:
Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec le député d'. Ce qui s'est produit avant, que vous n'ayez à rendre une décision relativement à la motion, illustre bien la nécessité de présenter une telle motion à la Chambre.
Nous en sommes arrivés au point où il fallait que nous présentions cette motion et ce, pour une raison très simple. Le gouvernement, le et les ministres n'ont plus aucune crédibilité relativement à ce dossier. Dès le début, ils ont exigé que nous les croyions sur parole, mais leur parole n'a plus aucune valeur.
Dès le début, ils ont soutenu qu'il n'y avait aucune preuve contraignante de torture ou de mauvais traitements infligés aux prisonniers. Toutefois, jour après jour, semaine après semaine, les faits ont fait surface, et ils ne correspondent pas aux déclarations du gouvernement. Dès le début, les gens d'en face ont mis en doute le patriotisme et l'honnêteté de ceux qui exigeaient des réponses. Ils les ont accusés de se faire les complices de l'ennemi taliban. Toutefois, c'est maintenant le patriotisme et l'honnêteté des gens d'en face qui en prennent pour leur rhume.
Dès le début, ils ont caché des mots très forts, tels que « lâches », derrière l'héroïsme et la bravoure des soldats sur place. Mais nous savons maintenant qu'ils ont caché des faits qui se sont produits en Afghanistan, et qu'ils ont lancé une campagne de salissage sans précédent contre la seule personne qu'ils ne pouvaient faire taire, à savoir Richard Colvin.
Nous avons demandé des faits et nous avons obtenu des réponses cyniques. Nous avons demandé des comptes, mais le gouvernement a éludé les demandes. Nous avons demandé à connaître la vérité et on nous a tout dit, sauf la vérité. Tout cela parce que, depuis le début, le et le ministre ont traité ce dossier comme une question partisane, plutôt qu'une question à caractère moral. Ils ont cherché un alibi, au lieu de chercher la vérité.
Le semble plus préoccupé par sa propre réputation que par celle du Canada. Le ministre, lui, semble tenir davantage à sa limousine ministérielle qu'à faire ce qui s'impose. Sa prestation d'hier, au comité, était un spectacle désolant. Il fallait le voir faire semblant de s'indigner de soi-disant allégations scandaleuses et insultantes, tout en oubliant évidemment ses propres allégations scandaleuses et insultantes à l'endroit de M. Colvin, qui est un fonctionnaire dévoué et qui ne pouvait pas se défendre.
Le ministre a aussi feint la tristesse, parce que, selon lui, nous critiquons le bon travail de nos soldats en Afghanistan. C'était extraordinaire de le voir adopter une telle position le jour même où nous avons appris que, pour une raison ou pour une autre, durant une période de deux ans, le gouvernement n'avait pas tenu compte des preuves de mauvais traitements fournies par nos soldats en Afghanistan, qui agissaient conformément à la belle tradition canadienne.
Il faut se rendre à l'évidence, le gouvernement refuse tout simplement de dire la vérité. Il a miné sa propre crédibilité. Avec son approche à couteaux tirés et ultrapartisane à l'égard de ce dossier des plus graves il a brisé la confiance à l'égard de la Chambre et du comité. C'est pourquoi nous devons avoir accès à tous les documents concernant ce dossier — des documents non expurgés, non filtrés, non fignolés et non censurés.
Le ministre a comparu devant le comité hier et a déclaré que trois enquêtes sont en cours et que celles-ci devraient permettre de régler la question. Premièrement, il a parlé de la commission d'enquête chargée d'enquêter sur le traitement réservé aux personnes détenues par les troupes canadiennes en avril 2006. Le travail de cette commission concerne le comportement de nos soldats sur le terrain et ce n'est pas l'objet de l'enquête menée par le comité.
Deuxièmement, il a parlé de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire qui, en raison d'une campagne massive d'entrave à la justice, n'a pas pu étudier cette question. Troisièmement, il a parlé du comité auquel je siège, le Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan. Le travail de ce comité a été contrecarré parce que le gouvernement n'a pas fourni des documents complets non censurés aux fins d'examen par le comité.
Voilà pourquoi nous avons besoin des documents. Voilà pourquoi il est urgent que cette motion soit adoptée. La question n'est pas de savoir si oui ou non il y a eu de la torture. Il y a suffisamment de preuves circonstancielles et de preuves matérielles qui confirment que les autorités afghanes ont torturé des prisonniers dans des prisons afghanes.
Qu'il s'agisse de Human Rights Watch, de la Commission indépendante des droits de l'homme de l'Afghanistan, de rapports produits par l'ONU, du département d'État américain ou de nos propres rapports annuels sur les droits de la personne en Afghanistan, tous confirment qu'il y avait amplement de preuves circonstancielles de torture en Afghanistan. Le gouvernement ne peut pas se contenter de dire qu'aucun incident spécifique ne lui avait été signalé pour justifier son refus, involontaire ou volontaire, de voir les faits.
Je vais citer le rapport de septembre 2006 du juge O'Connor. Il a dit:
Les responsables canadiens ne devraient pas attendre une vérification ou une preuve sans équivoque de torture dans un cas particulier avant de conclure à la probabilité de la torture.
C'est ce qu'a déclaré le juge O'Connor, qui a présidé la commission d'enquête sur l'affaire Arar. Cette déclaration devrait nous guider. Elle est conforme à la Convention de Genève, qui dit essentiellement que, si nous avons des preuves circonstancielles, que nous ayons ou non des certitudes, nous avons la responsabilité de faire enquête et de faire attention de ne pas envoyer des gens là où ils risquent la torture, dans les cas où nous avons de bonnes raisons de croire à un tel risque.
Nous savons maintenant que le gouvernement, du début de 2006 jusqu'en 2007, a continué d'envoyer des prisonniers là où ils risquaient la torture. C'est là-dessus que doit porter notre enquête. Pourquoi a-t-il continué? Pourquoi n'a-t-il rien fait?
Il ne s'agit pas de la conduite des soldats sur place. Ils ont agi conformément aux meilleures traditions, comme nous l'a appris hier le général Natynczyk. Ils ont toujours agi correctement.
En fin de compte, tout ce qui s'est passé en Afghanistan relève de la responsabilité civile et cette responsabilité incombe au et au . C'est la raison pour laquelle il nous faut des documents non retouchés, non censurés, non falsifiés et non épurés, pour que nous puissions juger de leur conduite et déterminer s'ils ont agi comme il se doit.
Nous avons entendu les arguments avancés par le gouvernement pour considérer cette motion irrecevable. Les conservateurs fondent leur position sur l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada. Ils se justifient en disant qu'ils fourniront au Parlement tous les documents que la loi permet de divulguer.
Nous savons maintenant que le Parlement a le droit absolu d'exiger la présentation de documents et le témoignage de quiconque au Canada. Pour autant que je sache, le Parlement n'a jamais restreint ni limité ses propres pouvoirs. Le comité agit au nom du Parlement et, de ce fait, il a pleinement accès à ces documents.
Voilà pourquoi j'ai eu la grande prudence de demander l'opinion du légiste au sujet de l'application de l'article 38. Le 23 octobre 2009, le légiste m'a fait parvenir une opinion qui a été déposée devant le comité. Le légiste dit essentiellement que nous avons un accès illimité aux documents et aux témoins qui comparaissent devant le comité et que ces témoins bénéficient du privilège de l'immunité contre toute poursuite au cas où on considérerait qu'ils ont enfreint la loi.
Ensuite, se fondant vraisemblablement sur une opinion émise par le ministère de la Justice, le gouvernement a déclaré que l'opinion du légiste était erronée. J'ai donc demandé au légiste de me donner une nouvelle opinion, ce qu'il a fait le 7 décembre 2009. Cette opinion a également été remise à la greffière du comité. Il est possible de la consulter.
Le 9 décembre, nous avons reçu une lettre du sous-ministre adjoint du secteur du droit public du ministère de la Justice, qui admettait finalement que le ministre et le avaient induit les Canadiens et les députés en erreur lors de leurs interventions à la Chambre. Dans cette lettre d'un sous-ministre adjoint du ministère de la Justice, on apprend soudainement que l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada ne s'applique pas à la procédure parlementaire.
Par conséquent, toute cette mascarade, ce château de cartes est en train de s'effondrer.
Monsieur le Président, je vous remercie beaucoup de nous permettre de débattre cette motion. Je crois que mon temps de parole est écoulé. Je me ferai un plaisir de répondre à des questions.
:
Monsieur le Président, je vous serais reconnaissant de me faire signe lorsque mon temps de parole achèvera, car j'aimerais présenter un amendement. Je remercie le député de du travail remarquable qu'il fait dans ce dossier.
[Français]
Les événements récents ont confirmé que les Canadiens peuvent être fiers des femmes et hommes qui servent en Afghanistan. Ce n'est pas leur travail qui est question, c'est le travail du gouvernement.
Hier, le général Natynczyk a confirmé qu'un détenu transféré par les Forces canadiennes a été maltraité en détention afghane en juin 2006.
[Traduction]
Le a perdu toute crédibilité. Les Canadiens ne peuvent pas le croire sur parole. Le Parlement ne peut pas se fier à ce qu'il dit. C'est une question de confiance.
Le général Natynczyk fait tout son possible pour arriver à connaître la vérité, mais le gouvernement ne fait aucun effort en ce sens. Il continue de refuser de fournir certains documents et d'en épurer d'autres. Il a censuré des documents avec un zèle digne du régime soviétique. Il a intimidé témoins et fonctionnaires. Il a jeté un froid sur le Service extérieur canadien, comme un nombre croissant d'anciens ambassadeurs le disent publiquement.
On doit connaître la vérité, sans épuration ni censure. C'est le privilège du Parlement et le droit des Canadiens. C'est la raison d'être de la motion d'aujourd'hui. Le gouvernement doit rendre compte d'une année entière d'aveuglement volontaire.
[Français]
Les conservateurs avaient des informations crédibles, même des photos, révélant de la torture et des abus, mais ils n'ont rien fait pour y mettre fin. Ils se sont plutôt à employés à camoufler les réalités. L'enjeu ici, c'est la négligence du gouvernement conservateur, pas le comportement de nos soldats. Les questions qui se posent ne trouveront pas leur réponse dans l'enquête militaire annoncée hier par le général Natynczuk.
[Traduction]
Une enquête publique indépendante complète sur cette année d'aveuglement volontaire du gouvernement s'impose. Cette demande n'est pas de nature partisane, car nous, de ce côté-ci de la Chambre, consentons à ce que l'enquête porte sur toute la durée de la mission, laquelle a débuté en 2001, sous le régime libéral précédent.
Rappelons-nous comment on en est arrivé là. L'ordre des événements est très important.
Le 18 décembre 2005, pendant la campagne électorale, le général Rick Hillier, qui était alors le chef d'état-major de la Défense ou CEMD, conclut avec les autorités afghanes une entente de transfert des prisonniers.
L'assermentation des ministres d'en face a lieu le 6 février 2006, et le a admis avoir eu vent de graves allégations de mauvais traitements infligés à des prisonniers dès l'arrivée au pouvoir du gouvernement.
[Français]
En mars 2006, le département d'État américain a rapporté que les autorités afghanes, et je cite: « torturaient et abusaient les détenus sur une base routinière. » Toutefois, en dépit de ces informations, le gouvernement conservateur a fait comme si de rien n'était. Et quelques semaines plus tard, au printemps 2006, les premiers détenus ont été transférés par les Forces canadiennes.
[Traduction]
En mai 2006, Richard Colvin a commencé à envoyer des rapports à ses supérieurs sur les mauvais traitements infligés aux détenus.
Le 2 juin 2006, la Commission indépendante des droits de l'homme de l'Afghanistan a souligné que le tiers des détenus remis par les Forces armées canadiennes avaient été maltraités ou torturés par les Afghans. Le même jour, Richard Colvin a envoyé un nouveau rapport faisant état d'actes de torture dans les prisons afghanes. Là encore, le gouvernement n'a pas réagi.
M. Colvin a transmis trois autres rapports avant la fin de 2006. Il en a envoyé d'autres en mars, en avril, en juin et en juillet 2007. Toutefois, après 17 mois et 17 rapports, le gouvernement n'a toujours rien fait.
