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Bonjour. Je vous remercie beaucoup de la possibilité qui m'est offerte de vous parler de ce que mon industrie estime comme le projet de loi le plus important dont a été saisi le gouvernement.
Comme vous le savez déjà, je m'appelle Stuart Johnston, et je suis le président de la Canadian Independent Music Association. Je suis accompagné de l'un de mes bénévoles et de mes membres du conseil d'administration, M. Bob D'Eith. Il est le secrétaire de mon conseil, et le président de mon comité des affaires gouvernementales. Comme emploi principal, il est directeur exécutif de Music B.C., une association provinciale de l'industrie de la musique. De plus, Bob est avocat en droit du divertissement, a son étiquette de disque et a reçu deux nominations aux prix Juno en tant qu'artiste exécutant.
Vous devriez déjà avoir notre mémoire sur le projet de loi , qui contient 12 recommandations visant à améliorer le projet de loi. Nous allons donc tenter d'être brefs.
Je vais tout d'abord vous donner des informations générales. La CIMA représente plus de 180 sociétés et professionnels canadiens engagés dans la production et la commercialisation, dans le monde entier, d'une musique canadienne indépendante, qui représente des milliers d'artistes et de groupes canadiens. Il s'agit exclusivement de petites entreprises qui englobent des réalisateurs de disques, des étiquettes de disque, des éditeurs, des studios d'enregistrement, des impresarios, des agents, des donneurs de licence, des producteurs et des directeurs de vidéoclips, des propriétaires du contenu créatif, des artistes et d'autres professionnels des industries de l'enregistrement audio et du vidéoclip.
Pour vous donner un aperçu de l'envergure de l'industrie, dans l'ensemble, le secteur de la musique indépendante du Canada est l'un des plus importants au pays sur le plan des ventes; à ce titre, il est au second rang derrière Universal Music Canada. Selon les chiffres des ventes de Nielsen SoundScan, le secteur indépendant représente environ 24 p. 100 de toutes les ventes de musique au Canada, devant EMI et Warner Music réunis, et Sony Music. Bref, nos membres sont propriétaires et exploitants de petites entreprises qui investissent dans la création d'une propriété intellectuelle qui apporte des avantages économiques: emplois, hausse du PIB et apport à la balance commerciale du pays. Ils font partie intégrante de la culture canadienne musicale.
Comme les secteurs économiques du Canada continuent d'évoluer, la CIMA croit que la création et la protection de la propriété intellectuelle constituent l'un des rares secteurs promis à la croissance, grâce, particulièrement, aux exportations. Nous voulons vous remercier d'entreprendre cette démarche et de vous assurer que tous les points de vue sont exprimés et pris en compte avant l'approbation finale du projet de loi. Nous sommes ravis que le projet de loi soit déposé au Parlement ce printemps, car nous attendons l'adoption d'une nouvelle loi sur le droit d'auteur depuis beaucoup trop longtemps.
Comme je l'ai dit, les membres de la CIMA et l'ensemble du secteur de la musique indépendante au Canada sont des petites entreprises qui luttent pour survivre dans un marché très féroce, un milieu difficile dans lequel il faut être créatif, innover, faire des investissements, maintenir des emplois et gagner sa vie. Nous croyons donc que la modernisation du régime de droits d'auteur au Canada est essentielle, non seulement pour notre secteur, mais aussi pour l'économie dans son ensemble.
Nous appuyons le projet de loi , mais il a le potentiel soit d'être d'une importance capitale, soit à certains égards, de créer un climat encore plus difficile pour le secteur de la musique indépendant, qui peine déjà à survivre, et même à croître et à prospérer. Nous vous expliquerons ce que nous voulons dire dans peu de temps.
Même s'ils appuient le projet de loi en général, la CIMA et ses membres croient qu'il faut lui apporter quelques amendements de forme et d'autres types d'amendement, afin qu'il reflète vraiment l'intention déclarée du gouvernement de favoriser la création d'emploi, de promouvoir l'innovation et d'attirer de nouveaux investissements. Surtout, à notre avis, il doit aussi procurer aux créateurs et aux titulaires d'un droit d'auteur les outils qui leur permettront de protéger leurs oeuvres et d'être rémunérés pour leur travail. Ce que je viens de dire est extrêmement important. Si nous retirons la rhétorique, la démagogie, la désinformation et l'incompréhension de ce qui constitue vraiment la protection des droits d'auteur, les vraies raisons d'appuyer la mise en place de mesures législatives solides et de l'importance du projet de loi devraient nous apparaître évidentes.
Au bout du compte, la musique, c'est un produit commercial. Elle peut être qualifiée d'art dans sa forme finale et servir à définir notre culture et y contribuer, mais c'est avant tout un produit. La musique est régie par les règles commerciales et dépend des chaînes d'approvisionnement, du commerce national et international. Elle peut être achetée, vendue, soumise à une autorisation pour divers usages. On parle d'un secteur d'activités qui emploie plusieurs milliers de gens, de façon directe ou indirecte.
À un moment donné, lorsque la musique a été convertie en une suite de uns et de zéros, il est devenu en quelque sorte acceptable, dans certains milieux, de la voler, de la partager ou de la faire circuler sans se demander quel tort cela causait aux gens qui ont investi leur temps, leur argent et leur énergie créative dans ce produit, sans compter toutes les personnes qui font partie de la chaîne d’approvisionnement qui ont contribué au produit mis sur le marché. Ce sont les artistes, les étiquettes, leur impresario, les producteurs, les ingénieurs du son, les fabricants, les distributeurs, les détaillants, et la liste ne s’arrête pas là. Une compensation équitable pour un produit dont profitent les consommateurs est nécessaire pour payer toutes ces bonnes personnes qui font partie de la chaîne d’approvisionnement. Cela ne diffère vraiment pas d’autres secteurs, comme les services professionnels, l’industrie des TI, le secteur de l’automobile et l’exploitation minière.
