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Monsieur le Président, mes sentiments sont partagés au début de cette intervention concernant le projet de loi . D'un côté, je suis extrêmement fier de me lever pour protéger la représentation de la nation québécoise et me prononcer farouchement contre le projet de loi , mais d'un autre côté, je comprends difficilement l'obsession des conservateurs de revenir à la charge avec des projets de loi qui représenteraient selon eux une pseudo-réforme démocratique.
Cette semaine, on a étudié le projet de loi concernant des consultations en vue du choix des sénateurs. Comme je l'ai mentionné, je crois que ces projets de loi ne sont pas prioritaires. Dans le cas du Sénat, on devrait plutôt parler de l'abolition de cette institution héritée de la monarchie britannique et du temps du colonialisme. Quant au projet de loi à l'étude aujourd'hui, il s'agit d'un projet de loi en pleine contradiction avec la reconnaissance de la nation québécoise par la Chambre des communes et le Canada. J'aurais donc préféré qu'au lieu de se retrouver à discuter de ce genre de projet de loi, qu'on soit ici en cette Chambre à discuter d'un projet de loi qui viserait à bonifier le plan d'aide aux secteurs manufacturier et forestier, ce qui est un besoin beaucoup plus urgent pour nos concitoyens et nos concitoyennes que de revoir la représentation de la Chambre des communes ou encore d'essayer de revamper cette institution non pertinente et complètement dépassée qu'est le Sénat.
On aurait pu débattre, par exemple, des propositions que le Bloc québécois a mises en avant au cours des dernières semaines concernant la mise sur pied d'un partenariat technologique. Ce programme existait, mais les conservateurs l'ont aboli. C'est un programme dans lequel on pourrait retrouver 500 millions de dollars pour favoriser l'innovation technologique. Il y a également un programme de prêts pour les entreprises qui achètent de nouveaux équipements de 1,5 milliard de dollars et aussi un investissement de 1,5 milliard de dollars pour ce qui est de la caisse de l'assurance-emploi, en particulier la mise sur pied d'un programme de soutien au revenu des travailleurs âgés.
Je rappelle que l'année dernière, il s'est perdu 50 000 emplois au Québec. Il s'en est perdu dans le secteur manufacturier, il faut bien le dire. Il s'en est perdu 150 000 au cours des cinq dernières années, la majorité depuis que les conservateurs sont arrivés au pouvoir. Il y a donc urgence d'avoir ce plan et d'en débattre.
À la place de cela, on nous propose cette semaine des projets de loi, comme je le mentionnais, visant une pseudo-réforme démocratique. Comme je le disais, mes sentiments sont ambigus. J'aurais préféré discuter d'un plan de bonification destiné aux secteurs manufacturier et forestier. Maintenant qu'on nous oblige à discuter du projet de loi , je suis extrêmement fier de voir que les députés du Bloc québécois sont les seuls en cette Chambre à défendre les intérêts du Québec. Même les députés des autres formations qui viennent du Québec n'ont pas cette approche. Je ne dirais pas ce courage-là, parce que ce n'est pas leur mission. Ils sont ici pour défendre le Canada et non pas pour défendre les intérêts de la nation québécoise. Toutefois, c'est dommage de constater que dans ce cas-ci, l'habit fait le moine. Les seuls qui ont vraiment à coeur, sans concession, la défense des intérêts de la nation québécoise, ce sont les députés du Bloc québécois. À mon avis, le débat qui porte sur le projet de loi sera une démonstration supplémentaire de la pertinence d'avoir un parti comme le nôtre ici en cette Chambre. Il a une utilité incontestable puisque personne d'autre ici ne défend sans concession les intérêts de la nation québécoise.
On aura beau regarder le projet de loi de tout bord tout côté, se chicaner sur la représentation des différentes provinces en fonction de l'évolution démographique du Canada, il n'en demeure pas moins une chose: objectivement, ce projet de loi a comme conséquence de marginaliser la place de la nation québécoise au sein des institutions fédérales, en particulier, dans ce cas-ci, de la Chambre des communes.
Par exemple, avec la proposition qui est devant nous, on va effectivement maintenir les 75 députés de la nation québécoise en cette Chambre, mais comme on augmente le nombre total de députés, la proportion que représentera cette députation provenant du Québec passera de 24,4 p. 100 à 22,7 p. 100. Évidemment, cela va se poursuivre, parce qu'on sait que dans l'Ouest canadien, il y a actuellement un boom économique qui attire énormément de personnes qui viennent soit des autres provinces, soit encore de l'extérieur. Ainsi, on nous propose aujourd'hui un pas supplémentaire, parce qu'il y en a eu d'autres dans le passé, visant la marginalisation de la nation québécoise au sein de la Chambre des communes.
