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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, merci beaucoup de nous avoir invités, mon épouse et moi-même, à témoigner ici aujourd'hui sur la nouvelle Charte des anciens combattants.
À bien des égards, les anciens combattants du Canada ont été trahis par les députés de la 38e législature. Le 10 mai 2005, ils ont adopté la Charte des anciens combattants en quelques secondes à peine, sans même la lire. Leurs collègues du Sénat n'ont guère fait mieux: ils ne lui ont consacré que deux jours de délibérations. Essentiellement, le projet de loi C-45, maintenant appelé nouvelle Charte des anciens combattants, a éliminé le paiement d'une indemnité d'invalidité à vie pour leur douleur et leurs souffrances.
En revanche, quand la question des pensions des députés, qui touche seulement quelques privilégiés, a été soulevée pendant la 35e législature, elle a fait l'objet d'un débat le jour des crédits, et lorsque le projet de loi C-85 a finalement été déposé, le débat était si long qu'une motion d'attribution de temps a été nécessaire. Ainsi, alors que les changements touchant les pensions des députés ont été ardemment débattus pendant des mois, la nouvelle Charte des vétérans s'est faufilée en douce, avec l'accord de chacun des quatre partis à la Chambre des communes. Ironie du sort, l'adoption rapide du projet de loi a eu lieu au moment où la plupart des membres des comités des anciens combattants des deux Chambres venaient d'arriver d'Europe ou s'y trouvaient toujours pour célébrer le jour de la Victoire.
En un mot, ACC a trahi les anciens combattants et a trompé le Parlement, et je suis ici pour vous demander de réparer cette faute.
Une chose qui n'a été mentionnée à aucun moment au cours du processus de débat parlementaire est la vraie raison pour laquelle ACC était si pressé de faire adopter le projet de loi C-45. Ses fonctionnaires avaient recommandé « une plus grande utilisation des paiements forfaitaires doublée de services de réadaptation personnalisés » afin de « reprendre le contrôle d'un scénario alarmant de la dette future ». Cependant, Darragh Mogan y a fait allusion lorsqu'il a témoigné devant le Sénat à l'unique séance du Comité des anciens combattants. Il a alors admis que le programme s'autofinancerait en 15 à 20 ans. Voilà un exemple parfait d'intentions cachées dans l'histoire récente de la politique canadienne.
Ne vous y trompez pas. Les autres programmes de la charte à l'intention des anciens combattants invalides et des membres actifs existaient sous une forme ou une autre avant l'adoption de la Charte. Celle-ci n'était pas, comme l'a déclaré le ministre Guarnieri pendant la séance du 11 mai du Comité sénatorial des finances nationales, « un moyen entièrement nouveau d'offrir ce que le système actuel ne permet pas d'offrir ». Les seuls Canadiens qui ont eu la chance de témoigner contre l'adoption de la charte telle qu'elle était écrite devant ce comité sont Louise Richard, Harold Leduc et moi-même.
En fait, on nous a tous vendu cette nouvelle loi au moyen de courts exposés parsemés d'expressions accrocheuses telles que « possibilités et sécurité », « vastes consultations », « gestion de cas » et « réadaptation psychosociale », pour n'en nommer que quelques-unes.
Même si le ministère des Anciens Combattants n'avait pas de programme de réadaptation professionnelle ni de programme de placement à l'époque, le programme de réadaptation professionnelle du RARM fonctionnait très bien depuis longtemps, et les Forces canadiennes offraient au moins trois programmes de placement.
Le ministre Guarnieri a aussi déclaré que ce nouveau système « nous ramènera à la position qui était la nôtre après la Seconde Guerre mondiale et nous permettra d'offrir la même qualité d'aide au rétablissement ». À cette époque, des ministres provenant de près d'une dizaine de ministères avaient été regroupés en un comité spécial. Des experts du domaine militaire, des spécialistes en médecine et en réadaptation, des représentants des plus hautes sphères du gouvernement fédéral, de tous les gouvernements provinciaux et de la plupart des grandes municipalités, de même que des chefs d'entreprise et des dirigeants communautaires s'étaient tous réunis pour créer ce qui était unanimement considéré à l'époque comme le meilleur programme de réintégration et de réadaptation au monde. Puis le sous-ministre des Anciens Combattants a personnellement recruté 34 personnes qui provenaient directement du milieu militaire pour faire fonction de cadres supérieurs chargés de mettre en oeuvre ces nouveaux programmes au ministère, parce qu'il savait que les anciens combattants étaient les mieux placés pour comprendre les besoins des autres anciens combattants.
