:
La séance est ouverte. Nous avons le quorum.
Je vous prie de nous excuser pour ce retard. Je crois que tout le monde était à la Chambre pour entendre la décision rendue par le Président, qui n'a d'ailleurs toujours pas terminé. Nous devrons nous en remettre aux actualités pour la suite après notre séance d'aujourd'hui.
Nous souhaitons à tous la plus cordiale des bienvenues à cette 12e séance de notre comité. Nous allons poursuivre notre examen de la Loi sur les espèces en péril, en vertu de l'article 129 de ladite loi et conformément au paragraphe 108 du Règlement.
Les représentants de plusieurs ONG sont venus nous prêter main-forte aujourd'hui. De la Société pour la nature et les parcs du Canada, nous accueillons Éric Hébert-Daly, directeur général national.
Merci d'être des nôtres.
Du Fonds mondial pour la nature (Canada), nous avons Peter Ewins, agent principal pour la conservation des espèces.
Bienvenue à vous.
Et pour une présentation conjointe, nous recevons, de la Fondation David Suzuki, une personne bien connue du comité, Rachel Plotkin, analyste des politiques en matière de biodiversité; et de l'organisme Écojustice Canada, Keith Ferguson, avocat-conseil à l'interne, qui témoignera par vidéoconférence à partir de Vancouver.
Je crois qu'il y a quelqu'un qui vous accompagne là-bas, monsieur Ferguson.
:
Merci beaucoup et bon après-midi.
D'abord, je veux vous remercier de nous avoir donné l'occasion de vous parler des points de vue de la Société pour la nature et les parcs du Canada au sujet de votre examen sur la Loi sur les espèces en péril.
Je m'appelle Éric Hébert-Daly. Je suis le directeur national de la Société pour la nature et les parcs du Canada. Je suis accompagné par Aran O’Carroll, qui est responsable des affaires nationales, législatives et réglementaires pour la Société pour la nature et les parcs du Canada et qui est aussi directeur national de notre campagne pour la forêt boréale.
Notre présentation se concentrera sur les défis et les occasions qui existent pour mettre en oeuvre la Loi sur les espèces en péril et, en même temps, pour vous donner un angle particulier concernant la question de la conservation de la forêt boréale. Je pense plus particulièrement à notre travail pour la protection du caribou forestier de la forêt boréale, qui est quand même une espèce un peu emblématique pour la société canadienne. Vous le trouvez d'ailleurs sur vos pièces de 25 ¢. C'est aussi un baromètre de la santé de la forêt boréale.
[Traduction]
La SNAP est la plus importante organisation communautaire de protection de la nature au Canada. Depuis 1963, nous avons joué un rôle capital dans l'établissement de plus des deux tiers des aires protégées du Canada. Cela comprend, bien évidemment, la campagne emblématique menée pour la réserve Nahanni, l'une de nos grandes réussites dans le cadre de la présente législature.
Grâce à nos 13 sections et au soutien actif de plus de 40 000 Canadiens, la SNAP est devenue l'une des plus importantes organisations communautaires au pays. Voilà un bon moment déjà que nous mettons de l'avant notre vision qui est de veiller à ce qu'au moins la moitié des étendues sauvages du Canada restent intactes, et ce, pour toujours. Cette vision est aussi celle de notre partenaire pour la campagne « Horizons sauvages », Mountain Equipment Co-op, et celle de nos collègues du Conseil principal de la forêt boréale, soit les premières nations, des sociétés gazières, pétrolières et forestières ainsi que des organismes voués à la conservation.
La SNAP a joué un rôle de soutien dans la mise en oeuvre de la LEP. C'est un rôle que nous avons vraiment pris à coeur. Nous sommes membres du Comité consultatif sur les espèces en péril créé par le ministre, et mon collègue, Aran, copréside le groupe consultatif national pour la stratégie de rétablissement du caribou forestier.
Partout au pays, les équipes de la SNAP jouent un rôle déterminant dans l'élaboration des plans de rétablissement et dans l'obtention de gains pour la protection de l'habitat du caribou forestier dans leurs régions respectives.
[Français]
Nous sommes entièrement d'accord avec certains propos de nos collègues du Comité consultatif sur les espèces en péril, tenus lors de leur présentation devant le comité. L'architecture fondamentale de la loi n'est pas le problème. La loi est bien conçue. C'est la mise en oeuvre de la loi qui représente le plus grand défi pour nous et, en particulier, quand vient le temps de regarder tout cela plus en détails. On a remis un document au greffier qui explique cela de façon plus détaillée que ce que je peux faire dans les dix minutes qui me sont allouées.
[Traduction]
Nous aimerions vous présenter trois recommandations aujourd'hui. Premièrement, assurez-vous que la LEP est mise en oeuvre correctement, surtout dans le dossier du caribou forestier de la forêt boréale; deuxièmement, adoptez un nouveau rôle assuré de chef de file au niveau fédéral pour la conservation de la nature en vous concentrant tout particulièrement sur les questions liées à la collaboration; et troisièmement, agissez immédiatement dans une situation très urgente qui se déroule au moment où l'on se parle, c'est-à-dire relativement aux mesures prises pour la création d'un nouveau parc et la façon d'y intégrer la LEP.
[Français]
L’habitat essentiel est défini dans la loi comme étant l’habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d’une espèce en péril. Le ministre est responsable, en vertu de la loi, de l’approbation des stratégies de rétablissement pour les espèces dont l’habitat est identifié comme essentiel, dans la mesure où il est possible de le faire selon les meilleurs renseignements disponibles et les mesures descriptives pour conserver cet habitat.
[Traduction]
Le caribou forestier est un excellent exemple pour démontrer les raisons pour lesquelles nous devons adopter une approche plus coordonnée de la conservation au Canada. Compte tenu de sa grande aire de répartition, le caribou forestier de la forêt boréale est inscrit dans la LEP pour toutes les régions du pays, à l'exception des populations de l'île de Terre-Neuve, bien que ces populations soient elles aussi en déclin.
Espèce parapluie témoignant de la santé de nos forêts boréales et de nos milieux humides, le caribou forestier a besoin de grands espaces sauvages intacts pour survivre. Si son habitat est morcelé par des routes, des fermes, l'exploitation forestière et minière ou le développement énergétique, la dynamique prédateur-proie se transforme en permettant aux prédateurs d'avoir plus facilement accès aux caribous. Cela change la donne pour le caribou qui, comme nous avons pu le constater, pourrait disparaître en quelques décennies.