La Chambre des communes a reconnue la nation québécoise. Le Canada et la nation canadienne ont reconnu qu'il y avait une nation qui s'appelait la nation québécoise.
On doit s'assurer que le poids politique de cette nation québécoise se maintient dans le temps.
Je rappelle qu'en 1840, il y a eu l'Acte d'Union regroupant le Haut-Canada et le Bas-Canada, même si ce dernier n'avait pas de dettes à l'époque — je le rappelle — et était beaucoup plus populeux. Le Bas-Canada et ses représentants ont accepté que le Haut-Canada, qui avait beaucoup de dettes qu'on a épongées et une population moins grande, ait exactement le même nombre de députés. En effet, les représentants du peuple de l'époque considéraient qu'il y avait véritablement deux peuples fondateurs qui se regroupaient.
Je me rappelle le discours que j'ai pu lire où les représentants du Bas-Canada, tout en reconnaissant que la population du Bas-Canada était plus importante, pour créer cet espace politique commun, ont accepté que le Haut-Canada ait autant de représentants qu'eux.
C'est cet esprit-là qui devrait guider l'ensemble des partis en cette Chambre. Ils doivent reconnaître qu'au sein de l'espace politique canadien, il y a au moins deux nations. En fait, il y en a plus puisqu'il y a les Premières nations et, à mon avis, la nation acadienne. Pour le moment, ils ne demandent pas de représentation. Cela demeure leur problème. Mais à notre avis, il faut s'assurer que la représentation de la nation québécoise, peu importe les formules de répartition qu'on pourra trouver, ne soit pas diluée et soit maintenue à 25 p. 100.
C'est le sens de l'intervention que nous ferons au cours des prochains jours. En effet, il ne s'agit pas ici de parler d'une province. Le Québec n'est pas une province. L'État et le territoire québécois sont les assises d'une nation qui doit se faire entendre à la Chambre des communes, qui doit aussi avoir des relations d'égal à d'égal avec la nation canadienne. C'est d'ailleurs le grand problème du Canada. Ce ne sont pas les relations entre le Québec et le Canada qui sont problématiques. Ce n'est pas le Québec qui problématique dans l'ensemble canadien. Ce qui pose problème, c'est que le Canada a été fondé sur l'illusion qu'il était formé de 10 provinces, toutes égales en droit et toutes pareilles, ce qui n'est pas vrai.
Le Canada est formé de plusieurs nations réparties sur le territoire dans l'espace politique canadien. C'est l'absence de reconnaissance de cette réalité multinationale qui provoque la crise du Canada depuis au moins une trentaine d'années. La preuve, c'est cette Chambre. Les conservateurs sont forts dans l'Ouest; les libéraux le sont en Ontario; le Bloc représente la majorité du Québec depuis plusieurs élections, cinq si j'ai bonne mémoire; et le NPD est disséminé un peu partout. Mais il n'y a pas de parti pancanadien au Canada actuellement. Ce sont tous des partis régionaux qui défendent des réalités différentes.
Si on reconnaissait l'existence de différentes nations au sein de l'espace politique canadien et si on avait échafaudé une structure politique autour de cela, peut-être n'y aurait-il pas la crise qui sévit décennie après décennie. À présent, il est trop tard.
Il y a eu des tentatives de rafistolage au cours des dernières décennies. Je pense aux accords de Charlottetown et du lac Meech. Maintenant, il est très clair pour de plus en plus de Québécois et de Québécoises que l'avenir passe par la souveraineté du Québec, c'est-à-dire le rapatriement de 100 p. 100 de nos pouvoirs politiques. Il ne suffit pas d'essayer de protéger, comme je le fais présentement, 25 p. 100 de la représentation à la Chambre des communes.
Mais en attendant, tant qu'on sera dans l'espace politique canadien, tant qu'on paiera des impôts au gouvernement fédéral, il faudra s'assurer que cette nation pourra se faire entendre et avoir la représentation nécessaire. À notre avis, 25 p. 100, c'est minimal. Cela représente maintenant en gros la population québécoise dans l'ensemble canadien. Cela assurerait au Québec la possibilité de faire entendre sa voix ici.
