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Merci, et bonjour à vous tous.
Comme cela a été dit, je m'appelle Mary Polak. Je suis ministre du développement de l'enfance et de la famille et ministre responsable des soins à l'enfance de la Colombie-Britannique.
Je tiens à dire que je suis très honorée d'être ici pour faire une déclaration au comité ici réuni et pour transmettre un message que je considère comme fort important, de la part non seulement de la province de la Colombie-Britannique, mais également de tous ses premiers citoyens.
La Colombie-Britannique est une province qui est façonnée et enrichie par la présence, les paroles et la sagesse de nos Premières nations. Nous sommes fiers d'être une terre de richesses et de possibilités, mais nous savons que ce n'est pas tout le monde qui en bénéficie. Les possibilités qui existent ont leurs limites, et ces limites sont trop souvent définies par les lignes qui séparent les terres des réserves.
Nous ne pourrons jamais corriger les torts du passé, mais nous sommes unis dans notre engagement à forger une nouvelle relation avec les Premières nations, une relation fondée sur le respect, la reconnaissance et la réconciliation. Nous sommes engagés à appuyer les Premières nations dans leurs efforts pour créer un avenir meilleur, plus solide et plus sain pour leurs enfants et leurs jeunes.
La Colombie-Britannique abrite la deuxième plus importante population autochtone au pays, celle-ci représentant 5 p. 100 de la population totale de la province, et dont le taux de croissance est près du triple de celui des peuples non autochtones. Près de 40 p. 100 de cette population autochtone sont âgés de moins de 19 ans. Notre province compte 203 communautés des Premières nations — soit le tiers de l'ensemble des communautés de Premières nations du Canada —, et environ 38 p. 100 de leurs membres vivent en réserve. Ces communautés sont très différentes de celles de nos voisins des Prairies, sur le plan non seulement de leur nombre, mais, ce qui est plus important, de leur taille, les communautés réunissant en moyenne moins de 300 personnes en réserve.
D'autre part, nombre de nos collectivités des Premières nations, bien que caractérisées par une beauté extraordinaire, sont isolées et éloignées, ce qui vient ajouter aux défis que sont l'accès à des ressources adéquates et le soutien à la population, et tout particulièrement aux personnes les plus vulnérables.
Nous sommes, en tant que province, confrontés à des défis uniques. Nous savons qu'une approche taille unique ne fonctionnera tout simplement pas pour nos Premières nations. Nous sommes engagés à oeuvrer aux côtés de nos partenaires fédéraux et des Premières nations pour trouver les genres de solutions uniques qui sont requises en Colombie-Britannique, tant dans l'immédiat que pour le long terme.
Je suis fière de certaines des réussites qu'a connues notre province dans l'établissement d'une nouvelle relation avec nos Premières nations et les Autochtones. Le chemin n'a pas toujours été sans heurts et nous cherchons toujours, à certains égards, notre route, mais nous avons continué d'avancer. En novembre 2005, nous avons marqué un grand pas en avant avec l'établissement du Transformative Change Accord, signé par le gouvernement du Canada, la Colombie-Britannique et le First Nations Leadership Council, représentant la totalité des 203 Premières nations de la Colombie-Britannique. Cet accord, qui continue encore aujourd'hui de nous guider, vise à combler les écarts socio-économiques entre les Premières nations en Colombie-Britannique et les autres Britanno-Colombiens d'ici 2015, en ciblant des volets clés, dont la santé, l'éducation, le logement et l'infrastructure, les conditions économiques, et la relation entre les Autochtones et la Couronne.
Il s'agissait, et il s'agit toujours, d'un plan ambitieux, et des progrès réels ont été faits en vue de la réalisation des objectifs qui y sont énoncés. L'accord a peut-être, plus que toute autre chose, renforcé notre partenariat avec les leaders des Premières nations et pavé la voie vers une approche plus ciblée, visant à combler les écarts sociaux et économiques.
