher.
Aussi, le Bloc québécois reviendra à la charge et fera des propositions pour restaurer la démocratie dans la conclusion des traités internationaux. Il faut que le gouvernement ait l'obligation de présenter à la Chambre tous les traités et accords internationaux qu'il doit signer avant de les ratifier. Il doit être obligé de publier tous les accords internationaux auxquels il est lié. Il faut également avoir l'approbation de la Chambre et son vote, après analyse par un comité spécial chargé d'étudier les accords internationaux, au sujet de tous les traités importants avant que le gouvernement ne puisse les ratifier. Il faut aussi le respect des compétences du Québec et des provinces dans l'ensemble du processus de conclusion des traités, c'est-à-dire à l'étape des négociations, à la signature et à la ratification.
En conclusion, le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements est effectivement nécessaire pour faire en sorte que les États soient traités à leur juste valeur face aux sociétés multinationales. Il faut aussi faire en sorte que les accords que le Canada signe soient de bons accords, respectueux de l'ensemble des intervenants.
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Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture du projet de loi . Le NPD s'y oppose et je vais présenter certains des motifs qui justifient cette opposition.
Il s'agit à première vue d'un projet de loi assez inoffensif, qui traite d'un mécanisme de règlement des différends et qui prévoit la participation de la Banque mondiale. Il y est question du statut des multinationales qui investissent dans des pays étrangers et du fait qu'il doit y avoir un processus de résolution des différends.
À première vue, tout cela semble assez raisonnable, mais quand on gratte un peu la surface, on découvre que ce projet de loi représente un régime global en vertu duquel s'est effectué, ces 20 dernières années, un transfert massif de pouvoirs des gouvernements vers les multinationales sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce dans le cadre de telles ententes commerciales.
Je souligne que le vice-président, le député d' lui-même, a, à titre de député, joué un rôle très actif. Monsieur le Président, je sais que vous êtes beaucoup intervenu, avec le NPD, au fil des ans, lorsque nous nous sommes élevés contre l'Accord multilatéral sur l'investissement et l'Accord de libre-échange des Amériques, à Québec. Aujourd'hui, nous débattons le soi-disant accord de partenariat pour la sécurité et la prospérité entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.
Monsieur le Président, je sais que vous avez l'habitude de ces énormes accords commerciaux qui minent les droits démocratiques du Parlement et d'autres États et qui sapent énormément la capacité des citoyens de s'organiser pour avoir une certaine influence sur l'application de ces accords, et sur le règlement des différends et les décisions qui en découlent. Je sais aussi que vous avez beaucoup de crédibilité en la matière.
Lorsque nous nous sommes penchés sur le projet de loi et en avons discuté au sein du caucus, nous avons conclu que nous ne pouvions pas l'appuyer.
Le CIRDI, comme on l'appelle, fait partie d'un régime d'investissement et de commerce international qui a fait l'objet de très dures critiques de la part de la société civile du fait qu'il confère des pouvoirs sans précédent aux sociétés multinationales grâce à des traités bilatéraux d'investissement.
L'un des problèmes sur lesquels j'ai attiré l'attention aujourd'hui, c'est que rien dans cet accord ne permet le témoignage de tierces parties. Il n'y a pas d'obligation de rendre des comptes, aucune transparence, ni aucune information à fournir qui permettrait aux organismes locaux, dans une collectivité touchée ou dans un syndicat, de participer au mécanisme de règlement d'un différend prévu dans cet accord, sauf si les deux parties à l'arbitrage y consentent, ce qui est très peu probable. Il rend le processus très inaccessible aux collectivités et aux tiers qui seraient touchés par les décisions prises. Nous estimons que c'est là une lacune du projet de loi, mais ce n'est que la pointe de l'iceberg.
Hier, un député conservateur d'arrière-ban a félicité le d'avoir annoncé que le Canada avait conclu un accord de libre-échange avec le Pérou. Le député conservateur de a demandé au si l'accord avec le Pérou prévoyait des protections pour les droits des travailleurs du Pérou. Évidemment, le s'est levé et, bombant le torse, a annoncé que l'accord commercial améliorerait les droits des travailleurs, que tout irait pour le mieux et que nous n'avions pas à nous en faire. Les conservateurs se congratulaient entre eux.
J'en parle parce que c'est un exemple actuel de la nature de ces accords et de la façon dont ils nuisent aux travailleurs et violent leurs droits. Ils n'offrent aucune solution proactive pour protéger les travailleurs dans certaines situations très graves.
