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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 036 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 12 juin 2012

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Bonjour, mesdames et messieurs. Bonjour à tous.
    Soyez les bienvenus à la 36e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie.
    Notre réunion d'aujourd'hui se divisera en deux parties. Nous aurons une vidéoconférence avec M. Ian Hargreaves, du Royaume-Uni. M. Hargreaves est professeur d'économie numérique à la Cardiff University. Nous ferons cela de 8 h 45 à 9 h 15. Ensuite, je présenterai d'autres témoins, dont deux qui sont déjà parmi nous; nous entendrons leur déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux séries de questions.
    D'abord, monsieur Hargreaves, je vous remercie beaucoup de vous joindre à nous. Vous disposez de huit à neuf minutes pour présenter votre déclaration préliminaire, et nous passerons ensuite aux questions.
    La parole est à vous.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
    Mon exposé durera, je crois, un peu moins de huit ou neuf minutes; je veux simplement mettre un peu les choses en contexte et vous parler des éléments clés de l'étude sur les questions liées à la PI que j'ai effectuée pour le gouvernement du Royaume-Uni. Cette étude a été commandée en octobre 2010. Le rapport a été publié en mai 2011, soit il y a un peu plus d'un an. Le gouvernement a accepté, dans l'ensemble, les dix recommandations de l'étude et a par la suite mené des consultations pré-législatives approfondies, qui ne sont pas encore terminées. Le volet parlementaire de la suite donnée aux recommandations contenues dans l'étude est à venir et est donc soumis à l'incertitude habituelle de ce processus.
    L'étude a été commandée par le premier ministre Cameron, qui a dit vouloir que l'on examine les questions relatives à la PI qui portent expressément sur la relation entre le droit de la PI et ses effets sur l'innovation et la croissance de l'économie. Il s'agissait donc d'une étude relativement ciblée, que nous avons dû terminer en six mois.
    Les principaux points soulevés dans l'étude étaient de portée générale, pour ainsi dire: j'y indique que bien des décisions prises au Royaume-Uni concernant des questions liées à la PI n'ont pas été fondées, à mon sens, sur les meilleures données disponibles, et je prie le gouvernement de faire en sorte que cela ne se reproduise pas à l'avenir.
    Dans l'étude, il y a des recommandations sur le brevet européen unitaire. Beaucoup de progrès sont réalisés dans le système en Europe. Il y a des recommandations au sujet de l'accès des petites entreprises aux conseils en matière de droit de la PI et aux systèmes pour soutenir leur podification efficace dans l'économie axée sur la PI, et il y a aussi des recommandations concernant la question des droits attachés aux dessins ou modèles qui est, selon l'étude, du moins dans le contexte du Royaume-Uni, un domaine relativement négligé de la PI. Mais l'aspect de l'étude qui a suscité le plus de discussions publiques, parce que c'est l'aspect pour lequel les conclusions sont les plus solides, c'est que la législation sur le droit d'auteur au Royaume-Uni, à mon sens, ne répond plus à son objectif, puisqu'elle a été revue avant l'ère de l'Internet; par conséquent, il n'est pas étonnant que l'on constate maintenant qu'elle n'est plus adaptée dans cette ère numérique très tumultueuse.
    L'ensemble des recommandations concernant le droit d'auteur propose d'exhorter le gouvernement du Royaume-Uni à profiter davantage qu'il ne l'a fait dans le passé de l'utilisation des exceptions au champ d'application du droit d'auteur dans le cadre du droit européen dont fait partie le droit du Royaume-Uni. C'est une série de recommandations destinées à libérer l'important trésor caché des oeuvres orphelines dans différents médias et selon diverses notions, à différents degrés de difficulté sur le plan législatif, en trouvant des moyens de rendre la loi sur le droit d'auteur plus facilement adaptable, sur le plan pratique, à d'autres changements technologiques, ainsi qu'en s'assurant que la loi sur le droit d'auteur puisse être applicable de façon satisfaisante par les titulaires dont les droits sont bafoués à cause d'une violation du droit d'auteur.
(0850)
    L'argument que j'ai utilisé sur le dernier point, c'est que je ne crois pas que nous verrons la violation du droit d'auteur cesser d'être un problème majeur, à moins que nous nous penchions aussi sur le fonctionnement respectif des marchés relatifs au contenu numérique; à cette fin, j'ai proposé un changement important qui ne nécessite pas de mesure législative et que j'ai appelé la création d'un système d'échange de droits d'auteur de contenus numérisés.
    L'idée est simplement de tirer profit de la quantité considérable de travail déjà accompli pour s'assurer que dans le milieu du contenu numérique dans différents médias, il y a des bases de données interexploitables qui permettront plus facilement, rapidement et à moindre coût de découvrir qui détient des droits et sous quelles conditions ils pourraient donner lieu à une licence, puis de passer à un système d'échange axé sur les bases de données. Cela existe déjà dans certaines parties de ces marchés, mais il s'agirait de réaliser cela en fonction d'un marché solide et touchant plusieurs médias.
    Dans l'étude, on fait valoir que si ces changements sont apportés, l'économie du Royaume-Uni en retirera des avantages appréciables. L'évaluation des incidences économiques qui a été effectuée au moment de l'étude par un petit groupe d'économistes a révélé que l'effet sur le produit intérieur brut du Royaume-Uni sera de faire croître l'économie britannique de 0,3 à 0,6 p. 100 par année. On a évidemment débattu largement de ces chiffres. C'est une fourchette, fondée sur les hypothèses des économistes. Mais je ne crois pas que l'on ait contesté l'idée qu'une réforme de ce genre donnerait des résultats positifs sur le plan économique, si elle était accomplie avec succès.
    Voilà qui conclut les remarques que je voulais faire avant de répondre aux questions des membres du comité, monsieur.
    Merci beaucoup, monsieur Hargreaves.
    Pour les membres du comité, nous ferons comme d'habitude des tours de sept minutes chacun, et ce sera exclusivement pour ce témoin. Je vais vous permettre de partager votre temps de parole, compte tenu du temps dont nous disposons.
    Nous allons commencer par le Parti conservateur, comme d'habitude. Monsieur Braid.
(0855)
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Hargreaves, d'être avec nous aujourd'hui. J'ai bien aimé votre exposé.
    Je voulais d'abord que vous nous donniez quelques informations au sujet du groupe dont vous faisiez partie. Je suppose que le premier ministre Cameron vous a demandé de diriger cette étude. Faisiez-vous partie d'un groupe de plusieurs personnes? Quels secteurs de l'économie du Royaume-Uni et quels intervenants les membres du groupe représentaient-ils?
    Je n'étais pas membre d'un groupe, j'étais plutôt conseillé par un groupe. Je suis le seul auteur de l'étude. J'assume la responsabilité de toutes ses conclusions.
    J'ai été conseillé par un groupe d'experts, dont un universitaire de l'Amérique du Nord et l'ancien dirigeant des activités du domaine des brevets à IBM. Le groupe était aussi composé d'autres universitaires, de gens du milieu industriel et d'autres personnes du domaine des politiques.
    Vous aviez donc une perspective très globale du cadre de la PI dans le monde pour formuler des recommandations au gouvernement du Royaume-Uni. Est-ce juste?
    Oui, tout à fait.
    Excellent. Vous avez mentionné que le gouvernement du Royaume-Uni mène actuellement des consultations prélégislatives. Pourriez-vous nous parler plus en détail des orientations possibles que pourrait prendre cette mesure législative?
    Je ne suis pas en mesure d'en parler de façon officielle. Il s'agit clairement d'une question qui relève des ministres et à cette étape, le gouvernement n'a pas encore indiqué quelle approche législative il entend adopter. Il serait donc inapproprié que j'émette des hypothèses.
    Quant à la possibilité d'un observateur bien informé pour ce processus, on pourrait utiliser diverses méthodes ou divers moyens pour apporter les changements juridiques qui sont recommandés dans l'étude. Certains de ces changements ne nécessitent aucune modification législative; j'ai parlé notamment de la création d'un système d'échange de droits d'auteurs de contenus numérisés. On en parle dans l'étude comme d'une activité essentiellement volontaire ou incitative au nom des titulaires de droits eux-mêmes. Et à la fin de l'étude, comme je l'avais recommandé dans mon rapport, Richard Hooper, ancien vice-président d'Ofcom, l'organisme de réglementation des communications du Royaume-Uni, a été chargé d'effectuer une étude de faisabilité pour ce concept. Il a complété la première des deux phases de cette étude et a publié un rapport qui confirme l'utilité de l'exercice. Il effectue actuellement la deuxième tâche, qui consiste à formuler des recommandations précises sur la façon concrète d'établir ce système.
    Très bien.
    Puisque le groupe avait cette perspective globale, pouvez-vous nous dire s'il y a des pays en particulier qui disposent de solides cadres de la PI et qui réussissent mieux que d'autres à améliorer la PI et à établir ce lien important entre la propriété intellectuelle et la promotion de l'innovation?
    Je pense que même si l'on était tenté de voir cela comme un concours international de régimes, de choisir un gagnant et de chercher à l'imiter, ce ne serait pas nécessairement la voie que l'on voudrait suivre. C'est vrai qu'il y a certains pays, et Israël en est un, où l'on a procédé massivement à d'importants changements dans le régime.
    Dans l'étude du Royaume-Uni, celle dont j'étais responsable, dès le début, le premier ministre lui-même a fait des observations à propos du régime de droit d'auteur des États-Unis, qui inclut, comme vous le savez très bien, la défense d'utilisation équitable dans le domaine du droit d'auteur. En annonçant l'étude, le premier ministre a indiqué avoir appris de Google qu'un tel régime procurait beaucoup d'avantages sur le plan de l'innovation et de la croissance.
    Mon opinion sur cette question était que même si l'on était attiré par le régime américain, si l'on proposait qu'il soit adopté au Royaume-Uni, dans les limites du droit européen, cela garantirait l'inaction sur le plan de la réforme du droit d'auteur pour une autre génération.
(0900)
    Je veux maintenant changer un peu de sujet. Pourriez-vous nous parler brièvement des problèmes posés par les maquis de brevets et des solutions à certains de ces problèmes?
    Oui. Il est assurément démontré que parfois, on n'utilise pas principalement les brevets à des fins d'invention et d'innovation, mais pour assurer les positions existantes sur le marché, et certaines sont plus vaguement liées à l'innovation et à la substance que d'autres.
    Il ne fait donc aucun doute que cela pose de véritables problèmes. Je dois dire, cependant, que les diverses solutions envisagées dans notre étude pour régler ce problème n'ont pas mené à de sérieuses propositions pour le faire.
    Nous avons examiné très rigoureusement le système de tarification des brevets. Nous avons examiné attentivement la recherche et les faits relatifs aux conséquences de différentes stratégies de prix, soit pour enregistrer des brevets, soit pour demeurer titulaire de brevets. Nous avons examiné les règles qui s'appliquent, par exemple s'il serait judicieux de baisser le prix de l'enregistrement de brevets pour les petites entreprises. Cela a été fortement recommandé dans l'étude par certains milieux.
    Monsieur Hargreaves, veuillez m'excuser, mais notre temps est toujours limité, et nous avons dépassé le temps alloué pour ce tour. Je dois donc vous interrompre. Merci.
    Monsieur Stewart, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Hargreaves, je vous remercie de votre exposé.
    J’ai une question d’ordre plus général concernant le brevetage au Royaume-Uni ou l’innovation en matière de PI. Pour ce qui est des brevets, au Canada, il semble que beaucoup d’inventeurs ou d’innovateurs se rendent d’abord aux États-Unis pour obtenir leur brevet, puis reviennent s'établir au Canada, dans leur pays natal.
     J’aimerais que vous nous dressiez un portrait de la situation au Royaume-Uni en ce qui concerne le brevetage en général.
    Le débat, ou la pratique au Royaume-Uni… Le Royaume-Uni est un point d’enregistrement très important pour les brevets. On pourrait dire, je crois, que le pays a un système respecté d’administration des brevets géré par l’Intellectual Property Office du Royaume-Uni.
     Quels sont les problèmes et les sources de débats et de plaintes? Ils concernent la possibilité de poursuite pour la défense des brevets, ainsi que les problèmes auxquels sont confrontées les petites entreprises lorsqu’elles doivent assumer des services de soutien juridique très coûteux pour défendre leurs droits de brevets.
     La qualité relative des systèmes de délivrance de brevets dans divers pays fait toujours l’objet d’un débat sur la scène internationale. Il y a un débat animé, auquel l’étude a contribué, je crois, en préconisant une plus grande collaboration internationale, car il y a assurément un chevauchement important des efforts dans le système mondial des brevets également, en ce qui concerne l’examen des critères de délivrance des brevets.
(0905)
    Merci.
    Sur le plan du mécanisme d’échange sur le marché que vous avez proposé pour le Royaume-Uni, y aurait-il des limites à l’acquisition de brevets par des intérêts étrangers, ou serait-ce simplement ouvert sur le plan mondial?
    L’échange que j’ai proposé ne concernait pas les brevets, mais le droit d’auteur, un contenu numérique appelé l’échange de droits d’auteur de contenus numérisés. Le droit d’auteur, bien sûr, contrairement au brevet, est un droit non enregistré en Europe.
     Le principe ici est d’avoir une meilleure qualité de données sur le marché, de sorte que les marchés de contenu numérique fonctionnent mieux, afin que les prix puissent être fixés et les ententes puissent être conclues plus facilement. Il s’agirait certainement, à mon avis, d’un phénomène international. Je sais qu’il y a de nombreux pays ayant entrepris des initiatives qui présentent certaines similarités avec ce que je propose dans l’étude réalisée pour le Royaume-Uni.
    Merci.
    J’aimerais maintenant aborder la question de la PI et des universités. Avez-vous traité, dans l’une des parties de votre étude, de la façon dont les universités interagissent avec les lois en vigueur sur la propriété intellectuelle et dont les choses pourraient être changées?
    Cette question n’a pas été analysée en détail dans l’étude. Nous l’avons examinée. Nous avons publié quelques réflexions, si l’on veut, dans un document complémentaire. Nous avons publié un certain nombre de documents complémentaires à l’étude, dont l’un portait sur ces questions.
     Ces questions font l’objet d’un débat animé au Royaume-Uni. Le gouvernement du Royaume-Uni met actuellement en place une solide politique publique sur les données. Sur le plan des relations entre les universités et le marché de la PI, on a effectué un certain nombre de travaux à ce sujet ces dernières années au Royaume-Uni, mais il n’était pas utile de les reproduire dans cette étude plus récente.
    Avez-vous formulé des recommandations, même si c'est dans le rapport supplémentaire? Vous êtes-vous contenté de résumer ce qui est déjà à l'étude ou avez-vous trouvé quelque chose qui pourrait nous intéresser?
    Cela dépend de la question. En ce qui concerne la propriété intellectuelle et les universités, une série de questions concernent le rapport entre, d'une part, les droits liés aux travaux universitaires publiés — c'est-à-dire le champ d'application du droit d'auteur et la nature de celui-ci — et, d'autre part, la mesure dans laquelle on veut instaurer un système ouvert de droits plutôt qu'un système traditionnel, à savoir un système de droits en circuit fermé. C'est un débat qui existe.
    Quant à savoir comment les universités jouent leur rôle en ce qui concerne la collaboration avec les entreprises dérivées et le transfert de la propriété intellectuelle au secteur privé, je ne me suis pas vraiment penché sur cette question dans le cadre de mon étude. Les récentes données tirées de la discussion en matière de politiques au Royaume-Uni ont abouti à des recommandations sur des formes contractuelles, etc., qui sont assez particulières. Cependant, je doute que celles-ci soient très pertinentes à l'échelle internationale.
    Merci.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste une minute.
    Une minute.
    Nous pourrions peut-être revenir à votre idée d'un système d'échange pour le droit d'auteur. Expliquez-nous comment, selon vous, un tel système sera déployé au Royaume-Uni.
    Comme je l'ai dit, on effectue actuellement une étude de faisabilité afin de déterminer si l'idée est réalisable. À mi-chemin de cet exercice, l'idée a reçu un appui solide dans le cadre d'une étude menée par un groupe indépendant, composé de représentants des secteurs pertinents de l'économie. J'espère que nous sommes en bonne voie d'établir cet arrangement au Royaume-Uni.
    Pour ce qui est de savoir quand il sera mis en place, je suppose que ce sera, au plus tard, l'an prochain. En suis-je absolument sûr? Je ne saurais le dire. Suis-je d'avis qu'il faut instaurer un tel système et que celui-ci serait avantageux pour l'économie du Royaume-Uni? Tout à fait, et j'espère bien que ce sera le cas.
(0910)
    Merci beaucoup, monsieur Hargreaves et monsieur Stewart.
    Nous passons maintenant à M. Lake, qui dispose de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Hargreaves, de prendre le temps d'être avec nous aujourd'hui.
    Je vais commencer par une question très générale. Si je vous ai bien compris, vous étiez chargé d'examiner le droit de la propriété intellectuelle et son effet sur l'innovation et la croissance. Dans le cadre de votre recherche, quelle a été, selon vous, la conclusion la plus importante que vous avez tirée? Je suis sûr qu'il est difficile de choisir un seul élément, mais quel aspect offre le plus de possibilités?
