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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 008 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 20 avril 2010

[Enregistrement électronique]

(1110)

[Traduction]

    Bienvenue à la huitième séance du Comité permanent des anciens combattants. La réunion d'aujourd'hui porte sur la nouvelle Charte des anciens combattants.
    Nous accueillons deux témoins aujourd'hui: Sandra Pickrell Baker et Wolfgang Zimmermann. Avant de passer aux témoins, je voudrais prendre un instant pour les question de régie interne.
    Durant notre dernière réunion, des préoccupations ont été soulevées à l'égard de documents. Je vous ai promis que je me renseignerais. Par conséquent, j'aimerais attirer votre attention sur quelques points.
    Lorsque le choix des témoins est arrêté, les témoins reçoivent une lettre de confirmation appelée confirmation de comparution. Cette lettre explique dans les détails, soit dit en passant dans les deux langues officielles, que si les témoins estiment que des mémoires sont nécessaires à leur témoignage, ils doivent les remettre au greffier à l'avance, en fait, dans un délai minimal de cinq jours et un délai maximal de 10 jours en vue de la traduction.
    En outre, dans la deuxième édition de 2009 du manuel intitulé La procédure et les usages de la Chambre des communes, on trouve le passage suivant:
Le public a le droit de communiquer avec un comité parlementaire dans l'une ou l'autre des langues officielles, comme le stipule la Loi constitutionnelle de 1982 et la Loi sur les langues officielles [575]. Toutefois, les députés siégeant à un comité ont le droit de recevoir leurs documents dans la langue officielle de leur choix. Les comités adoptent habituellement une motion de régie interne afin de garantir que tous les documents distribués aux membres du comité soient dans les deux langues officielles. Ainsi, lorsqu'un comité reçoit un document dans l'une ou l'autre des langues officielles, le greffier du comité s'assure de le faire traduire dans l'autre langue avant sa distribution aux membres du comité. Certains comités précisent, dans le texte de la motion, que les témoins doivent être avisés de cette condition.
    De plus, je viens tout juste de vous lire qu'en fait, c'est indiqué, mais à l'écrit, dans la confirmation de comparution.
Certains comités prescrivent également que seul le greffier du comité soit autorisé à distribuer des documents aux membres du comité [576].
    Voici un extrait de cette motion:
L'article 4 de la Loi sur les langues officielles et l'article 17 de la Loi constitutionnelle de 1982 donnent à toute personne le droit d'employer le français ou l'anglais dans ses rapports avec le Parlement. Toutefois, le droit de présenter un document ne comporte cependant pas celui de le voir distribuer et étudier sur-le-champ. Howard P. Knopf, qui a comparu devant le Comité permanent du patrimoine canadien le 20 avril 2004, a intenté une poursuite contre le Président de la Chambre des communes à ce sujet. M. Knopf estimait que ses droits avaient été violés lorsque la présidente du comité, en conformité avec les règles du comité qui exigeait que tout document distribué aux membres soit bilingue, avait refusé de distribuer les documents qu'il avait soumis en anglais seulement. La Cour fédérale a statué le 26 juin 2006 que les droits linguistiques de M. Knopf n'avaient pas été violés et que les travaux du comité étaient protégés par le privilège parlementaire. M. Knopf en a appelé devant la Cour d'appel fédérale, qui l'a rejeté le 5 novembre 2007, puis devant la Cour suprême du Canada qui l'a également rejeté le 20 mars 2008. 
    Tout simplement, ce qui a été dit la dernière fois, c'est que les citoyens ont le droit de communiquer avec leur député dans la langue officielle de leur choix. Les députés ont le droit de garder ces documents et de se déplacer avec ceux-ci dans l'enceinte selon leur gré. Or, s'agissant des comités, si un témoin veut faire distribuer un document, il doit passer par le greffier qui doit le faire traduire. Un délai de 10 jours doit être accordé pour la traduction. Par la suite, le document est remis à tous les membres du comité dans les deux langues officielles.
    Pour ce qui est du document qui avait soulevé ces préoccupations, on m'a avisé que d'ici jeudi matin, vous aurez le document traduit provenant du capitaine à la retraite Sean Bruyea. Subséquemment, vous pourrez décider dans le cadre des travaux du comité le moment où vous aimeriez accueillir M. Bruyea de nouveau.
    Monsieur Vincent, vous avez la parole.

[Français]

    Monsieur le président, j'aimerais vous poser une question. Je comprends votre décision et je pense que celle-ci est documentée. Toutefois, comme on le disait, lorsqu'il s'agit d'un document qui a été envoyé par un témoin, il faudrait absolument que le document soit traduit. On ne peut pas passer par la porte arrière. On ne peut pas faire par-derrière ce qui n'est pas permis de faire par-devant. Par exemple, au lieu de transmettre le document au greffier, on va l'envoyer aux députés par Internet. Par conséquent, tous n'ont pas les documents, seuls certains députés les ont. J'aimerais mentionner que les témoins ne doivent pas envoyer les documents par Internet, mais bien les faire transmettre par le greffier. Je voulais m'assurer que cela sera fait comme il faut.
(1115)

[Traduction]