C'est tout à fait en contradiction avec la motion qui a été adoptée ici. En effet, je le dis encore une fois, on essaie de traiter la question de la représentation électorale à travers le prisme de 10 provinces qui doivent avoir une représentation à peu près équitable sur le plan du rapport entre le député et la population qu'il représente. Ce n'est pas de cela dont on parle ou dont on devrait parler. On devrait parler plutôt de s'assurer qu'à l'intérieur de chacune des nations, il y a une représentation adéquate pour refléter la réalité de l'ensemble des régions du Canada et du Québec.
Dans ce sens, si certaines régions du Canada demandent d'avoir plus de représentation parce qu'ils ont connu une évolution démographique plus importante, tant mieux.
Qu'on redistribue à l'ensemble de la nation canadienne les sièges qui correspondent à ce que c'est. Sinon, si on augmente les sièges dans l'Ouest canadien ou en Ontario, qu'on s'assure de maintenir les 25 p. 100 de représentation québécoise et d'augmenter en proportion cette représentation. Les formules peuvent être multiples mais, pour nous, ce n'est pas négociable. Tant qu'on fera partie du Canada, il faudra s'assurer que la nation québécoise pourra faire entendre sa voix convenablement. C'est un minimum de 25 p. 100 de représentation en cette Chambre qu'il nous faut.
Je vous rappelle que si le gouvernement, le et les autres partis canadiens étaient conséquents avec la décision qu'ils ont prise de reconnaître la nation québécoise, ils n'auraient pas de problème à voter pour le projet de loi qu'a déposé ma collègue de , qui vise à ce que la loi 101 s'applique au Québec aux entreprises de compétence fédérale. Mais non, cela dépasse l'entendement. C'est pourtant très simple et cela représente peut-être 8 p. 100 de la main-d'oeuvre qui, actuellement, est exclue de l'application de la loi 101. Cela pourrait donner un certain souffle à la francisation au Québec. Cela stagne passablement depuis un certain nombre d'années.
J'ai déposé aujourd'hui même un projet de loi visant à soustraire le Québec de l'application de la Loi sur le multiculturalisme canadien, dont la vision de l'intégration, de l'assimilation ou de la façon de recevoir des immigrants n'est pas celle du Québec. La façon dont le Canada conçoit son intégration ou la venue des nouveaux arrivants est très anglo-saxonne. Le modèle est exactement le même qu'en Grande-Bretagne. Je le respecte, si c'est ce que le Canada veut faire. Cela ne nous intéresse pas d'additionner les ethnies au sein de quelque chose qui s'appellerait la nation québécoise. Nous pensons, au contraire, que chaque citoyen et citoyenne qui a choisi de venir au Québec a un apport à faire. Cela dit, cet apport doit enrichir le tronc commun et doit permettre de forger une nation dont la langue commune est le français et dont la culture est québécoise. Cette culture est faite de l'apport de l'ensemble des citoyens et citoyennes qui composent cette nation, d'une histoire spécifique et d'un territoire qui est celui de cette nation. Nous appelons cela l'interculturalisme. Ce n'est pas le modèle des Anglo-Saxons que le Canada a retenu. Qu'on respecte le fait que le Québec, au sein de l'espace politique canadien, constitue une nation reconnue par le Canada et par la Chambre des communes, et peut avoir un modèle différent qui ne sera pas contrecarré par cette volonté de multiculturalisme qui sévit malheureusement depuis l'ère Trudeau ici, à Ottawa.
Comme on le voit, le projet de loi est totalement en contradiction avec les intérêts de la nation québécoise et avec la reconnaissance de la nation québécoise par la Chambre des communes, par la nation canadienne. Il devrait être carrément retiré par ce gouvernement. D'ailleurs, c'est ce que demande l'Assemblée nationale du Québec. Je vous rappelle que, le 16 mai 2007, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité une motion. Cette assemblée est composée de fédéralistes comme de souverainistes, tous des gens qui reconnaissent concrètement qu'il y a une nation. Ce n'est pas comme ici, à Ottawa, où c'est tout simplement une fleur à la boutonnière. Je vous la lis:
QUE l’Assemblée nationale demande au Parlement du Canada le retrait du projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867, présentée le 11 mai dernier à la Chambre des communes;
QUE l’Assemblée nationale demande également au Parlement du Canada de retirer le projet de loi C-43, Loi prévoyant la consultation des électeurs en ce qui touche leurs choix concernant la nomination des sénateurs, lequel vise essentiellement à transformer le mode de sélection des sénateurs sans le consentement du Québec.
