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Monsieur le Président, j'ai le plaisir de prendre la parole au nom du Bloc québécois sur le projet de loi , loi réformant la sécurité des peines d'emprisonnement pour les crimes les plus graves et dont l'objectif est de restreindre la possibilité, pour les personnes reconnues coupables de trahison et de meurtre, de bénéficier d'une libération conditionnelle anticipée. Dans un premier temps, je ferai l'histoire du régime de la dernière chance, avant de parler de la procédure actuelle qui régit ce dernier et des changements proposés par le projet de loi C-36.
Le projet de loi concerne le régime de la dernière chance que l'on veut modifier. En 1976, la peine de mort a été abrogée et le meurtre a été reclassé en tant que meurtres au premier et au deuxième degrés. Les deux sont punissables de l'emprisonnement à perpétuité, mais comportent des délais préalables différents pour la libération conditionnelle. Pour le meurtre au premier degré, le meurtrier doit avoir purgé au moins 25 ans de la peine imposée. Dans le cas du deuxième degré, il doit avoir purgé au moins 10 ans de la peine, sauf dans les cas suivants: quand il s'agit d'un meurtre ou d'un meurtre intentionnel en vertu de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, le délai sera automatiquement de 25 ans; et quand, compte tenu de la nature de l'infraction, des circonstances entourant sa perpétration et toute recommandation faite par le jury, le juge établit un délai se situant entre 10 et 25 ans.
Le régime de la dernière chance, qui se trouve maintenant à l'article 745.6 du Code criminel, a été adopté en 1976 pour permettre à ceux qui avaient déjà purgé au moins 15 ans d'une peine d'emprisonnement à perpétuité de présenter une demande de réduction du délai préalable à la libération conditionnelle. Il y avait trois buts principaux: offrir un certain espoir pour les contrevenants qui faisaient preuve d'une capacité importante de réadaptation, motiver la bonne conduite en prison et reconnaître qu'il n'était pas dans l'intérêt public de poursuivre l'incarcération de certains contrevenants au-delà d'une période de 15 ans. Il s'agissait des principes de l'époque.
Selon la procédure initiale, le contrevenant devait présenter au juge en chef de la province où le meurtre avait été commis une demande de réduction du délai préalable à la libération conditionnelle imposé au moment de la détermination de la peine. Ensuite, le juge en chef devait nommer un juge de la Cour supérieure chargé de constituer un jury composé de 12 citoyens pour entendre la demande. Si les deux tiers du jury étaient d'accord, le délai pouvait être réduit. À l'expiration du nouveau délai, le contrevenant pouvait présenter une demande de libération conditionnelle directement à la Commission nationale des libérations conditionnelles.
En 1997, il y a eu d'importantes modifications au régime de la dernière chance. Premièrement, la procédure a été changée pour empêcher les auteurs de meurtres multiples de présenter une demande si l'un des meurtres avait été commis après la date d'entrée en vigueur du projet de loi. Deuxièmement, ces modifications exigeaient que le juge en chef fasse une révision préliminaire en examinant chaque dossier afin d'écarter les demandes qui ne présentaient pas une possibilité réelle de réussite avant de constituer un jury. Finalement, ces modifications exigeaient l'unanimité du jury pour que le délai en question puisse être réduit.
En 1999, le code a été modifié de nouveau en ajoutant l'article 745.01 selon lequel un juge, lorsqu'il impose la peine, est tenu de faire une déclaration pour le bénéfice des familles et des proches des victimes concernant l'existence et la nature du régime de la dernière chance.
La procédure actuelle du régime de la dernière chance comporte trois étapes: l'examen par le juge, l'approbation unanime du jury et la présentation de la demande à la Commission nationale des libérations conditionnelles.
Premièrement, le requérant doit convaincre le juge en chef, ou un juge désigné, dans la province de la condamnation qu'il existe une possibilité réelle que la demande soit accueillie. Si le requérant échoue et si le juge n'interdit pas la présentation d'une nouvelle demande, il peut présenter une nouvelle demande après deux ans, à moins que le juge ne fixe un délai plus long pour la présentation d'une nouvelle demande. Deuxièmement, le requérant doit convaincre un jury composé de 12 citoyens de décider à l'unanimité de réduire le délai préalable à la libération conditionnelle.
