FOPO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des pêches et des océans
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 15 février 2012
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Je tiens à remercier nos invités. Nous vous savons gré d'avoir pris le temps de vous joindre à nous aujourd'hui. Nous vous remercions de votre contribution à nos travaux.
Le greffier du comité n'aura pas manqué de vous indiquer que nous nous livrons actuellement à l'étude de l'aquaculture en parc clos. Nous avons hâte de recueillir votre avis sur ce sujet.
Je vais vous dire un mot de notre manière de procéder. Nous avons réservé 10 minutes à la présentation des exposés. Après cela, nous passerons aux questions. S'il m'arrive d'intervenir lors du temps réservé aux questions, c'est parce que les membres du comité ne disposent chacun, pour les questions et les réponses qui s'y rapportent, que d'un temps limité. Il leur arrive de vouloir poser un maximum de questions, mais par souci d'équité, nous tâchons d'accorder à chacun un égal temps de parole.
Je tiens encore une fois, mesdames, à vous remercier de votre comparution devant le comité.
Madame Crocker, je crois savoir que vous avez un exposé à nous présenter. Puis-je vous demander aussi, de nous présenter votre collègue. Vous avez la parole.
Je vous remercie.
Je m'appelle Karen Crocker. Je suis accompagnée de Brenda Patterson.
Je vous parle aujourd'hui de l'aquaculture en parc clos à titre de présidente de la St. Mary's Bay Coastal Alliance, en tant que propriétaire d'une agence spécialisée en écotourisme et en tant que membre de l'industrie de la pêche au homard. Je vis à Freeport, petit village de pêche situé dans l'île Long, en Nouvelle-Écosse. Les îles Long et Brier lsland se trouvent à la pointe sud-ouest de la Nouvelle-Écosse; nous sommes nichés entre la baie Sainte-Marie et la baie de Fundy.
La population totale des deux îles est d'environ 700 habitants. Ces îles ont été colonisées à la fin des années 1700. Les habitants des îles Long et Brier dépendent depuis 1785 de l'industrie de la pêche pour faire vivre leurs familles et leur collectivité.
Mon conjoint est un pêcheur de homard de la zone de pêche du homard 34, comme l'ont été son père et son grand-père. La pêche au homard dans les ZPH 33 et 34 représente 40 p. 100 des débarquements de homard canadiens. Selon les statistiques du ministère des Pêches et des Océans pour la saison 2010-2011, de novembre à mai, 19 770 tonnes métriques de homard ont été débarquées dans la ZPH 34. Depuis 1995, nous exploitons aussi pendant l'été une agence d'écotourisme: nous offrons des excursions d'observation des baleines et des oiseaux de mer.
Il se pratique sur les côtes de nos îles une pêche du homard à la fois dynamique et lucrative. Actuellement, 42 titulaires de permis pêchent à partir des îles Long et Brier. Ils emploient environ 210 résidents à temps plein pendant la saison de la pêche. Cette donnée n'inclut pas les emplois indirects créés par notre industrie, tels que les travailleurs d'usines de transformation du poisson, les chauffeurs de camion, les acheteurs locaux, etc. Nous sommes résilients.
En plus de notre pêche au homard, les pêcheurs locaux ont développé dernièrement une pêche à la ligne à main, appuyée par la collectivité, selon le modèle de l'agriculture soutenue par la communauté, l'ASC, initiative appelée « Off the Hook ». Cette initiative vient d'être désignée comme finaliste dans un concours international, Turning the Tide for Coastal Fisheries Solutions. Ce concours, organisé par la National Geographic et par la firme Rare, a pour objet de reconnaître les innovations communautaires pour les pêches côtières, s'appuyant sur des résultats concluants. Le concours avait reçu 103 inscriptions de 48 pays, et l'initiative Off the Hook est heureuse d'avoir été classée parmi les trois meilleures.
Nos collectivités et nos pêches sont maintenant menacées par des activités d'aquaculture en cage. La St. Mary’s Bay Coastal Alliance a été formée en 2010 en réponse à une demande de location en vue de l'aménagement de deux parcs industriels d'engraissement du saumon en cage dans la baie Sainte-Marie. Les baux devaient être les plus importants en Nouvelle-Écosse à ce jour et devaient couvrir 208 acres de la baie Sainte-Marie. Chaque parc devait héberger un million de saumons.
Les membres de l'Alliance sont en grande partie des titulaires de permis de pêche de la ZPH 34 et leurs membres d'équipage, ainsi que des propriétaires fonciers et des citoyens de la région préoccupés par ce dossier. Depuis le dépôt de notre première pétition, à l'été 2010, tandis que 80 p. 100 de nos résidents s'étaient déclarés opposés à la demande, nos collectivités sont restées unies contre l'aménagement de ces parcs d'engraissement.
Les collectivités ont participé au processus public, y compris le volet d'examen préalable de l'évaluation environnementale, où les demandes ont été examinées. Toutes les fois que notre collectivité en a eu l'occasion, elle a écrit des lettres, participé à des réunions et exprimé ses préoccupations quant au projet; elle a demandé aux ministères provincial et fédéral de mettre fin au projet d'aménagement. Nos appels n'ont pas été entendus. En effet, le projet a reçu le feu vert à l'été 2011.
Notre opposition à l'aquaculture en cage comporte aujourd'hui trois axes: le déplacement des pêcheurs de homard, l'utilisation de pesticides et la traçabilité.
Pour ce qui est du déplacement, les éléments qui ont immédiatement alarmé les pêcheurs étaient l'emplacement des lieux visés par le bail, et l'empreinte des activités sur les lieux de pêche traditionnels. À l'approbation du bail, 21 pêcheurs de homard locaux ont été déplacés. Étant donné la région visée par le bail, il allait devenir difficile, sinon impossible, pour ces pêcheurs d'installer des casiers dans des endroits où ils avaient pêché depuis des générations. Le bail vise une région où se trouve un lieu de pêche traditionnel que les pêcheurs appellent « Deep Hole ». Les pêcheurs locaux connaissent bien cette région pour son abondance de homards à l'automne et au début de la pêche au homard, en novembre.
Sur le plan de l'utilisation de pesticides, nous avons rapidement été au fait des préoccupations croissantes partagées partout dans le monde quant aux infestations de pou du poisson auxquelles doivent faire face les fermes de salmoniculture à grande échelle et quant aux pesticides utilisés comme traitement. Il a été bien documenté que les pesticides utilisés pour éradiquer le pou du poisson peuvent être nocifs et même fatals pour le homard. Les accusations portées dernièrement au Nouveau-Brunswick par Environnement Canada, en rapport avec les cas de mortalité de homards causés par l'utilisation de pesticides dans les fermes d'élevage en cage constituent une preuve de ce lien.