    Encore une fois, monsieur Vincent, cela souligne la notion selon laquelle ce n'est ni la procédure ni les usages de la Chambre qui priment, mais plutôt la liberté des citoyens canadiens d'envoyer des renseignements à un député, qu'il représente ou non leur circonscription.
    Je prends note de vos commentaires, néanmoins, nous essayons de nous assurer, aux fins de la bonne entente au sein du comité, que tous les documents sont transmis au greffier de sorte qu'ils soient accessibles à tous dans la mesure du possible. Pour moi, il ne fait aucun doute que c'est une question de courtoisie professionnelle.
    Si vous n'avez pas d'autres remarques à ce sujet, je propose de passer au deuxième point à l'ordre du jour.
    Notre attaché de recherche a fait un excellent travail en envoyant un deuxième document à titre de document d'information, intitulé Étude sur l'implantation de la nouvelle Charte des anciens combattants: rapport d'étape. Il a également relevé les endroits où davantage de données sont nécessaires.
    J'espère qu'aujourd'hui, comme je l'ai dit la dernière fois, vous essayerez de cibler vos questions sur la nouvelle Charte des anciens combattants. Plus précisément, pour aider nos analystes dans leur travail, essayez de relever des points où certaines lacunes sont présentes pour que nous ayons un rapport des plus complets et solide à la fin de notre étude.
    Sans plus tarder, nous allons...
    Madame Sgro, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    La semaine dernière, on a fait référence à 260 recommandations qui ont été formulées par l'intermédiaire de la Charte des anciens combattants. J'ai demandé à ce que ces recommandations soient distribuées aux membres du comité.
    Pouvez-vous vous assurer que nous y ayons accès à temps de manière que nous puissions consulter les recommandations en même temps que ce document?
    L'analyste a offert de nous rendre service en regroupant les 260 recommandations par catégorie plutôt qu'en les envoyant en un seul bloc de 260, ce qui serait très embrouillé.
    L'hon. Judy Sgro: Fantastique.
    Le président: Cela prendra un petit peu plus de temps, mais nous recevrons ainsi les renseignements de façon logique.
    C'est une excellente idée.
    Merci.
    D'après ce que j'ai compris, madame Pickrell Baker et monsieur Zimmerman, vous avez tous deux un exposé liminaire à présenter sur, manifestement, des sujets différents.
    Nous allons commencer par Mme Sandra Pickrell Baker. Vous avez de 10 à 15 minutes.
    Nous passerons ensuite à M. Zimmerman, directeur exécutif de l'Institut national de recherche et de gestion de l'incapacité au travail.
    Madame Pickrell Baker, vous avez la parole.
    Premièrement, je tiens à vous remercier de m'avoir invitée à comparaître.
    Je suis diplômée de l'Université Mount Saint Vincent dans le domaine des études familiales et je suis actuellement étudiante de deuxième cycle en travail social à l'Université Dalhousie. J'ai terminé ma thèse sur l'expérience des conjointes d'anciens combattants qui souffrent du syndrome du stress post-traumatique. J'ai soutenu ma thèse avec succès l'été dernier.
    Je voulais étudier les anciens combattants souffrant du syndrome du stress post-traumatique parce que j'ai une fille qui est aux prises avec ce type de problème et j'étais consciente personnellement des défis auxquelles les familles sont confrontées lorsqu'elles se trouvent dans cette situation. J'ai été frappée par le fait que si la relation parentale en souffre, j'avais peine à imaginer  — et je voulais le savoir — ce que c'est que de vivre cette expérience dans le cadre d'une relation conjugale.
    J'ai interviewé des femmes dont les conjoints ont reçu un diagnostic de syndrome du stress post-traumatique pour que je puisse bien comprendre ce qu'elles vivaient et comment elles le vivaient. J'espérais découvrir la clé de leur résilience ainsi que les mécanismes et stratégies qu'elles ont adoptés pour composer avec ce problème et, peut-être que, d'une certaine façon, j'aurais été en mesure de reproduire ce modèle ou que, en entendant leurs histoires, j'aurais pu décrire d'une manière vivante la réalité de cette situation. Or, je n'ai pas découvert la résilience que j'espérais trouver dans ces familles. J'ai plutôt entendu des témoignages décrivant des épreuves extrêmement difficiles.
    Un des aspects qui m'a le plus frappée, c'est que la plupart des participants ne savaient même pas que des ressources étaient à leur disposition, dont du soutien social aux victimes de stress opérationnel ou du soutien offert par le ministère des Anciens Combattants. Dans un cas, une famille avait réussi à obtenir du soutien du ministère. Cependant, toutes les autres familles ne savaient pas que ce soutien leur était offert. J'ai donc été en mesure de les en informer, ce qui a été utile aux familles qui ne vivaient pas en milieu rural. Pour ces dernières, il est impossible d'avoir accès à ces services.
    Comme je l'ai dit, les ravages causés par cette situation étaient importants, mais je crois qu'en écoutant leurs expériences, j'ai pris conscience de l'importance de ce que vivaient ces familles et de l'importance de faire connaître à plus grande échelle les difficultés avec lesquelles elles sont aux prises.
    L'une des plus grandes difficultés qui m'a marquée était la perte ambiguë. Les conjointes parlaient du fait qu'elles devaient faire le deuil de l'homme qui était parti à la guerre et qui n'est pas revenu. L'homme qui revient de la guerre a une personnalité différente, des mécanismes d'adaptation différents et une façon différente de se comporter en famille. Elles m'ont raconté comment leur famille a dû s'adapter à cette situation et comment cela a détérioré leur vie de famille. La plupart des familles ont éclaté. Ces personnes n'ont pas su s'ajuster. La relation a été transformée au point de dépasser la capacité des conjoints de fonctionner.
    Charles Figley est l'un des chercheurs dont j'ai étudié les travaux en profondeur. Vous le connaissez probablement tous. Il a dit que la chose la plus importante dans une relation intime où l'un des conjoints a reçu un diagnostic de traumatisme opérationnel ou de syndrome du stress post-traumatique, c'est que l'autre partenaire puisse garder des limites saines et continuer d'assurer des soins auto-administrés. Dans la plupart des cas, ces femmes sont également responsables d'élever les enfants et d'assurer le bon fonctionnement de la famille, alors, les soins auto-administrés et les limites personnelles n'étaient pas une option. Cela a mené à la détérioration de la cellule familiale.
    J'ai quelques recommandations qui découlent de l'étude. D'abord, bien sûr, il faut que les partenaires intimes soient au courant des ressources à leur disposition. Ces partenaires ne peuvent pas seulement s'attendre à ce que l'ancien combattant cherche lui-même à obtenir du soutien et qu'il sache comment se prévaloir des services. Le fait que ces gens puissent obtenir du soutien social aux victimes de stress opérationnel ou d'autres services par l'intermédiaire du ministère n'est pas un fait bien connu.
    L'une des répondantes de l'étude voulait désespérément recourir au service d'un psychothérapeute. Sa famille vivait dans une petite localité en milieu rural. La psychothérapie ne lui est devenue accessible qu'au moment où sa mère est décédée, lui laissant un héritage. Son conjoint n'a été diagnostiqué qu'après sa libération du service militaire, même s'il avait été en Bosnie à trois reprises. La dame travaillait à temps plein pour assurer le bon fonctionnement de sa famille. Puisque le conjoint n'a été diagnostiqué qu'après sa libération, il ne recevait pas de pension d'invalidité. Financièrement la famille n'a pas pu se permettre la psychothérapie pour le conjoint tant que la belle-mère n'est pas décédée. Le couple a utilisé l'héritage reçu pour payer la psychothérapie en consultation privée pour le conjoint. Les formulaires permettant d'avoir accès à la pension d'invalidité sont demeurés sur le comptoir pendant six mois parce que l'ancien combattant était incapable de fonctionner assez bien pour les remplir et les envoyer.
    L'une des recommandations que je formulerais à l'égard de ces familles, c'est de leur faire connaître le soutien offert, car elles ont besoin qu'on s'occupe de leur cas personnellement. Elles ont besoin que quelqu'un travaille avec elles pour s'assurer que les formulaires sont remplis, qu'elles savent qu'un soutien est offert et qu'il y a des services qui existent. Plus tôt ces familles auront accès à du soutien, moins le problème détruira la cellule familiale et moins il y aura de risques que cela entraîne l'éclatement de famille.
(1120)
    Les enfants dont les parents se trouvent dans cette situation constituent un tout autre domaine qui doit être étudié. Ce traumatisme change tout dans la famille. Ce n'est pas et cela n'a jamais été une histoire heureuse. Il n'y avait pas de fins heureuses. Il y avait des familles qui devaient composer avec des pertes considérables sur tous les plans.
    Il y avait deux familles. L'une se démenait encore pour trouver un nouvel équilibre et l'autre avait trouvé ce nouvel équilibre. Le couple était marié depuis longtemps avant que le conjoint ne commence à souffrir du syndrome du stress post-traumatique et je pense que pour la conjointe, il s'agissait d'accepter la nouvelle personnalité de son mari. Elle a dit avoir été capable de tomber amoureuse avec cet homme nouveau, mais la personne qu'elle avait épousée avait disparu. Je ne crois pas que nous puissions sous-évaluer cette perte, ou ce deuil, de la personne qui n'est plu et de la personne que le conjoint est devenu.
    Pour ce qui est du soutien familial, je ne suis pas certaine de la façon dont on peut s'en sortir ou faire en sorte que les familles prennent conscience des signes avant-coureur sans passer par l'hypervigilance qui peut faire en sorte qu'un profane pense que son partenaire souffre du syndrome du stress post-traumatique alors qu'il a une mauvaise journée ou une mauvaise semaine. Il faut accroître la sensibilisation et réduire la stigmatisation liée à la maladie mentale dans le service militaire et dans la société en général, bien sûr. Or, d'après mes recherches, cela semble être particulièrement difficile pour les hommes qui ont été déployés à l'étranger.
    L'une des femmes interviewées m'a dit que si son conjoint était revenu avec une jambe en moins, il aurait été considéré comme un héros, mais parce qu'il est maintenant incapable de sortir de sa chambre trois jours d'affilée, tout le monde pense qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond chez lui et qu'il n'a qu'à se ressaisir. Ceci étant dit, il faut comprendre que cette blessure est tout aussi vraie que la perte d'une jambe ou d'un autre membre.
    Il faut que nous soyons à l'écoute des familles lorsqu'elles expriment leurs besoins. Toutes les familles sont différentes, comme tous les êtres humains, et il faut qu'elles sachent que des ressources sont mises à leur disposition. Toutes les familles interrogées avaient des besoins précis, selon l'âge des enfants, selon que le diagnostic a été posé avant que le conjoint soit libéré des forces militaires et selon, pour un nombre d'entre elles, ce qu'elles ont dû faire pour obtenir ce diagnostic.
    Dans un cas précis, une famille a même dû aller jusqu'à intenter des poursuites pour avoir accès au dossier médical. Le mari avait reçu un diagnostic avant de quitter le service militaire, mais on ne le lui a jamais dit. La famille n'a appris le diagnostic qu'après avoir intenté des poursuites pour obtenir le dossier médical, car tout avait été consigné. Cela a eu pour effet d'aggraver une situation qui était déjà difficile.
    Voilà, c'est tout ce que j'ai à dire pour le moment.
(1125)
    Merci, madame Baker.
    Passons maintenant à M. Zimmermann.
    Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
    Je voudrais tout d'abord vous remercier sincèrement de l'occasion qui m'est donnée de venir vous rencontrer et vous faire part de mon point de vue sur la réintégration des anciens combattants souffrant d'invalidité. Mes observations aujourd'hui sont centrées sur quatre éléments fondamentaux: expérience personnelle, considération du contexte de l'invalidité, ce que nous pouvons réaliser avec des interventions efficaces en matière de réintégration du milieu du travail et les possibilités éventuelles que vous souhaiterez peut-être examiner pour l'avenir.
    Mon expérience personnelle d'un accident entraînant une invalidité permanente remonte à juin 1977. J'avais alors 20 ans et après avoir obtenu un diplôme d'un institut polytechnique, je suis allé travailler pour MacMillan Bloedel qui était alors la plus grande entreprise de produits forestiers au Canada et le principal employeur de la Colombie-Britannique. On m'a donné une scie mécanique et un dépliant expliquant comment abattre un arbre en me souhaitant bonne chance. J'en étais à mon cinquième jour de travail lorsqu'un aulne de 50 pieds que j'étais en train de couper s'est fendu et m'est tombé dessus. J'ai eu le dos brisé et je me suis retrouvé avec un important traumatisme médullaire.
    Peu importe que l'accident se soit produit dans le cadre du service militaire ou qu'il s'agisse d'un autre accident industriel lié ou non à un emploi, l'impact pour la personne et sa famille et les mesures de réadaptation requises sont identiques. Cela m'amène à parler des résultats les plus importants que nous essayons d'obtenir dans le cas de ces personnes, notamment optimiser leur participation dans tous les aspects de notre société, qu'ils soient économiques, sociaux ou récréationnels. J'ai eu la chance de pouvoir le faire et c'est donc pour moi un privilège que d'être ici avec vous aujourd'hui.
    Bien que je comprenne la plupart des éléments litigieux contenus dans la Charte actuelle des anciens combattants, étant donné que j'ai eu le privilège de présider le Conseil du premier ministre pour les personnes handicapées en Colombie-Britannique et de passer plus de six ans à la Commission d'indemnisation des accidents du travail de la Colombie-Britannique — qui n'est pas tellement différente des Affaires des anciens combattants qui joue un rôle d'indemnisation des accidents du travail pour les anciens combattants handicapés —, mes observations ne devraient pas être considérées comme étant le reflet des circonstances actuelles, bien que je serai heureux d'aborder la question, mais devraient plutôt être considérées dans le cadre d'une norme que vous souhaiterez peut-être élaborer pour l'avenir.
    Un élément clé de ma réadaptation a été le fait que j'ai été presque immédiatement en mesure de poursuivre une participation productive sur le marché du travail, car la société a accepté la pleine responsabilité de l'accident et a collaboré avec le syndicat afin de faire preuve de créativité pour que je puisse rester à son emploi, même si j'étais en fauteuil roulant et qu'il n'y avait aucun précédent à cet égard dans ce camp forestier de 450 travailleurs sur la côte ouest de l'Île de Vancouver.
    Cela dit, il est tout à fait essentiel d'avoir des stratégies qui visent à maintenir immédiatement la capacité de production sociale et économique de la personne handicapée tant pour l'employeur, dans ce cas-ci le gouvernement du Canada, que pour l'ancien combattant handicapé. Il y a une quantité incroyable de données probantes nationales et internationales pour appuyer cette stratégie particulièrement si l'on parvient à résoudre le dilemme qui consiste à maintenir avec succès un lien d'emploi permanent. De nombreuses difficultés psychologiques corollaires associées, qu'il s'agisse des préoccupations au sujet de la santé mentale à long terme, des dépendances ou d'autres défis sociaux, seront considérablement atténuées.
    Par conséquent, il faut qu'il soit clairement entendu, de notre point de vue, que le gouvernement du Canada est l'employeur des anciens combattants handicapés et que sa responsabilité en ce qui a trait au maintien de leur emploi est sans équivoque. À notre avis, il n'y a absolument aucune raison valable, étant donné la portée et l'ampleur des opérations gouvernementales, pour qu'on ne puisse pas trouver un poste pour la grande majorité des anciens combattants handicapés au sein des divers ministères gouvernementaux.
    Ayant été à l'emploi de la Société MacMillan Bloedel et de la Weyerhaeuser Company qui a acheté MacMillan Bloedel en 1999, depuis les 34 dernières années — je suis actuellement au détachement à l'Institut national de recherches et de gestion de l'incapacité au travail —, je peux vous assurer que le défi pour les entreprises du secteur privé, même les grandes entreprises comme Weyerhaeuser, est beaucoup plus grand lorsqu'il s'agit d'intégrer les travailleurs handicapés.
    Les interventions pour un retour efficace au travail et la gestion des limitations fonctionnelles des anciens combattants handicapés exigent que l'on adhère strictement à l'adoption réelle de trois principes de base. La créativité: il n'y a jamais deux situations identiques. La collaboration: la réintégration efficace des anciens combattants handicapés dépend de la participation absolue de tous les intervenants. L'engagement: il est essentiel qu'on fasse preuve de leadership à tous les niveaux et qu'on accepte pleinement la responsabilité. Si on ne le dit pas clairement, rien ne se fera.
(1130)
    C'est devenu une exigence dans toutes les activités en Amérique du Nord de Weyerhaeuser, grâce au leadership du chef de la direction qui a dit que tous les travailleurs avaient droit à la dignité associée au fait de participer au marché du travail et d'être considérés comme un membre de la société à part entière. À ce moment-là, nous comptions 65 000 employés en Amérique du Nord.
    Mesdames et messieurs les députés, je propose que les principes de base susmentionnés et, en fait, cela va pour tous les exposés, soient mesurés en fonction des objectifs supérieurs, c'est-à-dire la façon dont les politiques, procédures et mesures actuelles contribuent à optimiser la capacité humaine et productive des anciens combattants invalides, la façon dont elles optimisent leur participation continue et réussie à tous les aspects de notre société et qu'elles sont les données qui vous sont présentées à l'appui à l'atteinte de cet objectif. Le fait de ne pas atteindre ou chercher à atteindre ces objectifs oblige beaucoup d'anciens combattants invalides, à l'instar d'autres personnes handicapées, à vivre en marge de la société sur le plan économique et social et à connaître toutes les tragédies inhérentes qui sont bien documentées partout dans le monde.
    Nous savons qu'au Royaume-Uni, le taux de suicide chez les personnes handicapées et sans emploi est 40 fois plus élevé que dans la population générale. Des taux de participation considérablement plus faibles au marché du travail compromettent la situation personnelle et familiale et entraînent une plus forte dépendance à l'égard du système de soins de santé ainsi que des problèmes psychosociaux graves qui s'ajoutent aux handicaps physiques déjà présents.
    Soit dit en passant, ces questions ne touchent pas seulement les anciens combattants invalides, mais s'appliquent largement à tous ceux qui vivent avec un handicap au Canada ou ailleurs dans le monde. C'est pour cette raison que je me réjouis personnellement du fait que le Canada a récemment ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées.
    Pour ce qui est de l'avenir, j'ai des propositions précises à vous transmettre: la reconnaissance par le gouvernement du Canada de ses responsabilités en tant qu'employeur auprès des anciens combattants invalides; un engagement à l'égard de l'application des pratiques exemplaires en vue du retour au travail et des programmes de gestion des invalidités à l'aide de normes de pratiques optimales reconnues et adoptées internationalement; l'optimisation des résultats de réadaptation holistique lorsque des accommodements à l'interne ne sont pas possibles, par l'intermédiaire, et c'est là une suggestion, de partenariats créatifs, par exemple avec le Conseil canadien des chefs d'entreprise aux fins de l'embauche d'anciens combattants invalides; l'accroissement de la sensibilisation à la question des anciens combattants invalides, par exemple en collaborant avec le Congrès du travail du Canada pour leur permettre de comprendre les problèmes que vivent les anciens combattants invalides qui tentent de se réadapter; le recours aux services de réadaptation des commissions provinciales d'indemnisation des accidents du travail, dont le personnel a une connaissance intime et spécialisée de tous les domaines pertinents ayant trait à l'optimisation du potentiel de réadaptation des travailleurs invalides.
    À titre d'exemple, citons WorkSafeBC, dont j'ai été membre du conseil d'administration pendant plus de six ans. Cet organisme s'occupe de 1 500 à 2 500 travailleurs par année souffrant d'une invalidité permanente et emploie plus de 100 professionnels de la réadaptation dont le principal mandat consiste à optimiser l'intégration à long terme des travailleurs invalides. Ce processus est déjà utilisé pour les fonctionnaires fédéraux en général et est régi par la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État, qui est administrée par Travail Canada, et il ne semble y avoir aucune raison pour que cela ne continue pas ainsi.
    En bref, mesdames et messieurs les députés, je tiens à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer. Je vous invite à prendre toutes les mesures nécessaires pour vous assurer que les personnes qui souffrent d'un handicap après avoir servi notre pays, ne voient cette malchance les reléguer dans les franges de notre société à perpétuité.
    Merci beaucoup.
(1135)
    Merci, monsieur Zimmermann.
    Nous allons passer au tour de questions. Le premier tour est de sept minutes.
    Monsieur Oliphant, vous avez la parole.
    Je vous remercie tous les deux d'être des nôtres aujourd'hui pour participer à notre étude.
    Ce que je trouve intéressant, monsieur Zimmermann, c'est que vous allez au coeur de ce que la nouvelle Charte des anciens combattants essaie d'accomplir: une réintégration au sein du marché du travail et au sein des familles. C'est là l'objectif principal de la charte. Madame Pickrell Bake, vous avez souligné que la mise en oeuvre de la charte pourrait ne pas fonctionner. Il y a bel et bien une volonté, mais il faudrait améliorer certains détails pratiques.
    J'ai deux questions. J'aimerais d'abord parler de la gestion des cas qui, d'après moi, constitue le thème principal de vos remarques. Nous avons rencontré auparavant l'Association canadienne des ergothérapeutes, dont les responsables nous ont parlé de leur modèle de gestion des cas. Il s'agit d'un modèle holistique qui regroupe divers aidants et professionnels, notamment des praticiens de la guérison et de la thérapie tactile, à laquelle vous vous intéressez, des travailleurs sociaux, des auxiliaires médicaux et des spécialistes du traitement de la douleur.
    Recommandez-vous une sorte de guichet unique administré localement où les familles savent qu'elles peuvent s'adresser à un travailleur en service social individualisé? Je ne veux pas parler à votre place, mais est-ce bien ce que vous recommandiez?
    Je pense que le modèle médical se dirige certainement vers une approche interdisciplinaire.
    Mon stage cette année portait sur l'approche interdisciplinaire dans les systèmes scolaires. Il y a une table ronde et un travailleur en service social individualisé vient y discuter du dossier, et amène au besoin la famille également, car ce n'est pas tout le monde qui a besoin des mêmes choses. Mais les ressources sont là, il n'y a plus de guerre de territoire comme lorsqu'on disait que c'est mon dossier et que c'est votre dossier ou qu'ils ont besoin de ceci ou de cela, et finalement ils glissent entre les mailles du filet. Si tout le monde arrive autour de la table et dit: « Voici le dossier, et je peux m'occuper de telle question si vous vous occupez de telle autre », il est davantage probable que l'on pourra répondre à leurs besoins de façon plus efficace, plutôt que de mettre en place des ressources dont on n'a pas besoin. On peut ainsi utiliser les ressources nécessaires. Est-ce logique?
    Oui, et vous semblez chercher à adopter une approche plus proactive vis-à-vis des conjoints et des familles. Cela ne peut pas être une approche réactive. On a besoin d'un meilleur système de proactivité.
    N'est-ce pas?
    Plus nous sommes proactifs, moins grande sont les probabilités que le dysfonctionnement soit si profondément ancré que nous perdions tout le système familial et que la famille éclate.
    Le plus important pour qu'une famille puisse continuer de fonctionner, c'est qu'elle puisse être en mesure de s'adapter. La façon dont elle peut s'adapter est entièrement liée aux ressources auxquelles elle peut faire appel, non seulement les ressources internes mais aussi les ressources externes.
    Toutes les familles n'ont pas besoin des mêmes ressources. Je pense que c'est là où nous devons leur permettre de préciser ce dont elles ont besoin: ont-elles besoin de travailleurs en service social individualisé pour les aider à remplir les formulaires afin qu'elles puissent obtenir le bon diagnostic et avoir accès à des services de soutien appropriés? Ont-elles besoin que quelqu'un vienne s'occuper des enfants pour donner un peu de répit à la mère ou pour que les enfants et le père puissent partir quelques jours et passer du temps ensemble pour améliorer leurs rapports, plutôt que de se retrouver constamment en pleine crise et essayer de gérer quelqu'un qui est en crise, particulièrement lorsqu'il s'agit d'une maladie mentale?
    Exact.
    On a tendance récemment à travailler dans de grands centres régionaux plutôt que dans de petits centres communautaires, et je pense que c'est problématique.
    À moins que nous ayons des professionnels dans toutes ces collectivités, un peu comme on le fait dans le cadre du PAE, il me semble que nous avons besoin d'un système beaucoup plus régionalisé, par opposition aux grands centres où les gens téléphonent et où ils ont un sentiment de frustration.
(1140)
    Comme je l'ai dit, dans le cas dont j'ai parlé, il s'agissait d'une famille qui vivait en milieu rural et qui ne pouvait pas avoir accès à des services de soutien. Cela voulait dire qu'ils auraient dû faire 1 h 30 de voiture pour se rendre à Halifax pour avoir accès à des services de soutien, payer pour ces services et passer encore 1 h 30 sur la route pour revenir à la maison.
    Il ne pouvait pas conduire lui-même et elle devait aller travailler. Cela devient donc...
    Au fait — je n'ai pas de données à ce sujet —, j'imagine que les membres des Forces canadiennes proviennent surtout des petites collectivités des régions rurales. Ils retournent peut-être dans ces régions après leur service.
    Je n'ai pas de données à ce sujet, mais j'ai l'impression que c'est le cas. Notre système doit donc tenir compte de cela.
    C'est là où ils auront besoin le plus de soutien, là où se trouve leur famille. Ils devront se trouver dans un environnement où ils pourront faire appel à ces ressources. Cependant, dans ce cas-ci, cela limitait les ressources des forces armées auxquelles ils pouvaient faire appel.
    Monsieur Zimmermann, une des principales raisons d'être de la nouvelle Charte des anciens combattants a été de passer à un système de paiement forfaitaire dans les cas des invalidités, afin de réduire la dépendance dans le modèle. Récemment, le ministre a dit à maintes reprises que la charte a un double objectif: passer à un système de paiement forfaitaire et de prestation, dont le prestataire peut bénéficier tout en participant au volet réadaptation du programme.
    Pouvez-vous nous parler de cela? Si l'on tient compte des pratiques exemplaires en matière de gestion des invalidités, si l'on songe à la réinsertion sociale, sur les plans social, économique, récréatif et culturel, que pensez-vous de notre système où l'on accorde un paiement forfaitaire assez modeste, si on le compare à celui que les anciens combattants reçoivent, par exemple, en Grande-Bretagne, et quelles autres réflexions notre modèle de remplacement du revenu vous inspire-t-il?
    Règle générale, les commissions d'indemnisation des accidents du travail évitent les paiements forfaitaires. Évidemment, je me reporte à ce qui se passe en Colombie-Britannique, où cette agence a une taille considérable, mais elles ont toutes à peu près les mêmes structures dans notre pays. Nous accordons une commutation jusqu'à 5 p. 100. Cela signifie qu'un prestataire éventuel ne pourra recevoir un paiement forfaitaire que si l'appréciation de son droit à pension est de 5 p. 100 d'après un tableau des invalidités. Si l'on a opté pour une proportion de 5 p. 100, c'est qu'on considère que cela ne compromet pas l'existence économique ni...
(1145)
    Il pourrait s'agir d'une déficience auditive partielle ou quelque chose de ce genre.
    Il peut s'agir de ce genre de choses. Vous avez tout à fait raison.
    Même les grandes compagnies d'assurances comme la compagnie d'assurances de la Colombie-Britannique, par exemple, sont passées à un système de règlement échelonné; c'est ce que nous voyons.
    Dans d'autres pays, on accorde des paiements forfaitaires. Par exemple, les commissions d'indemnisation des accidents du travail d'Australie accordent encore des sommes forfaitaires, mais elles sont toujours accordées sous forme de règlement échelonné, parce qu'il y a des données écrasantes montrant que... pour beaucoup de gens, obtenir cela, c'est presque comme gagner à la loterie. Tout d'un coup, on n'avait plus rien et, du jour au lendemain, on reçoit beaucoup d'argent. Or, dans notre monde, il est amplement démontré que si l'on a beaucoup d'argent, vous trouverez beaucoup d'amis qui vous aideront à le dépenser. C'est ainsi que les choses se passeront. C'est aussi pour cela qu'on rejette cette approche. Il y a des cibles fixes liées à tout cela.
    Pour ce qui est de la réinsertion sociale et des attentes par rapport au retour au travail, j'ai eu le privilège de participer à la conception de la Charte des anciens combattants. Dans bien des cas, je me suis reporté à ma propre expérience, et justement, par rapport à cela, si je n'avais pas été en mesure de retourner au travail six mois après mon accident, même si je faisais alors face à un nombre presque écrasant de difficultés, je ne serais tout simplement pas ici. C'est absolument essentiel pour qu'une personne puisse conserver sa place dans la société, qu'elle puisse avoir des rapports avec ses amis et ses collègues et qu'elle puisse oublier ses difficultés. J'estime aussi que la remarque faite par Sandra est absolument fondamentale par rapport à la famille. J'ai moi-même observé que d'être capable de travailler, de poursuivre mes activités plutôt que de rester enfermé entre quatre murs a eu une incidence énorme sur tous les aspects de ma santé, sur le plan psychologique, social ou par rapport à ma participation à des activités de loisirs.
    J'ai continué à suivre des traitements de physiothérapie pendant un an tout en travaillant, et cela a été accepté par l'entreprise. Vous pouvez bien vous imaginer qu'il y a 33 ans, l'idée d'accommodement à cette fin n'existait pas vraiment, surtout pas dans le milieu de l'exploitation forestière sur la côte Ouest. Se montrer accommodant envers quelqu'un qui s'est blessé au dos — eh bien, personne n'avait jamais entendu parler de cela auparavant. C'est pourtant tout à fait essentiel. À notre avis, cela crée un lien immédiat, car sur le plan psychologique, on doit tout d'un coup faire face à une invalidité aux effets tout à fait déterminants sur la vie. Il ne s'agit pas d'un problème qui va finir par disparaître; pour parler crûment, il vous accompagnera au lit et quand vous vous lèverez le matin, or, le fait de devoir faire face à de lourdes pertes économiques en plus aggrave indéniablement la situation. Si vous bénéficiez de ces avantages essentiels — l'espoir de participer de nouveau à la vie sociale, d'être en mesure de soutenir votre famille et, dans une certaine mesure, de continuer à être un membre utile de la société —, cela aura une incidence très favorable sur votre santé mentale et économique.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, monsieur Zimmermann.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. André pour sept minutes.

