[Français]
Monsieur le président, distingués membres du Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan, merci beaucoup de cette invitation.
[Traduction]
C'est un plaisir et un grand honneur pour moi de comparaître devant votre comité aujourd'hui et d'avoir l'occasion de discuter avec vous de la situation dans mon pays.
[Français]
Au nom de mon gouvernement et du peuple afghan, j'exprime ma gratitude sincère au comité et à chaque membre distingué pour votre engagement, amitié et soutien à mon pays, souvent pendant des périodes difficiles.
[Traduction]
Au cours des neuf dernières années, le Canada a contribué à l'effort authentiquement international destiné à stabiliser et reconstruire l'Afghanistan et à aider les Afghans à retrouver leurs droits fondamentaux comme êtres humains et comme citoyens. Nos réalisations communes sont historiques. Nous, Afghans, en sommes très fiers. Nous en sommes reconnaissants à la communauté internationale, et particulièrement aux pays, dont le Canada, qui ont payé cher, en sang et en ressources, leur engagement et leur appui à l'Afghanistan.
Honorables membres du comité, nous arrivons à la fin de 2010, qui a été une année capitale pour l'Afghanistan. Marquée par un certain nombre d'importants jalons, l'année a en même temps reflété le sentiment d'urgence qui a caractérisé un contexte en évolution rapide. La poussée militaire et l'envoi de troupes supplémentaires ordonnés par le président Barack Obama l'année dernière se sont déroulés avec succès dans le sud de l'Afghanistan. Même si le succès de cette poussée, mesuré en fonction de la sécurité durable assurée à la population et de l'établissement d'un gouvernement efficace, prendra un certain temps à se manifester, les premiers indices de succès sont évidents à Helmand et même à Kandahar, où la poussée est en cours en ce moment.
De plus, nous considérons avec optimisme le reciblage de la stratégie de la guerre pour tenir compte de la dimension régionale de la menace terroriste et de l'existence de sanctuaires de l'autre côté de notre frontière méridionale. À notre avis, cet aspect constituait le chaînon manquant dans la conduite de la guerre. Maintenant que les pièces du casse-tête s'emboîtent mieux, nous avons bon espoir de mener à bien notre combat contre le terrorisme dans la région et contre l'insurrection talibane en Afghanistan.
Vous vous souviendrez, honorables membres du comité, que votre visite à Kaboul en juin dernier a coïncidé avec la convocation de la jirga historique de la paix, que le gouvernement afghan avait organisée pour en arriver à un consensus dans la société afghane sur l'objectif de réconciliation avec les talibans. Plus tôt, à la conférence de Londres, tenue en janvier 2010, le gouvernement afghan avait consulté la communauté internationale sur sa stratégie de réconciliation et de réintégration.
Même si un consensus semble se former sur le programme de réconciliation, tant à l'échelle nationale que parmi nos partenaires de la communauté internationale, il y a encore beaucoup d'anxiété parmi les Afghans au sujet du prix qu'on leur demande de payer pour réaliser la paix. À notre avis, aucune réconciliation ne sera souhaitable ni possible si elle doit, en contrepartie, compromettre notre liberté, nos droits et la perspective d'un avenir démocratique que nous essayons de bâtir dans notre pays. Ce serait également une erreur si certains de nos partenaires de la communauté internationale se servent du programme de réconciliation comme prétexte pour préparer la voie à un départ prématuré des forces internationales qui se trouvent en Afghanistan.
Honorables membres du comité, la conférence de Kaboul de juillet 2010 a constitué le plus important événement de notre calendrier national cette année. Parmi ses importants résultats, elle a donné lieu à un accord sur la consolidation des organismes de sécurité afghans pour qu'ils assument progressivement la responsabilité de la sécurité dans le pays. Comme nous l'avons déjà dit à de multiples occasions, nous, Afghans, avons extrêmement hâte d'assumer la responsabilité de la sécurité et de la défense de notre patrie et de créer les conditions voulues pour un retour digne et victorieux de toutes les forces internationales dans leurs pays respectifs. Toutefois, le degré et le calendrier de réalisation de cet objectif dépendront de la mesure dans laquelle la communauté internationale contribuera à l'entraînement, à l'équipement et à la consolidation des trois organismes de sécurité de l'Afghanistan, c'est-à-dire l'Armée nationale afghane, la Police nationale afghane et la Direction nationale de la sécurité.
Nous avons eu un autre élément important cette année: les élections législatives du 18 septembre, qui se sont déroulées dans une sécurité relative malgré l'intention déclarée des talibans de perturber ce processus national. Les résultats préliminaires ayant été annoncés aujourd'hui, nous attendons avec impatience l'inauguration de notre nouveau parlement plus tard cet automne. De toute évidence, il y a eu des problèmes, y compris des irrégularités dans le vote, mais je suis heureux de noter que les organismes compétents — la Commission électorale indépendante et la Commission des plaintes électorales — se sont acquittés de leurs fonctions d'une façon énergique, en veillant à ce que le processus électoral aboutisse à des résultats équitables.
En dépit des développements positifs que je viens d'énumérer, et de nombreux autres que je n'ai pas mentionnés, des défis importants restent à surmonter, et surtout le défi de rétablir la sécurité dans la vie du peuple afghan. Si l'on en juge d'après le degré de violence signalé dans certaines régions de l'Afghanistan, particulièrement dans le Sud, le niveau des pertes subies par les Afghans et nos partenaires internationaux ainsi que le soutien et la protection dont continuent à jouir nos ennemis terroristes au-delà de nos frontières, la guerre que nous menons est loin d'être gagnée.
En Afghanistan même, nos institutions essentielles continueront d'avoir besoin de l'aide de la communauté internationale pendant quelques années pour atteindre le niveau nécessaire de force et de confiance. Il faudra aussi de la patience et de la persévérance pour s'attaquer à d'autres défis, comme la corruption et le trafic de la drogue.
Au niveau régional, nous avons besoin d'une réaction plus énergique et plus déterminée des États-Unis et de l'OTAN au problème des sanctuaires, ainsi que d'une coopération sincère de la part du gouvernement du Pakistan pour réaliser des progrès dans la guerre.
