RNNR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent des ressources naturelles
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 18 juin 2009
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bon après-midi à tous. Le comité reprend aujourd'hui son étude des installations d'Énergie atomique du Canada limitée situées à Chalk River et sur l'état de la production d'isotopes d'application médicale.
Nous accueillons aujourd'hui quatre témoins. Deux d'entre eux sont ici avec nous, et nous nous entretiendrons avec les deux autres par conférence vidéo. De l'École polytechnique de Montréal, le professeur Jean Koclas, professeur à l'Institut de génie nucléaire, département de génie physique. De l'Université de Waterloo, le professeur Jatin Nathwani, titulaire d'une chaire de recherche de l'Ontario en politiques publiques et en gestion de l'énergie renouvelable et directeur exécutif du Waterloo Institute for Sustainable Energy. Je vous souhaite la bienvenue.
Nous accueillons, par conférence vidéo en provenance d'Atlanta, un représentant de la University of Ontario Institute of Technology, M. Daniel Meneley, doyen par intérim, Faculty of Energy Systems and Nuclear Science. Bienvenue à vous aussi.
Enfin, à titre personnel, nous accueillons M.Harold Smith.
Nous allons entendre les témoins selon l'ordre de préséance de l'ordre du jour. Nous allons débuter par des exposés d'une dizaine de minutes chacun.
Professeur Jean Koclas, veuillez commencer.
Merci, monsieur le président.
Je ne sais pas s'il est préférable que je parle en français ou en anglais. Je suis bilingue et je peux passer d'une langue à l'autre.
[Français]
S'il y en a qui aimerait m'entendre en français, je peux commencer la présentation en français. Au gré de mes pensées, je parlerai parfois en anglais.
De prime abord, nous avons été invités à nous présenter devant ce comité sur un court préavis. Nous avons donc rapidement préparé le document que vous avez entre les mains, dont je vais me servir tout au long de ma présentation.
Présentement, nous faisons face, comme tous le savent, à une pénurie mondiale de technétium 99m, qui est produit en grande partie par le réacteur NRU des laboratoires nucléaires de Chalk River, ou plutôt des laboratoires de Chalk River. J'ai longtemps travaillé pour Énergie atomique du Canada à Chalk River. À l'époque, ça s'appelait les Laboratoires nucléaires de Chalk River; il m'arrive donc de faire des lapsus.
Je vous rappelle que ce technétium 99 n'est pas produit directement dans le réacteur nucléaire de Chalk River. Il est produit essentiellement par la fission de l'uranium 235 dans des cibles spéciales d'uranium enrichi. Au réacteur NRU, on utilise de l'uranium enrichi à un peu plus de 90 p. 100 en uranium 235, ce qui en fait un type d'uranium qui n'est normalement pas utilisé pour des activités civiles. Pour les fins de production de radio-isotopes, le système est très bien rodé, et la qualité et l'efficacité de la production sont très grandes avec ces cibles d'uranium hautement enrichies.
Cet uranium hautement enrichi, une fois placé dans le réacteur, va subir des fissions, comme le reste de l'uranium autour de lui. Après quelques jours, on retire cet uranium pour le traiter de façon chimique et en extraire l'un des produits de fission de l'uranium 235, le molybdène 99. Ce molybdène 99 est fort utile, car bien qu'il soit radioactif avec une demi-vie de presque trois jours, c'est-à-dire 66 heures, il peut être transporté assez facilement partout dans le monde, étant donné les moyens de transport très rapides dont nous disposons.
La désintégration de ce molybdène 99 donne naissance à un autre isotope, le technétium 99, cette fois dans un état métastable. Ce technétium 99 va se désintégrer et aura une demi-vie de six heures. Cet état métastable est tout simplement l'état du noyau de technétium 99, un état excité sur une couche d'énergie quantique. En se désexcitant pour aller se mettre en état fondamental, il émet un rayon gamma. Donc, le technétium 99 est un émetteur de rayon gamma pur. Ce rayonnement gamma est émis à une énergie à laquelle les systèmes de détection de médecine nucléaire sont très sensibles, de sorte que s'est construit autour de cette technologie du technétium 99 toute une série d'instrumentations de médecine nucléaire.
Le technétium 99 a l'immense avantage d'être une technique non invasive. Il est donc fort recherché en médecine nucléaire. Nous voyons à travers le monde une augmentation continuelle de la demande en technétium 99, simplement parce que d'un point de vue démographique, la population en Amérique du Nord et celle de l'Europe en particulier, vieillit. Par conséquent, le nombre de traitements requis pour leur santé va en augmentant, d'une part. D'autre part, il y a l'arrivée de plus en plus de personnes des pays émergents qui ont besoin, elles aussi, de traitements à base de technétium 99.
De plus, la technologie de la médecine nucléaire s'étant fortement développée au fil des années, un nombre de plus en plus grand de procédures au technétium 99m est accessible à la population. Il y a donc non seulement un plus grand nombre de personnes qui en ont besoin, mais il y a un plus grand éventail de traitements qui en font usage, de sorte que la demande en technétium 99 n'ira pas en diminuant.
Cet isotope unique est très difficile à produire en quantité massive à l'extérieur des réacteurs nucléaires. Bien qu'on puisse en produire un peu au moyen de cyclotrons, on produit uniquement du technétium 99m à partir de cyclotrons, et non du molybdène. Donc, on ne dispose que d'un très court laps de temps, le technétium ayant une demi-vie de six heures.
Cela conclut notre portrait du technétium 99m. Toutefois, j'aimerais aussi vous rappeler que même les techniques qu'on appelle PET scan ne parviendraient pas à répondre à l'ensemble des besoins en imagerie médicale, ne serait-ce qu'au Canada seulement.
Pour varier un peu, je vais maintenant parler en anglais.
[Traduction]
Je vais vous faire part de mon point de vue au sujet des réacteurs MAPLE 1 et 2, à Chalk River.
Je dois vous dire, d'entrée de jeu, que j'ai très peu d'informations techniques ou précises concernant ces réacteurs.
Permettez-moi de revenir loin en arrière. En 1992, les laboratoires de Chalk River ont décidé d'arrêter le réacteur NRX. Celui-ci approchait de la fin de sa vie utile et il n'était plus fiable. Le réacteur nucléaire NRU, le successeur immédiat du NRX, est devenu de facto le seul réacteur nucléaire au Canada capable de produire des radio-isotopes à très grande échelle.
Au moment où cela s'est produit, il était évident que le réacteur NRU arrivait à la fin de sa vie utile. Vingt ans auparavant, au début des années 1970, on avait changé la calandre du réacteur NRU et, si je ne m'abuse, sa durée de vie utile prévue était de 20 ans seulement. Par conséquent, la calandre du NRU aurait dû être remplacée vers 1995. Mais les réacteurs MAPLE ont été mis de l'avant en tant que solution de rechange au NRU, chacun de ces deux réacteurs devant être en mesure de produire plus de 100 p.100 de la demande mondiale de radio-isotopes.
Comme on le sait, ces réacteurs nucléaires ont connu de multiples problèmes techniques dont plusieurs ont été réglés. Comme la qualité de la construction aurait pu être mise en cause, EACL a consacré passablement de temps à l'assurance de la qualité pour confirmer que le réacteur avait été construit dans le respect des normes de conception. La plupart des problèmes techniques ont été résolus.
Si vous ne connaissez pas le secteur nucléaire, je peux vous dire qu'habituellement, lorsqu'on modifie quelque chose dans un réacteur nucléaire, ou lorsque l'on met en service un nouveau type de réacteur, la plupart du temps, il survient des difficultés imprévues. Prenez l'exemple de la centrale de Darlington, où seules les dimensions ont changé par rapport à la conception originale. Il est survenu des problèmes d'ingénierie que l'on a mis plus d'un an à régler. Par conséquent, j'estime que les réacteurs MAPLE, MAPLE 1 et MAPLE 2, n'échappent pas à cette règle.
Toutefois, il existe un réacteur MAPLE plus grand en service en Corée du Sud, le réacteur HANARO. À notre connaissance, on a interrompu le projet MAPLE l'an dernier principalement à cause d'un problème technique non résolu, soit le coefficient de puissance positif. Ce coefficient de puissance (CP) aurait dû être négatif, tout comme il doit l'être dans les réacteurs CANDU de plus grande taille. D'autres laboratoires aux États-Unis ont effectué des calculs analogues à ceux effectués à l'égard du projet MAPLE, et tous sont arrivés à la même conclusion: le coefficient de puissance positif aurait dû être négatif.
Toutefois, le CP mesuré a été positif. Bien qu'Énergie atomique du Canada limitée ait tenté d'expliquer la valeur positive du coefficient de puissance, aucune explication complète n'a été trouvée.
Lorsqu'on se retrouve dans une situation où il est impossible de prédire un coefficient aussi simple que le coefficient de puissance, comment peut-on être certain que les analyses de sûreté nucléaire, qui sont fondées sur ces calculs, sont valides?
Nous espérons que les réacteurs MAPLE ont simplement été mis en réserve, et non carrément démantelés. À notre avis, il faudrait relancer le projet des MAPLE et résoudre cet unique problème technique. Pour ce faire, EACL devrait travailler en partenariat avec d'autres intervenants, notamment d'autres organisations; particulièrement du côté universitaire, les dernières années ont vu des développements importants dans les domaines du transport des neutrons, des calculs de réacteur, en écoulement des fluides et en transfert de chaleur.
J'estime qu'il faudrait réunir les ressources nécessaires pour analyser la situation et prédire correctement la valeur positive du coefficient de puissance afin de régler ce problème technique, de même que le problème du molybdène-99 et du technétium-99m une fois pour toutes. À mon avis, le Canada devrait consacrer une partie de ses ressources à la résolution de ce problème.
[Français]
C'est un lieu commun que de rappeler l'âge avancé du réacteur NRU. Ce dernier, qui a été conçu au cours des années 1960 dans la foulée du réacteur NRX, a connu, en tant que réacteur nucléaire, une carrière tout à fait exemplaire. Il a servi non seulement à produire des radio-isotopes, mais également à soutenir des activités de recherche importantes pour l'industrie nucléaire canadienne ainsi que la recherche fondamentale, par exemple en spectroscopie neutronique.
Il faut être pleinement conscient que le réacteur NRU n'a pas été conçu au départ pour la production de radio-isotopes, mais uniquement pour soutenir la recherche. Ce n'est que par la suite, vers 1975, que la technologie des radio-isotopes en médecine nucléaire s'est fortement développée. Peu à peu, les réacteurs NRU et NRX se sont adaptés à cette situation pour fournir une part importante des radio-isotopes utilisés à l'échelle de la planète.
En 1995, la calandre était arrivée au terme de ses 20 ans. Avec l'annonce du projet MAPLE, on a tout simplement conclu qu'il fallait prolonger la vie utile du réacteur NRU jusqu'à ce que les deux réacteurs MAPLE entrent en fonction. Or, comme le projet MAPLE s'étalait dans le temps, la vie du réacteur NRU a été prolongée pour soutenir la production de radio-isotopes pendant cette période de transition.
Le réacteur NRU est maintenant le seul au Canada à pouvoir produire des quantités significatives de radio-isotopes. L'an dernier, la direction d'Énergie atomique du Canada limitée a décidé de mettre un terme au développement des réacteurs MAPLE, mais la calandre du réacteur NRU, qui aurait dû être changée en 1995, n'a pas été renouvelée. Nous ne sommes donc pas surpris que la calandre fuie maintenant. Elle a dépassé de beaucoup son terme de 20 ans: elle a 35 ans, soit plus que 50 p. 100 de plus que sa durée de vie maximale prévue. Nous croyons que le réacteur NRU va connaître des problèmes récurrents de cette nature.