Par exemple, nous avons des règles et des lois selon lesquelles voler une voiture pour usage personnel ou pour la revente est inacceptable. Les personnes qui téléchargent et partagent illégalement une piste ou un album ne sont pas, selon toute vraisemblance, des gens qui sortiraient d’un HMV avec quelques CD non payés. Cela ne se produit tout simplement pas. Toutefois, c’est ce qui se passe virtuellement à grande échelle dans le monde et au Canada en particulier. Ce type de vol d'oeuvre musicale est favorisé par des intérêts privés comme isoHunt, basé au Canada, The Pirate Bay, basé en Suède et Megaupload, basé en Nouvelle-Zélande, qui privent mon industrie de la compensation qu’elle mérite tout en retirant des avantages financiers de cette pratique illégale.
Au début de l’année, quatre des cinq sites les plus importants de BitTorrent étaient reliés en tout ou en partie avec le Canada. Hier, IsoHunt a affirmé devant un tribunal canadien que ses opérations étaient tout à fait légales en vertu des lois canadiennes. Cela va à l’encontre de l’intention du . Malheureusement, le Canada est vu comme un refuge pour ce type de parasites numériques. Selon les documents présentés aux tribunaux, même Megaupload, que j’ai mentionné tout à l’heure, a envisagé de déplacer ses serveurs au Canada à un moment donné afin d’échapper aux poursuites.
Ce n’est pas du piratage. C’est un mot trop fantaisiste qui apporte une connotation de romantisme hollywoodien. Nous parlons ici de vol. Nous avons besoin de règles sévères pour empêcher ces destructeurs de richesse de voler et d'encourager le vol. Il nous faut un nouveau projet de loi sur le droit d’auteur.
Mon collègue, Robert D’Eith terminera notre exposé.
Quelques articles posent problème. Il y a tout d’abord le contenu non commercial généré par l’utilisateur, ce qui correspond à l’article 22. Nous croyons comprendre que le gouvernement tente de permettre à des consommateurs innocents d’utiliser Internet sans restrictions indues. Cet article ouvre une porte et n’a aucun précédent dans le reste du monde. Le concept de contenu non commercial généré par l’utilisateur est vague et pourrait mener à la dévalorisation des droits d'auteur dans le domaine musical. En dépit des articles qui tentent d’équilibrer les choses, nous pensons que le fait de ne pas avoir de mécanisme d’application clair pour régler le problème donnera lieu à la dévalorisation des droits d’auteur et au non-respect des droits moraux des créateurs.
Les dispositions sur le régime d’avis, à l’article 41, sont aussi très inquiétantes. Le secteur de la musique indépendante s’appuie sur des entrepreneurs et des petites entreprises. L’article actuel impose le fardeau déraisonnable aux détenteurs de droit d’auteur de faire respecter leurs droits. Il est irréaliste de s’attendre à ce que les détenteurs de droit d’auteur s’adressent aux tribunaux chaque fois qu’il y a un avis de violation. Le contrefacteur continuera à porter atteinte à leurs droits en toute impunité en sachant qu’il y a très peu de chance que le détenteur de droit d’auteur ait les ressources pour le poursuivre. Nous encourageons fortement le gouvernement à réexaminer cet article et à créer une nouvelle disposition juste, solide et équitable qui protège les FAI tout en prévoyant un régime d’avis et de retrait concernant l'affichage illégal de propriété intellectuelle.
Pour ce qui est des dommages-intérêts, les plafonner à 5 000 $ fera en sorte que les dommages constitueront le coût de faire des affaires sur Internet. Les particuliers et les petites entreprises détenteurs de droit d’auteur compareront le coût des procédures judiciaires et les dommages, et détermineront qu’il n’est pas possible d’intenter des procédures judiciaires. De plus, même s’il y a jugement, il n’est pas assez important pour avoir vraiment de l’influence sur les contrefacteurs. Encore une fois, les contrefacteurs porteront atteinte aux droits en toute impunité. En fait, les dispositions de cet article favoriseront la violation du droit d’auteur.
Un autre article qui est très important pour nous, c’est celui qui porte sur les droits éphémères. Au cours de la dernière décennie, les revenus de l’industrie de la musique ont diminué continuellement, provoquant ainsi une crise dans l’industrie. À une époque où l’industrie de la musique a besoin de soutien, le projet de loi risque de réduire davantage les revenus. Retirer l’exigence de payer un tarif de reproduction mécanique se traduira par une réduction de près de 21,2 millions de revenus.
L’exception actuelle sur les redevances, à l’article 68 de la Loi sur le droit d’auteur, est une exception de 1,2 million de dollars accordée aux radios commerciales sur la première partie de leurs recettes publicitaires annuelles pour des droits connexes. Nous pensons que cette disposition a été ajoutée à une époque où une transition vers les droits connexes devait avoir lieu. À notre avis, elle devrait être retirée, ce qui donnerait 8 millions de revenus supplémentaires à l’industrie de la musique.
Nous demandons également que dans tous les secteurs, la durée des droits d’auteur passe de 50 à 70 ans afin de maintenir la parité avec tous les autres pays.
Je suppose que mon temps est écoulé.
Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner devant vous en tant que membre du secteur des arts visuels. Je suis accompagnée de M. Adrian Göllner, qui a été président de mon organisme et qui est lui-même un artiste en arts visuels. Nous convenons qu'une réforme du droit d'auteur au Canada s'impose depuis longtemps.
Je travaille pour une société de gestion collective, la Société des droits d'auteurs du Front des artistes canadiens Inc., ou CARCC. Nous représentons environ 850 artistes en arts visuels pour les questions de droit d'auteur. En 2010-2011, nous avons distribué plus de 200 000 $ en redevances à nos affiliés, et certaines années, nous en avons distribué pour plus de 500 000 $. Nos affiliés sont très reconnaissants des redevances qu'ils reçoivent. La CARCC gère ses activités à partir de ce que lui rapporte l'octroi de licences.