Voilà maintenant sept ans que nous nous attaquons à ce problème particulier. Les difficultés éprouvées dans la mise en oeuvre de la LEP ne nous ont pas facilité la tâche. La bonne nouvelle, c'est que nos efforts ont mené en une évaluation scientifique de pointe des besoins de cette espèce pour ce qui est de son habitat essentiel. Par contre, nous attendons toujours la stratégie de rétablissement prévue dans la loi. Elle devait au départ être appliquée en 2007; nous avons maintenant été informés qu'elle était attendue pour l'automne 2011. Pendant ce temps, les populations de caribous continuent de diminuer.
[Français]
De cette expérience, nous avons quand même appris que la Loi sur les espèces en péril a beaucoup de potentiel comme outil fédéral pour conserver l’habitat des espèces en péril. Toutefois, cette loi à elle seule est insuffisante. La conservation de la nature à grande échelle exigée par les espèces à distribution étendue, comme le caribou forestier, nécessite vraiment une action concertée par de nombreuses parties touchées de près par la question.
[Traduction]
En tant que pays, nous devons vraiment mettre à profit nos compétences collectives pour devenir un chef de file mondial de la conservation. Concrètement, il s'agit de réunir les compétences législatives des gouvernements pour protéger les espèces et les aires protégées établies, la capacité de l'industrie d'adopter des pratiques plus durables, les connaissances traditionnelles des Autochtones à l'égard de nos écosystèmes, la compréhension grandissante de la biologie de conservation par les scientifiques, et la conscience citoyenne d'organisations vouées à la conservation comme la nôtre.
Nous recommandons que le gouvernement fédéral donne le coup d'envoi d'une nouvelle ère d'intégration de projets nationaux pour la conservation dans tous ses champs de compétence et qu'il collabore avec les décideurs des provinces et des territoires, les leaders autochtones, les grandes entreprises industrielles et les groupes voués à la conservation afin d'établir pour le Canada une vision sans précédent dans le monde de la conservation qui protégera notre patrimoine naturel.
[Français]
Pour faire tout cela, il faut donner une place importante à l’élaboration et à la mise en oeuvre d’une stratégie commune, impliquant toutes les parties — pas seulement les gens qui travaillent en silo — pour conserver les habitats essentiels du caribou forestier et la forêt boréale. Un tel plan pourrait vraiment assurer que les écosystèmes sont résilients et sains et qu'ils offriront aussi un avenir pour des générations de Canadiens.
[Traduction]
Comme je l'ai mentionné précédemment, le Parlement a approuvé unanimement l'an dernier, avec le soutien des premières nations Dehcho, du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et de la SNAP, un agrandissement majeur de la réserve de parc national Nahanni, dans la partie sud du bassin versant de la rivière Nahanni Sud.
Parcs Canada planifie maintenant la création d'un autre parc, la réserve nationale Nááts'ihch'oh, dans les eaux d'amont du bassin versant de la rivière Nahanni Sud. Cette région englobe des lieux de mise bas et de reproduction essentiels du caribou forestier qui passe l'hiver tout près dans la réserve de parc national Nahanni. Avec des limites adéquates pour le parc Nááts'ihch'oh, presque tout le territoire d'une harde de caribous forestiers serait protégé dans ces parcs nationaux voisins. Toutefois, les limites actuellement proposées pour le parc laissent toutes des parties du bassin versant de la Nahanni Sud, qui sont essentielles pour l'avenir du caribou forestier de la région, privées de protection.
En s'assurant que les limites de ce plus récent parc national protègent l'habitat essentiel du caribou forestier, le gouvernement fédéral démontrerait de façon très concrète comment une approche coordonnée de la conservation peut donner de véritables résultats pour la faune sur le terrain grâce à l'action concertée de Parcs Canada et de cette loi.
[Français]
En résumé, nous demandons à votre comité de faire les choses suivantes: démontrer que la loi peut être efficace et bien fonctionner avec une stratégie nationale de rétablissement pour le caribou forestier de la forêt boréale; adopter un nouveau rôle de chef de file au niveau fédéral en ce qui a trait à la conservation de la nature — en collaboration avec les provinces, évidemment—; agir immédiatement, tandis qu'un nouveau parc national est établi dans les Territoires du Nord-Ouest, pour s'assurer que les outils fédéraux en conservation sont complémentaires. Dans ce cas-ci, on parle de la loi et de la création de nouveaux parcs.
[Traduction]
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous et merci de nous donner l'occasion de partager avec votre comité les expériences et les points de vue du WWF.
Nous vous avons soumis un mémoire écrit de 12 pages dont je vais vous présenter uniquement les grandes lignes. Nous avons également fourni aux interprètes qui travaillent aujourd'hui une copie de mon résumé.
Je m'appelle Peter Ewins et je suis agent principal pour la conservation des espèces. Je suis accompagné de Jarmila Becka Lee, notre conseillère scientifique en matière de conservation.
La LEP et les programmes en découlant peuvent grandement aider à rétablir les espèces en voie de disparition au Canada et empêcher que de nouvelles espèces soient ajoutées à la liste. Toutefois, la liste du COSEPAC, qui ne cesse de s'allonger, montre très clairement que, prise globalement, la contribution des conventions internationales, des lois canadiennes, des accords et des ententes, des politiques, des programmes, des travaux d'intendance et des partenariats n'a pas encore les effets désirés. Une mise en oeuvre efficace et efficiente de la LEP reste encore à réaliser. Nous aimerions vous parler aujourd'hui de nos quatre recommandations principales.
Premièrement, l'habitat essentiel doit être désigné dans les programmes de rétablissement en fonction de la meilleure information existante, de manière à ce qu'il soit reconnu que, du moins pour les aires de répartition de l'espèce actuellement occupées, l'habitat essentiel doit être entièrement protégé. La répugnance du gouvernement fédéral à le faire est contraire à l'objet de la LEP et à certains des principes et exigences qui la sous-tendent.
Deuxièmement, le traitement simultané de plusieurs espèces, à l'aide d'outils de gestion écosystémique adaptés à la variation régionale, doit se faire systématiquement pour rattraper rapidement les arriérés dans les programmes de rétablissement et les plans d'action, ainsi que pour réaliser efficacement les objectifs de la LEP.
Troisièmement, le gouvernement doit avoir régulièrement recours aux accords de conservation que prévoient les articles 11 et 12 de la LEP ainsi qu'à des mécanismes qui ont fait leurs preuves en matière de bonne intendance et à des mesures incitatives équitables pour assurer le rétablissement de plusieurs espèces, notamment par la conception d'une approche qui harmonise les dispositions relatives aux permis de l'article 73 avec les besoins en gestion de la conservation.