Certains d'entre vous ne seront peut-être pas heureux d'apprendre qu'à mon avis, la vie du réacteur NRU devrait être prolongée pour une période plus longue que celle prévue présentement. À l'heure actuelle, on nous dit que la fin de la vie utile du réacteur NRU aura lieu en 2016. Or, le permis d'exploitation dont il fait l'objet vient à échéance en 2011. J'en conclus donc que le prochain permis d'exploitation du réacteur NRU sera d'une durée de cinq ans, ce qui est tout à fait standard dans le cadre de l'émission des permis de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Cette période de cinq ans n'est qu'un choix administratif, elle n'est pas fondée sur l'état réel du réacteur.
Des soins appropriés pourraient être dispensés au réacteur NRU. On pourrait notamment profiter de l'actuel arrêt des activités du réacteur et du fait qu'on a vidé toute la pompe sud pour effectuer non seulement les réparations urgentes, mais aussi celles qu'on pourrait prévoir en tenant compte des points où la corrosion commence mais n'est pas grave. Dans ces conditions, je crois que la durée de vie de ce réacteur pourrait dépasser 2016.
De plus, j'aimerais souligner que partout dans le monde, il est très difficile de construire des réacteurs nucléaires à brève échéance. L'annonce des projets MAPLE a probablement fait en sorte que partout ailleurs dans le monde, on a mis de côté toute intention de construire des réacteurs pouvant produire ces radio-isotopes, parce que les deux réacteurs MAPLE devaient assurer 100 p. 100 de la production mondiale.
Par conséquent, je crois que notre pays a la très grande responsabilité de maintenir le réacteur NRU en marche, sans compter que ce réacteur continue non seulement à produire des radio-isotopes, mais il supporte également la recherche fondamentale et appliquée pour les réacteurs CANDU.
Cela met fin à ma présentation.
[Traduction]
Merci, professeur.
Nous allons maintenant passer à notre second témoin. De l'Université de Waterloo, nous accueillons le professeur Jatin Nathwani, titulaire d'une chaire de recherche de l'Ontario en politiques publiques et en gestion de l'énergie renouvelable, et directeur exécutif du Waterloo Institute for Sustainable Energy.
Allez-y, professeur. Vous avez une dizaine de minutes.
Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de votre invitation. Je suis heureux d'être ici et je respecterai la limite des 10 minutes.
Je limiterai essentiellement mes commentaires à trois aspects: le besoin d'un approvisionnement en isotopes fiable, les choix technologiques et les options futures ainsi que des suggestions sur les aspects de gouvernance et le dialogue avec la population pour favoriser l'acceptation du nucléaire.
En ce qui a trait au besoin d'une source fiable d'isotopes, la fermeture du réacteur NRU à Chalk River a encore une fois mis en relief le besoin critique d'un approvisionnement en isotopes stable pour nos hôpitaux. Cela dit, le problème le plus difficile et le plus indéniable est la fiabilité et le fonctionnement sécuritaire d'un unique réacteur vieillissant dont dépend le bien-être d'un nombre considérable de gens, tant au Canada qu'à l'étranger. Pour un observateur de l'extérieur, et pour qui ne connaît pas le secteur de la fabrication des isotopes, la prise de conscience d'une dépendance et d'une vulnérabilité aussi extrêmes vis-à-vis une source unique provoque à la fois un choc profond et une grande incrédulité. Comment avons-nous pu nous retrouver dans cette impasse, et quelles sont les solutions pour s'en sortir?
À moins d'une volte-face révolutionnaire par rapport aux pratiques courantes en médecine nucléaire, qui dépendent de l'utilisation d'isotopes, un approvisionnement solide et fiable demeurera un besoin crucial. Le gouvernement ayant récemment annoncé son intention de se retirer du volet de l'offre de la production d'isotopes d'ici 2016, nous nous retrouverons dépendants de sources extérieures au Canada. S'agissant d'une ressource aussi névralgique pour la santé et le bien-être général des Canadiens, cette stratégie de sortie ne semble pas prudente. La fourniture d'un approvisionnement fiable d'isotopes à usages médicaux est beaucoup trop importante pour que les modalités de l'offre et leur prix soient déterminés par d'autres.
Si la frustration causée par les coûts actuels est la raison principale de cette stratégie de sortie, qu'en est-il des coûts plus élevés que nous devrons absorber ultérieurement, après avoir cédé tout contrôle quant à la fiabilité de notre propre approvisionnement? Une fois sorti du tableau, le Canada deviendra simplement un joueur mineur sans aucune influence. Après avoir enregistré un certain succès sur les marchés internationaux, quels sont les arguments convaincants qui justifient que nous compromettions la sûreté de notre propre approvisionnement? En outre, dans une perspective à long terme, cette stratégie de sortie ne risque-t-elle pas de miner notre capacité de contrôler les coûts des soins de santé si, au fil des ans, l'utilisation des isotopes continue de prendre de l'ampleur dans la pratique médicale?
Le fait que le Canada ait joué un rôle de chef de file dans l'élaboration et l'application d'innovations en médecine et en technologie nucléaires depuis 50 ans est digne de mention. Et le fait que cela ait débouché sur une contribution positive importante à la qualité de vie et à la santé ne doit pas être balayé du revers de la main. Que notre part du marché international soit respectable reflète un certain succès, ce qui nous a permis de jouir d'une relative stabilité pour répondre à nos propres besoins. Pourquoi tourner tout simplement le dos à tout cela? N'avons-nous pas de bonnes raisons de tabler sur nos propres atouts et d'appliquer des solutions qui nous permettront de tirer parti des avantages de cette technologie à l'avenir?
Permettez-moi maintenant de passer à la question des choix technologiques et de faire certaines suggestions pour l'avenir. Une option consiste à déployer un effort maximum pour appliquer à court terme des mesures en vue de prolonger l'existence du réacteur NRU. Cela nous permettrait de nous débrouiller jusqu'en 2016 environ. Compte tenu de l'âge du réacteur, c'est ce qu'on peut faire de mieux à court terme, mais ce n'est pas une solution crédible ou durable à long terme. Si l'on accepte l'hypothèse voulant que le besoin d'isotopes d'application médicale n'est pas à la veille de disparaître, une solution plus dynamique s'impose. Compte tenu de nos difficultés actuelles, il est logique de revenir sur la décision d'annuler le projet des réacteurs MAPLE.
Je sais qu'il existe des problèmes techniques qu'il faut résoudre, et que la dimension réglementation entre également en jeu. Une vigoureuse recommandation de la part de votre comité en faveur d'un réexamen de la décision d'annuler le projet des réacteurs MAPLE, qui sont déjà construits et partiellement opérationnels, est une option. Si elle était acceptée par le gouvernement, cette recommandation pourrait paver la voie à la résolution subséquente des problèmes d'ordre technique.
Une telle recommandation, alliée au fait qu'on demanderait à diverses organisations — que ce soit EACL, la CCSN ou des entreprises du secteur — d'élaborer un plan d'action assorti de rapports d'état d'avancement trimestriels officiels devant être remis à votre comité, engendrerait une bonne dose de focalisation, de responsabilisation et un degré d'attention élevé.
Quel que soit le modèle d'affaires — qu'il s'agisse d'un partenariat public-privé, d'une propriété unique de l'État ou autre —, l'objectif est de s'assurer que l'on prenne en compte l'intérêt national. Par conséquent, nous devons insister sur le fait qu'il s'agit d'un important problème national, susciter un sentiment d'urgence quant à sa résolution et faire appel à l'expertise considérable de nos organismes de réglementation, des entreprises et des universités. Toutefois, cela exigera, à mon avis, énormément de bonne volonté, une approche par étape de la résolution de problèmes et une évaluation rigoureuse des progrès en regard des objectifs.
J'estime que c'est la meilleure voie, et je demeure confiant que l'on pourra résoudre les problèmes techniques.
Une fois terminées, les réparations au réacteur NRU ne peuvent être considérées autrement qu'un sursis à court terme. Nous sommes en présence d'un vieux réacteur, et il ne serait pas judicieux de s'y fier pendant trop longtemps. Une voie parallèle, mise en oeuvre tambour battant, pourrait déboucher sur la mise en service des réacteurs MAPLE déjà construits d'ici 6 à 18 mois. Une telle stratégie offre la meilleure chance de bien positionner le Canada pour assurer son approvisionnement.
J'aborderai maintenant le problème de la gouvernance et de l'adhésion de la population.
Les rouages de la gouvernance des institutions responsables des questions nucléaires ont une incidence sur la qualité des décisions quotidiennes. Lors de ma dernière comparution devant le comité, j'ai évoqué la nécessité de modifier la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires afin d'y inclure un critère d'avantage net pour le Canada. Si un tel critère était intégré à la loi, nous bénéficierions d'un cadre et de lignes directrices plus fermes relativement à la fonction réglementaire, de directives claires pour l'industrie et d'un vaste appui de la population pour un processus décisionnel cohérent dans l'intérêt public.
Encore une fois, nous sommes dans une situation qui ne favorise pas une discussion intelligente qui permette de bien soupeser les compromis entre les avantages réels actuels et les faibles risques futurs. Nous ne pouvons nous permettre d'être freinés par les risques perçus associés au fonctionnement du réacteur, qui font trop de place à des craintes hypothétiques, et qui, au bout du compte, priveront les patients des avantages thérapeutiques de la technologie nucléaire. En effet, cette technologie permet des usages thérapeutiques et diagnostiques qui offrent des avantages considérables dans le cadre d'un traitement médical.
Les coûts sont réels, mais ils ne sont pas astronomiques. Le risque n'est pas inexistant, mais il est faible, et les avantages sont nombreux et positifs. Dans mon esprit, la contrepartie, qui est de servir l'intérêt public, est claire et simple.
Outre les aspects spécifiques de la gouvernance et du cadre de réglementation, il existe un problème plus profond et plus fondamental, soit l'adhésion du public. Et c'est uniquement vous, qui oeuvrez dans l'arène politique, qui pouvez contribuer à régler ce problème.
En termes simples, il existe un sentiment antinucléaire modeste mais vigoureux, qui domine le discours public sur les questions relatives au nucléaire. Même si les risques pour la sécurité sont généralement très faibles, l'amplification sociale du risque par les médias engendre un climat politique et culturel qui fait qu'il est difficile pour les décideurs d'adopter une approche strictement rationnelle. Cela limite leur marge de manoeuvre confortable et évacue l'option la plus facile. À preuve, la stratégie de sortie proposée par le gouvernement.
Au lieu d'opter pour une perspective à long terme axée sur une vision équilibrée, nous nous heurtons à ce que j'appelle le problème du vilain petit canard, et le choix difficile à faire accepter est repoussé pendant encore un certain temps. Oserais-je vous dire que le temps est venu de modifier les paramètres du débat entourant le nucléaire et de contribuer à diminuer les frictions sociales, et que toutes les parties devraient commencer à énoncer clairement les avantages des technologies nucléaires? Avec le temps, cela créerait un espace suffisant dans la sphère publique pour avoir un dialogue plus éclairé.