Je crois qu'en réformant notre Loi sur le droit d'auteur, nous devons nous rappeler de nos principes. Le droit d'auteur est très ancien, certainement plus ancien que le dramaturge grec qui se sentait lésé lorsque ses pièces de théâtre étaient présentées sans qu'on le rémunère. Affirmer que le droit d'auteur est ancien veut dire simplement qu'il fait partie intégrante de la création. Les artistes doivent avoir des droits d'auteurs, et ces droits doivent les servir.
Selon l'avocat Normand Tamaro, la raison d'être des lois sur le droit d'auteur est de fournir un milieu juste et civilisé pour l'exploitation des oeuvres des créateurs, et les artistes doivent pouvoir négocier une compensation à des conditions favorables pour l'utilisation de leurs oeuvres. Les lois sur le droit d'auteur comprennent des protections morales pour la réputation des créateurs. Récemment, le jeune artiste K'naan a invoqué ses droits moraux lorsqu'il a dit à Mitt Romney de cesser d'utiliser sa chanson Wavin' Flag dans le cadre de sa campagne. Il ne voulait pas être associé de quelque façon que ce soit à cette campagne et y a mis un frein publiquement. Son indignation s'explique par ce droit ancien qu'est le droit d'auteur.
La CARCC est membre de la CISAC, la Confédération internationale des sociétés d'auteurs et compositeurs, l'association multidisciplinaire des sociétés de gestion collective des droits d'auteur, et de son sous-groupe, le CIAGP, le Conseil international des créateurs des arts graphiques, plastiques et photographiques. Ces deux organismes ont exprimé leur consternation dans des lettres adressées à des responsables canadiens quant aux menaces que posent le projet de loi C-32 et, par extension, le projet de loi , pour les revenus des artistes. Ils craignent que le Canada perde du terrain quant à ses obligations internationales d'harmoniser ses lois avec celles des autres pays.
Un rapport publié récemment par la CISAC présente les revenus globaux de 2010 pour l'octroi de licences collectives, et ils s'élèvent à plus de 7,5 milliards d'euros — à l'échelle internationale. C'est beaucoup. Les artistes canadiens doivent avoir quelque chose de cette économie vitale.
Voici les principales préoccupations que nous voulons soulever au sujet du projet de loi . Je vais d'abord en faire un résumé, au cas où je manquerais de temps. Premièrement, même si nous sommes ravis que le projet de loi C-11 vise à améliorer les droits des photographes, nous croyons qu'ils seront encore désavantagés à cause de l'exception qui permet aux clients de commander des photographies pour les utiliser à des fins privées ou non commerciales. Deuxièmement, nous aimerions que le droit d'exposition couvre la durée du droit d'auteur, en abandonnant la limite de juin 1988. Troisièmement, nous aimerions vraiment qu'un droit de revente soit intégré au projet de loi. Je pense que tout le monde est très enthousiaste à ce sujet. Nous appuyons l'idée que les redevances sur le matériel de traitement numérique couvrent la copie pour usage privé, et nous n'appuyons pas les exceptions pour l'utilisation équitable d'une oeuvre aux fins d'éducation, de satire, de parodie ou de collage. On devrait encourager l'octroi de licence dans le domaine de l'éducation.
Je vais maintenant vous expliquer plus en détail nos préoccupations. Premièrement, la photographie est une forme d'art visuel, et nous sommes heureux que le projet de loi étende les droits des photographes. Cependant, une exception portant précisément sur la photographie, à l'article 38, a été ajoutée. Elle permet à la personne qui commande une photographie de la copier à des fins privées ou non commerciales. Le photographe retirerait un revenu de telles copies, et l'exception le priverait d'un revenu et du contrôle de la qualité d'une image copiée. Nous recommandons que les photographes soient traités de la même façon que les autres artistes en arts visuels.
Deuxièmement, la Loi sur le droit d'auteur du Canada comprend un droit d'exposition qui permet aux artistes d'exiger qu'on les paie pour l'exposition de leurs oeuvres si l'exposition n'a pas pour objectif de vendre ou de louer les oeuvres exposées. Le droit d'exposition date de 1988 et s'applique aux oeuvres qui ont été créées après la date de son adoption. Nous aimerions que la date soit supprimée et que le droit d'exposition s'applique à toutes les oeuvres protégées par le droit d'auteur — c'est-à-dire, toute une vie plus 50 années. Il n'y aurait plus de discrimination contre les artistes chevronnés et la succession des artistes décédés, qui sont souvent exclus actuellement. Cela pourrait facilement être adopté dans le cadre du , et nous le recommandons fortement.
Troisièmement, le projet de loi C-11 pourrait être grandement amélioré par l'ajout du droit de revente, ou du droit de suite, à la Loi sur le droit d'auteur, qui est attendu depuis longtemps. Les redevances tirées de la revente sont des pourcentages de vente d'oeuvres qui sont revendues sur le marché secondaire, comme dans les encans. Elles sont habituellement gérées collectivement. Les droits de revente sont avantageux pour les artistes qui ont vendu leurs oeuvres, souvent à faible prix, qui rapportent ensuite beaucoup plus sur les marchés étrangers. Les artistes autochtones et les artistes chevronnés sont les plus touchés. Environ 59 pays ont intégré ce droit à leurs mesures législatives. Si le droit de revente n'est pas intégré à la loi canadienne, la réciprocité avec d'autres pays comme la France et la Grande-Bretagne est impossible, et les artistes canadiens ne peuvent pas profiter des ventes secondaires à l'étranger.
Le droit de revente mérite d'être examiné dans le cadre du projet de loi C-11. Les sociétés de gestion collectives comme la CARCC sont prêtes à gérer le droit de revente des artistes, et des exemples partout dans le monde nous montrent que le droit de revente n'a pas ou a peu de répercussions sur les marchés de l'art.
Quatrièmement, l'exception pour l'utilisation équitable aux fins d'éducation — et toutes les exceptions sur l'éducation, surtout celles qui se rapportent à Internet — qui est présentée dans le projet de loi C-11 affaiblit la capacité des créateurs de bénéficier de la reproduction de leurs oeuvres. Les créateurs, y compris les éditeurs, bénéficient de l'utilisation dont cet énorme secteur fait de ses oeuvres à bien des égards. Les créateurs fournissent le contenu de la culture canadienne. Les détenteurs des droits sont payés au moment de la publication et par l'octroi de licences collectives de reprographie, l'utilisation par photocopie.