Le projet de loi C-56, qui était le projet de loi avant l'abrogation de la session, redevient maintenant le projet de loi . Quant au projet de loi , nous en avons discuté au début de la semaine. C'est maintenant le projet de loi qui vise essentiellement à transformer le mode de sélection des sénateurs sans le consentement du Québec.
On voit qu'au Québec, que ce soient des fédéralistes ou des souverainistes, tout le monde s'entend pour dire que le projet de loi , comme d'ailleurs le projet de loi , va à l'encontre des intérêts du Québec et constitue une contradiction de la reconnaissance par la Chambre des communes de la nation québécoise.
En conséquence, je soumettrai à cette Chambre un amendement au projet de loi , qui se lit ainsi, et je serai appuyé par la députée de .
Que les mots suivant le « Que » soient retranchés et remplacés par ce qui suit:
Cette Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-22, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (représentation démocratique) parce que le projet de loi diminuerait de façon inacceptable le poids politique de la nation québécoise à la Chambre des communes et ne prévoit pas que 25 p. 100 des élus à la Chambre des communes doivent provenir du Québec.
Monsieur le Président, avec votre permission, je dépose cet amendement.
En conclusion, le ministre responsable des Affaires intergouvernementales résumait bien la pensée de tout le monde au Québec, en disant que tant que nous serons dans l'espace politique canadien — et c'est un fédéraliste qui parle —, il faut s'assurer que la nation québécoise aura au moins cette représentation nécessaire pour se faire entendre par la nation canadienne.
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Monsieur le Président, je suis très heureux d'avoir l'occasion de parler aujourd'hui du projet de loi . D'emblée, je pense qu'il s'agit d'un projet de loi plein de lacunes. On dirait que le gouvernement conservateur a décidé d'en finir dès cette semaine avec la question de la réforme démocratique.
Il est clair que le gouvernement est en train de faire quelques retouches de peinture sur un vieux rafiot qui prend l'eau comme une passoire, afin de pouvoir le faire passer pour le nouveau Bluenose. En réalité, il y a pourtant plusieurs étapes à franchir avant que la Chambre puisse mettre en oeuvre la réforme démocratique. Pendant le débat actuel, nous entendrons sûrement dire que le consensus nécessaire fait défaut. Il y a également le problème des provinces. En effet, nous devons obligatoirement trancher un noeud gordien chaque fois que nous décidons d'apporter une modification à la Loi constitutionnelle ou de lancer un débat sur la façon d'appliquer la démocratie.
Si nous devons vraiment faire ce nouveau pas, ne nous contentons pas de rafistoler. Il faut faire les choses comme elles doivent être faites. Le Nouveau Parti démocratique a toujours préconisé des gestes clairs en faveur de la réforme démocratique. Ainsi, pendant la dernière session, nous avons fait disparaître la corruption qui avait cours au gouvernement et assaini le financement électoral.
Nous constatons aujourd'hui que le taux de récidive des députés du Parti libéral, en matière de financement électoral, est déplorable. Il sera sûrement nécessaire de continuer à leur tenir la main. Il ne fait aucun doute que nous devons assainir le financement électoral, de façon à mettre fin à la corruption et à l'abus dans cette Chambre. C'est l'un des éléments les plus importants de ce projet de loi. Franchement, après l'activité de financement de ce soir qui réunit gardiens de but et golfeurs, il y aura encore à faire pour réhabiliter les libéraux.
Le deuxième élément de la réforme démocratique est un objectif à plus long terme. Il s'agit de la nécessité de mettre en oeuvre un système équitable et transparent de représentation proportionnelle qui donnera aux Canadiens l'impression que leur vote compte vraiment.
Nous savons tous que, d'un bout à l'autre du Canada, dans le actuel, le système uninominal à un tour, il y a beaucoup d'électeurs qui habitent dans une région où un parti l'emportera avec une majorité écrasante. Dans d'autres régions, il y a des électeurs qui souhaiteraient voter pour d'autres partis, de petits partis, des partis marginaux, peu importe. Les gens se demandent souvent pourquoi ils devraient voter, pourquoi ils devraient se donner la peine de participer au scrutin. Nous devons commencer à penser sérieusement à adopter un système de représentation proportionnelle si nous voulons vivre la démocratie au rythme du XXIe siècle.
Le troisième élément de la réforme démocratique est la nécessité d'abolir le Sénat. Les députés conservateurs ont proposé que les sénateurs soient élus. Cependant, compte tenu des diverses impasses constitutionnelles dont il faudra tenter de se sortir pour réformer le Sénat, ainsi que du fait que la Chambre haute a adopté une position de défi et refuse catégoriquement la moindre réforme, nous savons que toute initiative visant à passer à un Sénat élu traînera pendant des années.