La crise actuelle est l'exemple le plus simple et le plus évident de cela. On voit comment on passe sous silence les immenses avantages de la technologie nucléaire parce que la zone de confort politique est trop étriquée pour permettre une réponse plus équilibrée et nuancée. Nous créons un carcan culturel qui débouche directement sur une stratégie de sortie et une réponse facile et rapide à un problème, sans tenir compte des conséquences globales à long terme. Il serait vraiment malheureux qu'après avoir bâti et administré une entreprise couronnée de succès autour de la production d'isotopes, le Canada abandonne sans faire un effort déterminé pour régler le problème à court terme.
Je vais maintenant conclure en vous présentant quatre solutions très simples.
Premièrement, confirmer le besoin d'un approvisionnement soutenu et fiable d'isotopes à usages médicaux; confirmer aussi que l'on s'attend à ce que la tendance à leur utilisation accrue se poursuive.
Deuxièmement, recommander fortement que l'on revienne sur la décision d'interrompre le projet des réacteurs MAPLE. Si le gouvernement accepte cette recommandation, il faudrait établir un plan d'action à l'intention des divers organismes concernés afin de préciser des délais clairs et des échéanciers de mise en oeuvre pour leur mise en service. J'estime que c'est là une voie crédible qui nous mettrait en bonne position pour assurer notre approvisionnement pendant longtemps.
Troisièmement, modifier la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires afin d'y inclure un critère d'avantage net pour le Canada. On établirait ainsi une base solide en vue de peser le pour et le contre des difficiles compromis qui s'imposent dans le processus de décision en matière de réglementation.
Enfin, quatrièmement, prendre l'engagement politique et social de susciter un dialogue public utile sur le dossier nucléaire afin de créer un environnement positif permettant aux décideurs de prendre des décisions rationnelles.
Je vous remercie de votre temps, et je répondrai volontiers à vos questions.
Merci, professeur Nathwani.
Nous allons maintenant passer à la conférence vidéo en provenance d'Atlanta. Nous accueillons M. Daniel Meneley, doyen par intérim, University of Ontario Institute of Technology, Faculty of Energy Systems and Nuclear Science.
Vous avez la parole pour une dizaine de minutes.
Tout d'abord, je tiens à préciser que mes propos aujourd'hui reflètent mes propres opinions, attitudes et convictions, et non celles de l'université où je travaille.
En fait, les intervenants précédents ont très bien décrit bon nombre des situations que j'avais l'intention d'aborder, de sorte que mon exposé sera encore plus court que sa version écrite.
Il y a un argument que je veux avancer. Le réacteur NRU était, et continue d'être une pièce essentielle du système d'alimentation électrique CANDU, qui a été une réussite. Maintenant que ce système atteint sa maturité, le rôle premier du NRU consiste à tester les caractéristiques nominales visant à mettre à niveau le rendement de la centrale et à diagnostiquer des caractéristiques de performance imprévues dans les divers systèmes et composants. D'importants éléments en cours de développement, comme l'ACR-1000 actuel, doivent aussi subir des essais approfondis de nouvelles caractéristiques de conception, particulièrement dans le domaine des combustibles et des matériaux.
Mais qu'en est-il de son âge, de ses fuites et de ses arrêts non planifiés? Bien entendu, ce sont là des événements qui peuvent arriver dans n'importe quelle centrale semblable. Comme l'ont mentionné les témoins précédents, c'est uniquement l'absence d'un système d'appoint qui les rend aussi critiques. Il faut reconnaître que EACL a reconnu cette lacune et a très tôt planifié d'installer un important réacteur polyvalent en guise de remplacement pour le NRU, dès que l'imminence de l'arrêt final du NRX est devenu évidente. Toutefois, aucun financement n'a été consacré à ce projet.
Ensuite, en guise de deuxième meilleure solution au problème de la production d'isotopes, on a lancé le projet MAPLE, en l'assujettissant à un budget très serré et à des échéanciers très courts. Les résultats de cette décision fondamentale d'aller de l'avant avec le projet MAPLE sont bien connus.
Toutefois, en dépit des faiblesses évidentes associées aux réacteurs MAPLE, je considère que le redémarrage et la mise en service de ces installations sont sans doute la voie à privilégier, comme l'ont mentionné les deux participants précédents. Il s'agit sans doute de la meilleure façon de résoudre la pénurie immédiate de radio-isotopes. Oui, il y aura des problèmes; oui, il se peut que cela doive attendre bien après l'achèvement des réparations actuelles au réacteur NRU; toutefois, à la fin de cette séquence d'événements — c'est-à-dire la réparation du NRU —, il n'y aura toujours pas de système d'appoint pour l'approvisionnement en radio-isotopes avant longtemps. À tout le moins, MAPLE pourrait contribuer à combler cette lacune pendant cette période.
D'après certaines discussions qui ont eu lieu ici à Atlanta et à Vienne il y a un certain temps, je sais que d'autres pays se préparent à prendre le relais et à augmenter l'approvisionnement de molybdène-99, de sorte que l'appoint du réacteur MAPLE dans l'intervalle peut fort bien être la meilleure chose que l'on puisse faire, tant pour le Canada que pour le reste du monde.
J'en arrive à la question fondamentale à laquelle il faut répondre, et j'estime qu'il faut féliciter le comité de s'y intéresser: pourquoi pas MAPLE?
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, monsieur Meneley.
Nous allons maintenant passer à notre dernier témoin, qui comparaît à titre personnel. Il s'agit de M.Harold Smith, qui comparaît par conférence vidéo, à partir de Toronto.
Monsieur Smith, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs du comité.
J'ai fourni une brève biographie au comité. J'aimerais en parler un peu plus longuement et aborder deux points: les aspects de la production du molybdène-99 (Mo-99) et le coefficient de puissance positif en matière de réactivité.
Le coefficient de puissance positif en matière de réactivité n'est pas un mystère. Ce n'est pas un problème d'ingénierie insoluble. Il s'agit d'un effet mécanique thermique mineur dans une conception de prototype qui exige une simple réparation d'ingénierie. Le CP peut être restauré à une valeur s'approchant de zéro, et l'on peut faire valoir que la sécurité serait assurée dans ces conditions.
Je reviens à ma biographie. J'ai commencé à travailler à EACL en 1975. En 1981, j'ai assumé la direction de la section de physique à l'Institut de recherche nucléaire Whiteshell. En 1992, à la demande de mon chef de direction, j'ai entrepris la conception du coeur d'un nouveau réacteur de recherche afin de mettre au point un nouveau produit. À l'époque, celui-ci n'avait pas de nom. D'après le concept de conception, il fallait que ce soit un réacteur de recherche polyvalent fonctionnant à l'uranium faiblement enrichi, ayant des niveaux de flux de neutrons thermiques élevés et n'exigeant pas la mise au point de nouvelles technologies.
À l'époque, « polyvalent » voulait dire qu'il devait être en mesure de fournir des neutrons pour la recherche fondamentale sur les matériaux nucléaires et de produire une vaste gamme d'isotopes à usages médicaux et industriels.
Au cours des six années suivantes, j'ai dirigé l'élaboration du concept du réacteur, assemblé et élaboré les codes informatiques, mis au point les divers modèles initiaux nécessaires pour simuler le fonctionnement du réacteur et bâtir un groupe d'analyses pour appuyer cet effort.
En 1984, nous estimions avoir les fondements de ce nouveau produit. On a demandé au groupe de lui trouver un nom qui ait une résonance canadienne. En l'espace d'une semaine ou deux, j'ai inventé l'acronyme réacteur « MAPLE », qui veut dire, en anglais, « Multipurpose Applied Physics Lattice Experiment ».
En 1985, nous avons accueilli une équipe de 10 physiciens et spécialistes des systèmes thermohydrauliques coréens pour débuter la conception d'un MAPLE pour la Corée, qui est maintenant connu sous le nom de réacteur HANARO. Le réacteur HANARO a atteint la criticité au début des années 1990 et a dûment fonctionné jusqu'à 30 mégawatts, exécutant toutes les fonctions décrites. Il sert principalement à des fins de recherche et la production de Mo-99 n'est pas une priorité. On ne peut pas laisser tomber tout simplement des programmes de recherche dont la mise en oeuvre exige des années.
Désireux d'acquérir de l'expérience et de progresser dans ma carrière, j'ai quitté EACL à la fin de 1988 pour me joindre au CEA à Cadarache, en France. Je suis revenu deux ans plus tard pour travailler au sein du groupe de la sûreté nucléaire d'Hydro Ontario. Trois ans plus tard, on m'a offert la possibilité de travailler à contrat pour EACL à Moscou, à titre d'expert-conseil sur la méthodologie occidentale d'analyse de sécurité.
En 1997, je suis rentré de Moscou pour occuper le poste de chef du groupe de physique dans le cadre du projet MAPLE, nouvellement rétabli. J'ai dirigé les aspects liés à la physique des rapports préliminaires et finals de sûreté; je suis devenu superviseur de la mise en service, puis gestionnaire de la mise en service nucléaire.
Mon équipe et moi-même avons fait atteindre la criticité aux réacteurs MAPLE 1 et 2. Nous avons mesuré le coefficient de puissance positif en matière de réactivité et nous avons ensuite participé aux efforts subséquents s'y rattachant.
J'ai lu dans les journaux qu'une équipe d'experts a prétendu que le réacteur MAPLE ne serait jamais fonctionnel. Je pose maintenant la question: qui sont ces gens-là? Si quelqu'un peut être qualifié d'expert au sujet du MAPLE, c'est bien moi. Personne ne m'a demandé mon opinion, pas plus qu'à aucun de mes collègues.
Permettez-moi de vous parler brièvement de la production de Mo-99.
Depuis les premiers balbutiements du projet, nous nous sommes concentrés sur la façon de produire des quantités suffisantes du produit de fission molybdène-99. Si c'était facile à faire, tout le monde le ferait. En nous appuyant sur la demande connue à l'époque, soit au milieu des années 1980, et sur des prévisions de croissance de la demande pour un réacteur ayant une durée de vie utile de 30 ans, nous avons doté le réacteur de la capacité de produire le double des besoins mondiaux en tout temps. Cela est possible grâce à des niveaux de flux thermique élevés, des échéanciers souples de remplacement des cibles et la capacité d'arrêter et de repartir le réacteur à toutes les 24 heures. Ce n'est pas une tâche facile.
J'insiste sur le terme « produire » étant donné que le réacteur doit produire au moins deux fois le volume qui doit être livré, car on perd essentiellement la moitié de la production au cours du processus d'extraction, de purification et de livraison. Comme l'a signalé M.Koclas, la période radioactive du molybdène est 2,7 jours seulement. Il faut donc travailler très rapidement. Son traitement est pratiquement une opération militaire. C'est la raison pour laquelle on ne peut l'entreposer.
Mais pour produire des quantités suffisantes pour répondre à ces exigences, le réacteur doit avoir des niveaux de flux élevés. Sans vouloir vous donner un cours de théorie nucléaire, je vous demande d'accepter que c'est là la nature des processus de production et de désintégration des radio-isotopes.
Il est impossible d'accroître la production dans un réacteur de faible puissance en le faisant fonctionner pour de plus longues périodes parce que les radio-isotopes seront détruits par suite de l'absorption et de la désintégration des neutrons. On ne peut arbitrairement accroître le niveau de puissance maximale d'un réacteur existant pour augmenter les niveaux de flux afin de produire davantage de Mo-99. On pourrait en produire davantage de cette façon, mais les réacteurs sont conçus en fonction d'un certain niveau de puissance maximale. Accroître cette valeur maximale impliquerait de repenser la conception pour assurer un refroidissement additionnel et compenser pour une éventuelle réduction des marges de sécurité, et, possiblement, revoir la conception du combustible.