La décision de placer ces cages dans la baie Sainte-Marie signifie que les pesticides seront un jour utilisés dans notre baie. Pourquoi la province de la Nouvelle-Écosse, avec l'aide du gouvernement du Canada, désire-t-elle mettre en péril un lieu reconnu comme l'un des territoires de pêche au homard les plus lucratifs au Canada? Le Centre de la science du homard du collège vétérinaire de l'Atlantique a classé le homard de la baie Sainte-Marie dans la catégorie des homards à carapace dure de première qualité dans son rapport 2011. La baie Sainte-Marie est également une aire de croissance du homard. À notre connaissance, personne ne sait quels sont les effets des pesticides utilisés dans la lutte contre le pou du poisson sur les larves de homard et les femelles oeuvées. L'aménagement de 200 acres pour l'aquaculture en cage dans la baie Sainte-Marie a pourtant été autorisé.
Au chapitre de la traçabilité, comme nous le savons tous, les consommateurs se préoccupent de plus en plus de la provenance de leurs aliments. Ils sont prêts à payer un prix élevé pour des aliments qu'ils savent sains et sécuritaires. Le Conseil canadien du homard vient de publier un rapport sur l'industrie du homard et sur la pleine traçabilité de notre produit. Les consultants ont constaté que les sociétés qui achètent du homard, telles les chaînes de restaurants et les grands distributeurs de produits alimentaires, demandent à leurs fournisseurs des renseignements plus détaillés qu'avant au sujet de l'origine et du traitement des produits qu'ils achètent. Les pêcheurs de homard de notre région participent à des projets pilotes de traçabilité. Nous appuyons la traçabilité, parce que nous savons que nos eaux et nos homards pourraient être concurrentiels sur les marchés internationaux.
Avec le nouveau programme de traçabilité, nous nous préoccupons de la perception qu'auraient les marchés mondiaux de la qualité de notre homard s'il était récolté dans les parcs d'engraissement en cage ou dans les environs. Le monde est de plus en plus sensibilisé à la question de l'utilisation de pesticides dans l'industrie salmonicole. Nous craignons que la réputation de qualité de notre source alimentaire naturelle, le homard, soit entachée par l'association à l'exposition à ces produits chimiques. Les pêcheurs de homard du Nouveau-Brunswick nous ont dit craindre de parler de leurs préoccupations au sujet de l'utilisation des pesticides en raison des effets potentiels sur les marchés et le prix du homard.
Le monde est plus petit et les consommateurs plus exigeants qu'avant. Nous voyons maintenant des études qui recommandent aux consommateurs de limiter leur consommation de saumon d'élevage. Si les parcs d'engraissement étaient aménagés dans des régions vulnérables sur le plan écologique, comme la baie Sainte-Marie, quelles seraient les conséquences pour notre pêche sauvage traditionnelle?
Nous trouvons de plus en plus troublant le fait que le gouvernement fédéral ne se préoccupe pas de cette menace bien réelle pour la viabilité de notre produit naturel actuellement sain, le homard. Nous pensons que les gouvernements vont de l'avant et désirent accroître la production de saumon dans notre province sans observer le principe de précaution à l'égard de ce genre d'industrie et de son risque de nuire à notre pêche au homard, qui est déjà lucrative et durable. Nos collectivités dépendent de cette pêche.
Notre secteur de la pêche sauvage traditionnelle emploie environ 90 p. 100 des résidents de nos îles et leur verse un salaire concurrentiel. Il est clair que la pêche au homard en Nouvelle-Écosse constitue le moteur de l’économie du sud-ouest de la province. Et le homard est le produit de la mer qui rapporte le plus au Canada sur le plan de l’exportation.
Si la Nouvelle-Écosse encourageait les sociétés qui désirent exercer des activités de salmoniculture à adopter des pratiques durables, comme l’élevage en parc clos, nous aurions le meilleur des deux mondes. Nous soutiendrions et protégerions notre ressource naturelle renouvelable très précieuse, notre pêche sauvage, et développerions une nouvelle industrie durable non traditionnelle, l’élevage du saumon en parc clos.
La tendance des consommateurs à rechercher des sources alimentaires naturelles, saines et durables croît rapidement et elle continuera d’être très importante pour les producteurs. Nous encourageons le gouvernement à développer l’industrie en fonction de cette tendance de plus en plus forte.
Merci.
Je vous remercie pour l'exposé que vous nous avez présenté.
Nous allons maintenant passer directement aux questions.
Monsieur Kamp.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à mon tour à vous remercier pour votre exposé et pour votre présence ici aujourd'hui.
Ma première question concerne votre participation au processus d'évaluation environnementale au niveau de l'examen préalable. Vous nous avez dit tout à l'heure qu'à chaque fois que vous en avez eu l'occasion, vous avez expliqué pourquoi vous vous opposez aux demandes d'aménagement de parcs industriels d'engraissement du saumon, mais que ces demandes ont tout de même fini par être approuvées.
Comment expliquez-vous cela? Il y a lieu de penser que les décisions en question ont été prises au vu de connaissances scientifiques basées sur l'ensemble des données disponibles. Êtes-vous en désaccord sur ce point? Quelles sont les considérations en cause?
Eh bien, je crois qu'il y a eu plusieurs choses. D'abord, la procédure d'examen des sites en question n'est pas adaptée à la taille des projets envisagés. En effet, il y a 25 ans, ce genre de demandes visaient de petites exploitations de 5 à 10 000 poissons, alors qu'aujourd'hui, les demandes concernent des sites où seraient élevés un million de poissons.
En ce qui nous concerne, à chaque fois que nous en avons eu la possibilité, nous sommes intervenus dans le cadre de la procédure en présentant nos observations, en posant des questions et en faisant part de nos préoccupations. Or, nous n'avons jamais reçu de réponse écrite, ni du gouvernement provincial, ni du ministère des Pêches et de l'Aquaculture.
D'après nous, la procédure d'examen préalable n'est plus adaptée. Elle relève en effet du niveau le moins exigeant d'évaluation environnementale.
Nous demandions qu'en raison de l'ampleur des demandes de location, et des incidences que cela aurait sur l'environnement, ces demandes soient soumises à une nouvelle procédure d'examen.
Cela soulève d'autres questions encore. En effet, à ce niveau, l'examen préalable ne prévoit aucune aide financière permettant au public de participer à la procédure. Or, nous sommes une toute petite collectivité, en grande mesure démunie des connaissances scientifiques nécessaires. On s'attendrait à ce que nous présentions des observations sur l'aménagement d'un site industriel à grande échelle, comme Karen le disait tout à l'heure, mais nous n'en avions pas les moyens.
J'ajoute que le type d'examen préalable actuellement effectué ne tient pas compte des incidences socioéconomiques d'un projet. Ce genre de considérations ne sont pas en effet prises en compte dans le cadre de l'examen préalable.