Dans un premier temps, il faut savoir s'il se qualifie et l'on doit donc s'adresser à un juge. Si le juge conclut qu'il n'y a aucune possibilité que la demande soit accueillie, il lui retire le droit. S'il lui donne ce droit, le criminel doit présenter sa demande à titre de requérant à un jury composé de 12 citoyens.
Le jury doit adopter à l'unanimité la décision de l'autoriser à une libération conditionnelle. Si le jury refuse sans interdire la présentation d'une nouvelle demande, une autre demande pourra être présentée après deux ans ou dans un délai plus long fixé par le jury. Par contre, si le jury accepte, il doit fixer un nouveau délai réduit.
Troisièmement, au terme du nouveau délai fixé par le jury, le requérant pourra présenter une demande à la Commission nationale des libérations conditionnelles.
Voyons ce qu'il en est du taux de succès de l'application du régime de la dernière chance. En date du 9 avril 2009, des 265 demandes présentées, 140 requérants avaient obtenu une réduction du délai préalable à la libération conditionnelle. La Commission nationale des libérations conditionnelles a accordé une libération conditionnelle à 127 requérants, dont 13 sont par la suite retournés en prison, 3 ont été déportés, 11 sont décédés, 1 était en liberté sous caution, 1 était en détention provisoire et 98 respectaient les conditions de la libération conditionnelle.
À l'heure actuelle, plus de 4 000 prisonniers sont emprisonnés à perpétuité au Canada. En date du 9 avril 2009, 1 001 prisonniers étaient susceptibles de demander d'être admissibles à une libération conditionnelle anticipée. Parmi ceux-ci, 459 avaient déjà accompli au moins 15 ans de leur peine et pouvaient donc présenter une demande; 542 contrevenants n'avaient pas encore atteint la barre des 15 ans, mais pourront présenter une demande dans le futur. En moyenne, chaque année, il deviendra possible pour 43 de ces 1 001 contrevenants de présenter une demande.
Le projet de loi propose des changements. En bref, il propose de faire deux choses principales. Premièrement, il propose de supprimer entièrement, à partir de la date d'entrée en vigueur de la modification, le droit de tous les délinquants reconnus coupables de meurtre au premier et au deuxième degré ou de haute trahison de présenter une demande de libération conditionnelle anticipée. On supprimerait donc entièrement, à partir de la date d'entrée en vigueur du projet de loi, le droit pour des délinquants reconnus coupables de meurtre au premier ou au deuxième degré ou de haute trahison, de présenter une demande.
Deuxièmement, le projet de loi propose de resserrer les conditions applicables à une telle demande pour tous les délinquants reconnus coupables de meurtre au premier et au deuxième degré ou de haute trahison avant la date d'entrée en vigueur de la modification, y compris tous ceux qui purgent actuellement une peine.
Le resserrement dont j'ai parlé comporterait quatre modifications à la procédure actuelle du régime. Premièrement, un resserrement du critère de sélection lors de la révision judiciaire est prévu. Un contrevenant devrait convaincre le juge, selon la prépondérance des probabilités, qu'il y a une probabilité marquée que sa demande sera accueillie.
Deuxièmement, une période minimale obligatoire de cinq ans s'appliquerait au requérant dont la demande a été rejetée avant qu'il puisse présenter une nouvelle demande. Bref, la période minimale actuelle de deux ans passerait à cinq ans.
Troisièmement, il y aurait une nouvelle période d'attente de cinq ans au cours de laquelle un contrevenant ne pourrait pas présenter une demande s'il n'a pas présenté de demande au juge au cours de la nouvelle période limite de trois mois.