Honorables membres du comité, la question clé à poser aujourd'hui n'est pas de savoir si les Afghans veulent et peuvent changer leur destin. Nous savons pertinemment que c'est le cas. La question est plutôt de savoir dans quelle mesure la communauté internationale persévérera à nos côtés dans ce périple difficile. Tandis que le Canada réfléchit à l'avenir de son engagement en Afghanistan au-delà de 2011, cette question s'applique à vous beaucoup plus qu'à n'importe quel autre de nos partenaires internationaux.
Comme je l'ai souvent dit en particulier à quelques membres du comité, nous, Afghans, sommes extrêmement reconnaissants au Canada de son amitié et de sa contribution dans les années les plus difficiles que nous avons connues. Nous honorons et n'oublierons jamais le sacrifice des 152 soldats et des quatre civils canadiens qui ont donné leur vie pour mon pays. À notre avis, le fait pour le Canada de rester en Afghanistan constitue non seulement une réponse appropriée aux besoins du pays, mais aussi un juste hommage aux réalisations des Canadiens qui ont servi avec honneur et distinction dans mon pays ces dernières années. Il appartiendra aux Canadiens et à leurs dignes représentants en cette auguste Chambre de décider de la nature de la mission du Canada au-delà de 2011. L'Afghanistan a besoin de tout ce que peuvent lui offrir ses amis. Le Canada est un ami dont les nombreuses capacités et les grandes forces peuvent beaucoup nous aider.
Pour le moment, la sécurité est notre plus grand souci. Dans ce contexte, l'entraînement de nos organismes nationaux de sécurité, et particulièrement la Police nationale afghane et la Direction nationale de la sécurité, ainsi que la fourniture d'éléments d'encouragement et de renforcement, y compris l'équipement et le soutien, comptent parmi nos plus grandes priorités.
Du côté civil, à part l'investissement nécessaire pour l'édification de nos institutions démocratiques — la société civile et la primauté du droit —, nous espérons persuader le secteur privé canadien d'investir dans la mise en valeur et l'exploitation des énormes richesses de notre pays.
En fin de compte, honorables membres du comité, le Canada a été pour nous un ami et un partenaire dans les moments difficiles. Nous aimerions que le Canada reste avec nous dans les bonnes années qui ne manqueront pas de venir.
Merci beaucoup.
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Monsieur le président, j'ai deux questions à poser.
Tout d'abord, monsieur l'ambassadeur, c'est un plaisir de vous revoir. Nous tenons à vous dire, une fois de plus, que nous sommes heureux de travailler aux côtés des membres de l'Armée nationale afghane, en particulier.
Lors de notre visite à Kaboul en juin, j'ai été impressionné par Mme Massouda Jalal, ancienne ministre des Affaires féminines, qui s'était également occupée des droits de la personne en Afghanistan et qui avait été candidate à la présidence à deux reprises. Nous avons beaucoup parlé de réconciliation. Au sujet des droits des femmes, elle s'inquiétait du genre d'arrangements qui pourraient être conclus avec les talibans — nous savons bien qu'ils ne sont pas monolithiques, mais quand même — et de l'affaiblissement des droits des femmes s'ils siégeaient au parlement...
Considérons par exemple le nombre d'enfants qui vont maintenant à l'école. Il y en a plus de 6 millions. Sur les 600 médecins diplômés dans les deux dernières années, plus de la moitié sont des femmes. On craint que le plan d'action national pour les femmes lancé en 2007 par le gouvernement afghan ne soit en péril. J'aimerais savoir ce que vous pensez à ce sujet.
Ma seconde question concerne le grand problème chronique de la corruption qui règne en Afghanistan, et particulièrement le fait que les fonds d'aide ne sont pas adéquatement utilisés ou disparaissent purement et simplement sans qu'il soit possible de les utiliser.
Ensuite, un de mes collègues aura des questions à poser, selon votre réponse, ce tour-ci ou le suivant.
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Merci, monsieur le député.
Au sujet de la réconciliation, comme je l'ai dit dans mon bref exposé, ce sont exactement les préoccupations que beaucoup ont eues, y compris moi-même, pas nécessairement comme porte-parole du gouvernement, mais d'abord et avant tout comme Afghan.
Le président Karzaï a été très clair dans sa définition du processus de réconciliation. Cela signifie que la réconciliation constituera une stratégie destinée à contribuer à la guerre que nous menons actuellement contre le terrorisme et l'insurrection. Dans cette mesure, elle aura pour but de rallier un certain nombre de personnes qui ne sont pas irrévocablement liées au terrorisme et à al-Qaïda et qui pourraient se joindre à nous dans le cadre d'une stratégie politique.
Le président Karzaï a également dit très clairement que la réconciliation ne peut pas se faire s'il faut, en contrepartie, changer la constitution afghane et revenir sur les réalisations et le processus de démocratisation des neuf dernières années.
Je crois que les préoccupations exprimées par les Afghans, comme celles de Mme Jalal, s'inscrivent dans la même perspective. Les précisions données par le président Karzaï y répondent suffisamment. Du moins dans la mesure où le président Karzaï est concerné, en fonction de sa définition de la réconciliation, celle-ci ne peut pas se faire au prix des réalisations de l'Afghanistan. Même s'il est très important de gagner cette guerre par des moyens aussi bien politiques que militaires, il est encore plus important dans l'esprit du peuple afghan de préserver nos réalisations et de ne pas les compromettre.
Au sujet de la corruption, c'est de toute évidence un problème. Toutefois, les perceptions de corruption — même si elles correspondent souvent à la réalité — devraient être considérées dans le contexte des défis que nous devons relever ensemble. La dernière chose à faire est de se lancer réciproquement des accusations. Ce serait tellement nuisible qu'en fin de compte, non seulement on ne réglera pas le problème de la corruption, mais on pourrait être moins tenté de collaborer dans les autres domaines où nous devons travailler ensemble.
Malheureusement, je crois que cela s'est produit comme résultat logique et naturel d'une situation dans laquelle un pays qui a totalement perdu ses institutions de gouvernement est soudain devenu, il y a neuf ans, le bénéficiaire de l'un des plus importants programmes d'aide de l'histoire. Cela provoque inévitablement beaucoup de complications. La corruption est d'abord et avant tout une question de capacité. Ce n'est pas vraiment une affaire de culture. Certains ont prétendu le contraire, mais c'est absolument faux. La même chose aurait pu se produire en Afrique ou en Europe. La même chose aurait pu se produire dans n'importe quelle région du monde si un pays comme l'Afghanistan d'il y a neuf ans connaissait la même évolution.