    À mon avis, la conclusion la plus importante, c'est qu'un certain nombre de décisions ont été prises ces dernières années, pour diverses raisons, sans qu'on tienne compte des preuves économiques disponibles. L'exemple le plus évident serait la tendance à prolonger la durée du droit d'auteur jusqu'au point où il n'est pas du tout rationnel sur le plan économique de prendre les mesures qui ont été prises.
    Bien entendu, les politiciens doivent tenir compte de questions qui ne sont pas d'ordre économique. En général, si on veut que notre régime de propriété intellectuelle favorise l'économie et l'innovation, on doit s'assurer de recueillir les preuves et d'en tenir pleinement compte dans les décisions politiques. C'est l'argument le plus important de l'examen, parce que cela s'applique à tous les aspects de la question.
    D'accord. Je voulais justement enchaîner là-dessus, parce que j'ai remarqué que vous avez dit que les décisions n'étaient pas fondées sur les données les plus fiables. J'allais vous demander de nous donner des exemples pour montrer comment les choses se font et comment elles devraient se faire, selon vous.
    Eh bien, dans ma réponse précédente, je vous ai donné le meilleur exemple ou l'exemple le plus éloquent, à savoir la prolongation de la durée du droit d'auteur, si bien que celui-ci peut maintenant couvrir plus d'un siècle. Il devient très difficile de comprendre ce qui motive, sur le plan financier, une telle durée. Toute analyse économique rationnelle vous dirait qu'une telle mesure ne repose sur aucune raison économique saine.
    Dans votre deuxième recommandation, vous faites également allusion aux preuves économiques. Vous dites que le Royaume-Uni devrait résolument poursuivre ses intérêts internationaux en matière de propriété intellectuelle, particulièrement auprès d'économies émergentes comme la Chine et l'Inde, d'après des positions fondées sur des preuves économiques. Pourriez-vous nous en parler un peu plus longuement?
    Oui, c'est un argument qui pourrait vous paraître un peu trop optimiste; la négociation internationale pourrait maximiser nos chances d'atteindre nos objectifs si les positions adoptées reposent sur des preuves qui suscitent un certain accord. C'est là où je voulais en venir.
    Il s'agit certainement d'un argument qui est invoqué, notamment dans les pays que vous venez de mentionner et qui sont cités dans le rapport. Autrefois, les efforts diplomatiques liés à la propriété intellectuelle reposaient davantage sur une politique de pouvoir plutôt qu'une politique d'ordre économique. En raison du caractère mondial d'Internet et de sa capacité de façonner et de rééquilibrer les forces dans les questions en matière de propriété intellectuelle, à tout le moins, les pays qui adoptent des stratégies ayant une influence internationale à cet égard auraient grand intérêt à tenir compte de cet aspect.
    Les conditions des échanges commerciaux ont certes changé, et la propriété intellectuelle n'est pas épargnée.
(0915)
    Il y a tellement de pistes de réflexion dans le rapport, mais une des questions dont vous avez parlé dans votre déclaration préliminaire, c'est la participation des petites entreprises. Il s'agit d'une question que les témoins ont souvent soulevée dans le cadre de notre étude et dont nous avons déjà discuté. Vous pourriez peut-être préciser votre pensée là-dessus et nous parler de cette recommandation dans votre rapport.
    Oui, je pense que la question comporte plusieurs dimensions. Chose certaine, s'il est vrai que l'innovation dans une économie comme le Canada ou le Royaume-Uni est attribuable aux petites entreprises — et je suis sûr que les données que votre comité étudie prouvent que c'est bien le cas —, il faudra s'assurer que le régime de propriété intellectuelle fonctionne bien, tant pour les petites entreprises que pour les grandes entreprises. Quelles mesures peuvent s'avérer utiles? Celles qui favorisent l'accès à la justice, l'accès aux tribunaux, ainsi que celles qui limitent les coûts des poursuites judiciaires. Il y a diverses façons de s'y prendre. Cependant, je dirais que la mesure la plus utile qu'on pourrait prendre pour aider les petites entreprises, c'est de faire tout en notre pouvoir pour nous assurer, tant bien que mal, que les marchés permettent, voire encouragent, la concurrence chez les petites entreprises, au lieu de les mettre à l'écart, notamment par les activités des chasseurs de brevets, les enchevêtrements de brevets ou le contrôle des marchés et du contenu protégé par le droit d'auteur, ce qui, dans certains cas, favorise indûment les titulaires et les anciens modèles d'affaires.
     Merci beaucoup, monsieur Hargreaves et monsieur Lake.
    Nous passons maintenant au dernier intervenant, M. Regan.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Hargreaves, je suis ravi que vous soyez des nôtres, même si ce n'est pas en personne.
    Selon une des recommandations dans votre rapport, il est en fait pire d'avoir un régime de droits inefficace que de n'en avoir aucun. Vous affirmez que de tels régimes semblent offrir des modèles d'affaires fiables et sûrs, mais en réalité, ils envoient des messages trompeurs. Pourriez-vous nous en dire davantage à cet égard? Le cas échéant, expliquez-nous quelles sont, d'après vous, les principales distinctions entre un régime efficace et un régime inefficace. Qu'est-ce qui les démarque?
    Pour qu'un régime de propriété intellectuelle, y compris un régime de droit d'auteur, soit efficace, la fréquence des abus ou des violations du régime doit être relativement stable et facile à gérer, sans aucun dérapage. Même si, dans mon étude, je me suis attardé sur la qualité des preuves qui sont présentées dans les descriptions des marchés et qui laissent entendre que le piratage prend de plus en plus d'ampleur sur une base quotidienne, il faut faire attention lorsqu'on interprète ces preuves.
    À mon avis, il ne fait aucun doute que la violation du droit d'auteur en ligne est un problème de taille. Toutefois, un tel problème ne sera pas réglé de façon satisfaisante tant et aussi longtemps que la loi ne paraît pas raisonnable aux yeux des gens qui sont raisonnables. Par exemple, dans le cas du Royaume-Uni, la décision de rendre systématiquement illicite le fait de copier une chanson d'un ordinateur portable à un baladeur MP3 n'a pas été viable pendant très longtemps. La loi doit être sensée; sinon, elle ne tient pas debout. On a besoin d'une mesure législative sensée sur une loi ou une série de lois sensées. C'est ainsi qu'on parviendra à obtenir un niveau raisonnable de consensus civil et à stabiliser de nouveau le régime de droit d'auteur.
    Quand vous parlez de restreindre le coût des poursuites judiciaires à l'intention des petites entreprises, faites-vous allusion aux petites créances pour les cas liés à la propriété intellectuelle, dont vous avez parlé? Entrevoyez-vous une série de dispositions dans pareil système qui permettraient de diminuer les coûts? Pouvez-vous nous donner quelques exemples?
(0920)
    Oui. Je pense que la procédure des petites créances est une des voies envisagées par le Royaume-Uni. C'est, selon moi, la chose sensée à faire. D'autres mécanismes peuvent être mis en place pour limiter les coûts. Tout ce qui permet de rendre le système plus accessible et plus rapide et qui réduit les coûts est un pas dans la bonne direction. Or, la loi, de par sa nature, ne nous permet pas de tout faire. C'est pourquoi il ne serait pas avisé de l'utiliser comme seul mécanisme de changement. On ne veut pas que le système soit mis à rude épreuve, comme c'est le cas actuellement dans certaines instances juridiques. N'empêche que les gens ici, au Royaume-Uni, vous diraient certainement de regarder ce qui se passe aux États-Unis.
    Je vais citer un passage de votre rapport. Voici ce que vous dites:
[...] il ne faut pas croire que la solution se trouve exclusivement dans une application plus rigoureuse des droits de propriété intellectuelle. Le gouvernement devrait plutôt réagir de quatre façons: en modernisant la loi sur le droit d’auteur; par l’éducation; en appliquant la loi et en faisant tout ce qu’il peut pour favoriser les marchés ouverts et concurrentiels dans le domaine du contenu numérisé sous licence, ce qui se traduira par un contenu numérique plus légitime à des prix avantageux pour les consommateurs.
    Pouvez-vous nous dire pourquoi vous êtes arrivé à la conclusion qu'une application plus rigoureuse de la loi ne réglera pas, à elle seule, le problème de la violation des droits de propriété intellectuelle?
    Parce que je crois que nous avons maintenant une foule de preuves selon lesquelles cette approche, qui a été mise à l'épreuve un peu partout dans le monde, n'a pas eu l'effet souvent réclamé dans les enquêtes sur de telles mesures.
     Cela m'amène à ma prochaine question, à savoir l'utilisation de modèles très restrictifs par certaines entreprises afin de protéger leurs produits. Je pense aux réseaux de télévision qui imposent des règles très strictes à leurs émissions télévisées ou qui contrôlent, dans la mesure du possible, la façon dont ce contenu est téléchargé sur Internet.
    Il y a ensuite d'autres exemples, notamment une entreprise qui a attiré l'attention des médias ici, il n'y a pas si longtemps: Getty Images. Au lieu d'utiliser des filigranes sur les photos en ligne, comme c'est souvent le cas — ce qui, en fait, dissimule la photo —, cette entreprise s'est mise à ajouter un lien sur son site Web dans le coin de la photo. Ainsi, les gens peuvent choisir de se rendre sur son site Web et décider s'ils veulent payer ou non des tarifs. En fait, cette initiative s'est avérée un franc succès puisqu'elle a permis à l'entreprise de tirer des revenus à partir de ses images, contrairement à d'autres entreprises qui utilisent le modèle opposé et qui ont du mal à générer des revenus ou qui perdent beaucoup d'argent.
    Est-ce un modèle qu'on devrait préconiser en matière de cadre ou de législation? Est-ce la voie de l'avenir?
    Oui. Getty Images prend part à l'exercice qui se déroule ici en ce moment et dont j'ai parlé, c'est-à-dire l'étude de faisabilité d'un système d'échange de droits d'auteur de contenus numérisés. Le modèle d'affaires de Getty Images, que vous venez de décrire, consiste à utiliser des métadonnées dans le cadre d'une plateforme d'établissement de prix. C'est vraiment ce qui s'impose. Mais selon moi, cette idée pourra se conscrétiser plus rapidement et plus efficacement grâce à un peu d'encadrement, de soutien ou d'orientation de la part du gouvernement, au lieu de se fier simplement à des acteurs dans chaque secteur qui conçoivent leur propre mécanisme. Le but, ce n'est pas de remplacer un système par un autre; il s'agit plutôt d'instaurer d'emblée ce changement nécessaire dans l'ensemble de l'économie numérique, si nous tenons à disposer de mesures de protection efficaces contre la violation des droits d'auteur et si nous voulons tirer pleinement profit des possibilités économiques qui existent, après tout, sur les marchés numériques mondiaux, dans bien des cas.
    Merci beaucoup, monsieur Regan.
    Merci beaucoup, monsieur Hargreaves. Nous vous sommes reconnaissants du temps que vous avez consacré au comité. Je sais que les membres du comité ont bien aimé votre témoignage.
(0925)
    Merci.
    Nous passons maintenant à nos prochains témoins, qui sont déjà ici.
     Nous recevons Erica Fraser, qui est gestionnaire de la commercialisation de la technologie pour les facultés de génie et de sciences au Bureau de la liaison avec l'industrie et de l'innovation de l'Université Dalhousie. Nous accueillons également Lianne Ing, vice-présidente de Bubble Technology Industries. Enfin, il y a Marc-André Gagnon, professeur adjoint à l'École d'administration et de politiques publiques de l'Université Carleton, qui comparaît à titre personnel.
    Nous allons vous entendre dans cet ordre.
    Madame Fraser, si vous le voulez bien, vous pouvez commencer vos observations. Vous avez cinq minutes.
    Merci de me donner l’occasion de témoigner devant vous au nom de l’Université Dalhousie. Comme vous l’avez mentionné, je m’appelle Erica Fraser, et j’ai le plus long titre au monde. Je suis gestionnaire de la commercialisation de la technologie en génie et en sciences.
    Le bureau de liaison avec l’industrie et de l’innovation fait partie du bureau des services de recherche de l’Université Dalhousie située à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Notre rôle à l’Université Dalhousie est double: nous nous occupons de la liaison et des relations avec l’industrie, ainsi que du transfert de la technologie. Pour ce qui est du transfert de la technologie, le bureau de liaison avec l’industrie et de l’innovation travaille de concert avec les chercheurs de l’Université Dalhousie et des hôpitaux d’enseignement affiliés pour protéger, gérer et commercialiser la propriété intellectuelle créée à l’université. En ce qui a trait à son rôle d’agent de liaison avec l’industrie, le bureau établit et gère des collaborations en R-D entre les partenaires de l’industrie et l’université, y compris la négociation, la protection, la gestion et l’octroi de licences de toute propriété intellectuelle résultante.
    Je crois comprendre que lors de la séance du 17 mai vous avez eu une bonne définition du rôle des bureaux de transfert de la technologie des universités canadiennes. À ce titre, j’aimerais aborder trois défis avec lesquels nous sommes aux prises lorsqu’il est question de maximiser l’innovation relative à la recherche universitaire en fonction du présent régime de propriété intellectuelle.
    Premièrement, comme dans la majorité des universités, il y a une tension inhérente à l’Université Dalhousie entre les objectifs du milieu universitaire, la culture de publication et le besoin de breveter les inventions en vue de profiter à fond de la productivité économique de l’innovation résultante de nos travaux de recherche. Cet écart engendre le besoin de présenter des demandes de brevet très rapidement et très souvent à la va-vite. Cela peut ensuite donner des brevets de moins bonne qualité, parce que c’est rédigé à la va-vite ou qu’une technologie n’a pas été mise au point avec suffisamment de données à l’appui par rapport à ce qui serait normalement souhaitable. Les demandes provisoires américaines nous donnent un moyen relativement abordable de protéger la propriété intellectuelle avant la publication; cette méthode n’est pas gratuite et est parfois plus rapide, mais pas toujours. Par contre, une telle méthode n’existe pas au Canada. Par conséquent, nos premières demandes de brevet sont pratiquement toutes faites aux États-Unis, et des demandes de brevets au Canada peuvent ensuite être faites, mais ce n’est pas toujours le cas, dans les 12 ou 30 mois qui suivent par l’entremise d’une demande PCT.
    Le deuxième défi avec lequel notre bureau et les PME avec lesquelles nous collaborons étroitement sont aux prises est la disponibilité limitée des agents enregistrés de brevets en dehors des grands centres urbains, comme Ottawa, Toronto, Montréal et Vancouver. Les honoraires de services juridiques des avocats et des agents enregistrés de brevets sont plus élevés dans ces grands centres urbains que dans les plus petits centres. Je fais remarquer que l’accessibilité serait améliorée si les agents enregistrés de brevets étaient répartis un peu partout au pays. Selon moi, nous nous retrouvons dans une telle situation, parce que les gens ne sont pas conscients de la possibilité de devenir agent de brevets et du processus pour devenir un agent de brevets et qu’il y a un manque de soutien et de mentorat sur la scène locale pour ceux qui essayent de devenir agents enregistrés de brevets. Je crois que la situation peut être améliorée par l’entremise de séances d’information et de sensibilisation par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, par exemple, auprès des gens du milieu quant à la possibilité de devenir agent de brevets. Il faut aussi soutenir ceux qui essayent de devenir agents enregistrés de brevets au Canada.
    J’aimerais vous faire part du dernier défi, soit la capacité des universités de protéger leur portefeuille de brevets. Étant donné que nos budgets sont très limités et que les litiges sur les brevets sont des gouffres financiers, c’est un défi de défendre nos droits de brevets. À ce titre, nous aimerions qu’il soit mis en place d’autres recours expéditifs et moins coûteux. Je pense, par exemple, à une division spécialisée de la Cour fédérale, comme une personne l’a déjà proposé lors de l’une de vos précédentes séances.
    À mon avis, ces divers enjeux tirent leurs origines de l’enjeu plus important qu’est l’accessibilité à une protection et à des recours de grande qualité pour les brevets. Avec une meilleure accessibilité à la protection, les universités et nos partenaires du secteur privé pourront tirer le maximum de nos innovations.
    Merci.
(0930)
    Merci beaucoup, madame Fraser.
    Madame Ing, vous avez cinq minutes, s’il vous plaît.
    Bonjour, monsieur le président, et bonjour aux membres du comité. Merci beaucoup de me donner l’occasion de témoigner devant vous et de vous parler de l’expérience de notre entreprise en ce qui concerne la protection et l’exploitation de la propriété intellectuelle.
    Je vais tout d’abord dire quelques mots au sujet de notre entreprise. Bubble Technology Industries a été fondée en 1988. Nous sommes situés à Chalk River, en Ontario, à deux ou trois heures à l’ouest d’Ottawa. Nous employons 50 personnes. Nous sommes une entreprise canadienne novatrice qui offre des produits, des services et des recherches sous contrat principalement dans le domaine de la détection du rayonnement et des explosifs. Nous avons plus de 400 clients répartis dans 25 pays; nous avons mené plus de 100 programmes de recherches pour des clients au Canada et partout dans le monde.
    Notre technologie a été utilisée pour protéger les gens et l’infrastructure lors d’évènements majeurs, dont l’investiture du président américain, le Super Bowl, la Série mondiale et les Jeux olympiques. Notre technologie a participé à plus d’une dizaine de missions spatiales en vue d’appuyer la recherche visant à protéger les astronautes des dangers du rayonnement et est aussi utilisée pour protéger les sous-marins nucléaires déployés en mer.
    Nous avons un personnel créatif et hautement qualifié. La pierre angulaire de notre succès est notre capacité d’avoir des idées novatrices et d’ensuite franchir les diverses étapes du processus, soit la recherche, la mise au point, la production et la mise en marché.