Ces changements augmenteraient de 5, 10 et 15 p.100 la capacité actuelle des réacteurs, comme vous l'avez sans doute déjà appris par les journaux. Lorsqu'on parle d'intervenir dans un réacteur, on évoque des augmentations de 5, 10 et 15 p.100.
C'est la compacité du coeur du MAPLE qui permet d'obtenir les niveaux de flux requis avec une puissance relativement faible de 10 mégawatts. Cela dit, je constate que le MAPLE 1 a fonctionné à 80 p. 100 de sa pleine capacité et qu'il est apte à répondre à la demande mondiale de Mo-99 à ce niveau de puissance. Le MAPLE 1 produisait du Mo-99. Nous n'en avons pas encore fait l'extraction parce que nous en sommes encore à l'étape de la mise en service du réacteur et que nous ne voulions pas interrompre la continuité du processus.
Permettez-moi de parler brièvement du coefficient de puissance de la réactivité. Lorsqu'un CP positif a été mesuré au cours de la mise en service, on a interrompu des essais plus poussés pour faire enquête. Nous avons révisé nos calculs. Nous les avons refait en nous servant des outils et des informathèques les plus récents. Les outils de conception que nous avions utilisés faisaient partie de la boîte d'outils originale élaborée dans les années 1980. Nous avons demandé à un groupe d'experts de l'extérieur de passer en revue les analyses et les calculs relatifs aux essais. Comme on l'a signalé, nous avons aussi demandé à un autre groupe d'experts de recalculer le CP.
Personne n'est arrivé à un résultat sensiblement différent des résultats originaux. Par conséquent, nous avons conclu que nous étions en présence d'un effet non modélisé. L'organisme de réglementation a exigé que nous le comprenions.
Nous avons effectué une étude PIRT, sigle qui signifie la formalisation des éléments dominants dans le transitoire, au cours de laquelle chaque composant du réacteur est examiné par un groupe de spécialistes de chaque système en fonction d'une liste de paramètres physiques, afin de déterminer si un phénomène en particulier peut contribuer à l'effet observé. Cette approche systématique a débouché sur l'identification de 20 phénomènes contributifs, mais trois seulement se démarquaient: le flambage des cibles hautement enrichies, le flambage du combustible nourricier faiblement enrichi et le réchauffement possible de l'eau de recirculation entre la paroi du réservoir et les tubes de circulation adjacents.
Un programme d'essais a été planifié pour l'exécution de ces tests axés au maximum sur chaque phénomène contributif possible. Toutefois, il n'a pas été possible dans chaque cas d'isoler complètement les facteurs au cours de chacun des essais. C'est-à-dire qu' il y avait une certaine interdépendance entre chacun des trois différents effets. Par conséquent, pour obtenir un résultat final, on avait besoin des réponses aux trois essais pour déterminer chaque contribution individuelle .
En remplaçant les cibles par des faisceaux de combustible, le premier essai a révélé une baisse d'environ un tiers du CP positif. Le deuxième essai, avec une circulation d'eau rétablie, n'a pas modifié la valeur du CP. On a qualifié cet essai d'échec. Or, c'était là un facteur que nous voulions mesurer.
Il restait donc à exécuter le troisième test, sur le flambage des faisceaux, qui consistait à faire une simple réparation d'ingénierie, soit réduire le flambage des éléments de combustible — en très petite quantité —, lorsque le projet a été arrêté. La contribution des cibles et celle du combustible dépendent tous deux du même effet physique.
Le même effet se produira dans le cas de n'importe quelle matière qui prend de l'expansion sous l'effet de la chaleur. Si un côté est chaud et l'autre froid, il y a une asymétrie de température d'un côté à l'autre.
Les systèmes de combustible des réacteurs MAPLE et HANARO sont très semblables. Le réacteur HANARO est plus gros que le MAPLE. J'ai personnellement travaillé sur le transfert de la technologie. Les systèmes de combustible sont produits par les mêmes personnes. Le réacteur HANARO a un CP négatif égal à la valeur que nous avons prévue pour le MAPLE. C'est surtout une propriété des constituants du combustible.
L'asymétrie de température résulte d'un gradient de flux élevé dans les éléments extérieurs d'un faisceau de combustible, ce qui rend un côté plus chaud que l'autre. Il y a alors flambage de l'élément de combustible parce qu'un côté tente de prendre plus d'expansion que l'autre en raison de la différence de température. Ce flambage pousse les matières fissiles dans l'élément combustible vers le haut du gradient de flux, ce qui le rend plus important pour le coeur. C'est la source du coefficient positif de la réactivité.
Cette dernière affirmation pourrait être qualifiée de spéculative, étant donné que nous n'avons pas pu faire cet essai. En fait, on a mis un terme au projet en mai, et l'essai était prévu pour octobre.
Le CP serait négatif si le coeur était alimenté sans cibles Mo-99, car on constate qu'elles apportent une contribution positive, de sorte qu'en réintégrant le même nombre de cibles dans le coeur, on ramènerait l'effet net à zéro CP environ — peut-être légèrement positif ou négatif — à moins que les cibles soient aussi modifiées de façon à être moins susceptibles au flambage. Ainsi, on réduit l'effet dans les deux types d'assemblage.
En conclusion, je répète que s'il était facile de fabriquer du Mo-99, tout le monde le ferait. On pourrait valoriser d'autres réacteurs, mais ils pourraient uniquement contribuer à répondre à une petite fraction de la demande. D'autres méthodologies proposées sont encore au stade expérimental, et il y a deux réacteurs MAPLE, chacun ayant la capacité de produire davantage que la demande mondiale actuelle. Un CP positif est un problème d'ingénierie relativement facile à résoudre. Il s'agit simplement de réduire le flambage des éléments et de ramener la valeur du CP à zéro environ.
Je vous remercie de votre attention, et j'espère que ce projet ne deviendra pas un autre Avro Arrow.
Merci, monsieur Smith.
Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par l'opposition officielle.
Monsieur Reagan, allez-y.
Merci, monsieur le président.
Compte tenu de ce que nous venons d'entendre, il est dommage que nous n'ayons pu obtenir une séance télévisée aujourd'hui. Ces quatre témoins, qui ont été proposés par tous les partis — en fait, deux d'entre eux ont été proposés par le secrétaire parlementaire du ministre — sont tous d'accord. Selon eux, le gouvernement a fait une erreur et devrait revenir sur sa décision d'annuler le projet MAPLE. Nous sommes en présence d'une remarquable convergence d'opinions d'experts aujourd'hui, et il est très décevant que le public ne puisse voir cela.
Je suis très reconnaissant aux témoins d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui. Vos exposés ont été fort intéressants et ils soulèvent de multiples questions. Malheureusement, nous disposons d'un temps limité.
Monsieur Smith, j'ai cru vous entendre dire que le réacteur avait produit du Mo-99, qu'il avait produit des isotopes, mais qu'on n'en avait pas fait l'extraction? Est-ce exact?
C'est exact. Le réacteur a d'abord fonctionné à un mégawatt, ensuite à deux, puis cinq et huit mégawatts, car les essais ont été effectués à différents niveaux de puissance. Les cibles étaient dans le coeur, et elles ont engendré du Mo-99.
Les essais des réacteurs MAPLE avaient-ils été complétés l'an dernier, lorsque le gouvernement a abandonné le projet?
Non. Nous avions terminé à 80 p. 100 car on nous avait demandé d'expliquer le CP positif avant de continuer. Le projet a ensuite été interrompu avant que nous arrivions à ce point. Nous étions sans doute à quatre mois d'exécuter le dernier essai qui aurait comporté une réparation d'ingénierie.
Avez-vous entendu quoi que ce soit qui vous permette de formuler une opinion sur les raisons qui ont amené le gouvernement à prendre cette décision?
Non, et c'est un domaine que je ne veux pas aborder. Cela relève de la politique et je ne veux pas me mêler de cela.
Essentiellement, les témoins que nous avons entendus aujourd'hui estiment qu'il faudrait remettre en service le NRU, ce que EACL tente évidemment de faire le plus rapidement possible.
On nous a aussi dit que le gouvernement devrait rétablir le projet MAPLE de façon à assurer au Canada un approvisionnement sûr d'isotopes à usages médicaux à l'avenir et à pouvoir approvisionner d'autres pays. Ma question est la suivante: monsieur Smith, combien de temps cela prendrait-il, à votre avis?
La dernière fois que j'ai vu MAPLE, c'était il y a un an. À ce moment-là, le combustible en avait été retiré. Il était en parfait état. Je ne sais pas ce qui s'est passé au cours de la dernière année parce que je ne travaillais pas pour EACL. Mais si l'on décidait d'aller de l'avant, même si le réacteur n'a pas été démantelé, il faudrait tout de même réunir de nouveau les équipes compétentes. En particulier les opérateurs à qui il faudra environ un an pour obtenir de nouveau leur certification: ils n'ont pas fait fonctionner le réacteur. Nous pourrions remettre le réacteur à niveau et les opérateurs pourraient être recertifiés, mais pour que tout soit prêt, il faudra tout de même prévoir un délai d'un an.
Le ministre et, si je ne m'abuse, le premier ministre, ont tous les deux dit que MAPLE n'a jamais produit d'isotopes. Est-ce vrai?
Non, absolument pas. Bien sûr, il y avait des isotopes. C'est inévitable si les cibles sont dans le coeur.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, à votre avis, les réacteurs MAPLE pourraient utiliser le même type de combustible que le réacteur HANARO en Corée du Sud sans pour autant nous fournir des explications trop techniques.
C'est essentiellement le même combustible. Oui, c'est le même combustible, produit par les mêmes personnes à EACL.
Il y a de légères différences dans la conception, et je pourrais avoir des problèmes si je vous en précisais les détails.
D'accord. Il s'agit d'information très délicate, je suppose, et c'est ce qui explique votre prudence.
Je comprends. C'est votre responsabilité. Je suis sensible à cet aspect, comme nous le sommes sûrement tous.
Monsieur Koclas, dans le document que vous avez distribué, vous dites:
Nous y voyons une autre illustration de la problématique des « têtes de série », de toute filière nouvelle. Ce genre de problème survient aussi dans le domaine des grands réacteurs de puissance, même lorsqu'il ne s'agit que d'un changement de dimensions, l'exemple de la centrale de Darlington au Canada le démontrant bien.
Vous dites qu'il n'est pas inhabituel, lorsqu'on a affaire à une « tête de série », d'une filière nouvelle d'avoir de multiples problèmes. Pourriez-vous nous en dire plus long?
J'ai donné l'exemple du réacteur de Darlington. Ce réacteur est un réacteur CANDU standard doté de tubes de force plus longs et plus nombreux, mais essentiellement, il s'agit de la même technologie. Pourtant, lorsqu'il a été mis en service, on a noté des vibrations imprévues dans le circuit primaire, ce qui a causé de longs retards dans le démarrage du réacteur et sa mise en service commercial.
Pour le réacteur de puissance européen de Areva, par exemple, on fabrique la tête de série en Finlande. Ni l'échéancier ni le budget ne sont respectés; on en est même très loin. D'après moi, ce n'est pas nécessairement la règle, mais on peut le supposer compte tenu de tout ce qui s'est passé dans des cas semblables. Qui plus est, je crois qu'au début des années 1980, des phénomènes analogues sont survenus aux États-Unis.