Par conséquent, je crois que nous devons considérer ce phénomène comme un problème sur lequel nous devons travailler ensemble.
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Merci, monsieur le président.
Je veux tout d'abord souhaiter la bienvenue à l'ambassadeur Ludin. On a longuement discuté non seulement ici, au comité, mais chez lui et un peu partout. C'est un ambassadeur très actif et qui est un excellent avocat pour son pays.
Cependant, monsieur Ludin, je vous ai toujours dit, vu que je vous considère comme un ami, que je vous dirais toujours la vérité, que je vous dirais ce que je pensais exactement. Avant de céder la parole à mon ami M. Dorion, je voudrais m'attarder sur les résultats des élections. La commission indépendante a dit, dans une intervention, un statement, qu'elle rejetterait probablement complètement ou partiellement les votes dans 430 lieux de vote et qu'il y avait 830 autres sites de vote qui faisaient l'objet d'audition actuellement parce qu'elle craignait qu'il y ait eu énormément de fraude lors des élections.
Voici ma première question pour vous, monsieur Ludin. Cette commission devait faire une conférence de presse lundi, cette semaine. Deux heures avant cette conférence de presse, la commission a dit qu'elle ne pouvait pas la tenir parce qu'elle voulait plus de détails et de précisions, mais qu'elle ferait une annonce mercredi, soit aujourd'hui. Étant donné que vous êtes l'ambassadeur, j'aimerais savoir si cette annonce a eu lieu aujourd'hui comme prévu ou si on l'attend toujours.
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Exactement. Il y a eu une annonce aujourd'hui, d'après laquelle le décompte et l'examen des plaintes sont maintenant finals. Plus d'un million de votes ont été annulés. C'était une chose importante à faire pour la commission et, comme vous l'avez dit, cela représente près de 25 p. 100 du total des voix exprimées.
La raison pour laquelle c'était important, c'est que, comme vous vous en souviendrez, l'expérience des élections présidentielles avait été assez pénible. Elle avait provoqué des échanges d'accusations, chacun essayant de rejeter le blâme sur l'autre. Les Afghans blâmaient la communauté internationale, et la communauté internationale blâmait les Afghans.
Cette fois, les deux organismes qui s'occupaient des élections étaient principalement composés d'Afghans et se sont efforcés d'établir l'intégrité du processus. L'intégrité ne dépend pas nécessairement de l'absence de fraude ou d'irrégularités. Elle se base plutôt sur ce qui est fait pour y réagir. C'est pour cette raison qu'il a fallu beaucoup de temps pour examiner toutes les plaintes. L'examen est maintenant terminé et, dans tous les cas où il y avait des indices suffisants de fraude, tous les votes du site en cause ont été annulés.
Des résultats préliminaires ont donc été annoncés aujourd'hui, mais l'annonce du résultat final est reportée parce qu'il y a un dernier élément à prendre en considération. Une fois les résultats préliminaires connus, les candidats ont la possibilité de présenter des plaintes. Quand ils l'auront fait, il deviendra possible d'annoncer le résultat final.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur l'ambassadeur, de vous être joint à nous ici. C'est un plaisir de vous revoir.
Je tiens tout d'abord à vous féliciter. Même avec l'annulation d'un million de votes, les nombres que vous nous avez donnés indiquent que le taux de participation s'est quand même élevé à 41 p. 100. Nous avons eu des élections en Alberta, chez moi, à Edmonton, où le taux de participation n'était que de 33 p. 100. Je vous félicite donc pour les progrès que vous avez réalisés.
De toute évidence, les élections sont essentielles dans toute démocratie. Le système de justice est aussi un autre élément essentiel. J'aimerais en parler pendant quelques instants puisque vous avez mentionné le secteur privé. Nous envisageons souvent l'aide du Canada sous l'angle des Forces canadiennes, de l'ACDI et de l'approche pangouvernementale. Tout cela est excellent, mais nous avons aussi chez nous, dans le secteur privé, d'énormes capacités de formation, de mentorat, de création de capacités et ainsi de suite. Bien sûr, le système judiciaire… Vous savez, vous pouvez avoir une armée, un service de police et tout le reste, mais si vous n'avez pas un système judiciaire de base qui marche, qui permet de traduire les criminels en justice dans un laps de temps raisonnable et d'une manière appropriée, alors vous ne surmonterez jamais l'anarchie.
La Direction nationale de la sécurité joue un rôle essentiel. Elle est évidemment beaucoup plus petite que l'armée afghane et la Police nationale afghane. Sa taille permet à un pays comme le Canada de montrer ce qu'il sait faire dans ce domaine.
Lors de notre visite à Kaboul en juin, nous avons entendu Ahmad Nader Nadery, de la Commission indépendante des droits de la personne de l'Afghanistan, dire que la DNS est loin d'être parfaite, mais qu'elle s'est beaucoup améliorée par rapport à ce qu'elle était auparavant, qu'elle a fait des progrès sensibles et qu'elle compte probablement maintenant parmi les meilleurs organismes du pays.
Pouvez-vous nous dire ce que le Canada peut faire à cet égard d'une façon très générale? Vous connaissez bien notre secteur privé et son mode de fonctionnement. Croyez-vous qu'il conviendrait de lui demander d'amener la DNS à franchir une autre étape pour devenir un élément solide d'un bon système de justice?
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur l'ambassadeur, de votre présence parmi nous. Nous sommes très heureux de vous voir.
J'ai écouté très attentivement votre exposé. Je dois dire, à titre de député opposé à un rôle militaire au-delà de 2011, même s'il ne s'agit que d'entraîner des combattants… Vous n'avez pas parlé de cela dans votre exposé. En fait, vous avez mentionné l'éventuel appui du Canada à la Police nationale afghane et à la DNS, dans le contexte du soutien de la primauté du droit.