[Français]
L'ambassade canadienne à Kaboul avait en 2006 un rapport sur les droits humains affirmant que la torture était systématique dans les prisons afghanes. Encore là, le gouvernement n'a rien fait.
[Traduction]
C'est au cours de l'été 2006 que se sont produits les mauvais traitements qui ont été confirmés hier par le général Natynczyk. Les soldats sur place ont fait leur travail. Ils ont consigné les renseignements pertinents et en ont fait rapport, mais le gouvernement lui n'a pas fait son travail.
En novembre 2006, le ministère des Affaires étrangères a même émis des sujets de discussion qui minimisaient l'importance des actes de torture. Des notes de service secrètes ayant fait l'objet de fuites auprès des médias confirment que la priorité du gouvernement était de dédramatiser la situation plutôt que de prévenir la torture.
[Français]
En février 2007, il y a eu trois allégations supplémentaires d'abus de prisonniers. Ce même mois, la commission des plaintes de la police militaire a entamé une enquête à laquelle le gouvernement a fait obstruction.
[Traduction]
L'année de cécité volontaire du gouvernement n'a pris fin que lorsque des rapports explicites d'actes de torture ont paru dans les médias canadiens le 23 avril 2007.
[Français]
Et ce n'est pas avant le 3 mai 2007 que le gouvernement a signé un nouvel accord de transfert des détenus. Toutefois, les problèmes ne se sont pas arrêtés là.
M. Colvin a témoigné que les inspections ont été rares à cause d'un manque de ressources. Pire encore, il a reçu instruction de ses supérieurs de se taire et de cesser de documenter les cas d'abus et de torture des prisonniers. Les transferts des détenus ont été interrompus pour la première fois le 6 novembre 2007 à cause de rapports faisant état de torture; et ils ont été interrompus plusieurs fois depuis.
Néanmoins, jusqu'à hier, ce ministre et ce gouvernement prétendaient qu'aucun détenu transféré par les militaires canadiens n'avait été abusé dans les prisons afghanes. Nous savons maintenant que c'est faux.
[Traduction]
Le bilan dont je viens de vous faire part est assez éloquent. Pendant plus d'un an, le gouvernement a reçu des rapports crédibles de bon nombre de sources, des sources canadiennes indépendantes crédibles, soulignant que des détenus étaient torturés dans des centres de détention afghans. Ces rapports provenaient de diplomates canadiens et de soldats sur le terrain, et le gouvernement n'a rien fait.
Il doit rendre des comptes sur cette année que l'on ne peut qualifier que de cécité volontaire. Son refus de dire la vérité nous coûte notre crédibilité en tant que pays sur la question des droits de la personne et menace l'honneur du Canada à l'étranger, cet honneur que nos troupes défendent avec bravoure tous les jours. Nous devons connaître la vérité, et ce dès maintenant. Les Canadiens méritent mieux.
Je voudrais donc proposer l'amendement suivant. Je propose:
Que la motion soit modifiée par adjonction de ce qui suit, immédiatement avant les mots « par conséquent »:
« tous les documents dont le chef d'état-major de la Défense a parlé au cours de sa conférence de presse du 9 décembre 2009, et tout autre document pertinent; »
:
Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour exprimer mon opposition à la motion dont la Chambre est saisie, motion à laquelle on vient de proposer un amendement.
Je suis convaincu que le gouvernement ferait une grave erreur s'il produisait les documents dont il est question dans la motion que le député de a présentée. La production des versions intégrales de ces documents menacerait non seulement la sécurité des Canadiens qui servent en Afghanistan, mais aussi les relations qu'entretient le Canada avec d'autres pays. De plus, la production des versions intégrales de ces documents irait à l'encontre des usages parlementaires relativement à la protection de renseignements de nature délicate.
Le Parlement du Canada a établi des règles importantes dans la Loi sur la preuve au Canada, des règles sur le traitement ou la communication de renseignements concernant les relations internationales, la défense nationale et la sécurité nationale. Il est essentiel que les actions des ministres et des hauts fonctionnaires soient conformes aux valeurs associés à la volonté du Parlement d'assurer la sécurité nationale du Canada et de protéger l'État contre toute communication non autorisée de renseignements de nature délicate.
Le Parlement exerce des pouvoirs importants, mais il reconnaît également l'importance de protéger les renseignements confidentiels. Cela est clairement exprimé dans des lois telles que la Loi sur la protection de l'information, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur l'accès à l'information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et le Code criminel. En outre, l'immunité d'intérêt public est bien définie dans la common law. Les usages parlementaires reflètent aussi ces principes.
Quant à la question dont nous sommes saisis, le gouvernement a une position claire. Nous devons faire tout en notre pouvoir pour protéger les renseignements de nature délicate qui, s'ils étaient communiqués, pourraient compromettre les intérêts du Canada en matière de sécurité, de défense nationale et de relations internationales.
Pour ce qui est de la coopération avec le comité parlementaire, le gouvernement a aussi une position claire. Nous continuerons d'appuyer le travail des comités et de fournir tous les documents qui ne compromettent pas les intérêts nationaux.
Toutefois, le gouvernement rejette l'idée selon laquelle le privilège parlementaire soustrait en quelque sorte les fonctionnaires qui comparaissent devant des comités de leur obligation de protéger les renseignements de nature délicate liés à la sécurité nationale, à la défense nationale et aux relations internationales.
Les députés ne sont pas sans savoir que, conformément aux usages parlementaires bien établis, les comités respectent l'immunité de l'État et les privilèges garantis par la common law, particulièrement en ce qui concerne la défense nationale, la sécurité nationale et les relations internationales et ils n'exigent pas la communication de renseignements préjudiciables.
Dans un ouvrage qui fait autorité, Le privilège parlementaire au Canada, Joseph Maingot le précise clairement, à la page 199:
En ce qui concerne les fonctionnaires fédéraux qui témoignent devant un comité, le principe de l'obligation de répondre aux questions peut se trouver en conflit avec celui de la responsabilité ministérielle des fonctionnaires. Par convention, les comités parlementaires respectent le privilège de la Couronne lorsqu'il est invoqué, au moins lorsqu'il s'agit de questions de sécurité nationale et publique.
Pour établir un lien entre cette affirmation et la motion dont nous sommes saisis, les députés doivent reconnaître que d'importantes questions de sécurité nationale sont en jeu et devraient donc respecter la convention parlementaire ainsi que les mesures prises par le gouvernement en vue de protéger des renseignements sensibles.
Essentiellement, la convention parlementaire doit régir les pratiques et les procédures des comités. Un rapport du Comité permanent des privilèges et élections de 1991, publié dans les Journaux de la Chambre, appuie cette conclusion. J'aimerais en citer un extrait:
La Chambre des communes reconnaît qu’elle ne doit pas exiger la production de documents dans tous les cas. Ainsi, des considérations ayant trait à la politique officielle, notamment la sécurité nationale, les relations extérieures et d’autres facteurs, influent sur la décision d’exiger ou non la production de ces documents.
La Chambre doit exercer ses pouvoirs de façon responsable. Dans certains cas, la seule option responsable qui s'offre à la Chambre et à ses comités est de s'abstenir d'exercer leurs pouvoirs jusqu'à leur extrême limite.
C'est en raison des préoccupations du gouvernement en matière de sécurité nationale qu'il a été établi antérieurement de censurer les documents fournis à la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, la CEPPM. La décision tient compte du fait que la CEPPM fonctionne dans un cadre juridique très différent de celui des comités parlementaires.
Quant au nombre des passages censurés, il n'y a pas eu d'autre option à partir du moment où la CEPPM a décidé de tenir des audiences publiques. La décision donnait à la CEPPM le droit d'exiger la production de témoignages et de documents. L'audience correspondait donc à la définition d'instance aux termes de l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada.
Il convient de signaler que, avant que la CEPPM eut annoncé son intention de tenir des audiences publiques, les fonctionnaires lui avaient donné plein accès à des milliers de pages de documents non censurés qui avaient été produits par les Forces canadiennes et le ministère de la Défense nationale.
La décision de censurer des documents n'est pas prise à la légère et reflète la nécessité absolue de protéger des renseignements sensibles. Conformément à l'article 38, des fonctionnaires ont expurgé les documents. Plus tard, des copies de ces documents censurés ont été fournies au Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan.
L’article 38 de la Loi sur la preuve au Canada ne s’applique peut-être pas directement aux délibérations d’un comité spécial, mais les valeurs qui informent cette loi adoptée par le Parlement sont conformes à l’usage parlementaire voulant que les renseignements préjudiciables ne soient pas divulgués dans un cadre parlementaire. En conséquence, le processus prévu à l’article 38 de la Loi sur la preuve au Canada est un mécanisme de remplacement utile pour repérer les renseignements à ne pas divulguer au comité spécial à cause de préoccupations liées à la sécurité et à la défense nationales ou aux relations internationales.
Le gouvernement appuie à fond le comité spécial et estime qu’il joue un rôle important dans la démocratie canadienne. Le respect des devoirs prévus par les lois que le Parlement a adoptées est également essentiel à la bonne santé de notre démocratie. Au bout du compte, cependant, la restriction de l’accès à des renseignements particuliers est justifiée par un objectif plus important, un objectif qui va dans le sens des intérêts supérieurs des Canadiens.
La Cour suprême a reconnu que le gouvernement doit à l’occasion refuser de communiquer des renseignements délicats. Dans la cause R. c. Thomson, elle a affirmé clairement: « …les gouvernements [...] doivent tous, pour bien fonctionner, maintenir, jusqu'à un certain point, la sécurité et la confidentialité de diverses informations ». Elle a aussi confirmé qu’une loi du Parlement peut s’appliquer à la Chambre des communes de façon expresse, comme la Loi sur les langues officielles, ou implicite, comme la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Dans la cause dont on a parlé à la Chambre un peu plus tôt, Canada (Chambre des communes c. Vaid, soumise à la Cour suprême du Canada en 2005, celle-ci a rejeté la thèse voulant que la Loi canadienne sur les droits de la personne ne s’applique pas à la Chambre des communes parce que cela n’y est pas expressément prévu. La Cour suprême a fait valoir que cette thèse « va à l’encontre des principes contemporains d’interprétation des lois reconnus au Canada » et que l’approche à retenir était d’interpréter le texte de la loi dans l’ensemble de son contexte, compte tenu de l’esprit de la loi, de son objet et de son rôle de réparation.
Bien que notre débat d’aujourd’hui gravite autour du privilège parlementaire, nous ne devons jamais oublier qu’il a aussi une incidence directe sur la vie de Canadiens qui sont au front, engagés dans un conflit mortel qui se déroule aux antipodes.
Les députés ne doivent jamais perdre de vue le fait que des hommes et des femmes continuent de risquer leur vie pour défendre notre pays et tout ce qu’il représente. Nous ne devons pas sacrifier la sécurité de ces êtres courageux sur l’autel du privilège parlementaire. Pourtant, c’est exactement ce que propose la motion à l’étude aujourd’hui.
Pour comprendre l’enjeu, il faut se rappeler que le gouvernement des talibans, en Afghanistan, a joué un rôle central en aidant et en encourageant une série d’attentats terroristes contre des Canadiens et des alliés du Canada.
Il y a sept ans, le Canada a déployé des troupes pour appuyer une invasion dirigée par les États-Unis afin de chasser les talibans et d’affaiblir la capacité des terroristes présents en Afghanistan de frapper des cibles dans l’Ouest. Certes, la mission a évolué au fil des ans, mais des milliers de Canadiens continuent de servir là-bas dans le cadre d’un effort international visant à déloger les insurgés et à promouvoir la paix, la prospérité et la justice.
L’an dernier, les députés ont approuvé avec une écrasante majorité le prolongement de la mission pendant toute l’année 2010.
Ces dernières semaines, de hauts représentants des Forces canadiennes et de plusieurs ministères fédéraux ont livré ces témoignages sur le statut juridique des détenus et les pratiques et procédures que les responsables canadiens ont suivies pour respecter les lois et conventions internationales.
Le 4 novembre, par exemple, le juge-avocat général du Canada, le brigadier-général Kenneth Watkins, a déclaré:
Les politiques et procédures que les Forces canadiennes ont mises en place en Afghanistan et le critère juridique qui doit être appliqué pour que des détenus puissent être transférés visent à assurer le respect de ces obligations juridiques internationales.