Je n'ai jamais eu en main les plans du MAPLE, mais on peut considérer qu'un MAPLE était déjà en service, c'est-à-dire le réacteur HANARO en Corée. C'est un réacteur de 30 mégawatts, ce qui indique qu'il a davantage de faisceaux de combustible. Ces faisceaux sont sans doute plus longs, et certainement plus nombreux, de sorte que les dimensions du coeur sont différentes. Par conséquent, il n'est pas étonnant que l'on ait des surprises lorsqu'on adopte une technologie semblable, sauf que les dimensions sont plus petites.
[Français]
Bonjour, messieurs. Je vous remercie d'être présents aujourd'hui. Ma première question s'adresse à tout le monde.
Je retiens de vos témoignages et de ceux que nous avons entendus déjà que cesser notre production d'isotopes ne serait pas une bonne idée, entre autres à cause des besoins médicaux. C'est un problème criant qui affecte plusieurs domaines. On dit aussi qu'il ne faut pas perdre notre expertise scientifique, que nous avons un avantage important, au Canada, et que la réputation du pays, à l'échelle mondiale, est importante. On a donc besoin d'isotopes et, comme certains d'entres vous l'ont dit, on en aura besoin de plus en plus. Il nous faut donc penser à l'avenir.
Deux choix s'offrent à nous: prolonger temporairement la vie du réacteur NRU, une solution qui nous semble temporaire, ou revenir aux réacteurs MAPLE. Plusieurs témoins ont dit qu'EACL devait aller chercher de l'aide à l'international pour mener à terme le développement des réacteurs MAPLE. Des représentants d'EACL, ainsi que d'autres témoins, ont dit que ça avait déjà été fait, que des experts avaient été consultés. Quelle est votre opinion à ce sujet?
Par ailleurs, certains ont parlé du réacteur HANARO. D'après ce que je comprends, la technologie sur laquelle il est fondé est la même que celle du réacteur MAPLE. J'aimerais savoir pourquoi les autorisations requises pour sa mise en fonction ont été émises alors que dans le cas des réacteurs MAPLE, EACL n'a pas autorisé la mise en service.
Il y a plusieurs aspects à votre question. Je crois savoir que le réacteur HANARO a connu quelques difficultés lors de sa mise en service, mais que des modifications mécaniques au combustible ont permis de les résoudre. De plus, ce réacteur a un coefficient de puissance négatif, ce qui n'est pas le cas des réacteurs MAPLE présentement.
Sans les avoir vues en détail, je dirais — et même M. Smith nous l'a confirmé — que les technologies sont essentiellement identiques, sauf pour ce qui est de leur dimension.
[Traduction]
Pour répondre à votre question, j'estime que nous avons un problème technique relativement mineur et qu'il serait assez facile de résoudre les problèmes relatifs au coefficient de puissance de la réactivité.
Lorsque j'ai évoqué ce que j'appelle la dimension « réglementation » du problème, je faisais allusion à une certaine intransigeance, au refus d'accepter comment on règle le cas d'un coefficient de puissance positif dans un réacteur. Lorsque cette intransigeance réglementaire est devenue un gros problème, bien des gens se sont retrouvés menacés de ne pas pouvoir homologuer ce réacteur. Cette conséquence en aval a entraîné toute une série de décisions qui ont peut-être amené les décideurs à tirer la conclusion qu'ils devaient interrompre le projet MAPLE. C'est un ensemble de circonstances historiques malheureuses attribuables en partie à un problème technique, mais aussi à un certain degré d'intransigeance. On s'est refusé à dire que c'était là quelque chose que l'on pourrait résoudre avec le temps.
Cela dit, je tiens à affirmer qu'il y a suffisamment d'expertise dans le milieu de la science et de la technologie nucléaires au Canada pour résoudre ce problème, mais il demeure qu'il nous faudra adopter une attitude plus souple. Il est possible que nous soyons obligés de faire venir des experts de l'étranger pour résoudre le problème technique spécifique du coefficient de puissance, etc. M. Harold Smith est indéniablement un expert et il peut mieux que moi se prononcer là-dessus.
Je considère que c'est un problème parfaitement résoluble. Quant à savoir s'il faudra 6 mois, 12 mois ou 18 mois avant d'y arriver, l'avenir nous le dira. Je suis très confiant que l'on pourra résoudre ce problème, mais une orientation claire s'impose.
Quant à savoir pourquoi HANARO a obtenu un permis d'exploitation alors que MAPLE s'est heurté à des difficultés à ce chapitre, le réacteur HANARO est plus grand. D'après les observations de M. Smith, les gradients du flux dans un réacteur de plus grande dimension sont moins importants pour la réactivité. Par conséquent, il est fort possible, même avec un combustible identique, qu'un coefficient soit positif dans MAPLE et négatif dans HANARO. Mais il s'agit dans les deux cas de coefficients relativement petits, et les petits coefficients, qu'ils soient positifs ou négatifs, n'ont guère d'incidence sur la sûreté.
J'ai fait référence au premier commentaire exprimé par W.B. Lewis, le père du CANDU, qui a déclaré en 1960 que ce qui importait, c'était d'avoir des petits coefficients pour pouvoir les contrôler facilement. Que le coefficient soit positif ou négatif était relativement sans importance. C'est extrêmement important de le rappeler. Autrement dit, le CP positif du MAPLE n'est pas vraiment un problème de sécurité; c'est un problème administratif.
Si je ne me trompe pas, M. Nathwani a mentionné que l'intransigeance réglementaire — en fait, une intransigeance extrême — à ce sujet a nui à la fois au bon fonctionnement et à la sécurité.
[Français]
[Traduction]
Merci.
J'appuie les commentaires de M. Meneley et de M. Nathwani au sujet de l'organisme de réglementation. Il serait dangereux pour moi d'en dire davantage, mais ce qu'a dit M. Meneley est très juste.
Avons-nous besoin d'aide extérieure? Je ne le pense pas. Je pense que nous avions la réponse. Nous avons eu recours à des contractuels de l'extérieur, mais ils n'ont proposé aucune idée nouvelle. Nous avons découvert la solution nous-mêmes.
Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que nos témoins.
Il y a maintenant quelques jours que nous entendons des témoins à ce sujet, et je ne pense pas que quiconque au sein du comité soit un scientifique spécialiste de l'énergie nucléaire. Je n'ai pas un diplôme en physique nucléaire, loin de là. Je suis fort troublé par les témoignages que j'entends aujourd'hui au sujet de la réalité entourant le projet MAPLE.
Je commencerai par vous, monsieur Smith. De toute évidence, c'est pour vous un enjeu personnel, si tant est que ce terme soit approprié. Vous avez consacré une bonne partie de votre carrière à ce projet, n'est-ce pas?
C'est exact. Environ 25 ans de ma vie.
On m'a demandé si j'étais amer, et j'ai répondu non. Je suis triste et déçu de voir ce qui s'est produit. J'ai fait mon deuil lorsqu'on a interrompu le projet. Mais si quelqu'un voulait le redémarrer, je connais bien des membres de l'équipe qui seraient prêts à revenir pour le remettre sur les rails.
J'ai une question à vous poser. Y a-t-il quelqu'un qui connaisse mieux les réacteurs MAPLE et leur fonctionnement que vous? Considérez-vous que vous êtes l'une des personnes les mieux informées à ce sujet?
Je me considère l'une des personnes les mieux informées. Il y a des aspects dans lesquels je ne suis pas expert, notamment sur le plan de l'ingénierie. Je suis physicien et je sais comment les neutrons sont censés se comporter, mais si vous me demandez de m'occuper de thermohydraulique, alors je fais appel à un spécialiste. Il y a un autre physicien — malheureusement, il ne vous est pas accessible — que je considère aussi connaisseur que moi. Il en connaît peut-être même un peu plus que moi du point de vue théorique.
La raison pour laquelle je vous pose cette question, c'est que vous avez dit tout à l'heure dans votre témoignage que personne ne vous a téléphoné avant que cette décision ne soit prise par le gouvernement, et je suis curieux de savoir pourquoi. Le premier ministre et le ministre des Ressources naturelles ont dit tous les deux qu'il fallait annuler le MAPLE à cause des dépassements de coûts et ont dit que le réacteur n'avait jamais produit d'isotopes et qu'il n'en produirait probablement jamais.
Peut-être que M. Cullen devrait comprendre que c'est EACL qui a annulé et fermé le projet. Ce n'était pas le gouvernement.
Monsieur Smith, quelqu'un vous a-t-il téléphoné du gouvernement fédéral du Canada, du Cabinet du premier ministre ou du bureau du ministre des Ressources naturelles pour vous demander votre opinion sur ce projet ou s'il y avait des problèmes techniques?
Et cette déclaration faite par le premier ministre et le ministre des Ressources naturelles, qu'il fallait fermer le projet parce qu'il n'avait jamais produit d'isotopes et n'en produirait probablement jamais — cet énoncé est-il conforme aux faits?
Non, il ne l'est pas. Personne n'a essayé de communiquer avec moi. Le réacteur produisait des isotopes à ce moment-là.
Et l'on a fait une autre déclaration: on a dit qu'il n'était pas conçu pour être fonctionnel, ce qui n'est évidemment pas vrai.
Je m'adresse maintenant à vous, monsieur Nathwani. Vous avez évoqué l'aspect public de ce dossier. Il semble y avoir un aspect politique également, pas tellement l'arène politique qui est la nôtre, mais plutôt celle de la très petite communauté des scientifiques nucléaires. Il ne semble pas que ce soit une communauté tellement nombreuse. Parmi le public, il y a un certain niveau d'inquiétude et de scepticisme à l'égard du nucléaire en général, qu'il s'agisse de dépassements de coûts ou de craintes relatives à la sûreté du public. Les 18 derniers mois ont-ils amélioré cette perception publique du nucléaire, ou rendu plus négatifs les sentiments des gens à l'égard de cette technologie?
Je ne suis pas un sondeur et je lis ce qui est disponible. Mais si vous me demandez quelle est la position des gens sur le nucléaire — certainement les Ontariens et tous les Canadiens — il semble y avoir eu une volte-face, si l'on peut dire, ou une quasi-acceptation du nucléaire comme étant l'une des options dans un ensemble plus vaste. Je songe surtout aux centrales nucléaires. C'est en partie dicté par le dossier du changement climatique et du carbone. Il y a un grand nombre de gens qui, autrement, n'appuieraient pas sans réserve le nucléaire, mais qui disent maintenant que ce n'est peut-être pas une aussi mauvaise idée qu'on le prétendait.
Il y a donc un changement. Et, chose certaine, on constate qu'en Ontario, le gouvernement a adopté ouvertement une politique en faveur du nucléaire; cela s'est fait publiquement et il n'y a pas eu tellement de débats sur cette question précise.
Si vous le voulez bien, je voudrais aborder l'argument que vous avez soulevé au sujet du Canada qui a abandonné sa position dans la fabrication d'isotopes, car c'est la raison de notre présence ici. Vous avez mentionné l'intérêt national; vous avez dit que cette question doit être présentée dans le contexte de l'intérêt national. En quoi cela importe-t-il que le premier ministre ait déclaré à la fin d'une conférence de presse: en passant, nous allons cesser de fabriquer des isotopes? Pourquoi les Canadiens devraient-ils s'en inquiéter le moindrement? Quel est le problème? Nous n'avons qu'à aller acheter des isotopes sur le marché libre. Pourquoi devrait-on s'en inquiéter?
Eh bien, comme je l'ai dit dans ma déclaration, ce n'est pas comme d'aller acheter n'importe quelle autre denrée. C'est une ressource tellement cruciale et qui a un lien tellement direct avec la santé et le bien-être des Canadiens. C'est un produit qui répond à un besoin essentiel dans la pratique médicale.