[Français]

    Bonjour et bienvenue à notre comité.
    Tout d'abord, madame Baker, j'ai quelques questions concernant votre étude. Combien de familles avez-vous rencontrées? Quel type de recherches avez-vous faites? Avez-vous rencontré les enfants, par exemple? Comment avez-vous organisé votre recherche? Pouvez-vous nous parler des différentes modalités liées à votre recherche?
    De plus, vous avez parlé du taux de séparation conjugale important, dans le cas de personnes souffrant du syndrome de stress post-traumatique. Avez-vous des statistiques à ce sujet? Vous avez aussi mentionné que, bien souvent, un homme différent revenait à la maison, par suite du traumatisme que ce dernier avait pu vivre lors d'une mission militaire difficile, par exemple. La femme doit s'adapter à cette nouvelle réalité, à ce nouvel homme revenu de la guerre ou d'une mission humanitaire difficile. Quelles sont les caractéristiques de ces hommes? Sont-ils plus colériques, plus violents? J'imagine qu'ils sont plus isolés.
    Je continue sur la même voie et je m'adresse aussi à M. Zimmermann. On entend souvent dire que la nouvelle Charte des anciens combattants offre de nombreux services, mais que les gens ne connaissent pas ces services. Il y a un manque de communication. Il faut faire connaître les services offerts aux personnes qui en ont besoin, plus particulièrement en milieu rural, comme vous l'avez mentionné dans votre allocution. Je suis intervenu à maintes reprises, parce que dans les grandes villes les services sont souvent accessibles et en milieu rural, il y a plus de distance entre ceux-ci, donc cela pose certains problèmes. Je dis toujours qu'il y a moyen de développer des alliances sur le plan des services psychosociaux, d'ergothérapie et de physiothérapie avec des établissement de santé du territoire, de développer des expertises, des groupes, etc.
     J'aimerais entendre vos commentaires sur ces éléments dont je viens de vous parler.

[Traduction]

    Je vais d'abord parler du sujet de ma thèse de maîtrise en études familiales et en gérontologie. Il s'agit d'un diplôme de maîtrise rigoureux, de nature appliquée. Je me suis alors servie d'un cadre qualitatif. J'ai interviewé huit familles, huit compagnes d'anciens combattants qui avaient soit souffert de blessures de stress opérationnel ou avaient été diagnostiqués comme souffrant de syndrome de stress post-traumatique. Il fallait que mes sujets d'études aient déjà quitté les forces armées depuis un certain temps pour que je puisse les interviewer. Pour des raisons éthiques, on ne m'a pas autorisée à interroger une famille qui se trouvait en situation de crise mais, à mon avis, certaines familles demeuraient en situation de crise en dépit du fait que, du point de vue diagnostic, on ne considérait plus qu'elles étaient en crise.