Nous avons progressé. Compte parmi les réalisations à ce jour la négociation d'ententes sur la santé et l'éducation, dont des ententes sur la compétences des Premières nations en matière d'éducation, ententes qui jettent les bases en vue de la prise de décisions par les Premières nations quant à l'éducation en réserve de leurs enfants, depuis la maternelle jusqu'à la 12e année. Le plan tripartite pour la santé des Premières nations et le projet d'administration de la santé par les Premières nations tracent la voie pour le transfert des programmes de santé fédéraux pour les Premières nations aux Premières nations de la Colombie-Britannique. Alors, oui, nous avons progressé, mais il nous reste encore beaucoup à faire.
C'est pourquoi je suis ici aujourd'hui. Au cours des 20 dernières années, les Premières nations de la Colombie-Britannique ont travaillé fort pour créer leurs propres organismes de services à l'enfance et à la famille, et, au cours de la dernière décennie, gouvernements et ministères ont parcouru beaucoup de chemin dans la reconnaissance de la responsabilité et de la compétence des Premières nations envers leurs propres communautés et leurs propres membres, et tout particulièrement leurs propres enfants.
Nous avons beaucoup cheminé depuis la mentalité coloniale, qui a résulté en la dévastation infligée par les écoles résidentielles et le drame de la génération volée. Nous savons que, bien que les écoles résidentielles aient fermé leurs portes dans les années 1980, leurs effets dévastateurs perdurent et sont intergénérationnels, touchant profondément les enfants d'aujourd'hui. Nous pouvons et nous devons mieux faire pour ces enfants, historiquement surreprésentés au sein de notre système d'aide sociale à l'enfance et sous-représentés dans nos collèges et universités.
Je suis ici pour vous parler non seulement des défis uniques qui doivent être relevés, pour véritablement venir en aide aux enfants et aux jeunes Autochtones de la Colombie-Britannique, mais aussi, ce qui est plus important, des façons dont nous devons continuer de travailler ensemble pour surmonter ces défis et aller de l'avant.
Nous sommes présentement engagés auprès de plus de 100 communautés des Premières nations, ainsi que de nombreuses communautés urbaines et de Métis, chacune oeuvrant à élaborer des approches en matière de services à l'enfance et à la famille qui correspondent à sa propre identité autochtone, de manière à mieux servir ses enfants et familles membres. Par exemple, j'ai récemment participé à la signature d'un protocole de partenariat rassemblant pour la première fois les communautés des Premières nations de la Stikine aux fins de la conception et de l'élaboration de leur propre modèle de soins pour leurs enfants.
En tant que ministère, nous nous sommes engagés à respecter et à défendre la compétence des Premières nations à l'égard de leurs enfants et de leurs familles, et donc à l'égard de services appuyant leurs enfants. Nous adhérons pleinement au principe de Jordan et tenons à son application. Nous savons que les enfants et les jeunes Autochtones comptent pour plus de la moitié de l'ensemble des enfants pris en charge, et nous savons que les solutions réelles, à long terme et efficaces résident dans les Premières nations elles-mêmes, dotées de ressources adéquates consenties par les gouvernements respectifs.
La première agence déléguée aux Premières nations par la Colombie-Britannique a été établie en 1986 sous l'égide du Conseil tribal de Nuu-chah-nulth. Nous comptons aujourd'hui 24 agences délégataires dans la province, et d'autres oeuvrent activement en vue de la délégation.
Comme vous le savez, le modèle de financement pour le bien-être de l'enfance des Premières nations, que l'on appelle le 20-1, n'est pas utile dans notre province. En conséquence, nous avons travaillé en collaboration à l'établissement d'un nouveau cadre.
En tant que province, nous souhaitons corriger ces inégalités historiques, surtout en ce qui concerne le bien-être pour l'enfance. Le cadre amélioré de services de prévention et de reddition de comptes des Premières nations de la Colombie-Britannique est un élément clé de la solution.