Je veux dire tout d'abord que, pour moi, la primauté du droit joue un rôle extrêmement important dans l'édification d'une nation. Bien sûr, ce n'est pas seulement mon avis personnel. Il faut que la population respecte le processus, ce qui suscite le respect des institutions gouvernementales.
Vous avez répondu à la question de M. Hawn concernant la participation possible du secteur privé. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le genre d'aide dont la Police nationale afghane pourrait avoir besoin de la part d'un pays comme le Canada?
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C'est une très bonne question. La PNA a besoin non seulement d'entraînement, mais aussi d'un soutien plus global, pour un certain nombre de raisons. D'abord, contrairement à l'Armée nationale afghane, qui a été constituée en partant de zéro, il y a neuf ans, grâce à l'intervention des États-Unis… Il a fallu pour cela non seulement recruter et entraîner, mais aussi constituer une nouvelle structure efficace. De ce fait, l'ANA constitue probablement aujourd'hui, malgré tous ses problèmes, l'organisme le plus respecté et le plus efficace du pays.
Ce n'est pas le cas de la PNA. La police de départ n'a pas été abolie. Elle n'a pas bénéficié d'investissements du même ordre au début. Par conséquent, malgré l'importance des investissements faits au fil des ans et tous les efforts déployés, elle manque encore de certaines capacités très élémentaires. En même temps, comme je l'ai dit, elle est aux premières lignes dans cette guerre. Elle a subi plus de pertes que n'importe quel autre organisme de l'Afghanistan ou d'ailleurs.
La police a donc besoin d'une aide organisationnelle pour qu'elle puisse se restructurer et adopter le processus de réforme actuellement en cours. Le Canada prête déjà son concours par l'entremise de la GRC. Je sais que c'est l'un des éléments en cause.
Comme je l'ai dit, les États-Unis constituent notre plus grande source d'aide, surtout sur le plan de l'entraînement. Le Canada pourrait sans doute faire un travail complémentaire. Je peux penser à un exemple très précis, comme la façon dont la police affronte le problème des engins explosifs improvisés. Ce serait une énorme contribution à la police afghane que de la doter des capacités, de l'équipement et des compétences techniques nécessaires. Elle pourrait également bénéficier d'une formation spécialisée.
À part la police, il y a aussi la Direction nationale de la sécurité. Il serait très indiqué que le Canada concentre ses efforts sur la DNS car, compte tenu de sa taille, c'est le Canada qui serait le mieux placé pour s'en occuper. C'est une organisation beaucoup plus petite que les autres. De plus, comme je l'ai dit, elle a déjà collaboré avec le gouvernement du Canada.
Monsieur l'ambassadeur, je vous remercie de votre présence. Pour le comité, il est très important que les Canadiens comprennent ce qui se passe en Afghanistan. Le fait que vous soyez venu et que cette séance soit télévisée permet aux Canadiens de se familiariser avec la situation dans votre pays.
Comme vous le savez et comme vous l'avez dit, l'Afghanistan est en pratique passé du statut d'État en déroute au statut de pays fonctionnel, ce qui a nécessité beaucoup d'efforts et qui a donné lieu à tous les problèmes dont nous avons discuté, touchant la sécurité, la corruption, l'aide au développement et tout le reste. Il y a cependant un élément clé auquel la plupart des Canadiens s'intéressent actuellement, à savoir le processus électoral qui se déroule actuellement en Afghanistan. Mon collègue, M. Hawn, et plusieurs autres sont allés sur place et se tournent maintenant vers vous pour savoir où en sont les élections. Même si plus d'un million de votes ont été annulés et que le taux de participation est de 40 p. 100, il importe de noter que c'est la deuxième fois que vous avez des élections législatives. Vous avez également eu des élections présidentielles. Ce qui ressort de tout cela, ce sont les questions concernant les votes annulés, l'intimidation, etc.
Vous avez signalé, à juste titre, que ces choses se produisent dans des domaines nouveaux. Les Canadiens aimeraient cependant savoir de quelle façon votre pays a progressé par suite de tout ce qui s'est produit? Est-ce que ces élections ont réellement… Nous parlons ici d'un million de votes annulés, d'enquêtes portant sur quelque 224 candidats et ainsi de suite. Pouvez-vous cependant expliquer d'une façon très simple aux Canadiens que ces élections représentaient un progrès remarquable par rapport aux précédentes? Pouvez-vous leur dire vers quoi vous vous orientez? En fin de compte, les élections et les tentatives visant à processus de paix…
Pendant que j'étais aux États-Unis, j'ai écouté votre président qui était interviewé à l'émission Larry King Live. Il a parlé du processus de paix et de tout le reste. Mais, en bout de ligne, les Afghans vont s'interroger sur ce qu'ils en retirent eux-mêmes individuellement et se demander si la situation s'est vraiment améliorée.
S'ils ne peuvent pas déterminer qui va les représenter d'une manière transparente, qu'est-ce que ça donne? C'est la principale question que les Canadiens se posent. J'aimerais donc que vous nous parliez de ce qui arrive et que vous nous donniez peut-être des précisions sur les améliorations remarquables qui sont produites.
Je ne peux pas répondre à cette question sans reconnaître que nous aurions pu nous trouver dans un bien meilleur environnement aujourd'hui, cinq ans après nos premières élections législatives et notre processus national. Si nous avions été en meilleure posture, avec une plus grande sécurité dans le pays, des institutions beaucoup plus fortes dans la société civile, nous aurions probablement eu un nouveau parlement qui aurait, sans le moindre doute, constitué un progrès considérable par rapport au précédent.
Cela n'enlève rien à l'importance et à la valeur de notre premier parlement. Si on me demandait de me prononcer sur la valeur de ce premier parlement, je dirais sans hésiter que, malgré ses inconvénients et ses lacunes, il a fait un excellent travail.
Ce sera la même chose avec le prochain parlement. Il s'améliorera. En fait, il est déjà meilleur que ce qu'il aurait pu être, compte tenu des circonstances. Nous étions incertains, avant les élections, au sujet du nombre de femmes qui poseraient leur candidature, surtout dans les conditions de sécurité qui régnaient; nous nous demandions si des concurrents indépendants se présenteraient et, en fait, si les élections auraient vraiment lieu. Toutes ces craintes sont maintenant apaisées. Des femmes se sont présentées en nombre suffisant.
