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Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de me donner cette occasion de parler à ce comité des ressources des Forces canadiennes en matière de souveraineté dans l'Arctique.
Cet extrait de Wikipedia révèle assez bien les perceptions que beaucoup de personnes ont en général de la capacité de la volonté du Canada de défendre sa souveraineté dans l'Arctique.
Permettez-moi de mettre un peu en perspective les dimensions du défi et le manque de ressources des Forces canadiennes, parce que la plupart des Canadiens ne se rendent pas compte à quel point l'Arctique est grand. L'effectif régulier total des Forces canadiennes dans cette région compte probablement moins de 250 personnes pour surveiller une région plus grande que le continent européen.
Vous voyez ici une représentation des eaux internes canadiennes de l'archipel arctique. Ce sont là les eaux et les terres qui doivent être protégées adéquatement. Les autres pays ne voient pas les choses ainsi. Ils définissent nos eaux territoriales selon la formule des 12 milles nautiques. Ainsi, beaucoup de régions de l'Arctique sont considérées comme des eaux internationales. De plus, beaucoup de pays prétendent que le passage du Nord-Ouest et son espace aérien constituent un détroit international.
La ligne jaune représente le passage du Nord-Ouest classique, tandis que les lignes rouges indiquent d'autres options pour traverser l'Arctique. On pourrait faire valoir que l'espace aérien au-dessus et les eaux en dessous de chacune de ces routes font partie du détroit international. Voulons-nous que les bombardiers russes utilisent ces routes, ou que des sous-marins nucléaires traversent l'Arctique, ou que la Corée du Nord expédie des missiles balistiques en passant par le passage du Nord-Ouest? Et savons-nous vraiment ce qui se passe de tout cela en ce moment?
Quand j'exerçais mon commandement, je me suis rendu compte que personne ne se préoccupait vraiment de la sécurité de l'Arctique. La réponse habituelle était que nous n'avions pas les fonds pour ça. Le ministère de la Défense nationale est, par défaut, celui qui est le mieux équipé pour protéger la souveraineté et la sécurité de l'Arctique. Mais même les Forces canadiennes n'ont pas suffisamment d'équipement, de personnel et de formation pour protéger l'Arctique comme il se doit. Plus précisément,elles n'ont pas la capacité requise de surveillance et de réaction progressive à une situation mettant en jeu la sécurité dans l'Arctique, ni la capacité requise d'intervention pour une opération de recherche et de sauvetage d'envergure.
La menace d'un conflit avec un autre État a diminué et peut être considérée comme faible malgré l'activité russe récente et l'intérêt que manifeste la Chine. Nous devons toutefois nous tenir prêts à relever les défis de l'avenir. Le processus d'acquisition d'équipement militaire majeur prend plus de 10 ans. C'est maintenant le concept de la sécurité humaine qui prévaut en réalité. En ce moment, à mon avis, la plus grande menace à la sécurité humaine dans l'Arctique est celle qui pèse sur l'environnement. L'Arctique est un écosystème très fragile qu'il faut protéger avec tout le poids des lois canadiennes. Trop de protocoles internationaux ont échoué à protéger l'environnement. Le premier devoir d'un État-nation est d'assurer sa sécurité.
Nos forces doivent avoir la capacité de fonctionner 24 heures sur 24, 7 jours par semaine, et 365 jours par année, n'importe où au Canada. Vous devez savoir que la marine n'a pas cette capacité. Les forces aériennes ont encore une capacité importante grâce au système d'alerte du Nord, mais, sauf erreur, seule la base d'opérations avancées pour les CF-18 d'Inuvik est encore opérationnelle.
L'armée n'a pas d'unité permanente dans le Nord et la formation qui y est offerte est insuffisante. Le programme des Rangers est excellent, mais leurs capacités dans l'Arctique sont extrêmement limitées et leur savoir-faire est en train de se perdre lentement. Nous avons encore la station des Forces canadiennes Alert qui joue un rôle important, et le quartier général des forces opérationnelles interarmées à Yellowknife.
Vous pouvez constater sur cette diapositive qu'au nord du système d'alerte du Nord, aucune surveillance n'est assurée de l'espace aérien dans une région où le nombre de vols polaires augmente. Avec la nouvelle route polaire, il passe plus de 125 000 vols au-dessus de l'Arctique chaque année.
L'activité de recherche et de sauvetage est l'une des missions des Forces canadiennes, qui sont pourtant privées des ressources indispensables de recherche et de sauvetage au nord du 60e parallèle en dépit du fait que l'activité maritime est en hausse et que les corridors aériens traditionnels orientés auparavant est-ouest sont devenus nord-sud.
