propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
-- Monsieur le Président, c'est un privilège de prendre la parole aujourd'hui pour appuyer le projet de loi , connu sous le nom de Loi de Roxanne. Je le fais au nom de la famille de Roxanne, y compris de sa soeur Ana Maria.
Cette mesure législative offrirait au femmes enceintes une protection dont elles ont grandement besoin et les habiliterait à engager des poursuites contre une personne qui veut les contraindre à mettre fin à leur grossesse.
Le jour où Roxanne Fernando, originaire des Philippines, est arrivée au Canada a été l'un des plus beaux jours de sa vie. Elle attendait depuis longtemps de revoir sa soeur. La vie de Roxanne au Canada a très bien commencé car elle se faisait des amis facilement. Son amie Sandy lui a trouvé un emploi de serveuse à l'hôtel Radisson de Winnipeg et elle s'est rapidement fait aimer de tous. Sandy se souvient d'un jour où Roxanne est sortie avec environ huit collègues après leur quart de travail et, sans que personne ne s'en aperçoive, Roxanne a payé le souper de tout le monde. Tous l'ont suppliée d'accepter leur argent car ils savaient que ses moyens étaient modestes, mais elle a refusé. Ses amis comptaient beaucoup pour elle.
Roxanne était également emballée par son nouveau petit ami. Elle l'avait rencontré au restaurant où ils travaillaient tous les deux. Ce qui avait débuté comme une relation normale a eu tôt fait de changer lorsque Roxanne tomba enceinte au début de 2007. Le ravissement de Roxanne à l'idée de devenir mère ne trouvait pas d'écho chez son petit ami, qui commença aussitôt à la menacer et à tenter de la contraindre à subir une avortement. Après un premier refus de la part de Roxanne, les pressions et menaces du petit ami reprirent, mais Roxanne refusait de changer d'idée. Elle avait choisi d'avoir son enfant.
Malheureusement, son petit ami décida alors de passer des menaces à des mesures plus terribles, concoctant un plan en vue de la tuer. C'est ainsi que lui et des amis qu'il avait recrutés battirent Roxanne à coup de bâton de hockey et la laissèrent pour morte dans un banc de neige.
Les derniers moments de Roxanne sont très choquants. Selon toute vraisemblance, Roxanne a appelé à l'aide et est morte en se disant que personne ne pouvait entendre ses cris. Toutefois, à la Chambre des communes aujourd'hui, sa voix se fait entendre.
Le projet de loi s'inspire du cas de Roxanne Fernando, mais des Roxanne, il y en a beaucoup au Canada, et un grand nombre de ces femmes vulnérables font malheureusement souvent l'objet d'actes de violence. En l'absence de protection juridique précise, des femmes qui se trouvent dans des situations dangereuses risquent de croire qu'elles n'ont pas d'autre choix que de subir un avortement non désiré. La Loi de Roxanne habiliterait les femmes enceintes à s'adresser aux tribunaux si l'on use de contrainte ou d'intimidation en vue de les amener à mettre fin à leur grossesse. Si une telle mesure législative avait été en vigueur en 2007, il aurait été beaucoup facile pour Roxanne d'intenter des poursuites contre son petit ami lorsque celui-ci tentait de la contraindre à mettre fin à sa grossesse.
Le projet de loi ferait savoir à tous les Canadiens que, dans une société où l'on chérit des valeurs de compassion, de justice et de respect des droits de la personne, il est inacceptable et condamnable de contraindre une femme à mettre fin contre son gré à une grossesse.
La Loi de Roxanne ne porterait aucunement atteinte à l'accès à l'avortement. À la suite de l'adoption du projet de loi, le Canada continuera de n'imposer aucune restriction légale à l'égard de l'acte qui est permis au cours des neuf mois de grossesse. La loi offrirait cependant aux femmes qui choisissent de donner naissance à leur enfant une protection supplémentaire afin de leur permettre de réaliser leur rêve de fonder une famille.
Les lois actuelles n'offrent pas une protection adéquate aux femmes enceintes. Les lois canadiennes qui interdisent la coercition et les menaces ne portent pas précisément sur la contrainte en matière d'avortement. L'histoire de Roxanne démontre bien que ce genre de contrainte existe, mais je n'ai jamais entendu parler de qui que ce soit qui ait été accusé aux termes des lois en vigueur. C'est là la preuve qu'il est nécessaire de clarifier nos lois.
Le projet de loi , aussi connu sous le nom de loi de Roxanne, apporterait des précisions à la loi en définissant précisément ce qui constitue un comportement contraignant dans le contexte d'un avortement non désiré. Cette mesure criminaliserait un tel comportement, qui deviendrait passible d'un emprisonnement pouvant aller de 18 mois à 5 ans, selon les circonstances. Elle montrerait clairement à tous les Canadiens que nous ne tolérerons pas que qui que ce soit incite une femme à mettre un terme à sa grossesse si elle veut la poursuivre jusqu'au bout. Le savoir donne le pouvoir, et une telle mesure donnera aux femmes le pouvoir qui naît de la connaissance de ses droits.
Une telle loi devrait permettre de réduire le nombre de comportements de ce genre envers les femmes enceintes, et éviter, espérons-le, les tragédies comme celle de Roxanne. En cas de contrainte, les femmes pourront intenter des poursuites avant que la situation s'envenime et qu'il y ait escalade de la violence.
Les opposants au projet de loi ont affirmé qu'une telle loi criminaliserait une personne qui ne chercherait qu'à offrir des conseils à une femme enceinte. C'est tout à fait faux. Toute discussion non menaçante sur les diverses options qui s'offrent aux femmes enceintes est tout à fait légitime. Pour plus de clarté, on trouve, à l'article 3 du projet de loi, une exemption concernant la liberté d’expression garantie par la Charte canadienne des droits et libertés en cas de discussions sur les diverses options reliées à la maternité.
Les opposants se sont également dit préoccupés par l'utilisation du mot « child » à l'article 3 de la version anglaise pour parler de l'enfant à naître. Toutefois, le Code criminel n'utilise que le terme « child » en anglais pour parler de l'enfant à naître et, pour ne pas compliquer les choses, nous estimons qu'il n'est pas justifié d'ajouter un autre mot.