Bien évidemment, les députés du Parti libéral aideront certainement les sénateurs à faire entrave à une telle initiative. Nous savons que c'est au Sénat que se retrouvent les copains et les valets des partis politiques au pouvoir.
Il n'en demeure pas moins, cependant, que certains sénateurs sont compétents et qu'ils peuvent, à l'occasion, faire du très bon travail. Aucun gouvernement au XXIe siècle ne devrait compter une assemblée où les membres sont nommés à vie sans que leur rendement ne soit examiné et sans qu'ils ne soient tenus de faire leur travail.
Un des petits mensonges politiques que nous avons entendus aujourd'hui pour expliquer l'existence du Sénat provient des députés libéraux. Ceux-ci ont dit que les sénateurs représentent les régions. Ils ont dit que les sénateurs jouent un rôle important puisqu'ils font valoir les préoccupations régionales.
Dans le Sun de Vancouver du 9 novembre 2007, on pouvait lire que « le Sénat est le symbole de l'échec politique au Canada et doit être aboli. »
Il semblerait que les Britanno-Colombiens n'avaient pas une très haute estime des sénateurs représentant leur région. S'ajoute à ça ce qu'a dit le premier ministre de la Colombie-Britannique, Gordon Campbell: « Ce qui importe le plus en Colombie-Britannique est que nous soyons bien représentés, et le Sénat est loin de représenter adéquatement les besoins de l'Ouest. » Lui aussi pense qu'il devrait être aboli.
Les députés libéraux ont cité Dalton McGuinty à plusieurs reprises aujourd'hui. Celui-ci a dit, le 3 mars 2006: « À mon avis, il faudrait abolir le Sénat. »
L'ancien sénateur conservateur Solange Chaput-Rolland a dit: « Le public ne fait pas confiance au Sénat. D'ailleurs, si on devait demander leur opinion aux Canadiens, 85 p. 100 d'entre eux diraient qu'il faut l'abolir. »
Si nous voulons un vrai système de représentation par région ou de représentation des droits des minorités, alors retournons au principe qui a servi de fondement à la création du Sénat. John A. Macdonald a dit très clairement que nous avions un Sénat pour protéger les droits des minorités.
Toutefois, il ne parlait pas du genre de droits des minorités que protège la Charte des droits et libertés. John A. Macdonald a dit que nous avions besoin d'un Sénat parce qu'il y aurait toujours des gens riches et des gens pauvres. Cela veut dire que nous avons besoin d'un Sénat pour suivre le vieux système britannique de pairie et celui des gentilshommes pour faire en sorte que les gens de la classe supérieure puissent nous surveiller, nous qui sommes élus par les gens du peuple. Selon lui, il doit y avoir une chambre dont l'accès dépend des relations qu'on entretient, une chambre à l'abri de toute forme d'examen par les gens du peuple. C'est pour cette raison que le Sénat a été créé.
Mais, bien sûr, si nous acceptions d'emblée l'argument des libéraux, soit que les sénateurs sont là pour représenter les régions, il faudrait au moins pour cela que les sénateurs se présentent aux séances. Par exemple, nous savons qu'ils ne siègent que deux ou trois jours par semaine et qu'ils peuvent manquer 21 jours sans pénalité.
Voyons voir. Un sénateur a manqué 71 p. 100 des séances. Pat Carney, sénatrice conservatrice de la Colombie-Britannique, a manqué 65 p. 100 des séances. Elaine McCoy, sénatrice progressiste-conservatrice de l'Alberta, a manqué 57 p. 100 des séances. Vivienne Poy, sénatrice libérale de l'Ontario, a manqué 53 p. 100 des séances. Comment peut-on faire cela sans véritable pénalité?
Je signalerai que lorsque nous, à la Chambre des communes, essayons d'adopter des mesures dans l'intérêt du pays, nous devons ensuite attendre que le Sénat prenne le temps de les examiner et de les approuver.
