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Bonjour, mesdames et messieurs. Bonjour à tous et bienvenue à la 35
e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie.
Comme toujours, nous avons un problème avec nos horloges. Vous constaterez qu'elles affichent des heures assez disparates; nous nous fierons donc à l'heure de nos Blackberry, selon lesquels il est exactement 8 h 45, du moins pour les députés. Nos témoins ont probablement d'autres appareils numériques; c'est toutefois à cette heure que nous nous fierons.
Nous accueillons aujourd'hui quatre témoins. Nous entendrons en premier Harry Page, chef de la direction d'UBM Techinsights. Richard Gold, professeur à la faculté de droit de l'Université McGill, témoignera à titre personnel. Nous entendrons également Chris Tortorice, conseiller juridique d'entreprise, Microsoft Canada Inc, et Dale M. Ptycia, premier responsable, Octroi de licences, Hockey Canada.
Nous accorderons à chacun de six à sept minutes pour faire leur exposé, après quoi nous procéderons aux tours de questions.
Je suivrai simplement l'ordre du jour. Monsieur Page, pourriez-vous faire votre exposé pendant sept minutes?
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Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. La propriété intellectuelle, de toute évidence, une question importante dans notre pays en général. Nous avons à cet égard une expérience considérable et de solides opinions.
Comme le président l'a souligné, je suis chef de la direction à UBM Techinsights, une entreprise située ici même, dans l'ouest de la ville, depuis sa fondation il y a près de 25 ans.
Notre mandat consiste principalement à protéger la propriété intellectuelle des créateurs et des titulaires. À l'instar du laboratoire médico-légal de CSI, nous aidons les inventeurs et les titulaires dans le domaine de la propriété intellectuelle. Nous employons des techniques d'enquête d'ingénierie-inverse très poussées et spécialisées afin d'aider les gens à détecter les violations et à ainsi pouvoir exercer leurs droits de propriété intellectuelle.
Nous faisons partie d'une grappe en pleine croissance. La plupart des sociétés de renommée mondiale qui aident les gens à protéger leur propriété intellectuelle se trouvent ici, à Ottawa, et ce, en raison de la présence du CNRC, du CRC, du secteur de la recherche en défense et de certaines activités commerciales préliminaires de Microsystems International. Nous formons maintenant une grappe internationale d'entreprises technologiques reconnue à l'échelle mondiale, dont les revenus annuels dépassent probablement 300 millions de dollars et qui emploie quelque 300 personnes dans la ville.
Nous considérons que nous jouons un rôle crucial en aidant les innovateurs canadiens et étrangers à protéger leur propriété intellectuelle.
Vous savez certainement que la propriété intellectuelle prend bien d'autres formes que le droit d'auteur. Les inventeurs disposent d'un éventail de régimes légaux pour protéger leur propriété intellectuelle. Le Parlement est, bien sûr, en train de moderniser la Loi sur le droit d'auteur, mais nous considérons qu'il existe plusieurs autres formes de propriété intellectuelle qui sont tout aussi importante quand vient le temps d'aider et de protéger les innovateurs et les titulaires canadiens. Il s'agit notamment des brevets, des marques de commerce et des topographies de circuits intégrés.
Or, c'est là que le bât blesse. La protection de la propriété intellectuelle s'appuie sur les lois et les régimes internationaux, mais la technologie ne connaît pas de frontière. Dans bien des cas, les droits des créateurs et des innovateurs canadiens dépendent de leur accès aux marchés internationaux et du fait que les droits de propriété intellectuelle des titulaires étrangers restent intacts et sacro-saints au Canada. De même, les entreprises étrangères qui pénètrent les marchés canadiens s'attendent à ce que leur propriété intellectuelle y soit aussi bien protégée que dans leur pays.
C'est dans ce contexte que les créateurs et les innovateurs s'efforcent de surveiller et de détecter les violations de la propriété intellectuelle dans le monde technologique d'aujourd'hui, lequel évolue rapidement et qui s'avère fort complexe. Nous devons considérer la propriété intellectuelle comme un actif intellectuel. Les gens doivent pouvoir en tirer un certain rendement pour pouvoir donner un souffle nouveau au cycle d'innovation. Voilà où la protection de la propriété intellectuelle prend toute son importance.