Au cours de la même séance, le comité a entendu des témoignages sur la série d’accords de plus en plus rigoureux et les pratiques que le Canada a imposés expressément pour prévenir le mauvais traitement des détenus.
Une entente conclue en décembre 2005 entre les militaires du Canada et de l’Afghanistan, sous le gouvernement libéral, conférait au Comité international de la Croix-Rouge le pouvoir de contrôler la situation des prisonniers et de présenter des rapports à ce sujet. Une entente supplémentaire plus rigoureuse, signée en 2007, a mis en cause un autre intervenant indépendant, la Commission indépendante des droits de la personne de l’Afghanistan, et a imposé des restrictions sur les déplacements des prisonniers pris par les Canadiens.
À part ces mesures, des fonctionnaires canadiens continuent à surveiller le traitement des prisonniers pris par nos soldats. Quand ces fonctionnaires ont découvert des preuves crédibles d’abus, le Canada a interrompu le transfert des prisonniers aux autorités afghanes en novembre 2007. Le transfert a repris quelques mois plus tard, une fois que les préoccupations soulevées ont été réglées.
La communication d’au moins une partie de cette information serait clairement préjudiciable à la sécurité des fonctionnaires canadiens travaillant en Afghanistan. Les renseignements les concernant et la façon dont ils visitent des prisons particulières, par exemple, auraient une grande valeur pour les insurgés et les terroristes, qui pourraient s’en servir pour attaquer notre personnel de surveillance et libérer les prisonniers.
On ne peut qu’imaginer comment l’ennemi interpréterait et exploiterait d’autres renseignements hautement confidentiels. Ce serait une grave erreur de sous-estimer les terroristes. Ils usent de moyens perfectionnés et ont énormément de culot. Parmi la centaine de Canadiens qui sont morts par suite de leurs interventions, il y avait trois civils qui s’occupaient de l’aide au développement et un diplomate de haut niveau.
Nous ne pouvons pas perdre de vue le fait que nos soldats ne sont pas les seuls à participer à des missions dangereuses. Le gouvernement du Canada doit faire tout son possible pour protéger tous ceux qui sont affectés en Afghanistan.
C’est ce devoir de protection qui inspire mon opposition à la motion dont nous sommes saisis aujourd’hui. Le gouvernement du Canada ne peut pas renoncer à son devoir parce que le comité enquête sur la conduite des fonctionnaires canadiens responsables des prisonniers pris en Afghanistan.
Il est tout à fait évident que le gouvernement a coopéré avec le comité. Le gouvernement a donné instruction à des officiers supérieurs des Forces canadiennes, à des diplomates et à d’autres fonctionnaires de comparaître, souvent à bref délai et souvent en faisant de longs voyages. Leurs francs témoignages ont permis aux membres du comité d’acquérir des connaissances essentielles sur la capture et le transfert des prisonniers.
Tous ces témoins reconnaissent cependant qu’ils ne doivent pas divulguer des renseignements pouvant compromettre la sécurité du Canada ou ses relations internationales. À titre de fonctionnaires consciencieux et honorables, ces témoins respectent les lois du Canada et les politiques mises en œuvre par le gouvernement pour protéger les renseignements confidentiels.
Les allégations selon lesquelles le gouvernement du Canada cherche à faire de l’obstruction ou à intervenir dans les travaux du comité en refusant de lui donner accès à des documents sont complètement fausses. Le comité a demandé un nombre considérable de documents. Les fonctionnaires continuent à travailler très fort pour satisfaire à cette demande. Cela prendra un certain temps parce que beaucoup de ces papiers contiennent des renseignements très secrets.
Les comités parlementaires constituent un élément essentiel et précieux du système démocratique canadien. Les Canadiens apprécient l’esprit d’analyse et la vue d’ensemble dont les comités font preuve dans l’examen des questions de l’heure, mais les Canadiens s’attendent aussi à ce que les comités et le Parlement lui-même exercent leurs pouvoirs d’une manière responsable, raisonnable et conforme aux conventions parlementaires. Les Canadiens ne peuvent pas accepter que les intérêts relativement étroits d’un seul comité prennent le pas sur la sécurité de nos hommes et de nos femmes qui servent en Afghanistan.
Compte tenu de ces réalités, la modération et la prudence doivent guider notre action. Le gouvernement ne doit en aucun cas divulguer des renseignements qui peuvent compromettre la sécurité nationale et nos relations internationales. J’engage mes collègues à voter contre cette motion.
:
Monsieur le Président, la motion de l'opposition devant nous aujourd'hui est tout simplement une réplique d'une motion adoptée au Comité de suivi de l'Afghanistan le 23 novembre dernier et qui demande au gouvernement de déposer un certain nombre de documents.
Je comprends que cette motion arrive devant la Chambre à ce stade-ci du débat parce que les députés du Comité de suivi de l'Afghanistan ont recours à tout ce qu'il faut pour essayer de faire leur enquête et, comme je vais le démontrer tout à l'heure, ils ont fait face à plusieurs obstacles. Je pense qu'une motion, approuvée par le Parlement canadien, ferait en sorte de mettre un peu plus de pression sur un gouvernement qui est très peu transparent — opaque, si on veut — et très isolé aussi.
Je veux justement aborder la question de la non-transparence et de l'isolement du gouvernement. Je pense que c'est important qu'on récapitule un peu les faits. Tout cela a commencé en 2005, 2006 et 2007, alors que les députés de l'opposition de cette Chambre posaient des questions au gouvernement concernant le traitement des détenus afghans. Quand je me réfère à cette période, vous comprendrez que je me réfère autant au régime libéral qu'au régime conservateur.
La réponse a toujours été qu'il n'y avait aucun problème, que les lois internationales s'appliquaient et qu'il n'y avait pas de torture. Au fur et à mesure que les années s'écoulaient, la gente journalistique faisait quand même des enquêtes très sérieuses, et elle disait le contraire.
C'est pourquoi on est obligés, aujourd'hui, d'aller au fond des choses, parce qu'il y a une certaine commission qui s'appelle la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire qui a décidé de faire une enquête complète sur la question. Ce qui s'est passé, c'est que la Commission a dû faire face — un peu comme le Comité de suivi de l'Afghanistan y fait face aujourd'hui — à des obstacles majeurs de la part du gouvernement: la non-divulgation de documents ou les documents censurés, l'intimidation de témoins, les bâillons aux témoins, et autres.
Ce qui s'est passé dans les faits, c'est que la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire à laquelle je fais référence a été obligée d'arrêter ses travaux parce que le gouvernement ne voulait pas que certains témoins comparaissent devant elle et ne voulait pas divulguer certains documents, à moins qu'ils ne soient complètement censurés.
Le Comité de suivi de l'Afghanistan a donc décidé de prendre la relève parce qu'on pense que c'est important. On a pris la relève et maintenant, au moment où on se parle, on fait face à peu près aux mêmes comportements, sauf que le gouvernement a beaucoup plus de difficulté parce qu'il doit faire face à l'opposition tous les jours à la période des questions.
Je parlais de la gente journalistique tout à l'heure. Elle est un excellent relais auprès de l'opinion publique et cela met une certaine pression sur le gouvernement pour évoluer. On n'est pas au bout de nos peines parce qu'on travaille tous les jours. J'étais dans le foyer avant mon allocution et la situation évoluait de minute en minute. On veut se dépêcher aussi parce que la fin de la session arrive. C'est important qu'on fasse la lumière. Si le gouvernement pense, avec la fermeture de la Chambre demain, qu'on va reporter cela à la fin du mois de janvier, il se trompe. On a un devoir et il faut aller au fond des choses.
Le gouvernement est non transparent et isolé parce qu'il a sa théorie et à peu près tout le monde a la théorie contraire. Tous les organismes internationaux, entre autres, qui sont en Afghanistan démontrent régulièrement qu'il y a de la torture. C'est assez concluant de ce côté.
Je voudrais rappeler que la Convention de Genève ne parle pas seulement de torture. Une des conditions pour remettre des prisonniers, c'est qu'il n'y ait pas de torture. Cependant, il y a aussi une autre condition, celle d'éviter le risque de torture. On peut, d'ores et déjà, dire que tout le monde reconnaît, sauf le gouvernement, qu'il y a risque de torture et qu'il y a aussi de la torture. Le chef d'état-major, le général Natynczyk, est venu confirmer hier que, effectivement, il y avait eu un cas de torture.
Nous sommes profondément convaincus qu'il y en a davantage et que nous, ainsi que la population canadienne et québécoise, faisons face à une immense opération de camouflage. Je pense que le gouvernement va éventuellement en payer le prix politique. Aujourd'hui, c'est un peu la motion du 23 novembre que nous avons devant nous.
Je vais maintenant décrire les obstacles auxquels fait face le Comité de suivi de l'Afghanistan.
Le comité a demandé une série de six documents, et on a demandé un délai pour les produire au comité. C'était le 2 décembre. En date d'aujourd'hui, nous n'avons reçu que deux documents sur les six que nous avions demandés. De plus, ces deux documents sont hautement censurés. Je ne peux pas brandir les documents ici à la Chambre, mais ces rapports sont issus de la première série. Ces documents avaient été déposés lors du témoignage de M. Colvin. Or des pages entières sont complètement noircies.
J'ai d'ailleurs dit au , lorsqu'il est venu témoigner devant le Comité permanent de la défense nationale, que ce genre de page ne devait pas prendre beaucoup de temps à traduire. En effet, une page noircie, ce n'est pas très long à traduire, et cela empêche les députés d'assumer leur grande responsabilité, qui est d'enquêter sur des allégations très sérieuses et sur des faits qu'on connaît grâce à la déclaration du chef d'état major hier.
La censure est donc extrême. Le gouvernement invoque toutes sortes de clauses de sécurité nationale et de dangers pour les soldats. Or les employés du gouvernement qui viennent témoigner ont accès, eux, aux documents qui ne sont pas censurés. On peut imaginer la situation: des gens devant nous ont eu accès à tous les documents, sans censure. Les généraux se vantent même d'avoir vu les documents. Ils insinuent que nous n'avons pas vu les documents parce que nous ne sommes que des députés, et qu'ils détiennent la vérité et que nous ne l'avons pas. C'est ce que cela voulait dire.
On ne peut donc pas accepter que des documents soient censurés à ce point. Comment peut-on interroger efficacement des témoins? Comment peut-on prendre pleinement connaissance de ce qui se passe vraiment si nous n'avons pas accès à ces documents, dont la divulgation est intentionnellement retardée? On retarde, et on retarde encore. C'est pour cette raison que j'ai cru bon, au départ, de dire que ce n'est pas parce que la Chambre ajournera demain que tout s'arrêtera jusqu'à la fin de janvier. Le Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan discute de la possibilité de siéger pendant la période des Fêtes pour continuer de faire la lumière et d'aller au fond des choses.
Je reviens au rappel au Règlement de tout à l'heure parce qu'il m'apparaît important. Des collègues l'ont soulevé tout à l'heure à l'égard du . Le premier témoin à se présenter devant le Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan était le juge-avocat général du gouvernement, le général Watkins. Ce qui s'était produit à la commission s'est également produit au Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan. En effet, dès les premières questions, le général nous a dit qu'il avait un lien avec son client et qu'il ne pouvait donc pas révéler certaines choses. C'est à ce moment que cela a éclaté. Nous avons donc décidé de savoir quels étaient les droits des parlementaires comme nous, des députés, par rapport au droit légal d'un juge-avocat général qui défend la cause gouvernementale. Soit dit en passant, le client avec lequel il avait un lien privilégié était le gouvernement du Canada.
Nous avons invoqué des choses extrêmement importantes et je crois qu'il est important que j'en parle à nouveau. Nous, les députés, sommes les grands enquêteurs. Selon la Constitution, les députés sont les grands enquêteurs de la Chambre des communes. C'est nous qui décidons d'aller au fond des choses. Nous sommes élus. Nous avons la légitimité d'avoir été élus dans nos circonscriptions respectives. On a donc la responsabilité d'aller au fond des choses, dans nos dossiers respectifs, quand on croit que des éléments ne sont pas clairs. C'est cela, la démocratie parlementaire.
Dans la tradition britannique, le gouvernement est le défenseur qui sert à protéger le royaume, et nous nous trouvons au milieu de cela. Qui a le premier droit? Nous sommes d'avis que le droit parlementaire devrait primer. Le conseiller législatif de la Chambre des communes nous a dit qu'il faut interpréter les lois d'une manière qui respecte tous les aspects de la Constitution et que, de plus, lorsqu'une loi s'applique aux travaux parlementaires, la Chambre est la seule qui puisse décider de quelle manière la loi s'applique à elle.