Et quatrièmement, le gouvernement fédéral doit rapidement étudier les mécanismes innovateurs et efficaces qui existent pour le financement de la conservation, pour ensuite mettre au point et maintenir de nouvelles formules de financement important afin d'améliorer radicalement la mise en oeuvre de la LEP à l'aide de partenariats efficaces et de leviers financiers.
Au fil de 40 années de travail de conservation des espèces en péril du Canada sur le terrain, y compris la fondation en collaboration du COSEPAC, la participation à diverses équipes de rétablissement des espèces et le financement de centaines de projets sur des espèces en péril, dans le cadre, en particulier, du Fonds de rétablissement des espèces canadiennes en péril, qui comprend de nombreux partenaires et que nous avons administré, nous avons appris certaines choses. Cette expérience et nos interventions à l'échelle mondiale dans des dossiers semblables sont à la base de notre présentation d'aujourd'hui.
Pendant plus de 20 ans, soit depuis 1988, le FRECP a fourni un soutien à des projets de priorité élevée qui ont aidé à rétablir et à protéger la faune canadienne en péril et ses habitats naturels. Au cours de cette période, pas moins de 10 millions de dollars ont été accordés à plus de 770 projets de recherche dirigés par des scientifiques et des adeptes locaux de la conservation. En outre, avec une participation au moins égale des bénéficiaires, plus de 25 millions de dollars ont ainsi été investis au bout du compte dans les efforts de rétablissement de différentes espèces au pays.
Malheureusement, deux années — 2007 et 2008 — de fonds fédéraux reportés pour le FRECP ont obligé les équipes de projet sur le terrain à payer en premier les coûts des projets approuvés et, faute d'avoir obtenu l'assurance d'un changement d'importance à cette situation intenable, le WWF a dû abandonner le modèle de financement de partenariat que représentait le FRECP. Le principal instrument de financement du gouvernement fédéral pour la LEP, le Programme de gérance de l'habitat (PGH) a de la même manière été neutralisé par des retards réguliers dans l'approbation des projets et la prestation des fonds.
Parlons maintenant d'habitats essentiels. Depuis 2003, relativement à diverses espèces pour lesquelles il existe de bonnes données d'enquête écologique, les faits montrent clairement que, contrairement à ce que voulait le législateur en promulguant la LEP, les ministères gouvernementaux ont grandement négligé leur responsabilité de désigner et protéger les habitats essentiels. Manifestement, les objectifs de la LEP ne pourront être atteints tant que cette situation n'aura pas été corrigée.
Votre comité a sûrement pris connaissance de cette réalité dans l'évaluation formative de Stratos de 2006 et dans le rapport de 2008 du Bureau du vérificateur général, de même que dans la présentation du 2 juin 2009 du comité consultatif du ministre, le CCEP, dont je fais partie.
On nous a laissé entendre que les aires protégées fédérales, de même que les programmes de protection et d'intendance de l'habitat, répondaient aux besoins d'habitat des espèces visées par la LEP — au lieu d'insister sur la nécessité de désigner et de protéger leur habitat essentiel. Toutefois, un article de synthèse de l'Université d'Ottawa publié récemment dans la revue Conservation Biology réfutait ces allégations en faisant valoir que les régions où se trouvent les espèces les plus menacées étaient essentiellement dépourvues d'aires protégées.
Passons maintenant au traitement simultané de plusieurs espèces. À l'heure actuelle, pour les 359 espèces en voie de disparition, menacées ou disparues qui sont visées par la LEP, seulement 76 programmes de rétablissement sanctionnés ont été inscrits dans le registre public de la LEP. De ce nombre, 65 programmes (soit 86 p. 100) se rapportent à des espèces uniques et seulement 11 visent plusieurs espèces, à raison de deux à neuf par programme de rétablissement.
En somme, on constate des arriérés énormes dans l'ensemble des programmes de rétablissement et le traitement d'espèces multiples a été sous-utilisé comme méthode de rattrapage.
Différentes études fédérales ont reconnu la lenteur et l'inefficacité globales des approches visant une espèce unique mais, quatre ans plus tard, très peu de progrès concrets ont été réalisés. Parmi les meilleurs exemples de projets de rétablissement de plusieurs espèces qui sont en cours, on peut noter celui visant 34 espèces de moules d'eau douce endémiques dans le sud-ouest de l'Ontario de même qu'un projet réalisé dans le sud de la Colombie-Britannique qui porte sur une centaine d'espèces menacées dans les écosystèmes à chênes de Garry.
On devrait avoir recours de façon beaucoup plus systématique au Canada au traitement écosystémique de plusieurs espèces. Les objectifs de la LEP ne peuvent être réalisés que par une intégration vigoureuse et efficace de tels programmes et objectifs de rétablissement d'espèces à long terme dans la planification de l'utilisation des terres et des ressources régionales, les évaluations environnementales stratégiques régionales qui sont maintenant exigées, ainsi que leur mise en séquence et leur coordination bien structurées avec les autres programmes, politiques et mécanismes de financement et d'aide des ministères gouvernementaux. Tout cela aidera grandement à rattraper les arriérés dans les programmes de rétablissement et à réduire le besoin d'ajouter de nouvelles espèces à l'annexe 1.
Les articles 11 à 13 de la LEP décrivent les accords d'intendance et de conservation comme étant des outils très importants pour le rétablissement des espèces et pour empêcher que des espèces ne deviennent en péril. En date d'avril 2010, aucun accord de conservation semblable n'avait toutefois été conclu en application de la LEP. Il s'agit là d'un constat très inquiétant à la lumière des expériences vécues au Canada et ailleurs dans le monde.
Je me contenterai de vous citer trois exemples qui illustrent bien l'efficacité de tels accords de conservation visant plusieurs espèces et leurs besoins en habitat.
Premièrement, au milieu des années 1980, dans le cadre du Plan d'action pour la conservation de la prairie, le WWF-Canada a lancé l'Opération Chouettes des terriers, qui a mobilisé 2 500 agriculteurs et propriétaires fonciers en Saskatchewan, au Manitoba et en Alberta.
Deuxièmement, Canards Illimités Canada a préservé et aménagé des millions d'acres d'habitat sur des terres humides grâce à de tels accords de conservation conclus avec des propriétaires fonciers, assurant ainsi une mise en oeuvre efficace du Plan nord-américain de gestion de la sauvagine.
Et troisièmement, au cours des 30 dernières années au Royaume-Uni — et j'ai participé à ces programmes — on a pu obtenir de bons résultats en matière de conservation des habitats grâce à des accords conclus avec plusieurs propriétaires fonciers en vertu d'une loi comparable à la LEP.