La probabilité d'un accident dans l'Arctique n'est pas qu'un principe théorique. En 1996, le navire de croisière Hanseatic s'est échoué près de Gjoa Haven. Heureusement, il n'y a pas eu de victimes ou de déversement de pétrole. S'il s'était agi d'un accident de nature catastrophique, nous aurions eu de la difficulté à réagir. Vous savez aussi qu'un navire de croisière canadien a coulé l'an dernier en Antartique.
Vous vous souvenez sûrement que le nettoyage partiel du déversement de l'Exxon Valdez a coûté plus de 2 milliards de dollars? Même si nous avons la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, cela équivaut à mettre des limites de vitesse sur l'autoroute 401 quand tout le monde sait que la police n'a pas de radars ni d'autos patrouilles. Nous devons protéger l'archipel Arctique, et la meilleure façon de le faire est à l'intérieur de nos eaux. Nous devons aussi rendre le NORDREG obligatoire pour avoir une meilleure idée de ce qui se passe dans l'Arctique.
Les changements qui se produisent découlent du réchauffement planétaire. Les scénarios de la pire éventualité ont été dépassés. La vraie question qu'il faut se poser maintenant, c'est qu'est-ce qu'il faut faire à ce sujet? Le réchauffement est en train d'ouvrir l'Arctique qui était protégé auparavant par la glace qui le recouvrait toute l'année. Des navires de croisière empruntent maintenant le passage du Nord-Ouest et la récolte des ressources naturelles est en hausse. La création d'une nouvelle route maritime entre l'Asie et l'Europe est une possibilité réelle. Il faut que quelqu'un garde les barrières de l'Arctique. Et nous devons agir maintenant, en raison de la lenteur et de la politisation de notre processus d'approvisionnement.
Il est urgent de régler le problème parce que le réchauffement planétaire ouvre le Nord plus rapidement que prévu et que, compte tenu de notre long processus d'approvisionnement, nous sommes déjà en retard pour livrer les ressources nécessaires. Les Russes sont devenus récemment très proactifs dans l'Arctique; l'ex-président Bush a établi une nouvelle politique sur la sécurité de l'Arctique cette année; la communauté européenne veut avoir son mot à dire dans la récolte des ressources de l'Arctique; et même l'OTAN commence maintenant à s'intéresser aux enjeux de l'Arctique.
Les capacités clés pour protéger l'Arctique sont la surveillance et la capacité de réaction progressive. Nous devons être en mesure de surveiller l'activité sous la surface de l'eau, sur elle et au-dessus d'elle, et nous devons avoir des systèmes redondants. Nous devons rendre le NORDREG obligatoire pour pouvoir établir des correspondances avec les données de surveillance. Nous devons développer la capacité de réagir d'une façon progressive à un problème de sécurité dans l'Arctique. Même si la contribution des autres ministères est nécessaire, je crois que ce sont les Forces canadiennes qui sont le mieux à même de protéger l'Arctique. La présence des forces armées livre également un message très clair.
Voici ce que je recommande.
D'abord et avant tout, accroître notre capacité de surveillance; accroître notre capacité de réaction; accroître la formation pour tous les éléments; accroître la capacité du quartier-général des Forces opérationnelles interarmées (Nord); maintenir le Groupe de travail interministériel sur la sécurité de l'Arctique; et rendre le NORDREG obligatoire.
Permettez-moi de conclure en disant que l'un des arguments en faveur de notre souveraineté dans l'Arctique est en train de disparaître rapidement et que cela affaiblit notre position. L'activité humaine et l'intérêt international sont en train d'augmenter et cela va se poursuivre. Nous devons agir maintenant pour protéger nos intérêts nationaux. Le ministère le plus pertinent pour ce faire est le MDN, et les Forces canadiennes ont besoin de ressources additionnelles.
Je vous remercie de votre attention.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de m'offrir cette occasion de discuter de la souveraineté dans l'Arctique avec vous et avec les membres du comité.
J'aimerais souligner que je parlerai selon la perspective d'un professeur de droit qui s'intéresse au dossier juridique du Canada dans l'Arctique. C'est la perspective que j'applique à ma réponse à la question sur la manière dont les Forces armées canadiennes peuvent soutenir la position juridique du Canada.
Les changements climatiques ont certainement posé d'énormes défis pour le Canada dans l'Arctique, mais certains d'entre eux, je pense, pourront être réglés dans le cadre juridique actuel. La déclaration d'Ilulissat de mai 2008 témoigne du fait que les cinq États limitrophes s'entendent sur le fait que c'est le cadre qui devrait s'appliquer.