À la fin de la session du printemps 2005, lorsque nous avons terminé l'étude du projet de loi sur le mariage entre personnes de même sexe, qui a demandé à la Chambre tellement de temps et tellement d'énergie sur le plan émotif, et que cette mesure a enfin été envoyée au Sénat, le sénateur Joyal craignait que le débat sur ce projet de loi n'interrompe un repas offert aux sénateurs aux frais des contribuables. Voici ce qu'il a dit, et cela vient du hansard du Sénat:
Honorables sénateurs, je suis un peu mal à l'aise, parce que j'ai parlé pendant plus de 45 minutes. Je sais que l'on est en train de servir de la nourriture à la bibliothèque; je ne veux pas retenir qui que ce soit ici. Il y a peut-être d'autres sénateurs qui souhaitent prendre la parole. Je devrais peut-être me dispenser de répondre à des questions, sinon cela pourrait durer longtemps. J'espère que l'honorable sénateur ne sera pas vexé par ma réponse.
Ils étaient en train de dire en plein Sénat qu'ils préféraient aller se remplir la panse aux frais des contribuables plutôt que de s'occuper de l'intérêt général des Canadiens.
Je ne mentionnerai même pas le fait qu'ils se sont rendus dernièrement dans un casino du Nouveau-Mexique, alors que la plupart des Canadiens ordinaires devaient se dépêcher le matin pour aller au travail par des températures de moins 50 degrés. Évidemment, nos bons sénateurs ont trouvé un endroit où ils pouvaient se faire servir un verre de pina colada tout en s'enduisant le dos d'écran solaire. Ils étaient là-bas pour s'occuper d'affaires très importantes pour le pays.
C'est vraiment formidable de s'occuper de ce genre d'affaires. On peut décider de quelles affaires il s'agit exactement et où on va aller pour s'en occuper. Voyons voir. La météo annonce moins 50 degrés? Qu'il ne serait pas agréable de s'occuper des affaires importantes du pays dans un casino du Nouveau-Mexique!
Le pays a bien besoin d'une réforme démocratique. Nous avons bien besoin d'entrer de plain-pied dans le XXIe siècle. Malheureusement, la démarche que proposent nos collègues conservateurs ne nous permettra pas de régler les problèmes.
On vient de nous servir un projet de loi qui ne concerne qu'une petite partie du problème et qui va soulever toutes sortes de questions sur la façon de définir et de répartir les sièges au pays selon les régions et selon la population.
Il faut certainement augmenter le nombre de députés à la Chambre des communes, mais, pour y arriver, il faut bien plus qu'un projet de loi distribuant arbitrairement quelques sièges additionnels. Nous devons procéder comme il se doit, ce qui nécessite par exemple des consultations avec les régions. On n'y échappera pas.
Le modèle qui nous est soumis soulève de sérieuses questions. Par exemple, qu'advient-il du minimum de 25 p. 100 des sièges qui était traditionnellement garanti au Québec? On en sera désormais bien loin. Le projet de loi ne contient aucune disposition à cet égard.
Avant que tout le monde ne s'imagine que les régions vont s'entre-déchirer au sujet des sièges, il faut souligner que les premiers ministres McGuinty et Charest ainsi que le premier ministre Doer, du Manitoba, ont tous déclaré comprendre qu'il leur fallait collaborer pour trouver un terrain d'entente à ce sujet. Voilà le genre de bonne volonté qui semblait manquer au gouvernement fédéral lorsqu'il a présenté ce projet de loi.
J’ai entendu dire que certaines régions seraient surreprésentées. J’ai entendu dire que, pour être véritablement démocratique, la représentation fondée sur la population doit être juste. J’en suis convaincu.
La répartition actuelle des sièges au Canada traduit d’importants écarts. Dans certaines circonscriptions, les députés peuvent représenter aussi peu que 29 000 ou 34 000 électeurs et, dans les régions rurales, ils peuvent en compter jusqu’à 68 000. Envisage-t-on de passer à une taille unique? Si tel est le cas, on va assister à la disparition d’un grand nombre de sièges.
Certains députés de régions urbaines estiment que le fait de représenter une circonscription de 29 000 ou 30 000 électeurs est sans doute facile. Avant de tirer cette conclusion, je me demanderais personnellement quelle est la taille de cette circonscription.
Personnellement, je représente une région de l’Ontario — et on dirait que l’Ontario s’est retrouvée au centre des discussions aujourd’hui — qui a la même superficie que la Grande-Bretagne. Il est plus économique de prendre un aller-retour en avion Ottawa-Portugal que pour mes électeurs de se rendre de Peawanuck à mon bureau de circonscription de Timmins. Voilà qui donne une idée de l’étendue des régions que nous représentons.