Permettez-moi de dire, cependant, que ceux qui effectuent l'examen préalable doivent certainement tenir compte de l'ampleur du projet. Ils ne traitent pas un projet d'un million de poissons, comme s'il n'en comportait que 25 000. Ils tiennent compte des incidences du projet au niveau de l'environnement et des écosystèmes. Vous semblez dire qu'ils s'y prennent mal, mais rien ne nous permet actuellement de l'affirmer.
Je voudrais maintenant passer à autre chose. Vous avez évoqué la question de la traçabilité et je comprends bien l'argument que vous avancez sur ce point. Pouvez-vous nous citer des cas où la qualité des produits de la mer a été, dans d'autres parties des régions de l'Atlantique, altérée en raison de la proximité à un élevage d'aquaculture?
Vous soutenez que l'installation à proximité d'un élevage d'aquaculture va entraîner une baisse de la valeur d'un homard qui est actuellement très prisé. Pourriez-vous nous citer des exemples de ce genre de situations ?
L'exemple qui me vient immédiatement à l'esprit est celui des homards qui sont morts au Nouveau-Brunswick au début des années 1990, puis en 2009, et encore en 2010. On a, dans un rayon de 50 kilomètres, perdu un très grand nombre de homards... Les pêcheurs de Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick s'en sont fortement émus. On a, par la suite, établi un lien entre cette hécatombe et la présence de produits chimiques employés dans la salmoniculture en parcs en filet.
Nos pêcheurs ont tout de suite songé au fait que la traçabilité tend de plus en plus à s'imposer dans notre secteur d'activité. Bientôt, les acheteurs se préoccuperont tous de l'origine du homard — et voudront connaître le nom du bateau par lequel il a été pris, le nom du pêcheur. D'un autre côté, la presse rapporte que des homards sont morts après avoir été exposés à des pesticides.
Comment imaginer que, sur les marchés mondiaux, les consommateurs ne vont pas se demander si les homards provenant de la baie Sainte-Marie ne vont pas dorénavant être exposés à ce type de produits chimiques, et hésiter à en acheter.
Je peux, M. Kamp, vous citer un autre exemple encore. Je ne suis pas en mesure de vous livrer à cet égard des détails très précis, mais nous savons pertinemment que, tant en Nouvelle-Écosse qu'au Nouveau-Brunswick, où l'on fait l'élevage des oursins... le consommateur japonais refuse d'acheter ceux qui sont élevés à moins d'une certaine distance d'un site d'aquaculture.
Je ne peux pas vous citer le nombre précis de mètres devant séparer ces deux types d'élevage, mais je sais que c'est le cas.
En ce qui concerne le premier exemple que vous nous avez cité, si une exploitation d'aquaculture enfreint la réglementation applicable, cela peut effectivement entraîner des effets nuisibles. Ce que j'aimerais savoir, cependant, c'est si le secteur de la pêche au homard subit d'ores et déjà ce type d'effets nuisibles en raison de la proximité d'une exploitation aquacole.
Je n'en dirai pas plus sur ce point, car j'ai une dernière question à poser. Je sais que mon collègue aura, au sujet des données scientifiques, des questions plus précises à vous poser.
Pourriez-vous nous dire, en ce qui concerne l'action en justice qui a été engagée, le résultat que vous escomptez? Je vois un certain parallèle entre cette affaire-là et la procédure qui avait été engagée en Colombie-Britannique. La Cour suprême de Colombie-Britannique avait finalement tranché en affirmant que l'aquaculture est une pêcherie et que, cela étant, c'est un secteur qui relève des compétences du gouvernement fédéral et non du gouvernement provincial. Espérez-vous obtenir un résultat analogue? Si c'est effectivement le cas, quelles seront, d'après vous, les incidences sur la situation dans la baie Sainte-Marie.
Je vois que vous êtes au courant de la procédure qui, effectivement, a été engagée, et de la position que nous avons adoptée, au sein de l'Alliance et de concert avec la Fédération du saumon atlantique. Ce qui nous paraît essentiel c'est que le dispositif réglementaire qui s'applique actuellement en Nouvelle-Écosse n'est, selon nous, pas efficace. Nous espérons que la réglementation fédérale qui se met petit à petit en place, ainsi qu'on peut le voir en Colombie-Britannique, nous assurera une meilleure protection. D'après moi, c'est en grande partie cela que nous souhaitons obtenir.
J'ajoute que, d'après nous, l'octroi des baux et des autorisations nécessaires ne repose pas sur les données scientifiques qu'exigerait une évaluation environnementale sérieuse. La réglementation appliquée en Nouvelle-Écosse en matière de surveillance ne nous paraît pas, elle non plus, suffisante.
Merci, monsieur le président.
Je tiens, madame Crocker et madame Patterson, à vous remercier de l'exposé que vous nous avez présenté et pour le bon travail que vous effectuez en ce domaine. Je vous félicite en outre de la reconnaissance qui a été accordée à l'initiative « Off the Hook » qui me semble être quelque chose à la fois d'intéressant et de novateur.
Vous en avez déjà parlé dans votre exposé, mais j'aimerais savoir si vous êtes contre toute aquaculture en parcs en filet? Y a-t-il des types de salmoniculture en parcs en filet qui vous semblent acceptables?
Non, je vous pose la question. Y a-t-il un type d'aquaculture en parcs en filet que vous ayez pu observer, soit dans d'autres régions du monde, soit sur la côte Atlantique ou Pacifique du Canada, ou d'autres solutions que nous devrions envisager? En d'autres mots, y aurait-il un autre moyen de procéder?
D'après moi, la meilleure solution est l'aquaculture en parc clos. Je ne pense pas, en effet, qu'on puisse, avec la salmoniculture en parcs en filet, éviter les incidences nuisibles au niveau de l'environnement.
Il ne serait donc, selon vous, pas possible d'apporter à l'aquaculture en parcs en filet, les améliorations nécessaires au plan de la pollution des eaux, de la consommation énergétique, ou des aliments ou produits chimiques utilisés. D'après vous, donc, l'aquaculture en parc clos serait la seule solution possible.
J'aurais une autre question à vous poser sur ce sujet. Certains témoins ont récemment présenté devant le comité un exposé sur l'aquaculture multitrophique intégrée, et j'aurai l'occasion d'y revenir.
Je constate que vous et les habitants de la baie Sainte-Marie de la Nouvelle-Écosse et de l'est du Canada, ne sont pas du tout favorables à l'aquaculture en parcs en filet et j'aimerais, par conséquent, savoir s'il n'y aurait pas des aménagements... Je songe notamment à l'emploi et aux incidences de tout cela sur la vie et l'économie des collectivités.
Je pense que le meilleur moyen de vous répondre est de rappeler ce qui... Depuis trois ans, le ministère des Pêches et de l'Aquaculture de Nouvelle-Écosse encourage et favorise la salmoniculture. Plusieurs demandes de bail ont été déposées. Elles concernent diverses régions de la Nouvelle-Écosse, mais plus particulièrement la côte sud-ouest de la province. Certains de ces projets, tels que ceux de la baie Sainte-Marie, ont déjà été approuvés, mais d'autres sont encore en cours d'examen. Des organisations communautaires telles que la nôtre sont en train de se mettre en place dans toutes les collectivités concernées par des projets de ce type.