C'est assez fort. Cela signifie que lorsqu'on arrive avec des dispositions comme l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada qui nous interdit de divulguer certaines questions pour des raisons de sécurité nationale, on peut remettre cela en cause, selon le conseiller législatif et selon nous.
Le conseiller législatif poursuit plus loin en disant ceci: « Si une loi devait permettre aux ministres et au gouvernement de dissimuler des renseignements au Parlement, cela donnerait au gouvernement la possibilité de se prévaloir de la loi pour se soustraire à son obligation de rendre compte à la Chambre, ce qui serait inconstitutionnel parce que contraire à ce principe fondamental de notre régime parlementaire. Du reste, l'obligation du gouvernement de rendre compte à la Chambre est un principe constitutionnel qui ne peut être écarté par une simple loi. »
Alors, pour nous, il est clair que lorsqu'un comité demande des documents et surtout quand il les demande non censurés, les documents fournis devraient être non censurés. Quand un comité demande des documents dans un délai décidé par une motion, les documents devraient nous être divulgués dans le délai prévu et non des semaines ou des jours plus tard. On est le 10 décembre aujourd'hui et l'ensemble de la série de documents dont je parlais tantôt devait être déposée avant le 2 décembre.
Selon nous, il doit y avoir prédominance du droit parlementaire, sinon c'est la démocratie qui ne fonctionne plus. Un gouvernement pourrait décider de ne pas divulguer des documents pour protéger ses ministres. D'ailleurs, ce sont les mots employés par le conseiller législatif lui-même et il serait inconstitutionnel de faire cela.
D'autre part, l'atteinte à l'immunité est de plus en plus évidente. L'immunité parlementaire, c'est la façon de fonctionner en démocratie pour ne pas être poursuivi à toutes les cinq minutes par des gens qui ont des intérêts différents des nôtres, qui sont de servir la population et la démocratie. Les responsables de grandes corporations peuvent diverger d'opinion avec nous. Si nous sommes restreints dans nos remarques à la Chambre et en comités, on ne rend pas service à la démocratie. C'est pour cela que le système a été construit ainsi et qu'il est fondé sur l'immunité. Ainsi, lorsque les témoins se présentent en comité, ils doivent pouvoir bénéficier d'une immunité et il doit y avoir une prédominance des lois du Parlement.
Qu'on écoute bien ce qu'a dit un haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères à Richard Colvin avant qu'il vienne témoigner devant le comité. Je rappellerai que lorsque M. Colvin est venu témoigner devant le comité, on avait déjà demandé à l'avocat général qu'il aille consulter son client et qu'il nous remette son interprétation de notre prétention. Or, la réponse ne nous est pas parvenue, mais elle est parvenue aux témoins, et voici ce que disait le haut fonctionnaire du ministère des affaires étrangères:
« Comme le gouvernement du Canada ne partage pas l'avis du juriste sur l'effet des lois du Parlement sur les travaux parlementaires [...] »
On avait demandé expressément d'avoir la réaction de son client à l'avocat général et au lieu de nous la donner, il intimide un témoin avec cela.
Il poursuit en disant:
« [...] nous avons bon espoir qu'en tant que fonctionnaire [et il parle de Richard Colvin], vous vous comporterez conformément à l'interprétation du gouvernement. »
Cela signifie que si on demande à M. Colvin de se la fermer, de ne rien divulguer et de ne pas déposer ses documents, il doit se conformer à cela. Au diable le droit parlementaire!
« [...] Si le comité devait exprimer des préoccupations, qu'il soit prié de les communiquer à l'avocat du gouvernement. »
Cela s'appelle priver un témoin de son immunité et l'intimider parce que le gouvernement lui dit ce qu'il doit dire. C'est ce qui est dit à cet égard.
Comment peut-on aller de l'avant dans de telles conditions? C'est très clair qu'il y a eu intimidation d'un témoin et c'est très clair que le gouvernement veut empêcher les délibérations du comité à cet égard. Il y a donc atteinte à l'immunité et intimidation d'un témoin.
Finalement, avant que mon temps soit écoulé, je parlerai de la responsabilité ministérielle. Hier, trois témoins ont comparu devant le comité, soit le , le et l'actuel , qui était l'ancien ministre de la Défense nationale. ils nous ont expliqué en long et en large que la sécurité nationale était importante tout comme l'était la Loi sur la preuve au Canada.
Pour ce qui est des retards de divulgation, ils disent qu'ils n'en sont pas responsables et que ce sont souvent des fonctionnaires qui sont chargés des dossiers. Ils mettent aussi en cause le bilinguisme en disant que la traduction des documents prend du temps.
Depuis 16 ans que je siège à la Chambre, j'entends toujours la même chose. La meilleure façon de retarder les travaux d'un comité est de dire que les documents ne sont pas prêts. C'est une responsabilité ministérielle. Or, que font ces trois ministres et le gouvernement? Ils se dégagent de leur responsabilité ministérielle et ils rejettent la faute sur tout le monde.
Quant à la censure, on nous dit que ce sont des hauts fonctionnaires du ministère de la Justice — le ministre en a parlé tout à l'heure — qui déterminent si un document présente un danger pour la sécurité nationale. Ce sont eux qui décident de caviarder ou non un document.
Qu'advient-il alors de la responsabilité ministérielle? Je suis tanné d'entendre des ministres dire que ce n'est pas leur faute. Ils peuvent également dire que ce sont des fonctionnaires qui sont responsables, voire les Forces armées canadiennes.
Qui est responsable dans ce gouvernement? Quand on devient ministre, on a un devoir. C'est ça, une responsabilité ministérielle. Il faut être responsable et rendre des comptes à la population. On n'acceptera pas que les ministres se défilent de leur responsabilité première, qui est de dire exactement ce qui se passe aux citoyens du Québec et du Canada. C'est important.
Nous sommes tannés qu'on nous dise que ce ne sont pas eux qui ont intimidé des témoins, mais M. Shawn Barber, un haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères. Il me semble que c'est le qui est responsable en cas de faux pas d'un de ses fonctionnaires.
Nous sommes aussi fatigués de voir des ministres s'en prendre à ceux qui sont situés plus bas dans la hiérarchie. Ce n'est jamais la faute des ministres. Ils disent qu'ils n'ont pas vu tel ou tel document sous prétexte que le ministère de la Défense nationale reçoit des milliers de documents par jour.
Ce n'est pas ce que j'appelle assumer une responsabilité ministérielle. Ils faillissent à leur devoir de ministres s'ils ne sont pas professionnels et transparents, et ne se tiennent pas au courant de ce qui se passe dans leur ministère. Ce n'est pas vrai qu'un ministre qui vient de faire face à un barrage de questions retourne à son cabinet, s'assoit et dit qu'il ne faut pas s'énerver.
Quand on a une responsabilité ministérielle, on convoque son personnel et on lui demande ce qui se passe exactement. Si un ministre n'agit pas ainsi, il n'assume pas sa responsabilité ministérielle. Ce sont les ministres qui sont responsables de la crise actuelle. Ce n'est certainement pas l'opposition, qui essaie d'aller au fond des choses.
Les responsables, ce sont les ministres et le . Il faut qu'ils soient à la hauteur des responsabilités qu'on leur confie et que la responsabilité ministérielle s'applique. C'est pour cela que nous sommes obligés de présenter une motion à la Chambre afin d'avoir accès à des documents.
Ils refusent que la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire et le Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan aient accès aux documents. Vont-ils pousser l'odieux jusqu'à refuser les documents au Parlement canadien?
Il faut rappeler à ce gouvernement qu'il est minoritaire, et non majoritaire. Cela veut dire qu'aujourd'hui, il y a beaucoup plus de gens qui font confiance à l'opposition qu'au gouvernement. Si le gouvernement ne veut pas voir la triste réalité en face, tant pis pour lui. Pour notre part, nous ne renoncerons certainement pas au rôle qui nous a été confié, celui d'aller au fond des choses devant une situation semblable.
On a envoyé une mise en demeure à un témoin pour le faire taire. Le ministre peut bien dire que ce n'est pas lui qui l'a envoyée, mais un avocat du ministère de la Justice. De même, le ministre des Affaires étrangères peut bien dire que c'est un haut fonctionnaire de son ministère qui a posé un geste donné. Il n'en demeure pas moins qu'ultimement, c'est le ministre qui est responsable.
Sans surprise, nous allons appuyer la motion de l'opposition qui est devant nous aujourd'hui. Cela ne s'arrêtera pas là. Je veux que le gouvernement sache qu'il fera face à des problèmes. Il peut ériger tous les obstacles qu'il veut, nous continuerons quand même à défendre la démocratie.
Selon la tradition britannique, nous sommes les grands enquêteurs, et lui, le défenseur du royaume. Qu'il défende le royaume, mais son château de cartes va s'écrouler tout à l'heure. C'est d'ailleurs déjà commencé.
Nous serons heureux d'appuyer la motion du Parti libéral.
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Madame la Présidente, je suis heureux de pouvoir participer au débat sur la motion de l'opposition, qui exige la présentation de documents non expurgés à la Chambre.
Avant de commencer, j'aimerais souligner ce dont il est vraiment question. Il s'agit de déterminer si le Canada a respecté ses obligations en vertu du droit humanitaire international.
Je veux citer le brigadier-général Ken Watkins, qui a comparu devant le Comité de l'Afghanistan il y a quelques semaines. C'est lui qui a établi qu'il était contraire au droit humanitaire international, au droit des conflits armés, de transférer un prisonnier si cela l'expose à un risque de torture ou de mauvais traitements. C'est précisément cela qui nous intéresse, ainsi que de savoir ce qu'a fait le Canada après qu'il ait commencé à capturer des forces ennemies.
J'aurais dû préciser, madame la Présidente, que je partagerai mon temps de parole avec le député d'. J'utiliserai donc seulement la première moitié de la période de vingt minutes.
Il faut bien comprendre que la demande du Comité de la Chambre des communes sur l'Afghanistan a pour but de déterminer ce que le gouvernement a fait pour respecter ses obligations.
Qu’est-ce que le gouvernement a dit? Voici la défense qu’il présente: peu importe ce qui s’est passé, il n’y a aucune preuve attestant qu’un détenu transféré par les Forces canadiennes a été torturé ou maltraité. C’est ce que nous avons entendu dire bien des fois.
À quatre occasions, le 23 novembre, le a déclaré: « Pas une seule allégation de mauvais traitement mettant en cause un seul prisonnier transféré par les Forces canadiennes n'a été prouvée. »
Le 1er décembre, le a déclaré: « Je tiens à être très clair. Il n'y a jamais eu une seule allégation de mauvais traitement contre un prisonnier taliban transféré par les Forces canadiennes qui a été prouvée. »
Le 4 décembre, le a dit pour sa part: « Pas une seule allégation de mauvais traitement contre un prisonnier transféré par les Canadiens n'a été prouvée. »
Nous savons que ce n’est pas vrai, que c’est d’une fausseté flagrante. Le gouvernement a communiqué de l’information fausse à la Chambre.
Que devons-nous faire? Notre parti a réclamé une enquête publique fondée sur les révélations du diplomate Richard Colvin qui, à compter de mai 2006, a envoyé des notes et des lettres, au nombre de six en 2006 seulement, parlant de problèmes et transmettant l’information. Nous n’avons pas encore vu ces documents.
En réalité, nous en avons vu un, et cela montre qu’il faut obtenir des documents non censurés. Il était daté du 4 décembre 2006. L’objet du document est le suivant: problèmes des détenus en Afghanistan. Il y est fait allusion à des notes antérieures du 25 juillet 2006, du 6 octobre 2006 et du 24 novembre 2006. Ce document a été remis au comité, mais on ne peut rien y voir. Des pages entières sont masquées. Trois pages de tout le texte de cette note ont été masquées, si bien que rien n’est révélé au comité. La réponse adressée à un ambassadeur a été entièrement censurée aussi. Mais on semble préférer le terme « expurgé ». On empêche le comité et le grand public de savoir ce que M. Colvin a dit, de quoi il a parlé sous le titre: problèmes des détenus en Afghanistan.