À ma connaissance et d'après les résultats préliminaires des élections, beaucoup des élus ont la confiance du peuple. Les gens ont voté pour eux. Les élections ont eu lieu et auront encore lieu lorsque viendra le temps de former le prochain parlement.
Comme je l'ai dit, il faut voir les choses dans le contexte de la situation qui règne en Afghanistan. Les conditions de sécurité se répercutent non seulement sur les combattants et sur le développement général du pays, mais sur tous les aspects de la vie dans le pays, y compris la politique.
La situation politique se renforcera et s'améliorera quand la sécurité sera établie dans le pays. Quoi qu'il en soit, le nouveau Parlement constituera certainement une grande amélioration par rapport au précédent, même s'il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour en arriver à quelque chose qui ressemble à votre Chambre des communes.
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Je vais commencer par une très brève introduction. Nous voulons en arriver assez rapidement à l'essentiel du rapport, que Jennifer vous présentera.
Je vais tout d'abord vous donner un très bref historique de notre organisation.
CARE a des activités en Afghanistan depuis très longtemps. Nous y combattons la pauvreté depuis une cinquantaine d'années. Nous accordons donc un grand intérêt à ce pays et à son peuple. Le Canada a beaucoup appuyé CARE dans son travail en Afghanistan, finançant beaucoup des efforts que nous y avons déployés.
Bien que nous nous approchions rapidement de 2011 et du changement du rôle que joue le Canada dans le pays — puisqu'il a été décidé de mettre fin à la mission de combat en Afghanistan —, nous n'avons pas vraiment assisté à un débat de fond parmi les Canadiens sur la nature du rôle que nous aurons dans le pays par la suite. Nous avons donc décidé de considérer la situation et, en fait, de saisir l'occasion de lancer un débat en avançant quelques propositions de notre cru.
D'après notre expérience, nous croyons que le créneau qui conviendrait parfaitement au Canada est celui de champion des femmes afghanes, afin de promouvoir leurs droits, leurs pouvoirs et leur développement. Nous avons tenu d'importantes consultations avec les groupes de la société civile, les ONG internationales, les ONG locales et avons même discuté avec les Afghans, hommes et femmes, avec qui nous travaillons tous les jours pour déterminer ce qui, à leur avis, constituait la meilleure voie à suivre et ce qu'ils aimeraient que le Canada fasse. En gros, tout le monde nous a dit la même chose: le Canada a donné un appui énergique et peut être le champion des femmes en Afghanistan.
Pourquoi les femmes? Parce qu'en ce moment, la situation des Afghanes compte parmi les pires du monde. Lorsqu'on examine leur statut par rapport à celui des hommes, on se rend compte que l'écart entre les sexes est le plus important de la planète, par rapport à celui des autres sociétés du monde en développement.
À l'heure actuelle, les Afghanes n'ont pas de champion à l'échelle internationale. C'est là un créneau que personne n'occupe pour le moment. Les efforts déployés en faveur des Afghanes sont désordonnés et manquent de cohérence. Il y aurait vraiment lieu que quelqu'un intervienne pour coordonner les activités et se faire le porte-parole des femmes.
Enfin, le Canada est actuellement l'un des principaux pays donateurs en Afghanistan. Sur le plan des efforts déployés en faveur des femmes, nous avons été parmi les plus énergiques pour parler en leur nom et prendre leur défense contre l'injustice. Nous avons beaucoup fait pour aider les Afghanes. Par conséquent, nous avons déjà les capacités nécessaires sur le terrain.
Ce que nous proposons dans ce rapport n'est vraiment rien de nouveau pour le Canada. Il s'agit tout simplement de modifier notre façon de penser et d'étendre certaines des initiatives que nous avons déjà prises avec succès.
Je vais maintenant céder la parole à Jennifer Rowell, qui parlera du contenu des propositions présentées dans le rapport, des problèmes à affronter et des perspectives à exploiter.
Je vous remercie de nous avoir accordé du temps aujourd'hui. Nous sommes très heureux de cette occasion de vous parler de cet important sujet.
Comme vous le savez, l'Afghanistan s'approche de la croisée des chemins. La réconciliation et la réintégration sont en cours. L'OTAN vient juste d'accorder un sauf-conduit à des chefs insurgés pour leur permettre de se rendre à Kaboul et de participer aux négociations. Nous croyons — et les femmes à qui nous parlons et avec qui nous travaillons croient aussi — que ce processus de réconciliation et de négociation pourrait nous faire courir le risque de perdre beaucoup des gains réalisés dans les 10 dernières années au niveau tant national qu'international.
À l'heure actuelle, aucune partie n'a énergiquement pris la défense des droits des Afghanes dans le cadre du processus de réconciliation. Vous êtes conscients de la situation incertaine des droits de la personne au sein du gouvernement lui-même, aussi bien au niveau des personnes en cause que sur le plan des mesures législatives adoptées, comme la Loi sur le statut personnel chiite, la Loi sur l'amnistie, etc.
Nous craignons que les droits des femmes ne fassent partie des négociations et des compromis à accepter pour renforcer la sécurité. Nous demandons au Canada d'envisager de prendre la direction du débat international visant à déterminer de quelle façon la communauté internationale peut essayer d'empêcher ces compromis. Les femmes ont fait des progrès incroyables dans les 10 dernières années, mais elles craignent de tout perdre.
La première partie du rapport traite de la sécurité. Il s'agit de déterminer comment veiller à tenir compte des femmes, à garantir leurs droits en fonction de normes que les femmes elles-mêmes ont approuvées dans le cadre du processus de négociation et de réconciliation et à leur permettre de se faire entendre aux négociations elles-mêmes afin qu'elles puissent défendre leurs propres positions.
La deuxième partie du rapport porte sur le développement économique et social. C'est un domaine dans lequel le Canada excelle déjà. Vous avez déjà d'excellents programmes de développement économique et social. Vous avez un excellent portefeuille d'éducation, un excellent portefeuille de développement économique. Vous avez d'excellentes initiatives en matière de santé de la mère et de l'enfant. J'espère que vous en ferez une priorité aux termes de l'initiative de Muskoka.