    En tant que petite entreprise qui se consacre à la R-D, notre approche en ce qui concerne la propriété intellectuelle se veut un équilibre entre les coûts et les avantages de protéger une bonne idée. Nous avons de nombreuses idées qui pourraient mener à des inventions brevetables, mais nous ne présentons des demandes de brevets que pour une fraction d’entre elles.
    La décision de breveter ou non une idée est une décision d’affaires. Le processus comprend de nombreux frais. Nous commençons par préparer la déclaration d’invention, ce qui comprend la recherche d’autres brevets et de publications pour nous assurer que c’est bien une idée originale. Nous embauchons ensuite un avocat qui prépare la demande de brevet. Il y a des frais relativement au dépôt d’une demande de brevet, et ces frais grimpent à mesure que vous augmentez le nombre de pays dans lesquels vous cherchez à protéger votre idée. Il y a souvent des itérations avec le Bureau des brevets en vue de définir la portée du brevet. Si le brevet est octroyé, il faut payer annuellement les taxes de maintien pour la durée de vie du brevet, soit normalement 20 ans. Toutes ces étapes ne vous donnent qu’un brevet.
    Si quelqu’un viole votre brevet, vous devrez assumer des frais juridiques considérables pour faire respecter votre brevet, et ces frais ne sont pas bien délimités. Par conséquent, une petite entreprise comme la nôtre doit choisir les inventions qu’elle protège par des brevets. Nous faisons breveter des inventions qui ont clairement un marché potentiel important. De plus, nous ne le faisons que si le fait de posséder un brevet nous donne un avantage concurrentiel important.
    Outre les brevets, nous avons d’autres façons de protéger notre propriété intellectuelle. Il importe de mentionner que dans le cadre du processus d’octroi des brevets votre demande, qui comprend une description détaillée de votre invention, est rendue publique après 18 mois. Si votre demande a été rejetée, cela veut dire que votre propriété intellectuelle est du domaine public et qu’une autre entreprise peut alors utiliser ce savoir. Par conséquent, nous avons parfois recours aux secrets commerciaux pour protéger notre propriété intellectuelle ou nous choisissons de publier de manière proactive de l’information en vue d’empêcher les autres de présenter une demande de brevets pour des inventions semblables.
    Je présume que vous examinez le régime de propriété intellectuelle, parce que vous voulez, notamment, déterminer comment mieux promouvoir la création et l’exploitation de la propriété intellectuelle en vue d’en faire profiter le Canada. Il importe de mentionner qu’il existe un cycle de développement des technologies. Le cycle doit bien entendu commencer par des recherches de haute qualité qui génèrent de nouvelles idées. Ces idées deviennent ensuite des inventions grâce à la R-D appliquée. Enfin, on peut présenter des demandes de brevets et employer d’autres moyens pour protéger la propriété intellectuelle.
    Cependant, à ce point du cycle, de nombreuses entreprises se butent à ce que nous appelons la vallée de la mort de la technologie. C’est le moment où la technologie atteint l’étape du prototype. Elle est trop mature pour être admissible au soutien à la R-D, mais la technologie est encore trop immature pour être mise sur le marché. C’est le point où la technologie peut avoir besoin d’être peaufinée, mise à l’essai et certifiée. Le matériel de commercialisation et de formation doit être élaboré, et les chaînes de production doivent être mises en place. Tout cela doit être fait avant de pouvoir commercialiser avec succès la technologie.
    Lorsqu’une technologie ne réussit pas à traverser la vallée de la mort, la valeur de l’invention est perdue, et aucun profit économique, sociétal ou autre n’en est tiré.
    Le gouvernement encourage actuellement la recherche au Canada par l’entremise d’un certain nombre de programmes importants, dont le Programme de crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental et le Programme d'aide à la recherche industrielle du CNRC. Il importe de maintenir le financement de ce programme en vue de créer des inventions. De plus, le gouvernement a récemment lancé le Programme canadien pour la commercialisation des innovations qui encourage la mise à l’essai et l’adoption de technologies pratiquement prêtes à être commercialisées. Cela aidera, avec un peu de chance, à commercialiser des technologies. Toutefois, si nous aidons davantage les PME à traverser la vallée de la mort, cela nous assurera que le Canada tirera profit de la propriété intellectuelle créée au pays.
(0935)
    De plus, selon notre expérience, il y a un autre domaine concret dans lequel le gouvernement peut soutenir l’exploitation de la propriété intellectuelle. La présente politique du Conseil du Trésor sur la propriété intellectuelle découlant des marchés d'acquisition de l'État dit que le titre de la propriété intellectuelle créée par un entrepreneur dans le cadre d’un contrat gouvernemental est la propriété de l’entrepreneur, et ce, en vue d’en encourager l’exploitation commerciale. Il s’agit d’une bonne politique en ce sens, mais des exceptions sont souvent évoquées. Par exemple, une exception relative à la sécurité nationale est souvent évoquée dans le cas de contrats du ministère de la Défense. Il est impératif de mettre l’accent sur la sécurité nationale, mais cette exception est, dans certains cas, pratiquement devenue la norme. Cela peut s’avérer un obstacle à la commercialisation.
    Au Canada, le marché des contrats du ministère de la Défense peut être relativement restreint pour certaines technologies. Cependant, si l’entrepreneur détient le titre de la propriété intellectuelle et peut facilement commercialiser et vendre la technologie aux autres nations alliées, cela permet d’étendre le marché et, par conséquent, de réduire le coût unitaire de la technologie et le temps de la mise en marché, ce qui est profitable à tous. Bref, une application plus limitée des exceptions à la politique serait avantageuse pour le Canada.
    Merci de nous donner l’occasion de vous parler. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, madame Ing.
    Monsieur Gagnon, vous avez cinq minutes.
    Si tout le monde est d’accord, je ferai mon exposé ainsi. Ce sera plus facile.
    Je vais aborder les politiques qui encouragent la R-D novatrice dans l’industrie pharmaceutique canadienne et démontrer en gros que les politiques en matière d’innovation sont actuellement très coûteuses et très inefficaces. Je vais faire un survol de l’économie politique du secteur et vous aider à mieux comprendre ces politiques en matière d’innovation, leurs coûts et leurs avantages.
    Pour ce qui est du survol de l’économie politique, il ne faut pas oublier que nous avons un noyau de sociétés que nous appelons les grandes entreprises pharmaceutiques. Elles représentent les deux tiers du marché mondial. D’un autre côté, les deux tiers du marché canadien sont contrôlés par 15 entreprises. Je crois que l’accent doit davantage être mis sur ces entreprises.
    Depuis 30 ans, nous constatons une importante augmentation des profits de ces entreprises. Si vous les comparez aux entreprises dominantes des autres secteurs industriels, vous verrez un écart. Il y a en gros une augmentation de l’écart pour ce qui est des profits au sein du secteur pharmaceutique. Cela pourrait être normal, mais le problème est que tout le monde s’accorde pour dire que depuis environ 20 ans, il y a une importante crise de l’innovation dans le secteur. En ce qui concerne l’innovation thérapeutique, la situation est quelque peu catastrophique. Donc, comment nous expliquons-nous un tel paradoxe, à savoir que les profits augmentent, pendant que l’innovation thérapeutique diminue?
    Il faut en fait comprendre que le modèle d’entreprise dominant dans le secteur pharmaceutique non seulement au Canada, mais aussi partout dans le monde, se concentre beaucoup plus sur la promotion, par exemple, que l’innovation proprement dite. Le régime des brevets permet actuellement aux entreprises de mettre l’accent sur la promotion, parce qu’elles détiennent une protection étendue pour le peu d’innovation qu’elles mettent sur le marché, par exemple, dans le cas des aérosols à dose mesurée.
    Le modèle d’affaires dominant est fondé sur la forte promotion de nouveaux médicaments insignifiants sur le plan de l’innovation thérapeutique. Les incitatifs financiers en place n’encouragent pas l’innovation, mais plutôt la promotion à grande échelle.
    En ce qui a trait aux politiques en matière d’innovation particulières au Canada, il faut nous rappeler que la politique sur les brevets n’est qu’une politique parmi tant d’autres qui ont de l’importance dans le secteur. Premièrement, il y a les crédits d’impôt et le Programme de recherche scientifique et de développement expérimental, mais il existe également d’autres crédits d’impôt. Les entreprises profitent de crédits d’impôt qui représentent plus ou moins 48 p. 100 de leurs dépenses en R-D.
    Nous avons un système au Canada avec le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés qui fixe le prix des médicaments brevetés. Cette politique vise systématiquement à faire du Canada le quatrième ou le cinquième pays où les médicaments sont les plus chers au monde, ce qui est très problématique. C’est quelque chose qui nous coûte très cher. Lorsque nous nous comparons à la France ou au Royaume-Uni, par exemple, rien ne justifie que nous dépensions de 10 à 15 p. 100 de plus pour des médicaments brevetés sur ordonnance. Bref, si nos prix étaient comparables à ceux de la France ou du Royaume-Uni, nous économiserions environ 12 p. 100, soit 1,5 milliard.
    Nous avons d’autres politiques en matière d’innovation, à savoir la règle des 15 ans au Québec et l’octroi de subventions directes en Ontario et au Québec. Si nous calculons le tout et que nous examinons la R-D dans le secteur pharmaceutique au Canada, les dépenses brutes du secteur privé en R-D se chiffrent à 1,2 milliard. Par contre, si nous tenons compte des crédits d’impôt, les investissements nets du secteur privé ne sont plus que de 640 millions de dollars. Voilà ce qui est dépensé par les entreprises.
    Si vous additionnez le tout, les subventions directes et indirectes se chiffrent au bas mot à 1,7 milliard de dollars. Notre système actuel fait en sorte que les Canadiens versent au moins 1,7 milliard en subventions directes et indirectes au secteur pharmaceutique qui génère en retour 614 millions, soit un taux de rendement négatif de 65 p. 100. Si vous dirigiez une entreprise qui affichait de tels résultats, vous seriez congédié sur-le-champ, mais cette situation perdure depuis au moins 20 ans.
(0940)
    En ce qui concerne les politiques d’innovation, le problème tient essentiellement au fait qu’elles ne fonctionnent pas. Le moyen le plus répandu de mesurer l’intensité de la R et D dans le secteur pharmaceutique d’un pays consiste à calculer le rapport entre la R et D et les ventes. Ce rapport diminue depuis le milieu des années 1990. Il s’élevait à 6,9 p. 100 en 2010, et il était toujours à la baisse en 2011.
    Lorsque nous nous comparons à d’autres pays, nous constatons que le Canada ne fait pas partie des pays de premier plan, pour ce qui est du ratio de la R et D sur les ventes. En ce moment, nous sommes au même niveau que Chypre et la Roumanie.
    Comment pouvez-vous résoudre le problème? Selon moi, nous ne devons pas investir plus d’argent dans le système. J’ai trois recommandations très simples à vous faire.
    Premièrement, nous devons modifier la façon dont nous fixons les prix, par exemple, afin de les harmoniser avec ceux des pays comme le R.-U. ou la France. Ainsi, nous épargnerions au moins 1,5 milliard de dollars.
    À l’heure actuelle, le Canada et l’Europe discutent de l’accord économique et commercial global. Mon opinion à ce sujet est que vous devez supprimer le règlement de liaison. Il est coûteux et inefficace, il entraîne des litiges inutiles en matière de brevets, et il donne aux fabricants de produits de marque un sentiment d’insécurité quant à la durée de la période d’exclusivité commerciale de leurs médicaments brevetés.
    Enfin, si nous souhaitons rétablir la durée des brevets — par exemple, le délai d’approbation — afin de prolonger la protection conférée par ceux-ci, cela ne pose pas de problèmes, car il s’agit d’un brevet, et non d’un droit. C’est un privilège accordé par l’État qui peut comporter certaines conditions. L’idée consisterait à obliger les entreprises à réinvestir au Canada une part importante des revenus supplémentaires ainsi générés. Je pense que cela créerait vraiment une économie du savoir.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à nos séries de questions. Toutes les interventions dureront cinq minutes.
    Monsieur Carmichael, vous disposez de cinq minutes.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins.
    J’aimerais commencer par interroger Mme Fraser. Nous avons entendu les témoignages d’autres établissements d’enseignement, et on nous a indiqué précisément que, dans notre marché, le Canada est le deuxième endroit choisi pour enregistrer la propriété intellectuelle — les États-Unis étant le premier endroit. Je me demande si vous pourriez nous donner quelques précisions à ce sujet.
    Du point de vue de l’Université Dalhousie, est-ce une bonne chose? La situation devrait-elle être inversée? Devrions-nous nous employer à la corriger d’une manière ou d’une autre, ou répond-elle aux besoins des gens qui innovent lorsqu’ils créent des propriétés intellectuelles?
    Eh bien, tout d’abord, je pense qu’il faut noter que le Canada n’est pas vraiment un second choix. C’est seulement que, selon le système de brevets actuel, on présente une demande à un endroit. Ensuite, on dispose de 12 mois pour présenter une demande internationale ou pour choisir les autres pays où l’on souhaite breveter le produit. Les États-Unis nous offrent l’avantage supplémentaire de pouvoir demander des brevets temporaires. Le processus est plus rapide, moins officiel. Il peut être moins coûteux, mais ce n’est pas nécessairement le cas. Alors, lorsque je dis que le Canada est le deuxième endroit où nous présentons une demande, cela ne signifie pas vraiment qu’il s’agit de notre second choix. Nous présentons une demande de brevet au Canada, lorsqu’il est logique de le faire — par exemple, nous nous demandons si nous avons des partenaires commerciaux qui mettent des produits en marché au Canada.
    Cela étant dit, si le Canada offrait un système de brevets temporaires ou un autre système concurrentiel qui rendait la présentation de la première demande au Canada avantageuse, nous serions heureux de faire affaire avec le Canada en premier. C’est entièrement une question de… Souvent, nous savons que nous publierons un document dans très peu de temps. Par conséquent, nous présentons une demande de brevet là où il est le plus logique de le faire d’abord.
(0945)
    D’accord. Pour être franc, je crois que c’était l’intention des autres établissements d’enseignement. Ils ont fait allusion à ce problème.
    Vous avez parlé de trois difficultés que votre université devait surmonter, et j’imagine qu’elles sont les mêmes partout au pays.
    Oui, j’imagine.
    Bon nombre d’établissements d’enseignement doivent affronter les mêmes problèmes.
    Pendant que nous étudions cette question en tant que problème, il est clair que nous et notre gouvernement mettons vraiment l’accent sur l’innovation. Nous voulons trouver une façon de mieux soutenir ou d’enrichir les occasions d’innover et de faciliter, au bout du compte, la commercialisation. Par conséquent, pouvons-vous dégager la voie un peu mieux ou, du moins, supprimer les objections ou les obstacles?
    J’avais une question à poser, précisément à votre intention. Est-ce que certaines politiques en matière de propriété intellectuelle incitent davantage les entreprises à investir dans les projets de recherche des chercheurs universitaires ou à faire équipe avec eux? Je comprends la question, par exemple, des technologies qui n’ont pas été développées complètement, de la mise en marché en hâte et peut-être parlerons-nous plus tard de la vallée de la mort — je serais curieux d’en entendre davantage à ce sujet. Je me demande si vous pourriez répondre à cette question.
    Bien sûr. Mais, pour éliminer toute ambiguïté, par « politiques en matière de propriété intellectuelle », entendez-vous des politiques gouvernementales ou des politiques universitaires?
    Non, je pense que j’aimerais surtout savoir ce qui peut être fait à l’échelle gouvernementale.
    Bien sûr.
    Je pense que, de nos jours, certaines subventions pour la recherche appliquée comprennent des fonds pour présenter une demande de brevet. Les subventions INNOV du CRSNG qui offrent des fonds pour le brevetage en sont un excellent exemple. Je pense que c’est formidable.
    Toutefois, selon moi, bon nombre des fonds accordés par le CRSNG, comme les subventions d’engagement partenarial, d’interaction et de recherche et développement coopérative — et ne vous méprenez pas, nous apprécions énormément ces fonds —, sont peut-être un peu déphasés à cet égard. Toutes ces subventions visent à établir des liens entre les industries et les universités et à promouvoir la recherche coopérative. Toutefois, aucuns fonds ne sont prévus à la fin pour gérer la propriété intellectuelle. On entend souvent les entreprises déclarer qu’il est bien d’avoir développé ces technologies, mais qu’elles ne disposent pas de l’argent nécessaire pour les protéger.
    Si les subventions comptaient des fonds pour protéger la propriété intellectuelle de ces technologies et de ces innovations élaborées au moyen de la recherche coopérative, je pense que cela aiderait énormément les entreprises à collaborer davantage avec les universités afin de mettre en marché ces inventions
    Alors, manifestement, votre troisième défi consiste à défendre votre portefeuille d’innovations lorsque des fonds ne sont pas fournis à la fin pour protéger la propriété intellectuelle. Ni le partenaire commercial, ni l’établissement d’enseignement ne sont en mesure de prendre les mesures qui s’imposent pour protéger ces technologies.
    Je dirais que c’est exact, mais que le problème comporte également un autre aspect. Si l’on considère la propriété intellectuelle développée dans les universités et le fait que nous cherchons à la commercialiser, le contrôle de l’exécution est la seule façon dont nous serons en mesure d’octroyer des licences à des partenaires commerciaux, au lieu de laisser la propriété intellectuelle disparaître dans le néant, où n’importe qui pourra tenter de l’exploiter.
    Merci.
    Madame LeBlanc, vous disposez de cinq minutes.