Les collectivités disent toutes la même chose: chacun est conscient de l'importance et de la valeur des pêches sauvages traditionnelles de la Nouvelle-Écosse. Ce n'est pas pour nous uniquement une question d'emplois, mais de mode de vie. Les habitants de ces collectivités côtières ne veulent pas voir s'installer ici une industrie qui risque de nuire à notre pêche sauvage. Il y a Mayday Shelburne, et Jordan Bay. Il y a les Amis de Shelburne Harbour à Shelburne. Il y a les citoyens contre la salmoniculture en parcs en filet sur la côte est. Il y a les Amis de la baie de Port Mouton et l'Alliance côtière de la baie Sainte-Marie. Toutes ces régions sont actuellement visées par des projets de salmoniculture en parcs en filet. Les inquiétudes qui se manifestent dans la province ne font qu'augmenter, chacun éprouvant le même sentiment: nous ne pensons pas que ce genre d'industrie soit viable chez nous.
Un autre aspect qui a été évoqué est celui du déplacement des pêcheurs de homard et des incidences pour l'emploi. Comme Karen le disait tout à l'heure, rien que chez nous, sur nos deux îles, la pêche au homard emploie directement 210 personnes. Les demandes de bail qui ont été approuvées pour la baie Sainte-Marie devaient permettre de créer 16 emplois. Or, nous n'avons vu jusqu'ici que six emplois à temps partiel, et encore, il s'agit d'emplois saisonniers rémunérés au salaire minimum... Aucune comparaison avec les emplois que la pêche au homard assure dans notre communauté. La question des emplois... a quelque chose d'illusoire. La seule collectivité de Nouvelle-Écosse qui soit vraiment favorable à la salmoniculture en parcs en filet est celle où on a promis d'installer une usine de traitement. C'est la seule. Ailleurs — personne n'y est favorable.
Je vous remercie.
Si les projets de développement de telles exploitations concernaient l'aquaculture en parc clos, par exemple, comment réagirait votre organisation, et peut-être l'ensemble des collectivités? Je sais qu'il s'agit là de quelque chose qui est difficile à prévoir, mais avez-vous un peu une idée de ce que la collectivité à laquelle vous appartenez ou du moins votre organisation penserait d'un projet de salmoniculture en enclos avec un système d'aquaculture en recirculation, par exemple, situé sur la terre ferme?
Je pense qu'un tel projet serait bien accueilli par nos collectivités. C'est en fait une des choses dont nous avons discuté avec le ministère des Pêches et de l'Aquaculture dans le cadre de nos consultations publiques. Plusieurs des pêcheurs prenant part à ces discussions ont offert de mettre les terrains nécessaires à la disposition d'un tel projet et de faire tout ce qu'ils pouvaient pour en faciliter le lancement. D'autres pêcheurs ont expliqué qu'une bonne part des infrastructures nécessaires sont déjà en place. Il y a notamment des usines de conditionnement du poisson qui ont fermé en 1995 lorsque la pêche de fond s'est effondrée. De telles usines pourraient être remises en service en réponse aux besoins d'une aquaculture en parc clos.
Je pense qu'un tel projet serait bien accueilli dans les collectivités côtières de la Nouvelle-Écosse.
Je vous remercie.
Je voudrais maintenant passer à l'aquaculture multitrophique intégrée, sujet qui a récemment fait l'objet d'exposés, de MM. Thierry Chopin notamment et d'autres, tels que Andrew Story, Bill Robertson et Fraser Walsh. Est-ce quelque chose dont vous soyez au courant et auquel vous seriez favorable, ou y êtes-vous, au contraire, opposée? Quelle est votre position sur la question.
Je ne me suis pas vraiment penchée sur la question de l'AMTI. Je sais simplement que lorsqu'au départ la demande avait été déposée, le responsable avait laissé entendre qu'il s'agissait d'une exploitation d'AMTI, mais ils ont entre-temps changé d'avis. Je peux seulement dire, après en avoir parlé avec des gens au courant des aspects scientifiques de la question, qu'une telle solution ne résoudra pas le problème des déchets auquel donne lieu l'élevage de ces poissons. Je ne peux pas vous en dire plus sur cela, car je pense que nous ne disposons pas, à cet égard, de toutes les données nécessaires.
Merci, monsieur le président.
J'ai pris un vif intérêt à l'exposé que vous nous avez présenté.
Vous avez évoqué les incidences que l'aquaculture en parc en filet a, selon vous, sur les pêches sauvages. Pourriez-vous nous citer un exemple précis d'une exploitation aquacole en parc en filet qui ait effectivement entraîné la destruction de pêches sauvages? Il me serait utile d'avoir à cet égard des détails précis.
Je peux vous citer l'exploitation aquacole installée dans la baie de Port Mouton, en Nouvelle-Écosse. L'implantation de cette exploitation avait suscité, parmi les habitants, une forte opposition, qui subsiste d'ailleurs. L'exploitation a depuis cessé ses activités. Nous avons eu plusieurs réunions avec les groupes communautaires qui s'étaient opposés à la présence de cette exploitation. Or, plusieurs des pêcheurs participant à ce comité nous ont dit que le homard a depuis disparu des eaux côtières de la baie.
Ce n'est pas tout à fait ce qu'on m'a dit. Je croyais en effet savoir que les pêcheurs de homard posent de nombreux casiers près des zones d'aquaculture en parcs en filet, car les homards sont attirés par les éléments nutritifs qui sont les sous-produits de l'aquaculture en parcs en filet. Pourriez-vous m'expliquer ce qu'il en est au juste?
Selon les pêcheurs à qui nous avons parlé, à la fois ceux de Port Mouton et de Shelburne Harbour, au début, lorsque les parcs en filet sont installés, la qualité de l'eau n'a pas encore changé et il y a, effectivement, une sorte de surproduction d'éléments nutritifs. Cela dure à peu près un an, et pendant ce temps-là, les prises de homard ne changent guère. Mais, en général, dans les trois ou quatre ans, les prises opérées près des zones d'aquaculture baissent sensiblement.
Les pêcheurs, tant ceux de Shelburne Harbour que de Port Mouton, nous ont dit qu'ils ne posent plus de casiers aux alentours des sites de salmoniculture installés dans les deux ports. Je ne peux que vous dire ce que j'ai appris des deux pêcheurs avec qui je me suis entretenue.
Quant à ce que vous avez dit au sujet de la pêche à proximité près des sites en question, je dois dire que pêcher aux alentours des sites d'aquaculture, et particulièrement dans la baie Sainte-Marie n'est pas, pour nos pêcheurs, quelque chose de simple. J'ajoute que plusieurs des pêcheurs qui ont essayé de le faire cette année, ont perdu une partie de leur équipement. Dans la baie Sainte-Marie, ils sont en effet tributaires des marées.