La députée d' a souligné qu'elle préférerait parler de « foetus ». Bien que ce terme ne soit pas utilisé dans le Code criminel, il serait facile de présenter un amendement au comité afin de remplacer le mot « child » par ce terme, ce qui ne changerait pas l'esprit de la loi de Roxanne et serait tout probablement accepté en tant qu'amendement amical.
Que disent la communauté internationale et le milieu juridique sur la question de la contrainte en matière d'avortement?
Dans le cadre de la Conférence internationale sur la population et le développement, la communauté internationale a convenu d'inscrire ce qui suit au paragraphe 8.25 du programme d'action de la CIPD:
L'avortement forcé est explicitement reconnu comme étant une atteinte aux droits fondamentaux de la personne.
La Commission de l'immigration et du statut de réfugié a vivement dénoncé l'avortement forcé.
En 2004, une Chinoise qui avait participé à l'application des politiques de soi-disant planification familiale en Chine a demandé l'asile au Canada. Dans sa décision, Thomas H. Kemsly, a qualifié l'avortement forcé de « crime contre l'humanité », d'« acte de barbarie qui trouble la conscience » et qui est « contraire à la dignité humaine ». Il a déterminé que l'avortement forcé « incluait les cas où des femmes n'avait d'autre choix que de céder à des pressions psychologiques et à des menaces extrêmes et incessantes et de subir un avortement ». Parce qu'elle avait contribué à ce que des femmes soient contraintes de mettre fin à leur grossesse, en Chine, cette femme a été trouvée coupable de crimes contre l'humanité et, par conséquent, sa demande d'asile au Canada a été rejetée.
Nous refusons le statut de réfugié aux personnes qui ont contraint des femmes à subir un avortement à l'étranger, mais nous protégeons aussi les demandeurs d'asile qui sont la cible de telles politiques coercitives. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a accordé l'asile à des femmes qui craignaient d'être victimes de la politique consistant à limiter les enfants à un par famille en Chine.
Par exemple, une demandeure d'asile qui était enceinte d'un deuxième enfant, en contravention avec la politique nataliste de la Chine, a été arrêtée à son huitième mois de grossesse et obligée de mettre fin à sa grossesse. La Section de la protection des réfugiés a statué que cette femme, qu'on avait obligée à mettre fin à sa grossesse, avait été persécutée et qu'il était vraisemblable qu'elle subirait ultérieurement le même traitement ou qu'elle serait stérilisée de force si elle rentrait en Chine.
Par conséquent, nous assurons cette protection aux demandeures d'asile, au nom de l'équité et de la compassion.
Il est donc temps que nous fassions preuve de compassion et que nous agissions de façon équitable envers les femmes victimes d'avortement forcé au Canada. Il est temps que nous offrions aux Canadiennes une protection juridique contre la coercition que nous dénonçons lors des audiences des demandeurs de statut de réfugié et que nous utilisons comme critère dans nos décisions d'accorder ou de refuser le statut de réfugié. Il est temps d'adopter la Loi de Roxanne.
En érigeant en infraction le fait de contraindre une femme à subir un avortement, la Loi de Roxanne aurait un effet dissuasif sur ce type de comportement coercitif et aiderait les femmes vulnérables à poursuivre leur grossesse en toute tranquillité. La Loi de Roxanne permettrait aux femmes d'intenter des poursuites contre toute personne qui pourrait exercer des pressions sur elles pour qu'elles mettent fin à leur grossesse. Le projet de loi deviendrait un nouvel outil dans la lutte contre la violence familiale.
Nous ne pouvons pas continuer de faire comme si nous ne savions pas dans quelles situations dangereuses se placent beaucoup de femmes enceintes lorsqu'elles choisissent de mener leur grossesse à terme. Lorsqu'une femme enceinte est confrontée à des pressions intenses et répétées en faveur d'un avortement contre sa volonté, sa capacité de mener en toute sécurité sa grossesse à terme est menacée. Personne n'a le droit de menacer, d'intimider ou de harceler une femme pour qu'elle mette fin à sa grossesse pour la simple raison que cette personne croit que cet enfant est un fardeau non voulu. Aucune femme enceinte ne devrait avoir à choisir entre se protéger elle-même et protéger son bébé.
Je le répète, aucune femme enceinte ne devrait avoir à choisir entre se protéger elle-même et protéger son bébé. Une société pleine de compassion comme l'est le Canada ne peut pas abandonner une femme déjà confrontée aux nombreux défis que présente une grossesse lorsqu'elle est soumise à des menaces répétées et à la coercition. Nous avons l'obligation de donner à une femme les meilleures chances possibles de mener sa grossesse à terme en toute sécurité. Le projet de loi offrirait une protection explicite permettant à une mère de mener sa grossesse à terme en toute sécurité et de combler le plus grand désir de tout parent, soit d'avoir un enfant sain.
La Cour suprême du Canada a insisté sur cette obligation et a reconnu la valeur de la grossesse dans son arrêt Dobson c. Dobson:
La grossesse représente non seulement l’espoir des générations futures mais également la continuité de l’espèce. L’on ne saurait imaginer phénomène humain plus important pour la société.
L'avortement est clairement une question qui fait appel aux sentiments et divise les Canadiens. Il y a des femmes et des hommes intelligents et passionnés dans les deux camps, et le projet de loi ne juge ni les uns ni les autres. J'espère que, peu importe notre position personnelle sur le sujet, nous pouvons travailler tous ensemble pour protéger les femmes qu'on tente de convaincre, par la menace ou l'intimidation, de subir un avortement dont elles ne veulent pas. Pour la mémoire de Roxanne, et pour les nombreuses femmes qui souffrent le même genre d'abus, j'espère que nous dépasserons les discours creux et que nous accorderons à ces femmes la protection dont elles ont tant besoin.
Il y a quelques semaines, j'ai pris la parole lors d'un banquet tenu à l'hôtel Radisson, à Winnipeg. Comme je le fais souvent ces temps-ci, j'ai raconté l'histoire de Roxanne Fernando. Tout le personnel dans la pièce a été saisi par l'émotion. Après que je me sois rassis, quelques membres du personnel sont venus me dire que Roxanne avait travaillé dans cette même salle il y a quelques années. Ils étaient ses collègues de travail et ses amis. C'était un rappel des liens très forts qui unissaient cette personne à ma collectivité et de l'importance qu'il y a à rappeler Roxanne et son courage.