[Français]

     Je remercie tous les témoins.
    Ma question s'adresse au professeur Gagnon.
     Est-ce que le fait d'étendre la durée de vie des brevets dans l'industrie pharmaceutique, comme en 1987, a accru l'innovation dans ce secteur?
    Il faut d'abord savoir ce qu'on entend par « innovation ». Ce mot peut être défini de différentes manières. Si on parle d'innovation en matière de rendement économique, on peut dire qu'à certains égards, ce dernier a augmenté, notamment jusque dans le milieu des années 1990. Par contre, si on parle d'innovation en matière thérapeutique dans le secteur pharmaceutique, c'est-à-dire de résultats sur la santé, la réponse est non.
     La politique sur les brevets ne permet pas nécessairement d'améliorer l'innovation en matière thérapeutique. Elle peut avoir pour effet d'augmenter les dépenses en recherche-développement, mais si ces dernières servent avant tout à accéder à de la recherche déjà faite et protégée par un brevet, ça ne contribue pas à rehausser l'innovation en matière thérapeutique.
(0950)
    Le modèle de propriété intellectuelle qui était et qui est probablement encore utilisé dans le secteur pharmaceutique est plutôt fermé et rigide. Il y a eu beaucoup de bouleversements, notamment dans la région de Montréal lorsque des centres de recherche pharmaceutique ont été fermés.
     Comment entrevoyez-vous l'avenir? On parle d'un modèle de propriété intellectuelle plus fermé et de règles de protection très rigides. Quel genre de système de propriété intellectuelle imaginez-vous pour l'avenir, que ce soit pour le domaine pharmaceutique ou pour d'autres domaines?
    Dans le secteur pharmaceutique, et même dans les autres domaines, les acteurs sont toujours en état de confrontation. C'est pourquoi l'idée d'intégrer une culture de collaboration n'est pas du tout évidente. Toutefois, quand on parle aux chercheurs au sein des compagnies, on voit qu'ils sont bien d'accord pour essayer d'établir une plus grande collaboration. Ils voient l'importance d'accéder aux recherches de chacun. En termes d'affaires, par contre, ce n'est pas nécessairement ce qui est le plus rentable pour la firme. C'est pourquoi il y a parfois des tensions à cet égard.
    Comme je le disais, il y a très peu d'innovation en matière thérapeutique dans le modèle actuel. Il est moins risqué et coûteux pour un compagnie d'utiliser les molécules qu'elle a déjà créées et de continuer à y travailler. En effet, elle possède l'ensemble des brevets, de la propriété intellectuelle portant sur ces molécules. Elle peut essayer d'y apporter une légère amélioration plutôt que de se lancer dans une ligne de recherche complètement nouvelle et différente.
    À l'heure actuelle, on fabrique beaucoup de succédanés. L'innovation, en matière thérapeutique, est souvent carrément insignifiante. Plutôt que d'encourager une recherche importante qui pourrait mener à de grandes découvertes, l'actuel système, qui est fermé, conduit à ce modèle d'affaires basé sur de l'innovation insignifiante.
    Vous avez fait quelques recommandations. Comment le gouvernement ou les législateurs pourraient-ils encourager ce type de propriété intellectuelle collaborative afin d'encourager l'innovation au pays?
    J'ai collaboré avec Richard Gold qui, je crois, est venu faire une présentation ici. On travaille beaucoup à la question des communautés de brevets pour différentes maladies, entre autres. C'est une des belles façons d'inciter les chercheurs à collaborer et d'en arriver à des découvertes intéressantes.
    Il faut comprendre que le modèle actuel consistant à donner des droits de propriété intellectuelle sur la recherche en cours devient de plus en plus un obstacle. Le fait d'étendre ces droits, selon le modèle actuel, devient de plus en plus un obstacle à une découverte plutôt qu'une mesure incitative.
    Vous avez parlé du règlement de liaison, de patent-linkage regulations. Pourriez-vous en parler davantage et nous dire pourquoi ce n'est pas nécessairement un avantage pour le Canada?
    On se compare beaucoup à l'Europe, étant donné les négociations d'accord qui sont en cours. L'Europe n'a pas le patent-linkage. Grosso modo, c'est un système qui permet aux entreprises génériques d'accéder à la recherche des firmes brevetées. Cependant, dès qu'elles veulent mettre leur produit sur le marché, elles doivent faire une demande à l'entreprise détentrice du brevet, et celle-ci doit donner son autorisation.
    Au Canada, notre système de brevet est très laxiste; on permet l'émission d'un brevet très facilement. On part du principe que les entreprises génériques iront en cour pour contester le brevet. Notre système est laxiste par rapport à l'émission de brevets et permet à ces entreprises d'aller en cour pour les contester. Le patent-linkage regulation est un système qui octroie jusqu'à deux ans de protection supplémentaire pour permettre de démontrer à la cour que les brevets détenus par l'entreprise ne sont pas valides et qu'ils ont été émis de manière trop laxiste. C'est très cher et ce n'est pas utile.
(0955)