[Français]

    De combien de familles parlez-vous, huit familles?

[Traduction]

    Pour les besoins des entrevues que j'ai effectuées auprès des femmes, je me suis servie de deux modèles, le modèle ABCX de Hill, le A correspond à l'événement — il s'agit d'un vieux modèle utilisé en thérapie fondé sur les systèmes familiaux — et un autre, le modèle circumplex, lui aussi tiré de la thérapie familiale et du fonctionnement familial.
    Je me suis entretenue avec les femmes pendant au moins une heure et demie à deux heures au maximum. Les entrevues ont été enregistrées, puis transcrites et j'ai ensuite codé toutes les données colligées dans diverses catégories de la perte ambiguë, dont j'ai parlé — il s'agit de circonstances où une famille se trouve en crise, où elle doit s'adapter ou adapter son comportement à l'état de l'ancien combattant. J'ai donc rédigé tout cela. J'ai soutenu ma thèse à l'université, et elle a été publiée sur le site de Thèses Canada où elle fait partie des recherches sur ce sujet.
    Le point suivant portait sur les statistiques relatives aux ruptures des unions. J'ai parlé à des infirmières qui soutiennent les femmes. Selon les recherches, le taux de rupture est de 60 p. 100 mais, d'après les infirmières que j'ai consultées, il est plus réaliste de parler d'un taux de 80 p. 100. Selon elles, il y a un sous-dénombrement de ruptures parce que dans certains cas, les gens ne vont pas jusqu'au divorce et la séparation n'est donc pas documentée. Par conséquent, près de 80 p. 100 des unions ne survivent pas à ces problèmes, huit mariages sur 10 ne survivent pas.
    Une auteure merveilleuse du nom de Mme Pauline Boss parle de la perte ambiguë comme d'un chagrin figé, car il est difficile de pleurer quelqu'un qui est devant soi mais qui n'est plus celui qu'on a épousé. On m'a dit à maintes reprises aussi que la violence était indéniablement un problème. J'ai entendu parler d'une femme qui était mariée et avait deux enfants. Une nuit elle s'est réveillée clouée au sol par son mari qui serrait ses mains autour de son cou. Il était en proie à un flash-back. Elle a donc dû se séparer parce qu'elle n'était plus en sécurité.
    Il y a des cas de colères intempestives — les gens perdent leurs inhibitions. Nous pensons tous certaines choses que nous ne disons pas. Dans beaucoup de cas, les hommes faisaient des remarques blessantes sans penser à ce qu'ils disaient ou tenaient des propos violents qui constituaient, en fait, une forme d'abus psychologique.
    Il y a aussi l'inaptitude à toute forme d'intimité, qu'il s'agisse d'une simple conversation ou des autres formes d'intimité; les gens affectés étaient tout simplement incapables de fonctionner de cette manière. Ils se retiraient dans leur propre monde imaginaire et souvent de désolation.
    J'essaie de me rappeler votre quatrième question — au sujet des régions rurales. Eh bien, je ne sais pas vraiment comment on peut résoudre ce problème. Je sais que les familles vivant en régions profondément rurales ont eu des difficultés parce que ce sont de petites collectivités; une femme avait parlé de créer un groupe de soutien à l'intention des femmes qui se trouvaient dans la même situation qu'elle parce qu'il n'y avait pas beaucoup de roulement de familles militaires là-bas. Cependant, tout le monde dans la petite agglomération saurait ce qu'elle faisait si elle avait tenu une réunion à la bibliothèque: les gens auraient dit: « Oh, vous faites partie du groupe dont les partenaires souffrent de... ».
    Ces gens étaient donc stigmatisés socialement à cause de la maladie mentale. Cette même femme a affirmé que si son conjoint avait été blessé physiquement, il n'y aurait pas eu de problème à son retour.
(1150)

[Français]

    J'aurais continué à discuter avec vous, mais brièvement lorsque vous allez avoir votre étude, pourriez-vous la rendre accessible au comité pour qu'on puisse en prendre connaissance?

[Traduction]