Hier, le a déclaré à la Chambre que cet accord commercial avec le Pérou protégerait les droits des travailleurs. Le 18 janvier, le syndicat péruvien des travailleurs a dénoncé le fait que plus de 3 000 travailleurs avaient été mis à pied dans ce pays parce qu'ils avaient formé des syndicats. Les travailleurs n'ont pratiquement aucun droit. Il y a vraiment quelque chose qui cloche.
Les ministres veulent se faire rassurants: dans le domaine du travail, les droits fondamentaux de la personne, les droits des enfants, l'environnement et les normes sociales sont protégés. Pourtant, nous avons des exemples concrets de situations très graves dans des pays comme le Pérou, où les travailleurs ne sont pas respectés et où leurs droits sont constamment bafoués.
En octobre 2007, la Confédération syndicale internationale a présenté un rapport sur les politiques commerciales du Pérou lors de son assemblée générale. Ce rapport est on ne peut plus actuel et montre très clairement qu'il y a de graves problèmes dans ce pays. Le rapport recommande notamment que le gouvernement péruvien modifie ses lois afin de les rendre conformes aux conventions 87 et 98 de l'Organisation internationale du travail. La convention 87 porte sur la liberté syndicale et la convention 98 porte sur le droit d'association et de négociation collective.
Il me semble plutôt contradictoire qu'un ministre du gouvernement conservateur tente de nous convaincre que tout va bien et qu'il a réussi à négocier une entente qui assurera la protection de ces travailleurs, alors que les représentants des travailleurs de ce pays présentent une réalité bien différente. C'est une question qui préoccupe le NPD.
Nous, néo-démocrates, sommes d'avis qu'à titre de parlementaires, nous avons la responsabilité non seulement de faire respecter les conventions internationales qui protègent la main-d'oeuvre, les droits de la personne et l'environnement dans notre pays, mais également de réclamer le respect de ces droits à l'échelle internationale. Nous nous attendons à ce que le gouvernement du Canada en fasse autant. Nous nous attendons à ce que le gouvernement du Canada fasse preuve de leadership dans ces dossiers.
Pour en revenir aux projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, c'est justement sur cet aspect que nous avons des inquiétudes. C'est ce qui nous porte à dire que ce projet de loi ne tient nullement compte de la réalité à l'échelle mondiale.
Les membres de notre caucus ont participé à bon nombre de forums, discussions et ateliers de formation. Compte tenu de la situation à l'échelle internationale qui permet les transferts de capitaux pratiquement sans aucune réglementation, il est assez incroyable de voir que les citoyens ont pris l'initiative de s'informer de ce qui se passe dans ce domaine. Ce ne sont pas des dossiers faciles à comprendre. Ce sont des ententes très complexes qui ont été préparées dans le cadre de l'OMC. Nous l'avons appris avec l'AMI et nous le constatons à nouveau avec le Partenariat pour la sécurité et la prospérité.
Nous savons que ces ententes sont préparées dans le plus grand secret, dans des endroits, comme Montebello, où les dirigeants se réunissent à huis clos. Les relations avec le public sont très restreintes et il est très difficile pour la société civile d'intervenir ou de dire quoi que ce soit. Les services de sécurité font tout ce qu'ils peuvent pour empêcher la tenue de tels dialogues.
Notre caucus connaît bien les ententes de ce genre. Nous comprenons les répercussions qu'elles ont pour une société démocratique. Ce que nous disons, tant à la Chambre que dans la communauté, c'est que nous trouvons inquiétant que le processus ouvert qui nous permettait jusqu'à présent de prendre des décisions de façon démocratique au Parlement soit en train de devenir un processus beaucoup plus secret qui nous tient tout à fait à l'écart. Même les parlementaires n'y ont pas accès.
Si l'on demandait aux Canadiens à quoi sert le gouvernement, quelle est notre raison d'être, nos électeurs et nos concitoyens diraient que le rôle du gouvernement est d'assurer leur protection. Il est là pour faire en sorte qu'ils puissent bénéficier d'avantages tels que les soins de santé, l'éducation et la sécurité du revenu. En outre, le gouvernement est là pour assurer la sécurité du pays.
Pendant des années de politiques néo-libérales et néo-conservatrices, le rôle du gouvernement a subi une transformation profonde. Le pouvoir est passé des mains du gouvernement à celles de multinationales non démocratiques, non élues, non responsables et non transparentes. Les accords commerciaux ont facilité ce processus.