Voilà qui est intéressant. Quand nous avons interrogé les scientifiques du MPO, ils n’ont pas corroboré vos points.
En ce qui concerne les poissons, par opposition aux homards, il est évident que vous croyez que l’aquaculture en parcs en filet a aussi un impact sur ces poissons. J’aimerais poser la même question concernant les poissons. Pouvez-vous me donner des exemples de cas où une population ou une communauté de poissons a été détruite ou gravement endommagée par l’aquaculture en parcs en filet?
À mon avis, il s’agit là d’une question que vous devriez poser à la Fédération du saumon Atlantique. C’est un sujet qu’ils devraient connaître.
Je l’ai fait. Il se trouve que je suis membre de la Fédération du saumon Atlantique, et je tiens à souligner qu’à l’échelle de la majeure partie de l’Est du Canada, les migrations anadromes des saumons connaissent un rétablissement marqué.
Et de fait, j’ai demandé à Bill Taylor, le directeur exécutif, si nous allions un jour avoir à pêcher commercialement les stocks de saumon sauvage de l’Atlantique en raison du saumon de l’Atlantique produit par aquaculture en parcs en filet. Il a admis que nous n’aurons probablement jamais à pêcher commercialement les stocks de saumon sauvage de l’Atlantique.
Passons à la côte Ouest — je sais que vous n’êtes pas de la côte Ouest, pas plus que moi d’ailleurs. Un rapport du MPO a attiré mon attention. Étant donné que l’aquaculture en parcs en filet se pratique sur la côte Ouest depuis 1985, qu’en 2010, les retours de saumon rouge du Fraser se sont chiffrés à 30 millions, soit les meilleurs depuis 1913, et qu’à l’échelle des rivières de la Colombie-Britannique — la Skeena, le bassin de Barkley, le Bras de mer Smith, et ainsi de suite —, les migrations anadromes du saumon rouge ont dépassé les attentes, au moins en 2011, comment justifiez-vous votre opposition à l’aquaculture en parcs en filet face à ce qui semble être une recrudescence des migrations de saumon rouge sur la côte Ouest en dépit de l’aquaculture?
Je ne crois vraiment pas que nous pouvons parler de cela. Comme vous l’avez dit, nous ne venons pas de là, et nous ne sommes pas des scientifiques qui étudions cette question sur la côte Ouest.
Mais là encore, c’est une question de science. Je comprends que vous n’êtes pas des scientifiques, mais en ce qui me concerne, ces décisions d’intérêt public doivent être fondées sur une démarche scientifique rigoureuse.
Avez-vous des données quantitatives appuyant votre position au sujet de la traçabilité et de l’effet sur les homards des produits chimiques qui sont utilisés dans l’aquaculture en parcs en filet? Vous parlez de la perception sur le marché, et cela sous-entend que le marché pourrait penser qu’il y a des produits chimiques résiduaires dans la chair du homard que nous consommons. Avez-vous des preuves que ces produits chimiques sont présents dans le homard qui est capturé puis commercialisé partout dans le monde?
Je crois que dans ce cas précis, nous en sommes probablement au même point que vous en ce qui concerne certains des documents qui circulent. L’argument que présentait Karen tantôt, et je pense que vous avez utilisé le mot vous-même, est que la question de la perception est aussi importante que les faits dans ce cas.
Nous savons que les consommateurs — comme vous, moi, Karen et d’autres — prennent effectivement des décisions fondées sur leur perception. Et comme il y a de plus en plus d’information publiée au sujet de l’utilisation de pesticides dans le cadre des activités d’aquaculture en cage, nous supposons que cela inquiètera de plus en plus le public lorsqu’il décide de consommer ou non le saumon produit par aquaculture en cage.
Et aussi, selon l’argument de Karen, le public pourrait s’inquiéter d’aspects comme les excréments des poissons, les pesticides, etc., et ces inquiétudes pourraient avoir des conséquences négatives sur les pêches traditionnelles, comme celle du homard.
Merci, Monsieur le président, et merci aux témoins. Je ne suis pas un membre régulier du comité des pêches, mais cette discussion m’est très familière parce que j’ai été président d’un comité des pêches pendant une semaine d’audiences en Colombie-Britannique portant sur ce sujet même. Je suis abasourdi de voir certaines de ces mêmes questions revenir sans cesse sur le tapis.
Pour commencer, je tiens à vous féliciter toutes deux et la collectivité d’avoir présenté vos problèmes. J’estime — et je le dirai aux députés d’en face — qu’il est injuste de s’attendre à ce que des groupes communautaires qui n’ont pas reçu les fonds nécessaires pour la défense de cette question puissent répondre à ces aspects scientifiques. C’est au MPO qu’il incombe de répondre à ces aspects scientifiques, et il devrait le faire.
Je tiens aussi à dire ceci d’après ma propre expérience: je crois que le MPO se trouve manifestement dans une situation contradictoire. D’une part, son mandat l’oblige à protéger la pêche sauvage et, d’autre part — je ne l’accuse de rien ici — il l’oblige à s’occuper également de l’aquaculture et des emplois qu’elle crée. Voilà le piège dans lequel il est pris.
C’est ici que je commence mes questions.
Premièrement, quelle est la compagnie en cause dans l’exploitation de 208 acres dont vous parlez?
Il s’agit de Kelly Cove Salmon, qui est une filiale de Cooke Aquaculture. C’est une compagnie du Nouveau-Brunswick.
Oui. De fait, je connais le propriétaire de Cooke Aquaculture.
Et je crois, Monsieur le président, que c’est ce dont le comité doit s’inquiéter.
D’après vous, les audiences auxquelles vous avez participé étaient-elles équilibrées, et étaient-elles équitables pour les groupes communautaires venus présenter leur cause par opposition au ministère des pêches provincial qui est spécifiquement motivé par la création d’emplois?
Estimez-vous que le processus des audiences était équilibré? Et dans la négative, pouvez-vous suggérer des façons dont on pourrait le rendre plus équitable?
Merci beaucoup Monsieur Easter.
Non, nous ne trouvons pas qu’il était équilibré. Nous avons mentionné souvent David et Goliath, parce que c’est l’impression que cela nous a donnée.
Je me répète ici, mais ils viennent d’une collectivité de 700 personnes, une collectivité de pêcheurs. Sans vouloir diminuer les pêcheurs, il faut admettre que ceux-ci ne sont pas à l’aise ni habitués en ce qui a trait à l’interaction avec le gouvernement fédéral, aux méthodes d’évaluation environnementale, et ainsi de suite. Tout cela avait pris les proportions d’un cauchemar pour eux. En fin de compte, ils se sont tous estimés chanceux d’avoir trois ou quatre personnes qui étaient disposées à entreprendre la démarche et à la suivre jusqu’au bout.