Nous avons besoin de savoir. S’il n’y a rien à cacher, le comité peut trouver un moyen d’examiner ces documents, comme on en a proposé, que ce soit le recours au huis clos, l'assermentation de conseillers privés ou tout moyen nécessaire pour protéger les renseignements qui concernent la sécurité nationale. La réalité, c’est que cette information doit être rendue publique.
Hier, le général Natynczyk a confirmé ce dont on avait fait état dans la presse: oui, des détenus qui ont été transférés par les Canadiens ont été soumis à des mauvais traitements. Les Forces canadiennes les ont récupérés. Un autre n’a pas été transféré parce que l’interprète a entendu la police afghane parler de tuer cette personne.
Voilà qui confirme les préoccupations de M. Colvin et d’autres personnes au sujet des exécutions extrajudiciaires. Voilà qui confirme l’idée que les soldats savaient, à l’été 2006, qu’il existait un risque réel de mauvais traitement ou de torture des prisonniers. En fait, non seulement ils savaient, mais ils ont aussi pris des photos. Ils prenaient des photos avant le transfèrement parce qu’ils craignaient que les prisonniers ne soient maltraités, comme cela s’était passé avant.
Cette information circulait sur le terrain en Afghanistan à l’époque. Pourtant, le gouvernement a continué de faire transférer des détenus aux autorités afghanes. C’est là qu’est le problème, et nous devons faire toute la lumière là-dessus. Le gouvernement ne veut pas d’enquête publique, l’enquête que la Chambre a réclamée le 1er décembre en votant sur notre motion d’opposition. Le Bloc québécois et les libéraux ont appuyé la motion.
Le gouvernement a tout de même refusé de tenir une enquête publique et il a rejeté nos requêtes lorsqu’a surgi dans toute son ampleur le problème du manque franchise du , qui a induit la Chambre en erreur. Refus aussi devant notre demande de démission et notre insistance pour qu’il assume la responsabilité, comme ministre, d’avoir induit la Chambre en erreur.
Le comité poursuit son travail, et la suprématie du Parlement demeure, mais nous ne pouvons pas tolérer ce que propose le . Certaines personnes se réfugient derrière leur pouvoir discrétionnaire pour empêcher les députés de savoir ce qui se passe. C'est la position qu'ils défendent, mais elle inacceptable, comme en font foi très clairement les ouvrages de référence et les autres textes qui font autorité. Les prétendus secrets d'intérêt public ne réduisent aucunement le pouvoir de la Chambre d'exiger que des personnes témoignent et que des documents lui soient remis.
Le député de , qui est également avocat, a publié une étude exhaustive sur le sujet, qui s'intitule « The Power of Parliamentary Houses to Send for Persons, Papers & Records ». C'est une compilation des textes qui font autorité sur le pouvoir de la Chambre et des comités d'obtenir des documents. Il existe des dispositions permettant au gouvernement de demander à un comité de ne pas user pleinement de son pouvoir parlementaire.
Voici ce qu'écrit Maingot à ce sujet:
En ce qui concerne les fonctionnaires fédéraux qui témoignent devant un comité, le principe de l'obligation de répondre aux questions peut se trouver en conflit avec celui de la responsabilité ministérielle pour le fonctionnaire en cause.
Par convention, les comités parlementaires respectent le privilège de la Couronne lorsqu'il est invoqué, au moins lorsqu'il s'agit de questions de sécurité nationale et publique.
Pour conclure, les témoins doivent faire confiance au bon sens collectif des membres du comité et à leurs bonnes grâces.
La Couronne a le droit d'invoquer ses privilèges, mais la suprématie du Parlement est incontestable. Même si le gouvernement invoque ses privilèges, le pouvoir du Parlement prime. Nous sommes en présence d'un exemple parfait à cet égard. L'opposition ayant la majorité des députés au Parlement, le gouvernement cherche des moyens d'empêcher le Parlement d'exercer sa suprématie relativement aux travaux d'un comité.
C'est un exemple de question constitutionnelle importante. Il s'agit de la suprématie du Parlement par rapport à l'exécutif. Il y a moyen de voir à ce qu'une information ne soit pas diffusée publiquement, s'il y a des raisons valables d'en empêcher la divulgation, mais il y a une différence entre diffuser publiquement une information et la porter à la connaissance des députés. Je pense que les députés le comprennent.
Nous appuyons la motion. Nous pensons qu'il est temps que le Parlement voie à ce que ses privilèges soient respectés et à ce que les députés puissent faire leur travail et agir dans l'intérêt public.
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Madame la Présidente, d'entrée de jeu, je communique à mes collègues de la Chambre certaines des informations auxquelles nous avons eu accès.
Le débat d'aujourd'hui porte sur l'accès à l'information et vise à nous permettre de faire la lumière sur ce qui se passe au sujet des prisonniers que les Forces canadiennes transfèrent aux autorités afghanes.
Les députés et les Canadiens ont pu consulter les témoignages de la Cour fédérale. Je vais faire lecture de certaines réponses que Mme Kerry Buck, une fonctionnaire fédérale, a données lorsqu'on lui a posé des questions dans le cadre de son témoignage.
Les questions portaient sur ce qui était fait en termes d'enquête et de suivi sur le terrain. Un des défis du présent débat consiste notamment à établir qui est responsable de quoi. D'ailleurs, l'objectif principal de M. Colvin, lors de son témoignage, était de comprendre le rôle de chacune des institutions concernées, notamment les Forces canadiennes et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
Le témoignage dont je fais mention ici est publié et n'a pas été censuré. Voici une des questions que l'avocat a posées à Mme Buck:
Au point suivant, il dit [le prisonnier] avoir été frappé aux pieds avec un câble ou un gros fil et avoir été forcé de rester debout pendant deux jours, mais c'est tout. Il a ensuite montré aux fonctionnaires canadiens une marque derrière sa cheville qui aurait été faite par le câble. Est-ce bien cela?
Mme Buck a répondu ceci:
Oui, c'est effectivement ce qui a été allégué.
L'avocat a ensuite demandé ceci:
Savez-vous si cette allégation a donné lieu à une enquête?
Voici où ce témoignage devient important. Mme Buck a déclaré que son groupe n'avait pas été chargé de faire enquête.
Le gouvernement a répété à maintes reprises qu'il n'y avait pas la moindre preuve attestant de tortures infligées à des prisonniers transférés aux autorités afghanes par les Forces canadiennes. Le problème, comme le révèle le témoignage dont je lis actuellement des extraits, c'est qu'il n'y avait pas de suivi parce que ce n'était pas prévu. Le rôle des Forces canadiennes était de remettre les prisonniers aux autorités afghanes. Après le transfert, aucune enquête n'était menée pour confirmer ou infirmer les allégations de mauvais traitement. En fait, cette tâche incombait à la Commission afghane indépendante des droits de la personne et à la Croix-Rouge.
Voilà où ça se corse. Quand on prend connaissance de témoignages au sujet de marques et d'allégations concernant des mauvais traitements, et ainsi de suite, on tente de trouver qui est responsable. Le gouvernement convient qu'il y a des allégations, mais prétend qu'aucune d'entre elles n'a jamais été prouvée. Toutefois, la question qui se pose est la suivante: qui assurait le suivi des allégations? Si ce n'était pas un responsable canadien, alors, de toute évidence, le Canada ne pouvait pas savoir ce qui se passait.
On peut donc se demander qui assurait ce suivi. On se rend compte qu'il n'y avait aucun lien entre le gouvernement canadien et le suivi des enquêtes. Permettez-moi de lire quelques citations pour souligner mon propos.
Mme Buck a déclaré ce qui suit:
Les allégations sont des allégations. Certaines sont valides, d'autres ne le sont pas.
Au moins, elle a reconnu que certaines allégations pourraient être véridiques. On a ensuite posé la question suivante à Mme Buck:
Mais nous n'effectuons aucune évaluation indépendante du bien-fondé éventuel des allégations?
Voici la réponse de Mme Buck:
Non. Ce n'est pas notre rôle. Ce n'est pas notre rôle.
On lui a ensuite demandé ce qui suit:
Ne nous incombe-t-il pas de déterminer les risques que des prisonniers soient torturés?
Et Mme Buck de répondre:
Non, il nous incombe de déterminer le risque, mais pas d'établir la crédibilité et la véracité des allégations. Nous n'enquêtons pas sur les allégations. Nous les consignons.
Le problème est le suivant. Si on regarde les éléments de preuve disponibles, le Comité international de la Croix-Rouge — et des articles ont été écrits là-dessus — a rencontré des responsables canadiens pour leur dire que le processus de transfert des prisonniers posait problème.
Il ne faisait pas allusion au fait que les prisonniers étaient transférés. Il parlait plutôt de ce qui leur arrivait ensuite, ainsi que du suivi et de la procédure d'enquête. Mme Buck a déclaré que les responsables ne faisaient pas cela.
À la même époque, M. Colvin disait qu'il y avait un problème. Il affirmait cela dans une des notes que nous avons réussi à obtenir, mais qui était largement expurgée. Dans cette note qui remonte à avril 2007, il a déclaré ce qui suit: « La position de la Croix-Rouge est que chaque pays a des obligations internationales sur le plan légal au sujet du transfert des prisonniers. »
Cela signifie que nous avons non seulement l'obligation légale de dire que nous avons remis des prisonniers, mais aussi celle d'assurer un suivi. C'est là qu'est le problème. Le gouvernement a toujours affirmé qu'il n'existait aucune preuve portant que des prisonniers ont été torturés. Cette affirmation a été invalidée hier, mais les conservateurs ont continué à dire qu'une fois que nous transférons des prisonniers, nous n'avons plus de responsabilité à leur égard.
Certaines notes indiquent qu'il y a eu un débat quant à savoir qui, entre le MAECI et les Forces canadiennes, était responsable, une fois que des prisonniers avaient été transférés. Je lis une note censurée de M. Colvin, qui dit: « Toutefois, je tiens à souligner que l'ambassadeur continue de croire fermement que l'avis initial devrait porter sur le transfert des prisonniers et devrait être signifié par les Forces canadiennes. Ensuite, l'avis destiné à la Croix-Rouge et à la Commission indépendante des droits de l'homme de l'Afghanistan devrait être signifié dès qu'un prisonnier afghan est sous la garde des Forces canadiennes, et non pas seulement lorsque celui-ci est remis au gouvernement de l'Afghanistan. Cette façon de faire répondrait à deux objectifs importants. D'une part, elle soulignerait le fait que le MDN est responsable de la garde des prisonniers et, d'autre part, elle préciserait que le MAECI assume la responsabilité du suivi, une fois qu'un prisonnier est remis au gouvernement de l'Afghanistan. »
Cette note de M. Colvin fait état du débat sur la question de savoir qui était responsable. Était-ce les Forces canadiennes? Était-ce le MAECI? Les généraux — le général Hillier et les autres — ont tous dit qu'une fois que les prisonniers avaient été transférés, les militaires canadiens n'en étaient plus responsables. Les soldats qui étaient sur place ont écrit qu'ils étaient inquiets de remettre des prisonniers aux autorités afghanes, à cause de ce qui allait se produire. Le chef d'état-major de la Défense a d'ailleurs fait mention de ce point hier. Ces soldats ont dit qu'ils n'étaient pas inquiets uniquement dans le cas de ce prisonnier, mais qu'il y avait aussi des précédents. Par conséquent, ils ont fait preuve de diligence raisonnable. Ils ont fait leur travail. Ils ont pris des photos et ils ont rédigé des notes.
Toutefois, le problème c'est qu'il n'y avait pas de suivi. Le débat portait sur la question de savoir qui était responsable d'assurer un suivi une fois qu'un prisonnier avait été transféré. Pourquoi les Canadiens étaient-ils préoccupés par cette question? Parce que, comme nous l'avons dit maintes fois, toutes les sources d'information — la Croix-Rouge, la Commission indépendante des droits de l'homme de l'Afghanistan, le département d'État et nos propres rapports rédigés par le MAECI sur les droits de la personne — disaient qu'il y avait des problèmes liés à la torture dans les prisons afghanes. Il y avait des exécutions extrajudiciaires. Les soldats savaient cela. La preuve nous en a été donnée hier par le chef d'état-major de la Défense, dans des notes qui ont été remises et où l'on peut lire l'observation suivante: « J'ai entendu des autorités afghanes dire qu'elles allaient tuer l'un des prisonniers. »
Tout le monde reconnaissait l'existence du problème. La question c'est: qu'est-ce que le gouvernement a fait pour le régler? Dans cette note de service qui n'a pas été très censurée, il est indiqué que la question a été débattue. Qui était responsable? La note de M. Colvin dit que, initialement, c'était les Forces canadiennes, qu'ensuite c'était les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Or, comme je l'ai déjà dit, selon Mme Buck, ces derniers n'étaient pas responsables de faire enquête. Il y a là une grande lacune.