En conséquence, le WWF recommande que le gouvernement du Canada entreprenne rapidement un examen de priorité absolue des accords qui ont cours pour la conservation de la biodiversité, pour ensuite élaborer et mettre en oeuvre des plans afin de conclure des accords de conservation avec les détenteurs de tenure forestière dans tout le Canada, de manière à régler les problèmes associés à l'octroi de permis en vertu de l'article 73.
Enfin, pour ce qui est du financement de la conservation, les examens de la LEP ont tous reconnu que la mise en oeuvre et l'obtention de résultats avaient été entravées par la faible priorité, sur le plan financier, qui a été accordée aux programmes de rétablissement des espèces. Le WWF a joué un rôle de premier plan pour de grandes initiatives réalisées dans le monde en s'attachant à établir de nouvelles approches créatives pour le financement. Ces initiatives illustrent très bien les avantages de l'adoption de mécanismes de financement novateurs pour la biodiversité et les besoins des populations locales.
Un bon exemple à ce titre est le fonds de conservation du monarque, qui a permis la création d'une réserve forestière pour protéger les aires d'hivernage de ce papillon au Mexique tout en répondant aux besoins socioéconomiques des collectivités locales. Doté d'une subvention de 5 millions de dollars de la Packard Foundation, d'un million de dollars du gouvernement du Mexique et de 250 000 $ des États locaux, et administré par WWF-Mexique, le fonds a obtenu l'adhésion de la plupart des collectivités vivant à l'intérieur de la réserve qui se sont engagées à protéger la forêt et, par le fait même, les monarques.
En outre, un récent rapport conjoint du Programme des Nations Unies pour le développement, du Fonds pour l'environnement mondial, du Service des forêts des États-Unis et de la Commission de coopération environnementale souligne la façon dont les approches fondées sur le marché permettent de préserver les espèces menacées d'extinction en intégrant le coût de la destruction des habitats dans celui du développement.
Nous exhortons le gouvernement du Canada à examiner de beaucoup plus près la gamme des mécanismes de financement qui existent pour le rétablissement des espèces au Canada, et à créer et maintenir de nouveaux moyens d'importance pour le financement de la conservation, de façon à améliorer radicalement la mise en oeuvre de la LEP.
En conclusion, monsieur le président, toutes les recommandations émanant des examens précédents de la mise en oeuvre de la LEP doivent être abordées rapidement et intégralement par le gouvernement fédéral. De toute évidence, les Canadiens ne veulent pas que la liste des espèces en péril continue de s'allonger. Nous prions instamment votre comité de faire des recommandations vigoureuses au gouvernement du Canada pour qu'il élève le niveau de priorité et rende plus efficace la mise en oeuvre de la LEP.
Je vous remercie. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
:
Merci à vous, monsieur le président, ainsi qu'aux membres du comité pour cette occasion de vous présenter notre point de vue.
Je m'appelle Rachel Plotkin et je représente la Fondation David Suzuki.
Vous pouvez apercevoir à l'écran Keith Ferguson, avocat conseil à l'interne pour Écojustice et Susan Pinkus, scientifique pour Écojustice.
Comme vous l'avez mentionné, monsieur le président, Keith et moi allons alterner pour vous présenter notre exposé.
Nos quatre organisations — la Fondation David Suzuki, Écojustice, Environmental Defence et Nature Canada — vous ont soumis conjointement un mémoire détaillé en juillet 2009. La semaine dernière, nous vous avons fait parvenir une mise à jour de ce mémoire. J'espère que vous avez également en main le document qui vous permettra de suivre notre présentation d'aujourd'hui.
Trois de nos organisations sont aussi membres du CCEP et ont donc contribué à la production des documents que vous avez reçus de ce comité consultatif, qui constitue la première étape de la collaboration industrie/ONG pour appuyer votre étude.
Nous osons espérer que la poursuite de cette collaboration nous permettra de vous soumettre un autre mémoire conjoint.
Veuillez noter que lorsque nous parlons de « science » dans notre exposé, nous incluons non seulement les données scientifiques, mais aussi les connaissances traditionnelles autochtones et la connaissance de la biologie des espèces acquises par la collectivité locale.
Si vous vous référez à notre présentation, la deuxième diapositive est intitulée « Consensus général: la LEP comporte des lacunes ». Comme vous avez pu l'entendre, la mise en oeuvre de la LEP est jusqu'à maintenant plutôt décevante. Nous estimons toutefois qu'il faut se réjouir du fait que les choses semblent vouloir s'améliorer sur certains fronts.
Je vais maintenant laisser la parole à Keith qui va vous présenter quelques-unes de nos recommandations.
:
D'accord, merci. J'y vais.
D'après nous, certaines des améliorations apportées dans la mise en oeuvre sont le résultat de contestations judiciaires en vertu de la LEP. Ces contestations élevées par des groupes environnementaux ont été peu nombreuses et constituaient des solutions de dernier recours à l'égard d'ébauches de politiques et de décisions semblant de toute évidence aller à l'encontre de la LEP. Par exemple, deux de ces contestations portaient sur la désignation de l'habitat essentiel. Dans ces deux causes, le tribunal a conclu que le processus décisionnel était allé à l'encontre de la loi en faisant ressortir les incohérences entre les ébauches de politiques et la LEP.
Comme ces causes l'indiquent, le manquement à l'obligation de désigner des habitats essentiels a bien souvent été attribuable à des politiques ne respectant pas la LEP, plutôt qu'à un manque de données scientifiques. Vous trouverez tous les détails pertinents sur ces causes à l'annexe 23 de notre mémoire original et de sa mise à jour.
Si vous voulez suivre dans le document, j'en suis maintenant à la page intitulée « Recommandations » où on en énumère une dizaine. Nous ne recommandons pas une restructuration en profondeur de la LEP, mais vous trouvez ici les 10 mesures que nous préconisons en priorité. Il s'agit d'après nous des interventions les plus importantes et les plus facilement réalisables à ce moment-ci. Je vais décrire brièvement chacune d'elles.
Notre première recommandation concerne l'inscription. Il faut bien évidemment prendre toutes les précautions nécessaires avant de refuser d'inscrire sur la liste une espèce considérée comme menacée par le COSEPAC, étant donné que cette décision pourrait mener à l'éventuelle disparition de cette espèce au Canada. Cependant, comme nous l'indiquions en détail dans notre mémoire de l'été dernier, nous avons constaté des incohérences considérables quant aux décisions à cet égard pour différents types d'espèces, pour les mêmes espèces dans différentes provinces ou selon les agences responsables. Ces incohérences semblent notamment attribuables à une considération biaisée des coûts et des avantages. On tient compte des coûts économiques potentiels à court terme de l'inscription, mais les avantages culturels et écologiques à plus long terme sont souvent négligés. Nous recommandons donc un examen détaillé de tous ces coûts et avantages avant tout refus d'inscrire une espèce.