Je demande à mes collègues de rendre hommage à la mémoire de Roxanne Fernando, de prendre le parti des femmes enceintes et de voter en faveur du projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. Roxanne Fernando est une héroïne canadienne.
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Monsieur le Président, j'ai beaucoup de difficulté à me lever aujourd'hui pour débattre de ce projet de loi, car cela revient à reprendre encore une fois le débat sur l'avortement. Peu importe ce que mon collègue, le député de , essaiera de nous faire croire, ce projet de loi ouvre à nouveau le débat sur l'avortement. Par ailleurs, son chef était si fâché le jour où il a déposé son projet de loi qu'il a même dit qu'il refuserait de l'appuyer. Le porte-parole du , Dimitri Soudas, a aussi affirmé que le chef du gouvernement refuserait de voter pour ce projet de loi.
Alors, je me demande pourquoi le député de Winnipeg-Sud continue à vouloir débattre de ce projet de loi. Je me demande même pourquoi il continue à recevoir autant de soutien de son parti, puisque même son chef refuse d'appuyer ce projet de loi.
On a beau enrober ce projet de loi ou tenter de manipuler la population de toutes les façons possibles, il vise quand même à restreindre l'accès au libre choix. Ce débat est terminé et nous n'avons plus à en parler. C'était clair l'année dernière, lorsque nous avons débattu de la santé maternelle et infantile. Encore un fois, le député de a été très clair. Il a dit à la population que cette année, on avait fait de petits pas et qu'on continuerait à en faire l'année prochaine.
C'est ce qu'il tente de faire avec ce projet de loi, et il l'a dit sur le parterre du Parlement. Les femmes et la population du Québec et du Canada ne sont pas dupes. Nous avons bien compris ses paroles et ses allusions. Il a fait des petits pas cette année en convainquant son gouvernement de ne pas permettre aux femmes des pays en développement d'avoir accès à des services complets de planification familiale, alors que nous savons fort bien que des milliers de femmes meurent tous les jours à cause d'un manque d'accès à des services d'avortement propres et accessibles.
Il a dit avoir réussi à faire des petits pas et qu'il continuerait à en faire cette année en déposant ce projet de loi et en espérant manipuler l'opinion des gens. C'est tout à fait odieux. Il espérait qu'en nommant une personne dans son projet de loi, encore une fois, il allait toucher les gens ici. J'ai été touchée par l'histoire de Roxanne, mais la raison de sa mort énoncée par le député n'est pas la véritable raison. Le meurtrier de Roxanne, le défenseur de son meurtrier et le procureur de la Couronne ont tous dit la même chose.
Vont-ils arrêter de mentir? Vont-ils arrêter de manipuler la population et de lui faire croire des choses qui ne sont pas vraies? Cela n'a plus de sens.
Cela fait maintenant six ans et demi que je suis ici, et tous les ans, depuis six ans et demi, un, deux ou trois députés déposent des projets de loi pour essayer de contrevenir au libre choix des femmes de ce pays. Ils ne réussiront pas. Ils ne réussiront pas parce que nous n'abdiquerons pas. Nous n'abdiquerons pas nos droits. À ceux et celles qui diront que les femmes de ce pays n'ont pas le droit de se fâcher, je dirai qu'il y a des fois où se fâcher est légitime. Cette fois-ci, comme bien d'autres, il est légitime que je me fâche. Des hommes tentent de décider pour nous de ce qui est bon pour nous, et je leur dirai qu'il est légitime que je me fâche parce que personne n'a le droit de décider pour moi de ce qui est bon pour moi. Encore une fois, ce gouvernement tente de nous faire adopter des projets de loi de ce genre.
J'étais très fâchée en fin de semaine. Le mouvement pro-vie a formé des groupes dans différentes villes du Québec et du Canada. Ils sont là soi-disant pour aider les femmes en détresse, aider celles qui ne savent pas quelle décision prendre. Ces groupes sont là soi-disant pour aider les femmes qui ont une décision difficile à prendre, et ils sont là soi-disant pour être objectifs. Pourtant, ces groupes content toutes sortes de balivernes à ces femmes. Ils disent à ces femmes qui vont les voir que les foetus avortés serviront à des compagnies pharmaceutiques pour faire des rouges à lèvres. Ils leurs disent qu'ils serviront à toutes sortes de choses qui ne sont pas vraies.
Bien souvent, ces groupes sont financés par des personnes que l'on connaît. Bien souvent, ils sont soutenus par les membres du groupe pro-vie de ce gouvernement. Je dirai que j'ai très honte de faire partie d'un Parlement où des membres du groupe pro-vie soutiennent des entreprises qui mentent effrontément à des femmes qui ont besoin d'aide. On ne ment pas à des femmes qui ont besoin d'aide. Ce projet de loi isolerait encore plus les jeunes femmes qui ont besoin de parler, d'être soutenues et d'être entourées par les personnes qui les comprennent, par leurs parents, par leurs amis et par leur conjoint. Elles ont besoin de conseils.
Quand on a 15, 16 ou 17 ans, on a besoin d'être entouré par ceux et celles qui sont nos plus proches. Si, par malheur, les personnes qui conseillent ces jeunes femmes devaient être emprisonnées parce qu'elles leur ont dit que l'avortement était peut-être leur meilleur choix, qu'auraient à vivre ces jeunes femmes toute leur vie? Ce serait affreux.
Je ne peux pas croire que des députés de la Chambre vont se lever pour voter en faveur de ce projet de loi. Je ne peux pas le croire! J'espère que les députés vont se tenir debout et voter contre.
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Monsieur le Président, le projet de loi n'est rien de moins qu'une tentative à peine voilée de criminaliser les personnes qui pratiquent des avortements et de promouvoir un programme anti-choix. C'est la quatrième fois en quatre ans qu'un député conservateur d'arrière-ban présente un projet de loi d'initiative parlementaire contre la liberté de choix sous le faux prétexte de souhaiter protéger les femmes. En l'occurrence, le député appartient au caucus parlementaire secret qui s'oppose à la liberté de choix des femmes.
La contrainte est déjà illégale en vertu de l'article 264.1 du Code criminel, et on vérifie déjà les antécédents des conseillers pour s'assurer qu'ils n'exerceront pas de contrainte sur les femmes qui souhaitent se faire avorter.