Quatrièmement, on instaure une nouvelle période limite de trois mois, c'est-à-dire une fenêtre de 90 jours, avant qu'un contrevenant puisse présenter une demande ou une nouvelle demande: à compter de la date d'entrée en vigueur de la modification pour les 459 contrevenants qui sont actuellement admissibles à présenter une demande; au terme de 15 ans de détention pour les 542 contrevenants qui deviendront admissibles à présenter une demande; au terme d'une période d'attente prolongée de cinq ans pour les requérants qui présentent à nouveau une demande; et au terme d'une période d'attente de cinq ans pour ceux qui n'auront pas présenté de demande au cours de la période limite de trois mois.
Quelle position le Bloc québécois veut-il défendre tout au long de l'étude de ce projet de loi? Le projet de loi porte sur les crimes les plus graves, notamment le meurtre prémédité, qui ont des conséquences les plus importantes sur les victimes et qui marquent la population. Ces crimes les plus graves méritent les sanctions les plus graves et sont donc passibles d'un emprisonnement à perpétuité. Des peines trop peu sévères ou des libérations conditionnelles trop laxistes, au sixième de la peine par exemple, minent la crédibilité du système judiciaire et alimentent le sentiment que les criminels sont mieux traités que les victimes. Mais le Bloc québécois estime aussi que la punition ne doit pas devenir le seul objectif du système judiciaire, au détriment de la réinsertion et de la réhabilitation.
Or, la libération conditionnelle, même celle des meurtriers, est une étape importante dans leur processus de réinsertion et de réhabilitation puisqu'ils finissent, un jour ou l'autre, par revenir au sein de la société. À ce moment-là, il est crucial que ceux-ci aient bénéficié des outils les mieux adaptés pour leur réintégration dans la société et que celle-ci se fasse d'une manière sécuritaire pour les citoyens.
Le projet de loi , qui porte spécifiquement sur la libération conditionnelle, a des conséquences sur la réinsertion et la réhabilitation des criminels touchés et ces effets risquent d'être complexes.
C'est avec cette volonté de faire le tour de la question que le Bloc québécois entend examiner le projet de loi en comité même si, de prime à bord, nous avons plusieurs réticences concernant ce projet de loi.
Car des questions demeurent. Les raisons pour laquelle la clause de la dernière chance a été instaurée sont-elles toujours valables? La disposition de la dernière chance, qui permet d'accélérer la libération conditionnelle des meurtriers, leur donne une raison de bien se conduire en prison. Qu'en sera-t-il si elle est abolie? Accentuera-t-elle le danger des agents correctionnels qui feront face à des gens qui n'ont plus rien à perdre?
Le projet de loi sonnera-t-il le glas des cas de réhabilitation qui ont été des succès? Il y a des exemples comme celui de Michel Dunn. C'est un avocat qui a tué un collègue, mais qui a profité de la clause de la dernière chance et qui est devenu un intervenant accompagnateur qui aide les criminels à réintégrer la société. Cela sera-t-il uniquement une chose du passé? Il faut se souvenir qu'il avait été condamné à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle avant 20 ans pour meurtre. Il s'est bien conduit. Il a été réintégré et maintenant il aide les prisonniers.
Le Bloc québécois compte bien profiter de l'étude pour soulever ces questions et obtenir des réponses qui permettront d'éclairer le débat. Ce n'est qu'après cela que nous pourrons prendre position de façon définitive.
Les crimes les plus graves du Code criminel sont susceptibles de conduire à une peine de prison à perpétuité. Pour certains crimes comme la trahison et le meurtre, la prison à perpétuité est la seule peine prévue. C'est une peine minimale.
Il existe plusieurs catégories d'homicides: meurtre, homicide involontaire coupable et infanticide. Le meurtre est la catégorie la plus grave d'homicides. Il s'agit d'une action commise avec l'intention de tuer ou de causer des blessures mortelles ou encore de commettre une action illégale sachant qu'elle est de nature à causer la mort.
Il existe deux types de meurtres: le meurtre au premier et celui au deuxième degré. Le meurtre au premier degré est le meurtre commis avec préméditation et de propos délibéré. C'est un meurtre planifié, par exemple.
D'autres types de meurtres sont automatiquement assimilés au meurtre au premier degré par le Code criminel. C'est le cas notamment du meurtre d'un agent de police, d'un agent de prison, ou encore lorsque les meurtres surviennent alors que l'individu commet un détournement d'avion, une agression sexuelle ou encore une prise d'otage.