Les anciens combattants, blessés ou non, recevaient des soins de santé et avaient accès à une assurance peu coûteuse et à une aide financière pour leur réintégration. Chacun d'eux pouvait choisir de recevoir une terre, de l'aide pour l'agriculture, une hypothèque à faible taux d'intérêt, des cours universitaires ou un stage de formation, ainsi que de l'aide pour lancer une petite entreprise. Quant aux anciens combattants invalides, non seulement ils obtenaient tous ces avantages, mais ils recevaient aussi davantage de soins de santé et bénéficiaient du meilleur programme de gestion de cas et de réadaptation offert dans le monde et d'une pension d'invalidité mensuelle à vie.
Bien qu'il y ait eu approximativement un million d'anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale comparativement à environ un demi million d'anciens combattants des Forces canadiennes, ils méritent tous les mêmes indemnités et la même compassion pour les blessures qu'ils ont subies pendant qu'ils servaient ce pays avec honneur.
Tandis que les indemnités offertes aux anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale ont été élaborées par un comité de ministres, la Charte des anciens combattants et les programmes connexes ont été créés presque uniquement par un groupe de travail sur la modernisation dirigé par un gestionnaire d'ACC, Darragh Mogan, qui a fait appel à un autre gestionnaire du ministère, Ken Miller, pour lui servir de principal vendeur. Ils ont présenté la charte comme un fait accompli à l'ensemble du gouvernement du Canada ainsi qu'au Parlement, aux organismes d'anciens combattants et à la population canadienne.
À ma connaissance, aucun membre du groupe de travail d'ACC ne possède d'expérience militaire, et apparemment pas même un seul des cadres supérieurs du ministère n'est un ancien combattant. Fait encore plus inquiétant, il n'y a eu que très peu de supervision ou d'examens sérieux de la part de supérieurs ou de représentants élus et presque aucun de ceux-ci n'a été rencontré depuis.
En 2005, le ministre a promis des examens tous les deux ou trois mois, et par la suite, le ministère a parlé d'effectuer des examens réguliers peut-être une fois par année ou tous les deux ans. À la suite de mon témoignage devant le Sénat en 2005, le ministère a créé le Groupe consultatif sur les besoins spéciaux, et ensuite le Groupe consultatif sur la nouvelle Charte des anciens combattants, afin de s'assurer que la charte prévoit un soutien approprié pour tous les anciens combattants invalides et leur famille.
Ces groupes ont accompli du bon travail; ils ont formulé quelque 299 recommandations d'amendements à la charte. Cependant, ils se heurtent tous au même obstacle dans le parcours. Les personnes qui ont pour tâche de recevoir les recommandations sont exactement les mêmes qui ont créé la charte. Par conséquent, il n'est pas étonnant de constater qu'ACC a mis en oeuvre — que partiellement — seulement quelques-unes de ces recommandations au cours des quatre années qui se sont écoulées depuis la présentation du premier rapport du Groupe consultatif sur les besoins spéciaux, et qu'aucune recommandation qui pouvait avoir des conséquences financières n'a été sérieusement prise en considération.
Si le véritable objectif de la Charte des anciens combattants n'avait pas été la réduction des dépenses, ces groupes auraient été formés avant le dépôt du projet de loi, afin que leurs recommandations puissent être prises en compte dans le programme initial; de plus il y aurait eu plusieurs audiences des comités avant son adoption à la Chambre des communes.
Conformément aux intentions cachées d'ACC, les rapports du Groupe consultatif sur les besoins spéciaux n'ont jamais été rendus publics, et les débats de ces groupes consultatifs ne sont jamais publiés. De même, quand la charte a été créée, on a fait appel à seulement six organismes d'anciens combattants et seulement un ou deux membres de chacun ont été consultés. Chacun d'eux a prêté serment de confidentialité et s'est engagé, de fait, à appuyer inconditionnellement la charte. Ces dirigeants d'organismes ne pouvaient communiquer aucune information sur la charte à leurs membres.
Étonnamment, c'est ce qu'ACC a appelé « la plus vaste consultation de l'histoire du ministère ». C'est terrifiant de penser qu'il le croit vraiment.
Pour les anciens combattants et les membres des Forces canadiennes, cela revient à jouer au hockey selon les règles, alors que de l'autre côté, le but d'ACC est beaucoup trop petit pour que la rondelle puisse y entrer et est tourné en direction opposée.