Ce mécanisme, créé par les Premières nations de la Colombie-Britannique, le gouvernement provincial et AINC, établit un cadre de financement qui reflète et qui exprime les complexités de nos agences délégataires en réserve. Il offre un nouveau modèle de financement, qui reconnaît que les coûts opérationnels et la prestation de services de prévention et d'intervention précoces doivent être englobés dans tout accord de financement pour qu'il y ait des services de bien-être à l'enfance viables et durables. Ce cadre, déposé à Ottawa en septembre 2008, jouit du plein appui du leadership provincial des Premières nations de la Colombie-Britannique.
Ce cadre trace une voie grâce à laquelle les Premières nations de la Colombie-Britannique pourront avancer, en créant des communautés plus saines et plus solides pour leurs enfants et leurs jeunes. Il reconnaît la valeur et l'importance de la prévention, de l'intervention précoce et du soutien aux familles enraciné dans les cultures et les pratiques traditionnelles. Il bâtit sur le travail important effectué au cours de la dernière décennie par les trois partenaires en vue d'améliorer les résultats pour les Premières nations, et il offrira à ces dernières la possibilité d'accroître ce financement par effet de levier pour créer un système en réserve holistique et culturellement adapté d'aide aux enfants, à la jeunesse et aux familles.
En bout de ligne, ce cadre tripartite fait clairement ressortir que nous reconnaissons et prisons tous les enfants et adolescents des Premières nations, et pas seulement ceux pris en charge par le gouvernement.
Chacun d'entre nous ici aujourd'hui est engagé à tracer une nouvelle voie avec les Premières nations de notre pays. Nous avons connu un énorme succès en travaillant ensemble, en reconnaissant et en respectant nos différences, et en comprenant l'importance d'appuyer plutôt que de diriger ce long voyage.
Je compte sur le maintien de votre partenariat dans le futur, et je vous remercie de l'occasion qui m'a été donnée de m'entretenir avec vous aujourd'hui.
Je vais vous parler de mon agence, car j'estime que nous sommes un assez bon exemple de ce qui peut être fait lorsqu'une communauté décide de s'occuper de ses enfants et, surtout, se voit consentir des ressources à cette fin.
Pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas, qui ne sont pas de cette province, en 1985, la loi provinciale a été modifiée pour permettre aux communautés et agences autochtones d'établir leurs propres services à l'enfance et à la famille. Les gens sont nombreux à ne pas envisager la communauté torontoise comme étant une communauté autochtone, et c'est sans doute le cas un petit peu partout au pays, mais nous comptons en vérité la troisième plus importante population d'enfants autochtones au pays. Nous avons souffert des mêmes conditions sociales et économiques que celles touchant nos autres communautés autochtones, et, tout comme elles, nous avons affiché des taux d'enfants pris en charge par l'État bien trop élevés, et le sort de ces enfants pris en charge a été très médiocre.
Notre communauté a jugé que nous étions en mesure de faire beaucoup mieux et qu'une approche contrôlée par la communauté et axée sur la culture produirait les résultats que nous souhaitions. Je devrais préciser que nous entendions par là un nombre inférieur d'enfants pris en charge par l'État, mais également dans le cas de prises en charge nécessaires, le placement des enfants au sein de leur communauté, soit au sein de leur famille élargie, soit au sein de leur communauté d'origine.
Nous croyons que les enfants qui grandissent dans leur famille culturelle auront une solide identité et pourront, avec de l'aide — et des mécanismes d'aide sont souvent requis —, jouir de relations naturelles et aimantes avec leur communauté et leurs familles, relations que la plupart des Canadiens tiennent pour acquises, mais qui ne peuvent pas forcément être tenues par acquises par les Autochtones.
En 1988, nous avons élaboré notre propre modèle de service, avec une approche très différente de la protection de l'enfance conventionnelle. En Ontario, nous avons toujours cette importation britannique appelée « la société ». Il s'agit de sociétés à charte; mon agence est en fait bel et bien une société d'aide à l'enfance sous charte provinciale.