Nous croyons qu'en changeant quelques éléments clés de ce portefeuille, le Canada serait en mesure de définir l'ordre de priorité et de concentrer ses efforts sur l'amélioration de l'accès des femmes aux services dans ces secteurs importants. En ce moment — et je ne saurais trop insister sur ce point —, la communauté des donateurs insiste d'une façon disproportionnée sur la création de services, en construisant des écoles, des cliniques, etc. sans trop se soucier de l'accès des femmes à ces services. Dans certains secteurs, il peut y avoir 15 cliniques de santé maternelle dans un kilomètre carré sans qu'une seule femme ne puisse y recourir parce qu'on ne s'est pas suffisamment soucié des obstacles socioculturels. La communauté des donateurs se préoccupe tellement de la disponibilité des services, que les questions d'accès sont simplement oubliées.
L'engagement du Canada en Afghanistan compte parmi les plus crédibles et les plus forts en matière d'accès parce que le Canada est flexible, qu'il consacre de l'argent aux obstacles les moins évidents et que ses succès ont été très importants. Le Canada a une excellente réputation à cet égard. Nous préconisons donc d'étendre certaines de ces initiatives.
La troisième partie du rapport traite de la gouvernance, de la primauté du droit et des droits de la personne. Nous avons déjà entendu de nombreux commentaires au sujet de la primauté du droit cet après-midi. Une chose est certaine: en l'absence de cette primauté, il n'y a pas de sécurité et il ne peut pas y avoir un soutien authentique des droits de la femme. Toutefois, la primauté du droit n'implique pas seulement de charger la police d'agir contre l'insurrection et de créer des tribunaux. Elle nécessite d'établir des mécanismes de prestation de services permettant de faire respecter les droits de la femme.
Je vais vous donner un exemple concernant la police. À l'heure actuelle, les nouvelles recrues du service de police afghan doivent suivre une formation de huit semaines. C'est la limite de la formation officielle. Il y a d'autres programmes qui offrent des choses complémentaires, mais la base est constituée par le programme de formation de huit semaines. Dans cette période, sept semaines et quatre jours sont consacrés aux mesures anti-insurrectionnelles. Une journée est réservée aux services de police communautaire et une demi-journée, aux droits de la femme.
Le service de police a donc une connaissance très limitée de son rôle comme protecteur de la collectivité, des droits de la personne et des droits des femmes, dont 87,2 p. 100 subissent des sévices et de mauvais traitements pendant leur vie, qui ont besoin des services de l'État pour être protégées contre ces abus à l'avenir et pour obtenir l'appui dont elles ont besoin afin de survivre à la situation dans laquelle elles se trouvent…
Le secteur de la police et le secteur de la justice n'ont pas les connaissances et les compétences nécessaires pour affronter ces problèmes. Par conséquent, les femmes vivent dans la peur. Elles s'adressent souvent à la police et à la justice en s'attendant à obtenir de l'aide, mais elles sont souvent renvoyées chez elles ou soumises à d'autres sévices. Cela est fréquemment attribuable à l'ignorance, une ignorance qui est elle-même liée au fait que la communauté internationale des donateurs et les priorités définies aux niveaux les plus élevés de l'administration afghane ne sont pas vraiment axées sur la création d'une règle de droit communautaire, comme celle que nous avons au Canada et que nous jugeons tellement importante.
Permettez-moi de reprendre les paroles d'Ursula Franklin: « La paix n'est pas l'absence de la guerre. C'est la présence de la justice et l'absence de la peur. » Nous devons nous assurer d'en arriver à ce stade de présence de la justice et d'absence de la peur. Maintenant que le Canada s'apprête à retirer ses forces armées, il peut concentrer l'essentiel de son attention sur l'établissement de la primauté du droit, dans laquelle les droits de la femme sont concrètement imbriqués. Le rapport présente plusieurs recommandations sur la façon de le faire.
Nous avons finalement un chapitre sur l'efficacité de l'aide, qui explique comment agir. C'est une synthèse du savoir et de l'expérience de nombreuses organisations, tant afghanes qu'internationales, qui connaissent bien le pays et savent comment les choses se font.
On a mentionné la culture un peu plus tôt, cet après-midi. Je crois que c'est M. Rae qui a parlé de la difficulté qu'il y a à aborder les questions culturelles. Je comprends bien cette préoccupation, mais il y a des moyens d'agir. De plus, beaucoup de choses en Afghanistan sont regroupées, à tort ou à raison, sous le titre de la culture. Tout ce qui semble hostile, conservateur ou différent de ce que nous sommes habitués à voir dans les sociétés occidentales est souvent attribué à la culture. Cela signifie que beaucoup des partenaires chargés de la mise en œuvre et sûrement beaucoup de donateurs présents en Afghanistan essaient d'éviter ces questions. En réalité, si nous disséquons cette culture, si nous la décomposons et analysons les éléments constituants pour les répartir entre la culture, l'ignorance et d'autres facteurs, comme la distance à franchir pour aller à l'hôpital ou à l'école, les problèmes deviennent beaucoup plus pratiques et concrets.
Je sais que vous aurez des questions à poser à ce sujet.
En conclusion, nous souhaitons que vous considériez notre rapport comme un menu d'options. Le Canada peut assumer certaines responsabilités et diriger l'effort international consacré à d'autres. Il peut encourager d'autres donateurs ainsi que la communauté afghane elle-même à s'occuper de quelques-unes des options. Le rapport explique comment, en pratique, le Canada peut assumer une position de leadership en matière de droits de la femme sans pour autant accroître la taille de son portefeuille, en faisant quelques changements simples dans ce qu'il fait déjà très bien en Afghanistan.
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Pas du tout. Nous croyons qu'une certaine forme de réconciliation et de réintégration constitue probablement la meilleure façon de progresser. Il s'agit de mettre fin au conflit d'une manière non violente. Cela contribue à ressouder la société.
La façon d'agir est critique. C'est là que les choses risquent de s'envenimer parce que les difficultés résident dans les détails. Si, à un moment donné, il n'y a pas suffisamment de garanties pour les femmes, nous connaîtrons des reculs importants. Les Afghanes en sont très conscientes. C'est de cela qu'elles discutent en ce moment. Partout dans le pays, les dirigeantes du mouvement féminin se battent pour obtenir des places dans la jirga de la paix. Même à la conférence de Kaboul, les femmes ont fait beaucoup de lobbying pour être sûres de pouvoir se faire entendre à cette tribune et d'avoir la possibilité d'expliquer leurs préoccupations et certaines des options qui existent.