L'homicide involontaire coupable, quant à lui, survient quand il n'y a pas d'intention de tuer, mais qu'il y a négligence. Tirer un coup de feu à travers une haie sans se soucier s'il y a quelqu'un de l'autre côté est un exemple.
Le Code criminel est clair: quiconque commet un meurtre au premier degré ou au deuxième degré est coupable d'un acte criminel et doit être condamné à l'emprisonnement à perpétuité.
Seul le délai avant lequel une personne peut accéder à la libération conditionnelle peut varier selon qu'il s'agisse d'un meurtre au premier degré ou au deuxième degré.
Quant à l'homicide involontaire coupable, la peine est l'emprisonnement à perpétuité, mais il n'y a pas de période minimale pour fixer la période d'accessibilité à la libération conditionnelle. Ce sont donc les règles régulières qui s'appliquent.
Il faut revenir sur ce qu'on appelle la disposition de la dernière chance. C'est important dans le débat actuel. On a vu tantôt, grâce à l'historique que j'ai présenté, que plusieurs modifications ont eu lieu au cours des années. De plus en plus, on a tendance à rendre plus difficile l'accès à la libération conditionnelle. Ça va, le Bloc québécois n'est pas contre cette façon de voir. Toutefois, une des raisons pour lesquelles des criminels ont accès à la libération conditionnelle, c'est pour que leur comportement en prison soit dans un certain sens récompensé. Il est un peu difficile de récompenser des criminels. Toutefois, les travailleurs et les agents correctionnels qui ont à travailler avec les criminels ont besoin que la loi appuie un peu leurs actions.
Une façon d'y arriver, c'est d'encourager les criminels à bien se comporter. Or, la libération conditionnelle fait partie de cet encouragement. Il faut donc s'assurer que les criminels, qui veulent se réinsérer et qui travaillent fort même en prison pour améliorer leur situation, puissent voir une certaine porte de sortie, parce que de toute façon, les criminels vont sortir de prison.
Une fois que la peine de 25 ans est purgée, même si on abolissait les libérations conditionnelles, le criminel, cet individu, aura purgé sa peine et sera réinséré dans la société. Il faut donc être capable de s'assurer qu'on lui donne le soutien et la réhabilitation nécessaires pour qu'il devienne un bon citoyen une fois qu'il sera réinséré dans la société.
C'est avec cela qu'il faut conjuguer quand on analyse le projet de loi , et c'est pourquoi il faut poser toutes les questions nécessaires et s'assurer que toutes les analyses approfondies ont été faites.
J'ai cité le cas de Me Dunn qui, effectivement, a été un meurtrier, mais qui s'est très bien réinséré. La libération conditionnelle lui a permis véritablement de devenir un meilleur citoyen et de réintégrer la société. Il est devenu un intervenant auprès des criminels et aide d'autres criminels à réintégrer la société. C'est un bel exemple. Maintenant, est-ce qu'un projet de loi comme celui qui est déposé peut annuler toutes les améliorations ou tout le bon travail qu'auraient fait des criminels en prison? C'est ce qu'il faut analyser.
Le principe du tough on crime n'est pas la philosophie du Bloc québécois ni notre idéologie, et ce n'est même pas la philosophie que nos ancêtres ont défendue au cours des années.
Pourquoi a-t-on un système de justice avec un juge et avec la possibilité d'avoir un jury? C'est pour que la meilleure peine pour le crime commis soit toujours appliquée. Tel est le résultat. Quand on essaie de remplacer le système judiciaire par des peines minimales et qu'on essaie de remplacer tout le système judiciaire que se sont donnés nos ancêtres pour avoir la société qu'on a aujourd'hui, il faut toujours se questionner.
Souvent, c'est parce que c'est facile politiquement. Ce sont de bonnes décisions et les médias sont omniprésents. Souvent, pour des raisons purement publicitaires, ils grossissent certains événements. Évidemment, cela leur fait vendre des copies et cela fait écouter des nouvelles, sauf qu'il faut comprendre qu'un équilibre est nécessaire et que le système de justice a toujours assuré cet équilibre. Encore une fois, c'est ce que nos ancêtres ont voulu.