Les Canadiens et les Canadiennes qui portent l'uniforme ont énormément de respect pour leurs députés, et nous vous demandons de faire ce que nous n'avons pas le pouvoir de faire. Demandez à Anciens Combattants Canada de rendre des comptes. Il est inacceptable que des bureaucrates du ministère puissent accepter ou rejeter des recommandations qui ont une incidence sur le contrat social entre le Canada et ses anciens combattants. C'est le Parlement, et en particulier ce comité, qui devrait ordonner au ministère des Anciens Combattants de mettre en oeuvre des changements.
Quelque part en cours de route, la relation entre les fonctionnaires d'ACC et le Parlement est devenue complètement dysfonctionnelle. Les bureaucrates croient qu'ils peuvent accepter ou rejeter tout ce que leur dit le Parlement, et celui-ci n'a pas fait grand-chose pour réprimer l'arrogance sans borne de certains hauts fonctionnaires du ministère.
Laissez-moi poser quelques questions.
Une pension d'invalidité à vie n'offrirait-elle pas plus de sécurité qu'un versement forfaitaire unique?
Dans un monde où les études universitaires sont un prérequis pour travailler au gouvernement, comment le ministère peut-il favoriser la promotion accélérée des anciens combattants tout en excluant les études universitaires de ses programmes?
Des prêts à faibles taux d'intérêt ou des subventions comme celles octroyées aux anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale n'offriraient-ils pas une meilleure chance aux anciens combattants de lancer une entreprise tout en bénéficiant de la sécurité d'une pension d'invalidité à vie?
Si les fonctionnaires peuvent contribuer à leur régime de retraite en période de réadaptation, pourquoi les anciens combattants ne peuvent-ils pas en faire autant?
Si les fonctionnaires peuvent prévoir un retour au travail graduel, pourquoi la Charte des anciens combattants ne le permet-elle pas?
Pourquoi n'y a-t-il aucune déduction sur le revenu gagné par un fonctionnaire qui est en réadaptation à cause d'une invalidité à long terme, alors que 50 ¢ sont déduits du revenu d'un ancien combattant en réadaptation pour une invalidité à long terme?
Ne devrait-il pas y avoir de programmes spéciaux pour aider les anciens combattants invalides qui sont inactifs depuis plusieurs années, parfois plus de 10 ans, en particulier si ces anciens combattants sont dans la trentaine, la quarantaine ou la cinquantaine et désirent toujours contribuer à la société canadienne et en être des membres productifs?
Chacune de ces questions est complexe et mérite une réponse détaillée. Si, comme il se doit, la Charte des anciens combattants avait fait l'objet d'audiences publiques avant son adoption, nous connaîtrions les réponses à ces questions. J'espère que le rapport de votre comité fournira une orientation concernant chacune de ces questions et de mes 38 autres recommandations.
Ainsi que le recommande le GCBS, la charte doit être revue de fond en comble par les membres des deux Chambres, comme s'ils voyaient ce document pour la première fois dans son intégralité, et le comité doit être disposé à réviser l'ensemble de la charte au besoin. Toute cette démarche est nécessaire parce que les femmes et les hommes du Canada qui ont risqué leur vie pour défendre leur pays doivent savoir que la Charte des anciens combattants n'est pas le fruit du travail des bureaucrates qui ne pensent qu'à réduire les coûts à Charlottetown, mais des dirigeants qu'ils ont élus, ici à Ottawa.
Évidemment, advenant un mandat plus large, ce comité doit alors demander au premier ministre de s'excuser auprès des anciens combattants oubliés ou ignorés au cours de la décennie précédant la mise en oeuvre de la charte et de décider si ces anciens combattants et leurs familles auraient dû avoir accès ou pourraient toujours avoir accès aux programmes à l'intention des anciens combattants. Ce comité pourrait également se poser la question de savoir si le fait de maintenir les bureaux de l'administration centrale des ACC à Charlottetown est dans l'intérêt des anciens combattants ou permet simplement aux fonctionnaires de se tenir encore plus à distance de leurs maîtres politiques à Ottawa. Ce comité doit aussi déterminer si les ACC doivent être intégrés au ministère de la Défense nationale. Et on ne peut faire abstraction d'une question importante, à savoir si un ministère chargé d'assurer soins, traitement et réadaptation aux anciens combattants doit compter dans ses rangs plus qu'une représentation symbolique constituée de quelques anciens combattants.