En vertu du droit international, nous sommes tenus de faire le suivi s'il y a un risque ou la probabilité de torture. C'est très clair. Par conséquent, il faut que le gouvernement produise tous les éléments de preuve.
Cela m'amène à mon dernier point à ce sujet, et je vais résumer. Comment pouvons-nous croire que le gouvernement va respecter l'entente actuelle sur le transfert des prisonniers, notamment en ce qui concerne les enquêtes, quand nous savons que, dans le passé, le gouvernement n'a même pas fait enquête alors qu'il savait qu'il y avait des cas de torture et qu'il avait des obligations en vertu du droit international? Selon toutes les données contenues dans les documents censurés que nous avons, la question a été débattue au sein des ministères, de la Croix-Rouge et d'autres organismes. Les conservateurs ne semblent pas s'en être préoccupés.
Enfin, nous demandons au gouvernement non seulement de produire ces documents pour que nous puissions enfin en prendre connaissance sans toute cette censure, mais aussi de tenir une enquête parce que, de toute évidence, c'est nécessaire. Si le gouvernement n'est pas capable de faire cela, le Parlement n'a plus confiance en son honnêteté et nous demeurons inquiets en ce qui concerne l'entente actuelle.
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Madame la Présidente, je suis heureux de participer au débat sur la motion d’aujourd’hui. Je voudrais commencer par préciser mes intentions. Je compte examiner le contexte qui nous a menés à la situation actuelle. Je veux parler de l’obstruction du gouvernement, des droits d’un comité, de l’importance de cette affaire pour les Canadiens et, bien entendu, des raisons pour lesquelles nous avons besoin d’une enquête publique.
Il n’y a pas le moindre doute que c’est une affaire très sérieuse. Comme parlementaire, j’ai besoin d’avoir accès à des renseignements pour m’acquitter de mes fonctions, qui comprennent la surveillance du gouvernement.
La question dont nous discutons aujourd’hui n’a rien à voir avec ce que nos forces armées font sur le terrain. Nos forces font un travail extraordinaire. Nous le savons. Nous savons que les hommes et les femmes des Forces canadiennes se comportent d’une manière exceptionnelle en Afghanistan. Étant allé là-bas à deux reprises, je sais que c’est vrai. Je sais aussi que nos diplomates et nos militaires s’acquittent de leurs responsabilités. La question est de savoir si le gouvernement s'acquitte des siennes, non seulement envers le Parlement, mais aussi envers les Canadiens.
Il faut insister sur le fait qu’à titre de parlementaires et de membres d’un comité spécial chargé de surveiller le travail que nous faisons en Afghanistan, nous avons besoin de pouvoir informer les Canadiens. Nous ne pouvons pas le faire à moins d’avoir accès aux renseignements disponibles.
La question est aussi de savoir quelles sont les obligations internationales du Canada aux termes de la Convention de Genève et en matière de respect des droits de la personne. Encore une fois, nos soldats agissent d’une manière parfaitement exemplaire dans ce domaine.
La question est clairement de déterminer ce que le gouvernement savait au sujet des abus commis sur la personne des prisonniers que le Canada a transférés aux autorités afghanes, qu’il s’agisse de la police ou de l’armée nationale.
La reddition de comptes est nécessaire. Le gouvernement doit être tenu responsable. Dans notre pays, le gouvernement a l’ultime responsabilité devant le Parlement. Si les parlementaires ont un rôle quelconque à jouer, c’est bien celui de surveillants. Si leur action doit avoir un sens quelconque -- et cela est important pour les deux côtés de la Chambre --, il faut qu’ils aient la possibilité d’exercer leur surveillance en demandant des documents, en convoquant des témoins et en leur posant des questions qui sont parfois embarrassantes pour le gouvernement, mais qu’il faut poser pour obtenir des réponses. Quel que soit l’objet des questions, il est évidemment important.
Je vais donner un exemple. Nous avons affaire en ce moment à un certain nombre d’allégations, sur lesquelles il est difficile de se prononcer sans disposer des documents nécessaires. Certains des témoins qui ont comparu devant le comité spécial avaient évidemment vu ces documents, mais ils les ont vus avant qu’ils ne soient caviardés, avant que ces documents ne soient couverts de marques noires. Je sais que je ne suis pas autorisé à me servir d’accessoires. Je ne le ferai donc pas. Madame la Présidente, vous les avez probablement déjà vues à la télé, mais il y a des pages qui sont vraiment complètement noires. Nous ne connaissons pas leur date, et nous ne savons pas qui est en cause parce que certains mots ont été caviardés. À titre de membre et de vice-président du comité, je ne peux pas déterminer grand-chose si je n’ai accès qu’à des documents censurés.
Si on pense aux changements climatiques, on peut déplorer le nombre d’arbres qu’il a fallu abattre pour produire de simples documents qui ne donnent absolument aucun renseignement aux membres du comité. Les membres du sous-comité savent certainement que beaucoup des témoins qui ont comparu avaient eu accès à ces documents dans leur forme originale. Je trouve vraiment troublant que des témoins puissent voir des documents auxquels les membres du comité n’ont pas accès.
La motion d'aujourd'hui a donc pour but de régler cette question. Plus tard, je vais traiter des droits du comité et, évidemment, des questions juridiques qui se posent.
Si le gouvernement n'est pas disposé à fournir les preuves dont les membres du comité ont besoin, il est logique de se demander s'il cherche à camoufler des cas de torture. On peut supposer, sauf si, par chance, les ministériels qui siègent au comité ont tout vu, alors que ce n'est pas notre cas, qu'il serait utile pour tous les membres du comité d'avoir pleinement accès aux documents. Les députés d'en face semblent croire que nous pouvons faire le travail sans avoir ces documents.
Notre pays a une longue tradition en matière de droits de la personne. Il a une longue tradition de protection de la personne à l'échelle internationale. Notre politique étrangère a toujours été axée sur les droits de la personne, sur la protection de la personne et sur le droit de protéger.
Par conséquent, lorsqu'il existe des allégations qui remontent à l'an 2006, il est absolument essentiel que nous puissions faire enquête conformément à la motion parlementaire de mars 2008, qui autorisait le comité à se pencher précisément sur la question dont nous discutons.
Tôt ou tard, nous allons aborder la question d'une enquête publique, mais pour ce qui est du comité comme tel, celui-ci a entendu des témoins et il a recueilli divers points de vue. Nous avons entendu M. Colvin, qui est un diplomate respecté. Nous avons aussi entendu trois généraux respectés, et nous avons entendu M. Mulroney, notre ambassadeur actuel en Chine. Nous avons donc entendu des témoignages, mais le problème c'est que ces témoignages ne concordent pas.
Ces personnes ont peut-être accès à des documents qui pourraient nous aider à trouver la vérité, mais cela n'est pas possible si ces documents ne nous sont pas fournis.
Depuis le tout début, le gouvernement soutient qu'il n'y a pas de preuves crédibles de mauvais traitements. C'est ce qu'il nous dit ici depuis le tout début, à savoir qu'il n'y a pas de preuves crédibles. Comment le gouvernement peut-il en être absolument certain?
Mardi, le chef d'état-major de la Défense, le général Natynczyk, qui est un grand Canadien et une personne très honorable, est venu témoigner devant le Comité de la défense et il a dit qu'à sa connaissance, la personne dont il est question dans le rapport Noonan n'était pas un prisonnier sous la garde des Canadiens qui aurait été remis à la police nationale afghane. Hier, le général a pris une mesure exceptionnelle en convoquant une conférence de presse pour mentionner très clairement que de nouveaux renseignements lui avaient été communiqués, et que c'était bel et bien un prisonnier sous la garde des Canadiens qui avait été transféré.
La question qui se pose est évidemment celle de savoir quels renseignements ont fait surface, et pourquoi le Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan n'a pas ces renseignements. De toute évidence, le général a des renseignements qui l'ont incité hier à corriger la déclaration qu'il avait faite mardi.
Tout le monde semble avoir des renseignements, sauf les membres du comité chargé de faire la lumière sur cette question. C'est pour cette raison que nous disons non seulement qu'il y a eu camouflage, mais qu'une enquête publique complète est nécessaire. Sans une telle enquête, nous nous retrouvons dans un scénario hollywoodien. Nous ne sommes pas capables d'obtenir l'information dont nous avons besoin. Je ne peux croire que les ministériels ne sont pas tout aussi frustrés que nous, députés de l'opposition.
Je crois que bon nombre de mes collègues croient comme moi que le gouvernement ne peut nier plus longtemps l'existence de preuves crédibles. Je dis cela parce que lorsque le colonel Noonan a présenté son rapport, les soldats ont pris des photos du prisonnier avant son transfert, pour bien montrer qu'il ne portait aucune trace de mauvais traitement. Ils ont aussi pris des notes détaillées. Nous avons appris par la suite qu'il y en avait.
Les soldats canadiens ont fait leur travail. Nous demandons au gouvernement de faire le sien en nous fournissant l'information qu'il nous faut.
Je le répète, le général Natynczyk a reçu des informations. Il a dit maintenant que les Forces canadiennes avaient remis un prisonnier aux autorités afghanes. Nous devons savoir pour quels motifs le général a décidé d'affirmer publiquement que tel a effectivement été le cas. Il nous est difficile de faire quoi que ce soit sans cette information.
Je réalise que le gouvernement espère peut-être que le comité sera incapable de mener à bien ses travaux. Je sais que le gouvernement aimerait que cette question soit balayée sous le tapis, que nous disions que Noël approche et que cette histoire disparaîtra bientôt de la une des journaux, que nous ne nous en soucierons plus et que lorsque nous reprendrons nos travaux, à la fin de janvier, nous passerons à autre chose.
Il s'agit toutefois d'une question fondamentale pour les Canadiens. Elle est liée à notre rôle dans le monde, à notre rôle en matière de droits de la personne. Ce n'est pas un sujet qu'on peut repousser du revers de la main. On ne peut dire que parce que la relâche des Fêtes approche, nous allons cesser de nous en faire et tout ira bien.
Nous devons savoir ce que le gouvernement savait. Je le répète, cela n'a rien à voir avec ce que font nos soldats sur le terrain. Les députés d'en face répètent sans arrêt que nous n'appuyons pas nos militaires, mais il n'y a personne à la Chambre qui n'appuie pas nos troupes.
Toutefois, le problème est que nous ne faisons pas confiance au gouvernement pour qu'il nous dise la vérité, puisqu'il refuse de divulguer certains renseignements. Nous avons deux cartables pleins de documents pratiquement inutiles, parce qu'ils ont été expurgés à un point tel que personne ne pourrait les prendre au sérieux. Pas facile de lire quelques mots par-ci, par là entre les passages caviardés. Il y a des pages complètement masquées. De qui se moque-t-on? Le gouvernement a rejeté la demande faite par le comité le 25 novembre d'avoir accès aux documents non expurgés. Nous avons dit que nous avions besoin de voir ces documents.
On se demande si ces renseignements devraient être communiqués au Parlement. Rob Walsh, légiste et conseiller parlementaire de renom, est d'avis que l'article 38 ne d'applique pas et que, dans ce cas-ci, les droits du Parlement prévalent.
Le comité a des façons de traiter les documents sensibles, bien que ces documents-ci ne soient visiblement pas si sensibles que ça pour certains journalistes qui y ont eu accès sans entrave, ni pour certains témoins qui ont comparu devant le comité et qui y ont eu pleinement accès. Pourtant, il semblerait qu'on ne puisse confier ces documents aux députés élus, dont le devoir est de surveiller le gouvernement. Je suis membre du Conseil privé et c'est un titre que je chéris, mais je n'ai malheureusement plus accès aux documents de ce genre.