[Traduction]

    Nous avons grandement dépassé le temps qui nous était imparti. Je vais vous permettre de continuer à parler pendant un certain temps afin que nous obtenions les détails de votre réponse.
    Merci.
    Monsieur Albrecht, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins d’être venus.
    J’aimerais poser des questions complémentaires à Mme Fraser à propos de l’ensemble des politiques en matière de propriété intellectuelle qui, je le sais, sont en vigueur dans les diverses universités du Canada et de l’évolution de ces politiques. Par exemple, à l’Université de Waterloo, on a mis en oeuvre une politique qui donne aux professeurs et aux étudiants diplômés la possibilité de conserver, dans une grande mesure, la propriété de leurs inventions.
    Je me demande si les universités canadiennes sont tentées de normaliser d’une manière ou d’une autre cette politique. Je suis certain que la plupart des universités souhaitent maintenir leur autonomie à cet égard, mais j’aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Deuxièmement, comment les politiques de nos universités en matière de protection de la propriété intellectuelle se comparent-elles à celles des universités de nos autres partenaires internationaux?
    En ce qui concerne la normalisation, il y a évidemment tout un éventail de politiques en vigueur à l’échelle nationale. À l’Université Dalhousie, les chercheurs demeurent propriétaires de leurs inventions. Si l’on choisit de négocier un contrat avec une entreprise qui préfère traiter avec l’université qu’avec les chercheurs, la propriété peut être modifiée selon des clauses du contrat.
    Cela étant dit, ces dispositions sont définies dans les conventions collectives. Si vous cherchez à uniformiser à l’échelle nationale les politiques en matière de propriété intellectuelle, il est possible de le faire — cela a été fait aux États-Unis —, mais il faudra modifier chacune des conventions collectives.
    Dans ce cas, pourriez-vous clarifier en quoi consiste la norme américaine?
    Oui. Elle est définie en vertu de la Bayh-Dole Act. Toutefois, en raison d’une décision rendue par la Cour suprême l’année dernière, l’interprétation de la loi est un peu incertaine en ce moment. La loi indique actuellement que les chercheurs doivent divulguer aux universités toute propriété intellectuelle, que ces dernières ont le droit de commercialiser.
    Le chercheur en tant que tel n’a aucun droit sur la propriété intellectuelle, ou celle-ci peut-elle être partagée?
    Je ne connais pas suffisamment les détails pour formuler des observations à ce sujet. Je sais que la plupart des universités américaines s’entendent en quelque sorte avec leurs chercheurs pour partager les recettes.
    Savez-vous comment nos politiques se comparent, par exemple, à celles du R.-U., de l’Australie, de la France…?
    Je ne sais pas vraiment comment la France fonctionne, mais je crois comprendre que le système britannique ressemble beaucoup au nôtre. Il y a là-bas tout un éventail de politiques en vigueur.
    Et les universités ont le pouvoir de négocier leur propre convention collective.
    Absolument.
    L’un des problèmes dont j’ignorais l’existence est celui que vous avez soulevé au cours de votre déclaration préliminaire, à savoir la nécessité d’avoir un plus grand nombre d’agents de brevets disséminés dans tous les coins du pays et, en particulier, dans les petits centres urbains. Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet? En quoi consiste le processus pour devenir un agent de brevets… et pour savoir que c’est une possibilité en premier lieu? Je n’en savais rien jusqu’à aujourd’hui — non pas que je sois à la recherche d’un nouvel emploi.
    Non, je le comprends bien.
    Peut-être dans 12 ans.
    Bon nombre d’agents de brevets sont également des avocats, mais ce n’est pas indispensable. Ces derniers sont souvent des gens qui possèdent des connaissances techniques et qui détiennent des grades supérieurs en science ou en ingénierie, mais ce n’est pas toujours le cas. Certains domaines exigent des études supérieures; en pharmacie, par exemple, il n’est pas rare de trouver des agents de brevets titulaires de doctorats.
    Pour devenir un agent de brevets, il faut passer un examen très difficile. La dernière fois que j’ai consulté le taux de réussite à l’échelle nationale, c’était en 2010 et il oscillait entre 10 et 12 p. 100. Bon nombre de gens doivent passer l’examen à plusieurs reprises avant de le réussir. La meilleure façon de s’y préparer consiste à étudier les anciens examens affichés en ligne par l’OPIC.
    En ce qui concerne les cours de formation offerts, l’IPIC — je crois que vous avez entendu un membre de cette organisation plus tôt ce printemps — en offre un, mais seulement dans la région d’Ottawa. Il y en a peut-être un offert à Vancouver maintenant. Si vous venez des provinces de l’Atlantique, vous devez vous déplacer pour participer à ce cours qui, par ailleurs, coûte très cher.
    Toutefois, une fois que vous avez réussi l’examen, rien ne vous empêche de vous établir n’importe où au Canada — il n’y a pas de règle vous interdisant d’ouvrir votre cabinet dans une certaine région, parce qu’il y a un autre agent de brevets établi cinq miles plus loin.
    Non, pas du tout. Ils ont tendance à se concentrer à Ottawa, Toronto, Vancouver, parce que…
    Bien sûr, compte tenu des lois du marché.
    Mme Erica Fraser: Exactement.
    M. Harold Albrecht: Mais il n’y a pas de restrictions d’ordre légal.
(1000)
    Il n’y a pas de raisons légales de le faire.
    Fort bien.
    Voilà toutes les questions que je souhaitais poser. Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Albrecht.
    La vallée de la mort et des taux de réussite aussi bas que 12 p. 100  — cette industrie est implacable.
    Monsieur Regan, vous disposez de cinq minutes.
    « Quand je marche dans... ». Je suppose que c’est un peu comme siéger à la Chambre des communes.
    Une voix: Ce pourrait l’être d’ici jeudi.
    L’hon. Geoff Regan: Oui. Dans quelques jours, nous aurons tous cette impression.
    Madame Fraser, premièrement, permettez-moi de vous demander comment vous décririez la capacité d’innovation de notre région natale de l’Atlantique et ce qu’on doit faire pour inspirer d’autres entreprises, comme Ocean Nutrition, Les Algues Acadiennes, Radian6, Precision BioLogic, etc.
    Je pense qu’en fait, le milieu là-bas est de plus en plus propice à l’innovation. Je crois qu’il y a un nombre de plus en plus grand de petites et moyennes entreprises, surtout, qui réalisent des choses très intéressantes et très novatrices, comme Ocean Nutrition, que vous avez mentionnée et qui vient d’être achetée pour une belle somme. Un certain nombre d’autres entreprises, dont Les Algues Acadiennes et LED Roadway Lighting, innovent beaucoup dans les provinces de l’Atlantique.
    J’ai mentionné seulement quelques entreprises de la Nouvelle-Écosse, parce que je les connais mieux
    Cela ne me pose pas de problèmes.
    Quant aux mesures qu’on peut prendre pour inciter les entreprises à innover davantage, le Fonds d’innovation de l’Atlantique est un excellent programme à cet égard. Toutefois, il est plutôt substantiel, alors il faut entreprendre un grand projet pour y avoir recours.
    Sinon, certains des autres programmes nationaux que j’ai mentionnés, comme les subventions d’engagement partenarial, d’interaction et de recherche et développement coopérative du CRSNG, sont d’excellentes façons pour les universités d’aider les petites entreprises qui n’ont peut-être pas les ressources nécessaires pour embaucher des étudiants du 3e cycle, afin qu’ils mènent certaines de leurs recherches à l’université.
    J’estime que ces mesures sont excellentes et vraiment utiles.
    Certains de nos autres témoins ont parlé de la nécessité de favoriser davantage la collaboration dans le cadre de partenariats. Au cours des 20 dernières années, nous avons vu que certains programmes de subventions gouvernementaux, des programmes de R et D, ont nécessité la collaboration et l'établissement de partenariats, non seulement entre universitaires et gens d'affaires, mais aussi entre universitaires.
    Pourriez-vous vous prononcer sur la nécessité de renforcer l'interaction entre les chefs de file de l'industrie, du gouvernement et du milieu universitaire? Que peut faire le gouvernement pour l'améliorer, et dans quelle mesure est-elle importante? Est-ce qu'elle devrait être une priorité?
    Je crois fermement que c'est une priorité. Je dirais que de nombreuses mesures ont été prises au cours des dernières années pour instaurer ces programmes de subventions conjoints. N'importe quel programme de ce genre offre un avantage, tout ce qui, premièrement, peut sensibiliser les gens au fait que la collaboration est possible et qu'ils disposent de ces ressources — car à ce jour, c'est encore un fait que bien des petites et moyennes entreprises ignorent. Et, deuxièmement, tout ce qui leur facilite la tâche est certainement un avantage.
    Merci beaucoup.
    Madame Ing, selon vous, à part une canne et une houlette, de quoi nos entreprises ont-elles besoin pour traverser la vallée de la mort?
    Comme je l'ai mentionné, il existe un certain nombre de programmes et de contrats à l'intention des petites et moyennes entreprises maintenant que nous contribuerons au financement ou à la stimulation de la recherche et du développement, habituellement jusqu'au stade précoce du prototype.
    Le gouvernement a récemment instauré le Programme canadien pour la commercialisation des innovations pour tenter de favoriser la commercialisation des technologies, mais selon les critères d'admission, la technologie doit en être à un certain stade; elle doit, essentiellement, en être presque rendue au stade de la commercialisation, donc qu'elle est à peu près au point. Alors nous nous retrouvons avec un écart, la fameuse vallée de la mort, c'est-à-dire que vous pouvez vous rendre aussi loin qu'au stade du prototype et ensuite faire un bon pour avoir un produit quasi prêt à être commercialisé.
    Alors il serait certainement utile de reconduire les programmes de financement en place pour leur permettre d'élargir le mandat qu'ils ont d'appuyer une partie des activités de développement à un stade plus avancé au plan technologique. Il y a des programmes comme le Programme d'aide à la recherche industrielle du CNRC ou le Programme canadien pour la commercialisation des innovations à chaque extrémité de cette gamme qui pourraient être reconduits de façon à couvrir toute la gamme du développement jusqu'à la commercialisation.
    Merci.