Le statut de société nous confère une certaine flexibilité, et nous avons élaboré un modèle de service quelque peu différent de celui des sociétés d'aide à l'enfance conventionnelles. Nous avions mené une vaste consultation auprès de communautés, d'aînés, de parties prenantes, si vous voulez, dont des fonctionnaires, et on nous avait établi une feuille de route plutôt claire nous demandant de faire quelque chose de différent. Entre autres, notre société, notre travail d'intervention pour le bien-être des enfants, devaient assurer une certaine reddition de comptes à la communauté que nous allions servir.
Deuxièmement, on a voulu que nous nous attaquions aux circonstances pouvant amener la prise en charge d'enfants, ce qui est très différent de ce que font les sociétés d'aide à l'enfance conventionnelles, qui se consacrent surtout à des enquêtes sur la maltraitance.
Troisièmement, il fallait réunir tout cela à l'intérieur d'une approche fondée sur la culture, ce qui n'est pas chose facile lorsque vous parlez de la culture dans le contexte de lois provinciales, et nous avons donc, à l'époque, eu à relever de nombreux défis.
L'aspect reddition de comptes était la partie facile. Nous avons très rapidement créé un organisme caritatif à but non lucratif conventionnel, doté d'un conseil d'administration représentatif composé exclusivement d'Autochtones, tous des professionnels dans leur domaine, et chargé de surveiller notre travail. Nous avons embauché un directeur exécutif. C'était moi.
Deuxièmement, il a fallu créer une agence qui ne se résumait pas juste à un plan d'activités pour protéger les enfants, mais qui irait au-delà de cela. Assurer une qualité de vie aux enfants, cela va plus loin que de leur offrir simplement une protection. Il s'agit également d'assurer présence et soins, afin que ces enfants puissent mener une existence convenable et productive en bons citoyens de leurs Premières nations et du Canada dans son entier. Nous avions de nobles ambitions.
Nous disons que nous sommes une agence à service complet, qui assure une aide sociale à l'enfance plutôt qu'une société d'aide à l'enfance. Lorsque vous abordez votre travail dans ce contexte, vous ouvrez la porte à quantité de services novateurs. Entre 1988 et 2004, nous avons livré pour 8 millions de dollars de services qui n'étaient pas axés sur la protection de l'enfance. Il s'agissait de programmes Bon départ, de places réservées en garderie et de vastes programmes pour les jeunes, dont des logements de transition pour des enfants de la rue. Nous administrons une école secondaire et nous avons plusieurs services adaptés aux besoins particuliers des étudiants.
Nous avons des programmes de guérison et de thérapie fondés sur la culture, qui s'adressent aux adultes et aux enfants. Nous avons des programmes de lutte contre la violence familiale. Nous avons une clinique autonome de soins pour les toxicomanes et nous offrons des programmes d'été et des programmes récréatifs. D'ailleurs, si vous demandez aux enfants desservis par Native Child quel est leur programme préféré, ils vous diront que c'est notre programme d'été. Cela correspond à ce à quoi l'on pourrait s'attendre de la part de nombreux enfants canadiens qui tiennent ce genre de choses pour acquis, mais ce n'est certainement pas le cas des enfants autochtones.
L'adaptation des programmes à la culture est rendue possible grâce au fait que nous avons un conseil des aînés. Celui-ci n'a aucun pouvoir en vertu de règles formelles, mais il jouit d'une formidable et puissante autorité sur le plan culturel. Il nous guide dans notre formation et nous aide dans l'organisation de nos cérémonies — et nous avons d'importantes cérémonies.
Vous ne le savez sans doute pas, mais il y a aujourd'hui, à l'angle des rues College et Yonge, deux choses qui n'existaient pas il y a quelques années. Tout d'abord, il y a une suerie entièrement fonctionnelle au quatrième étage de notre immeuble, et, deuxièmement, on a construit une cabane d'enseignement algonquin dans l'atrium de notre nouvel immeuble. Pour votre gouverne, les deux constructions ont gagné des prix de design, dont l'un des plus prestigieux au monde, décerné par l'art design institute des États-Unis, qui publie un important journal.