Je dois également souligner que, même si le député de prétend que Roxanne Fernando a été assassinée parce qu'elle avait refusé de se faire avorter, le meurtrier lui-même, son avocat et le procureur de la Couronne ont tous convenu que ce n'était pas le mobile du crime. Le juge qui présidait le procès criminel a écrit ce qui suit dans sa décision:
Irrité et dans un état de panique, le défendeur aurait assassiné Mme Fernando, enceinte de son enfant, parce qu'elle insistait pour poursuivre leur liaison.
Je suis extrêmement déçue de constater que le député se sert du meurtre tragique d'une jeune femme pour promouvoir son programme d'action anti-avortement. Il est très clair que ce projet de loi serait vraisemblablement utilisé pour sévir contre les personnes qui pratiquent des avortements et qu'il nuirait à l'accès aux services d'avortement.
Au Canada, les femmes ont déjà de la difficulté à obtenir des services d'avortement. En 2007, l’Association canadienne pour la liberté de choix a publié un rapport dans lequel elle signale que des services d'avortement sont offerts dans seulement un hôpital sur six au Canada et que ces services sont mal répartis dans le pays, étant surtout concentrés dans les zones urbaines. Certaines provinces refusent de financer les services d'avortement, enlevant toute possibilité de choix à bien des femmes.
Si le projet de loi est adopté, il pourrait limiter encore plus l'accès à l'avortement en criminalisant les fournisseurs de services d'avortement.
Le député de a raison sur une chose. Il y a des femmes qui sont maltraitées par leur conjoint. La semaine dernière, Statistique Canada a signalé que les femmes demeurent environ trois fois plus à risque d'être victimes d'un homicide aux mains de leur conjoint que les hommes. Si le député de Winnipeg-Sud se souciait vraiment de la violence faite aux femmes, il presserait son caucus et le de cesser de démanteler les mécanismes mis en place pour contrer la discrimination systématique envers les femmes.
Depuis 2006, le gouvernement conservateur refuse à certaines femmes l'accès à la justice du fait qu'il a aboli le Programme de contestation judiciaire. Il a fermé 12 des 16 bureaux régionaux de Condition féminine Canada, réduit de 40 p. 100 le budget de fonctionnement de cet organisme, retiré la question numéro 33 du recensement, la question qui portait sur le travail non rémunéré, refusé des fonds pour la défense du droit des femmes à l'égalité et la recherche dans ce domaine, retiré l'expression « égalité des sexes » des politiques du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, retiré l'avortement des politiques sur la santé maternelle à l'étranger et exclu les travailleurs assujettis à la réglementation fédérale du chapitre 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la disposition sur l'équité salariale.
Depuis quatre longues années, le gouvernement n'affiche rien d'autre que du mépris pour les femmes. Peu à peu, les conservateurs de Harper démantèlent les mécanismes mis en place pour promouvoir l'égalité des sexes...
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On sait de qui on parle.
En 1991, un rapport de comité intitulé « La guerre contre les femmes », étudiait en profondeur les mesures que le gouvernement fédéral devrait prendre pour réduire la violence à l’égard des femmes. Si le député de a vraiment à cœur de réduire la violence faite aux femmes, je l’exhorte à lire ce rapport et à travailler à la mise en œuvre des recommandations qu’il contient. On y explique notamment que la vulnérabilité des femmes à la violence est intégralement liée aux iniquités sociales, économiques et politiques auxquelles sont confrontées quotidiennement les femmes, des iniquités exacerbées par le gouvernement dont l’auteur du projet de loi fait partie.
Ce qui est tragique, c’est que la violence faite aux femmes n’a pas été sensiblement réduite depuis le rapport de 1991. Les femmes sont encore beaucoup plus susceptibles que les hommes d’être tuées par un partenaire intime. En 2009, 43 p. 100 des femmes décédées avaient été tuées par un partenaire ou un ex-partenaire intime, alors que 4 p. 100 seulement des décès enregistrés chez les hommes étaient le fait d’une partenaire ou d’une ex-partenaire intime.
Bien que tous les décès soient tragiques, nous devons faire preuve d’une véritable détermination à promouvoir l’égalité des femmes, car c’est la seule façon de réduire la violence faite aux femmes. Le Canada ne dispose d’aucune stratégie d’ensemble à long terme pour assurer l’égalité des femmes. Le gouvernement conservateur ne préconise que des solutions symboliques à des problèmes systémiques. En fait, le gouvernement lui-même fait partie intégrante du problème systémique.
Au Canada, les femmes autochtones sont cinq fois plus à risque de mourir d’actes violents que les autres Canadiennes. Près de 600 femmes autochtones ont été portées disparues ou ont été assassinées au cours des 30 dernières années. Pourtant, ce n’est que maintenant que le gouvernement du Canada annonce qu’il consacrera 10 millions de dollars pour résoudre ce problème de violence. Malgré cela, le plan proposé est inadéquat. Il n'y est fait aucune mention de programmes de guérison pour les familles et les personnes. La plus grande partie des fonds alloués est consacrée aux ressources policières. Ce n’est pas ce qu’ont demandé les Premières nations. Elles demandent en effet un plan global incluant le soutien aux Autochtones victimes d’actes de violence et à leurs familles.
Dans ce pays, lorsqu’il est question des femmes, nous disposons de statistiques, d’études et de rapports de groupes d’experts, mais ce qui fait défaut, c’est la volonté politique de mettre en œuvre les solutions à long terme qui réduiront l’iniquité entre les hommes et les femmes. Le gouvernement pourrait mettre en place un programme national de garderies, apporter les modifications nécessaires aux programmes de congés parentaux et de maternité, investir des ressources suffisantes dans l’aide juridique, rétablir le Programme de contestation judiciaire, aider les femmes handicapées, mettre en œuvre une politique véritablement proactive en matière d’équité salariale, créer un programme national du logement et investir dans des programmes permettant d’éliminer la violence faite aux femmes. Le gouvernement pourrait prendre toutes ces mesures, mais, pour ce faire, il faudrait qu’il s’engage réellement envers les femmes, les enfants et les familles.
Le projet de loi ne contribuera en rien à réduire la violence faite aux femmes. Comme les autres projets de loi contre la liberté de choix présentés par les députés d'arrière-ban du gouvernement, ce n'est rien d'autre qu'un cheval de Troie. Car lorsqu'on l'examine attentivement, on voit qu'il définit l'avortement comme un acte qui causera la mort de l'enfant à naître. Or, selon la législation actuelle, le foetus n'est pas considéré comme une personne tant qu'il n'est pas né.