[Français]

    Professeur Gagnon, j'ai trouvé très intéressants vos commentaires en ce qui concerne les subsides destinés aux brevets sur les médicaments. Vous estimez qu'il y a des bénéfices de 614 millions de dollars, mais qu'il nous en coûte 1,7 milliard de dollars.
    On entend des commentaires et des suggestions provenant des discussions entourant les négociations entre le Canada et l'Union européenne et voulant que cette dernière insiste pour qu'on étende la durée de vie des brevets liés à ses médicaments.
    Quels sont vos commentaires sur les effets possibles d'une telle décision de la part du gouvernement du Canada?
(1005)

[Traduction]

    Soyez très concis, s'il vous plaît.

[Français]

    Il est possible que, si on accepte les demandes européennes, l'effet sera tel que l'on va seulement augmenter les coûts sans créer davantage d'innovation dans le secteur.
    Si on se compare à l'Europe, il faut comprendre que le brevet, c'est une période de protection. Que protège-t-on? On protège aussi le prix du produit. Si nos prix sont de 15 p. 100 plus élevés et qu'ils soient assortis d'une période de brevet de 10 p. 100 plus courte, au bout du compte, on offrira une meilleure protection au Canada par rapport à ce qu'offrent plusieurs pays européens. Si on garde le même niveau de prix et que l'on prolonge la période de protection, cela va être trop cher et on n'aura pas les retombées qui s'y rattachent.

[Traduction]

    Merci, monsieur Gagnon.
    Il y a certainement eu beaucoup de bons sentiments pendant cette ronde.
    Madame Gallant, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais me pencher sur les remarques formulées par Bubble Technology concernant la politique actuelle du Conseil du Trésor sur la propriété intellectuelle découlant des contrats d'approvisionnement gouvernementaux.
    Premièrement, j'aimerais éclaircir un point. Lorsque l'exception devient la règle, cela veut-il dire que c'est le ministère qui détient la propriété intellectuelle?
    C'est exact. Lorsque l'exception à la politique du Conseil du Trésor est invoquée, cela signifie que le gouvernement détient la propriété intellectuelle du projet réalisé dans le cadre du contrat.
    De toute évidence, il y a certains cas dans lesquels, pour des raisons de sécurité nationale, cela pourrait avoir du sens. S'il s'agit de technologies stratégiques, le gouvernement doit s'assurer d'y avoir accès. Mais il y a bien des programmes qui ont été réalisés sous l'égide du ministère de la Défense nationale où la technologie pouvait être fournie plus rapidement et à un coût unitaire moindre sans mettre en jeu la sécurité nationale si le détenteur de la propriété intellectuelle demeurait signataire du contrat. Dans tous les cas, comme c'est le gouvernement qui a financé la technologie, c'est lui qui garde le droit de l'utiliser. Mais quand le signataire du contrat est en mesure de détenir la propriété intellectuelle, cela lui permet d'envisager d'autres activités de suivi pour celle-ci, notamment la commercialisation ou l'amélioration de cette technologie pour en produire la prochaine génération.
    En règle générale, le témoin connaît-il des situations dans lesquelles, après l'expiration d'un contrat gouvernemental, le gouvernement s'approprie la propriété intellectuelle et la donne à une autre entreprise pour acquérir le produit à un prix moindre?
    Nous n'avons pas eu d'expérience directe à cet égard. En règle générale, nous avons constaté que lorsque le gouvernement détient la propriété intellectuelle, il faut alors faire des démarches pour signer un contrat de licence avec le ministère. Cela devient simplement une question de temps et de ressources. Cela génère bien de la paperasse dans beaucoup de cas. Parce que la technologie est aussi variée, lorsque les ministères envisagent des transferts technologiques, il arrive souvent qu'ils commencent avec un modèle de contrat de licence, et que ce modèle puisse ne pas convenir à la technologie précise qui a été développée dans le cadre de ce programme. Vous vous retrouvez donc dans une situation où, pour passer à travers ces négociations, vous ajoutez des coûts et retardez la commercialisation, et il devient de plus en plus difficile de poursuivre cette technologie. Si vous avez d'autres technologies peut-être aussi prometteuses, vous choisirez peut-être de concentrer plutôt vos efforts à les développer.
    En quoi ce système de propriété intellectuelle du Conseil du Trésor diffère-t-il de celui d'autres pays alliés ou membres de l'OTAN?
    Nous travaillons beaucoup avec les autres nations alliées, en particulier les États-Unis. Lorsqu'ils passent des marchés, leurs efforts sont très axés sur l'industrie. La politique du Conseil du Trésor, selon laquelle la propriété intellectuelle devrait demeurer celle du signataire du contrat, est conforme à ce que nous voyons au gouvernement des États-Unis s'agissant des conditions. C'est juste que lorsque les exceptions à la politique du Conseil du Trésor sont invoquées, elles peuvent entraver la commercialisation.
    Alors, toutes proportions gardées, côté commercialisation, il est plus lucratif de faire affaire avec le département de la Défense des États que son pendent canadien?
    Aux États-Unis, nous voyons souvent que, dans le cadre de nombreux contrats de développement, on est disposé à financer le développement d'une technologie pour l'amener à un stade plus avancé. Nous avons souvent des contrats dans le cadre desquels il est possible d'en arriver à un système viable du point de vue commercial par l'intermédiaire d'un contrat gouvernemental. Cela vous donne donc un meilleur tremplin pour commercialiser un produit.
(1010)
    Lorsque le gouvernement a signé un contrat exclusif avec vous et vous n'êtes pas autorisé à mettre votre produit en marché, cela fait-il en sorte que le prix est protégé en faveur du gouvernement?
    Il nous arrive souvent de voir dans les contrats gouvernementaux des conditions garantissant le prix le plus favorable au gouvernement en cas de commercialisation de la technologie. Les contrats prévoient déjà une protection de prix pour le gouvernement en reconnaissance de ses contributions au développement technologique. En n'imposant pas de restrictions géographiques à l'entreprise, si nous pouvons augmenter le volume de vente d'un produit, nous pouvons faire baisser le coût unitaire. Nous donnons dans la détection du rayonnement et des explosifs. Le marché des technologies spécialisées peut être relativement petit au Canada. Alors si nous pouvons élargir ce marché et vendre à d'autres nations alliées, par exemple, nous pouvons accroître le volume de production et ensuite faire baisser les prix pour tout le monde.
     Dans vos échanges avec le gouvernement canadien ou américain, avez-vous eu l'impression qu'ils permettront le partage de la technologie, qu'ils n'invoqueront pas entièrement ce point? Par exemple, a-t-on envisagé le partage avec les pays du NORAD, le Canada, les États-Unis, les « Five Eyes » ou l'OTAN?
    Lorsque les exceptions du Conseil du Trésor ne sont pas invoquées dans certains des contrats que nous négocions, nous sommes en mesure de conserver la propriété intellectuelle par le biais de contrats avec le gouvernement du Canada. Nous avons ensuite pris cette technologie et l'avons commercialisée et vendue à l'étranger. Bien sûr, les produits exportés sont déjà protégés par une réglementation. Alors, s'il s'agit d'une technologie sensible, vous êtes déjà assurés qu'elle ne se retrouvera pas dans des pays indésirables.
    Merci, madame Ing.
    Merci, madame Gallant.
    La parole est maintenant à M. Harris pour cinq minutes.
    Je vais commencer avec Mme Ing, mais mes questions ne seront pas dans la même veine que celles de Mme Gallant. Bien sûr, vous parliez de la vallée de la mort et ça nous a bien fait rire, mais c'est une question sérieuse. C'est l'un de ces écarts qui existent, notamment pour les petites et moyennes entreprises.
    Dans le rapport Jenkins, il est recommandé de délaisser les réductions d'impôt directes au profit d'un financement plus direct. Pensez-vous que ce genre d'approche contribuerait à combler cet écart qu'est la vallée de la mort?
    Ce qui nous inquiète lorsqu'il est question de délaisser le modèle de crédits d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental en faveur d'un financement plus direct, c'est qu'un groupe détermine les secteurs d'investissement prioritaires. Les domaines de recherche des petites entreprises qui ne sont souvent pas très connues, qui ne consacrent pas beaucoup d'argent au marketing, qui ne sont pas les plus importantes au Canada, mais qui mènent des travaux de recherche très innovateurs, peuvent très facilement être laissés pour compte lorsqu'un autre groupe détermine ce que devraient être les priorités en matière de recherche. À notre sens, cela a tendance à étouffer l'innovation.
    Merci. C'est un commentaire très intéressant. Je pense qu'il se rapporte au fait que dans tout ce que nous faisons, nous devons toujours nous efforcer de trouver un juste équilibre.
    Je crois que c'est l'un des principaux objectifs de cette étude. C'est d'étudier la propriété intellectuelle pour en fait trouver le juste équilibre entre les brevets et les marques de commerce et tout ce dont nous parlons afin d'encourager l'innovation et ne pas l'étouffer avec des règles.
    Sur ce, je vais maintenant m'adresser à M. Gagnon.

[Français]

    Mes propos vont faire suite aux commentaires de M. Regan. On a dit que des subventions de 1,7 milliard de dollars sont accordées au secteur pharmaceutique, ce qui nous donne des bénéfices d'environ 640 millions de dollars.
    Parallèlement, comparativement à des pays comme la France et la Grande-Bretagne, on dépense au bout du compte 1,5 milliard de dollars de plus pour le secteur pharmaceutique. Je trouve incroyable que cela nous coûte plus cher bien qu'on accorde des subventions. Cela fait en sorte qu'on dépense 3 milliards de dollars de plus pour avoir des bénéfices de l'ordre de 640 millions de dollars.
    Avez-vous une suggestion? Vous avez dit qu'on devrait peut-être considérer une baisse des prix afin de s'aligner sur la France et d'autres pays comparables? Croyez-vous qu'on devrait diminuer ou augmenter les subventions accordées au secteur pharmaceutique? Croyez-vous que ce serait utile? Ou serait-il possible d'injecter cet argent un peu plus précisément dans le domaine de l'innovation?
(1015)
    En ce qui concerne la question de vérifier auprès des pays comparables en vue d'une baisse des prix, à mon avis, ce serait dans la logique des choses et cela n'aurait aucun effet sur le plan du financement en recherche-développement.
    Par exemple, en ce qui a trait aux économies qu'on réaliserait, il faut comprendre tout le système d'innovation actuel dans le secteur pharmaceutique et savoir que c'est axé sur la commercialisation par les grandes firmes dominantes dont on a parlé. Par exemple, le but premier de n'importe quelle entreprise de biotechnologie, c'est de se faire racheter par une de ces firmes dominantes.
    Il y a un problème. Les firmes dominantes ont un programme de recherche qui est plus problématique, qui est axé sur les succédanés. Il y a une manière, notamment, d'améliorer l'innovation en matière thérapeutique. À mon avis, cela passerait vraiment par la recherche publique. Il faudrait avoir une espèce de modèle d'affaires substitut, fondé davantage sur une recherche publique qui n'est pas axée sur une commercialisation par les grandes firmes. Ce ne serait pas pour remplacer ce qui se fait, mais ce serait pour compléter ce qui se fait par un modèle substitut qui pourrait apporter quelque chose de nouveau, de différent, une belle complémentarité, au secteur pharmaceutique actuel.
    Merci.