C'est ainsi que nous faisons plus que consacrer du temps à la protection de l'enfance, même si nous prenons cela très au sérieux. Nous nous occupons de mise en valeur et d'enrichissement culturels, et nous nous efforçons de faire ce que les aînés appellent « montrer les choses qui brillent »: montrer que les Autochtones ne sont pas que des gens qui reçoivent des services et ont des problèmes; qu'il y a moyen, avec l'encadrement approprié, de faire beaucoup plus. Mon agence en est un témoin éloquent.
Je pense que nous avons fait du travail très réussi. Notre agence est holistique dans son orientation. Elle s'intéresse aux besoins de tout le cycle de vie des enfants et des familles, et pas seulement, comme je l'ai dit, aux réalités immédiates et difficiles de la maltraitance.
Nous comptons un personnel de près de 200, plusieurs emplacements, et un budget d'exploitation de 24 millions de dollars. Nous avons chaque jour un interface avec 1 200 Autochtones en moyenne.
Nous avons plus de 70 ententes de financement, dont très peu avec le gouvernement fédéral et, bien sûr, nous avons de ce fait un énorme fardeau administratif. Il est intéressant de souligner que pas une seule de ces ententes ne provient d'AINC. En fait, je ne me souviens pas d'un seul dollar qui ait jamais été versé à notre agence par le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire d'AINC, bien que 70 p. 100 de nos clients soient des Indiens inscrits, les 30 p. 100 restants étant des Métis, des Inuits et des Autochtones auto-déclarés.
Après 20 années de prestation de services à notre communauté, nous avons apporté d'énormes changements dans certains domaines et très peu ailleurs. Nos meilleurs résultats, ce qui fait notre fierté, sont ceux que nous avons obtenus dans le cadre de notre travail avec les enfants devenus pupilles de l'État.
Avant l'émergence de Native Child et d'autres organisations comme la nôtre, les enfants autochtones étaient recueillis par l'État et, très souvent — ce qui est une tragédie — disparaissaient simplement dans un encadrement non autochtone, souvent non seulement pas dans la région immédiate, mais même à l'extérieur de la province, et parfois à l'étranger.
Nous avons stoppé ce génocide culturel. Non seulement les enfants ne disparaissent plus, mais ils restent au sein de leur communauté, souvent avec leur famille élargie, tant en réserve qu'hors réserve.
Nous sommes fiers de dire que près de 90 p. 100 de nos placements à long terme sont avec des familles autochtones. Les preuves que cela produit de meilleurs résultats d'ensemble pour les enfants concernés ne cessent de s'accumuler. La plupart des enfants pris en charge par nous se portent bien, certains très bien. Nous avons des enfants qui, pour la première fois, réussissent à l'université et au collège. La plupart de nos enfants décrochaient lorsqu'ils étaient au secondaire. Les enfants que nous prenons en charge ont tendance à beaucoup mieux réussir.
Là où nous n'avons pas réussi, c'est dans l'intervention en vue d'amener des changements dans les circonstances qui mènent à la prise en charge d'enfants. De fait, nous en recueillons de plus en plus, et il s'agit d'un phénomène généralisé au pays. À Toronto, près de 10 p. 100 des enfants pris en charge sont Autochtones, alors que nous représentons moins de 1 p. 100 de la population. Il nous faut nous demander pourquoi il en est ainsi. Pourquoi, après tant d'efforts de la part de la communauté et un investissement annuel de près de 24 millions de dollars, ces enfants continuent-ils d'être pris en charge?
Je pense que vous connaissez la réponse. Le comité ici réuni a entendu de nombreux témoins. La réponse réside dans le legs du colonialisme, dans les écoles résidentielles et dans la privation des Autochtones de la possibilité de vivre la vie à laquelle s'attendrait normalement tout Canadien. Cette histoire vous a sans doute été racontée, alors je ne vais pas en traiter, mais cette histoire est reflétée tous les jours dans les cas dont traite Native Child and Family Services.
L'on relève parmi les familles avec lesquelles nous travaillons une surreprésentation de familles vivant dans la pauvreté. Elles souffrent de violence et de toxicomanie et elles sont aliénées par rapport à elles-mêmes et à tout ce qui les entoure.