Nous croyons que la gestion collective a un grand rôle à jouer lorsque des copies d'oeuvres sont utilisées. Les utilisateurs peuvent en faire usage comme ils le veulent s'ils paient pour une licence et si les créateurs sont payés. On doit étendre la reprographie à l'utilisation du numérique et à Internet. On doit permettre l'octroi de licence dans le secteur de l'éducation, qui devrait compter payer les fournisseurs de contenu, tout comme il paie ses enseignants et ses autres employés. S'il ne le fait pas, le contenu disparaîtra. Le droit d'auteur contribue à la culture et à l'identité nationale.
Ajouter l'éducation aux dispositions sur l'utilisation équitable donne lieu à des litiges et force les créateurs à se défendre eux-mêmes contre des utilisateurs qui revendiquent l'équité. Bien des activités peuvent être qualifiées d'éducatives. S'attendre à ce que les créateurs et les sociétés de gestion collective contestent chaque revendication sur l'utilisation équitable d'un musée ou d'une entreprise, sans compter les écoles et les universités, équivaut à imposer un très lourd fardeau aux gens qui seraient protégés par le droit d'auteur. Il faut des années de litiges inutiles et coûteux pour clarifier une exception sur l'utilisation équitable, et il se peut que les juges déterminent que ne pas payer des droits est effectivement injuste pour les créateurs. L'éducation devrait vraiment être retirée des dispositions sur l'utilisation équitable.
Sixièmement, Internet ne représente pas l'avenir, mais bien le présent. C'est une forme de publication qui prend de plus en plus d'importance et qui remplace les anciennes façons de faire des copies et de les distribuer. Internet offre d'énormes possibilités. Les créateurs doivent pouvoir en profiter, lorsque leurs oeuvres sont utilisées à des fins privées, lorsqu'elles sont copiées d'un appareil à un autre.
Une redevance sur le matériel de traitement numérique semblable à celle qui existe déjà pour les supports d'enregistrement constituerait une solution juste au problème de paiement pour l'usage à des fins privées. La redevance est un paiement équitable pour quelque chose que les gens utilisent — le contenu —, sans quoi leurs beaux appareils ne sont pas du tout divertissants.
Il y a non seulement des avantages économiques pour les créateurs, mais également pour les utilisateurs. Une redevance permet aux gens d'utiliser une oeuvre librement, dans une certaine mesure, et sans que leur vie privée soit menacée. Elle ne remplace pas les enquêtes sur les activités criminelles que constitue le piratage. Il appartient aux policiers de s'en occuper, et non aux fournisseurs de services.
Le projet de loi C-11 propose des exceptions d'utilisation équitable de la parodie, de la satire et du collage — c'est-à-dire du contenu non commercial généré par l'utilisateur. Ces exceptions, d'une part, affaiblissent les droits moraux des créateurs qui protègent leur réputation, et d'autre part, favorisent une culture du « tout m'est dû ». Les satiristes canadiens prospèrent sans qu'il n'y ait d'exception sur le droit d'auteur. Ils ont encore bien des normes à respecter, même si on inclut une exception.
Les artistes en arts visuels qui pratiquent aussi l'appropriation, qui est souvent la parodie et la satire, se sont bien tirés d'affaire sans l'existence d'exceptions. Dire à ces artistes qu'ils sont libres de le faire aux termes de la Loi sur le droit d'auteur ne les protège aucunement d'autres formes de poursuites, comme pour la protection des marques ou le libelle. Dans d'autres pays, les exceptions sur la parodie et la satire ont provoqué des litiges qui n'en finissent plus, en plus d'être coûteux et non décisifs. Nous pensons qu'elles devraient être retirées du projet de loi C-11.
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Monsieur le président, membres du comité et madame la greffière, je m’appelle John Lawford, et je suis accompagné de Mme Janet Lo. Nous sommes des avocats du Centre pour la défense de l'intérêt public, l’un des quatre principaux groupes de consommateurs canadiens qui forment l’Initiative canadienne des consommateurs, l’ICC. Les autres membres de cette coalition sont le Conseil des consommateurs du Canada, Option consommateurs et l’Union des consommateurs.
L’ICC souhaite donner au comité son point de vue sur l’intérêt des consommateurs quant aux dispositions législatives sur le droit d’auteur. Les consommateurs constituent l’un des trois groupes d’intervenants qui participent à cette discussion, avec les artistes et les détenteurs de droits. Toutefois, malgré la grande importance des consommateurs, nous n’avons pas bien entendu leurs voix, ou elle n’a pas été clairement exprimée au cours du débat.
Les consommateurs achètent du contenu protégé par le droit d’auteur. Ils aiment ce contenu. Ils rémunèrent directement ou indirectement les artistes et les détenteurs de droits. Ils constituent un élément essentiel dans la création d'une loi sur le droit d’auteur équitable qui favorise le contenu créatif et permet aux consommateurs d’apprécier ce contenu. On ne peut pas le faire sans tenir compte des consommateurs.
Le projet de loi contribue à la reconnaissance de ce rôle fondamental qu'ont les consommateurs. Nous aimons la reconnaissance explicite des droits des consommateurs: les droits des consommateurs pour tout le contenu protégé par le droit d’auteur, les droits clairs sur la sauvegarde du contenu, le changement de support et l'enregistrement pour écoute en différé. Nous saluons également l'effort de reconnaître le contenu généré par les utilisateurs qui est non commercial, créatif et répandu. Dans sa forme actuelle, cette disposition assure la créativité non commerciale, légitime et non destructive du consommateur.