À la page suivante, notre deuxième recommandation porte sur « l'habitat essentiel ». Comme vous avez pu l'entendre, la perte ou la dégradation de l'habitat est la principale raison pour laquelle 84 p. 100 des espèces canadiennes se retrouvent en voie de disparition. Il est donc essentiel de procéder dès le départ à la désignation des habitats essentiels et des programmes de rétablissement requis. Une fois un habitat ainsi désigné, on peut le protéger ou tout au moins le considérer dans la prise de décisions.
Certains témoins vous ont soumis que les considérations socioéconomiques devraient être explicitement prises en compte à l'étape de la désignation. Nous ne sommes pas d'accord pour deux raisons. Premièrement, on ne semble pas très bien comprendre ce qui se produit une fois qu'un habitat essentiel est désigné. La désignation ne se traduit pas automatiquement par des mesures de protection dans tous les cas. La protection de l'habitat essentiel n'est obligatoire que pour les espèces aquatiques ou les terres fédérales. Deuxièmement, les facteurs socioéconomiques sont déjà pris en compte à trois autres étapes prévues par la loi: d'abord au moment de l'inscription; ensuite, si une ordonnance de protection de l'habitat essentiel est adoptée, ce qui exige une étude d'impact de la réglementation; et enfin, à l'étape du plan d'action. Nous soutenons donc qu'il y a tout au moins une étape du processus qui devrait demeurer strictement scientifique et c'est celle de la désignation de l'habitat essentiel.
Au numéro trois, nous avons quelques améliorations à suggérer concernant les « programmes de rétablissement ». Nous recommandons d'abord que ces programmes, lorsque cela est possible, fixent des seuils de tolérance pour l'atteinte à l'habitat essentiel. On pourrait ainsi mieux savoir ce qui peut être fait ou non au sein d'un habitat essentiel pour favoriser la survie et le rétablissement des espèces. Cela aiderait également à interpréter d'autres articles de la loi pour savoir ce qu'on entend par endommager ou détruire l'habitat ou encore par protection efficace. Afin d'optimiser l'apport scientifique, nous recommandons que toutes les stratégies de rétablissement soient élaborées par des équipes composées d'experts indépendants de l'extérieur du gouvernement.
Passons à notre quatrième recommandation qui concerne les définitions. Comme vous le savez, un certain nombre de termes clés ne sont pas définis dans la LEP. Je vous prie de consulter le document du CCEP sur les définitions pour voir nos recommandations conjointes pour un certain nombre de ces termes. Les termes « survie » et « rétablissement » sont deux des plus importants que l'on retrouve dans ce texte. Nous recommandons que la survie soit définie comme étant une forte probabilité de persistance à long terme, et que l'on entende par « rétablissement » une saine répartition de la population correspondant aux valeurs des espèces telles qu'établies dans le préambule de la LEP, notamment pour qu'elles atteignent un fonctionnement écologique naturel.
Pour ce qui est de notre cinquième recommandation, on vous a déjà indiqué que l'on n'a pas été très actif jusqu'à maintenant dans l'établissement de plans d'action. Un seul plan d'action est terminé jusqu'ici. Nous recommandons donc simplement qu'un délai obligatoire pour l'achèvement du plan d'action soit ajouté à la LEP et que celle-ci exige la mise à jour des plans d'action et des programmes de rétablissement lorsque de nouvelles données importantes sont accessibles.
Notre recommandation numéro 6 concerne le filet de sécurité. Comme je l'ai déjà indiqué, la vaste majorité des espèces inscrites au Canada ne bénéficient pas automatiquement des protections prévues par la LEP. En pareil cas, on compte sur les provinces pour offrir les protections de base même si, bien évidemment, la LEP permet au gouvernement fédéral d'intervenir et d'émettre un décret dit de filet de sécurité lorsqu'une province n'offre pas une protection adéquate. On pourrait considérer qu'il s'agit en quelque sorte d'une disposition d'équivalence.
Malheureusement, ce filet de sécurité n'a jamais été utilisé depuis l'entrée en vigueur de la LEP il y a six ou sept ans, et ce, même si la communauté environnementale en a fait la demande, par exemple, dans le cas de la chouette tachetée. À l'époque, il ne restait qu'une vingtaine de chouettes à l'état sauvage, mais aucun décret de filet de sécurité n'a été émis. On ne recense plus aujourd'hui que sept individus et cette espèce devrait disparaître totalement de son habitat sauvage dans un avenir rapproché. Pour que le processus de filet de sécurité fonctionne mieux, nous recommandons que l'on commence par préciser ce qu'on entend par protection efficace. Encore là, je vous invite à consulter le texte conjoint sur les définitions du CCEP où l'on recommande différents éléments à inclure dans une telle définition.
Pour ce qui concerne l'octroi des permis, nos recommandations visent différentes lacunes manifestes à combler, notamment en exigeant clairement que les conditions préalables prévues au paragraphe 73(3) soient remplies avant l'octroi de tous les types de permis. Comme vous le savez, ces conditions préalables exigent que les impacts soient minimisés et que la survie ou le rétablissement des espèces ne soit pas mis en péril.
Certains témoins qui nous ont précédés ont suggéré l'émission de permis à long terme. Nous comprenons certes les gens de l'industrie de vouloir bénéficier d'une plus grande certitude lorsqu'ils prennent des décisions d'investissement qui s'appliquent sur plusieurs décennies, comparativement au niveau d'assurance que peut seulement leur offrir un permis valide pour trois ou cinq ans. Nous insistons toutefois sur la nécessité, en cas d'allongement de la durée des permis, que la loi offre des garanties suffisantes et nous formulons à ce titre trois recommandations. La loi doit exiger, premièrement, un mécanisme permanent de suivi et de production de rapports; deuxièmement, des examens réguliers avec approbation par le ministre responsable concernant le respect des conditions préalables; et troisièmement, en cas de non-respect de ces conditions, l'obligation pour le ministre de modifier ou d'annuler le permis.
Je vais maintenant laisser la parole à Rachel pour la suite de nos recommandations.
:
Merci, monsieur le président.
Merci à vous tous d'être ici aujourd'hui.
Et merci pour votre comparution par webcamera; vous êtes très télégénique.
J'aimerais traiter de quelques thèmes qui semblent ressortir de vos trois exposés d'aujourd'hui. D'après bon nombre des observations que nous avons pu entendre jusqu'à maintenant, la LEP ne produit pas les résultats prévus. Elle ne fonctionne tout simplement pas. Je crois que c'est la principale conclusion.