Comme vous le savez — et j'espère que cela sonnera l'alarme dans l'esprit de tous les bons citoyens —, la migration vers la ville est en rapide accélération. Si vous consultez Statistique Canada, vous apprendrez que, dans la seule ville de Toronto, chaque recensement relève une augmentation de 20 p. 100 du nombre d'enfants autochtones. Heureusement que des agences comme Native Child and Family Services, et une initiative semblable à Vancouver, ont émergé pour accueillir cette migration. Je pense que nous sommes en train d'acquérir de l'expertise et d'obtenir les ressources et de faire toutes les autres choses qui sont nécessaires pour créer des agences qui aideront ces enfants à faire une bonne transition. Mais il y a énormément de travail à abattre, et, bien qu'on ne m'en ait pas fait la demande, je ne peux pas m'empêcher de faire quelques recommandations. Je vais faire court.
Tout d'abord, il faut investir dans les enfants autochtones. Il y a beaucoup d'investissement axé sur les problèmes des enfants autochtones. Je peux ramasser davantage d'argent pour appuyer un enfant recueilli que je ne peux jamais en réunir pour un enfant vivant dans la communauté. Je ne pense pas que quiconque verrait là quelque chose de bien, peu importe de quel côté du spectre politique vous êtes. Il nous faut nous occuper de l'essentiel: que l'on investisse dans le programme Bon départ — et, soit dit en passant, il s'agit d'un excellent programme, qui a amené des changements énormes dans la vie de certains de nos enfants —, dans des garderies, dont nous en avons, dans l'éducation des jeunes enfants, de zéro à six. Tous ces investissements rapportent énormément, je crois.
Je ne sais pas quelle est la formule, si chaque dollar investi vous économise... mais je peux vous dire que j'ai des enfants recueillis parce qu'on n'a pas investi dans leur vie, et qui sont en train de grandir dans des foyers nourriciers ou des foyers de groupe qui coûtent plus de 200 $ par jour. Même les arguments purement monétaires indiquent que ces investissements sont bons.
L'autre recommandation est que l'on traite les enfants de manière équitable. Cela est très bien exprimé dans le principe de Jordan, et je pense que vous en avez déjà entendu parler. Peu importe qui ils sont, où ils vivent, et qu'ils soient Autochtones ou non, tous les enfants devraient avoir droit aux mêmes services dans un pays comme le nôtre. Cela est fondamental, je pense, dans le contexte de nos valeurs en tant que Canadiens, que nous soyons Autochtones ou non-Autochtones.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins, madame la ministre Polak et monsieur Richard.
La situation m'est quelque peu familière, du fait que je vienne de la formidable circonscription de Kenora, dans le nord-ouest de l'Ontario. Je vous suis reconnaissant d'être venus de si loin pour vous entretenir avec nous aujourd'hui.
J'ai fait un baccalauréat en soins infirmiers à l'Université de Victoria et j'ai travaillé à l'Arbutus Society for Children, et ensuite à Klemtu, en Colombie-Britannique, en tant qu'infirmier d'avant-poste en région éloignée. C'est un magnifique coin de pays, et je suis très au courant de certains des défis auxquels vous vous trouvez confrontés, ainsi qu'à la perspective plus large, du fait de mes antécédents en soins de santé et en droit.
Madame la ministre, j'aimerais commencer par discuter un petit peu avec vous pendant quelques minutes de l'approche améliorée axée sur la prévention et des difficultés que vous avez évoquées dans votre déclaration au sujet du modèle 20-1, appelons-le comme cela. Très brièvement, en guise de récapitulation, nous avons le modèle 20-1, nous avons l'approche améliorée axée sur la prévention, et nous avons l'accord de bien-être de 1965. L'objectif du gouvernement fédéral est, bien sûr, de faire en sorte que, d'ici à l'an 2013, tous les paliers participent à un seul et unique modèle de financement clairement axé sur la prévention.