Ce projet de loi reconnaît le foetus comme un enfant, donc comme une personne ayant un statut juridique, ce qui risque d'avoir des ramifications importantes dans de nombreux domaines juridiques et d'ouvrir la boîte de Pandore qu'est le débat sur l'avortement.
Au Canada, la Charte des droits et libertés garantit certains droits aux femmes, dont celui à l'égalité. Selon ce qu'en dit le Code criminel, notre société n'accorde aucun droit ni statut juridique à une personne avant sa naissance. Quant à la la Cour suprême, elle a déterminé, dans l'affaire Dobson c. Dobson, qu'une femme et son foetus sont considérés comme une seule personne aux yeux de la loi.
Pour accorder des droits aux foetus, il faut obligatoirement en enlever aux femmes, puisqu'il est impossible pour deux êtres occupant le même corps de bénéficier pleinement de leurs droits. En cherchant à équilibrer ces droits, on compromet nécessairement ceux d'au moins une des deux parties, ce qui veut dire qu'elle perd une partie de ses droits. Juridiquement parlant, il serait très difficile de justifier qu'on décide de compromettre les droits établis des femmes en faveur des droits théoriques des foetus.
On doit également s'inquiéter du fait que le projet de loi va essentiellement à l'encontre des promesses électorales du Parti conservateur. En effet, lors de la dernière campagne électorale, celui-ci avait précisé dans son programme qu'il [...] n'appuierait aucune mesure législative visant à réglementer l'avortement.
Or, c'est justement ce que le projet de loi cherche à faire, puisqu'il propose une mesure législative qui, en modifiant la définition du statut juridique du foetus, aura pour effet de réglementer l'avortement au Canada. De là à rendre l'avortement illégal au Canada, il n'y aura plus qu'un pas. Les Canadiennes ont dû se battre longtemps et vaillamment pour avoir le droit de se faire avorter en toute légalité et en toute sécurité au Canada. Certaines ont dû exposer leur vie privée devant les tribunaux pour avoir enfin le droit de choisir.
Je tiens à prendre un moment pour souligner la bravoure des femmes et des organismes qui se sont battus pour que nous ayons le droit de choisir et pour remercier ceux qui pratiquent les avortements de leur contribution à cette bataille.
J'incite tous les députés à reconnaître ce projet de loi pour ce qu'il est: une attaque sournoise contre le libre choix des femmes, et je les exhorte à votre contre.
Si nous voulons sincèrement, vraiment sincèrement, honorer la mémoire de Roxanne, nous allons mettre un terme à la violence faite aux femmes. Et nous allons refuser de tolérer cette imposture dont les Canadiennes sont victimes.
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Monsieur le Président, je suis heureux de me joindre au débat en deuxième lecture sur le projet de loi , plus précisément appelée Loi de Roxanne. Ce projet de loi a été introduit par le député de en réponse à un événement qui est survenu dans son comté en 2007.
Par ce projet de loi , on propose de modifier le Code criminel afin de créer deux nouvelles infractions criminelles. La première est de contraindre une femme enceinte à se procurer un avortement, qui serait punissable d'une peine de cinq ans d'emprisonnement sur déclaration de culpabilité par voie de mise en accusation, ou de 18 mois d'emprisonnement sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. La deuxième est de tenter de contraindre une femme enceinte à se procurer un avortement, qui serait punissable d'une peine maximale de deux ans d'emprisonnement sur déclaration de culpabilité par voie de mise en accusation ou de six mois d'emprisonnement sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
Le projet de loi définit plusieurs expressions aux fins de l'application de cette loi, y compris le mot « contrainte ». Le comportement qui peut constituer une « contrainte » comprend ce qui suit: causer ou menacer de causer des blessures physiques à la femme, à un membre de sa famille ou au foetus; commettre ou menacer de commettre une infraction aux termes d'une loi provinciale ou fédérale; retirer ou menacer de retirer le soutien financier à une personne que la personne qui adopte le comportement est tenue de soutenir en vertu de la loi; tenter de contraindre par l'exercice de pressions, par le fait de harceler ou d'importuner par l'expression de sa rancune. Est toutefois exclue la liberté d'expression garantie par la Charte canadienne des droits et libertés.
Cependant, le projet de loi n'inclut pas la définition d'autres expressions comme: « contrainte par l'exercice de pressions » et « harceler par l'expression de sa rancune ». Ce sont de nouveaux termes qu'on retrouve dans ce projet de loi. Le projet de loi prévoit une exemption pour le médecin qui recommande à une femme de se faire avorter pour des raisons de santé physique.
En dernier lieu, le projet de loi comprend une disposition vraiment inhabituelle relative à la dissociation qui prévoit que si une disposition du projet de loi est jugée invalide ou inapplicable, elle doit être interprétée de manière à respecter le plus possible l'intention du législateur ou, si cela est impossible, elle doit être dissociée du projet de loi. C'est une disposition inhabituelle.
Le projet de loi propose d'ériger en infraction un comportement qui est déjà interdit par le Code criminel et d'autres lois — je dis bien qu'il est déjà interdit par le Code criminel et d'autres lois — au moyen des infractions, comme les voies de fait (article 265 du Code criminel), les menaces proférées (article 264.1 du Code criminel) et l'intimidation (article 423 du Code criminel). Il propose également d'interdire des comportements interpersonnels, ce qui est généralement hors du domaine traditionnel du droit pénal — je dis bien en dehors du droit pénal —, comme les conflits non violents entre les époux ou entre les parents et leurs enfants dans le cas où l'une des parties n'est pas en faveur de la poursuite de la grossesse et préconise l'avortement. On parle donc de comportements non violents et de discussions entre différentes parties.
Les infractions proposées sont susceptibles de faire l'objet de difficultés d'interprétation et de contestations fondées sur la Charte en raison de l'utilisation d'expressions vagues et non définies comme « exercice de pressions », ce qui est très nouveau, et « harcelé par l'expression de sa rancune », ce qui est extrêmement nouveau, de la tentative de rendre l'infraction conforme à la Charte en excluant de la définition de « contrainte » la « liberté d'expression » que garantit la Charte et de la disposition, comme je le disais tantôt, inhabituelle relative à la dissociation qui entrave l'exercice du pouvoir discrétionnaire des tribunaux d'ordonner la réparation qui convient aux termes de la Charte.