Il y a beaucoup d'autres systèmes de justice à travers le monde. Ce n'est pas celui-là qu'ont choisi nos ancêtres. On essaie d'enlever ce système de justice basé sur des juges qui sont des personnes indépendantes et où il y a un système avec un jury composé de citoyens qui jugent leurs pairs. Nous nous sommes dotés de ce système. À mon avis, on fait fausse route chaque fois qu'on tend, à cause d'événements médiatiques, à modifier tout le système judiciaire en se disant qu'on va imposer des peines minimales et abolir complètement le système de libération conditionnelle sans tenir compte des avantages que ce système a donnés par le passé.
Je posais la question à l'un de mes éminents collègues, un avocat criminaliste, à savoir s'il déposait des demandes de modifications législatives au gouvernement. Est-ce que le Barreau fait cela? Cela arrive à l'occasion. Des réformes sont faites, mais la plupart du temps, ce sont des politiciens qui décident, pour des raisons partisanes, de déposer des modifications au Code criminel parce qu'une paix politique les attend au bout.
Encore une fois, c'est dangereux pour le système démocratique dont on s'est doté. Finalement, tout le système de justice fait partie de notre système démocratique. Lorsqu'on décide de remplacer les juges en incluant des peines minimales partout dans le Code criminel parce qu'on trouve que chaque fois qu'un média nous sort un exemple cela n'a pas d'allure, souvent, il faut se dire que le cas mis au jour par le média est un cas extrême.
Le système de justice a évidemment besoin d'un équilibre. C'est pour cela que le signe de la justice est la balance. On recherche un équilibre. C'est vrai qu'on peut parfois commettre des erreurs.
Souhaitons-nous que des innocents paient pour quelques erreurs que l'on aurait commises? Voilà ce à quoi le Bloc québécois s'opposera toujours farouchement. Ce n'est pas le type de société que nos ancêtres nous ont léguée. On est en train de changer le cours de l'histoire parce que, quelque part, des politiciens ont décidé qu'être tough on crime était payant. Ils ont regardé ce qui se passait chez les Républicains aux États-Unis qui ont rempli les prisons pour que les gens se sentent plus en sécurité. Or le résultat est complètement à l'opposé. Il y a plus de criminalité par habitant aux États-Unis qu'au Canada. Le Québec, qui pousse la réinsertion, est l'endroit en Amérique du Nord où il y a le moins de criminels. Voilà la réalité.
Le Bloc québécois sera responsable. Avec le projet de loi , il essaiera d'emprunter une attitude équilibrée pour avoir un système de justice à l'image de nos ancêtres.
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Monsieur le Président, je remercie les députés de m'accorder cela.
J'interviens aujourd'hui au sujet du projet de loi , qui a trait à la clause de la dernière chance. Elle porte bien son nom. En effet, lorsqu'on prend connaissance du processus que le délinquant, la personne incarcérée, doit suivre pour présenter une demande à cet égard, on voit qu'il est très rigoureux.
Je me suis renseignée sur le site web du ministère de la Justice. Permettez-moi donc d'en citer un extrait, qui concerne le processus que doit suivre le délinquant:
Dans le cadre de sa demande, le délinquant doit d’abord convaincre un juge qu’il aurait une possibilité réelle que la demande soit accueillie par un jury, qui doit décider à l’unanimité de réduire le nombre d’années d’emprisonnement que le délinquant doit purger avant d’être admissible à une libération conditionnelle. Le délinquant doit ensuite convaincre le jury qu’il devrait pouvoir présenter une demande anticipée de libération conditionnelle à la CNLC. Enfin, le délinquant doit convaincre la CNLC qu’il ne représentera vraisemblablement pas une menace pour la sécurité du public s’il est libéré.
Si la libération conditionnelle est accordée, le délinquant demeure sous surveillance pendant toute sa vie sauf si la libération conditionnelle est révoquée, auquel cas le délinquant retourne en prison. Le délinquant peut aussi être renvoyé en prison s’il viole les conditions de sa libération conditionnelle ou s’il est déclaré coupable d’une nouvelle infraction.