Je sais que j'en demande beaucoup, mais ce Parlement minoritaire est capable de grandes choses. Dans votre quête d'une solution, je vous demande d'aller en Afghanistan et de dire à nos soldats qu'il est trop difficile de changer la fonction publique parce que celle-ci est trop puissante. Nos soldats vous rappelleront peut-être les dangers d'une patrouille dans le district de Panjwai, dans la province de Kandahar, et leur volonté de mourir au service du pays qu'ils aiment. Ces soldats espèrent qu'ils peuvent compter sur chacun et chacune d'entre vous pour mener à terme cette mission importante.
Enfin, j'aimerais vous rappeler qu'en tant qu'opposant actif à la Charte des anciens combattants telle que rédigée, j'ai eu à subir des représailles de certains fonctionnaires des ACC, comme en font foi les documents qui comptent près de 13 000 pages de renseignements personnels gouvernementaux détenus par les Anciens Combattants et que j'ai été en mesure d'obtenir grâce à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Bon nombre d'entre vous qui participez à ce comité me connaissez depuis plusieurs années. Vous savez peut-être également que je suis très fier de mon travail de défense des droits qui, j'espère, aidera le Canada à prendre le plus grand soin possible de ses anciens combattants handicapés et de membres de leurs familles.
En mai 2005, alors que je demandais instamment au Parlement de transmettre la charte au comité afin que ses membres puissent l'étudier, exactement ce que vous faites maintenant, certains fonctionnaires des Anciens Combattants ont uni leurs efforts pour exercer des représailles à mon endroit, principalement en raison de mon opposition à la charte, telle qu'elle était libellée, ainsi que de mon soutien à la création d'un poste d'ombudsman des anciens combattants. J'ai actuellement en ma possession ces 13 000 pages de renseignements visés par la Loi sur la protection des renseignements personnels que le ministère détient à mon sujet et sur mes activités en tant que défenseur des droits. Il existe au moins 10 000 autres pages, mais elles ne m'ont pas encore été fournies.
Il ressort de ces renseignements un portrait parfaitement documenté et dérangeant brossé par des fonctionnaires qui cherchent à exercer des représailles à mon endroit, principalement en raison de mon travail de défense des droits des anciens combattants. Dans ce qui pourrait être considérée comme une violation des limites de l'éthique et de la législation sur la protection des renseignements personnels, les fonctionnaires des politiques qui ont conçu la charte, notamment Ken Miller, ont manigancé avec les fonctionnaires chargés des soins et du traitement, comme Orlanda Drebit et Jane Hicks, afin de combiner des renseignements liés à mes efforts pour défendre les droits et des données figurant dans mon dossier médical. Ces personnes ont réussi à glisser tous ces renseignements dans des notes d'information portées à la connaissance de ministres du Cabinet et de membres du Parlement afin de me discréditer tant sur le plan personnel que sur le plan professionnel. Leur plan comportait deux volets: tout d'abord, attaquer ma crédibilité en m'accusant faussement d'avoir frauder l'État tout en essayant de m'admettre de force à l'Hôpital Sainte-Anne pour y subir une évaluation psychiatrique, un rappel des tactiques staliennes. Le deuxième volet de leur plan consistait à utiliser des renseignements très personnels et à les déformer pour les inclure dans les notes d'information.
Lorsque j'ai rencontré et marié Sean, je n'avais pas la citoyenneté canadienne. J'ai déménagé au Canada et, comme la plupart des immigrants, j'ai travaillé dur pour devenir une bonne citoyenne canadienne et pour décrocher mon titre de comptable professionnel.
J'ai été renversée par le travail acharné de Sean pour défendre les droits des anciens combattants et des membres de leurs familles, mais étant donné que la liberté de parole n'a pas toujours été respectée dans mon pays d'origine, j'avais également très peur pour lui. Il m'a rassurée en me disant que lui-même et bien des générations avant lui avaient fait de gros sacrifices afin que tout citoyen canadien puisse exercer son droit de parole sans craindre de représailles, particulièrement de la part du gouvernement.
Son attitude m'a convaincue et j'ai commencé à croire que tout citoyen canadien pouvait exercer son droit de parole pour provoquer des changements. Lorsque Anciens Combattants ont commencé à exercer des représailles à l'endroit de Sean, je ne pouvais et ne voulais pas croire à un tel comportement de la part du gouvernement canadien. Et lorsque nous avons constaté la réalité de l'objectif et des actes des fonctionnaires qui ont réussi à détruire la bonne réputation de Sean auprès de nombreux hommes politiques, y compris ceux du bureau du premier ministre, j'ai été consternée.