Je n'en crois pas mes oreilles quand je vous entends dire que cela ne semble pas commercialement rentable, ou bien que vous n'aimez pas les dépassements de coûts, ou encore que ce n'est pas un dossier très plaisant, que cela ne cause rien d'autre que des problèmes politiques et qu'il vaut donc mieux se retirer. C'est à courte vue et cela ne tient aucun compte des avantages que cette technologie nous apporte aujourd'hui et qu'elle a le potentiel d'apporter à notre système de santé.
Voici donc ma question. Vous semblez avoir laissé entendre qu'il existe un lien entre les problèmes politiques et la décision technique de se retirer du domaine des isotopes, que cela causait des ennuis au gouvernement et qu'il valait donc mieux s'en débarrasser. Vous avez dit que c'était à courte vue et que la décision ne tenait pas compte de l'intérêt national à long terme. Je ne veux pas donner une mauvaise interprétation de vos propos. Est-ce bien le lien que vous faites?
Oui. Encore une fois, c'est mon opinion. C'est une observation que je fais. J'ai une certaine sympathie, dans ce dossier, pour les décideurs politiques, le premier ministre, les politiciens. Quand on se trouve dans une situation où la tendance générale est essentiellement anti-nucléaire et qu'on a un problème dont les gens ne veulent pas entendre parler, on a naturellement tendance à se demander pourquoi ne pas simplement fermer la porte et passer à autre chose.
J'en reviens à vous, monsieur Smith. Je voudrais une précision. Des problèmes techniques se posaient dans le projet MAPLE et l'autorité réglementaire s'en était occupée. Vous aviez un essai qui était prévu quelques mois plus tard. Entre le moment où les problèmes techniques ont été signalés et la date à laquelle le test devait être effectué, le projet tout entier a été annulé. Ma chronologie est-elle exacte?
Presque. Nous avions le programme d'essais qui comportait trois essais, car le problème s'était posé. Nous tentions de l'expliquer et de le comprendre. Les deux premiers essais avaient été exécutés dans cette série et, en fait, on nous faisait travailler très fort pour faire les préparatifs en vue du troisième. Nous étions au milieu ou à la fin de mai, et le programme a été supprimé. L'essai était prévu pour octobre. La plupart des préparatifs étaient donc déjà bien engagés.
Merci, monsieur Smith.
Nous passons maintenant aux ministériels. Monsieur Allen, vous avez sept minutes.
Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins d'être venus aujourd'hui nous faire des observations fort intéressantes.
Monsieur Smith, je vais commencer par vous. J'ai trouvé assez intéressant de vous entendre dire que vous ne saviez pas qui étaient ces gens qui avaient laissé entendre que les MAPLE ne pourraient pas fonctionner. Entre 2003 et 2008, une foule d'essais ont été faits, et ce qui me semble étrange, c'est que nous avions... Je suis d'accord avec vos facteurs; vous en étiez à trois à cinq facteurs sur 200. Nous avions obtenu la participation du Idaho National Laboratory, et aussi celle de Brookhaven et des sommités internationales ont participé au projet pendant cinq ans, et pourtant, tout à coup, c'est devenu un petit problème mécanique que nous pouvons régler. Je m'étonne, étant donné que vous avez participé au projet MAPLE jusqu'à la mise en service, que ce programme d'essai n'ait pas été fait il y a longtemps. Que s'est-il passé entre 2003 et 2005 et comment se fait-il que l'on dit maintenant que nous pourrions relancer ce réacteur en quelques mois?
Vous devrez résoudre cette quadrature du cercle à mon intention, parce que c'est bel et bien ce que nous avons entendu dans le témoignage de M. Waddington, qui a une expérience crédible dans ce domaine, quoiqu'il n'ait probablement pas l'expérience que vous avez des MAPLE. En même temps, je voudrais bien savoir comment vous pourrez concilier l'inconciliable. Si c'est réparable, peut-être devriez-vous prendre l'avion dès demain.
Entre 2003 et 2008, il n'y a eu aucun essai. Il y a eu beaucoup de calculs. C'est une fixation de l'organisme réglementaire, qui s'imagine que l'on peut tout calculer. Malheureusement, il y a une limite au-delà de laquelle on ne peut pas calculer.
Je pourrais donner des détails techniques pour expliquer pourquoi les calculs sont très difficiles, mais je crains que ce serait trop technique.
Nous avons fait appel à BNL pour examiner de manière indépendante ce que nous avions fait. Encore une fois, c'était pour essayer de satisfaire à la demande de l'autorité réglementaire qui voulait que l'on en fasse la preuve par le calcul. En bout de ligne, il nous a fallu faire les essais parce que l'on ne peut pas calculer certains de ces effets. Il faut connaître la réponse pour trouver le code qui vous donnerait la réponse. C'est ainsi que cela fonctionne pour les codes thermomécaniques; c'est également le cas pour les codes thermohydrauliques. La neutronique est probablement ce qui se rapproche le plus d'une réponse indépendante, mais dans le cas de la thermohydraulique et de la thermomécanique, il faut dire la réponse avant que le code ne puisse vous donner la bonne réponse. Il faudrait donc déjà connaître la réponse à l'avance.
Cette fixation sur une solution trouvée au moyen du calcul...
Pourtant, la capacité de prédiction... Le problème de savoir comment le réacteur fonctionne met également en cause le fonctionnement des systèmes de contrôle. À votre avis, et je suppose que je pose la question à tous les témoins ici présents, est-ce une manière acceptable d'assouplir une norme réglementaire et de sécurité, de se retrouver dans une situation où un réacteur se comporte différemment par rapport aux processus et mécanismes de contrôle?
Je ne suis pas d'accord avec votre énoncé. J'étais présent dans cette salle de contrôle pour tous les essais en vue de la mise en service, autant les essais à faible puissance que les essais à forte puissance. Le réacteur s'est comporté extrêmement bien. Il était très stable. Comme M. Meneley l'a dit, quand le coefficient est petit, cela n'importe pas vraiment.
C'est un fait que nous avons des analyses de sécurité extrêmement prudentes selon lesquelles il n'y a aucun problème. Et quand je dis « extrêmement prudentes », nous avons essentiellement trois systèmes d'arrêt du réacteur. Deux sont rapides, l'insertion prenant moins d'une seconde, et l'autre prend deux secondes et demie. Nous sommes forcés par le processus réglementaire de tenir compte dans notre analyse seulement du système très lent. C'est là une différence entre MAPLE et HANARO. Le réacteur HANARO ne comporte pas ce système lent. L'autorité réglementaire n'exigeait pas qu'on l'installe. Ils ont seulement les deux systèmes rapides. Si l'on peut prendre en compte l'un des systèmes rapides, il n'y a plus aucun problème de sécurité. En fait, même avec le système lent, nous pouvons quand même démontrer la sécurité du projet.
L'un des arguments que nous avons entendus ici aujourd'hui — et je crois que cela revient assez uniformément dans tous les témoignages que nous avons entendus — est l'importance de relancer le NRU, parce que cela représente notre meilleure solution à court terme. J'en ai discuté avec des gens, et je vous invite à commenter. Si vous devez adopter cette voie, avons-nous les ressources à EACL et les compétences techniques voulues pour pouvoir nous attaquer à ce projet et sommes-nous capables de détourner des ressources vers ce projet alors qu'il a déjà été prouvé, après cinq ans, que nous ne sommes pas certains du délai qu'il nous faudra pour le mettre en service? Je ne pense pas que vous puissiez me donner une réponse définitive quant au temps qu'il faudra pour relancer le projet MAPLE, alors je vous demande si nous avons les ressources voulues pour poursuivre deux lièvres à la fois, au risque de n'en attraper aucun?
Je pense que c'est en 2007 que EACL s'est lancé dans une frénésie d'embauche. On a alors engagé un grand nombre de jeunes gens. Je sais que tous les membres de mon équipe de mise en service sont encore à Chalk River et il y en a un ici à Sheridan Park. Nous avons donc les effectifs voulus pour répondre aux besoins de MAPLE et on a embauché de nouveaux employés, comme je le disais, qui pourraient être affectés au NRU.
Cela dit, je ne peux pas parler au nom d'EACL et j'ignore si les responsables considèrent qu'ils ont les ressources voulues. Je dis seulement qu'à mon avis, les effectifs existent.
Vous avez tous dit qu'à votre avis, nous devrions reconsidérer les réacteurs MAPLE. Est-ce que quelqu'un ici peut me donner aujourd'hui une réponse à la question de savoir combien de temps il faudrait pour remettre en service les MAPLE, compte tenu de la situation actuelle? Certains nous ont dit que cela pourrait prendre jusqu'en 2015 ou 2018. Quelqu'un peut-il nous donner une idée du délai nécessaire, y compris pour l'homologation? Et compte tenu de cette situation, est-il raisonnable de se tourner vers d'autres technologies? Par exemple, nous pourrions avoir des solutions régionales élaborées sur place, comme des accélérateurs, que nous pourrions mettre en service en deux ans.
Monsieur Allen, votre temps est écoulé. Voulez-vous choisir un témoin qui vous donnera une brève réponse?
Donnez-moi un instant pour rassembler mes idées. Je croyais que c'était terminé.
Bon. Dans le cas du réacteur MAPLE, il faut tout remettre en ordre et certifier les opérateurs. Cela prendra probablement un an ou un an et demi. Mais on pourrait faire en sorte que ces personnes passent tous les tests et que tout soit prêt en même temps, en parallèle.
Les autres technologies dont vous parlez — les accélérateurs — sont expérimentales. Il n'a pas été démontré qu'elles sont capables de produire les quantités considérables dont on a besoin.
Je ne peux pas vous donner de garanties. Pour avoir traité pendant longtemps avec l'organisme de réglementation, il est tout simplement impossible de prévoir ce qui va se passer.
Merci de votre réponse, monsieur Smith.
Nous allons maintenant passer à M. Bains, qui commence le deuxième tour de cinq minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Tout d'abord, je vous remercie de votre témoignage très éclairant.
La question fondamentale dont nous discutons aujourd'hui est la nécessité d'avoir une source d'approvisionnement sécuritaire et sûre d'isotopes à usages médicaux. De nombreuses questions convergentes entrent en jeu. Dans certains cas, on a parlé d'une question de vie ou de mort.
Je suis très heureux d'apprendre aujourd'hui, grâce à vous tous, que les réacteurs MAPLE sont une option viable que le gouvernement devrait sérieusement envisager. Même si, à maintes reprises, le gouvernement a renvoyé la balle à EACL, en disant que c'était sa décision, en bout de ligne, c'est le gouvernement qui est responsable. Il doit assumer ses responsabilités, compte tenu de la crise actuelle.
Je veux simplement obtenir une précision. Ma question fait suite à d'autres questions qui ont déjà été posées. Elle porte sur la déclaration du premier ministre, selon laquelle le Canada devrait se retirer de la production d'isotopes, qu'il devrait abandonner ce secteur.
Pourquoi devrions-nous abandonner? Pourquoi le Canada devrait-il se retirer de ce secteur? Pourquoi? D'après ce que j'ai entendu aujourd'hui, cela ne comporte aucun avantage. Plus spécifiquement, ma question s'adresse à M. Nathwani car vous avez abordé cet aspect dans votre exposé. Pourriez-vous nous en dire plus long sur ce que vous pensez, sur la rétroaction que vous obtenez, sur ce que vous lisez, ce que vous entendez? Pourquoi le gouvernement abandonnerait-il un segment aussi important de la production d'isotopes dans l'optique de notre système de soins de santé?