Beaucoup, dans le monde occidental, ignorent que l'Afghanistan a un puissant mouvement féminin dirigé par des femmes très énergiques et très capables. Le Canada et la communauté internationale devraient les écouter. Nous devons les consulter de façon prioritaire, dans le cadre de notre politique, et veiller à tenir compte de ce fait dans la politique canadienne.
De plus, au sujet des questions les plus délicates, nous devons jouer les intermédiaires pour avoir accès aux tribunes politiques où le Canada est présent, mais pas les femmes. Si le Canada peut consulter les femmes et veiller à ce qu'elles puissent se faire entendre, qu'elles disposent des ressources nécessaires pour faire leurs propres enquêtes, rédiger leurs propres rapports et communiquer les renseignements dont vous avez besoin, alors le Canada peut jouer ce rôle d'intermédiaire en parlant au nom des femmes là où elles sont absentes. Laissons les femmes diriger car elles en sont indubitablement capables.
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Merci, monsieur le président. J'aimerais souhaiter la bienvenue à CARE Canada.
Il ne fait aucun doute, à la lecture de votre document, que vous faites de l'amélioration des conditions de vie des femmes afghanes une pierre d'assise de l'avenir de l'Afghanistan. Il n'y a pas de doute dans mon esprit, car tout au long du document, c'est ce que vous dites. Vous parlez de bons gouvernements, de règles de droit.
Je suis allé trois fois en Afghanistan et j'ai toujours constaté qu'on maintient les femmes sous une emprise, qu'on les « tasse » systématiquement. Même nous, les Occidentaux, avons de la difficulté parfois à leur parler et nous avons même l'impression de ne pas leur rendre service en leur parlant, car elles font toujours l'objet de surveillance. C'est ce qui me fait dire, finalement, que la société afghane est une société patriarcale. Ce n'est pas une société matriarcale; c'est une société patriarcale qui repose sur une certaine culture.
Je suis d'accord lorsque vous dites qu'il faut parfois essayer de modifier cette culture par des gestes concrets comme, peut-être, l'installation d'hôpitaux à proximité des villages. Les gens n'auraient pas à voyager à dos de chameaux durant trois jours pour se rendre à l'hôpital. Je comprends ça, mais c'est tout un défi que vous nous demandez de relever. C'est assez difficile, car lorsqu'on fait face à une société patriarcale — et j'ai beaucoup dénoncé cette fameuse loi sur le viol qu'a adoptée le Parlement afghan —, on est loin du pouvoir total des femmes en Afghanistan. Je pense donc que ça prendra une volonté très forte du gouvernement du Canada pour essayer d'effectuer une percée.
Dans le rapport semestriel que j'ai en main, on mentionne six priorités du gouvernement et on ne parle presque pas des femmes. Alors, c'est tout un défi que vous nous lancez, d'être champions et d'essayer de provoquer des changements. Je pense que ça devra se faire de deux manières: aider les femmes de façon concrète, mais aussi, à mon avis, sensibiliser les hommes. Si les hommes continuent de s'entêter, d'avoir une mentalité patriarcale et de ne reconnaître aucun droit aux femmes, il va falloir au moins un siècle de travail avant d'en arriver à quelque chose.
J'aimerais que vous réagissiez à mes propos. Suggérez-vous toujours qu'on s'engage dans cette voie, et cela prendra-t-il une volonté très forte? Il y a seulement le Canada, selon moi, qui est actuellement bien placé pour le faire. Êtes-vous favorable à une intervention à deux niveaux, c'est-à-dire aider les femmes concrètement, mais aussi sensibiliser la société patriarcale?
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On peut dire qu'il faudrait faire trois choses tout en même temps pour pouvoir se sortir de la situation qui prévaut actuellement en Afghanistan. Certainement, il faut absolument travailler avec les femmes, soit améliorer leurs capacités et leur connaissance de leurs droits, etc.
Cependant, il y a deux autres éléments relativement à cette situation. Premièrement, comme vous l'avez déjà dit, il faudrait changer les relations sociales, ou aborder cette question, soit celle des relations qu'ont les femmes avec les hommes et avec les leaders des communautés dans lesquelles elles vivent. Deuxièmement, il y a l'élément politique, soit les lois sur le viol, par exemple, comme vous l'avez dit. Il faut aborder directement le cadre politique, les lois qui déterminent ce qui est acceptable et ce qu'on ne peut pas faire, ce qui constitue les limites relatives au respect des droits.
Le problème, maintenant, c'est que beaucoup de bailleurs de fonds, de donateurs, dirigent tous leurs efforts vers la femme. Il y a très peu d'argent, de soutien, d'appui qui sont directement destinés à la sensibilisation des hommes, ou encore aux autres problèmes sociaux qui relèvent un peu plus du domaine politique.
Par exemple, en matière de santé maternelle, nous avons constaté certaines choses suite à nos expériences sur le terrain. Lorsqu'on s'adresse directement aux hommes et à leurs mères, soit les belles-mères des femmes enceintes, lorsqu'on discute avec eux et qu'on leur donne toutes les raisons pour lesquelles il est très important de laisser les femmes se rendre à l'hôpital pour recevoir un appui pendant leur grossesse, lorsqu'on les informe de tous les risques et dangers qu'elles courent, lorsqu'on les informe de toutes les ressources disponibles, comme l'hôpital le plus proche ou la femme la plus proche qui peut venir les aider, etc., lorsqu'on leur donne des informations de base, les chances pour les femmes d'avoir la permission d'aller vers ces ressources s'améliorent grandement.
Dans les zones de la ville de Kaboul où nous travaillons, il y a eu une amélioration considérable de la santé maternelle grâce aux efforts liés directement au travail fait auprès des hommes. Ainsi, comme je l'ai déjà dit, le problème est que les efforts ne sont pas dirigés de ce côté.
Il y a un an, un hôpital de 22 millions de dollars a été construit à Kaboul. C'est une somme énorme! Or la seule personne au ministère de la Santé publique à qui on avait donné la responsabilité de...