À la dernière répartition des sièges, on a supprimé encore des sièges dans la région du Nord de l’Ontario à cause des déséquilibres démographiques par rapport au Sud de la province, région qui est maintenant très urbanisée et densément peuplée. À cause de la taille de leur circonscription, certains députés ne s’en sortent pas. Ils ne parviennent tout simplement pas à visiter toutes les collectivités qu’ils doivent représenter, parce que beaucoup d’entre elles ne sont accessibles que par avion et que beaucoup sont entièrement isolées.
Qui dit démocratie dit accès aux élus. Nous devons réaliser un équilibre. Nous devons aussi être conscients que toutes les régions du Canada ne sont pas peuplées de la même façon et que nous devons donc viser un certain équilibre.
La question de l’équité envers l’Ontario est évidemment très sérieuse pour tous les députés de cette province. Nous devons veiller à ce que les régions de l’Ontario qui connaissent une forte croissance et qui ont des besoins en conséquence soient correctement représentées. Nous devons aussi admettre que la croissance démographique dans l’Ouest est tout simplement incroyable et qu’il va falloir en tenir compte à longue échéance.
Cependant, nous reconnaissons l’existence d’un autre grave problème, celui du regroupement des différentes fonctions parce qu’il se trouve que le Canada est un vaste casse-tête très complexe.
Que faut-il faire? Nous devons effectivement aller dans le sens de la réforme démocratique. Toutefois, et je le dis depuis le début au sujet de ce projet de loi, nous devons être prudents. Veillons à ne pas monter les régions les unes contre les autres.
Mon ami du parti libéral s’est approprié le poème de Niemöller en nous disant que, même s’il vient des Maritimes, il défend la cause de l’Ontario parce que les conservateurs vont d’abord s’attaquer à cette province pour passer ensuite aux Maritimes. Eh bien, je crois que ce discours est dangereux.
J’estime qu’il est tout aussi dangereux de supposer que le gouvernement peut fixer arbitrairement le nombre de sièges en faisant fi de la représentation historique du Québec, correspondant à 25 p. 100 de tous les sièges. C’est ce qui est convenu depuis la Confédération. Nous allons devoir tenir compte de cette réalité si nous envisageons de modifier la formule.
Le principe de l’équilibre pour le Québec est exactement le même que pour les autres régions du pays, puisque, depuis le tout début, on dit à certaines régions qu’elles bénéficieront d’un nombre donné de députés.
Nous devons veiller à ce qu'il y ait un plus grand nombre de voix divergentes à la Chambre, des voix de partout au Canada, mais nous devons le faire en collaboration et non sous le diktat d’un projet de loi d'initiative ministérielle qui nous impose une formule et la façon de l’appliquer, tandis que les députés du gouvernement nous demandent si nous allons voter contre les intérêts de l’Ontario, de l’Alberta ou de la Colombie-Britannique.
La population de l'Ontario veut s'assurer que nous avons un régime démocratique qui fonctionne, qui est efficace et qui traite des divers enjeux.
Non pas que ce soit une situation simple. Nous en sommes arrivés à une formule très complexe pour maintenir l'équilibre des pouvoirs. C'est la raison pour laquelle je préférerais en revenir à la question initiale de la réforme démocratique, que l'ancien chef néo-démocrate, Ed Broadbent, a prônée pendant des années. Cette réforme nous permettrait d'être en phase avec les démocraties dignes du XXIe siècle d'autres pays, car, avec un système de représentation proportionnelle, non seulement les différentes régions du pays peuvent s'exprimer, mais cela assure un plus large éventail de voix à la Chambre des communes et les gens ont le sentiment qu'ils ont des raisons de voter.
Nous n'avons qu'à regarder le nombre de participants aux élections baisser année après année. Ce sont des gens qui sont rebutés par les principaux partis politiques. Ils ont l'impression que la Chambre des communes est souvent, n'importe quel jour de la semaine, un vrai zoo. Nous devons trouver un moyen de joindre la moitié des électeurs qui choisissent de rester chez eux le jour du scrutin. Les chiffres sont plus ou moins bas selon les régions, mais forcent à un questionnement sur la légitimité. Quand un nombre croissant de Canadiens choisissent de s'abstenir de voter, nous devons nous poser les questions suivantes: Que faisons-nous pour qu'il en soit ainsi et que devons-nous faire pour nous assurer de la participation de ces électeurs?