Cela demeure une énigme pour moi et, en ce sens, c'est une décision indéchiffrable. Pour moi, il est tout à fait absurde que l'on décide d'abandonner.
Ce n'est pas comme si nous étions les derniers venus dans ce domaine ou que nous n'y avions pas connu de succès. Les 50 à 60 dernières années ont été marquées par des réalisations fantastiques au Canada tant en médecine nucléaire qu'en génie nucléaire. Oui, il existe un problème au NRU; c'est évident. Et le réacteur MAPLE connaît aussi certaines difficultés techniques, mais il existe au Canada une vaste expertise.
En réponse à la question précédente, si nous étions au stade où l'on se disait: « D'accord, le NRU pose un problème, et maintenant on commence à envisager de concevoir un nouveau réacteur en espérant que cela fonctionnera », si cela devait être le MAPLE, ce serait une chose. Mais le MAPLE a été bien conçu, construit et mis en service. Nous avons obtenu des résultats, mais certains problèmes existent. Il ne reste que 20 p. 100 du chemin à parcourir pour résoudre le problème, si vous voulez. Quant à savoir s'il s'agit de 20 p. 100, 15 p. 100 ou 30 p. 100, les experts en la matière seraient sans doute en mesure de vous le préciser. Mais nous ne sommes pas très loin de la solution.
C'est donc, en premier lieu, une question de coût. Mais à mon avis, nous avons l'expertise voulue pour réussir. Si tel est le cas, il serait absurde de tourner le dos à cette réalisation phénoménale.
Que l'on accepte ou non que cette réalisation soit bonne ou mauvaise, je vous invite à voir la chose dans une perspective de stratégie nationale. Voudriez-vous vraiment que la fixation du prix de ces isotopes soit laissée aux marchés mondiaux, qu'il s'agisse des Australiens, des Néerlandais, des Sud-Africains, ou d'autres encore? Quelle serait notre situation dans un tel scénario, si l'on suppose que les isotopes continueront d'être nécessaires dans les traitements médicaux?
Il s'agit d'une ressource trop importante, et nous avons au pays l'expertise voulue pour la produire ici. En outre, nous n'en sommes pas à la case départ. Environ 80 p. 100 du travail est déjà fait. Il est donc parfaitement logique de réexaminer la question.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais simplement, en terminant, parler du temps qu'il faudra pour relancer MAPLE.
Je suis convaincu que le NRU et le MAPLE devraient être redémarrés et ce, dans les plus brefs délais. Je crois que dans le cas du NRU, il faut compter quelque trois mois. À la fin de ces trois mois, nous serons encore très vulnérables au chapitre de la production des isotopes. Nous avons besoin du projet MAPLE.
J'espère que nous pourrons traverser la courte période entre le démarrage du NRU et le démarrage de MAPLE sans qu'il y ait un autre arrêt du NRU. Le MAPLE doit s'ajouter au NRU; les deux réacteurs doivent être mis en service.
Au sujet des ressources, pour le NRU nous avons en place les techniciens d'exploitation et d'entretien. Ce sont des personnes différentes de celles qui participeraient à la relance de MAPLE.
Nous avons donc les ressources voulues.
Merci, monsieur le président.
Qui était à la tête de la CCSN au moment où l'organisme de réglementation a exigé l'arrêt de la mise en service des réacteurs MAPLE?
À quel moment, en quelle année, a-t-on observé pour la première fois un coefficient de puissance positif de la réactivité?
On a identifié quelque 200 facteurs potentiels pouvant contribuer au coefficient positif. On a mentionné tout à l'heure que ce phénomène avait aussi été observé par l'Idaho National Laboratory des États-Unis et que ce dernier avait tout calculé exactement.
On nous a dit que la dernière série d'essais avait eu lieu en avril 2008. C'était la dernière série. On ne nous a pas parlé d'autres d'essais qui auraient lieu en septembre de cette année-là; et les essais les plus récents avaient révélé que le facteur testé ne contribuait pas du tout à l'anomalie observée. Et c'est à ce moment-là que l'on a vraiment tout arrêté.
Pour résoudre le problème, il faudrait vraisemblablement mettre au point un nouveau combustible, dont il faudrait assurer la conception. Combien de temps faudrait-il pour concevoir un nouveau combustible pour les réacteurs MAPLE. Il faudra de toute façon en arriver là puisque la communauté internationale souhaite que l'on utilise un autre combustible que l'uranium fortement enrichi.
Je sais cela.
Puis-je rectifier une ou deux choses? Avez-vous parlé de 200 facteurs? C'est seulement 20. Nous avons identifié environ une vingtaine de facteurs contributifs possibles, mais certains étaient très petits.
Nous avons terminé la principale partie de notre mise en service en 2002. Ensuite, il y a eu cinq ans de calculs constants avant que nous puissions obtenir l'approbation d'effectuer un essai que nous aurions aisément pu faire en 2004, si l'on ne nous avait pas forcés à effectuer tous ces calculs.
S'agissant de la mise au point d'un nouveau combustible, si vous voulez dire commencer à chercher un tout nouveau combustible et le soumettre ensuite à un processus d'évaluation, je crois que cela prendrait une dizaine d'années. On peut modifier le faisceau de combustible du MAPLE en quelques mois. Il n'y a rien qui cloche à ce sujet; c'est le même type de combustible que l'on utilise dans le réacteur HANARO. Il fonctionne sans anicroche depuis le milieu des années 1990.
L'installation de traitement des réacteurs MAPLE, l'équipement d'extraction du molybdène a-t-il été utilisé et a-t-on connaissance qu'il fonctionnait bien dans le projet MAPLE?
Je n'étais pas responsable de la mise en service de la nouvelle installation de traitement. M. Meneley en sait peut-être plus long là-dessus.
Je n'en sais pas beaucoup plus. Je m'avance un peu, mais j'ai entendu dire par des personnes haut placées à Chalk River que le design original, qui était défectueux, avait été corrigé par le personnel de Chalk River et pouvait maintenant être mis en service. Mais ce sont des conjectures de ma part, je suis sûr que vous le comprenez.
Quant au deuxième point, même si le matériau était produit dans le MAPLE, il pourrait quand même être traité dans l'ancienne installation de traitement NRU, temporairement, jusqu'à l'achèvement du projet MAPLE. C'est tout à fait possible de faire cela.
C'est tout ce que je sais.
Si tout allait parfaitement, sans aucune nouvelle difficulté technique, combien de temps faudrait-il pour produire la quantité de radio-isotopes médicaux nécessaires pour approvisionner le Canada?
Cela prendrait 15 jours, si l'on donnait l'autorisation de mettre le réacteur en service. C'est le temps qu'il faut pour produire la quantité dont on a besoin. Cela prend environ 15 jours.
Cela dépend fortement de l'organisme de réglementation. Je dirais, d'après mon expérience personnelle, que l'on pourrait mettre en place les effectifs et obtenir le comportement voulu en un an ou un an et demi. Mais l'organisme de réglementation donnerait-il l'autorisation? Je l'ignore. Je n'ai aucun contrôle là-dessus, je n'en ai aucune idée.
[Français]
En ce qui concerne les réacteurs MAPLE, il est question de coûts. On dit qu'il y a des problèmes techniques mineurs. Il y a eu des problèmes d'argent et de temps aussi. Comme citoyenne, je me demande si on a les moyens de se priver d'isotopes, étant donné les problèmes qu'on aura compte tenu du vieillissement de la population. A-t-on les moyens de faire face à des coûts qui vont peut-être exploser si, justement, on va sur la scène internationale? Peut-on être certain de l'approvisionnement?
Il me semble à tout le moins, selon ce que je constate, que le redémarrage des réacteurs MAPLE repose sur une décision politique. Finalement, c'est à nous, les politiciens — ce n'est pas une question que je vous pose; c'est une affirmation que je fais —, de voir dans quelle mesure on est capable de démarrer ces réacteurs.
Monsieur Nathwani, vous avez dit avoir suggéré de modifier la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires. Selon ce que M. Smith vient de nous dire, il semble que l'autorisation en matière de sécurité nucléaire soit complexe. Et vous nous dites qu'il faudrait que cela procure un « avantage net » pour le Canada. Que voulez-vous dire par là?
Monsieur Koclas, avez-vous aussi une opinion là-dessus?
[Traduction]
Je vais essayer de répondre pour que tout le monde comprenne. Comme nous sommes les producteurs de molybdène-99 et de technétium-99m, nous pouvons nous servir en premier. Quand nous n'en produirons plus, nous devrons en acheter sur le marché international.
Nos voisins, les Américains, comptent sur nous pour leur fournir du technétium. Ils ne pourront plus compter sur nous pour les approvisionner, alors à quoi peut-on s'attendre? On se retrouvera probablement avec un marché au comptant du technétium et nos amis américains vont tout acheter à des prix qui seront probablement au dessus de nos moyens — en tout cas, très peu d'entre nous pourront se le permettre — et notre système de santé va s'effondrer, essentiellement. C'est un aspect de la question.
L'autre aspect que je voudrais commenter, c'est l'organisme de réglementation. C'est un fait que partout dans le monde, les réacteurs de recherche sont assujettis à la même réglementation que les grands réacteurs de puissance. Le Canada n'est pas différent des autres pays à cet égard.
Je suis également d'avis que nous pouvons certainement exploiter un réacteur avec un coefficient de réactivité positif. Assurément, il n'est pas nécessaire, pour garantir la sûreté de l'installation, de provoquer des accidents dans le réacteur et d'établir les probabilités d'échec; l'analyse de sécurité est fondée sur des simulations et le tout est consigné dans un rapport de sécurité. Si l'on ne peut pas prédire comment un simple coefficient se comporte, on ne peut probablement pas donner au public l'assurance que notre installation fonctionne comme elle le devrait. Et vous dites au public: « Voici le risque; il est consigné dans mon rapport sur la sécurité ». Mais je ne peux pas être certain que mon coefficient de puissance est bon, alors puis-je avoir la certitude que mon analyse de sécurité complexe est juste? Tout cela se fait sur la base de calculs. Ce n'est pas établi lors des essais précédant la mise en service.
Je souscris donc au point de vue de la commission de sûreté qui opine que ce n'est pas trop rigide pour exploiter le réacteur MAPLE. Je pense que l'organisme de réglementation craint que, parce que l'on ne peut pas prédire correctement ces coefficients, on ne peut pas prédire avec justesse comment le réacteur va se comporter dans des situations encore plus compliquées mettant en cause la conjugaison de tous ces effets.
Je ne pense pas que, dans cette affaire, nous étions confrontés à une autorité réglementaire trop rigide. Nous sommes confrontés au simple fait qu'il y a des effets physiques que nous ne sommes pas en mesure de prédire à l'heure actuelle et qu'il y a donc probablement d'autres effets que nous ne sommes pas certains de pouvoir simuler dans l'analyse de sécurité, ce qui a une incidence sur la manière dont fonctionnent les systèmes de sécurité et aussi les systèmes de régulation.
Merci, madame Brunelle. Votre temps est écoulé.
Nous entendrons maintenant M. Anderson, qui a cinq minutes.