Nous félicitons le gouvernement des efforts qu'il déploie pour moderniser et améliorer cette protection. J'aimerais cependant faire remarquer au comité qu'il importe que ces efforts ne nuisent pas par inadvertance à la protection des autres formes de propriété intellectuelle. Nous craignons, à cet égard, que certaines dispositions de la Loi sur le droit d'auteur n'aient des conséquences inattendues sur notre secteur local de la technologie et notre capacité d'aider les gens à protéger leur propriété intellectuelle.
Nous nous inquiétons notamment du fait que les dispositions visant à empêcher le contournement de la loi ne créent de l'incertitude dans le domaine juridique et ne découragent les gens de faire appel à des légistes pour détecter des violations d'autres formes de propriété intellectuelle, même si le contournement de ces mesures de protection n'a en fait rien à voir avec les documents protégés par un droit d'auteur.
Même si le projet de loi relatif au droit d'auteur sera bientôt adopté, nous comptons continuer à travailler avec le gouvernement et les autres organismes concernés afin de veiller à ce que le libellé du règlement d'application de la loi soit clair et précis et ne nuise pas à la protection pleine et entière de la propriété intellectuelle des créateurs et des titulaires canadiens et étrangers.
Je me permettrais de dire que nous sommes très encouragés par les échanges que nous avons eu jusqu'à maintenant. Nous avons parlé à un certain nombre de personnes, dont certaines sont présentes aujourd'hui. Nous ne doutons pas que ces questions seront résolues de façon proactives dans le cadre du processus réglementaire. L'affaire a cependant permis de mettre en exergue l'importance et la complexité du régime de propriété intellectuelle.
Le Canada est un chef de file mondial de la protection et de la validation des droits de propriété intellectuelle. La grappe d'entreprises technologiques qui travaillent en collaboration avec des sociétés internationales sont dans un rayon de 20 miles d'où nous nous trouvons. Nous considérons le Canada comme le champion des droits de propriété intellectuelle des créateurs et des titulaires de toutes les régions au monde.
Je suis certain que notre rôle dans la grappe locale continuera de gagner de l'importance et de prendre de l'ampleur. On admet de plus en plus, comme le comité le fait certainement lui-même, que la propriété intellectuelle constitue le moteur de la nouvelle économie. Le Canada doit donc faire tout ce qu'il peut pour assurer la protection pleine et entière de toutes les formes et manifestations de PI, tout en respectant le fait que les régimes de propriété intellectuelle doivent pouvoir se compléter mutuellement sans nuire à la protection et aux droits des autres formes de PI.
Nous avons l'intention de collaborer avec le comité, le gouvernement et les organismes de réglementation concernés pour promouvoir la cause de la protection de la propriété intellectuelle. Pour notre part, nous continuerons d'investir afin d'améliorer et de renforcer nos compétences pour permettre au Canada de conserver sa position de chef de file à part entière de la protection de la propriété intellectuelle et de l'innovation sur la scène internationale.
Je vous remercie.
En ma qualité d'universitaire, je suis toujours heureux de pouvoir m'adresser à des gens qui accordent du financement aux organismes qui financent mes travaux de recherche. C'est avec plaisir que je leur rends service en retour, considérant qu'il fait partie de notre mission d'aider les comités du gouvernement quand nous le pouvons.
Pour vous faire un bref portrait de ce que je suis, je possède une vingtaine d'années d'expérience dans le domaine de la PI et de l'innovation, ayant pratiqué le droit à Toronto dans le secteur de la technologie, et ayant travaillé à l'Université de Western Ontario et à l'Université McGill, où j'enseigne depuis 11 ans et où je suis le titulaire de la Chaire James McGill de la faculté.