De mon point de vue, la plus grande menace à la souveraineté canadienne dans l'Arctique touche le passage du Nord-Ouest, et c'est ce dont j'aimerais parler dans les quelques minutes qui me sont accordées. Avant de m'attaquer à la question des Forces armées canadiennes et du moyen de soutenir la position du Canada sur le passage du Nord-Ouest, je devrai brièvement expliquer certains aspects essentiels de la position juridique du Canada dans cette affaire.
Depuis plus de 40 ans, bien sûr, le Canada a revendiqué, avec divers degrés de clarté et de cohésion, ce qui est quelque peu problématique, son droit d'exercer un pouvoir exclusif et absolu sur ces eaux, y compris sur les diverses routes du passage du Nord-Ouest. Cette position n'est pas généralement acceptée. Je pense, à la lumière des diverses réunions tenues partout dans le monde, que l'opposition grimpe tandis que de plus en plus de pays viennent à réaliser les avantages que pourraient offrir un Passage du Nord-Ouest navigable.
Bien entendu, depuis au moins 1985, nous avons formalisé notre position, et nous avons été fermes. La position canadienne a été fermement défendue depuis 1985 avec la délimitation de nos lignes de base dans l'Arctique. J'insisterai sur le fait que lorsque le ministre des Affaires étrangères, Joe Clark, a fait cette annonce à la Chambre des communes, il a précisé que les lignes de base avaient été tracées dans l'Arctique pour définir la limite extérieure des eaux historiques intérieures du Canada.
En vertu du droit international, et particulièrement du droit de la mer, bien entendu, un État côtier peut revendiquer un titre sur des eaux en se fondant sur l'histoire s'il peut satisfaire à un test en deux volets. Le premier, qui est fondamental, c'est que l'État côtier doit démontrer qu'il a, pendant une période suffisamment longue, exercé une autorité exclusive sur la zone maritime en question. Deuxièmement, il doit démontrer que pendant cette période, l'exercice de cette autorité s'est fait avec l'assentiment des autres États, particulièrement des États directement concernés.
Je tiens à préciser que la revendication de statut historique du Canada relativement aux eaux de l'Arctique est très solide en vertu du droit international — le plus solide qui soit. Le droit de la mer assimile les eaux internationales au territoire terrestre, alors de fait, le Canada, en tant qu'État côtier, jouit d'autant de pouvoir, de compétence et de prérogatives sur ses eaux internes, y compris dans l'Arctique, qu'il en a au centre-ville d'Ottawa. C'est une très solide revendication.
Évidemment, certains États étrangers ont à maintes reprises refusé d'acquiescer à cette revendication, particulièrement le gouvernement américain, mais des contestations ont aussi été logées par l'Union européenne. Il est certain que Washington estime qu'une autoroute internationale traverse cet archipel, un détroit international, ce qui met le passage sous un régime juridique d'exception.
Le régime juridique qui s'applique à un détroit international fait que les libertés garanties, c'est-à-dire la liberté garantie de navigation pour les navires de toutes les nations, qu'ils soient privés ou d'État; un droit de navigation submergée, sans aucune obligation d'obtenir une permission ou, de fait, une autorisation; et comme l'a dit le colonel Leblanc, un droit de survol pour tous les aéronefs de tous les pays dans le couloir aérien qui surplombe le détroit, que ces aéronefs appartiennent à des sociétés privées ou d'État.
Il n'existe pas, en droit international, de définition absolue de ce qui constitue un détroit international. C'est une question qui a suscité beaucoup de dissension, depuis les négociations des conventions de 1958. La source principale de droit en la matière est une décision rendue en 1949 par la Cour internationale de Justice dans l'affaire du détroit de Corfou. Dans ce dossier, la cour a dû décider si le détroit du Nord de Corfou était un détroit international.
La cour a établi un test en deux volets. Ce test est donc fondé sur deux critères distincts: un critère géographique et un critère fonctionnel. Pour ce qui est du critère géographique, personne ne le conteste en ce qui concerne le passage du Nord-Ouest. Ce passage relie deux parties de la haute mer. Personne ne le conteste. Cependant, le débat fait rage sur le critère fonctionnel et la manière dont il devrait être interprété.
La cour a appliqué ce langage pour définir le détroit du Nord de Corfou: c'est un détroit qui est « utilisé pour la navigation internationale ». La position officielle du Canada est que le passage du Nord-Ouest n'a jamais été utilisé, de plein droit, par des navires internationaux à des fins de navigation.
Bien entendu, il émane un certain courant des États-Unis, en ce sens que le Naval War College des États-Unis, et plus récemment, James Kraska, ont affirmé que l'utilisation en tant que telle n'est pas nécessaire. Dans la mesure où un cours d'eau peut être utilisé, potentiellement, pour la navigation internationale, cela suffit à faire de ce cours d'eau un détroit international.