    Monsieur André, vous êtes déjà à huit minutes. Je suis désolé, vous n'avez plus de temps.
    Je dois chronométrer le député. Je sais qu'il a posé une question et qu'il a demandé à M. Zimmermann ses commentaires aussi, et nous n'avons pas de limite de temps pour les témoins.
    Monsieur Zimmermann, concernant l'autre question posée par Mme Baker, si vous voulez faire un commentaire avant que je passe au prochain député, je n'ai pas d'objections.
    Je serai heureux de répondre.
    Pour ce qui est de la communication concernant les services et tout ce qui est offert, je crois qu'il s'agit là d'une fonction interne simple d'Anciens Combattants Canada. Mais j'aimerais vous donner un exemple très précis, parce que la question des services ruraux est absolument essentielle, et revenir à la question des partenariats soulevée par le député.
    Le MDN a établi de très solides partenariats avec divers centres de réadaptation de courte durée au pays, dans toutes les provinces. Par exemple, GF Strong est notre principal centre provincial de réadaptation en Colombie-Britannique.
    D'après ce que je crois savoir, cela fonctionne très bien. Le ministère tente d'offrir aux anciens combattants des services aussi près de chez eux que possible. Au lieu d'avoir un important centre de réadaptation traumatologique à Ottawa, on met en place ces diverses ententes avec des centres de réadaptation, qu'il s'agisse de Sunnybrook à Toronto ou de GF sur la côte Ouest, et de tous les autres centres.
    À mon avis, je ne vois absolument pas pourquoi — particulièrement pour ce qui est des services dans les régions rurales — on ne pourrait pas faire exactement la même chose dans le contexte de la réadaptation holistique avec diverses commissions d'indemnisation des accidents du travail. Je vais me servir de notre province comme exemple. Nous avons entre 1 500 et 2 500 personnes handicapées de façon permanente chaque année. La plupart viennent des communautés rurales. Les infrastructures et le développement sont mis en place, et sont appuyés grâce à des bureaux régionaux. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas examiner la possibilité de conclure des partenariats créatifs en tenant compte du fait qu'il y a des enjeux entourant la famille militaire.
    Honnêtement, le problème concernant le système de gestion de cas à Anciens Combattants Canada découle de la charge de travail massive; il y a relativement peu de ressources à allouer, et tout est très dispersé. Alors, pourquoi ne pas miser sur un système existant conçu pour répondre à ces besoins? Comme je l'ai dit plus tôt, Anciens Combattants Canada est réellement le fournisseur de soins en matière d'accidents professionnels pour les anciens combattants handicapés, tout comme la Commission d'indemnisation des accidents du travail est responsable des blessures professionnelles.
    Alors, je crois qu'il y a d'excellentes possibilités d'obtenir de meilleurs résultats pour les anciens combattants handicapés — que nous n'obtenons certainement pas aujourd'hui — grâce à un peu de créativité. Je vous encourage à examiner la possibilité d'entreprendre un projet pilote dans l'une des provinces. J'imagine que notre commission serait très intéressée à appuyer ce genre de démarche d'un point de vue d'évaluation pour voir si on peut obtenir de meilleurs résultats au bout du compte. Je suis certain que c'est possible.
(1155)
    Je vous remercie, monsieur Zimmermann.
    Passons maintenant à M. Stoffer, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Je remercie nos deux témoins de leur présence aujourd'hui.
    Sandra, vous avez indiqué que les familles n'étaient pas au courant des programmes qui leur étaient offerts. Il ne s'agit pas seulement d'un échec du ministère des Anciens Combattants ou du gouvernement, c'est un échec de la part de tous les députés. Nous faisons des envois. Nous demandons aux gens de les lire et de nous appeler s'ils ont besoin d'aide. De toute évidence, les gens ne lisent pas les envois ou croient qu'il s'agit de publicité importune et les mettent à la poubelle, ce qui est très déplorable. Cela nous démontre simplement que nous devons tous faire un meilleur travail de communication auprès des gens pour leur dire de nous appeler si jamais ils ont besoin d'aide.
    Je ne sais pas ce que nous pouvons faire de plus comme députés. Nous avons Internet. On fait des envois. On fait ceci, cela. Mais ce n'est pas seulement la faute du gouvernement. Nous sommes à blâmer également. Nous devons voir à la diffusion de cette information.
    Je vais me concentrer davantage sur les enfants. J'aimerais que vous nous parliez davantage de l'expérience des enfants et des services qu'ils peuvent recevoir, ou quels services supplémentaires selon vous, le gouvernement devrait offrir...
    Monsieur Zimmermann, mon frère a en fait travaillé pour Mac Bloedel au moulin Canadian White Pine pendant 41 ans. C'est lui qui avait le plus grand nombre d'années d'ancienneté au Syndicat international des travailleurs unis du bois d'Amérique (IWA). Il en était très fier.
    Vous avez dû le connaître, avant qu'il ne décède, un dénommé Sean McCormick. Il était de la côte est, un peu comme vous. Il faisait ce genre de travail sur la côte est. Il a constaté que lorsque les gens étaient handicapés et qu'ils changeaient de poste pour répondre à leurs besoins, on parlait toujours des emplois du plan B ou du plan C. Mais ce que les gens voulaient réellement, c'était de retourner au travail qu'ils exerçaient auparavant. Ils devaient composer avec ce genre de difficultés psychologiques qui...
    Par exemple, les anciens combattants ne sont plus dans les forces armées. Ils ont été libérés en vertu de la disposition 3b). Je suis la situation de deux hommes en Nouvelle-Écosse. L'un s'est très bien ajusté. Il a un nouvel emploi, il est heureux, la vie est belle. Mais l'autre pense toujours qu'il veut retourner dans les forces armées. C'est ce qu'il connaît, c'est ce qu'il aime. Il a un boulot, mais il n'est pas encore rendu là. Il est souvent malade; il prend des congés de maladie. L'employeur se demande pourquoi ce type travaille là. Ils font leur possible, alors, c'est un défi.
    Je me demandais si vous pouviez nous aider à les aider à accepter le fait que, malheureusement, ils ne peuvent pas retourner dans les forces armées, mais que cette autre carrière est une bonne chose pour eux à cet égard.
    Sandra, si vous pouviez donner plus de détails sur les enfants, ce serait très utile.
    Je vous remercie tous les deux de votre présence.
(1200)
    Merci.
    Une des choses que les études révèlent au sujet des enfants, c'est que dans les familles militaires, les enfants sont plus stressés que dans n'importe quel autre type de famille. C'est en raison des affectations et des déploiements. Leurs parents doivent se déplacer beaucoup plus souvent que ceux qui ont n'importe quelle autre profession. Donc, cela est quelque chose de très stressant pour la famille. Même s'il y a des choses comme le centre de ressources pour les familles militaires à l'heure actuelle... il faut cependant vivre près d'un de ces centres pour pouvoir avoir accès aux services de soutien.
    Ce dont parlaient les gens avec qui j'ai eu un entretien au sujet de leurs enfants, c'était, encore une fois, la perte du père qui existait. Je ne parle ici que des pères étant donné que j'ai interviewé des conjointes: « Papa ne peut plus sortir dîner avec nous parce qu'il ne peut pas se trouver dans un restaurant ». Il est nécessaire de planifier tous les événements familiaux. Il faut planifier la sortie en vue de la remise des diplômes. Il faut prendre deux voitures au cas où papa devrait partir. Il faut prévoir où tout le monde va s'asseoir. On ne peut plus aller au cinéma parce que papa ne peut pas s'asseoir dans un cinéma.
    Par exemple, pour ce qui est de la sortie en vue de la remise des diplômes, ils ont dû se rendre sur place la veille afin de planifier exactement où ils allaient s'asseoir. Ils avaient un plan d'urgence de sorte que si le père ne pouvait rester pendant toute la cérémonie, la mère, au moins, pourrait rester. Quelqu'un devait s'assurer que le père serait en mesure de sortir et d'aller dans un endroit où il se sente en sécurité.
    Cela complique donc les choses. Cela complique constamment la vie pour ces enfants. Ils ne peuvent plus être libres. Ils doivent aussi constamment être supervigilants et se demander: « Ai-je fait quelque chose de mal? Est-ce que je regarde quelque chose à la télé qui va déclencher un retour en arrière pour papa? ». Toute la famille est touchée par cette situation.
    L'auteur, Sandra Bloom, dit que le traumatisme, c'est comme un virus qui est insidieux et qui se propage à toute la famille. Ces enfants développent donc eux-mêmes une prédisposition à la dépression ou au traumatisme. Ils apprennent à être hypervigilants. Ils apprennent à être hypervigilants en s'occupant du parent, en créant cet environnement, en tentant de contrôler l'environnement de façon à ce que le parent n'ait pas de réaction, qu'il ne fasse pas de crise, de façon à ce qu'il se sente en sécurité. Le rôle est donc inversé. Les enfants deviennent les parents et les parents deviennent les enfants. Donc, lorsque ces enfants deviennent adultes, ils ont pendant toute leur vie une prédisposition à la maladie mentale en raison de cette hypervigilance et de sa portée, et de la réaction chimique au cerveau et de toute cette neuroscience qui entoure...
    Ce n'est pas juste. Ce n'est pas juste à l'égard de ces enfants que de vivre une telle situation. Ils n'ont aucun contrôle. Ils n'ont pas d'autres choix que de se retrouver dans cette situation. Et ils ont besoin de soutien pour pouvoir être des enfants, être libres et comprendre qu'ils n'ont rien fait de mal et qu'il n'y a rien qu'ils puissent faire pour guérir leur parent, et c'est tout ce qu'ils veulent faire. Ils veulent tous que leur parent se sente mieux. Ils veulent que les choses reviennent comme elles étaient auparavant, mais cela n'arrivera pas.
    Merci.
    Je vous remercie de votre observation, car c'était à bien des écarts un retour en arrière sur ma propre expérience. Après avoir obtenu mon diplôme en génie civil et en génie forestier, je travaillais dans la brousse. J'ai cependant fini par me recycler comme comptable. Je n'ai rien contre les comptables, mais j'ai détesté chaque minute que j'ai travaillé comme comptable. C'était tout simplement un emploi qui me permettait d'aller de l'avant. J'ai fini par me retrouver dans le domaine des ressources humaines. J'ai donc eu de la chance.
    Très précisément, voici ce que je pense qui pourrait être fait dans votre cas ou dans le cas du gouvernement. Je pense que c'est là une excellente occasion de faire en sorte que quelqu'un qui travaille sur le terrain ne se retrouve pas tout à coup à travailler dans un bureau ici à Ottawa, ou à Vancouver, ou à Toronto. Cela n'a aucun sens. En ce qui concerne l'entreposage, lorsque nous avons mis en place notre programme, on aurait pensé qu'au sein d'une entreprise au Canada — nous avions près de 12 000 employés — il y aurait un grand nombre de possibilités. C'était difficile, tout simplement en raison de toutes sortes de règlements et aussi, du fait que nous étions éparpillés un peu partout au pays.
    Mais dans ce cas-ci, vous avez une main-d'oeuvre extraordinaire. Si on prend par exemple ce que je considère comme étant un service de première ligne, il y a Pêches et Océans, Parcs Canada, les inspecteurs de la main d'oeuvre à Travail Canada, ceux qui travaillent à Industrie Canada, la Garde côtière, la liste est essentiellement interminable.
    Il n'est peut-être pas possible pour quelqu'un de réintégrer les forces armées, mais si on lui trouvait quelque chose qui correspond d'assez près à ses intérêts, alors, je pense qu'on aurait un taux de succès beaucoup plus élevé. Il faut cependant une certaine souplesse au niveau bureaucratique. Il faut que les gens se disent: « Nous n'allons pas essayer de faire passer un chameau par le chas d'une aiguille. En fait, nous allons considérer quelque chose qui est sensé. »
    Si je n'avais pas eu la possibilité de faire ce que je fais aujourd'hui, si j'avais continué d'être un comptable à la petite semaine, cela aurait été très difficile, car cela ne correspond tout simplement à mes antécédents ni à ma personnalité. Donc, je pense que dans ce cas-ci, l'important, c'est de trouver des solutions créatives, et c'est une possibilité pour le gouvernement.
(1205)
    Merci, monsieur.
    Merci, monsieur Zimmerman.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Kerr.
    Merci beaucoup à tous les deux d'être venus. C'est, en fait, très éclairant d'entendre ce que vous avez à dire sur une question que tous les membres du comité prennent très au sérieux.
    Je ne vais pas aborder les questions que vous avez soulevées, bien que j'y reviendrai peut-être, mais j'aimerais surtout poser des questions. On continue d'apporter de nombreux changements et les gens tentent d'améliorer les choses au fur et à mesure, et beaucoup de choses ont été faites. Alors qu'on continue de changer d'orientation, j'aimerais savoir où vous pensez que des progrès ont été accomplis et où nous devrions travailler plus fort, etc.
    Plus précisément, l'un des défis pour bon nombre d'entre nous qui représentons des circonscriptions rurales, après vous avoir entendu soulever certaines questions, c'est qu'il est très difficile de trouver à la fois les ressources et les liens qui peuvent être mis en place en milieu rural. En fait, bon nombre d'entre nous pouvons témoigner du fait que dans bien des régions rurales au Canada, c'est tout à fait le contraire qui se produit, et c'est là tout un défi pour nous.
    Je vais d'abord m'adresser à vous, madame Baker. Au cours de votre expérience comme chercheur, vous avez rencontré des exemples très concrets. Avez-vous constaté où des progrès avaient été accomplis ou que d'autres tentatives ont été faites afin de mettre davantage l'accent sur cela, ou est-ce que vous pensez que c'est là tout simplement une lacune?
    La raison pour laquelle je pose la question, c'est que nous avons entendu de nombreux témoins et que dans certains cas, ils disaient: « S'il y avait davantage de ceci  » ou « Si nous mettions davantage l'accent sur cela », car bon nombre d'initiatives du MDN et d'Anciens Combattants Canada visaient les gens alors qu'ils étaient toujours en service actif et tentaient de trouver des groupes de soutien par des pairs, des groupes de reconnaissance, et des centres de soutien familial et autres, et encore une fois, ces initiatives mettent moins l'accent sur les régions rurales... Y a-t-il des exemples où vous constatez une certaine amélioration ou le fait que l'on reconnaisse que l'on devrait réfléchir davantage à la façon d'offrir des services de soutien, ou bien croyez-vous essentiellement qu'il faudrait repartir à zéro?
    Dans le cas d'une des familles qui demandait de l'aide, le père avait été diagnostiqué avant qu'il quitte l'armée. Il se trouvait dans un sous-marin qui a pris feu. Ils ont donc conclu que l'une des raisons pour lesquelles il a été diagnostiqué si rapidement, c'est qu'il avait participé à un événement autour duquel il y a eu beaucoup de publicité.
    Il a participé à un programme de soutien par des pairs, ce qu'il a trouvé très utile, et parce qu'il a participé à ce programme, sa femme avait elle-même accès à de l'aide par l'intermédiaire du centre de traitement des traumatismes de Halifax. Ils étaient de la place, ils vivaient à Halifax et c'était facile pour eux d'avoir accès à ce service. Elle a participé à un programme qui était administré par deux travailleurs sociaux qui travaillent au centre de traitement des traumatismes de Halifax pour les femmes des militaires et des anciens combattants qui ont reçu un diagnostic de syndrome de stress post-traumatiques, et elle avait vraiment l'impression que cela lui avait sauvé la vie. Cet endroit était sa pierre de touche, là où elle pouvait aller pour demander: « Est-ce lui ou moi? Suis-je déraisonnable ou est-ce lui qui a un comportement déraisonnable? » Elle a donc participé à un programme de six semaines qu'elle a trouvé extrêmement utile. À la fin du programme, on lui a laissé la porte ouverte en lui disant qu'elle pouvait revenir à n'importe quel moment pour chercher de l'aide si elle en avait besoin. Je pense qu'il faudrait mettre en place un tel programme en milieu rural et faire connaître davantage de tel programme.
    Une chose que je trouve frustrante, c'est que la seule façon pour elle d'avoir accès à de tels services, c'est qu'il fallait que son mari reçoive activement des services lui-même. Elle a dû s'adresser à son thérapeute pour pouvoir participer à ce groupe. Elle a pu obtenir de l'aide parce que son mari était lui-même assez ouvert pour aller chercher de l'aide. Mais s'il n'avait pas eu cette ouverture, cette porte aurait été fermée pour elle.
    Je suis tout à fait d'accord en ce sens que l'un des problèmes que l'on constate pour recevoir des services, c'est la détection précoce et les recommandations de traitements précoces qui en découlent. Vous dites que si l'intervention est là, la famille a de meilleures chances de pouvoir obtenir des services, et ces services ne sont pas toujours disponibles selon la région géographique. Ce qui est vraiment important, c'est d'entreprendre les démarches avant qu'il ne quitte l'armée.
(1210)
    Il y a cela, et aussi le fait qu'il ne peut pas y avoir de lien avec l'ancien combattant qui demande de l'aide. Si elle avait voulu aller chercher de l'aide et qu'il ne l'avait pas fait, on ne l'aurait pas autorisée à le faire. J'ai demandé si d'autres femmes qui participaient à l'étude pouvaient le faire. On m'a répondu qu'il fallait que leur mari ait été diagnostiqué, qu'il ait lui-même demandé de l'aide. Pour qu'une femme puisse aller chercher de l'aide au centre de traitements des traumatismes des forces armées, elle devait obtenir une recommandation du psychologue de son mari. C'était très frustrant, car ces femmes auraient vraiment pu profiter de ce programme de soutien par des pairs, de pouvoir se rendre quelque part pour parler de leur situation et avoir un baromètre qui leur permette de savoir si leurs attentes étaient déraisonnables — nous pouvons tous avoir des attentes déraisonnables — ou si c'était vraiment le comportement du mari qui était déraisonnable. Et si c'est le comportement du mari qui est à blâmer, alors comment peuvent-elles composer avec cela, comment composer avec cela en tant qu'unité familiale plutôt qu'en étant isolées?