[Traduction]

    Bien entendu, M. Hargreaves n'est plus avec nous, mais une des suggestions qu'il a faites était de baisser les prix des brevets des petites entreprises. Si nous envisagions quelque chose du genre, je proposerais que nous nous tournions aussi vers le milieu universitaire, car il cadre dans un modèle un peu différent. Est-ce que les témoins ont des commentaires à formuler sur ce point?
    Il faudrait que ce soit un commentaire bref, vu que nous avons dépassé notre temps.
    Il y a déjà un système d'instauré au Canada pour les petites entités dans le cadre duquel les petites entreprises et les universités paient des droits moins élevés que les autres, bien que, encore une fois, pour en profiter, les petites entreprises courent parfois des risques. Les États-Unis viennent d'instaurer le statut de micro entité, qui est encore plus petit, et qui est fondé sur le nombre de brevets que vous avez déposés. Si vous avez déposé un nombre relativement peu élevé de brevets ou vous êtes une université, vous pouvez profiter de droits encore moins élevés.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. McColeman pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins.
    Madame Ing, vous avez parlé du Programme d'aide à la recherche industrielle et de la RS&DE. En outre, si j'en juge par les questions de l'opposition, vous avez commenté la RS&DE. De quelles façons le Programme d'aide à la recherche industrielle vous a-t-il aidé à financer l'innovation?
    Nous avons tiré parti du Programme d'aide à la recherche industrielle à deux ou trois occasions. Premièrement, ils font du très bon travail côté sensibilisation, même auprès des collectivités rurales. Nous ne nous trouvons pas dans un grand centre, mais nous avons accès à des conseillers technologiques du Programme qui ont pour mandat de prendre contact avec les petites entreprises pour les informer des services qu'offre ce programme.
    Nous avons eu deux ou trois projets couronnés de succès grâce au Programme d'aide à la recherche industrielle. L'entreprise investit dans le développement technologique, bien sûr, mais ce programme offre du financement supplémentaire pour aider à faire avancer plus rapidement les travaux. Nous avons eu de belles réussites au plan du développement technologique, réussites qui peuvent ensuite donner lieu à un produit commercial.
    L'une des priorités du Programme d'aide à la recherche industrielle, quand il évalue une proposition, est de toujours envisager l'avantage que le Canada pourrait en tirer. Il veut d'un plan d'affaires et d'un plan de commercialisation clairs. Cette exigence oblige vraiment l'organisme à bien évaluer son plan d'affaires. Puisque l'entreprise investit aussi des fonds dans ce programme, cela la pousse à penser soigneusement à sa proposition et à opter pour les technologies les plus prometteuses sur le plan commercial.
    Y a-t-il des ajouts ou d'autres façons de joindre les entreprises aux technologies vraiment prometteuses? Y a-t-il d'autres points auxquels un programme comme celui-là pourrait sensibiliser?
(1020)
    Comme je l'ai mentionné, je crois que le Programme d'aide à la recherche industrielle a fait du bien bon travail en tenant de nombreuses séances d'information et en essayant d'accroître sa couverture.
    Aux États-Unis, il y a le SBIR, un programme pour petites entreprises, qui a pour principal mandat de verser du financement aux petites entreprises pour stimuler l'innovation. Ce programme a été couronné de succès en ce sens qu'ils ont vraiment eu des appels d'offres distincts. Les avantages offerts aux petites entreprises sont bien connus dans le monde des affaires.
    Le gouvernement des États-Unis a aussi des programmes incitatifs pour tenter d'encourager les grandes entreprises à faire appel à des petites entreprises lorsqu'elles exécutent de grands contrats. Le recours aux petites entreprises est, en fait, pris en compte dans l'évaluation d'une proposition aux États-Unis, alors cela aide assurément.
    Cela aiderait peut-être le Programme d'aide à la recherche industrielle à atteindre les petites entreprises et à leur offrir de plus amples incitatifs pour faire avancer leurs technologies.
    Oui.
    C'est bien.
    J'ai une question concernant la RS&DE — qui concerne aussi le comité de l'industrie — et votre commentaire voulant que le fait d'étouffer l'innovation est peut-être l'une des nouvelles orientations. La RS&DE est manifestement offerte à bien des entreprises. Beaucoup d'entreprises qui en profitent la trouvent très utile pour élaborer leurs modèles d'affaires. Mais bien d'autres l'utilisent seulement comme modèle d'affaires et ne produisent pas vraiment les technologies, les innovations, les résultats attendus dans le cadre du crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental.
    Je me demande si vous pouviez vous prononcer là-dessus. Comment pourrions-nous nous y prendre pour créer un programme hybride de RS&DE, ou quelque chose du genre, qui nous permettrait de combiner les meilleurs résultats de la RS&DE tout en éliminant ses côtés moins utiles qui font presque partie d'une subvention?
    Si l'on prend comme exemple le modèle de notre compagnie, je pense que le programme de RS&DE a été très profitable, nous ayant permis de mener de la recherche et du développement financés par la compagnie, et de bénéficier de crédits d'impôt. Habituellement, la RD vise le développement de nouvelles technologies grâce à des contrats — et je dis bien contrats, non pas subventions — qui sont exécutés non seulement pour le compte du gouvernement du Canada, mais aussi pour d'autres gouvernements. Ce faisant, nous apportons des recettes au pays.
    J'ai proposé tout à l'heure des changements au modèle de RS&DE, de façon à ce qu'il soit davantage axé sur la commercialisation. Il y a un risque à cela: un groupe donné pourrait essayer de définir les priorités stratégiques de la recherche, alors qu'il est impossible de savoir réellement ce que sont les technologies les plus prometteuses pour une série de petites et moyennes entreprises réparties dans l'ensemble du pays.
    On pourrait regrouper les gens les plus avisés du monde et ils seraient incapables de prévoir la nouvelle percée technologique qui va rapporter des millions de dollars à une entreprise. De notre point de vue, il est logique d'offrir des programmes qui encouragent les technologies commerciales prometteuses; ce qui ne l'est pas, c'est de définir ce que ces technologies doivent être par secteur.
    Merci beaucoup, madame Ing, et merci à vous, monsieur McColeman.

[Français]

    Madame Leblanc, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Gagnon, j'aimerais revenir brièvement sur les propos que nous avons échangés plus tôt. Le traité de libre-échange avec l'Union européenne est en train d'être négocié. Au Canada, la protection des données dure huit ans. Dans le cadre des négociations, l'Union européenne voudrait que cette période soit dorénavant de 10 ans.
     Est-ce que ça correspond aux demandes de l'Organisation mondiale du commerce ou est-ce que ça va au-delà de ces exigences? Quelles seraient les répercussions pour le Canada s'il acceptait d'étendre la période de protection des données, comme le souhaite l'Union européenne?
    Pour ce qui est de la protection des données, nous respectons entièrement l'Accord sur les ADPIC. L'extension de la protection des données vise à encourager les firmes à faire de la recherche et des essais cliniques sur des médicaments déjà existants afin de voir s'il n'y aurait pas des usages supplémentaires pour lesquels le médicament serait intéressant.
    Pour ma part, je trouve assez logique qu'on étende un peu la protection des données. La grande différence entre l'Union européenne et le Canada est qu'au Canada, on confond souvent la protection des données et le secret des données. On remarque que Santé Canada impose toujours le secret des données à l'ensemble des données cliniques qui lui sont soumises, ce qui est inadmissible. Ça empêche les autres chercheurs d'avoir accès aux données cliniques qui sont disponibles. Or, dans bien des cas, ces données ont été obtenues grâce à un financement public massif. Le fait qu'on les protège par un droit de propriété pour s'assurer qu'une autre compagnie ne commercialise pas autre chose ne me cause pas de problème, mais le fait qu'on les rende secrètes pour empêcher les chercheurs d'y accéder est inadmissible, selon moi.
(1025)
     Vous avez mentionné qu'il serait possible de faire de la recherche publique pour compléter la recherche privée. Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet et nous donner des exemples?
    La recherche privée est fortement axée sur la production d'arguments de vente pour les produits pharmaceutiques plutôt que sur une recherche clinique permettant de comprendre véritablement l'innocuité du produit. Quand le secret des données est imposé, si celles-ci sont produites par des firmes et publiées ensuite dans les journaux médicaux, il y a un genre de sélection choisie des données qui vont être publiées. On opte pour celles qui répondent le mieux aux arguments de vente qu'on veut faire valoir auprès des médecins.
    À l'heure actuelle, plus de 85 p. 100 de la recherche fondamentale est actuellement financée par des fonds publics. Elle est donc essentiellement publique, mais elle est axée vers la commercialisation par de grandes compagnies.
    Pour ce qui est de la recherche clinique, ce sont avant tout les grands essais publics effectués aux États-Unis par les National Institutes of Health qui ont permis d'avoir une idée très objective et neutre des avantages d'un produit par rapport à ses effets nocifs. Parfois, de grands essais cliniques publics permettent de remettre les pendules à l'heure, c'est-à-dire de savoir si le produit est véritablement bon ou non.
    Pour continuer sur le thème de notre étude et surtout sur le domaine du secteur pharmaceutique, comment peut-on établir des politiques qui vont faire en sorte d'instaurer des normes de propriété intellectuelle qui pourront générer plus d'innovation dans le secteur pharmaceutique?

[Traduction]

    Soyez bref, s'il vous plaît.

[Français]

    Selon moi, la politique de brevet ne signifie pas plus d'innovation. Actuellement, on a un système institutionnalisé d'aide aux entreprises parasites. J'essaie donc de démontrer que la politique de brevet n'est donc pas nécessairement le meilleur outil pour améliorer l'innovation en matière thérapeutique.
    En ce qui concerne les politiques, il y a le brevet et les autres politiques d'innovation que l'on peut mettre en place. Une chose est simple, et c'est ce vers quoi s'oriente l'Angleterre, le Royaume-Uni, en ce moment. Il s'agit de l'établissement de prix équitables, c'est-à-dire qu'on va accepter de rembourser un médicament seulement en tenant compte de l'innovation en matière thérapeutique que représente ce médicament. On va donc payer pour l'innovation, pour le résultat en matière de santé, et non pas pour le produit commercialisé.
    Selon moi, ce serait une excellente façon d'encourager l'innovation. Vous apportez une innovation, on va payer pour cela; vous apportez quelque chose d'insignifiant, on ne paie pas pour cela.

[Traduction]