Il y a donc une grande difficulté juridique sur ce plan. Pour des raisons surtout d'ordre juridique, j'indique que je ne pourrai pas appuyer ce projet de loi.
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Monsieur le Président, je ne peux pas dire que je suis contente de participer à ce débat sur l'avortement, car je croyais qu'il avait déjà pris fin.
J'ai reçu quelques lettres de Canadiens et de Canadiennes sur ce projet de loi. Plutôt que de faire un discours, j'aimerais simplement reprendre la lettre que j'ai envoyée en réponse à des demandes qui, pour la plupart, étaient contre le projet de loi, malgré que certaines y étaient favorables.
[Traduction]
Voici de qu'on peut y lire:
Je vous remercie de votre récente lettre concernant le projet de loi C-510, Loi modifiant le Code criminel (contrainte), aussi connu sous le nom de Loi de Roxanne.
Ce projet de loi d'initiative parlementaire vise clairement à relancer un débat non désiré sur l'avortement à la Chambre des communes. C'est pourquoi je ne l'appuierai pas à l'étape de la deuxième lecture.
Je ne recommanderai pas à mes collègues du caucus libéral d'appuyer ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. En fait, je vais les exhorter à voter contre ce projet de loi à cette étape.
La lettre se poursuit ainsi:
Le cabinet du premier ministre a aussi indiqué, après un certain délai, qu'il n'appuyait pas cette mesure législative.
Il est important de noter que les solutions proposées [par le député de Winnipeg-Sud] sont tout à fait redondantes, car certains articles du Code criminel couvrent déjà les cas « d'avortement sous la contrainte ».
[Français]
Ce sont les dispositions intitulées: proférer des menaces, voies de fait et extorsion.
Au paragraphe 264.1(1) du Code criminel — Proférer des menaces, il est stipulé:
Commet une infraction quiconque sciemment profère, transmet ou fait recevoir par une personne, de quelque façon, une menace:
a) de causer la mort ou des lésions corporelles à quelqu’un;
b) de brûler, détruire ou endommager des biens meubles ou immeubles;
c) de tuer, empoisonner ou blesser un animal ou un oiseau qui est la propriété de quelqu’un.
Le paragraphe 265(1) sur les voies de fait stipule ceci:
Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque, selon le cas:
a) d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement;
b) tente ou menace, par un acte ou un geste, d’employer la force contre une autre personne, s’il est en mesure actuelle, ou s’il porte cette personne à croire, pour des motifs raisonnables, qu’il est alors en mesure actuelle d’accomplir son dessein;
c) en portant ostensiblement une arme ou une imitation, aborde ou importune une autre personne ou mendie.
On voit que c'est déjà couvert à l'alinéa b) ci-dessus.
Quant au paragraphe 346(1), il se lit ainsi:
Commet une extorsion quiconque, sans justification ou excuse raisonnable et avec l’intention d’obtenir quelque chose, par menaces, accusations ou violence, induit ou tente d’induire une personne, que ce soit ou non la personne menacée ou accusée, ou celle contre qui la violence est exercée, à
Je vais terminer la lecture de la lettre-réponse que j'ai rédigée:
Il est à noter aussi que ce qui est prévu dans le C-510 en matière de sentences, un maximum de cinq ans pour un acte criminel, est soit égal ou MOINDRE que ce qui est prévu pour les dispositions ci-dessus. Les voies de fait graves par exemple entraînent une peine pouvant aller jusqu'à 14 ans pour un acte criminel.
Veuillez accepter, mes salutations cordiales.
Et je note mon nom.
Les dispositions du Code criminel sur le fait de proférer des menaces, sur les voies de fait et sur l'extorsion couvrent très bien ce que le projet de loi tente de cibler. On n'a pas besoin de ce projet de loi pour protéger les femmes enceintes qui subissent de la pression, des menaces, des voies de fait ou de l'extorsion de la part d'un partenaire, du père de l'enfant ou de toute autre personne pour qu'elles se fassent avorter contre leur gré ou pour les empêcher d'avoir un avortement.
La Cour suprême du Canada a déjà rendu un jugement dans une cause qui était célèbre au Québec. Une femme voulait se faire avorter et son conjoint de l'époque avait tenté de l'en empêcher en ayant recours aux tribunaux. La Cour suprême avait alors justement statué qu'il n'avait pas le droit, ainsi que personne d'autre, par des menaces, des voies de fait ou de l'extorsion, de forcer une femme à se faire avorter ou de l'empêcher de se faire avorter.
Le député de avait peut-être de bonnes intentions, mais il n'a probablement pas lu le Code criminel correctement. S'il se plaint que cela n'est pas utilisé, c'est donc auprès de nos services policiers que l'on doit travailler afin qu'ils mettent en application les dispositions qu'ils ont déjà sous la main. De plus, l'éducation et l'information publique doivent se faire auprès des femmes pour qu'elles agissent en toute connaissance de leurs droits lorsqu'elles ont une décision à prendre concernant une grossesse et qu'elles sachent que le Code criminel les protège contre les menaces, l'extorsion et les menaces de voies de fait.
Je termine là-dessus. Je ne doute aucunement de la bonne foi du député de , mais son projet de loi est redondant compte tenu que des dispositions du Code criminel traitent déjà de la situation citée dans son projet de loi.
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Monsieur le Président, c'est avec un certain désarroi que je prends la parole au sujet du projet de loi .
Bien des femmes qui ont lutté avec acharnement pendant des années pour avoir enfin le droit de choisir croient qu'il s'agit là d'une manoeuvre détournée visant à rouvrir le débat sur l'avortement. Au fil des ans, on a convenu de ne pas revenir sur ce débat au Parlement. Les femmes sont en colère contre ce projet de loi d'initiative parlementaire en partie parce qu'elles estiment que c'est une atteinte à l'égalité des femmes.
Je tiens à remercier la députée de , qui a fait remarquer qu'il y avait eu une érosion des appuis à l'égard des femmes ces cinq dernières années. Divers programmes ne sont tout simplement plus accessibles aux femmes. Je pense entre autres au Programme de contestation judiciaire et à l'accès à un programme universel de garderies.