J'explique ces éléments particuliers parce que je pense que les Forces armées canadiennes ont un rôle véritable à jouer pour aider à étayer les arguments juridiques du Canada sur ces deux éléments fondamentaux.
Avant d'en parler, j'aimerais présenter des excuses au comité: je n'ai pas d'expertise en ce qui concerne les Forces armées canadiennes. Je suis ici l'avocate qui réfléchit à la meilleure liste d'épicerie possible.
Je dirais qu'aujourd'hui, en 2009, la position juridique du Canada est vulnérable. Cependant, cette vulnérabilité est plus d'ordre factuel que juridique. Après tout, l'intégralité du dossier du Canada repose sur le contrôle véritable. Ce que j'aimerais faire comprendre, mon principe, c'est que si le Canada insiste sur le fait que les eaux du passage du Nord-Ouest sont internes, c'est dire qu'elles font partie du territoire national du Canada. Par conséquent, le Canada, en sa qualité de pays souverain, est obligé de garantir une présence réelle et un contrôle efficace, comme il le ferait de toute autre partie du sol canadien. C'est une tâche phénoménale.
En ce qui concerne la présence, je pense que surtout depuis cinq ou six ans, le Canada a assuré une présence assez visible au moyen des navires de la Garde côtière qui escortaient d'autres navires dans le passage et répondaient aux besoins des diverses collectivités de l'Arctique. À mon très humble avis, la Garde côtière est probablement l'organisme le mieux placé pour assurer ce type de présence efficace.
Le Canada ne doit toutefois pas seulement être visible dans le passage du Nord-Ouest. Il doit aussi exercer un contrôle sur les eaux du passage du Nord-Ouest. C'est là, je pense, que doivent intervenir les Forces armées canadiennes. J'ai été qualifiée d'alarmiste, mais je pense que le danger est très réel. Je pense que tout — tout — transit non autorisé par un navire étranger, sur la surface ou sous les eaux, porterait un grave coup à la position juridique du Canada.
Tout d'abord, pareille violation publique de la souveraineté du Canada ferait planer le doute sur la capacité du Canada de gouverner efficacement ses eaux, ce qui est une composante importante et fondamentale de notre revendication sur les eaux historiques.
Deuxièmement, cela créait un précédent dangereux et lourd dans ce débat que nous avons, cette querelle, sur ce qui constitue un détroit international. Ce serait un dangereux précédent d'utilisation réelle du passage du Nord-Ouest pour la navigation internationale.
Selon ma perspective, j'espère que les Forces armées canadiennes seront équipées de tout ce qu'il y a de mieux en tant qu'équipement et technologie de pointe pour la surveillance et la détection. La détection précoce est essentielle si le gouvernement canadien veut pouvoir réagir efficacement dans pareille situation.
J'espère aussi, sans en savoir la réponse, que les différents acteurs du gouvernement canadien — c'est-à-dire entre le MDN et d'autres — , ont dressé un plan d'urgence, un plan d'urgence officiel pour assurer la gestion de pareil scénario.
Pour m'exprimer clairement, ce que je pense c'est que pour protéger sa position juridique, le gouvernement canadien n'aurait d'autre choix que de réagir si un navire ou un sous-marin pénètre dans le passage sans l'autorisation des instances canadiennes compétentes. En l'absence d'une solution politique à la crise, le Canada n'aurait d'autre choix, je pense, que de l'intercepter.
Je pense que les forces armées canadiennes doivent être habilitées à interdire la navigation de navires étrangers par le passage du Nord-Ouest sans l'autorisation du Canada.
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Bon après-midi, monsieur le président et honorables membres du comité.
[Français]
On m'a demandé de vous parler aujourd'hui de la question de savoir si les Forces canadiennes étaient correctement équipées et formées pour nous protéger et faire valoir la souveraineté nationale canadienne dans l'Arctique.
Je sais que vous avez récemment entendu les membres de l'État-major interarmée stratégique et le groupe des politiques. J'ai l'intention de m'étendre sur leurs commentaires pour vous indiquer la façon dont le Commandement Canada opère et exerce aussi la souveraineté sur une région qui est sans aucun doute le patrimoine le plus précieux de notre pays, mais aussi celui dont le climat rigoureux, le terrain difficile et la tyrannie des distances rendent la conduite des opérations extrêmement difficile.