    Je suppose que cela fait ressortir le fait que le type de service nécessaire pourrait être disponible ou est disponible lorsque des liens sont établis au départ. Je pense que c'est là une chose sur laquelle nous serions sans doute tous d'accord.
    Monsieur Zimmerman, j'aime bien ce que vous dites en général. Nous avons tous parlé à des anciens combattants qui sont passés par là. Leur sentiment de frustration provient du fait que souvent, il n'y a pas de programmes qui correspondent à leur situation ou encore, qu'on les a oubliés pour une raison ou une autre.
    Vous avez parlé de partenariats. Je sais que nous n'avons pas le temps aujourd'hui d'approfondir la question. Dans le système actuel, le problème est attribuable en partie à l'attitude du gouvernement, des fonctionnaires, etc., mais pouvez-vous nous donner des exemples dont on pourrait s'inspirer?
    Je suppose que la même question pour une raison différente serait la suivante: y a-t-il des exemples de solutions reconnues qui pourraient être reproduits ou élargis au sein du gouvernement? Avez-vous déjà rencontré quoi que ce soit qui fonctionne de cette façon?
    Oui. Dans le cadre de sa relation avec les hôpitaux, le MDN a établi des partenariats avec tous les hôpitaux régionaux de soins aigus en réadaptation afin que les anciens combattants soient plus près de leurs familles et de leurs bases principales, plutôt que de tout centraliser à Ottawa.
    À plus petite échelle, alors que j'étais à la Commission d'indemnisation des accidents du travail, un important hôpital de réadaptation a littéralement été détruit. Les travailleurs venaient des régions rurales de notre province, de Prince George ou de Prince Rupert ou d'ailleurs, et pouvaient passer des périodes de deux à trois semaines à Vancouver, loin de leurs familles. La stratégie consistait à amener ces services plus près des travailleurs plutôt que le contraire, pour que ces gens ne vivent pas un sentiment d'isolement, de désespoir ou d'autres difficultés semblables.
    Je crois que ce modèle conviendrait très bien à cette situation. Vous avez quelque chose en place. D'après moi, le MDN fait un excellent travail en créant ces partenariats avec tous les grands centres provinciaux de réadaptation. Le traitement se fait plus près du foyer et les gens sont plus près de leurs familles. Ils peuvent obtenir tout le soutien nécessaire sans avoir à trop s'éloigner.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Kerr.
    Cela conclut notre premier tour de sept minutes. Nous avons pris beaucoup de temps, en partie parce que nous avons débuté en retard et à cause de la haute qualité des réponses des témoins.
    Nous allons passer au tour de cinq minutes.
    Madame Sgro.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je suis d'accord avec tout ce que le président a dit. Vos exposés ont été extrêmement intéressants. Je vous remercie d'être de si bons Canadiens et de prendre le temps de venir ici pour nous aider à améliorer notre travail.
    Madame Baker, pourrions-nous avoir une copie du document que vous avez rédigé?
    Ma thèse est disponible sur Thèses Canada. Je pourrais vous en laisser une copie, si vous le désirez, mais elle est publiée sur le portail Thèses Canada. Comme je l'ai mentionné, il s'agit d'un document publié dans le cadre de ma maîtrise.
    Cela serait préférable. Nous pourrons le faire traduire. Le greffier se le procurera sur Internet et en fera la distribution aux députés.
    Cela a dû être quelque chose de très difficile à faire sur le plan émotionnel.
    Nous avons parlé de toutes sortes de choses. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour être entendus. Mais comme M. Stoffer l'a souligné, malgré tous les renseignements diffusés par tout le monde, souvent les gens n'en ont pas entendu parler. Nous entendons parler des séances d'information et des autres choses qui se font, et cela m'étonne qu'il y ait tant de gens qui ne savent pas quels sont les services offerts.
    J'ai toujours pensé que l'on devrait automatiquement considérer que les hommes et les femmes qui reviennent souffrent d'une forme ou d'une autre de SSPT. Il est impossible de vivre de telles expériences et de dire au retour qu'on est la même personne que l'on était au départ. Il s'agit là d'un grand changement, mais il me semble qu'il serait bon de présumer que ces gens en souffrent et d'offrir immédiatement du soutien à ces personnes et à leur famille.
(1215)
    Ensuite, vous pourriez décider si vous devez poursuivre ou si le débreffage était suffisant. Par contre, dans le cadre de mon analyse documentaire, j'ai constaté que certaines personnes ont dit que d'être témoin des attentats du 11 septembre à la télévision avait changé tout le monde, parce que les traumatismes nous transforment. Notre sentiment de sécurité pour nous et notre famille dans le monde change. Alors, allez en Afghanistan ou en Bosnie, ou tout autre endroit où l'on vit des traumatismes, transforme qui nous sommes et notre perception du monde ici.
    Nous ne savons pas si cela deviendra une blessure de stress opérationnel. Cela peut se produire 18 mois après le retour, mais si au moins ces gens sont passés par le dépistage ou ont eu l'occasion de comprendre qu'il est normal que ces expériences traumatiques transforment leur perception d'eux-mêmes et leur sentiment de sécurité pour eux et leur famille, alors cela pourrait également créer la possibilité qu'ils demandent de l'aide à l'avenir. Il faut leur donner l'occasion de réfléchir à eux-mêmes et d'évaluer dans quelle mesure leur vie a changé, et je crois alors qu'ils auraient plus tendance à demander de l'aide si nécessaire — et certainement, la famille le ferait.
    Une des choses que les familles m'ont dites, c'est que les renseignements sont diffusés mais ne se rendent pas jusqu'à leur partenaire, soit parce que les documents sont envoyés à la poubelle ou parce que l'ancien combattant vit du déni, et dit, « ah, cela ne me concerne pas. » Qui sait ce qui se passe? C'est malheureux. C'était frustrant parce que je savais que les gens au SSBSO étaient prêts à offrir de l'aide. Le centre de traitement des traumatismes me causait de la frustration, parce qu'il fallait une recommandation, mais le SSBSO était présent, et ces anciens combattants ne savaient pas qu'il existait, et encore moins qu'ils pouvaient y obtenir de l'aide.
    C'est incroyable.
    Monsieur Zimmerman, j'ai été fascinée de vous entendre raconter tout ce que vous avez vécu et quelle a été votre réponse initiale à votre propre blessure.
    Je ne crois pas qu'il s'agisse simplement d'une mentalité parce que nous avons affaire à des militaires. Toutefois, il semble logique que si quelqu'un a fait partie des forces armées, il demeure un employé du pays pour toujours, et que cela ne se termine pas le jour où il est réformé ou que son invalidité est corrigée, mais que d'une certaine façon il continue d'être dans une certaine mesure sous la responsabilité du gouvernement du Canada.
    Vous avez parlé des principes essentiels qui devraient nous guider dans ce travail aujourd'hui, profiter de toutes les occasions et songer à des partenariats. Je ne sais pas si cela est dû à l'idée que nous nous faisons du domaine militaire, mais je crois que toute organisation rationnelle établirait des partenariats avec d'autres organisations. Tout cela n'a pas à se faire seulement à l'intérieur de l'appareil militaire, ce n'est pas parce que l'on fait partie des forces armées que tout doit se faire dans ce cadre.
    Pourquoi n'essayons-nous pas déjà de créer des partenariats, comme ceux en Colombie-Britannique, compte tenu de tout le travail que vous avez fait?
    Voilà un commentaire intéressant. Je crois que vous touchez au coeur de la situation, c'est-à-dire la notion de la famille militaire et le fait que les gens veulent demeurer à l'intérieur de cette famille. Parallèlement, je connais de nombreux anciens combattants et de nombreux processus, et celui que j'ai mentionné plus tôt en est un exemple, pour lesquels le MDN a établi avec succès des partenariats avec des centres de réadaptation, alors on ne part pas de zéro. Les possibilités existent et je crois que cela est bien compris.
    Je ne sais pas s'il y a vraiment un besoin, car lorsque je songe aux personnes qui ont été réformées, qui sont hors du système et qui doivent soudainement faire affaire à une organisation de gestion des dossiers, telle que celle utilisée ici et qui provient du Royaume-Uni — d'après ce que je sais, elle n'avait aucune présence au Canada auparavant — cela ne fait aucune différence. Je crois qu'il serait facile d'utiliser une approche plus structurée à ce sujet, et il y a de bons exemples à suivre.
    Par ailleurs, il me semble qu'il est très clair que le gouvernement a une responsabilité, à titre d'employeur, et qu'il a l'occasion d'agir. Nous ne demandons pas à un petit magasin du coin de prendre cette responsabilité. Nous parlons d'une organisation énorme qui emploie 220 000 personnes dans une vaste gamme d'emplois. Pour ceux d'entre nous qui sont dans ce domaine ou qui travaillent dans le secteur de l'hébergement et qui essaient d'améliorer les possibilités pour des gens... En gros, nous nous définissons selon le travail que nous faisons, et nous nous y identifions. C'est malheureux, mais qui nous sommes et ce que nous faisons constituent une partie importante de notre sens de l'identité. C'est notre sentiment de pouvoir apporter une contribution et de faire vivre nos familles. Si cela n'est pas possible, les conséquences évidentes sont tous les problèmes sociaux et psychologiques dont Sandra a parlé et les répercussions sur les familles.
    Le gouvernement est l'employeur. D'après moi, il a une responsabilité sans équivoque, tout comme les employeurs du secteur privé ont certaines obligations. Nous avons le devoir de nous adapter, comme toutes les autres organisations qui reconnaissent qu'elles ont cette responsabilité et qu'il est dans leur meilleur intérêt, que c'est dans le meilleur intérêt de notre société, de protéger la productivité et le capital humain de chaque personne, et de ne pas nous arrêter à ce qui est, dans certains cas, un handicap léger et ignorer le fait que nous avons tous des capacités indépendamment de qui nous sommes et de ce que nous faisons.
(1220)
    Merci, monsieur Zimmermann, et merci, madame Sgro.
    Nous passons maintenant à M. Lobb pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et je remercie les témoins de comparaître ici aujourd'hui.
    Monsieur Zimmermann, compte tenu de votre longue expérience, quelles seraient vos trois principales suggestions pour que notre comité puisse améliorer la nouvelle charte des anciens combattants?
    Je viserais à améliorer les résultats globaux de la réadaptation. Je vous suggérerais de songer, à tout le moins dans le cadre d'un projet pilote, à tisser des liens avec l'une des commissions des accidents du travail. Le niveau de service, le nombre de dossiers que les gestionnaires ont dans le système actuel, n'est pas du tout viable, et je crois que de gérer des centaines, ou davantage, de dossiers n'amène rien de bon pour ces gens. Voilà une stratégie à examiner.
    Il faudrait aussi absolument revoir toute la question des mesures d'adaptation pour les anciens combattants handicapés à l'intérieur du gouvernement fédéral, dans certains ministères.
    L'autre défi auquel vous faites face — et il s'agit également d'une troisième occasion qui s'offre à vous — concerne ceux qui ne font plus partie du marché du travail depuis longtemps et qui sont en marge de la société. Vous devez songer au type de stratégie de réadaptation que vous aimeriez utiliser. Un autre défi, c'est que plus longtemps vous êtes à l'extérieur du marché du travail, moins grandes sont vos chances d'y revenir. Les faits le démontrent clairement.
    Nous savons que si quelqu'un n'est plus sur le marché du travail depuis deux ans, il y a moins de 10 p. 100 de chance qu'il retourne travailler. Des études internationales importantes et certaines études de cas le prouvent malheureusement. Cependant, cela ne s'applique pas à tous.
    Nous avons été en mesure de ramener sur le marché du travail des gens qui n'avaient pas travaillé depuis plus de 10 ou 12 ans, parce que les circonstances ont changé et que certaines occasions sont maintenant offertes. Le problème pour nous, c'est que si quelqu'un se trouve en situation d'invalidité de longue durée, on ne pense plus à lui. On l'oublie. Ces gens sont en quelque part dans le système, et ce sont eux et leur famille qui doivent essayer de s'en sortir.
    Si vous me permettez une autre suggestion, je songerais sérieusement à contacter le Conseil canadien des chefs d'entreprise parce qu'il représente, dans l'ensemble, des organisations importantes qui ont la capacité d'embaucher des personnes handicapées, pour leur dire qu'il y a tout ce nouveau bassin de personnes qui pourraient travailler pour eux.
(1225)
    Il y a deux autres points que j'aimerais examiner, mais je ne sais pas si j'aurai assez de temps. Un concerne le placement d'emploi. Je crois avoir lu quelque part, ou vous l'avez peut-être mentionné, que l'absence de diplômes universitaires constitue un obstacle à l'entrée.
    C'est exact.
    Bien sûr, nombre d'entre nous autour de cette table ont un diplôme d'études postsecondaires. Lors de ces études, on apprend entre autres à mémoriser des faits et à les rédiger sur papier, ce qui ne signifie pas que l'on sera un excellent employé. De nombreuses personnes qui n'ont pas de diplôme d'études postsecondaires sont des personnes qui ont beaucoup de potentiel. Ce sont ceux qui savent comment faire le travail de façon efficace.
    Que pensez-vous de cette question? Évidemment, il n'est pas possible pour tout le monde de retourner sur les bancs d'école pour faire des études universitaires simplement pour être admissibles à un emploi. D'après votre expérience, quelle serait une bonne façon d'examiner cette situation pour que nos anciens combattants, qui ont évidemment toutes sortes d'expériences et de connaissances, n'aient pas à le faire?
    On observe cela dans un certain nombre d'universités où on est en train d'élaborer divers mécanismes d'évaluation et de reconnaissance des acquis afin de créer une certaine équivalence.
    Je songe, par exemple, au programme d'études de la condition des handicapés mis sur pied à l'Université Ryerson. On y a créé un processus de reconnaissance des acquis et de l'expérience comme critère d'admission à un programme. L'Université Royal Roads de Victoria a fait exactement la même chose, de telle manière que les personnes n'ayant pas obtenu de diplôme de premier cycle puissent être admises dans des programmes de deuxième cycle. Il existe donc divers mécanismes permettant d'admettre les gens.
    Il faut que quelqu'un se demande: comment mettre en place un mécanisme d'évaluation des acquis adéquat, puis quelles qualifications doivent posséder ces personnes pour occuper ces postes?
    Je vous remercie, monsieur Zimmermann, et merci également à vous, monsieur Lobb.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Vincent. Vous avez cinq minutes, monsieur.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poursuivre sur le thème de la réadaptation. Vous avez parlé de santé et de sécurité au travail et de la CSST. On fait une certaine réadaptation. La personne est acceptée selon son niveau d'études. S'il a déjà fait des études universitaires, il peut poursuivre ses études dans un autre champ de compétence donné. Par contre, on ne peut pas accepter une personne qui n'a terminé qu'une deuxième année secondaire, qui s'enrôle dans les Forces armées et qui devient handicapé. Cela dépend du niveau d'incapacité. En effet, 5 p. 100 d'incapacité, c'est complètement différent de 90 p. 100 d'incapacité. On peut donner une certaine formation à ce niveau.
    Pourriez-vous me dire ce qui se fait présentement, et quelle recommandation feriez-vous? Vous avez tous les deux identifié les problèmes, vous avez mis le doigt sur la problématique qu'on vit présentement. Que recommandez-vous? Il ne faut pas laisser aux Forces armées canadiennes le soin de penser pour vous. Je ne suis pas certain que cela irait bien loin, en fait de pensée. Vous, qui le vivez, quelles seraient vos recommandations face à cela?
    J'ai vu que 75 p. 100 des gens étaient en réadaptation. Le programme dure de 18 à 24 mois. Vous avez mentionné que vous aviez fait de la formation auprès des entreprises. Avez-vous pensé donner un certain montant d'argent, de payer le salaire de cette personne, le temps d'apprentissage?
    On sait que l'estime de soi, que ce soit pour un accidenté ou une personne qui a été blessée, est vraiment importante. Le laisser à lui-même, alors qu'il retire 75 p. 00 de son salaire, ne va pas le valoriser et l'encourager à se trouver un travail. Il va falloir lui dire qu'il est capable de se trouver un emploi. À un moment donné, il faut le laisser se débrouiller par lui-même. Présentement, on est en train de vouloir le prendre en charge et penser pour lui. On lui dit qu'on va lui trouver un travail et que s'il manque de qualifications, on va lui donner une formation. À un moment donné, il n'y a plus de valorisation. Lorsqu'on lui a trouvé un emploi, il n'y a pas de valorisation.
     Selon vous, que devrions-nous faire pour modifier la Charte des anciens combattants et revaloriser les anciens combattants pour qu'ils puissent trouver un emploi de façon adéquate?
(1230)