Lorsque j'ai prêté serment de citoyenneté, je n'étais pas très fière du comportement du gouvernement de mon nouveau pays. Mon époux et moi avons subi de grandes pertes sur le plan personnel pendant et après les représailles exercées par certains employés des Anciens Combattants. Nous avons vécu dans un climat d'incertitude et d'impuissance. Si des employés du gouvernement fédéral peuvent s'en tirer après de tels actes de dénigrement, sommes-nous vraiment en sécurité au Canada?
Sean est un très bon époux et le dévouement et le sacrifice dont il fait preuve pour aider les anciens combattants défient souvent toute description, plus particulièrement à la lumière des représailles dont il a été l'objet de la part des Anciens Combattants. Il n'a pas reçu un seul sou ni aucune recommandation ou nomination pour son travail de défense des droits au cours des 11 dernières années et, malgré tout, il continue à aider ceux qui en ont le plus besoin. Toutes ces démarches, il les a faites alors qu'il souffrait de certains handicaps et faisait l'objet de gestes négatifs de la part des représentants des Anciens Combattants.
Je vous demande, à vous et à l'ensemble du Parlement, d'enquêter sur ce qui est arrivé à mon époux, de faire la lumière sur les actes de certains fonctionnaires.
Je suis venue dans ce pays en croyant qu'il m'offrait une société juste interdisant tout comportement autocratique et contraire à l'éthique de la part des membres du personnel du gouvernement. Je vous prie de me démontrer que le Canada est une société juste.
Merci.
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Tout d'abord, je tiens à dire que j'accepte volontiers de divulguer aux membres de ce comité ou à tout autre organisme officiel l'ensemble des 13 000 documents me concernant. J'ai fait beaucoup de recherches et de recoupements; je peux donc vous fournir tous ces détails. Pour l'instant, je peux vous donner les grandes lignes. Par exemple, outre ce que je vous ai déjà signalé, c'est-à-dire qu'au moment où j'ai commencé mes activités de défense des droits, une note d'information a été... Reprenons du début. Le 21 mars, j'ai organisé une conférence de presse au cours de laquelle je recommandais que la charte soit étudiée par le comité avant son entrée en vigueur, de façon à ce qu'un dernier examen soit fait, au cas où il y aurait des améliorations à apporter. C'est alors qu'une note d'information a atterri sur le bureau du ministre. D'après ce qu'on m'a confirmé, cette note d'information visait à informer le ministre de la tenue de ma conférence de presse sur la charte. Dans cette note figuraient quantité de détails à mon sujet, notamment, comme je l'ai déjà dit, mes antécédents médicaux et des extraits de mon rapport psychiatrique, qui mentionnait notamment mes « idées suicidaires ».
Je tente toujours de comprendre le lien entre ces renseignements médicaux et mon droit d'organiser une conférence de presse pour recommander une nouvelle étude de la charte par le comité. La seule raison logique semble être que certaines personnes ont délibérément enfreint les dispositions sur la protection des renseignements personnels de façon à influencer le ministre; je tiens à préciser que ces actions sont l'oeuvre de membres d'un parti sur lequel j'avais beaucoup d'influence avant son ascension au pouvoir. Après la diffusion de ces notes de service, les choses se sont compliquées; par exemple, l'ancien secrétaire parlementaire a interrompu ses communications avec moi. Le ministre, qui m'avait pourtant promis d'assurer un suivi lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois, n'a jamais donné suite à mes demandes.
Ces gens ont donc clairement réussi à ternir ma réputation, particulièrement auprès du parti au pouvoir.
J'ai également reçu des appels. Lorsque j'ai tenté de rencontrer le ministre Thompson, j'ai reçu des appels de deux hauts fonctionnaires d'ACC. Essentiellement, ils m'ont dit qu'ils savaient que je tentais de parler au ministre et qu'ils me recommandaient de mettre fin à mes démarches à cet égard. Ils ont également ajouté que je ne pourrais en aucun cas empêcher la charte d'entrer en vigueur.
Peut-être que ces mots ne vous apparaissent pas comme des menaces. Mais rappelez-vous que ces personnes ont ma sécurité financière et mon avenir financier entre les mains. Ce sont également eux qui géraient mes soins de santé. Il n'a pas été nécessaire de se rendre aux injures ou aux accusations pour réussir à m'effrayer et à effrayer ma femme. Ce sont eux qui ont le pouvoir. Ils savent quels leviers actionner, et c'est ce qu'ils ont fait.