J'aimerais parler brièvement d'une définition de l'égalité proposée par la Coalition pour le droit à l'avortement au Canada, qui explique pourquoi les femmes estiment que leur droit à l'égalité est remis en question. Cette définition d'égalité est la suivante: « Dans une perspective d’égalité entre les sexes, toute femme a le droit de choisir d’avoir ou non des enfants, ainsi que du moment et du nombre d’enfants qu’elle désire. Sans le contrôle de leur fertilité, les femmes ne peuvent avoir de pleine autonomie dans leur vie ni jouer équitablement leur rôle dans la société. »
Le droit à l'autonomie comprend tant le droit de la femme de vouloir avoir des enfants que celui de ne pas en vouloir. Dans les deux cas, on s'attend à ce que l'État fournisse les outils et les ressources nécessaires pour l'accompagner dans sa décision.
En ce qui concerne le droit de la femme d'opter pour l'avortement, il faut lui fournir les soins de santé, ainsi que les outils, les ressources et les appuis nécessaires. D'un autre côté, si une femme choisit de porter un enfant, il faut également lui fournir l'aide nécessaire. Les soins de santé jouent un rôle important, mais la parité salariale est primordiale.
La députée de a parlé de parité salariale. Une femme devrait avoir le droit de gagner le même salaire qu'un homme. Les femmes doivent avoir accès aux garderies, pas 100 $ par mois, pour qu'elles puissent élever leurs enfants de manière à ce qu'ils deviennent des membres actifs de la société. Les deux parties prenantes à ce débat ont des droits et des responsabilités.
C'est un événement très tragique qui a déclenché ce débat déchirant. Toutefois, ce n'est pas de la contrainte dont nous devrions débattre à la Chambre. D'autres députés ont habilement fait valoir que le Code criminel interdit déjà la contrainte. L'un des députés d'en face craint que ce projet de loi, dans sa version actuelle, pourrait faire l'objet de contestations.
Je voudrais placer le débat dans un contexte historique. La Coalition pour le droit à l'avortement au Canada a présenté comme suit l'état du droit au Canada:
C'est en 1969 que le Canada a libéralisé, pour la première fois, sa loi sur l'avortement, en permettant que l'intervention puisse se faire dans des hôpitaux, sur approbation du « comité de l'avortement thérapeutique ». Cependant, puisque cette loi n'assurait pas un accès égal à l'avortement à toutes les femmes, la Cour suprême du Canada l'a invalidée en 1988. Même si l'assemblée législative du pays n'a pas tardé à essayer de criminaliser à nouveau l'avortement, le projet de loi a été rejeté. Les divers gouvernements qui se sont succédé au fil des ans ont répété qu'ils n'ont pas l'intention de légiférer contre l'avortement. Le Canada est le seul pays démocratique et industrialisé au monde qui ne possède pas de loi qui restreint l'avortement. (Seuls deux autres pays n'ont pas de loi: la Chine et la Corée du Nord.) Pourtant, le taux d'avortement au Canada est relativement faible comparativement à d'autres pays industrialisés. Le Canada a l'un des plus faibles taux de complications liées à l'avortement et de mortalité maternelle au monde. Plus de 90 p. 100 des avortements ont lieu avant 12 semaines de gestation et 98 p. 100 avant 16 semaines de gestation. Ces statistiques prouvent qu'aucune loi n'est nécessaire pour réglementer l'avortement ou en réduire le nombre et qu'on peut faire confiance aux femmes et aux médecins pour se prévaloir de ce droit de façon responsable.
Il faut comprendre que, dans un tel contexte, on peut faire confiance aux femmes et aux médecins lorsqu'il s'agit d'exercer leurs droits de façon responsable, ce qui sous-tend que les femmes ont droit à un avortement sûr.
La Cour suprême s'est fondée sur la Constitution canadienne pour permettre l'avortement en invoquant que ce qu'il faut protéger, d'abord et avant tout, est le droit des femmes à la « sécurité de la personne ».
La Cour suprême a statué que le droit des femmes à l'égalité était inscrit dans la Constitution canadienne. Il faut garder cela à l'esprit dès qu'on soulève la question du droit des femmes au libre-choix. Il est clair que le droit à l'égalité est inscrit dans notre Constitution, que ce droit garantit aux femmes le droit de se faire avorter si elles le veulent et que les tribunaux canadiens le respectent.
Je voudrais maintenant en venir au projet de loi dont nous sommes saisis, à savoir le projet de loi . Certains font valoir que la mesure législative protège les femmes et leurs droits. Or, dès qu'on l'examine, on constate que ce n'est pas le cas.
Le 19 avril, la Coalition pour le droit à l'avortement au Canada a publié un communiqué de presse dans lequel elle affirmait qu'il était inacceptable de forcer une femme à avorter. Je crois que nous admettons tous cet état de fait. D'aucuns ici diraient le contraire. Par contre, la coalition explique qu'une telle pratique se produit rarement, contrairement à ce que prétendent souvent les propagandistes anti-choix, et qu'elle découle surtout de problèmes de violence conjugale.
Comme on l'a signalé avant moi, une étude américaine récente s'est penchée sur le contrôle génésique imposé à certaines femmes par des conjoints violents. Certaines femmes ont subi des pressions pour se faire avorter, certes, mais il y en a eu pour signaler que leur conjoint les empêchait de se procurer des contraceptifs ou de les utiliser, les menaçait de les rendre enceintes, ou leur imposait des rapports sexuels non protégés. Si elles voulaient se faire avorter après être tombées enceintes, certains partenaires les menaçaient ou leur imposaient des pressions pour qu’elles portent leur grossesse à terme.
Si nous souhaitons vraiment protéger les femmes, nous devrions veiller à ce qu'elles puissent se réfugier dans des maisons de transition et qu'elles bénéficient de l'égalité du revenu. Voilà des éléments qui leur permettraient de sortir de relations abusives. Nous devrions chercher de nouvelles façons de protéger les femmes de la violence familiale. Les femmes ne devraient pas rester dans des relations simplement parce qu'elles ne voient pas de porte de sortie ou parce qu'il n'y a pas de refuge pour elles dans la collectivité.
La députée de a fait mention des femmes autochtones assassinées ou portées disparues. Vendredi, nous avons vu une annonce où il est surtout question de sanctions sévères mais à peu près pas de mesures de protection pour éviter que les femmes ne disparaissent ou ne soient assassinées. Nous reconnaissons qu'il est important d'avoir une base de données et d'autres ressources lorsque les femmes sont portées disparues, mais que fait-on pour les protéger avant qu'elles disparaissent? Quelles ressources les collectivités offrent-elles aux femmes, notamment lorsque ces dernières doivent se réfugier quelque part quand elles sont en danger?