Le thème principal de mes commentaires porte sur le principe selon lequel le Commandement Canada a été fondé, à savoir que nous sommes réellement un commandement interarmée qui prend les capacités de la marine, de l'armée, de la force aérienne et des forces spatiales, et les mélange pour créer un effet intégré. Cela signifie que nous considérons ce que nous voulons réaliser dans les opérations arctiques et qu'ensuite, nous examinons les Forces canadiennes sous toutes ses coutures pour trouver ce que nous pouvons actuellement utiliser et les capacités que nous devons développer dans l'avenir.
[Traduction]
En fait, nous regardons aussi à l'extérieur des Forces canadiennes. Lorsque nous planifions et menons des opérations, que ce soit dans le Nord ou dans le reste du Canada, nous reconnaissons que l'armée n'est qu'un élément du pouvoir et de l'autorité de l'État. Nous avons des contacts étroits aux niveaux fédéral, provinciaux et territoriaux et nous nous efforçons d'approfondir ces partenariats et de nous assurer que nos opérations font partie d'un effort pangouvernemental.
De façon plus générale, nous sommes impliqués dans des discussions avec nos voisins arctiques. Il y a notamment le commandant de la Force opérationnelle interarmées (Nord), le brigadier-général Dave Millar, que vous verrez dans un proche avenir, je crois. Son commandement se trouve dans l'Arctique, d'où il dirige les opérations. Au cours des derniers mois, il a rencontré le commandant de l'U.S. Joint Task Force Alaska, ainsi que le commandant danois de Island Command Greenland.
En fait, le contre-amiral Kudsk, de la marine danoise, a observé l'Opération Nunalivut, une opération de souveraineté conduite plus tôt ce mois-ci, et j'espère que nous aurons un peu plus de temps pour en parler. Le brigadier-général Millar et lui ont passé la nuit sur le terrain avec un des groupes de Ranger canadien qui était en patrouille sur l'île d'Ellesmere.
Dans le même esprit de coopération et d'ouverture, nous avons avisé la Russie qu'un aéronef de patrouille maritime survolerait une station scientifique russe d'études des glaces située dans les eaux internationales de l'océan Arctique. Une fois encore, ceci s'est produit pendant l'Opération Nunalivut, au cours de laquelle des vols de surveillance n'étaient qu'une des manières de mettre en évidence nos activités dans le Nord et de réaffirmer notre présence là-bas.
Les nouveaux efforts que nous déployons dans la région sont aussi attribuables, bien sûr, à cette augmentation de l'activité et aux changements climatiques. La souveraineté est un pilier de la stratégie nordique du gouvernement, qui comprend un rôle militaire approprié. Mais les effets que nous obtenons ne sont pas simplement ceux de la sensibilisation et de la présence. À un degré peut-être plus grand, nos opérations dans le Nord soutiennent d'autres ministères dans l'exercice de leurs mandats.
Ces autres ministères et organismes conservent la responsabilité de traiter les enjeux de sécurité dans le Nord. Malgré tout, ils utilisent souvent les capacités des Forces canadiennes pour aider à remplir leurs mandats. Ceci n'est pas différent au rôle que nous remplissons ailleurs au Canada.
[Français]
Ce que le changement dans l'Arctique signifie pour nous est que nous devrons être prêts à faire plus que ce que nous avons fait et aussi à améliorer notre capacité à opérer dans le Nord.
La fréquence et l'intensité de nos opérations ont déjà augmenté de façon importante. De même, il y a un certain nombre d'initiatives en cours pour augmenter la présence des Forces canadiennes dans la région et pour étendre nos capacités opérationnelles: l'expansion du programme des Rangers, le développement de navires de patrouille arctique de haute mer, ainsi que la construction d'une installation portuaire et de ravitaillement, et un centre d'entraînement dans l'Arctique.
[Traduction]
J'espère pouvoir être en mesure de vous donner plus de détails sur les exercices que nous effectuons ainsi que sur certaines de ces initiatives, peut-être en réponse à vos questions.
Essentiellement, les Forces canadiennes ne militarisent pas le Nord, mais s'emploient plutôt à mener des opérations plus larges et plus efficaces pour défendre notre souveraineté dans l'Arctique. Pour ce faire, non seulement nous renforçons nos capacités militaires, c'est-à-dire sur le plan des forces aériennes, terrestres, maritimes et spéciales, ainsi que des infrastructures et de la formation; mais, grâce à notre présence opérationnelle au sein du commandement de la Force opérationnelle interarmées, notre force en matière de planification et notre culture d'exercice, nous aidons aussi les autres ministères à développer leurs propres capacités en vue d'atteindre une plus grande efficacité opérationnelle.
Nous avons appris que dans le Nord, tout doit reposer sur la collaboration, que ce soit conjointement au sein des Forces canadiennes, avec nos partenaires à tous les niveaux au Canada ou avec nos voisins de l'Arctique.