En fait, je voudrais poursuivre dans la même veine, parce que vous avez dit tout à l'heure que vous vouliez éliminer l'intransigeance de l'organisme de réglementation. Vous ai-je mal entendu? Je pense que vous-même et M. Nathwani avez dit que vous vouliez enlever le caractère trop rigide de la réglementation. M. Nathwani a dit que la seule chose qui nous retient, c'est un petit problème technique. Mais ce que vous venez de dire me semble aller en sens contraire, et je dirais que c'est une opinion plus raisonnable: si l'on ne peut obtenir de prédictions fiables dans un domaine, comment savons-nous qu'on peut les obtenir ailleurs?
Je n'ai pas adopté la position que nous avons une autorité réglementaire rigide.
Il y a de nombreux problèmes différents. Peut-être que l'autorité réglementaire suit de très près ce qui se passe dans le dossier du réacteur MAPLE. Peut-être est-ce un peu plus compliqué que ce à quoi EACL est habituée. Je pense que si nous avons un coefficient de réactivité positif, très bien. Si nous pouvons prédire cette valeur positive, nous pouvons faire l'analyse de sécurité et en être satisfaits, parce que nous pouvons prédire ces coefficients.
Ce n'est pas le fait que le coefficient soit positif ou négatif qui est un problème. Le problème est qu'on ne peut pas le calculer. Aussi longtemps qu'on est en mesure de le calculer, d'en calculer la valeur positive, si vous voulez, ou de le modifier pour le forcer à avoir une valeur négative que l'on peut aussi prédire, alors on peut établir un dossier de sécurité et obtenir un réacteur complet fonctionnant en vertu de la réglementation normale à laquelle sont assujettis tous les exploitants de réacteurs dans notre pays.
Le problème, de votre point de vue, est le manque de prévisibilité entre les calculs et ce qui se passait en réalité. Voilà ce qui doit nous préoccuper.
Merci.
Puisqu'on parle de l'organisme de réglementation, est-ce que l'un d'entre vous sait quand cet organisme a appris qu'il y avait des problèmes, en particulier cet écart entre les calculs et la réalité? En quelle année l'organisme est-il intervenu pour dire qu'il y avait des problèmes qu'il fallait régler?
Les représentants de l'autorité réglementaire étaient présents à presque tous les essais que nous avons faits. Ils étaient dans la salle de contrôle. Il n'y a eu aucun délai.
Cela aurait-il commencé au début des années 2000, avant 2003, quand vous avez dit que le coefficient positif augmentait?
C'était en 2000. Nous avons commencé la mise en service en février 2000 et des représentants de l'autorité réglementaire étaient présents à presque tous les essais que nous avons faits au cours des deux années suivantes.
C'est intéressant, parce que dans le témoignage que nous avons entendu l'autre jour, je pense que c'est le chef de la CCSN qui a dit qu'elle n'était pas au courant du moindre problème avant 2006. Elle n'était pas au courant d'un problème quelconque, à part des problèmes de construction et d'entretien et autres choses du genre. C'est donc très intéressant.
Je veux vraiment approfondir cette question, le fait que nous avons d'une part un résultat qui est censé se produire et d'autre part, un résultat différent qu'on observe en réalité. C'est facile pour n'importe qui de dire que nous devons mettre tout cela en service, mais quelqu'un doit assumer la responsabilité et c'est le responsable de la réglementation. S'il y avait un problème, l'opposition en attribuerait certainement la faute au gouvernement, j'en suis certain. Vous avez dit tous les quatre aujourd'hui que nous devons mettre en service les réacteurs MAPLE, mais personne n'est disposé à composer avec le fait que nous avons ce problème d'imprévisibilité et le fait que ce qui doit se produire, d'après le responsable de la réglementation, ne correspond pas à ce qui se passe réellement quand le réacteur fonctionne. Si quelqu'un a des suggestions à ce sujet, je serai content de les entendre.
Si vous permettez, je voudrais revenir sur la question de l'intransigeance de l'autorité réglementaire et des avantages nets, car c'est la question qui a été soulevée, et je vais également tenter de répondre à la question que vous venez de poser.
Je signale que la question de l'intransigeance réglementaire est un peu chose du passé. C'est arrivé à l'époque. Il est certain qu'il y a eu récemment des changements dans la manière dont fonctionne la CCSN, d'après ce que je peux en juger.
Nous avons été coincés durant la période entre 2002 et 2006-2008 parce que nous tentions de prouver une négation, ce qui est un problème d'ordre philosophique: dites-moi que quelque chose n'existe pas; je n'aime pas la réactivité positive, alors essayez de me prouver que cela n'existe pas. C'est là qu'on a achoppé sur toute la question de la simulation.
Il semble, d'après nos renseignements, qu'on avait en fait prévu qu'il n'y en aurait pas, mais que cela est arrivé. C'est là que se situait le problème, ce n'était pas la question théorique de savoir si cela pouvait ou ne pouvait pas arriver, quoique l'organisme de réglementation s'en préoccupe peut-être également. Le véritable problème, c'est la divergence entre ce qui avait été prévu et ce qui s'est passé.
Je voudrais passer à autre chose.
Monsieur Smith, vous avez dit que le combustible HANARO est semblable et que l'on pouvait essentiellement l'utiliser pour le réacteur MAPLE. Nous avons entendu auparavant un témoignage selon lequel le combustible nourricier principal est semblable, mais ce ne serait certainement pas une affaire simple que de transformer un réacteur comme celui-là pour créer des isotopes. Il vous faudrait procéder à une nouvelle analyse du combustible et tout le reste. Je me demande si vous avez des observations à faire là-dessus. M. Waddington semblait croire que ce serait un long processus. Il faudrait faire beaucoup d'analyses pour faire ce changement. Est-ce exact?
Il faut démontrer la sûreté du combustible HANARO. Je ne vois pour l'instant aucun empêchement à utiliser des faisceaux HANARO dans ce réacteur. Ils mesurent environ 10 centimètres de plus que les faisceaux MAPLE. Mais il faudrait procéder à une analyse de sécurité avec ce combustible.
Je dirais un an. Nous avons des gens qui ont passablement d'expérience. C'est un combustible différent et il faudrait tout refaire à neuf, mais je dirais que cela pourrait se faire en un an.
M. Tonks est sur la liste, après quoi nous devrons avoir une brève discussion: M. Cullen a dit qu'il veut soulever un point.
Vous semblez tous convenir que notre décision technologique stratégique d'occuper le marché international était fondée. Vous semblez tous dire que nous devrions remettre à niveau le NRU et tenter de combler un vide en attendant de relancer les réacteurs MAPLE. Vous semblez tous d'accord pour dire que la technologie et les ressources, alliées à une modification du régime législatif, produiraient des résultats à valeur ajoutée.
À la dernière séance, des témoins de l'Université McMaster nous ont dit qu'une fois qu'il fonctionnerait à plein régime, le système McMaster pourrait combler quatre fois les besoins canadiens en isotopes. Pensez-vous que le quatrième volet de la stratégie devrait être d'accélérer cette option parallèlement aux autres mesures que vous suggérez? Est-ce là une stratégie viable, compte tenu du fait que nous voulons continuer à assumer nos responsabilités internationales mais que nous devrons vraisemblablement apporter des ajustements temporaires pour satisfaire aux besoins médicaux de la population canadienne?
Étant donné le caractère critique de la situation, une stratégie à plusieurs volets est sans doute l'approche la meilleure et la plus valable.
Je souscris à une approche à volets multiples. Il ne faut pas mettre tous nos oeufs dans le même panier.
Avez-vous d'autres renseignements au sujet de McMaster et du TRIUMF, et particulièrement sur la technologie de McMaster?
Je pense que les déclarations de M. Smith et des représentants de McMaster coïncident. Avec un MAPLE d'une puissance de 10 mégawatts, on peut obtenir une certaine quantité d'isotopes, et avec un réacteur McMaster de cinq mégawatts, on peut en obtenir une certaine quantité également. Je pense que cela concorde très bien.
Je voudrais glisser un mot sur la prévisibilité. M. Koclas a comparé des pommes et des oranges. Il est extrêmement difficile de prédire le coefficient de puissance, car cela dépasse de loin...
Je suis désolé de vous interrompre, mais je voulais vraiment entendre la réponse de M. Nathwani à ma question sur McMaster. C'est un autre outil pour résoudre la crise.
Monsieur Tonks, vous avez largement dépassé votre temps de parole. J'aimerais beaucoup entendre les deux réponses, mais nous devons passer à quelqu'un d'autre.
Monsieur Calandra.
Monsieur Smith, avez-vous dit que si EACL vous appelait demain, en l'espace de 15 jours, vous pourriez fabriquer suffisamment d'isotopes à usages médicaux pour le Canada?
Combien de temps faudrait-il, approximativement, pour satisfaire aux exigences de réglementation actuelles et faire en sorte que les réacteurs MAPLE puisse être mis en service?
Comme je l'ai dit, je pense qu'il faut compter un an pour reconstituer l'équipe. Il ne s'agit pas simplement de remettre le réacteur en état de marche; les opérateurs doivent être certifiés de nouveau pour pouvoir le faire fonctionner. Cela prendrait environ un an.
Oui. Nous pourrions élaborer des plans pendant que les opérateurs repassent par le processus de certification. En supposant qu'on puisse les convaincre de réintégrer le projet.
Il faudrait donc un an pour reconstituer l'équipe et, ensuite, il faudrait encore un certain temps pour faire des calculs et s'assurer du bon fonctionnement du réacteur. Ce n'est qu'à ce moment-là que l'on pourrait commencer à produire des isotopes à usages médicaux. Dans ce cas-là, le délai serait plutôt de deux ans, n'est-ce pas?
Oui, mais un certain parallélisme est possible. Certaines choses peuvent être faites en même temps...
M. Paul Calandra: Mais au bout du compte...
M. Harold J. Smith: ... et à mon avis, deux ans est une estimation...
Je suis désolé de vous interrompre. Je vais très rapidement parce que je n'ai que trois minutes. Je m'en excuse. Je ne veux pas être impoli.
M. Harold J. Smith: D'accord.
M. Paul Calandra: Autrement dit, on parle d'environ deux ans.
Pouvez-vous m'expliquer ce que veut dire la phrase: « certaines barres d'arrêt d'urgence ne se sont pas déployées »?
Cela signifie qu'on ne pouvait maintenir le système à équilibre. Cela ne veut pas dire qu'elles ne pouvaient pas descendre; une certaine friction empêchait la mise à équilibre. C'était un cas de sûreté intégrée.
Quel est le risque ultime qu'un réacteur ne fonctionne pas, qu'il y ait une défaillance de tous les dispositifs de sécurité?
Je ne peux pas vraiment vous fournir une réponse brève. Désolé. Il y a de multiples scénarios différents. Tout dépend du genre d'accident qui survient.
Chose certaine, on ne veut pas que cela se produise, mais c'est pourquoi les réacteurs MAPLE comportent trois systèmes d'arrêt.
Dans ce cas, je suppose qu'aucun d'entre vous ne propose de réduire la marge de sécurité. Je vis tout près de Darlington, et je tiens à rappeler à certains qu'Hydro Ontario a un déficit actuariel de 38 milliards de dollars. Aucun d'entre vous ne propose de réduire la sécurité pour accélérer la relance de ce projet.
Merci beaucoup, monsieur Calandra.
Je remercie tous nos témoins d'avoir comparu ici aujourd'hui. Ce fut une discussion très intéressante et instructive.
Je demanderais à nos deux témoins de quitter la table. Nous allons interrompre brièvement la séance. Ensuite, M. Cullen veut soumettre au comité une question que nous devrons traiter très brièvement à huis clos.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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