Vous me demandez quelles mesures de réparation j'aimerais que l'on m'offre? Avant tout, je crois qu'il faudrait un commissaire à l'intégrité du secteur public entièrement indépendant qui dispose de réels pouvoirs, ainsi qu'une loi sur la responsabilisation protégeant réellement les fonctionnaires qui font des divulgations. Comme vous avez pu le voir dans les dossiers de la commissaire à l'intégrité du secteur public, il n'y a pas eu une seule enquête en deux ans. Apparemment, il n'y aurait aucun acte répréhensible au sein de la fonction publique.
J'ai présenté un rapport à la commissaire à l'intégrité du secteur public. Elle m'a d'ailleurs répondu... Tout d'abord, comme je suis un citoyen canadien, je ne suis pas protégé contre les représailles. En fait, selon la définition qu'elle m'a donnée, je ne peux faire l'objet de représailles, étant donné que cela n'est pas prévu dans la loi. De plus, elle a indiqué dans sa lettre de suivi que je ne pouvais pas avoir été victime de harcèlement de la part de fonctionnaires, étant donné que les fonctionnaires ne peuvent pas enjoindre à d'autres fonctionnaires de commettre des actes répréhensibles.
Je ne suis pas certain de comprendre la logique étrange qu'il y a derrière tout cela, mais il est clair que la personne titulaire de cette charge se montre entièrement loyale envers la fonction publique et qu'elle n'est pas vouée à la protection des droits des Canadiens.
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Voulez-vous dire des avantages pour moi-même?
M. Phil McColeman: Oui.
M. Sean Bruyea: Il n'y avait aucun avantage pour moi, et n'en doutez pas. Il n'y en avait vraiment aucun. On ne m'avait même pas informé des prestations d'invalidité prolongées du RARM. Les années 1990 se sont déroulées dans la plus sombre confusion.
Cela dit, laissez-moi souligner le mérite des employés de première ligne d'Anciens Combattants Canada. Ces employés, la majorité d'entre eux, sont extrêmement compatissants. Ils travaillent extrêmement dur, et ils croulent sous le travail, sont stressés et frustrés. Je crois qu'il est plutôt clair que si vous demandiez au hasard à des représentants de bureaux de district combien de fois la haute direction est venue les visiter et a pris le temps de s'asseoir avec eux pour écouter leurs inquiétudes, leur réponse serait probablement: « jamais ». La haute direction les visite et leur dit bonjour une fois par année, mais jamais plus souvent que ça, donc je me demande, premièrement, comment la haute direction de Charlottetown, qui se trouve bien loin des principaux organismes de surveillance d'Ottawa, peut comprendre comment le reste de l'administration publique fonctionne.
Deuxièmement, je me demande comment ces cadres supérieurs, qui n'ont presque aucun contact avec les travailleurs des bureaux de district, peuvent comprendre quels sont les réels besoins et les réelles exigences que présente l'exécution de ces programmes directement à l'intention des anciens combattants.
Troisièmement, sauf votre respect, monsieur McColeman, ces cadres supérieurs ne sont pas des anciens combattants. Je comprends que tout le monde souhaite examiner la situation de façon logique, mais la réalité est que certains anciens combattants sont invalides et ont tout perdu. Il y a une différence entre les anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale et les anciens combattants des Forces canadiennes qui ont une invalidité. Les anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale étaient plus qu'heureux de sortir de l'armée et de retourner sur le marché du travail, et on leur fournissait tous les programmes dont ils avaient besoin, des programmes qui étaient bien plus complets que ceux qui existent aujourd'hui au titre de la nouvelle Charte des anciens combattants. La situation est différente pour les anciens combattants des Forces canadiennes ayant une invalidité: ils souhaitent demeurer dans le monde militaire.
Je ne peux qu'applaudir les anciens combattants pour l'estime de soi inébranlable et l'immense capacité qu'ils ont de reconnaître leur propre valeur, parce qu'il est loin d'être facile de surmonter un renvoi du monde militaire et de suivre tous les processus bureaucratiques qu'on leur impose. Ce sont de bons bureaucrates, ce sont de bonnes personnes, mais ce ne sont pas de bons administrateurs, et ils ne comprennent pas les anciens combattants ni leurs besoins. Voilà où réside le problème. Ils viendront ici en ayant l'air très professionnels — ils le sont vraiment, et ils suivent tous les processus établis — mais ils ne font pas le travail que les anciens combattants ont besoin qu'ils fassent, et c'est cela le problème.