Cependant, nous avons dû limiter notre enthousiasme sur les droits des consommateurs contenus dans le projet de loi, car les serrures numériques ou les mesures techniques de protection risquent de primer sur ces droits. Nous croyons toujours que dans le projet de loi, l’équilibre des forces entre les détenteurs de droits et les consommateurs favorise trop les premiers. Les consommateurs peuvent être privés de tous leurs droits qui y sont énoncés à cause des mesures techniques de protection, et ce, de deux façons.
Premièrement, la protection générale des mesures techniques de protection dans l’article 41 proposé interdit aux consommateurs la sauvegarde du contenu, l’enregistrement pour écoute en différé ou le changement de support si le contenu est protégé par une serrure numérique. Deuxièmement, chacun des droits du consommateur présentés dans les nouveaux articles, de 29.22 à 29.24, contient des paragraphes et des alinéas qui rendent ce droit applicable seulement si la personne « ne contourne pas […] une mesure technique de protection, au sens de ces termes à l’article 41, pour faire la reproduction […] ou enregistrer l’émission ».
En effet, selon ces passages, lorsqu’il y a une mesure technique de protection, le droit de changer de support, d’enregistrer le contenu pour écoute en différé ou de sauvegarder n’existe même pas. C’est important, car les consommateurs ne pourront même jamais faire valoir qu’ils exercent leurs droits en tant que consommateurs s’ils contournent la mesure technique de protection. Si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, un consommateur qui contourne une serrure numérique, mais pas à des fins de contrefaçon, violera la Loi sur le droit d’auteur. Même si un consommateur n'avait pas à verser des dommages-intérêts pour avoir contourné une mesure à des fins privées, nous sommes préoccupés par l’effet néfaste de déclarer illégaux tous les outils qui permettent le contournement des MTP, même lorsqu’ils ne sont conçus et utilisés que pour permettre aux consommateurs de jouir de leurs droits.
Bref, aucune entreprise ou personne ne distribuera un tel logiciel par peur ou par responsabilité, et la très grande majorité des consommateurs ne pourront pas le faire eux-mêmes. Par conséquent, les détenteurs de droits dicteront les droits des consommateurs et ils se serviront de ce pouvoir pour nier ces droits ou pour exiger des paiements supplémentaires pour le contenu qui peut être sauvegardé, enregistré pour écouter en différé, ou pour le changement de support.
Les consommateurs se heurteront à toute une panoplie de restrictions de MTP sur les dispositifs, les médias et les modes de prestation qui rendront fort probablement une partie du contenu qu’ils ont acheté injouable et presque assurément beaucoup moins sécuritaire et utilisable. Le marché ne réglera pas le problème. Les intérêts commerciaux des artistes et des détenteurs de droits vont dans le sens inverse.
Le comité chargé du projet de loi a entendu le témoignage de Mme Milman, qui a expliqué qu’elle aimerait être rémunérée deux fois, lorsque le consommateur achète son CD et lorsqu’il le transfère sur son iPod. Le même comité a entendu le témoignage de Mme Parr, de l’Association canadienne du logiciel de divertissement, qui a dit que les MTP sont importantes pour les nouveaux modèles d’entreprise, car ils créent plus de choix pour les consommateurs, de plus faibles prix et plus de souplesse.
Les consommateurs ne sont pas de cet avis. Ils agissent comme toute personne normale qui change de support, enregistre le contenu pour l'écouter en différé et fait des copies de sauvegarde. Ils croient avoir bien agi en achetant du contenu, en le payant une fois et en l’utilisant normalement. Ils ont le droit de s’attendre à cela. Il revient à l’industrie de se structurer pour être rentable dans ce contexte et de rémunérer ses artistes de façon équitable, et non au Parlement de créer une loi pour les détenteurs de droits et les artistes qui protège les modèles d’entreprise hiérarchisés et non équitables et qui va à l’encontre de l’intérêt public.
Il faut au moins amender le projet de loi de façon à ce que les attentes du consommateur et l'utilisation du contenu protégé par le droit d'auteur soient reconnues. Nous recommandons donc au comité d'envisager de rayer le passage que j'ai cité dans chacun des nouveaux articles proposés, de 29.22 à 29.24, soit les alinéas 29.22(1)c), 29.23(1)b) et 29.24(1)c). Ces restrictions de MTP contenues dans le texte de ces prétendus droits des consommateurs sont à tout le moins redondantes, et tout au plus, contraires aux droits des consommateurs qui sont soi-disant conférés dans ces articles.
Pour ce qui est des mesures techniques de protection proposées à l'article 41 et de ce que cela signifie pour les consommateurs et d'autres usages publics de contenu protégé par le droit d'auteur, l'ICC croit savoir que l'Association canadienne des bibliothèques a rédigé un amendement qu'elle a proposé au comité au sujet de la définition de « contournement », qui garantit aux Canadiens de pouvoir invoquer leurs pleins droits en tant qu'utilisateurs de renseignements en les autorisant à contourner des serrures numériques à des fins licites. Nous soutenons cet amendement.
Par ailleurs, nous accueillons favorablement les changements sur le droit à l'utilisation équitable, notamment aux fins d'éducation, de parodie et de satire. Cependant, encore une fois, l'ICC est déçue que la reconnaissance de droits comme celui-là qui défendent l'intérêt public puisse être limitée à cause des serrures numériques.
Enfin, l'ICC a un amendement précis à suggérer au comité. Je l'ai donné à la greffière et il est rédigé dans les deux langues. J'espère que vous en avez une copie.
Nous sommes très contents que le projet de loi crée une catégorie pour les violations commises à des fins non commerciales pour les dommages-intérêts qui sont limités à 5 000 $ pour toutes les violations. Cela rassure un peu les consommateurs, qui n'auront pas à répondre aux exigences déraisonnables et irréalistes d'entreprises dont le modèle d'affaires se fonde sur le droit d'auteur et qui poursuivent les consommateurs, qui ne tirent pas parti des violations.