Maintenant, pour ce qui est des faits qui nous concernent, depuis 1997 et en date d'avril 2009, 991 délinquants ont été jugés admissibles à la demande de révision judiciaire dont je viens de parler. Parmi ceux qui l'étaient, 174 ont fait l'objet de décisions d'un tribunal, et 144 d'entre eux sont devenus admissibles à une libération conditionnelle anticipée et, de ce nombre, 131 ont obtenu la libération conditionnelle. Nous constatons donc que la disposition actuelle concernant la clause de la dernière chance est très exigeante et rigoureuse pour ce qui est des critères qu'elle impose à la personne qui s'apprête à se soumettre aux diverses révisions judiciaires avant de se présenter devant la Commission nationale des libérations conditionnelles.
Tout cela est très justifié, puisqu'il est question de crimes très graves. J'endosserais certainement les observations de mon collègue du Bloc, qui a parlé du système de justice dans son ensemble. Comme parlementaires, nous avons la responsabilité de veiller à ce que notre système de justice soit équitable et équilibré et, certainement, à ce qu'il comporte un volet de réadaptation.
Je dois dire que le NPD est profondément préoccupé par ce projet de loi, puisqu'il vise à éliminer la clause de la dernière chance et qu'il menace sérieusement, à notre avis, l'équilibre et l'équité de notre système de justice. En fait, comble de l'ironie, les documents rendus publics par Bibliothèque et Archives Canada il y a quelques jours, des documents secrets du Cabinet datant de 1976, montrent que le premier ministre de l'époque, Pierre Elliott Trudeau, « était fortement opposé au retrait de cette disposition [la clause de la dernière chance], affirmant que les mesures législatives proposées » — le produit de divers compromis visant à gagner l'appui de la population et à damer le pion aux conservateurs et à leur programme de lutte contre la criminalité — « étaient déjà assez “préhistoriques” sans qu'on accentue leur caractère répressif ».
Cette citation est tirée d'un document du Cabinet de 1976. Plus ça change, plus c'est pareil: un gouvernement conservateur obnubilé par son programme de lutte contre la criminalité qui ne s'adresse qu'à une base électorale très restreinte. Le NPD prend cela très au sérieux. Nous avons la responsabilité de représenter l'ensemble du système. Nous avons la responsabilité d'en défendre l'équité et l'équilibre.
La clause de la dernière chance ne jouit peut-être pas de la faveur populaire. Il y a des cas évidents où elle a pu profiter à des criminels endurcis ou très violents, mais la raison d'être de cette disposition est de laisser un faible espoir aux criminels pour qui une remise en liberté graduelle, après qu'ils aient purgé une partie de leur peine et fait l'objet de mesures de réadaptation, pourrait être quelque chose de bénéfique.
Voici un passage d'un document sur la libération graduelle publié en 2007 par la Société John Howard du Canada, où il est question d'équilibre, de libération conditionnelle et de libération anticipée:
Toutefois, la recherche montre clairement que ceux qui participent à de bons programmes de libération graduelle ont moins tendance à récidiver que ceux qui ne participent pas à de tels programmes. Cette tendance est encore plus marquée chez les délinquants à risque élevé.
Et le document ajoute:
S'ils sont bien gérés, les programmes de mise en liberté graduelle sont la meilleure méthode connue pour réduire la récidive. Le fait d'omettre d'inscrire les détenus à ces programmes augmente les risques pour la collectivité et c'est contraire à l'objet de la Loi.
D'une part, nous examinons en ce moment le point de vue politique présenté par le Parti conservateur, dans le cadre de cette stratégie consistant à mettre en place des lois de plus en plus sévères, notamment en se débarrassant de la clause de la dernière chance, sans reconnaître les dommages ainsi causés à notre système judiciaire.