La réalité est simple: soit nous sommes déterminés à aller au fond des choses, à redorer notre image internationale et à faire respecter les droits de la personne, ou nous ne le sommes pas. Si nous ne le sommes pas, alors c'est le rôle du comité qui doit être remis en question. Une motion adoptée en mars 2008 est on ne peut plus claire sur les questions de surveillance, surtout en ce qui concerne les prisonniers. Cela me semble donc absolument fondamental.
Le Comité des comptes publics de la Chambre des communes a récemment déposé un rapport précisant le droit constitutionnel du Parlement d'exiger des renseignements et expliquant que le Parlement exerce une suprématie sur les lois. Dans une lettre datée du 7 décembre, mon collègue de , notre porte-parole pour les questions de défense, a indiqué très clairement que le Parlement a effectivement la suprématie et que nous devrions avoir accès aux documents. Il ne s'agit pas là d'une règle griffonnée au dos d'une enveloppe, mais d'une lettre très détaillée qui précisait notre cause. Je cite une partie de cette lettre qui porte sur les rapports entre le gouvernement et la Chambre des communes et ses comités.
Les textes législatifs sur le privilège parlementaire prévoient que les rapports se déroulent sans contrainte juridique pouvant autrement sembler applicable.
Par conséquent, nous devons obtenir les documents et pouvoir juger par nous-mêmes.
Le député de ajoute ceci:
Il n'est pas précisé que les articles 37 à 38.16, de la Loi sur la preuve au Canada doivent s'appliquer à la Chambre ou à ses comités et, par conséquent, ces dispositions ne doivent pas être interprétées comme s'appliquant aux délibérations des comités ou dérogeant au pouvoir exclusif d'un comité sur ses propres délibérations.
Enfin, si cela n'est pas suffisamment clair pour nos vis-à-vis, mais je sais que ça l'est pour nous, j'ajouterai une chose. Selon les principes du gouvernement responsable, aucune partie des responsabilités du gouvernement ne peut, par voie législative, être catégoriquement exclue de sa responsabilité constitutionnelle envers la Chambre et ses comités. Autrement, cela deviendrait rapidement une responsabilité partielle et, après quelques années, il n'y aurait plus aucun compte à rendre.
Je trouverais très inquiétant que le gouvernement n'ait aucun compte à rendre. Nous sommes très heureux qu'au Canada, nous ayons une opposition fonctionnelle et vivante qui veille au grain. Le rôle de l'opposition, des trois partis de l'opposition, c'est de garder le gouvernement sur le qui-vive. Nous savons qu'il y a des pays où l'opposition est davantage vue comme la mouche du coche. Je suis convaincu que les députés ministériels nous voient de temps à autre comme la mouche du coche, mais l'opposition doit garder le gouvernement sur le qui-vive.
Le droit d'ordonner la production de documents est prévu dans la loi. C'est ce que nous avons demandé. Le 25 novembre, nous avons déclaré que nous voulions voir les documents inaltérés. M. Walsh a à nouveau déclaré que si le comité demande les documents, il doit les obtenir. Malheureusement, nous sommes le 10 décembre et nous n'avons pas ces documents. Le gouvernement devrait respecter les règles. Il doit produire les documents demandés.
C'est préoccupant. Ce matin, un sondage indiquait que les Canadiens sont très préoccupés. Nous ne parlons pas uniquement en notre propre nom. Les Canadiens le comprennent. Les Canadiens comprennent l'importance de la question et ce qu'elle signifie pour le Canada aux yeux de la communauté internationale.
Sur le plan politique, c'est le gouvernement qui est responsable. C'est à lui de fournir l'information. Je suis sûr que si mes collègues d'en face étaient ici, et je le sais très bien parce que j'ai été à leur place, ils seraient en train de hurler que nous faisons de l'obstruction aux travaux d'un comité. En fait, le gouvernement fait de l'obstruction. Ce gouvernement sait très bien que nous n'avons pas accès à l'information dont nous avons besoin.
Évidemment, la protection des droits des détenus était un aspect de cette résolution. Nous en avons la responsabilité internationale au sein de l'OTAN. Nous ne pouvons pas sciemment détourner le regard. Mais ce que je crains profondément, c'est que le gouvernement cherche à regarder ailleurs et à passer à autre chose. C'est inacceptable.
Parmi nos objectifs en Afghanistan, en collaboration avec le ministère de la Justice et la Commission indépendante des droits de l'homme de l'Afghanistan, il y a la consolidation des droits de la personne. Nous voulons faire respecter la primauté du droit. Si nous ne faisons pas mieux que les Talibans, nous ne faisons pas notre travail. Mais, nous faisons beaucoup mieux qu'eux. Nous expliquons au gouvernement afghan ce qu'il doit savoir et comment il doit agir face à ce genre de problème. Quand j'étais à Kandahar et à Kaboul, j'ai vu de mes yeux l'instruction poussée qu'on donne aux policiers et aux soldats afghans.
Il y a malheureusement eu des violences. Un seul cas crédible, comme celui de juin 2006 dont nous avons maintenant la confirmation, signifie qu'il peut y en avoir d'autres. Jusqu'à avant hier, le gouvernement disait qu'il n'y en avait aucun. Il nous accusait de toutes sortes de choses. La réalité, c'est qu'un, c'est déjà trop. C'est évidemment très préoccupant et c'est pourquoi il faut lancer une enquête publique. Seule cette enquête sous la direction d'un juge ira au fond des choses parce que ce juge pourra obtenir toutes les informations nécessaires à son enquête.
Nous avons vu ce qu'il est advenu de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire: on l'a supprimée. Le gouvernement a lancé des enquêtes publiques sur d'autres questions, mais sur quelque chose d'aussi fondamental pour les Canadiens, d'aussi fondamental sur le plan des droits de la personne, d'aussi fondamental sur le plan du droit, il s'y oppose obstinément.
Après ce qui s'est passé hier, j'estime qu'il n'y a plus d'excuses. Fini le jeu de cache-cache. Fini l'obstruction. Il faut le faire. En fait, le Nouveau Parti démocratique a présenté une résolution en ce sens qui a été approuvée par la majorité des députés.
J'estime que tant que le gouvernement continuera à faire de l'obstruction, nous ne connaîtrons pas les faits. Il faut donc mener une enquête publique. Il faut le faire pour dissiper le malaise, il faut le faire pour les Canadiens.
:
Madame la Présidente, je vous remercie de me donner la parole.
[Traduction]
Je suis heureux de pouvoir participer à cet important débat sur un sujet dont on a beaucoup parlé ici, en comité et dans tout le pays. Je précise que je partagerai mon temps avec le .
J'interviens dans ce débat pour répéter clairement que la divulgation des documents réclamés — de l'information gouvernementale, des éléments juridiques et tout ce qu'on voudrait soumettre aux Canadiens — se fait dans le cadre d'un processus relevant du ministère de la Justice. C'est un processus indépendant de la politique.
Tout à l'heure, nous avons entendu le expliquer éloquemment et sans détour comment on censure les documents. Il a bien précisé que c'était un service public indépendant et non partisan de son ministère qui faisait ce travail.
Je tiens à dire officiellement et à répéter que les Canadiens doivent bien comprendre que la réputation de notre armée n'est nullement entachée. Au cours de cette mission, nos soldats n'ont en aucune façon dérogé à la conduite honorable qu'ils ont toujours eue au cours de notre histoire.
Ces Canadiens et Canadiennes, civils et militaires, font un travail exceptionnel avec un altruisme total. Ils continuent en ce moment même leurs efforts pour asseoir la sécurité et la paix en Afghanistan et permettre à ce pays, assiégé depuis des décennies, de progresser. Ils mettent en péril leur vie et leur famille. En ce moment de l'année tout particulièrement, nos pensées et nos prières sont avec eux à cet égard.
S'ils mettent leur vie en jeu, comme leurs collègues de 60 autres pays, dont nos partenaires de l'OTAN, c'est pour aider à faire de l'Afghanistan un pays stable et démocratique. C'est une tâche herculéenne. Notre souhait, c'est que les Afghans aient un jour un semblant de vie normale, c'est-à-dire qu'ils puissent profiter des droits et privilèges dont nous avons la chance de jouir au Canada: la stabilité, l'éducation, des soins de santé élémentaires, de l'emploi et la perspective d'un avenir meilleur.
Dans l'ensemble de la mission canadienne, le moins que le gouvernement puisse faire, c'est de voir à ce que nos dévoués militaires et les nombreux civils qui se trouvent sur le terrain pour construire ce pays puissent accomplir ce difficile travail de la façon la plus sécuritaire possible. Pour ce faire, nous devons leur fournir le matériel de protection pertinent. Notre gouvernement s'est toujours fait un devoir de le faire. Nous leur avons fourni le matériel de protection dont ils ont besoin, chars d'assaut, hélicoptères, véhicules aériens sans pilote et dispositifs permettant de détecter la présence sur les routes d'engins explosifs artisanaux qui ont causé la mort de bon nombre de personnes.
J'ai rencontré un jeune capitaine ce matin dans l'ascenseur au ministère de la Défense nationale. Il m'a dit que ses coéquipiers et lui avaient désamorcé plus de 800 de ces engins au cours du dernier mois. Il y a des actes d'héroïsme incroyables qui ont été accomplis dans ces régions, ce qui a certainement permis de protéger des gens à l'intérieur de l'Afghanistan.
Le gouvernement du Canada a l'obligation fondamentale de voir à ce que la vie des civils et des membres des Forces armées canadiennes en poste en Afghanistan ne soit pas mise davantage en danger et à ne pas créer des risques supplémentaires en transmettant des renseignements qui pourraient avoir une incidence sur la sécurité opérationnelle ou sur les relations avec nos alliés, les organisations internationales ou des sources confidentielles qui nous transmettent souvent des renseignements visant à nous aider à prévenir les attaques ennemies. La principale obligation du gouvernement est de protéger la vie de la population, y compris celle de nos militaires sur le terrain.
Nous faisons tout ce que nous pouvons pour éviter toute situation délicate en revoyant des milliers de documents dont certaines pages pourraient contenir des renseignements pouvant être utiles à l'ennemi. Ce sont des choses auxquelles les gouvernements doivent apporter beaucoup de soins. Ce sont des fonctionnaires spécialement formés qui ont un oeil pour les détails qui font ce travail qui ne relève pas du pouvoir politique.
Comme je l'ai déjà souligné plus tôt, l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada s'applique à toutes les affaires traitées par des institutions ayant le pouvoir d'exiger la production de données qui pourraient mettre en danger les relations internationales, la défense nationale ou la sécurité nationale. Nous continuerons de fournir tous les renseignements légalement disponibles au moment opportun et sur demande. Nous avons déjà fourni des documents et nous continuerons de le faire en respectant les dispositions de la loi.
[Français]
Les dispositions des lois, comme la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur l'accès à l'information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la protection de l'information que le Parlement a adoptées afin d'empêcher la divulgation publique de renseignements sensibles ou qui risquent de s'avérer néfastes, sont justifiées.
En effet, ces lois protègent la sécurité de notre pays, la sécurité des citoyens canadiens et la sécurité de nos représentants ainsi que des membres des Forces canadiennes qui travaillent à des endroits risqués afin de mettre nos valeurs en pratique. À n'en pas douter, tous les députés conviendront de l'importance des protections prévues. C'est pourquoi certaines conventions du Parlement reconnaissent leur nécessité.
[Traduction]
Lorsqu'on regarde les aspects légaux de ce dossier, il est clair que les tribunaux sont conscients de l'importance de ce genre de protections.
Pour mieux exprimer cet argument, j'aimerais utiliser un contexte différent du contexte parlementaire et parfois partisan dans lequel nous travaillons, et lire un extrait de l'arrêt de la Cour fédérale dans l'affaire Singh c. Procureur général. Dans sa décision, le juge Andrew MacKay, aucun lien de parenté avec moi, a déclaré ceci:
Les relations que le Canada entretient avec d’autres pays, notamment avec nos alliés, reposent sur l’échange de renseignements dans un but commun. Il existe un intérêt public lié à la nécessité de préserver la confiance des gouvernements étrangers de façon que les organismes canadiens, notamment ceux qui s’occupent de la sécurité, puissent continuer à recevoir en temps opportun d’autres organismes des renseignements susceptibles d’être pertinents pour le Canada. Par définition, un renseignement confidentiel est un renseignement qui est fourni avec l’assurance qu’il ne sera pas divulgué sans l’autorisation de la source ou de l’auteur. Si le Canada ne bénéficie pas de la confiance de ses alliés, il se peut que nos relations internationales et notre sécurité à l’étranger en souffrent. Le maintien de cette confiance constitue un intérêt public très important.