Dans son communiqué de presse, la Coalition pour le droit à l'avortement au Canada présente plusieurs raisons pour montrer que le projet de loi est inutile, voire suspect.
Premièrement, le projet de loi est en grande partie redondant puisque les menaces et les actes contraires à la loi sont déjà illégaux aux termes du Code criminel.
Bon nombre de personnes ont déjà abordé cet aspect de la question. En vertu du Code criminel, quiconque profère des menaces est passible d'accusations criminelles.
Deuxièmement, les conseillères se livrent déjà au dépistage de toute éventuelle contrainte envers les demandeuses d’avortement. Les cliniques d’avortement refusent d’en pratiquer sur les femmes qui hésitent ou qui vivent la contrainte de quelqu’un. Cette protection est déjà en place.
Troisièmement, le projet de loi est condescendant envers les femmes en suggérant que celles-ci sont souvent contraintes à avorter, alors que la vaste majorité des femmes décident elles-mêmes de recourir à cette procédure et en assument l’entière responsabilité.
Quatrièmement, si l’on veut réellement protéger les femmes de conjoints violents, il nous faut de meilleures solutions que ce projet de loi. La meilleure façon d’assurer la sécurité des femmes consiste à les aider à obtenir égalité et autonomie.
J'ai déjà parlé de l’équité salariale, des services de garde à coût abordable, de l’aide juridique et d’autres programmes.
J'exhorte les députés à voter contre le projet de loi et à s'employer à faire adopter des mesures qui assurent effectivement l'égalité des femmes.
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Monsieur le Président, j'aimerais y aller de quelques réflexions. Je me souviens la première fois que je suis tombée enceinte. Mon mari et moi étions aux anges de voir que nos espoirs et nos rêves de fonder une famille ensemble deviendraient bientôt réalité. J'étais tellement heureuse d'avoir un mari aimant et compréhensif pour m'accompagner dans cette aventure qu'est la maternité.
Comme toute femme qui attend la naissance de son enfant vous le dira, l'expérience unique de la grossesse est excitante, angoissante, exaltante et riche en émotions. Il y a beaucoup de hauts et de bas. En raison de tous les changements et les efforts, les espoirs et les peurs que la grossesse et la perspective de devenir parents peuvent comporter, la femme enceinte a besoin de beaucoup de soutien. Je ne peux pas imaginer la solitude et le sentiment de rejet qu'une jeune femme vulnérable peut ressentir lorsque les personnes qui lui sont le plus proches — son petit ami, son mari, sa mère ou son père — ne sont pas là pour la soutenir dans sa décision d'avoir un enfant et, pire encore, qui la menaceraient, l'intimideraient et tenteraient de la pousser à interrompre la grossesse qu'elle veut mener à terme.
Dès que j'ai su que j'étais enceinte, j'ai commencé à nouer un lien avec mon bébé. Ce que j'ai ressenti est indescriptible. Seule la femme qui porte un bébé, foetus ou enfant, quoi que vous l'appeliez, sait exactement ce que cela signifie, ce que cela fait d'être la seule source de nourriture pour ce minuscule être humain, qui dépend entièrement d'elle pour sa survie.
Que la grossesse soit prévue ou non, qui a le droit de dire à cette femme que ce qu'elle porte en elle est un fardeau dont elle doit se débarrasser? Qui a le droit de la contraindre à interrompre la grossesse, éliminant ainsi la possibilité qu'elle a de donner naissance à son bébé? Personne n'a ce droit. C'est la raison pour laquelle il nous faut la loi de Roxanne. Nous devons empêcher que les femmes enceintes, surtout au moment où elles sont le plus vulnérables, soient forcées à se faire avorter contre leur gré.
La grande souffrance que peuvent ressentir les femmes après une fausse couche est bien documentée. Lorsqu'une femme ne peut mener à terme une grossesse souhaitée, elle peut vivre beaucoup de tristesse, de colère et de culpabilité pour ne pas avoir été capable d'assurer la sécurité de l'enfant à naître. Bien des gens ne peuvent pas comprendre toute l'étendue du chagrin que ressent une femme après une fausse couche parce qu'ils ne comprennent pas le lien qui a commencé à se former entre elle et l'enfant qui n'est pas né.
Je peux imaginer qu'une femme qui a été contrainte à avorter souffrirait au moins autant et peut-être davantage, parce que la perte n'est pas accidentelle. Au contraire, la perte résulte du fait qu'une personne en qui la femme devrait avoir confiance et sur qui elle devrait pouvoir compter exploite sa vulnérabilité de façon cruelle et délibérée.
Selon les recherches, quand des femmes se sentent poussées à avorter, elles courent un risque accru d'avoir des séquelles psychologiques. Selon une étude publiée dans le journal General Hospital Psychiatry en 2005, quand un homme contraint une femme à avorter, il y a beaucoup plus de chances qu'elle éprouve des émotions négatives au sujet de l'avortement au cours des deux années suivantes. Selon une étude publiée dans le journal Medical Science Monitor en 2004, quand on oblige une femme à avorter, on peut s'attendre à ce qu'elle en subisse le contrecoup sur le plan psychologique après l'avortement.
Certains disent qu'une loi de ce genre n'est pas nécessaire parce que les femmes ne subissent pas de telles contraintes. Dans bon nombre de cas, les femmes choisissent librement de se faire avorter, mais on a aussi entendu parler de cas où des femmes ont été contraintes à le faire.
En adoptant le projet de loi on dira très clairement qu'il est inadmissible de contraindre une femme à mettre un terme à sa grossesse contre son gré. On dira très clairement aux femmes que la loi les protège et que, désormais, si quelqu'un tente de contraindre une femme à avorter contre son gré, elle pourra engager des poursuites avant qu'il ne soit trop tard pour elle et son bébé.
Quand viendra le temps de se prononcer au sujet de la loi de Roxanne le mois prochain, je vais défendre les droits des femmes enceintes et le droit d'être mère. Je me souviendrai de Roxanne et je serai reconnaissante d'avoir pu contribuer, ne serait-ce qu'un peu, à faire en sorte que cette tragédie soit utile.