    Merci, monsieur Gagnon.
    Merci, madame LeBlanc.
    Nous passons maintenant à M. Lake, qui a cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Et merci à tous les témoins d'être venus.
    Madame Ing, j'aimerais, si vous me le permettez, revenir à la crainte que vous aviez par rapport au programme de RS&DE, à savoir de faire payer les frais en utilisant des mécanismes de financement direct. Mais ce que j'ai trouvé intéressant, c'est que vous semblez avoir eu une très bonne expérience du Programme d'aide à la recherche industrielle.
    Je ferais remarquer que dans le tout dernier budget, le budget sur lequel nous allons voter pendant des heures et des heures cette semaine, l'une des mesures que nous avons prises a été de modifier le programme de RS&DE. Nous en avons gardé des grands pans, mais nous en avons modifié certains éléments. Dans le cadre de la transition et par rapport au financement, nous avons, par exemple, doublé le budget du Programme d'aide à la recherche industrielle. Si je vous ai bien comprise, vous aimez le programme parce que tout le monde y a accès et qu'il n'est pas réservé à un secteur en particulier, au détriment des autres. Pourriez-vous élaborer à ce sujet?
(1030)
    Oui, vous avez raison. Je pense qu'il y a beaucoup de bons programmes au Canada et qu'il est utile de les réexaminer pour s'assurer qu'on n'en prenne pas avantage, sans que cela profite réellement au pays.
    De notre point de vue de petite entreprise occupant un créneau de recherche assez précis, nous voulons nous assurer que ce genre de programmes ne finit pas par intéresser uniquement certains secteurs technologiques. Je pense qu'il est très difficile de savoir à quoi ressemble l'ensemble du secteur de l'innovation au Canada. Une petite entreprise installée dans une région totalement inconnue pourrait très bien faire la plus grande percée technologique de la décennie. Et on aurait été incapable de le prévoir en examinant les marchés ou les technologies stratégiques.
    L'un des éléments les plus utiles de votre témoignage est le facteur expérience, vu sous l'angle de la compagnie. Si le représentant d'une petite entreprise — qui a bien démarré — vous demandait conseil sur la prochaine étape à suivre, que lui diriez-vous compte tenu de ce que nous avons aujourd'hui au Canada?
    Voulez-vous parler des programmes à envisager?
    Oui.
    Je lui recommanderais certainement de prendre contact avec un conseiller du Programme d'aide à la recherche industrielle du CNRC. Il y a des conseillers dans les divers domaines technologiques et commerciaux qui vous diront ce qu'ils pensent d'un nouveau concept ou d'une nouvelle technologie. Ils vous poseront toutes sortes de questions — questions que vous auriez attendues d'un investisseur — pour s'assurer que vous montez un plan d'affaires extrêmement détaillé. Ce sont donc d'excellentes personnes-ressources.
    Parfait.
    Vous avez dit dans votre exposé quelque chose qui a attiré mon attention et je vous cite:
Par conséquent, une petite entreprise comme la nôtre doit choisir les inventions qu’elle protège par des brevets. Nous faisons breveter des inventions qui ont clairement un marché potentiel important. De plus, nous ne le faisons que si le fait de posséder un brevet nous donne un avantage concurrentiel important.
    Quand vous dites qu'il faut choisir, vous supposez qu'il y a des inventions qui correspondent à ces critères, et d'autres pas, et vous choisissez donc de ne pas faire breveter ces dernières.
    Cela devient une question de priorité. En tant que petite entreprise, vous ne disposez que d'un certain montant pour assumer les coûts associés, par exemple, aux demandes de brevets et à la taxe de maintien en état. De par la nature de ces travaux, la société emploie beaucoup de scientifiques et d'ingénieurs dont nombre d'inventions pourraient être brevetées si elle avait suffisamment d'argent.
    Il faut donc bien réfléchir aux priorités et décider des sommes que nous allons par exemple consacrer à la recherche et au développement. Sur la douzaine d'inventions qui pourraient être brevetées, il y en a très peu pour lesquelles nous ferons une demande. Ainsi, il y a des technologies qui ne voient pas le jour ou que l'on met en veilleuse parce que les coûts de brevet sont trop élevés pour une petite entreprise.
    Vous dites ensuite, et c'est vraiment là que je voulais en venir:
Par conséquent, nous avons parfois recours aux secrets commerciaux pour protéger notre propriété intellectuelle ou nous choisissons de publier de manière proactive de l’information en vue d’empêcher les autres de présenter une demande de brevets pour des inventions semblables.
    C'est exact.
(1035)
    Je ne suis pas sûr de bien comprendre; pouvez-vous élaborer?
    Outre le brevet, on peut utiliser deux autres stratégies. Premièrement, le secret commercial par lequel on se sert d'autres instruments juridiques, tels que les ententes de confidentialité qui interdisent à vos fournisseurs ou à vos partenaires de publier certains détails de votre technologie. Ce faisant, vous essayez de garder secret un savoir-faire jusqu'au lancement du produit. Mais cela ne marche que pour les technologies qui ne peuvent pas être facilement désossées, par exemple.
    La deuxième approche de protection de la propriété intellectuelle est la publication défensive. Si vous travaillez dans un domaine qui suscite énormément de recherches, vous supposerez que beaucoup de groupes y travaillent aussi sur la scène internationale. Si vous faites une découverte et pensez que de la faire breveter coûte trop cher ou n'est pas la meilleure décision d'affaires, l'alternative est de publier l'information dans le domaine public. Si un autre groupe essayait alors d'obtenir un brevet sur le même concept ou une invention similaire, le bureau des brevets tomberait sur l'information que vous avez publiée à ce sujet lorsqu'il rechercherait les dernières avancées dans le domaine. Comme l'un des critères d'obtention d'un brevet est que le produit doit être nouveau et inconnu des experts dans le domaine, si vous pouvez prouver que vous aviez trouvé ce concept en premier et que vous l'aviez publié, un autre groupe ne pourrait pas le faire breveter et vous empêcher d'utiliser la technologie qui y est associée.
    D'accord, merci.
    Bien sûr, ils pourraient aussi collaborer avec vous sur ces travaux.
    Oui.
    Monsieur Stewart, vous avez cinq minutes.
    J'aimerais parler un peu plus des universités. Peut-être que vous pourrez me donner votre avis à ce sujet, madame Fraser. Le sujet que je veux aborder est sans doute très différent de celui dont nous avons parlé aujourd'hui, mais il y a un lien entre les deux. Il s'agit du financement de la recherche scientifique dans les universités.
    Le gouvernement semble actuellement délaisser un peu la découverte pure ou la science fondamentale au profit de la recherche axée sur l'industrie. On constate, par exemple, une réduction du budget des subventions à la découverte, et l'élimination de deux grandes subventions, la subvention d'appui aux ressources majeures et la subvention à la découverte d'outils et d'instruments de recherche. Nous abandonnons en outre les bourses d'études plus générales en faveur des bourses d'études spécialisées et postdoctorales qui exigent davantage de partenariats avec l'industrie.
    Je me demande tout simplement si, à Dalhousie, on a eu un débat approfondi sur ce changement d'orientation ou si le sujet n'est pas encore d'actualité.
    Ce sujet est tout à fait d'actualité; surtout pour les nouveaux chercheurs, qui débutent grâce à une subvention à la découverte. On a donc absolument constaté une baisse de ces chiffres.
     De par mon travail de liaison avec l'industrie, j'apprécie beaucoup la valeur des bourses que l'industrie offre pour la recherche appliquée. On reconnaît, je pense, qu'il doit y avoir un équilibre entre ce type de recherche fondamentale et éthérée qui finit par aboutir souvent d'ailleurs à la recherche appliquée ou à la commercialisation… Mais comme le disait Mme Ing, quand il s'agit de choisir les gagnants ou quoi que ce soit d'autre, on ne sait pas souvent ce qui sortira de cette recherche fondamentale, tant qu'on ne la mène pas. Nous pensons donc qu'il doit y avoir un équilibre et que les deux types de recherches doivent coexister.
    D'accord, je comprends tout à fait.
    Je me demande simplement comment… On semble imaginer qu'il y a ces types de liens dans la chaîne. Je veux dire que vous avez votre recherche fondamentale dont une partie est consacrée au développement, et que cette recherche finit par aboutir à la commercialisation. Mais souvent, ces liens ne sont pas aussi évidents qu'on nous le dit. En Grande-Bretagne, on décrit souvent cette situation en prenant la métaphore de la machine à fabriquer de la saucisse. Vous y mettez de la viande et il en sort de la saucisse. Mais ayant moi-même longtemps travaillé à l'université, je ne crois pas que ce soit nécessairement ce qui motive ceux qui oeuvrent dans la recherche fondamentale.
    Avez-vous donc des moyens particuliers pour rallier ces chercheurs à l'industrie? Avez-vous, à l'Université Dalhousie, des programmes, colloques particuliers ou autres pour faire valoir cette approche auprès de ceux qui oeuvrent dans la recherche pure?
    En tant que représentants du bureau de l'innovation et de la liaison avec l'industrie, il est certain que nous sensibilisons nos chercheurs, en nous assurant qu'ils sont au courant des programmes existants.
    Nous assurons la liaison avec nos partenaires de l'industrie, lorsque nous avons des gens qui travaillent dans le même domaine. C'est souvent un jeu d'influence et d'attraction. Souvent, les chercheurs prennent l'initiative de nous communiquer leurs idées, mais il arrive aussi que l'industrie s'adresse à nous parce qu'elle a besoin d'aide.
    Dans les deux cas, nous essayons d'assurer la liaison.
    Dans un autre cas de figure, lorsque l'on nous fait part d'une découverte ou d'une invention trouvée en dehors d'un partenariat avec l'industrie, nous essayons de la commercialiser en cherchant des partenaires dans l'industrie. Ainsi, même si l'approche n'est pas toujours aussi linéaire que dans le cas, par exemple, de la machine à fabriquer la saucisse, je dirais qu'il y a divers mécanismes qui permettent, à un moment donné, de susciter une interaction.
    D'accord et vos efforts de commercialisation ont-ils été fructueux? Je pense ainsi à l'exemple que m'a donné quelqu'un qui travaille à l'Université de la Colombie-Britannique, où l'on avait créé, pour les gros camions, des moteurs au gaz naturel que l'on cherchait à commercialiser. C'est maintenant chose faite et une entreprise de la côte Ouest, Westport, fabrique ces camions.
    Avez-vous, à l'Université Dalhousie, des exemples de réussites aussi complètes et à grande échelle?
    Certainement, diverses facultés de l'université ont réussi à commercialiser des technologies destinées à différentes industries. Ainsi, un chercheur nommé Mark Stradiotto a récemment obtenu un grand succès dans le domaine de la chimie. Il a mis au point un produit qui est maintenant vendu dans le commerce.
    Nous mettons par ailleurs au point un matériel de béton qui est en cours de commercialisation dans le Canada atlantique. Enfin, en partenariat avec des compagnies pharmaceutiques, nous avons mis au point plusieurs médicaments qui passent actuellement les étapes des essais cliniques.
    Ces exemples donnent une bonne idée de l'ampleur de la recherche qui est menée à Dalhousie.
(1040)
    Oui, et je crains que si vous limitez la liberté des universités — et cela s'apparente un peu à ce que disait Mme Ing — et que vous commencez à orienter les gens dans une direction, les entreprises faisant part de leurs attentes et ces attentes n'étant pas satisfaites…
    Mais c'est aussi valable pour les universitaires. Si vous commencez à limiter leur champ d'exploration, ils iront ailleurs, et cela arrive déjà. J'ai reçu une multitude de lettres et courriels depuis que les subventions ont été changées. Les gens me disent que les subventions à la recherche fondamentale disparaissent et qu'ils cherchent maintenant du travail ailleurs. En effet, ils ont accepté un emploi pour pouvoir faire librement leurs recherches et pas nécessairement pour servir l'industrie. Cela ne les gêne pas d'avoir des partenariats, mais cela ne doit pas être leur but principal.
    Y a-t-il à Dalhousie des tribunes ou des débats sur la nature de la recherche dans les universités? Est-ce que ce sont des sujets dont on parle souvent?
    Soyez très brève, s'il vous plaît.
    Je dirais que c'est un sujet de conversation permanent.
    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme Gallant, pour la dernière série de questions.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Ing, M. Reagan a sourcillé lorsque vous avez mentionné que vous veniez de Chalk River, car nous y avons fait récemment une visite. Bubble Technology est une entreprise qui est le fruit de la science produite à EACL et où il y avait de la propriété intellectuelle qui a été commercialisée.
    Vous avez beaucoup parlé de la propriété intellectuelle produite par Bubble Technology et de la commercialisation. Étant donné qu'EACL produit une douzaine de brevets par an, vous êtes-vous récemment chargés de certains des brevets sur lesquels l'entreprise travaillait, ou en avez-vous transféré ou commercialisé?
    Nous n'avons pas collaboré récemment avec AECL dans ce domaine. Ces dernières années, l'entreprise concentre plutôt la RD sur les réacteurs nucléaires et ses technologies d'appui. Nos propres recherches s'étant orientées vers les applications de défense et de sécurité, il n'y a pas eu beaucoup de chevauchements. Toutefois, il y a à peu près un an, au moment où l'on envisageait la restructuration d'AECL, on s'est de nouveau intéressé au site de Chalk River en vue d'une collaboration et de liens plus étroits avec des partenaires tels que nous. En fait, nous avons l'an dernier renouvelé certaines collaborations avec AECL afin de tirer profit de certaines de ses installations du site de Chalk River.
    Très bien.
    Vous disiez que les brevets coûtent cher aux petites et moyennes entreprises, mais si ces brevets sont contestés, vous devez alors faire appel aux tribunaux.
    Madame Fraser mentionnait qu'il devrait peut-être y avoir un tribunal distinct et plus modeste pour la propriété intellectuelle. Envisagez-vous ce genre de solution ou bien une autre instance s'occupant des brevets qui concernent particulièrement les petites et moyennes entreprises?
    Dans certains cas, une fois qu'une petite entreprise a obtenu un brevet, ce brevet peut être contesté par une grande entreprise qui, grâce à sa puissance financière, peut créer de nombreux obstacles et faire traîner l'affaire très longtemps devant les tribunaux. Cette situation, qui crée un immense désavantage pour la petite entreprise, est certainement très inquiétante. On pourrait sans doute trouver une solution de type tribunal de petites créances ou un mécanisme de financement auquel pourrait avoir recours la petite entreprise qui établit que sa technologie présente une valeur économique nette pour le pays. Bref, il s'agirait de mettre à disposition de ces petites entreprises des ressources qui pourraient leur permettre de se défendre contre de très grandes sociétés.
    Merci.
    Chers collègues, avant de remercier les témoins, j'aimerais vous confirmer que, tel que convenu à l'unanimité, il n'y aura pas de réunion jeudi.
    Par ailleurs, j'ai besoin de quelqu'un pour proposer une motion concernant notre budget, à savoir que dans le cadre de l'étude sur le régime de propriété intellectuelle au Canada, le budget supplémentaire proposé de 2 600 $ soit adopté. Quelqu'un veut-il la proposer?
    Je la propose.
    (La motion est adoptée.)
    Merci beaucoup, chers collègues.
    Je remercie beaucoup les témoins de leurs réponses excellentes et du temps qu'ils nous ont consacré.
    La séance est levée.
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