Le juge poursuit en disant ceci à propos de la sécurité nationale:
Afin de lutter efficacement contre le terrorisme et de participer à un effort global pour en limiter les effets, il est impérieux que le Canada préserve le caractère très confidentiel des enquêtes de nos services de sécurité, de leurs sources de renseignements, des technologies et techniques qu’ils utilisent et de l’identité de leurs employés, notamment de leurs informateurs. Les agences de sécurité canadiennes doivent préserver la confiance et maintenir la collaboration des organismes étrangers qui ont communiqué des renseignements confidentiels à nos services en étant convaincus que ces renseignements ne seraient pas divulgués. L’intérêt public lié au maintien du secret dans le contexte de la sécurité nationale est très important. Lors de l’évaluation des différents intérêts publics en jeu en l’espèce, seule une situation exigeant indéniablement et impérieusement la communication l’emporterait sur cet intérêt.
Tous les députés réfléchis à la Chambre, certainement ceux qui ont siégé au Cabinet et qui se retrouvent aujourd'hui dans l'opposition, souscrivent sûrement à ces propos.
Une affaire récente concernant une demande d'accès à l'information, dans laquelle le juge en chef Allan Lutfy a rendu un jugement en octobre dernier, constitue un autre exemple clair. Le demandeur voulait obtenir des renseignements précis au sujet de prisonniers détenus par les Forces armées canadiennes en Afghanistan: leurs noms, leurs numéros d'identification, des détails opérationnels, les circonstances de leur capture, et j'en passe. Le juge en chef a déclaré:
Je conclus que les renseignements en question [...] dont la nature des opérations et leur lieu, la date, l'heure et d'autres conditions entourant la capture des détenus. D'après le dossier que j'ai devant moi, je suis d'avis que la divulgation de ces renseignements en 2007 aurait pu aider les ennemis des Forces canadiennes en Afghanistan et aurait pu causer du tort aux membres des Forces canadiennes et à d'autres dans le pays et donc, avait de bonnes chances d'être préjudiciable à la défense du Canada ou de ses alliés au sens de l'article 15 de la loi. La décision du ministère de la Défense nationale, en 2007, de ne pas divulguer ces renseignements reposait donc sur des motifs raisonnables.
Il s'agit d'un avis partial émis par nos tribunaux et ce sont des renseignements supplémentaires qui devraient être pris en compte dans ce débat. En tant que parlementaires, nous devons assumer nos responsabilités et reconnaître qu'il est nécessaire de protéger les renseignements sensibles.
Le processus visé à l'article 38 de la Loi sur la preuve est un autre moyen utile pour décider quels sont les renseignements qui ne devraient pas être divulgués. En clair, il n'y a pas de mécanisme pour protéger l'information qui est préjudiciable à notre sécurité nationale, à notre défense nationale, à nos relations internationales et les renseignements divulgués en comité.
C'est pour cela que nous continuerons à suivre ce processus. La loi existe avant tout pour garantir le sécurité de nos hommes et femmes en uniforme et des civils qui servent si vaillamment en Afghanistan et dans d'autres endroits dans le monde. J'espère que les députés vont prendre cette question au sérieux et n'adopteront pas cette motion, afin de protéger la vie de ces hommes et femmes et la vie de leurs familles.
:
Madame la Présidente, vous ne serez pas étonnée d'apprendre que je ne peux appuyer la motion dont la Chambre est saisie.
Le gouvernement a de bonnes raisons d'avoir pris les mesures qu'il a prises par rapport aux documents, nommément la protection de la sécurité de nos hommes et femmes en uniforme, de leurs collègues civils, des autres organismes et ministères gouvernementaux ainsi que la protection de nos partenaires et alliés. Malheureusement, il est trop facile d'exiger la production de documents comme si leur divulgation n'avait aucune incidence dans le monde à l'extérieur de notre enceinte.
Les Forces canadiennes, en collaboration avec plus de 60 autres pays et organisations internationales dans le cadre d'une mission mandatée par l'ONU et dirigée par l'OTAN, font partie intégrante de l'équipe canadienne pangouvernementale en Afghanistan et jouent un rôle de leader afin d'obtenir de réels résultats.
Il y a plusieurs années, quand nos soldats ont été déployés en Afghanistan pour la première fois, nous savions que ça n'allait pas être facile. Après tout, c'est un pays qui connaît la guerre et le chaos depuis des décennies. Son gouvernement était incapable d'offrir les services les plus essentiels. Encore aujourd'hui, l'insurrection est impitoyable. Les talibans lancent des attaques et des attentats suicide avec des bombes artisanales et des voitures piégées. Ils profèrent des menaces et pratiquent l'intimidation, ce qui peut avoir un effet dévastateur. Malheureusement, nos progrès en Afghanistan nous coûtent très cher.
Jusqu'à présent, le Canada a perdu 133 militaires dévoués, un diplomate et deux travailleurs humanitaires. Nos compatriotes blessés ou tombés au combat venaient d'endroits comme Mill Cove, Montréal, Fredericton, Conception Bay, Thunder Bay, Victoria, Iqaluit et Edmonton. Ils ont changé le cours des choses dans des endroits comme Panjwai, Daman, Spin Buldak, Ghorak, Khakrez et Kandahar.
Ils laissent derrière eux un message d'espoir et de confiance au peuple afghan, message prononcé haut et fort par les plus de 2 800 hommes et femmes qui participent encore aux opérations. C'est leur courage, leur dévouement et leur altruisme qui font toute la différence. Ces qualités ont établi et renforcé la réputation des Forces canadiennes en tant qu'une des meilleures forces armées au monde.
Nous attendons d'elles qu'elles respectent les normes de conduite professionnelle les plus strictes et elles ne nous déçoivent jamais dans toutes les missions dans lesquelles elles suent sang et eau. En Afghanistan, elles défendent les valeurs fondamentales auxquelles nous croyons tous et que nous défendons tout les jours à la Chambre, comme la liberté, la démocratie et la primauté du droit, valeurs pour lesquelles des générations de Canadiens portant fièrement la feuille d'érable se sont battus et ont donné leur vie.
Au mépris du danger, nos hommes et femmes en uniforme nous ont permis de respecter notre engagement envers la communauté internationale, notre promesse envers les Afghans. Nous offrons à ces derniers la dignité, la sécurité, la justice et un avenir meilleur.
Les Forces canadiennes assurent la protection essentielle à la création de l'environnement sécuritaire qui est nécessaire pour que la gouvernance, le développement humanitaire et la formation des forces militaires et policières deviennent des réalités. À cette fin, nous collaborons avec les Afghans, parce qu'il s'agit de leur pays.
Il est clair depuis le début qu'une force de sécurité nationale afghane bien entraînée et bien équipée est indispensable afin que le gouvernement afghan assume de plus en plus la responsabilité de sa sécurité et de son développement. Grâce aux Forces canadiennes, les forces de sécurité nationales afghanes se développent au niveau de la confiance, du nombre et des capacités.
Nous avons connu de très beaux succès par le truchement de notre équipe de mentorat opérationnel et de liaison. À l'heure actuelle, les hommes et les femmes qui portent l'uniforme et qui font partie de cette équipe encadrent cinq bataillons de l'armée afghane et leur état-major. Nous avons aussi des formateurs et des mentors, qui sont des civils ou des membres de la police militaire, et qui soutiennent la réforme de la police nationale afghane.
Grâce au soutien des Forces canadiennes, l'armée nationale afghane qui, il y a quelques années, était chancelante, est devenue une force crédible. Ses progrès ont été impressionnants. En fait, les forces afghanes mènent maintenant plus des deux tiers des opérations de combat à Kandahar et dans les environs.
Les progrès accomplis permettent aux Afghans d'assumer des pouvoirs. Ils leur permettent d'aller au delà des préoccupations liées à la sécurité, de reconstruire leurs écoles et leurs routes, et de reconquérir le sentiment de fierté qu'ils éprouvent à l'égard de leur pays. Même si les progrès peuvent sembler lents, ils se réalisent et ils influent favorablement sur la vie quotidienne des Afghans.
L'objectif ultime est d'aider à créer un pays mieux gouverné, plus pacifique et plus sûr pour les Afghans. C'est là un objectif que les Forces canadiennes et, en fait, le gouvernement dans son ensemble, aident à concrétiser.
Ceci m'amène à parler de notre responsabilité ici, chez nous.
Premièrement, et contrairement à quelques remarques faites plus tôt par des députés d'en face, le gouvernement n'a pas autorisé de fuites de documents à quelque média que ce soit. Le gouvernement du Canada a l'obligation morale et le devoir d'éviter de créer des risques additionnels pour la vie des membres des Forces canadiennes en Afghanistan, par exemple en divulguant des renseignements qui peuvent être liés à la sécurité opérationnelle. En vertu de la loi, nous sommes tenus de protéger les renseignements sensibles qui ont trait aux relations internationales, à la défense nationale ou à la sécurité nationale, que ces renseignements soient sous forme écrite ou orale.
Madame la Présidente, je suis certain que vous conviendrez qu'il ne s'agit pas ici de faire de la petite politique. Il s'agit de protéger la vie de nos partenaires et de nos alliés. Il s'agit de protéger les relations avec nos partenaires en Afghanistan, qui sont tellement importantes pour mener à bien notre mission.
Ce sont des fonctionnaires indépendants et non partisans qui ont la responsabilité de protéger ou de divulguer des informations sensibles. Ce sont ces fonctionnaires qui examinent les passages que veulent censurer les ministères. C'est à eux de trouver l'équilibre entre divulgation et non divulgation dans l'intérêt du public, et cela se fait sans intervention politique.
Au fond, ce que nous essayons de faire, c'est de préserver la confiance et le respect que nous avons durement gagnés auprès de nos alliés et d'éviter que la vie de gens honorables ne soit menacée par la divulgation d'informations à caractère sensible.
Si la Chambre agit de façon irresponsable, nous risquons de déroger à ce devoir, songeons-y. Nous avons des soldats et des civils canadiens, des Afghans qui travaillent pour nous, certains en prenant des risques énormes, et des traducteurs. Les Afghans qui nous servent d'interprètes sont les gens les plus menacés de tout le pays.
Nous pouvons être certains qu'Al-Qaïda et les talibans écoutent chaque jour ce qui se passe au Canada. Ils sont probablement en train de nous écouter aujourd'hui. Ce sont peut-être des assassins et des terroristes, mais ils ne sont pas idiots et ils savent mener leurs opérations. Ils sont à l'écoute.
Si nous trahissons la confiance de nos hommes et de nos femmes en uniforme, de nos alliés et des gens qui comptent sur nous, qui nous fera confiance à l'avenir? Si nos soldats canadiens ou les gens qui nous font confiance meurent parce que nous avons divulgué des informations ou parce que nous ne pouvons pas obtenir des informations d'organisations telles que la Croix-Rouge pour les protéger, j'espère que les députés d'en face en assumeront la responsabilité.
Je sais que les Canadiens comprennent le sacrifice et l'engagement profond de nos forces en Afghanistan, la noble tâche qu'elles accomplissent pour consolider notre vision d'un Canada qui tient fièrement son rang sur la scène internationale, et le fait que nos forces armées sont parmi les meilleures et les plus respectées au monde.
Nous avons toutes les raisons d'être fiers de ce qu'accomplissent nos troupes en repoussant les insurgés et en plantant les graines du développement et du bon gouvernement, les graines d'un avenir positif pour l'Afghanistan.
Après tout ce qu'ils ont sacrifié et accompli pour le Canada, ces courageux militaires méritent que nous restions vigilants pour qu'ils puissent continuer à atteindre les objectifs que nous leur avons fixés.
Nous nous engageons aujourd'hui sur une pente très savonneuse. J'ai porté pendant 31 ans l'uniforme de la force régulière et j'ai été 5 ans colonel honoraire. Je peux affirmer à la Chambre que les hommes et les femmes des Forces canadiennes savent très bien où sont leurs amis dans ce Parlement. Ce sont les gens de ce côté-ci de la Chambre, je le sais parce que je leur parle tous les jours. Je ne m'attends pas...