Deuxièmement, je crois comprendre, après avoir écouté vos trois exposés — vous l'avez tous affirmé explicitement ou implicitement — qu'il existe une véritable possibilité pour le gouvernement fédéral d'exercer son leadership au moyen d'une approche nationale pour la conservation des espèces en péril.
Je note également une certaine frustration dans vos propos quant aux différents processus entrepris au cours des dernières années sans qu'il n'y ait d'impact véritable, notamment à la suite des recommandations formulées ou des examens antérieurs de la LEP par Stratos, la table ronde du ministre en 2006, la table ronde non annoncée du ministre en 2008 ou le rapport du commissaire en 2008 également.
J'aimerais que vous me disiez dans quelle mesure vous jugez important que le gouvernement fédéral convoque une rencontre au sommet des premiers ministres pour discuter des espèces en péril. Nous avons déjà sollicité le gouvernement de la même manière en laissant, par exemple, 90 jours au premier ministre pour convoquer une rencontre avec ses homologues provinciaux afin de discuter des changements climatiques et de la crise de l'énergie à la suite d'une motion adoptée récemment par la Chambre. Nous attendons toujours des nouvelles du gouvernement, mais dans ce dossier-ci, compte tenu des divergences fédérales-provinciales, quelques-uns des mécanismes très créatifs conçus aux États-Unis pour réformer le régime fiscal en le mettant au service de l'écologie peuvent nous aider à assurer une protection efficace des habitats et à atteindre nos autres objectifs en la matière.
Nous avons le CCEP, le CANEP, les tables rondes du ministre, le COSEPAC, et le sous-comité du COSEPAC sur les connaissances traditionnelles autochtones. Voilà cinq autorités que je peux dénombrer. Ne serait-il pas profitable que notre gouvernement national admette que les choses ne fonctionnent pas comme prévu et que nous devons procéder à un nouvel examen pour voir comment nous composons avec les espèces en péril et la conservation dans notre pays? Je vous demande à tous les trois si vous croyez que cela serait utile.
Éric, qu'en pensez-vous?
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Vos mémoires et vos exposés étaient excellents et très approfondis. Nous vous en sommes très reconnaissants.
J’ai particulièrement apprécié le mal que vous vous êtes donné pour formuler des recommandations en matière de modifications juridiques. Je pense qu’elles seront très utiles aux membres du comité. Elles le seront certainement pour moi.
Il y a tellement d’enjeux et tellement de choses dont nous devons discuter. Je vais probablement être en mesure de vous poser seulement quelques-unes de mes questions, mais j’apprécie vraiment les efforts que vous avez déployés pour nous renseigner.
J’aimerais commencer par aborder la question du filet de sécurité. C’est un refrain qu’en toute honnêteté, les gens nous chantent depuis pas mal longtemps, et pas seulement sous le gouvernement actuel. Cela tient à ce qu’on accorde plus d’importance à la cordialité des relations fédérales-provinciales qu’à quoi que ce soit ayant trait à la protection environnementale.
Je pense que, dans vos témoignages, vous avez déjà signalé que le ministre fédéral de l’Environnement n’a jamais vraiment exercé ses pouvoirs. En tant qu’Albertaine, je dois dire que je suis contente d’entendre tous ces témoignages à propos du caribou des bois. Je ne peux même pas compter le nombre de fois où on a communiqué avec moi, même avant que je sois élue députée, pour me dire à quel point les gens souhaitaient que le gouvernement fédéral intervienne à cet égard étant donné que le gouvernement de l’Alberta ne le faisait pas. Comme mon collègue l’a signalé, le célèbre comité de la CEMA a, en fait, recommandé des mesures à prendre dans la région des sables bitumineux, et le gouvernement provincial a refusé de les mettre en oeuvre. Je suppose que cela soulève la question suivante: quand le ministre fédéral a-t-il l’intention d’intervenir?
Keith, j’ai remarqué que vous aviez immédiatement évoqué le spectre de l’équivalence, ce qui a été ma première réaction. Bien entendu, c’est le terme utilisé dans la LCPE. Je me demande si l’un d’entre vous aimerait indiquer si, selon lui, il est possible que les dispositions de la loi soient inadéquates. Devrions-nous peut-être adopter l’approche prévue par la LCPE, selon laquelle le gouvernement fédéral intervient sauf si la province ou le territoire possède une loi et une stratégie d’application de la réglementation jugées équivalentes?
Par ailleurs, d’après ce que j’ai lu, le gouvernement fédéral n’a pas encore établi une stratégie d’application de la réglementation dans le cadre de cette loi, ce dont il devrait avoir honte, si c’est la vérité. J’aurais aimé avoir pu soulever cette question auprès du gouvernement.
Qu’en pensez-vous, Keith, Rachel, ou qui que ce soit d’autre qui pourrait avoir envie de répondre à cette question? J’aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur la façon dont nous pourrions régler le problème lié à cette disposition. Nous inscrivons une espèce sur la liste, mais rien ne se produit par la suite.
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Eh bien, merci, monsieur le président.
Merci, mes amis, d’être venus et d’avoir présenté au comité des renseignements très importants.
Je tiens seulement à attirer l’attention des membres qui sont ici aujourd’hui sur le fait que j’ai découvert sur le site Web des Espèces en péril d’Environnement Canada le Sommaire de l’examen scientifique aux fins de la désignation de l’habitat essentiel de la population boréale du caribou des bois et le document intitulé Travailler ensemble au rétablissement du caribou boréal. Donc, il semble qu’Environnement Canada s’engage dans cette voie, et je suis certain que vos organisations seront appelées à donner leur avis sur cette question d’une grande importance.
Je me souviens de l’époque où j’étais gardien au parc national Jasper. J’étais garde de parc d’arrière-pays à limite septentrionale du district de Willow Creek. Je me souviens de m’être promené un jour dans le Willmore Wilderness Park et, au moment où j’atteignais le sommet de la colline, j’ai aperçu trois caribous des bois dans la vallée. Je me suis assis, et je les ai observés pendant une heure. C’est l’une des meilleures journées que j’ai passées à titre de garde de parc national. Je me souviens d’avoir été plutôt frustré en constatant que leur population… Elle diminue. Ce n’est un secret pour personne.