Compte tenu du terrain accidenté, des infrastructures limitées et des vastes distances qui caractérisent cet environnement, sachez qu'il est encore plus difficile d'y déployer et d'y maintenir des forces militaires que de mener des opérations à l'autre bout du monde. Cependant, c'est ce que nous faisons, et ce, de plus en plus fréquemment. Nous surmontons ces difficultés. Nous intensifions actuellement nos activités dans cette région et y mettons en place de nouvelles capacités et installations.
Les Forces canadiennes feront leur part dans le cadre d'une approche pangouvernementale visant à faire respecter la souveraineté canadienne dans l'Arctique, tout en appuyant nos communautés nordiques et nos voisins de l'Arctique, et en s'assurant que le Canada assume sa responsabilité en tant que nation arctique.
Monsieur le président, j'ignore si vous souhaitez enchaîner avec la période de questions ou le second exposé.
:
Merci, monsieur le président.
Nous sommes ravis d'être ici aujourd'hui, spécialement avec vous comme président. Comme vous l'avez mentionné au début, nous sommes ici avec M. Hannaford et M. Gibbard.
[Traduction]
J'ai décidé de vous présenter aujourd'hui un diaporama, car j'ai pensé qu'il serait utile de vous montrer quelques images importantes afin que vous compreniez mieux les enjeux de l'Arctique. Vous découvrirez une région émergente à la veille de changements climatiques et verrez comment le gouvernement du Canada compte s'attaquer aux importants problèmes qui se posent dans l'Arctique, y compris les risques en matière de sécurité et de pollution.
[Français]
Le gouvernement du Canada met en oeuvre la Stratégie pour le Nord, laquelle repose sur quatre objectifs principaux: exercer la souveraineté canadienne dans l'Arctique dans une région qui suscite de plus en plus d'intérêt à l'échelle internationale; relever les défis du changement climatique dans le Nord; favoriser un développement économique et social qui bénéficie aux habitants du Nord; et permettre aux habitants du Nord d'exercer davantage de contrôle sur leur destinée économique et politique.
Aujourd'hui, je limiterai mes observations au premier objectif fondamental — la souveraineté de l'Arctique —, compte tenu de la participation antérieure des Affaires indiennes et du Nord Canada au sujet de la Stratégie pour le Nord.
[Traduction]
En réalité, il n'y a pas vraiment de menace au sujet de la propriété des terres, des îles et des eaux de l'Arctique. Elles sont canadiennes et elles le demeureront. La fonte des glaces intensifiée par les changements climatiques n'altère en rien nos droits à ce chapitre.
Le Canada exerce depuis longtemps, sur les terres et les eaux de l'Arctique canadien, une souveraineté qui est bien établie et repose sur des titres historiques. À l'occasion du sommet tenu à Montebello en août 2007, le président américain Bush a déclaré:
... les États-Unis ne remettent pas en question la souveraineté du Canada dans son archipel Arctique et soutiennent les investissements du Canada pour défendre cette souveraineté.
Je sais que beaucoup d'universitaires, entre autres, vous disent que le ciel est en train de nous tomber sur la tête. Heureusement, nous allons vous démontrer que ce n'est pas vraiment le cas.
Tout d'abord, sachez qu'on se dispute trois petites régions. Premièrement, il y a l'île Hans, que vous connaissez probablement tous; deuxièmement, la mer de Lincoln; et troisièmement, la mer de Beaufort. Les deux premiers conflits sont avec le Danemark et le troisième avec les États-Unis.
Jetons un rapide coup d'oeil à l'île Hans. Il est difficile de la voir étant donné qu'elle est minuscule. Nous n'avons pas de photo agrandie pour mieux vous la montrer.
C'est encore une fois une question de revendication. Évidemment, le Canada affirme que c'est une terre canadienne. Les Danois estiment, quant à eux, qu'elle leur appartient. En fait, si vous examinez ce carré, vous constaterez que la frontière maritime suit le passage, s'arrête à l'île, puis se poursuit au-dessus d'elle.
Il semblerait qu'il y ait peu ou pas de ressources à cet endroit. Depuis 2005, nous discutons beaucoup de cette question avec les Danois. C'est une voie diplomatique. On veut s'assurer de bien gérer la situation. Il n'y a rien qui se passe sur l'île dont nous ne sommes pas au courant. Bien entendu, les Danois sont prêts à collaborer sur tout projet mis sur pied là-bas. Le dossier de l'île Hans est donc à l'étude.