Comme je le mentionnais plus tôt, c’est une situation pour laquelle nous n’avons aucune expertise scientifique. Nous avons dû faire appel à des bénévoles. Et, littéralement, nous avons dû organiser des repas-partage pour recueillir assez d’argent pour payer les timbres. Je ne dis pas ça pour être drôle, c’est la vérité. Quand il a fallu envoyer des lettres ou obtenir des renseignements par Internet, c’est réellement comme ça que nous avons dû procéder pour trouver l’argent.
Nous avons rencontré les représentants de la province dès le début, le ministre Belliveau, et nous avons essayé de lui expliquer la situation. Nous lui avons dit qu’il pourrait demander à son homologue fédéral que l’évaluation soit élargie à un autre niveau auquel les collectivités pourraient recevoir l’appui nécessaire à l’embauche de scientifiques, et ainsi de suite. Ce fut très intéressant. À l’une de leurs réunions, ils nous ont dit d’emblée qu’il n’était pas disposé à le faire. Et vous avez raison, la promotion de l’aquaculture est beaucoup plus — prestigieuse que la régulation des pêches. De fait, la province de la Nouvelle-Écosse a déclaré — et ceci est une citation quasi littérale — « Nous n’avons aucune expertise scientifique au ministère des Pêches et de l’Aquaculture. Nous comptons sur le gouvernement fédéral pour l’exécution des travaux scientifiques nécessaires. »
C’est intéressant.
Oui, intéressant, mais triste.
D’après vous, le ministère des Pêches et des Océans a-t-il entrepris cette évaluation scientifique? Les membres du gouvernement présents ici vous demandent de fournir les renseignements scientifiques. Le secrétaire parlementaire représente le ministère qui a les ressources nécessaires.
Êtes-vous en train de me dire qu’ils ne font pas ces travaux scientifiques?
Non, ils ne les ont pas faits.
En fait, les renseignements scientifiques que le MPO a examinés étaient des renseignements scientifiques fournis par le promoteur. L’évaluation menée par ce dernier portait sur l’impact que l’environnement aurait sur leur proposition, et non sur l’impact que leur proposition aurait sur l’environnement. Voilà ce qui a été examiné. Les renseignements que le MPO et d’autres ont examinés étaient les renseignements qui ont été fournis par la firme Sweeney International Management Corp. qui a fait ces travaux pour le compte de Cooke Aquaculture. Ce sont là les seuls renseignements scientifiques que le MPO a vraiment examinés. Le MPO a reconnu ne pas avoir fait d’étude de base de la baie Sainte-Marie, ce qui fait que personne n’a pu évaluer les répercussions d’un élevage de saumon de 2 millions de dollars sur 200 acres, sur les pêcheries, sur le fond marin, sur l’environnement — rien. Donc, personne ne se fondait sur une évaluation de base appropriée.
Sans vous faire dire ce que vous n’avez pas dit, je dirais qu’il s’agit d’un travail de mauvaise qualité de la part du ministère qui a la responsabilité de réguler la pêche sauvage.
Moi, je viens d’une île un peu plus grande: l’Île-du-Prince-Édouard. Dans ma circonscription, il y a deux sites d’aquaculture en milieu terrestre, monsieur le président. Un est situé juste au centre de la province, et compte un million et demi de poissons. Le deuxième élevage est proche de la côte, mais sur terre, et on y élève le flétan. Donc, il est possible de faire une certaine mesure de cette activité en milieu terrestre.
Ma dernière question se rapporte à la question de M. Kamp sur la traçabilité. La question avait trait à la preuve de perte de marchés ou de perte de homards.
Y a-t-il quelqu’un du ministère des Pêches et des Océans, ou du ministère provincial qui a mentionné que s’il y avait par la suite preuve que votre industrie a été diminuée ou que vos marchés ont baissé en conséquence…? Et vous avez raison, c’est une question de perception. Ça n’a pas besoin d’être la réalité. Le véritable danger réside dans la possibilité que des problèmes soient perçus au niveau du produit mis en marché. Quelqu’un du ministère a-t-il dit, très bien, l’industrie sera dédommagée s’il y a des problèmes?
Mettons cela.... Qui est responsable ici, en fin de compte, et sont-ils disposés à...
Merci, Monsieur Easter. Votre temps est écoulé.
Nous passons maintenant à des tours de cinq minutes, commençant par Mme Davidson.
Merci beaucoup, Monsieur le président.
Merci, mesdames, de votre exposé cet après-midi. Nous avons assurément entendu des observations intéressantes.
Il est probable, j’en suis sûre, que vous suivez l’étude que nous menons, ou avez vu certains des témoignages que nous avons entendus, et que vous savez que nous avons entendu beaucoup de choses variées sur les parcs en filet ouverts ou parcs clos, sur la viabilité des parcs clos, sur les perspectives économiques quant à la viabilité de tels systèmes, sur les coûts énergétiques, sur la superficie terrestre requise, et ainsi de suite.
Compte tenu de tout cela — les coûts énergétiques excédentaires, la superficie terrestre, etc. —, y a-t-il d’après vous un moyen de faire en sorte que l’exploitation de parcs en filet ouverts soit plus durable ou plus écologique?
Moi aussi je dirais non. Je ne sais pas.
D’après ce que nous avons pu voir, et d’après ce qui s’est produit jusqu’à présent dans l’industrie, ils ont besoin de certaines choses pour maintenir la santé des poissons: des pesticides, des antibiotiques. Pour le moment, rien ne sépare la ferme du milieu ambiant, alors je ne sais pas comment on pourrait affirmer que le milieu ambiant est protégé, à moins qu’il n’y ait une barrière.
Je trouve que la question des coûts est très intéressante. Comme le disait le député précédent, il y a un certain nombre d’élevages de poissons en parcs clos en milieu terrestre qui réussissent très bien. De fait, présentement, il y en a un en Nouvelle-Écosse qui vend ses poissons partout dans le monde. C’est un autre élevage de flétan. Cela peut être assurément rentable. D’ailleurs, j’ai entendu dire que le Canada travaille à mettre au point certaines nouvelles techniques intéressantes pour les systèmes d’aquaculture en parcs clos, techniques qu’envisage actuellement une entreprise norvégienne. C’est une entreprise norvégienne qui pratique la salmoniculture traditionnelle en parcs en filet ouverts qui examine ces techniques.
Je suppose que l’autre considération en matière de coûts — et je ne vous apprends rien, je sais que vous l’avez entendu — est associée à la marge bénéficiaire. Pour l’aquaculture en parcs en filet ouverts, elle est de plus de 50 p. 100. Voici d’autres chiffres que je vous renvoie: le permis annuel de pêche au homard coûte 1 800 $ en Nouvelle-Écosse. L’entreprise qui peut exploiter 200 acres de la baie Sainte-Marie et un million de saumons a payé 1 000 $ pour son bail — rien d’autre. D’une part, nous avons une entreprise qui a payé 1 000 $ et, d’autre part, nous avons 21 pêcheurs de homards qui ont été déplacés et qui paient présentement 1 800 $ par année pour chaque permis.