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Je voudrais remercier nos deux témoins. Pendant toute la période où j'ai eu l'honneur de siéger au comité, je ne sais pas si j'ai eu d'autres moments où j'ai eu l'impression d'être aussi bien renseigné que je le suis maintenant après vous avoir écoutés. C'était vraiment fascinant.
Je voudrais parler, comme M. Wilfert l'a fait tout à l'heure, d'un autre grand problème chronique. Il s'agit des principes élémentaires de l'interprétation du Coran.
J'ai lu, il y a deux jours, qu'aux Émirats arabes unis — comme je n'ai qu'une seule source, il se peut que ce soit faux —, une décision a été rendue selon laquelle, en vertu de la charia, il est acceptable pour l'homme, dans une famille, de battre ses femmes et ses filles tant qu'il n'y a pas de contusions visibles. Je trouve cela pour le moins odieux.
Si des principes de ce genre jouent un rôle fondamental dans la situation dont nous parlons, même si j'ai l'impression que personne dans cette salle ne refuserait d'examiner sérieusement votre proposition concernant un rôle plus étendu du Canada, comment pouvons-nous contourner ce problème?
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre présence. Bien sûr, CARE Canada est une organisation tellement connue que son nom est passé dans la langue. Quand on entend parler des projets CARE, on sait de quoi il s'agit.
J'ai été très encouragé par l'exposé très positif — je ne dirai pas excessivement optimiste, mais certainement optimiste — que vous avez présenté et d'après lequel il est possible d'habiliter les femmes dans les circonstances difficiles que nous connaissons… et que nous exagérons peut-être un peu parce que nous regardons les choses d'un peu loin au Canada. Quoi qu'il en soit, ce sont d'excellentes nouvelles.
Je voudrais porter mon attention sur vos recommandations concernant les moyens pour le Canada de contribuer davantage et plus efficacement à la promotion des droits de la femme. L'ambassadeur, qui vous a précédés, a semblé reconnaître que c'est un domaine particulièrement vulnérable dans lequel l'Afghanistan a besoin d'aide et que les organisations qui s'occupent de ce genre d'activité ne sont pas appuyées et courent même le risque d'être éliminées.
Par conséquent, vous pouvez compter sur mon plein appui. De plus, je suis enchanté d'apprendre que vous trouvez les perspectives très positives.
J'aimerais bien avoir votre aide sur un point. Mon ami, M. Rae, m'a plus ou moins grondé parce que j'ai dit du processus de paix qu'il était éphémère. En fait, j'en parlais en fonction de ce qui a été rapporté à ce sujet. J'ai été heureux d'apprendre de M. Rae que la choura de Quetta pourrait participer à des pourparlers de réconciliation.
Je voudrais connaître votre avis sur une question. Jusqu'à récemment, on nous disait que le Taliban refusait de participer à des pourparlers quelconques tant qu'il restait encore des troupes étrangères en Afghanistan. Comme cela ne risquait pas de se produire, les pourparlers de paix étaient exclus.
Je regarde vos principales recommandations concernant la sécurité. Je sais que le président Karzaï a dit qu'il ne pouvait y avoir de pourparlers qu'après l'acceptation de la constitution. Vous avez été plus précise en parlant de garanties. J'ai donc deux questions à vous poser. Premièrement, est-ce que ces garanties seraient de nature à empêcher toute discussion avec le Taliban? En second lieu, qu'est-ce que la communauté internationale peut faire — à part parler de l'importance des droits de la femme — si on nous dit que le processus de réconciliation et de paix doit être mené par les Afghans eux-mêmes?
Dans ce contexte, j'aurais aussi une autre question. Le Haut Conseil pour la paix a été formé récemment. Des questions se posent quant au nombre de femmes qu'il comprendra et, compte tenu de la domination masculine, je ne peux m'empêcher de remarquer que tous les députés présents dans cette salle sont des hommes. Nous devons nous en rendre compte en pensant à ce qui se fait chez nous.
Avez-vous quelque chose à dire sur ce grand sujet? Vos recommandations sont-elles de nature à empêcher les pourparlers de paix? Si oui, comment contourner le problème? Et quel rôle le Canada et d'autres joueront-ils dans le fonctionnement du processus de paix, surtout dans le contexte du soutien à donner aux Afghanes?
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Je suis très heureuse que vous ayez soulevé la question des garanties parce que c'est une chose à traiter très délicatement, mais très délibérément.
Nous ne recommandons certainement pas que le Canada se place dans une situation telle que n'importe quel manquement met automatiquement fin à l'influence canadienne parce que nous aurions dit que nous cesserions tout appui et tout financement. Nous ne voulons pas encourager le Canada à polariser sa position au point de la rendre improductive ou même nuisible à l'avenir.
Par conséquent, une discussion très délicate doit avoir lieu pour déterminer avec précision ce que le Canada peut faire pour maintenir sa position de défenseur des droits de la femme dans le cadre du processus et pour définir des attentes sans s'imposer lui-même de trop fortes restrictions. Nous ne pouvons pas donner une réponse plus précise à cette question parce que vous disposez ici de bien plus de renseignements que Kieran et moi sur la façon de traiter avec l'Afghanistan au niveau politique.
Nous savons cependant que si le Canada accepte de jouer le rôle d'intermédiaire en consultant les femmes sur les normes minimales qu'elles peuvent accepter dans le cadre de négociations quant à leurs propres droits, cela pourrait donner le ton à la communauté internationale pour qu'elle dise: « D'accord, messieurs, si vous voulez négocier, n'oubliez pas l'autre moitié de votre population que vous devez respecter aux termes de votre constitution, de toutes les résolutions des Nations Unies que vous avez signées et des ententes d'aide conclues avec l'ACDI. Nous allons vous rappeler ce que les femmes disent et voici la preuve de tout cela. »
Vous pouvez vous servir de la voix des femmes pour définir cette position. Je crois qu'elles sont mieux placées pour déterminer les normes minimales requises que ce groupe de messieurs qui ne viennent qu'assez rarement à Kaboul.
C'est un sujet délicat. Nous ne voudrions pas que le Canada se lie les mains au point d'avoir une position improductive.