La mer de Lincoln, que vous apercevez sur la prochaine diapositive, fait l'objet d'un différend qui porte sur deux zones maritimes minuscules de 31 et de 34 milles marins carrés au Nord de l'île d'Ellesmere — vous pouvez d'ailleurs voir les traits pointillés qui délimitent la frontière. On ne s'entend pas sur la façon de mesurer la ligne équidistante.
Ce conflit est en voie d'être réglé. Nous avons maintenant accès à des technologies, particulièrement des satellites et des systèmes GPS, qui peuvent rapidement préciser l'écart entre les deux côtés. Ce dossier va donc aboutir dans le cadre de discussions et de négociations.
Le conflit le plus intéressant est le suivant. Puisque l'Amérique du Nord cherche à assurer sa sécurité énergétique alors que nous sommes dans une ère difficile de l'économie mondiale, le Canada et les États-Unis ont tous deux repris le dossier de la mer de Beaufort, qui avait été laissé de côté pendant quelque temps, et continuent de revendiquer une zone en forme de pointe de tarte.
Il convient ici de rappeler les faits. Le Canada fonde sa revendication sur le traité de 1825 entre la Russie et le Royaume-Uni qui établit les limites entre les deux pays le long du 141e méridien. Cette ligne nous permet de déterminer le degré de longitude, soit la frontière maritime définitive, dans l'océan Arctique.
En fait, l'accord précise que la délimitation suit le 141e méridien dans sa prolongation jusqu'à la mer glaciale. Bien entendu, les Américains le contestent. Ils estiment que le traité ne concernait que les espaces terrestres et qu'il n'y a aucune circonstance s'opposant à l'application de la méthode de l'équidistance.
Sur l'image, la ligne rouge représente la frontière canadienne, et la ligne à droite, la frontière américaine.
C'est une question litigieuse depuis quelque temps. N'empêche que ce différend est assez bien géré, en ce sens qu'aucune activité n'a lieu dans cet espace — même si on nous dit qu'il y a probablement d'importantes richesses en hydrocarbures sous la surface, y compris des ressources pétrolières et gazières. Pour cette simple raison, il serait dans l'intérêt du Canada et des États-Unis de régler ce conflit. C'est d'ailleurs un dossier auquel le gouvernement accorde beaucoup d'importance.
Passons maintenant à une discussion plus intéressante. Je sais que vous avez entendu beaucoup de choses à propos du passage du Nord-Ouest. Ce dossier a pris une tournure qu'il n'aurait pas dû avoir. Les spécialistes, les universitaires ainsi que les journalistes ont tendance à dénaturer les faits et à exagérer l'ampleur de la question. Nous pourrions donc en discuter un peu afin de donner l'heure juste.
En 1985, le gouvernement du Canada a tracé des lignes de base droites autour de l'archipel Arctique. Les eaux situées du côté continental de la ligne sont des eaux intérieures canadiennes. Personne ne conteste le fait que ces eaux appartiennent au Canada; le conflit porte plutôt sur la question de la navigation ou du statut juridique de ces eaux. Le Canada considère que ce passage fait partie de ses eaux intérieures et, par conséquent, veut pouvoir le réglementer comme n'importe quel autre territoire terrestre.
Les États-Unis soutiennent que le passage du Nord-Ouest est un détroit international, ce qui confère aux autres pays un droit de passage. Visiblement, c'est un argument parmi d'autres fondés sur leurs intérêts géostratégiques. Les États-Unis veulent s'assurer que tous les cours d'eau qui les relient soient considérés comme un détroit international pour leurs propres intérêts.
En outre, ils ont affirmé que la route maritime du Nord... Au fond, nos voisins Russes vivent un peu la même situation que nous en ce qui a trait au statut juridique de leurs eaux. Ils ont eux aussi établi des lignes de base autour de leur archipel, contestées par les États-Unis. Nous sommes d'accord avec les Russes sur le fait que ce sont des eaux intérieures.
En fait, ce litige ne date pas d'hier. Vous vous rappellerez probablement du « Sommet de Shamrock », auquel a pris part le président Reagan et au cours duquel on a discuté du navire américain SS Manhattan qui a franchi le passage. Dans le cadre d'un traité, les deux pays ont convenu que le Canada réglementerait les opérations — certainement celles des brise-glaces. Les Américains ont donc signé un accord en 1988 en vertu duquel ils devraient nous demander la permission pour faire pénétrer des brise-glaces américains dans ces eaux, un accord qui a toujours été respecté depuis.
Le président: Il vous reste une minute.
M. Alan Kessel: Ma foi! Il me reste une minute. Merci, monsieur le président.
Chose certaine, nous pouvons en discuter plus longuement au cours de la période de questions.
Des voix: Oh, oh!