Je crois que cette industrie a une certaine capacité d’absorption des coûts.
Vous avez parlé de diverses activités et, effectivement, nous savons qu’il existe des systèmes en parcs clos, pour d’autres espèces que le saumon, qui réussissent très bien. Il y a aussi certains projets pilotes de parcs clos pour le saumon, et ceux-ci nous ont été décrits également.
Il y a une différence entre les types de poissons, qu’il s’agisse du saumon ou d’autres espèces de poissons. Vous dites que c’est essentiellement une question de compatibilité, avec les installations en parcs à filet ouverts et les autres activités de pêche, comme le homard, dans un même secteur? Est-ce la compatibilité, en raison de la perception de contaminants?
L’élevage du saumon en parcs en filet ouverts est-elle une option d’affaires viable dans un secteur ou elle est pratiquée exclusivement, c’est-à-dire où il n’y a pas d’élevage de homards ni d’autres types d’élevages? Est-ce que c’est une question de compatibilité, ou est-ce tout simplement le fait que ce n’est pas un bon moyen d’élever le saumon?
Les deux sont probablement justes. Je crois que la salmoniculture en parcs en filet ouverts s’accompagne de véritables problèmes en matière de répercussions, comme Karen l’a fait remarquer: la nourriture, les antibiotiques, les pesticides, l’occupation de la zone côtière, et la dégradation du milieu ambiant. De plus, il y aurait très peu d’endroits autour de la majeure partie de la Nouvelle-Écosse — et certainement le Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse — où, de fait, cela n’aurait pas de très graves répercussions sur les pêches traditionnelles, comme celle du homard.
Merci beaucoup, Monsieur le président. Et merci aux témoins pour leur comparution devant le comité aujourd’hui.
Vous voudrez bien m’excuser, je vais essayer de parler en anglais aujourd’hui. Je suis francophone, et j’essaie de m’exercer à parler en anglais. Je vais essayer aujourd’hui.
Je crois comprendre que votre organisme est préoccupé par les changements sur le plan de la responsabilité de ce règlement, tels qu’ils sont proposés dans le document d’août 2010 du MPO portant sur l’élaboration d’un nouveau règlement fédéral sur le traitement des agents pathogènes et des parasites du poisson au Canada. Pouvez-vous dire au comité quelles sont vos préoccupations en ce qui concerne les changements proposés?
D’après ce que nous avons vu se produire, comme je l’ai mentionné plus tôt concernant le Nouveau-Brunswick en 1995 et de nouveau plus tard en 2009-2010, lorsque des homards sont morts suite à leur exposition à des pesticides associés à l’aquaculture en parcs à filet ouverts, on craint que si ces changements étaient apportés au règlement concernant les pathogènes du poisson, ces substances et produits chimiques comme la perméthrine, qui a été la cause de la mort des homards en 2010, pourraient alors être autorisés au Canada.
Nous sommes inquiets parce que nous avons vu, au Nouveau-Brunswick, des pêcheurs remonter des casiers pleins de homards morts.
Ce qui pourrait arriver à nos larves de homard nous préoccupe également. Celles-ci représentent la biomasse future de notre industrie. Nous ne sommes au courant de l’existence d’aucune étude d’envergure suffisante sur les répercussions de la propagation de ces types de produits chimiques dans l’environnement, et sur ce que cela pourrait causer à ces larves.
Une fois de plus, nous en revenons à la perception. S’il est permis que ces choses soient utilisées dans l’industrie, et que celle-ci est active à l’intérieur ou à proximité de secteurs écologiquement sensibles où se pratiquent des pêches au homard productives, il devient très difficile de ne pas s’inquiéter des répercussions sur la façon dont les gens percevront le produit provenant de ces secteurs.
Je crois qu’on trouve aussi préoccupant que les modifications au règlement semblent être de fait une réponse au désir des compagnies d’aquaculture d’avoir un accès facilité et élargi à une batterie… j’oublie comment ils appellent cela — ce n’est pas plus d’outils dans la boîte à outils, ou un arsenal… En tout cas, j’oublie ce nom mais, en gros, cela semble vraiment être une réponse à l’industrie de l’aquaculture parce qu’elle se rend compte que les pesticides qu’elle utilise actuellement ne fonctionnent pas. Le pou et les autres parasites résistent de plus en plus aux pesticides actuellement autorisés au Canada. Et l’industrie dit, d’accord, ce dont nous avons vraiment besoin c’est d’accéder à une plus vaste gamme de pesticides et de le faire plus librement.
Ça ne me paraît pas très logique. Cela signifie que, si nous adoptons l’élevage méga-industriel et que cela va permettre à la compagnie de faire énormément d’argent, c’est vous et moi qui allons en payer le prix, parce qu’ils sont tout simplement incapables de contrôler les maladies associées à ce type d’élevage.
Que pensent les collectivités de votre région de l’utilisation des pesticides? D’après elles, qu’est-ce qui s’est passé dans la baie de Fundy?
Cela terrifie nos pêcheurs. Cela terrifie les membres de leurs familles. C’est une menace véritable. Ils perçoivent cela comme étant une véritable menace pour leur industrie.
Il est difficile d’entendre quelqu’un qui pêche depuis 50 ans vous dire « Comment quelqu’un peut-il faire cela? » Ils ne comprennent pas. Ils disent « Comment cela a-t-il pu nous arriver? Ils sont en train de détruire la dernière pêcherie qu’il nous reste. Nous avons une pêcherie du homard saine, naturelle. Ils menacent cette industrie, ils nous menacent et ils menacent nos collectivités. Mais de quel droit? » Voilà ce qu’ils disent quand ils sont en groupe. Ils ne comprennent tout simplement pas — et ce n’est pas surprenant.
Merci, monsieur le président.
Son anglais est probablement bien meilleur que mon français l’aurait été, je vous assure.
Merci Karen et Brenda de votre présence. Elle est fort appréciée.
J’aimerais des éclaircissements sur une ou deux observations qui ont été faites.
Avez-vous dit que seulement six emplois allaient être créés? Je veux m’assurer d’avoir bien compris. Et était-ce dans la baie Sainte-Marie que ces six emplois allaient être créés par l’aquaculture?
À l’origine, ils avaient parlé de 16 emplois, mais jusqu’à présent nous ne sommes au courant que de six emplois à temps partiel.
Originaire du Nouveau-Brunswick, j’ai été un peu surpris des observations sur le salaire minimum. Je sais que les emplois dans l’industrie de l’aquaculture au Nouveau-Brunswick sont rémunérés à un peu plus que le salaire minimum, et je ne crois pas que nous ayons constaté, nécessairement, une réduction des emplois associés aux homards. Ça n’a pas été l’un ou l’autre. Je voulais éclaircir cela un peu car il semble que les deux ont été capables de coexister au Nouveau-Brunswick.