Cette question s’adresse à vous, Éric. En tant qu’employé de Parcs Canada, il m’était très difficile à l’époque de soulever cette question. Mais si nous examinons en particulier l’aire de répartition du caribou boréal, nous constatons qu’au col Howse, la population a essentiellement disparu, et que c’est aussi le cas à Banff. Nous avons devant nous des recommandations — nous procédons en ce moment à la révision de la Loi sur les espèces en péril — et pourtant, à ma connaissance, Parcs Canada n’a aucune politique en matière de lutte contre les prédateurs; du moins, l’agence n’en avait pas à l’époque où je travaillais pour elle.
Si vous jetez un coup d’oeil à certains des facteurs clés qui touchent le caribou boréal, il me semble que certains des problèmes qui existent au sein même d’Environnement Canada doivent être réglés. Je sais que la lutte contre les prédateurs est un sujet délicat parce que, manifestement, il suscite… certaines émotions profondes. Mais lorsque les aires de répartition sont aussi serrées et les régions aussi petites à l’intérieur de nos parcs nationaux, et que l’habitat essentiel est aussi restreint, sans une gestion efficace de ces facteurs…
Je comprends, croyez-moi, la philosophie derrière ces décisions et l’idéalisme qui nous pousse à laisser la nature suivre son cours. Je suis surpris que nous ne recevions aucune recommandation en ce sens, surtout de la part de la Société pour la nature et les parcs du Canada.
Aimeriez-vous formuler des observations à ce sujet?
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Eh bien, vous parlez de l'effet de bordure et de toutes les choses de ce genre qui se produisent, qu'il s'agisse d'une politique interdisant les feux, ce qui crée certains des problèmes, ou d'une succession secondaire, ou de la culture fourragère — toutes ces choses.
Quoi qu'il en soit, je comprends que c'est un sujet délicat. En toute justice — même si Aldo Leopold ne serait pas d'accord avec moi —, je pense que la lutte contre les prédateurs est en fait une question cruciale, et je crois que Parcs Canada est vraiment de cet avis. J'aimerais que quelqu'un ait le courage de dire qu'il nous faut peut-être en arriver là.
La réalité, c'est qu'on peut contrôler toutes ces choses qui ne sont pas du ressort de Parcs Canada, mais jusqu'à ce qu'on les examine de l'intérieur des parcs nationaux... Je sais que c'est délicat, et je sais qu'il s'agit d'une question difficile, mais je crois que c'est vraiment l'élément déterminant. Très peu de routes et d'autoroutes traversent les parcs nationaux. Nous avons tenté, dans la mesure de nos capacités, de construire des trajets de passage de la faune et des ponts pour faire en sorte qu'elle ne soit pas touchée. Même si des clôtures longent l'autoroute 1 sur toute sa longueur dans le Parc national du Canada Banff, cela n'a pas empêché la population de caribous des bois de disparaître. Donc, en ce sens, c'est frustrant.
Je veux parler un peu plus de la notion de parcs nationaux, car cela me tient particulièrement à coeur. À l'université, nous avons examiné essentiellement un plan de l'époque qui indiquait qu'il fallait protéger ou préserver environ 12 p. 100 de chaque biozone du Canada, chacune des régions écologiquement fragiles. On en comptait neuf quand j'étais là-bas. Je ne sais pas ce qui leur est arrivé; bien entendu, ces choses changent avec le temps. Les 12 ou 13 p. 100 de chacune de ces zones subiront sans doute des changements irréversibles, que ce soit à cause de la construction de villes ou de routes, ou je ne sais quoi, et il en est resté 75 p. 100 pour le développement durable et la gestion durable.
À l'examen de la Loi sur les espèces en péril et de sa mise en oeuvre en ce qui concerne les parcs nationaux, j'aime la recommandation selon laquelle nous devons construire plus de parcs dans des aires où nous avons moins de 12 p. 100 de représentation. L'agrandissement de la réserve de parc national Nahanni est une très bonne chose, mais il faut y intégrer plus d'aires protégées.
Ce plan sur les espèces en péril ne traite pas directement de l'habitat aussi bien qu'il le devrait. Je crois que le problème que pose la mise en oeuvre de la loi, c'est qu'elle est trop vaste; en fait, je plains les bureaucrates ou toute personne qui doit mettre en oeuvre la LEP. Il importe peu que le gouvernement au pouvoir soit conservateur, libéral ou qu'il s'agisse d'un gouvernement de coalition. Je ne cherche pas à blâmer qui que ce soit; je pense qu'il est très difficile de mettre en oeuvre cette loi, car elle est tellement vaste qu'elle perd de son efficacité.
En fait, j'aimerais qu'on s'efforce davantage de préserver l'intégrité écologique d'un certain pourcentage des aires et qu'on laisse les systèmes naturels agir et fonctionner selon ces types de paramètres.
Avez-vous des remarques à ce sujet?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais commencer par une question qui complète ce que M. Calkins a dit au sujet de la lutte contre les prédateurs.
Je me souviens de la première fois où j'ai visité le Parc national Banff quand j'étais petit. J'ai vu les grands tunnels qu'on avait construits sous l'autoroute pour les caribous, les animaux des bois. Quelqu'un a dit: ah oui, ils sont merveilleux; les loups s'installent à côté des tunnels et savent que leur proie passera par là.
On est donc inquiet du fait que nos avancées facilitent les choses pour les prédateurs, mais je sais aussi que la solution ne peut simplement consister à éliminer tous les prédateurs, car rien ne garantit que la proie reviendrait, si bien sûr, comme Mme Pinkus le dit, pour le caribou, l'aire protégée ne semble pas grande.
À mon avis, cela met en évidence l'une des grandes questions que j'ai soulevées à plusieurs reprises, la question implicite. Le gouvernement actuel a fait beaucoup de choses, et à juste titre, pour l'expansion de la réserve Nahanni. Pour moi, la question de fonder une stratégie écologique ou environnementale sur la création d'un plus grand nombre de parcs nous amène toujours à poser la question suivante: si l'on protège un certain pourcentage du territoire canadien, que dit-on implicitement de toutes les aires qu'on ne protège pas? Je crois que c'est la question à laquelle la LEP doit répondre.
Je dois dire que je suis vraiment inquiet. Les témoignages que nous avons entendus de l'industrie, des ONGE et même du gouvernement ont mis en évidence que la LEP est un coup d'épée dans l'eau et qu'elle n'atteint pas son objectif. Il y a une défaillance quelque part. Le COSEPAC semble faire du bon travail. Les travaux scientifiques visant à signaler les espèces en péril sont biens. C'est la question de l'habitat qui présente une faiblesse, en particulier la protection de l'habitat, en fait, sur le plan de la mise en oeuvre des recommandations découlant de ces travaux scientifiques.