[Traduction]

    L'une des choses que je ferais en premier lieu serait de faire ce que font un grand nombre de grandes compagnies — par exemple, la compagnie Ford —, soit dresser un inventaire des emplois actuels. Autrement dit, quelles sont les exigences véritables des postes à doter que nous étudions? Si l'on pense à la candidature d'anciens combattants handicapés, il existe toute une gamme de postes qui leur conviendraient et qu'ils pourraient occuper.
    Dans un tel cas, vous disposez au moins de compétences de base. Vous avez sans doute deviné que je préconise fermement le retour immédiat à la population active, afin que la personne concernée ne vive pas un « hiatus dans le service ». La première étape est donc l'examen des exigences réelles des postes à pourvoir.
    Pour vous donner une idée de cela et si vous me permettez de m'écarter un peu du sujet pendant un moment, c'est ce que nous avons fait dans l'une de nos usines de pâte à papier. Nous nous sommes penchés sur chacun des postes à pourvoir et sur leurs exigences réelles, tant sur le plan professionnel que physique, afin que le candidat retrouve un emploi; nous avons ensuite étudié l'ensemble des compétences, des expériences et des aptitudes de la personne afin de voir quel emploi lui conviendrait.
    Lorsqu'on s'occupe de personnes souffrant de lésions corporelles, on se contente d'examiner le poste, de voir quelles sont les capacités actuelles du candidat, puis on se renseigne sur les technologies d'aide de pointe. De nos jours, cette technologie s'est tellement développée qu'il reste très peu d'emplois qui ne peuvent être occupés par une personne handicapée. Bien entendu, ainsi que l'a précisé Sandra, si l'on s'occupe de quelqu'un souffrant de problèmes de santé mentale, il faudra envisager des stratégies d'intervention différentes.

[Français]

    Dans les Forces armées, est-il possible, si un employeur requiert la modification d'un poste de travail, d'adapter le poste de travail en fonction du handicap physique de l'ancien combattant? Cela peut-il se faire?

[Traduction]