Toutefois, le nouvel article 38.1 permet toujours aux détenteurs de droits de poursuivre les consommateurs de la même manière. Cet article donne aux détenteurs de droits le choix d'intenter des poursuites pour les dommages de fait ou les dommages-intérêts. Bien que le montant à verser pour les dommages-intérêts dans le cas de violations commises à des fins non commerciales ne peut dépasser 5 000 $, le détenteur de droits peut se servir d'autres dommages en espérant qu'un consommateur qui reçoit une lettre de règlement payera. Le montant exigé pourrait dépasser largement les 5 000 $ pour une violation commise à des fins non commerciales, même s'il est pratiquement improbable que le détenteur de droits prouve de tels dommages.
Le passage clé est le suivant: « peut, avant le jugement ou l'ordonnance qui met fin au litige, choisir ». Cela permet au détenteur de droits ou à l'agent de menacer de procéder selon les dommages de fait et d'envoyer cette lettre jusqu'au jugement définitif. Ce pouvoir qu'ont les détenteurs de droits doit être retiré. Il a été utilisé de façon abusive aux États-Unis dans le cadre de la Digital Millennium Copyright Act.
Au Canada, nous avons plusieurs cas de poursuites contre des consommateurs, comme celle qui concerne le film The Hurt Locker, où l'on attend l'adoption du projet de loi. La solution, c'est d'exiger des détenteurs de droits qu'ils choisissent au début de la procédure de démontrer les dommages de fait ou d'utiliser les dommages-intérêts lorsqu'ils invoquent une violation commise à des fins non commerciales.
Notre amendement contribuera à garantir ce qui était, selon nous, l'intention initiale du projet de loi: guider les détenteurs de droits au sujet des dommages-intérêts plafonnés pour la plupart des violations commises à des fins non commerciales par le consommateur.
Nous remercions les membres du comité de leur attention, et nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Merci.
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Veuillez s'il vous plaît retourner à votre place, car nous reprendrons dans un instant.
Bonjour, tout le monde. Je vous remercie d'être venus à la deuxième partie de la 5e séance du Comité législatif chargé du projet de loi .
Compte tenu des votes qui auront lieu tout à l'heure, la deuxième partie sera très courte. La séance suivra son cours jusqu'à 17 h 30 puis, à l'appel de la sonnerie, je demanderai le consentement unanime de tous les partis pour que nous puissions poursuivre environ 15 minutes de plus.
Nous avons demandé aux témoins et aux invités de limiter leur exposé à cinq minutes. Ainsi, nous aurons au moins le temps de terminer le premier tour et d'entendre une bonne partie des renseignements que vous désirez nous communiquer.
Nous avons une copie papier de vos exposés en main, et je vous en remercie. J'encourage tous les membres du comité à lire les documents en entier.
Nous accueillons aujourd'hui deux représentants d'Audio Ciné Films inc., Jean-François Cormier et Bertrand-Olivier Desmarteau. Nous recevons également John Fisher et Suzanne Hitchon, des films Criterion. Enfin, Yves Légaré et Sylvie Lussier sont avec nous au nom de la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma.
Nous allons commencer par écouter l'exposé des représentants d'Audio Ciné Films inc., qui disposent de cinq minutes.
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Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité chargé du projet de loi C-11. Je vous remercie de nous donner l'occasion de comparaître aujourd'hui au nom de l'industrie pour vous parler des conséquences non voulues, nous le souhaitons sincèrement, que pourrait entraîner le projet de loi C-11.
Je m'appelle Jean-François Cormier, et je suis le directeur général d'Audio Ciné Films, une entreprise établie à Montréal. Je suis accompagné de M. Desmarteau, notre directeur des communications.
Audio Ciné Films est le représentant exclusif et le distributeur de milliers de films dont se servent les établissements d'enseignement d'un bout à l'autre du Canada. Notre bureau d'attache est situé à Montréal, mais nous faisons affaire avec des organismes et des établissements francophones et anglophones de partout au Canada. Nous sommes l'une des centaines d'entreprises canadiennes qui participent à la production et à la distribution de matériel dans le secteur de l'éducation. Ainsi, nous fournissons à des milliers d'écoles, collèges et universités d'un bout à l'autre du pays du matériel, des droits et des services à juste prix.
Un bon exemple de notre travail est le film Monsieur Lazhar, qui représentait le Canada dimanche dernier dans la catégorie du Meilleur film en langue étrangère aux Oscars. Grâce à la licence d'Audio Ciné Films, les établissements d'enseignement peuvent facilement présenter ce film, tout comme des milliers d'autres, y compris Le Petit Monde de Charlotte et 12 hommes en colère.
Audio Ciné Films n'est qu'une des plus de 500 entreprises que représente cette industrie, qui compte plus de 8 000 employés et qui génère entre 30 et 50 millions de dollars de revenus annuels.
Plus particulièrement, Audio Ciné Films investit habituellement des centaines de milliers de dollars par année pour faire connaître et pour vendre ses produits, et pour gérer un site Web contenant de l'information sur toutes les oeuvres cinématographiques qu'elle représente. Le site Web permet aussi aux établissements d'enseignement de rechercher des films sur un sujet précis, comme l'histoire canadienne, la littérature ou les enjeux sociaux. Les écoles y trouveront également des centaines de guides d'animation gratuits.
Puisque notre industrie s'oriente vers la diffusion en continu et les formats numériques, nous prévoyons qu'il faudra investir beaucoup plus pour suivre le rythme de la technologie et de la demande dans le secteur de l'éducation. Audio Ciné Films et le Visual Education Centre des films Criterion, dont les représentants témoigneront tout à l'heure, sont des entreprises privées qui n'ont jamais reçu d'aide ou de subvention du gouvernement. Les prix de nos produits et services sont concurrentiels.
Nous faisons partie des rares secteurs de l'industrie cinématographique qui ne bénéficient pas de fonds publics. Pourtant, nous sommes très vulnérables aux modifications que propose le projet de loi . Même si nous convenons que la réglementation sur le droit d'auteur doit être mise à jour, plusieurs dispositions du projet de loi entraîneront des conséquences non voulues, croyons-nous, qui causeront un sérieux préjudice financier à notre secteur et à l'ensemble de l'industrie.