Je comprends qu'on ne veuille pas montrer ses couleurs politiques dans tout cela, mais je me demande si ce que M. Calkins dit est vrai, qu'aucun gouvernement, étant donné les difficultés économiques et sociales actuelles, ne serait capable de mettre en oeuvre la LEP comme il se doit pour protéger nos espèces en péril, et que nous devrions peut-être tous abandonner et tenter simplement de protéger certaines aires et espérer qu'un petit nombre d'espèces survivront — ce qui ne représente pas exactement les propos de M. Calkins, mais c'est certainement l'une des projections qu'on pourrait établir.
J'aimerais vous entendre tous à ce sujet, selon le temps que nous avons.
Rachel.
Merci aux témoins de leur présence. Je vous remercie de votre dévouement et de votre passion pour l'environnement.
J'aimerais me concentrer sur des facteurs socio-économiques liés à la désignation d'habitats essentiels, et aussi sur la façon dont cela entre en jeu dans la question du développement durable. C'est un aspect très important du développement durable, en réponse aux besoins du présent, de la génération actuelle, sans que soit compromise la réponse aux besoins des générations futures.
Donc, c'est l'environnement. C'est l'économie. C'est la société. Tous les facteurs doivent entrer en ligne de compte.
En tant que comité, nous avons entendu qu'on ne tient pas compte des considérations socio-économiques lorsqu'on détermine que des espèces sont en péril. On le fait lorsque c'est le ministre et le gouverneur en conseil, mais encore une fois, on n'en tient pas compte lorsque l'habitat est désigné. C'est ce que le ministère nous a dit; ce n'est peut-être pas ce que je crois avoir entendu de la part de certains d'entre vous aujourd'hui.
J'ai également rencontré certains d'entre vous à mon bureau, de même que des représentants de l'industrie, et j'ai entendu dire que des négociations étaient en cours avec l'industrie et des ONGE pour voir si les deux groupes peuvent arriver à s'entendre et trouver une solution pratique.
Je vous pose la question, Rachel, car vous êtes l'une des personnes que j'ai rencontrées et vous avez indiqué que vous allez rencontrer l'industrie bientôt; est-ce que les ONGE et l'industrie ont pu trouver un compromis ou une position qui non seulement permet de protéger l'environnement, mais aussi qui aide à répondre aux besoins?
Merci à tous d'être présents aujourd'hui.
Selon moi, peu importe de quelle manière nous l'abordons, c'est un sujet qui pose de multiples problèmes. Comme quelqu'un l'a dit à la blague, nous n'avons pas vu de caribous dans les environs depuis 200 ans, et c'est manifestement causé par l'interaction graduelle entre l'humain et son environnement naturel. Nous voulons donc agir de manière intelligente et sincère pour que, comme l'aurait dit Rodney King, nous puissions vivre tous ensemble.
J'ai jugé intéressant ce commentaire, que je vais vous lire, extrait du mémoire de la Fédération mondiale de la faune:
La plupart des intervenants dans les dossiers de la LEP reconnaissent depuis bien longtemps que le traitement d’espèces uniques pour le rétablissement est une méthode qui, globalement, est lente et inefficace. La Table ronde du ministre de décembre 2006 sur les espèces en péril, qui a été très courue, a rappelé le besoin urgent d’une action gouvernementale beaucoup plus vigoureuse à l’égard du traitement de plusieurs espèces ou de tout un écosystème pour le rétablissement des espèces. L’évaluation de STRATOS en 2006 présentait aussi cette recommandation (no 16) et le gouvernement a donné son accord.
Bon, je ne sais pas tout ce qu'il y a à savoir sur le sujet, mais je suis tombé sur certains renseignements relativement au programme de conservation des aires naturelles qui, en date de septembre 2009, avait protégé plus de 136 000 hectares de territoires qui servent d'habitat à des espèces en péril. Cela représentait plus de 60 p. 100 de l'objectif total du programme, et le tout a été accompli en moins de trois ans. Durant les prochaines années, on projette que le programme englobera plus de 200 000 hectares de terres écosensibles dans le sud du Canada. Un autre montant de 79,4 millions de dollars doit être versé. On estime qu'il faudra encore deux, peut-être trois ans pour investir complètement les 225 millions de dollars, presque un quart d'un milliard de dollars, alloués à ce programme.
Ai-je raison de dire que ce programme s'occupe de nombreuses espèces et est axé sur la protection des écosystèmes?
Je m'adresse à M. Ewins, parce qu'il s'agit du mémoire de la Fédération mondiale de la faune, mais tout d'abord, connaissez-vous bien ce programme?
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Merci, monsieur le président.
Merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui.
J'ai bien du plaisir à assister à ceci, non seulement à titre de législateur, mais aussi un peu à titre de spectateur, parce qu'une partie de la discussion touche un large éventail de sujets. Nous avons parlé des parcs nationaux et pourtant, dans ma région — Essex, qui est le point le plus au sud où vous pouvez aller au Canada —, nous mesurons nos victoires en matière de restauration de l'habitat à une toute autre échelle. Nous mesurons cela en hectares à un chiffre, à deux chiffres ou à trois chiffres. Nous avons plus d'espèces végétales et animales en péril que partout ailleurs au Canada, et les problèmes auxquels nous faisons face sont assez graves. Donc, le résultat de tout ceci revêt réellement une grande importance.
Les approches novatrices potentielles pour le gouvernement sont aussi dignes d'intérêt. Je me penche sur le pendant canadien du refuge faunique international de la rivière Détroit situé au sud-ouest du Michigan, pour savoir s'il s'agit d'une nouvelle approche qui peut être mise au point pour fournir de nouveaux outils à une région où la majeure partie du territoire est déjà utilisée pour l'agriculture, les municipalités et d'autres usages de ce genre. La restauration de l'habitat présente des défis importants étant donné la concurrence pour l'usage des terres.
Je voudrais ramener la discussion sur ce dont le comité doit vraiment s'occuper. Et ceci est un examen de la loi. Ce n'est pas un examen des politiques et il ne s'agit pas de diverses autres choses. Nous nous penchons sur une loi précise et sur les recommandations de modifications qui doivent y être apportées, s'il y a lieu.
J'étais préoccupé par une partie de l'entrée en matière de deux ou trois de nos collègues libéraux, qui ont presque sous-entendu que la LEP devrait être lancée par la fenêtre et qu'on devrait tout reprendre avec une nouvelle approche.
Je veux simplement commencer par demander à nos témoins de dire, pour que cela figure au compte rendu, qu'ils sont d'accord pour dire que la structure fondamentale de la LEP est bonne et constitue un bon point de départ, puis nous poursuivrons avec les questions ultérieures.
Je ne sais trop qui voudrait répondre en premier à cette question.