Nous devons préserver un système judiciaire juste et équilibré qui met également l'accent sur la réhabilitation. Autrement, nous remettrons en liberté des gens qui continueront de présenter un risque élevé de récidive. Je pense que s'il y a une chose dont nous conviendrons, c'est que la sécurité de nos collectivités locales est notre objectif ultime. C'est pourquoi ce qu'il advient de ces contrevenants est vraiment important et ne peut simplement être considéré comme un enjeu de campagne électorale ou un prétexte à débat politique, comme cela s'est si souvent produit pour les projets de loi dont nous avons été saisis.
Je sais que notre caucus, le caucus néodémocrate, entretient de sérieuses réserves au sujet de ce projet de loi. Nous estimons que la clause de la dernière chance a son utilité. C'est une disposition très difficile à mettre en oeuvre, mais elle existe pour les occasions où elle nécessaire, notamment lorsqu'une révision judiciaire ou un processus complet permettent de démontrer que, dans certaines circonstances, il est justifiable de permettre une libération conditionnelle anticipée en vue d'une réintégration progressive dans la société, et cela est dans le meilleur intérêt de la société.
Nous sommes également très préoccupés au sujet des droits des victimes. En vertu de la procédure actuelle, les familles et les victimes subissent une pression énorme, compte tenu du grand nombre de fois où elles ont à comparaître lorsqu'une demande de révision judiciaire est présentée. Nous allons donc proposer des amendements au projet de loi et notre porte-parole en matière de justice, le député de , prendra la parole un peu plus tard aujourd'hui pour parler de certains problèmes que nous avons relevés et de nos préoccupations à l'égard du projet de loi.
Nous permettrons le renvoi de ce projet de loi au comité afin de pouvoir faire adopter certains de ces amendements. Toutefois, nous nous opposons vivement à ce projet de loi pour ce qu'il propose et pour les conséquences qu'il aurait pour notre système de justice et je crois que nous devrions pouvoir en parler en toute honnêteté. Malheureusement, une partie importante de ce débat a maintenant été ramenée à son plus bas niveau, celui de la propagande politique et de l'approche idéologique du gouvernement conservateur. Les néo-démocrates ne sont pas prêts à s'engager dans une telle politisation de notre système de justice. Nous ne sommes pas prêts à amoindrir l'équilibre que nous tentons d'atteindre au sein du système judiciaire. Nous trouvons donc très offensant que le gouvernement conservateur adopte si souvent une telle approche.
En fait, il est un peu paradoxal de constater que, d'un côté, notre gouvernement a présenté je ne sais combien de projets de loi jusqu'à maintenant. Je dirais plus d'une douzaine de ces projets de loi modificatifs fragmentaires en matière de justice pénale.
Je trouve donc paradoxal que les conservateurs agissent ainsi d'un côté, qu'ils s'en vantent et en fassent tout un plat, alors que, de l'autre côté, lorsqu'ils reçoivent un ordre du tribunal qui les enjoint de respecter la loi adoptée, ils refusent de le faire.
Même aujourd'hui, la veille du jour où la décision doit entrer en vigueur, le gouvernement refuse toujours de s'y conformer. Nous pouvons aussi regarder ce qui se passe du côté de la bataille pour le maintien des centres Insite dans le quartier Downtown Eastside à Vancouver où le gouvernement refuse toujours de respecter les décisions rendues par les tribunaux ou d'exempter la marijuana offerte à des fins thérapeutiques.
Je trouve tout à fait paradoxal que d'un côté les conservateurs se pressent de présenter tous ces amendements, mais que de l'autre ils estiment qu'ils sont au-dessus de la loi et qu'ils peuvent tout simplement ignorer les décisions des tribunaux.
En terminant, j'aimerais souligner que les néo-démocrates ne peuvent appuyer ce projet de loi sous sa forme actuelle. Lorsqu'il sera soumis au comité, notre porte-parole en matière de justice tentera d'obtenir des modifications qui permettront, à notre avis, d'améliorer la situation pour les familles et les victimes. Nous savons que des discussions auront lieu en comité et nous estimons que nous devons voir à maintenir l'équilibre et l'équité qui existent dans notre système de justice. Nous ne comptons pas laisser le gouvernement conservateur commencer à chambarder tout cela et à causer des dommages importants dans notre société.