Nous devrions nous opposer énergiquement à de tels accords. Celui qui nous préoccupe le plus, actuellement, c'est le Partenariat pour la sécurité et la prospérité, dont font partie les États du continent nord-américain, à savoir le Canada, les États-Unis et le Mexique.
Nous nous sommes montrés très critiques à cet égard. Le député de , notre porte-parole en matière de commerce, a parcouru le pays d'un bout à l'autre. Il a déjà visité 12 collectivités et accomplit actuellement une tournée dans 12 autres, où il tiendra des audiences publiques sur le PSP.
La population s'inquiète profondément des conséquences de cet accord. Elle craint notamment que le gouvernement actuel, comme celui qui l'a précédé, ne signe cet accord pratiquement dans les coulisses. Pourtant, cet accord aura un impact sur tous les aspects de la vie au Canada. Il aura un impact sur la capacité du Parlement à faire son travail. Il aura un impact sur la prestation des services. Il exacerbera la privatisation des services. Il exacerbera le processus de déréglementation que traverse actuellement notre société. Au bout du compte, ce sont là des facteurs dont l'effet commence à se faire sentir sur la qualité de vie. C'est devenu un processus de nivellement par le bas.
Ce projet de loi a un rapport avec le mécanisme de règlement des différends et la Banque mondiale. Nous reconnaissons qu'il s'inscrit en toute complicité dans le processus de mondialisation qui court-circuite le processus démocratique, ce à quoi nous sommes fermement opposés. Nous avons l'intention de faire tout ce que nous pourrons au Parlement, mais aussi au sein de la société civile, pour que ces accords soient ouverts, modifiés et réfutés.
Le commerce est une dimension importante de notre activité économique. Nous le comprenons. Nous savons que le commerce est inéluctable, mais nous voulons qu'il soit équitable. Nous souhaitons que le commerce soit fondé sur des normes établies et appliquées, qui définissent les droits de nos travailleurs ainsi que nos droits en matière d'environnement et qui établissent un contrat social et des conditions sociales permettant aux travailleurs du Sud de ne pas être exploités et aux travailleurs canadiens de ne pas perdre leurs emplois en conséquence d'accords commerciaux.
Nous avons assisté à la perte de plus de 300 000 emplois du secteur de la fabrication. L'accord commercial entre le Canada et la Corée du Sud est en voie d'élaboration. Tout cela se passe pratiquement sans aucun débat ni explication, derrière des portes closes.
Le projet de loi à l'étude aujourd'hui en est à l'étape de la troisième lecture mais, d'après nous, ce n'est pas un bon projet de loi. Il ne tient pas compte de ce que nous savons des répercussions des accords commerciaux. Comment ne pas envisager avec le plus grand scepticisme les actions et le programme du gouvernement conservateur?
Voici un autre exemple. Hier, nous avons entendu un ministre déclarer à la Chambre que les traités internationaux seraient présentés et feraient l'objet de discussions et de débats ici même. Voilà qui paraît raisonnable, à première vue. Cependant, en remontant de quelques années, à septembre 2004, nous voyons que, lorsque'il était le chef de l'opposition officielle, le actuel s'était engagé, avec les autres chefs de l'opposition, y compris le et le , à ce que les traités internationaux fassent l'objet d'un vote à la Chambre.
Un tel engagement a en effet été pris dans le cadre de mesures présentées par ce premier gouvernement minoritaire. Nous avons convenu, à la Chambre des communes, de la nécessité de tenir un vote sur les traités internationaux. Or, nous pouvons déjà constater que le gouvernement conservateur n'a pas tenu parole à cet égard, lui qui a annoncé hier qu'il n'y aurait pas de vote, qu'il pourrait y avoir un débat ou qu'un avis pourrait être donné. Voilà qui va nettement à l'encontre de l'engagement pris en septembre 2004.
Je terminerai en disant que les députés de notre caucus ont étudié le projet de loi très attentivement. Nous en avons débattu et discuté avec nos partenaires du monde ouvrier, au sein du Congrès du travail du Canada, et avec d'autres représentants de la société civile. Il est clair que l'approbation du projet de loi renforcerait un régime de commerce et de pratiques internationales qui accordent de vastes pouvoirs aux sociétés multinationales aux dépens du processus démocratique qui caractérise la Chambre des communes et d'autres instances.
Pour ces raisons, nous ne pouvons appuyer le projet de loi. Nous invitons d'autres députés à avoir également le courage de représenter l'intérêt public, puisque notre rôle est de le faire, et de voter contre le projet de loi.