Plus particulièrement, la modification proposée de l'article 29.5 de la Loi sur le droit d'auteur, qui porte sur les représentations, fera en sorte que les établissements d'enseignement ne seront plus tenus d'acheter les licences actuellement obligatoires pour présenter des oeuvres cinématographiques à des fins pédagogiques. Cette modification renverserait le fardeau de la preuve, rejetterait sur l'industrie la responsabilité de surveiller les infractions, réduirait ou abolirait les pénalités actuellement en vigueur et éliminerait les exigences de production de rapports.
L'amendement que nous proposons se trouve dans notre mémoire. À notre avis, vous pourriez facilement l'intégrer à l'article 29.5 de la Loi sur le droit d'auteur.
Le secteur de l'éducation est le gagne-pain presque exclusif de l'ensemble de notre industrie. En effet, la production d'oeuvres cinématographiques, les droits afférents, leur représentation et leur distribution dans les écoles, les collèges et les universités, ainsi que les revenus tirés de la vente des licences sont autant d'éléments essentiels à la santé de notre industrie. Si vous n'apportez pas quelques amendements de forme mineurs au projet de loi , celui-ci entraînera une perte globale d'emplois et d'investissements qui se traduira par une baisse de l'offre de matériel éducatif dans les écoles.
Nous exhortons aujourd'hui les membres du comité à prendre conscience du tort qu'ils causeront à notre industrie et des emplois qui seront perdus si les modifications proposées de l'article 29.5 sont adoptées telles quelles.
Les petites entreprises comme la nôtre sont au coeur de la réussite économique de notre pays. Notre industrie en est la meilleure preuve, puisqu'elle se compose principalement de petites entreprises privées non subventionnées et pourvues d'un personnel travailleur et novateur.
Je vous remercie.
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Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de nous donner l'occasion de comparaître aujourd'hui au nom de nos entreprises respectives et de notre industrie.
Je m'appelle Suzanne Hitchon, et je suis accompagnée de John Fisher. Nous représentons les films Criterion, une division de Visual Education Centre, qui est l'un des plus importants distributeurs de documents audiovisuels au Canada. Notre entreprise cible la distribution de documents liés aux programmes scolaires utilisés en classe. Nous sommes en activité depuis les années 1960.
Notre industrie offre, dans les deux langues officielles du Canada, un large éventail de documents audiovisuels pour tous les niveaux et toutes les matières. Nous sommes ici aujourd'hui au nom de toute une industrie qui pourrait bien disparaître advenant l'adoption du .
Notre industrie, qui ne reçoit aucune subvention gouvernementale, emploie au total plus de 8 000 Canadiens.
Depuis plus de 50 ans, notre industrie offre des services hautement valorisés et à juste prix aux établissements d'enseignement, et elle contribue à l'économie canadienne en générant entre 30 et 50 millions de dollars de revenus annuels. À l'image de bien des industries du secteur privé et petites entreprises canadiennes, nous ne pouvons nier que nous faisons face à notre juste part de difficultés. Nous avons dû nous adapter au changement, prendre des risques financiers, faire l'apprentissage de nouvelles technologies et subir les compressions budgétaires tout en répondant aux besoins de nos clients, qui demandent plus de services à moindre coût. C'est la réalité du secteur privé.
Afin de répondre aux besoins de nos clients, notre entreprise a investi à elle seule des millions de dollars ces dernières années à la conception d'un environnement de livraison numérique qui comporte plus de 25 000 documents audiovisuels liés aux programmes scolaires du primaire et du secondaire. Pendant cette période de changements, notre entreprise a survécu et a connu une croissance sans recevoir d'aide ni de subvention du gouvernement. Or, depuis les débuts de notre secteur, rien n'a jamais autant menacé notre survie, notre gagne-pain et l'investissement de notre vie que l'adoption du projet de loi C-11 sous sa forme actuelle. S'il était adopté sans amendement, le projet de loi entraînerait des conséquences catastrophiques pour nos deux entreprises et notre industrie.
Si le libellé actuel du projet de loi C-11 était adopté, les établissements d'enseignement ne seraient plus tenus de payer pour la reproduction du matériel dont ils nous achètent actuellement la licence, ce qui entraînerait une perte directe de millions de dollars de revenus et nous obligerait même à fermer nos portes. Le projet de loi actuel renverserait le fardeau de la preuve et obligerait l'industrie à surveiller les infractions dans plus de 15 000 écoles d'un bout à l'autre du pays — une tâche impossible. De plus, il réduirait les pénalités liées aux infractions et éliminerait toute exigence de production de rapports.
Les nouvelles modalités du projet de loi C-11 se traduiront par une perte globale d'emplois et d'investissement et par une baisse de l'offre de matériel au Canada, puisque la plupart des incitatifs financiers favorisant les investissements du secteur privé seront abolis. Par conséquent, les étudiants et les professeurs dépendront davantage des oeuvres cinématographiques américaines, et les produits canadiens deviendront une denrée rare.
Le gouvernement, s'il accorde une valeur aux programmes canadiens, devra au bout du compte combler le vide en finançant, à partir des deniers publics, des organismes comme l'Office national du film du Canada ou CBC/Radio-Canada.
L'adoption du projet de loi C-11 sous sa forme actuelle n'est avantageuse ni pour l'industrie des films non destinés aux salles de cinéma, dont nous faisons partie, ni pour la communauté éducative du Canada. Personne n'y gagne. Les agents d'éducation ne demandent pas à être exemptés des dispositions actuelles sur le droit d'auteur. Or, c'est ce qui est prescrit dans le projet de loi. Lors du témoignage du Conseil des ministres de l'Éducation, au cours des audiences sur le , la présidente du conseil et ministre de l'Éducation pour la Nouvelle-Écosse a été très claire à ce sujet:
Nous ne cherchons pas à obtenir quoi que ce soit gratuitement. Le secteur de l'éducation paie pour obtenir des licences et remet des redevances de droit d'auteur, et il continuera à le faire. Les amendements que nous proposons visent à préciser la situation.