Du point de vue politique, et du point de vue du gouvernement, c’est un défi, et je vais le mettre en contexte. La demande en poisson à l’échelle mondiale continue de croître. Et notre secteur de l’aquaculture va devoir satisfaire à une bonne mesure de cette demande. Étant donné où nous en sommes aujourd’hui, avec les prix présentement faibles du saumon et ce genre de choses, et étant donné que l’aquaculture en parcs clos s’est révélée très coûteuse à mettre sur pied et à exploiter, un défi s’impose à nous, parce que dans plusieurs localités rurales côtières, cela représente un nombre considérable d’emplois. Comment le gouvernement doit-il réagir?
La question des emplois est un peu un attrape-nigaud. La pêcherie du homard est l’employeur de notre collectivité. C’est le moteur de notre collectivité. En éliminant une partie de la pêcherie du homard la plus lucrative qui soit, vous mettez en danger les emplois de cette collectivité, et ses familles. C’est un peu comme si vous aviez décidé que nous allons préférer la salmoniculture en parcs en filet ouverts à la pêche du homard. Je suis désolée, monsieur Allen, mais c’est presque comme cela que vous avez formulé votre question.
Cela n’a pas besoin d’être l’un ou l’autre, parce que le homard est présentement la pêcherie la plus lucrative au Canada. Le gouvernement fédéral est aussi de cet avis. De fait, je crois qu’on en a fait la promotion au cours du récent voyage du premier ministre en Chine. C’est une pêcherie immensément importante qui ne doit pas être menacée. Il y a l’option...
Pardon, j’ai dit qu’elles ont pu coexister au Nouveau-Brunswick. Je dis simplement qu’il n’est pas nécessaire que ce soit l’une ou l’autre.
J’aimerais faire valoir que ce n’est pas le cas au Nouveau-Brunswick. Pensez à l’envergure de ce qui se passe dans la baie Sainte-Marie — il n’y a rien de comparable à cela au Nouveau-Brunswick. Il n’y a au Nouveau-Brunswick aucun parc d’aquaculture d’une envergure se rapprochant de celui qu’il y a dans la baie Sainte-Marie.
Que suggéreriez-vous si vous deviez aller sur terre? Il y a un gros système d’alimentation dans ma circonscription, Gray Aqua. Il est terrestre, mais ses cages se trouvent à Terre-Neuve.
Selon certains témoignages, il nous faudrait dix ans pour passer de notre contexte actuel de parcs en filet ouverts à un contexte de parcs clos. Comment suggéreriez-vous que nous fassions cette transition, si nous passons à un contexte de parcs clos, sans mettre en danger une mesure importante de l’investissement de nos compagnies existantes?
J’ignorais que j’avais un autre tour, monsieur le président. Vous êtes très généreux dans ce comité.
Pour en revenir à une des questions soulevées par M. Allen...
J’ai moi aussi visité un de ces emplacements au Nouveau-Brunswick, Mike. Ils créent effectivement beaucoup d’emplois, mais je tiens à nous mettre en garde: il y aura des baies et des secteurs où l’exploitation de parcs en filet ouverts d’aquaculture peut être logique, et d’autres où elle ne l’est peut-être pas. Et la baie Sainte-Marie est peut-être un tel endroit. Je crois que la question clé ici est celle à laquelle les témoins essayaient de répondre. Mettriez-vous en danger les emplois de la pêche de homards et les emplois indirects de cette industrie au profit d’emplois à temps partiel — des emplois à temps partiels que vous qualifiez essentiellement de saisonniers et de moins bien rémunérés — dans l’aquaculture en parcs en filet ouverts dans cette baie? C’est ce que vous semblez dire.
Je reviens à ce que j’ai dit plus tôt. Je suis abasourdi que personne n’ait fait les recherches scientifiques requises. Monsieur Kamp, je crois qu’au début vous avez plus ou moins indiqué que nous ne pouvons pas mettre en doute le processus des audiences. Pourtant, en gros, les témoins semblent être d’avis que le processus des audiences n’a pas été équilibré et n’a pas été équitable.
Je pose donc la question: comment rendre cela équitable? Cela a été le même problème il y a dix ans, quand nous avons soumis ces questions au MPO. Comment faire en sorte qu’ils assument leurs responsabilités en matière de régulation et de protection de la pêche sauvage?
Des commentaires?
Je peux commenter le premier point. Je crois que sur le plan de l’évaluation environnementale, vous devrez probablement envisager un examen par un comité mixte. C’est une des façons de le faire, parce que dans ce cas particulier, on fournit des ressources aux collectivités. Je pense aussi à une autre possibilité: les gouvernements fédéral et provincial pourraient prendre certaines mesures de base nécessaires, selon les champs de compétence, avant que ne soit prise la décision d’autoriser effectivement un emplacement d’aquaculture à un endroit précis. Comme je l’ai mentionné précédemment, l’une de ces mesures est une évaluation de base appropriée.
Monsieur Easter, si cela était fait, le processus lui-même et les données scientifiques requises permettraient à tout le monde de comprendre véritablement l’écologie précise d’un certain secteur et, par conséquent, ce que les répercussions pourraient être, y compris sur le plan socio-économique. Cela serait très utile.
Un règlement qui a du mordant constitue, de fait, le pendant de cela. Les gens parlent de coûts — et je ne dénigre pas le secteur privé, car chacun de nos pêcheurs de homards appartient au secteur privé. Par exemple, le coût d’une évaluation de base devrait être une dépense d’affaires pour la compagnie. Comme je l’ai indiqué plus tôt, ils ont payé 1 000 $ pour enlever 200 acres et plus de la baie Sainte-Marie aux pêcheurs de homards. Pour la plupart des autres entreprises, l’exécution d’une bonne évaluation de base représente une dépense d’affaires. Et quelles sont les répercussions de cette entreprise sur la collectivité? Et sur l’environnement? C’est une pratique d’affaires normale mais, en fait, elle est inexistante dans le contexte global de l’approbation des baux ou de l’exécution des recherches scientifiques associées à l’approbation des baux d’aquaculture en parcs en filet ouverts. Et c’est la même chose en matière de surveillance.
À l’Île-du-Prince-Édouard, il faut effectivement payer ce montant pour un bail d’une acre de mytiliculture sur l’eau, monsieur le président.
Je termine en disant que je suis convaincu que le comité doit recommander qu’une évaluation de base appropriée soit effectuée avant que vous vous engagiez dans cette voie.
Merci beaucoup, monsieur Easter.
J’aimerais, au nom du comité, vous remercier aujourd’hui d’avoir comparu de nouveau et d’avoir pris le temps de répondre aux questions des membres du comité. Au nom du comité tout entier, permettez-moi de vous exprimer notre profonde gratitude. Merci.
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