Sur la base de mes propres breffages et de ma propre compréhension de la situation, et du fait d'avoir également travaillé dans le domaine de la santé, lorsqu'on entame la transition vers la prévention, l'on constate une pointe brusque du besoin en services car, comme c'est le cas en matière de santé, y intervient un processus plus robuste d'identification de certains des défis et des problèmes à surmonter.
En tant que gouvernement fédéral, nous utilisons un plus vaste éventail de statistiques. Pour être juste envers mes collègues de l'opposition officielle, le gouvernement fédéral a, au cours des 10 dernières années, doublé son investissement dans ce domaine. La seule statistique quantifiable, me semble-t-il, qui nous permette de nourrir l'espoir est que 5,3 p. 100 des enfants sont pris en charge en réserve. Cette statistique est demeurée constante au cours des quatre dernières années, et je pense vous avoir entendu dire que vous avez même relevé un léger fléchissement en Colombie-Britannique.
Cela ne devrait jamais nous contenter. Ce chiffre demeure trop élevé, mais il laisse également entendre qu'au moins le phénomène n'est pas à la hausse.
D'un point de vue investissement dans cette agence, j'imagine que notre souci est qu'il ne s'agit peut-être pas simplement d'une question de ressources. Je sais que le Grand chef Atleo a applaudi à l'investissement, et nous avons entendu le témoignage d'autres témoins cet automne qui, si j'ai bien compris, ont examiné certains des défis structurels auxquels se trouvent confrontées les agences au niveau communautaire, face au gouvernement provincial et au gouvernement fédéral.
Pour en arriver à ma question, vous avez mentionné que le modèle 20-1 n'était pas utile en ce qui concerne les objectifs stratégiques de la province. Je suis certain que les ressources sont un aspect de vos préoccupations, mais j'aimerais que vous nous entreteniez un petit peu plus de votre participation aux discussions tripartites et peut-être de la façon dont celles-ci abordent deux choses: premièrement, la question générale des ressources; et, deuxièmement, un souci que j'espère pouvoir aborder avec M. Richard, soit que je ne suis pas toujours convaincu que la question en soit une de ressources au départ, vu que nos ministères font toutes sortes de choses et investissent dans quantité d'initiatives. C'est tout simplement qu'il n'y a pas suffisamment d'intégration. En tant que ministères fédéraux, nous ne prêtons pas suffisamment attention à nos objectifs prioritaires.
Pourriez-vous réagir à ces deux idées? Je conviens qu'elles sont difficiles et différentes. Peut-être pourriez-vous nous en entretenir pendant quelques instants.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs. Veuillez excuser mon retard. On devrait faire une grève, sur la Colline du Parlement, pour avoir des transports adéquats.
Je vis dans un territoire où le tiers de la population est composée de Premières Nations. Nous avons une vision au Québec. Je représente la circonscription d'Abitibi— Baie-James—Nunavik—Eeyou, qui s'étend jusqu'au Labrador. Ma circonscription est voisine de celle de mon collègue Todd. On a des populations autochtones qui sont riches. Cependant, il y comme un cercle vicieux. On met de l'argent et on voit que le ministère constate que le fait d'avoir mis de l'argent n'a pas fait davantage avancer les dossiers. C'est resté au même point et on accuse presque les provinces d'avoir fait en sorte que l'argent ait servi à l'augmentation des coûts et non aux services directs à l'enfance.
Chez nous, dans des communautés riches, on voit, à 4 h 30 ou 5 heures, des jeunes avec une bouteille de bière à la main, un joint à la bouche. On leur demande ce qu'ils font là, on leur dit qu'ils ne pourront pas aller à l'école ainsi, et en guise de réponse, ils nous demandent ce qu'ils iraient bien y faire.
Je parle d'un cercle vicieux. C'est beau de mettre de l'argent, mais créé-t-on une vision d'avenir pour les enfants? Il faut commencer par les parents. Il faut leur donner un emploi, créer des industries dans leurs communautés. Il leur faut un modèle, car ils n'en n'ont aucun. Au Québec, c'est difficile de parler pour les autres provinces, parce que notre modèle est l'intégration, comparativement au reste du Canada, où le modèle est le multiculturalisme. Selon moi, cela fait une différence.