L'approche préconisée ne devrait pas consister à fixer un nombre arbitraire de 10 ou 20 sièges pour l'Ontario, ou de 7 ou 5 sièges pour l'Alberta et la Colombie-Britannique. Il faut plutôt envisager une vision à long terme, qui consiste à amorcer un débat avec tous les Canadiens sur la représentation proportionnelle, et à leur laisser le soin de décider si c'est ce qu'ils souhaitent. Nous devons donner aux Canadiens le sentiment qu'ils peuvent revigorer notre vieille institution, qu'ils peuvent se faire entendre et qu'ils peuvent avoir une influence.
L'autre aspect très important est la nécessité de s'occuper du Sénat. Nous ne pouvons pas continuer, année après année, en nous disant qu'il n'est pas nécessaire de s'occuper du Sénat, qu'il y aura toujours d'autres dossiers qui vont nous interpeller. Le fait est qu'il est impossible de réformer le Sénat.
Nos amis du Parti conservateur croient à un Sénat triple E, tandis que les néo-démocrates croient à un Sénat quadruple N, c'est-à-dire non élu, non responsable, non réformable et certainement non nécessaire au XXIe siècle. Il n'existe pas de meilleur exemple que le code de déontologie du Sénat pour illustrer ce fait.
Le Sénat fait l'objet de pressions parce que la Chambre des communes est en train de se réformer. Nous voulions aider nos confrères et consoeurs récalcitrants de l'autre endroit à réformer le Sénat, mais ils nous ont dit qu'ils siégeaient à la Chambre haute et qu'ils allaient choisir eux-mêmes leurs propres normes en matière d'éthique.
Ces gens-là siègent aux conseils d'administration de grandes sociétés. Un bon nombre peuvent avoir des intérêts financiers et participer aux discussions et aux décisions touchant des lois fédérales. En vertu du code déontologique du Sénat, les sénateurs peuvent siéger, participer aux débats et voter sur des mesures, même lorsqu'ils ont des intérêts financiers en jeu. Ils peuvent avoir des comptes bancaires secrets. Ils ne sont pas tenus de divulguer de quelque façon que ce soit les intérêts financiers que des membres de leur famille immédiate peuvent avoir.
L'autre aspect qui m'apparaît être un privilège révoltant est le fait que, durant les séances à huis clos, les sénateurs peuvent influencer la prise de décisions, même s'ils ont un intérêt pécuniaire en jeu, à la seule condition qu'ils en informent les autres sénateurs. Toutefois, ils comptent sur la discrétion de leurs acolytes afin que cela ne se sache pas. Les sénateurs qui ont un intérêt financier lié à une mesure qu'ils étudient ne sont pas tenus de faire une déclaration publique à cet égard. Ils ont rédigé ce code déontologique pour leurs propres fins. Ils ont besoin de beaucoup d'aide pour être forcés de faire face à la réalité du XXIe siècle.
Le code d'éthique d'un conseil scolaire en région rurale dont j'ai fait partie était dix fois plus rigoureux que celui que le Sénat s'est lui-même donné. Quiconque a déjà fait partie d'un conseil municipal, qu'il s'agisse d'une municipalité urbaine ou rurale, sait que le conseil est régi par un code d'éthique plus rigoureux que celui du Sénat.
Ce n'est pas parce que la Chambre haute est fondée sur un système de privilèges et d'absence de reddition de comptes, qu'elle devrait avoir le droit de se doter d'un code d'éthique qui comporte des lacunes aussi flagrantes. Les sénateurs sont en mesure de prendre des décisions qui peuvent avoir des répercussions directes sur le Canadien moyen. Ils peuvent être en même temps membres de conseils d'administration de sociétés. Les fiducies de revenu, les sociétés de télécommunications, les entreprises des secteurs pétrolier et gazier et les services de santé privés sont autant de domaines qui font régulièrement l'objet de projets de loi. Les sénateurs peuvent participer à ces débats et voter.
En conclusion, le NPD croit que le projet de loi constitue une tentative manquée de réforme démocratique. Allons de l'avant avec une véritable réforme démocratique. Élaborons un plan en vue de mobiliser la population canadienne de manière à ce qu'elle s'intéresse à la représentation proportionnelle et faisons ce qui s'impose.
Faisons ce qui s'impose. Abolissons le Sénat. La salle est merveilleuse. On y trouve de magnifiques tableaux. Je pense qu'elle ferait un formidable terrain de basket-ball public, mais un comité de Canadiens trouverait beaucoup d'autres façons de l'utiliser. Nous pourrions certainement utiliser l'argent des contribuables que les sénateurs gaspillent en voyages, en privilèges et en autocars privés. Cela permettrait à la Chambre des communes d'avoir plus de ressources, plus de comités et, en fin de compte, plus de sièges.