M. Alan Kessel: Je n'ai donc pas besoin de poursuivre là-dessus.
[Français]
L'autre question portant sur le plateau continental étendu est très intéressante. La diapositive présente la région des océans Atlantique et Arctique où le Canada a commencé ses travaux scientifiques afin de délimiter l'étendue maximale de son plateau continental conformément au droit international.
La Commission des limites du plateau continental des Nations Unies est une organisation scientifique, et elle ne règle pas les différends ou les revendications qui pourraient se recouper. Elle s'occupe de l'interface entre la zone internationale et la zone nationale.
[Traduction]
Je peux y revenir plus tard.
En ce qui concerne la collaboration avec nos voisins, comme nos autres collègues ministériels l'ont indiqué, on travaille en constante collaboration. Nous collaborons étroitement avec nos voisins américains, surtout en ce qui concerne le déglaçage et les levés du fond océanique. Nous travaillons également avec les Danois et les Russes, particulièrement dans des dossiers communs comme le statut juridique des passages.
J'aimerais soulever un dernier point avant de conclure. La conférence ministérielle qui a eu lieu à Ilulissat, au Groenland, en mai 2008, a réuni les cinq États côtiers arctiques, c'est-à-dire ceux qui ont le droit de délimiter le plateau continental. Cette réunion ne portait pas sur des questions d'ordre social ou autre, mais plutôt sur les droits légaux permettant à ces États de définir les limites du plateau continental. Nous avons tous convenu de travailler selon un cadre juridique international, qui a été élaboré au fil de 40 années et qui est maintenant considéré comme le droit international public de la mer. Nous voulions également mettre un terme aux spéculations dans les médias et ailleurs. La délimitation du plateau continental n'est ni une course, ni une question de rivalité. Il s'agit plutôt d'une collaboration fondée sur un engagement commun envers le droit international.
Merci beaucoup, monsieur le président.
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Je crois que l'on confond deux choses. Le ministère dirige bel et bien la stratégie nordique, une stratégie pangouvernementale. Quelqu'un a indiqué ne pas avoir vu l'ensemble du gouvernement déployer des efforts dans le cadre de cette stratégie, mais je peux vous assurer, et mes collègues vous diront sans doute la même chose, que j'ai assisté à d'innombrables rencontres où l'effort pangouvernemental était palpable et où l'on a examiné la stratégie nordique à l'égard des... et je vous ai énuméré les quatre piliers de la stratégie. On peut donc affirmer sans crainte que le ministère des Affaires indiennes dirige et coordonne la contribution du gouvernement.
L'autre point, c'est-à-dire la définition du Canada et de son territoire, relève clairement du ministère des Affaires étrangères, et c'est pourquoi nous parlons de souveraineté.
Je ne sais pas pourquoi on semble autant vouloir propager le mythe que nous sommes mêlés à une sorte de course. J'aimerais que vous me l'expliquiez, car j'ignore totalement de quoi il s'agit. Nous, les gouvernements qui ont choisi de ne pas aller en guerre pour se disputer les ressources de la mer, avons décidé il y a 40 ans que nous allions négocier l'élaboration d'un instrument international, initiative dans laquelle le Canada a joué un rôle majeur, qui établirait un vaste régime juridique international pour traiter des enjeux dont il est question aujourd'hui.
Le Canada a particulièrement contribué à l'élaboration d'un article de ce régime, l'article 234, qui porte sur les zones recouvertes par les glaces et sur lequel on s'est largement appuyé pour étendre à 200 milles nautiques la portée de notre Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques. Nous allons par ailleurs instaurer un système d'enregistrement obligatoire dans les eaux arctiques, que les forces militaires pourront appliquer, aussi sur 200 milles nautiques.
On véhicule aussi l'idée fausse que les Russes ont planté des drapeaux sur le pôle Nord, qui se trouve dans les hautes mers. Cela ne veut rien dire. Il s'agit encore et toujours d'une mauvaise farce. En réalité, on ne devient pas propriétaire d'une zone simplement en y plantant un drapeau. Autrement, l'Himalaya appartiendrait au National Geographic, qui y a planté son drapeau. Même chose pour les Américains qui ont planté leur drapeau sur la lune. Tout ce que cela signifie, c'est qu'ils sont passés par là. Tout ce que cela nous apprend, c'est que les Russes se sont rendus au pôle Nord.
Il faut remettre en contexte les choses qui devraient réellement nous inquiéter.
Le gouvernement du Canada sait ce que nous aurions dû faire depuis des décennies, et ce que les différents gouvernements ont fait depuis. Nous sommes très heureux d'affirmer que nous pouvons compter sur une solide position juridique et que nous disposons de moyens efficaces pour gérer l'accès à notre territoire et exercer notre souveraineté.