On a, par exemple, des centres d'amitié autochtones. Il y a des garderies et on a décidé d'intégrer les Premières Nations avec les non-Autochtones, et le résultat est incroyable. Cependant, Il reste toujours le problème de la vision d'avenir pour les jeunes.
Madame Polak, j'aimerais que vous m'expliquiez l'augmentation des coûts pour votre province. Vous avez dû voir cela également. Monsieur Richard, vous avez mentionné le suivi du financement de l'enfant. J'aimerais que vous nous expliquiez cela, par la suite.
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Monsieur le président, j'aimerais faire quelques commentaires. Premièrement, il existe de merveilleux exemples d'universités qui font du travail formidable en matière de Premières nations. Il me faut mentionner l'Université de l'île de Vancouver. Elle a un programme de soins pour enfants et jeunes des Premières nations, et elle pratique l'intégration. Elle abrite des aînés en résidence, et c'est également le cas de l'Université de Victoria, et je sais que la ministre doit être tout à fait au courant de cela. Je tenais simplement à ce que figure au compte rendu le fait qu'il y a là-bas des universités qui font de l'excellent travail.
Le deuxième commentaire que j'aimerais faire concerne une chose dont vous autres, témoins, êtes très au courant, mais qu'ignorent peut-être certains des auditeurs qui suivent nos travaux. Les conséquences du fait de ne pas nous occuper des questions relatives au bien-être des enfants sont très réelles.
Je vais juste vous lire une statistique. Il s'agit d'une statistique manitobaine, mais je suis certaine que la Colombie-Britannique affiche quelque chose de semblable. Au Manitoba, par exemple, les jeunes Autochtones représentaient 23 p. 100 de la population provinciale âgée de 12 à 17 ans en 2006, mais 84 p. 100 des jeunes en milieu carcéral. Ces chiffres sont tirés d'un rapport du Conseil canadien des organismes provinciaux de défense des droits des enfants et des jeunes. Mais nous savons également, et M. Richard en a fait état, que la sous-performance scolaire a une incidence directe sur la santé et, tristement, sur la violence faite aux femmes autochtones. Même si cela n'a peut-être rien du tout à voir avec le système de protection de l'enfance, une jeune femme de 18 ans a été tuée à Cowichan il y a une semaine, et la collectivité est toujours en état de choc. Mais il y a également tout le problème de la violence des gangs de jeunes que vivent Cowichan et, je le sais, d'autres localités également. Le fait que nous ne nous occupions pas de ces problèmes inflige un coût réel. C'est une perte pour des générations.
J'aimerais revenir un instant au principe de Jordan. C'est bien sûr moi qui ai été l'auteure de cette motion, en étroite collaboration avec la Nation des Cris de Norway House, la Société du soutien à l'enfance et à la famille des Premières nations du Canada, et de nombreux autres. Et Ted Hughes, dans son rapport d'avril 2006, a souligné tout particulièrement les difficultés juridictionnelles ayant amené des problèmes qui auraient pu être évités, et a parlé du gaspillage énorme de temps et d'énergie que peut occasionner pour une petite agence la nécessité de s'occuper d'écarts et de chevauchements.
J'aimerais tirer quelque chose au clair, madame la ministre. J'ai cru vous entendre dire que le premier ministre Campbell, peu après l'annonce du principe de Jordan, l'avait appuyé en principe, mais, que je sache, aucune entente n'a encore été signée avec le gouvernement fédéral quant à la mise en oeuvre du principe de Jordan. Au Manitoba, il y a eu une entente de mise en oeuvre très étroitement définie. En Saskatchewan, il y a en place une entente provisoire avec les Premières nations de la Saskatchewan. En Colombie-Britannique... J'ai cru vous entendre dire deux choses: vous avez appuyé le principe, et, advenant des différends d'ordre juridictionnel, la province fera le nécessaire et discutera de la question monétaire ultérieurement.
Ai-je bien compris?