    En toute honnêteté, je ne suis pas en mesure de répondre à votre question sur ce qui se passe au ministère de la Défense nationale. Je peux toutefois vous dire qu'à l'heure actuelle, notre problème le plus difficile est la liaison entre le ministère de la Défense nationale et celui des Anciens Combattants, en ce sens que les gens demeurent trop longtemps au sein du premier, même si on n'a pas trouvé de solution permanente pour eux. Dans bien des cas, le créneau favorable à leur retour au travail est passé, car on a observé une baisse importante du nombre de ceux qui retournent sur le marché du travail s'ils en restent éloignés plus de six mois. Or, c'est là un problème difficile à résoudre.
    Toutefois, au sujet de ce qui se passe au ministère de la Défense nationale en soi, je suis désolé, mais je n'en sais rien.
    Je vous remercie, monsieur Zimmermann, et vous aussi, monsieur Vincent.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. McColeman, qui a cinq minutes.
     J'aimerais à mon tour vous remercier de votre présence parmi nous aujourd'hui, car vos connaissances respectives sont très poussées. C'est très impressionnant et vous nous avez apporté de quoi nourrir abondamment notre réflexion.
    Madame Baker, au cours de vos recherches, manifestement très spécialisées, avez-vous tenu compte de situations parallèles? Je songe particulièrement à un examen que vous auriez pu faire de la situation de familles qui, elles aussi, doivent composer avec des problèmes d'invalidité, mais en dehors des milieux militaires. Je songe, par exemple, aux familles dont un enfant souffre de multiples handicaps congénitaux. Vous êtes-vous penchée sur de tels milieux parallèles?
(1235)
    On peut certainement établir un parallèle ici aussi avec les familles dont un enfant est né avec des besoins spéciaux. Dans ce cas-là, il y a aussi une perte ambiguë; les rêves que l'on caressait pour cet enfant — et j'en ai vécu l'expérience quand ma fille a été blessée — sont très différents de la réalité. Vous aimez toujours votre enfant; toutefois, il faut compter sur des rajustements et une adaptation du système et nous avons besoin de ressources pour gérer cela.
    Au-delà de cela, dans la plupart des collectivités, les systèmes de soins de santé et les groupes de soutien communautaire offrent des ressources. Selon vous, répondent-elles aux besoins?
    En théorie, il existe des ressources dans toutes les collectivités afin de fournir ce soutien. En réalité, ce n'est pas le cas. Je ne peux pas me prononcer sur la situation dans une autre province, mais en Nouvelle-Écosse, il y a des régions que l'on désigne comme des trous noirs. Il n'y a pas de services. Le manque de financement et de ressources est aberrant. Les ressources qui s'y trouvent sont sollicitées au-delà de leurs capacités.
    Je voudrais avoir une idée générale de la situation, car d'après les renseignements fournis par certains témoins, dont nous voulons tenir compte pour l'examen de la Charte des anciens combattants, Anciens Combattants Canada a assurément un rôle à jouer. Nous le savons, et c'est la raison d'être du ministère. Cependant, les collectivités ont aussi un rôle à jouer; par « collectivités », j'entends les groupes de soutien et les autres ordres de gouvernement, les administrations municipales et les gouvernements provinciaux.
    J'essaie de comprendre et de cerner la dynamique de la situation. Je reviens à l'exemple de l'accès en milieu rural que vous avez donné. Si un membre de la famille est conscient d'un problème et qu'il le signale à un professionnel de la santé, j'ai pu constater qu'il était orienté vers un endroit où se trouvent des ressources. Y a-t-il des régions où ce n'est pas le cas?
    Il est possible d'obtenir une recommandation et d'avoir assez de chance pour être accueilli en consultation. En Nouvelle-Écosse, il est courant de devoir attendre deux ans pour voir un psychiatre. Je ne parle pas ici d'un psychiatre au sein de l'armée. Si c'est une situation de crise, les choses sont un peu accélérées. Toutefois, les soins continus sont très difficiles à gérer. Il semble que les situations de crise aiguë soient ce que l'on gère, parce que le temps ne permet pas de faire autrement. Quiconque n'est pas dans une situation de crise aiguë actuellement est devancé par d'autres cas. Malheureusement, cela est dû au manque de financement aux niveaux municipal et provincial. Le financement et les ressources ne sont tout simplement pas au rendez-vous.
    On peut s'adresser aux services de santé mentale. Il existe des centres locaux de santé mentale. Là encore, il y a une attente et la personne qui vous recevra n'a peut-être pas la compétence correspondant à vos besoins ou une compréhension de la dynamique particulière à une famille militaire. Les besoins d'une famille militaire sont différents de ceux d'une autre famille. On ne s'attend pas à ce que la personne qui vous recevra ait une compréhension approfondie de la dynamique militaire, mais il faudrait assurément qu'elle ait une idée du mode de vie d'une famille militaire, qui porte déjà un fardeau plus lourd que les autres même en temps normal, en raison des déploiements et des missions, sans parler des blessures traumatiques qui s'ajoutent parfois.
    Selon moi, c'est à ce moment qu'Anciens Combattants Canada doit prendre le relais et intervenir. Je voudrais savoir si vous en convenez avec moi ou non. Je songe à un partenariat dans la prestation de ce genre de services destinés à ceux qui sont atteints de TSPT et TSO. Nous avons ouvert cinq cliniques supplémentaires pour les anciens combattants à l'échelle du pays. Il en existe désormais 10. Elles sont intégrées aux services offerts dans la collectivité, ce qui devrait être notre objectif. Nous avons les ressources permettant de nous occuper d'eux entièrement. Pensez-vous qu'un tel modèle donnerait des résultats satisfaisants?
(1240)
    Je pense que l'intervention fusionnée de diverses agences est la voie de l'avenir. C'est la façon de prendre en compte tous les symptômes d'un patient et de l'aider à décider ce dont il a besoin, dans un premier temps, et ensuite de lui donner accès à un soutien qui ne soit pas à tel point spécialisé qu'il doive attendre deux ans pour consulter quelqu'un pour revoir sa médication ou obtenir un diagnostic approprié. Les ergothérapeutes, les psychologues, les sociologues, les travailleurs sociaux et les autres professionnels de la santé, réunis autour d'une même table, peuvent travailler en équipe. Cela permet d'éviter les disputes territoriales également: ceci est à moi, ceci est à vous, ce sont mes ressources financières, et pas les vôtres.
    Merci, madame Pickrell Baker.
    Merci, monsieur McColeman.
    La parole est à Mme Crombie. Vous avez cinq minutes.
    Vos expériences m'ont émue. Merci de les avoir partagées avec nous.
    Sandra, si vous me permettez de vous appeler par votre prénom, qu'est-ce qui vous a amenée à faire votre recherche?
    Depuis longtemps, j'utilisais les techniques de la médecine énergétique. Une de mes patientes souffrait de troubles de stress post-traumatique. Je la voyais lutter au sein de sa famille pour revenir à la normale. Elle était médecin mais n'avait pas pu exercer pendant de nombreuses années. Sa santé s'améliorait en travaillant avec moi et son psychiatre. Une fois rentrée chez elle, sa famille s'attendait à ce qu'elle reprenne le travail la semaine suivante. Il y avait donc un manque total de compréhension à son endroit.
    C'est là que l'idée a commencé à germer, et ce qui l'a activée ensuite, ce fut le diagnostic de la blessure traumatique de ma propre fille.
    Pourquoi ai-je choisi les anciens combattants? Parce que mon grand-père, mon père et mon frère sont tous des anciens combattants. Je suis née le jour du Souvenir. Cela me semblait tout naturel de faire cette recherche.
    Vous parlez beaucoup de l'approche pluridisciplinaire qui est nécessaire. Cela existe-t-il en ce moment?
    En Nouvelle-Écosse, il existe un système appelé Schools Plus. Il a été créé à l'issue de quelque chose appelée la commission Nunn, et on utilise une approche pluridisciplinaire dans trois régions de la Nouvelle-Écosse: Halifax, Bridgewater et une autre dont j'oublie le nom. Les professionnels se réunissent autour d'une même table pour discuter du cas d'un enfant qui a été étiqueté à risque. Il peut s'agir d'un comportement déviant ou d'un trouble de santé mentale. L'ergothérapeute, le professionnel de santé mentale et les travailleurs sociaux se réunissent autour d'une même table pour cerner les besoins de l'enfant et pour déterminer la meilleure façon de les combler. Je le répète, cela supprime les disputes territoriales concernant les chasses gardées et les ressources financières. Les enfants ainsi traités obtiennent l'aide dont ils ont besoin et ne risquent pas de passer entre les mailles du filet.
    Je poursuis dans la même veine que M. Stoffer à propos des enfants. Que pouvons-nous leur donner de plus? Quelle incidence ce vécu a-t-il dans l'âge adulte? Comment s'en tirent-ils après avoir vécu une situation familiale très dysfonctionnelle pendant leurs jeunes années?
    J'ai eu l'occasion de parler à la fille d'une dame que j'avais interviewée. Je l'ai rencontrée par hasard, tout à fait en dehors de mes activités universitaires. Elle m'a révélé que sa mère avait été interviewée par moi. Je ne la connaissais pas, mais elle me connaissait. Nous avons eu un entretien. Elle m'a dit ne pas comprendre pourquoi son père avait un tel désir de contrôle sur elle et sur l'environnement. Elle m'a parlé des complications que cela lui occasionnait à l'âge adulte, car elle essayait de composer avec la façon dont elle avait été élevée, sans en avoir compris les raisons.
    Cet aspect mérite certainement de faire l'objet d'une recherche: il nous faut savoir ce que vivent ces enfants actuellement, et voir comment nous pouvons les aider, afin qu'ils ne deviennent pas des adultes vulnérables à la dépression ou à des blessures de stress opérationnel.
    Comme il est probable qu'ils le soient, ou le seront, précisément.
    Pourriez-vous également nous parler des thérapies conjugales offertes aux couples? Bon nombre d'entre eux hésitent à y recourir à cause des circonstances que vous avez décrites, de la stigmatisation que cela entraîne. Ils ne recevront donc pas l'aide psychologique dont ils ont besoin en tant que famille ou couple.
    Encore une fois, Charles Figley, dans son ouvrage intitulé Burnout in Families, affirme que lorsqu'un membre de la famille a subi un traumatisme, ce qu'il y a de plus important, c'est que l'aidant naturel principal — qu'il s'agisse du partenaire intime, de la mère ou du père — soit en mesure de continuer à s'occuper de lui ou d'elle et de s'imposer des limites personnelles fermes.
    En tant que mère d'une enfant ayant subi une blessure traumatique, je peux vous dire que ma participation à une thérapie m'a été d'un grand secours, car je tiens tellement à aider mon enfant. Je veux tellement que tout aille bien. Mon mari et moi-même nous rendons cependant compte que c'est impossible. Par conséquent, ce qu'une mère doit faire de difficile, c'est de s'abstenir de tout faire face à cette blessure. Si c'était mon mari qui avait été blessé, j'imagine sans peine que je tiendrais encore plus à l'aider et à être le moteur de sa guérison. La thérapie m'a donc été d'un grand secours.
    Encore une fois, tel que l'a exprimé Figley et d'autres auteurs, le partenaire intime ou l'aidant naturel principal doit s'occuper activement de préserver ses limites personnelles et sa capacité de s'occuper de lui-même. S'il s'agit de votre partenaire intime et que vous craignez de laisser vos enfants seuls à la maison parce que vous ne savez pas si on va s'en occuper, vous savez quelle est cette réalité.
(1245)
    Oui, bien entendu. Je vous remercie.
    J'ai une question à poser à M. Zimmermann, s'il me reste encore quelques minutes.
    Estimez-vous que nous devrions inscrire une charte des droits des personnes handicapées dans la nouvelle Charte des anciens combattants?
    Oui, ça me paraît une excellente idée. Il y a déjà des précédents d'ailleurs. Certains États ont agi en ce sens. Chez nous, étant donné que le gouvernement a récemment ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, on peut s'inspirer de l'article 27 de ce document, qui porte exclusivement sur la réinsertion sociale et les possibilités d'emploi, car c'est d'une importance primordiale. Par conséquent, oui, ce serait une belle occasion de donner l'exemple.
    Mon temps de parole est presque écoulé, alors brièvement, vous avez travaillé à la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail. Est-ce qu'il pourrait exister un équivalent national ou fédéral de cet organisme qui réunirait les programmes de toutes les provinces? Envisagez-vous une telle possibilité? Non?
    Non, pas vraiment. L'entreprise serait extrêmement compliquée. De plus, la constitution établit que les pouvoirs en la matière relèvent des provinces.
    Vous avez longuement parlé du Conseil des administrateurs généraux...
    Désolé, madame Crombie, c'était une belle tentative de votre part, mais vous avez de beaucoup dépassé votre temps de parole.
    Une voix: C'était noble de sa part.
    Le président: Oui, c'était distingué et noble.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Storseth, qui a cinq minutes. Monsieur Storseth, allez-y s'il vous plaît.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos deux témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui et de nous avoir très bien expliqué bon nombre de choses sur lesquelles ils ont travaillé et effectué des recherches, mais aussi d'avoir de nouveau soulevé cette question et de l'avoir éclairée, car elle compte beaucoup aux yeux de dizaines de milliers d'hommes et de femmes de partout dans notre pays. C'est grâce à des conversations et à des échanges comme les nôtres et à la mise en lumière de certains facteurs importants de cet enjeu que nous serons en mesure de libérer de plus en plus de gens de leur gêne; il s'agit d'un problème dont ils doivent s'occuper. Il s'agit d'une maladie très grave, et je tiens à vous remercier de votre dévouement.
    Je n'ai que quelques brèves questions à vous poser. Certaines des choses que vous avez affirmées ont piqué ma curiosité ainsi que certaines des questions que vous ont posées les membres du comité.
    Au sujet des enfants — c'est M. Stoffer qui a posé les premières questions, suivi ensuite par Mme Crombie —, une question m'est venue à l'esprit, car il y a une collectivité de militaires dans ma circonscription, ainsi que des écoles militaires. Il me semble sensé de penser qu'il serait réconfortant pour ces enfants, dont un parent souffre de TSPT, et qui sont donc touchés par le TSPT, d'avoir des gens autour d'eux qui ont connu ou connaissent les mêmes difficultés que leur famille.
    Avez-vous vu des arguments pour ou contre à ce sujet?
    Non. La seule chose qui me préoccupe par rapport à toute forme d'identification d'un enfant avec un traumatisme, c'est qu'en faisant cela, on l'isole, on l'étiquette comme l'enfant d'un parent souffrant de troubles mentaux.
    Je ne sais pas si vous vous souvenez du cas d'une petite fille de Borden, il y a quelques années de cela. Son père était en mission. Elle a été convoquée chez le directeur de son école pour une question non reliée, mais elle s'est évanouie, car elle pensait qu'on l'appelait pour lui annoncer que son père était décédé. Voilà donc le niveau de traumatisme avec lequel ces enfants doivent composer.
    Ces enfants regardent la guerre comme jamais auparavant. Ils voient directement ce qui se passe contrairement à l'époque où mon père servait sous les drapeaux, ou à l'époque des anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale. Nous ne voyons pas les combats comme nous le faisons maintenant. Ces enfants eux voient directement ce que vivent leurs parents, et on ne pourra jamais sous-estimer le niveau de stress auquel ils sont exposés.
    Je ne parlais pas tellement d'identifier les enfants, car de toute manière, ils ont tendance à le faire eux-mêmes. Ils ont tendance à en trouver d'autres qui passent par les mêmes expériences qu'eux. Je penserais donc qu'ils ont davantage une zone de confort ou un système de soutien que dans une école publique où les autres enfants ne vivent pas les mêmes choses qu'eux. Les enfants des champs de pétrole ne vivent pas la même chose, alors on ne leur offre pas ce type de soutien. C'est plutôt là-dessus que je vous interrogeais.
    Un autre problème a été soulevé, et l'est souvent chaque fois que nous parlons de ces questions. Il faut que nous nous en occupions, si ce n'est pas dans le cadre de la Charte des anciens combattants, par un autre moyen alors.
    Nous avons parlé aujourd'hui de quelqu'un qui est allé en Bosnie trois fois. De nombreux, très nombreux membres des forces armées reçoivent leur congé des forces armées ou les quittent volontairement sans avoir fait l'objet d'un diagnostic de TSPT, mais en souffrent néanmoins. Ce n'est que des années plus tard qu'ils s'en rendent compte, parce qu'ils n'ont pas le choix. Souvent, ainsi que vous l'avez affirmé, cela a gâché leur vie familiale.
    J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus au sujet des difficultés que connaissent ces gens lorsqu'ils essaient d'avoir accès aux services d'aide, et de la nécessité impérative pour le gouvernement d'intervenir pour leur faciliter les choses.
    À l'heure actuelle, je m'occupe du cas d'un homme qui trouve très difficile d'admettre qu'on l'a diagnostiqué comme souffrant de ce traumatisme. On l'a diagnostiqué et maintenant il ne peut obtenir aucune aide parce qu'il doit d'abord passer par l'entremise de la Sun Life, ou d'un autre intermédiaire quelconque.
    Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de cela, s'il vous plaît?
(1250)
    C'est ce que m'ont raconté la plupart des personnes que j'ai interviewées. Comme je le disais, deux d'entre elles seulement ont reçu un diagnostic avant de quitter l'armée. La plupart d'entre elles ont du mal à faire reconnaître ce diagnostic et à obtenir l'aide à laquelle elles ont droit. Dans un cas, le diagnostic avait été établi, mais la personne n'en avait pas été informée.
    Aucun des membres que j'ai interviewés n'a été libéré volontairement; ils m'ont dit avoir été poussés à partir. L'une d'entre eux luttait contre une grave dépression. Un autre a été libéré parce qu'après 27 ans dans les forces armées, il s'était mis à avoir peur de voler. Ça n'avait rien à voir avec l'endroit où il s'en allait; c'était une peur irrationnelle de voler. Il a donc été libéré.
    Je pense qu'il faut qu'il y ait un moyen pour eux d'obtenir ce diagnostic et après cela, il faut rationaliser les règles. Je comprends qu'il est important d'obtenir un diagnostic valable, mais ils ne devraient pas être obligés d'attendre et de lutter pendant des années pour obtenir une indemnisation et l'appui qu'ils méritent. Cela ajoute du stress à leur stress.
    Dans un cas, après que le membre eut vu un psychologue privé pour obtenir tous les formulaires et le diagnostic, les formulaires sont restés sur son comptoir pendant six mois. Il ne pouvait pas les remplir. Je ne sais pas s'il les a remplis depuis, mais lorsque je l'ai interviewé, ils étaient encore sur le comptoir. Elle m'a dit qu'il en était incapable. Il ne pouvait pas sortir de sa chambre à coucher pendant des jours de suite, encore moins s'asseoir à la table de cuisine pour remplir ces formulaires.
    Elle travaillait à plein temps. Et il avait été libéré sans prestation d'invalidité; elle était donc obligée de travailler à plein temps et de faire des heures supplémentaires afin de subvenir à ses besoins et à ceux de leurs cinq enfants. Elle n'avait absolument pas le temps de remplir les formulaires. Il faut qu'il y ait un moyen de leur fournir l'aide dont ils ont besoin dans ces cas-là.
    Merci, madame Baker, et merci, monsieur Storseth.
    Par souci d'équité, je vais donner deux minutes au NPD et ensuite deux minutes au Parti conservateur.
    Eh bien, comme mon temps est compté, monsieur le président, je poserai mes questions plus tard.
    Je tiens à dire à M. Zimmermann que je suis toujours impressionné. Un de mes amis, Sean McCormick, est comme vous. Il a eu un accident — il est tombé de l'arrière d'un camion — et il est devenu l'un des meilleurs défenseurs du personnel militaire au Canada en mettant au point des programmes pour les anciens combattants handicapés. Il avait également sa propre entreprise. Il a fait un travail formidable. C'était remarquable de voir un homme en fauteuil roulant capable de se déplacer mieux que moi.
    Je suis impressionné par ce que vous êtes capable de faire, monsieur. Félicitations.
    Sandra, merci de nous avoir raconté les histoires de ces huit familles. Il y a quelques années, nous avons tenu une réunion, à laquelle le président et moi-même avons participé, et cela a été l'une des réunions les plus émotives auxquelles j'ai jamais participé. Il y avait des gens souffrant de TSPT et leurs conjoints — des gens d'un rang assez élevé — et c'était extraordinaire. J'ai remarqué lorsqu'on a enlevé les couvercles des plateaux tout à l'heure... le bruit sec que font les couvercles lorsqu'on les enlève leur avait rappelé des souvenirs.
    Je tiens à vous remercier infiniment. Je suis heureux de votre présence à tous les deux.
    Merci.
    Merci, monsieur Stoffer.
    En fait, l'un des éléments du témoignage de Mme Baker m'a fait penser à l'officier commissionné qui était incapable de remplir les documents.
     M. Peter Stoffer: C'est juste. Ils lui ont mis un stylo dans la main et il en était tout simplement incapable.
    Le président: Monsieur Lobb.
    Tâchez de ne pas dépasser deux minutes, il nous reste à discuter des travaux du comité.
    J'ai une dernière petite question pour M. Zimmermann.
    Il y a eu beaucoup de discussions et de questions de la part de tous les membres du comité au sujet d'un paiement forfaitaire. À la réflexion, quelles sont vos recommandations pour le comité en ce qui concerne la meilleure utilisation de ce montant forfaitaire, ou devrait-il y avoir une autre option?
(1255)
    Si le montant forfaitaire dépasse un certain montant, comme je le disais plus tôt — les commissions d'indemnisation des accidents du travail appliquent en général un plafond de 5 p. 100 à la commutation —, il devrait être converti en prestations de retraite normale. Il y a d'abondantes preuves que pour la majorité des personnes, les paiements forfaitaires ne sont pas utiles, même s'ils peuvent l'être pour certains. Si l'on insiste pour maintenir les paiements forfaitaires, à tout le moins, ils devraient être convertis en paiements échelonnés structurés.
    Je reprends à mon compte les observations de M. Stoffer.
    Merci beaucoup.
    D'après le langage corporel des personnes autour de cette table, je pense que tout le monde a été très impressionné par les témoignages aujourd'hui. C'est un ajout important aux témoignages dont nous avons besoin pour préparer un bon rapport. Merci beaucoup.
    Je soupçonne que vous serez tous d'accord pour que nous passions tout de suite à nos travaux puisque l'heure de la fin approche.
    La Légion royale canadienne a demandé à comparaître en même temps que l'ombudsman. C'est ce que nous avons fait la dernière fois. Je tenais à m'assurer que tout le monde est d'accord pour que Pierre Allard de la Légion royale canadienne comparaisse en même temps que l'ombudsman des anciens combattants lors de la prochaine réunion.
    Des voix: D'accord.
    Le président:Deuxièmement, comme je vois son visage si amical dans le fond de la salle, nous allons remettre la comparution de M. Bruyea au 11 mai. Nous avons une place de libre. Il y aura de l'interprétation et la réunion lui sera entièrement consacrée.
    Des voix: D'accord.
    Le président: La séance est levée.
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