Mme Rosalind Penfound, sous-ministre du Conseil des ministres de l'Éducation, a également affirmé ceci:
Nous évaluons que chaque année à travers le Canada, il y a probablement plus d'un milliard de dollars qui est dépensé par le secteur de l'éducation pour rémunérer les créateurs pour leurs livres, leurs films, leurs oeuvres d'art, etc.
Nous ne prévoyons pas que ce projet de loi réduira le montant payé par le secteur de l'éducation dans ce domaine.
Enfin, voici ce que Mme Cynthia Andrew, de l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires, a indiqué hier dans son témoignage:
... on a laissé entendre que le milieu de l’éducation ne voulait pas payer pour le matériel didactique. C’est inexact. À l’heure actuelle, les établissements d’enseignement paient pour utiliser son contenu et pour le copier.
L’ACCS ne soutient pas que les conseils scolaires ne devraient pas payer pour la propriété intellectuelle et n’a jamais proposé une telle chose.
C'est la fin de la citation.
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Bonjour et merci, monsieur le président et messieurs les députés.
La Société des auteurs de radio, télévision et cinéma est un syndicat professionnel regroupant près de 1 400 auteurs dans le domaine de l'audiovisuel.
D'entrée de jeu, je dois vous dire que nous ne sommes pas favorables à l'adoption du projet de loi dans sa version actuelle. Si le projet de loi comporte quelques éléments intéressants, les mesures propres à renforcer le droit d'auteur sont beaucoup moins nombreuses que celles qui le limitent ou le restreignent.
Chaque révision de la Loi sur le droit d'auteur apporte son lot de nouvelles exceptions qui influent sur le revenu des créateurs, soulèvent des problèmes d'interprétation et, parfois, entraînent une judiciarisation des rapports entre ayants droit et utilisateurs. Le projet de loi n'y fait malheureusement pas exception.
Le régime de la copie privée ne s'applique actuellement qu'au domaine sonore. L'avènement du numérique favorisant l'accès et la reproduction des oeuvres, il nous apparaissait souhaitable que ce régime s'étende aux livres, aux films, et ainsi de suite, et qu'il protège la valeur économique des oeuvres de toute nature. Or, le projet de loi condamne à terme la copie privée en limitant le régime de compensation aux supports audio vierges...
Je disais donc que le projet de loi condamne à terme la copie privée en limitant le régime de compensation aux supports audio vierges plutôt que de l'étendre aux autres supports ou lecteurs maintenant utilisés. En créant également de nouvelles exceptions, par exemple la reproduction à des fins privées, le législateur sonne le glas de toute extension éventuelle du régime de la copie privée à l'audiovisuel et aux autres secteurs.
Copier à des fins privées est une pratique répandue, qu'il est illusoire de vouloir enrayer ou de penser criminaliser. Le régime de copie privée permettait justement de rendre légale cette pratique en compensant les auteurs. À l'heure où les oeuvres circulent de plus en plus sur diverses plateformes, son extension s'avérait pourtant une solution potentielle aux problèmes de contrôle des utilisations.
Le projet de loi permet l'utilisation d'oeuvres obtenues de manière légitime à des fins non commerciales de création de contenu par l'utilisateur. Cette mesure ne doit cependant s'appliquer qu'aux créations qui n'influent pas sur le marché de l'oeuvre originale, comme la création d'un vidéoclip maison ou d'un mixage de vidéoclips. Cette exception serait justifiée parce que, de plus en plus, les Canadiens utilisent le contenu de façon à contribuer au tissu culturel de notre société et qu'il est important qu'ils soient pleinement en mesure de participer à l'économie numérique.
Il est difficile de participer pleinement à l'économie numérique en évitant toute visée commerciale. Certaines utilisations sont plutôt anodines, mais l'application de cette exception risque d'être beaucoup plus large et difficile à interpréter. Utiliser une oeuvre pour en faire une autre, c'est aussi faire abstraction du droit moral de l'auteur et de l'intégrité de son oeuvre. Comment le législateur peut-il autoriser n'importe qui à s'approprier le fruit du talent de l'auteur? Cette nouvelle exception ouvre la porte à des utilisations diverses dont le contrôle sera impossible.
Nous n'avons rien contre la parodie et la satire; nos auteurs en écrivent. Mais autant nous défendons leur droit à les écrire, autant nous refusons que l'on s'approprie les oeuvres uniquement pour s'accrocher à leur succès et à leur notoriété.
Bien des auteurs ont actuellement recours à la parodie et à la satire sans être poursuivis. Pourquoi le législateur croit-il utile de modifier la loi en incluant la parodie et la satire dans l'utilisation équitable? Ne risque-t-on pas d'en étendre inutilement la portée, d'ouvrir la porte à une interprétation plus permissive et de donner lieu à de nouveaux procès?
Généralement, les exceptions sont supposément motivées par la recherche d'équilibre entre les ayants droit et les utilisateurs. Les exceptions du projet de loi touchent l'audiovisuel, mais plus encore les autres secteurs. Nulle part n'est-il démontré que l'accès gratuit aux oeuvres contribue à un rééquilibrage du rapport de force.
Ces dernières années, la numérisation a rendu de plus en plus faciles la reproduction d'oeuvres et l'accès aux oeuvres, mais en a compliqué la rémunération. Le déséquilibre existe, mais il joue nettement à l'encontre des ayants droit.
La loi actuelle renfermait toutes les balises nécessaires pour favoriser l'équilibre entre les ayants droit et les utilisateurs. D'une part, l'existence de sociétés de gestion collective facilite l'accès aux oeuvres. D'autre part, la Commission du droit d'auteur est en mesure d'intervenir pour fixer les tarifs si les parties en présence n'arrivent pas à une solution négociée.
Avant d'ajouter de nouvelles exceptions au droit d'auteur, le législateur aurait pu aussi se rappeler que ce droit est enchâssé dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, et que des traités internationaux comme la Convention de Berne spécifient que les exceptions doivent normalement relever de cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du détenteur de droit.