Je travaille dans un domaine à la croisée des brevets et de l'innovation, et j'ai offert mes conseils à l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, à l'Organisation de coopération et de développement économiques, à l'Organisation mondiale de la Santé, à UNITAID, aux gouvernements fédéral et provinciaux, et aux organisations universitaires de transfert de la technologie du Canada et des États-Unis. J'ai rencontré des membres de la Chambre des représentants et du Sénat des États-Unis concernant des questions relatives à l'innovation. J'ai travaillé dans le domaine de l'éducation traditionnelle au Canada, en France et aux États-Unis, et j'enseigne régulièrement en France. En fait, j'y rencontrerai en août des décideurs de mon calibre afin d'examiner des questions de collaboration.
Je ne témoigne pas dans un but précis, mais pour vous faire part des résultats de nos recherches dans des domaines qui pourraient vous intéresser.
J'aimerais faire deux observations. Il faudrait notamment renforcer la capacité de certaines institutions qui gèrent la PI, particulièrement l'Office de la propriété intellectuelle du Canada, et leur accorder un peu plus de pouvoir afin de déterminer la portée du droit des brevets, sur lequel je mettrai l'accent aujourd'hui.
Il faudrait également offrir des incitatifs afin de favoriser la collaboration et l'établissement de partenariats propices à l'épanouissement de la PI au Canada, lesquels peuvent servir à établir les éléments complémentaires nécessaires au fonctionnement du régime de PI.
J'ai déposé un mémoire, mais je ne le passerai pas en revue.
Je dirais tout d'abord que le Canada honore toutes ses obligations internationales. Nous pourrions toujours discuter pour voir s'il conviendrait de faire plus ou moins, mais au bout du compte, nous n'enfreignons aucune règle. Nous sommes au milieu du peloton, sauf en ce qui concerne le droit des brevets. À cet égard, j'affirmerais qu'à l'exception de quelques domaines, qui ne sont pas nécessairement sans importance, nous sommes en fait en avance sur bien des pays en ce qui concerne la protection des titulaires de brevet. Je nous compare ici aux États-Unis.
Tout d'abord, si on examine ce que disent les tribunaux, les critères d'obtention d'un brevet sont généralement moins exigeants au Canada qu'aux États-Unis. Il y a moins de motifs pour invalider un brevet au Canada qu'aux États-Unis, qui imposent toute une panoplie de règles concernant la préclusion et l'irréprochabilité. Nous n'avons pas de procès devant jury, ce qui sème la confusion dans les litiges relatifs aux brevets aux États-Unis, qu'on intente des poursuites ou non. Nous disposons en outre d'un meilleur choix de dommages-intérêts. Les États-Unis n'autorisent que les dommages-intérêts et les triples dommages-intérêts, alors que nous autorisons les dommages, les dommages-intérêts punitifs, qui constituent l'équivalent des triples dommages-intérêts, ainsi que la comptabilisation des profits, une mesure qui n'existe pas dans le régime américain. Elle offre aux titulaires de brevet un puissant outil, car c'est la partie adverse, et non eux, qui doit dévoiler ses livres. De plus, nos provinces sont assujetties au droit des brevets, alors qu'aux États-Unis, en vertu de la constitution, les États n'y sont pas soumis à moins qu'ils n'adoptent une loi spéciale, ce que tous n'ont pas fait.
Pour toutes ces raisons, nos normes sont supérieures dans bien des domaines du point de vue des titulaires de brevet. Cela dit, les brevets ne sont cependant qu'un des nombreux facteurs nécessaires à la création d'un régime d'innovation. Ainsi, même si nos lois en la matière sont solides, nous avons négligé bien d'autres facteurs, les éléments complémentaires qui rendent l'innovation possible, comme la capacité auto-acquise d'intégrer des chaînes de distribution; la fusion de plusieurs types de technologies pour pouvoir en faire l'acquisition, amalgamer le tout et disposer ainsi de la science habilitante; le savoir-faire permettant de soumettre les innovations au régime de réglementation non seulement au Canada, mais à l'étranger; et, évidemment, le financement.
Nous passons beaucoup de temps à discuter du droit des brevets et à scruter le tout à la loupe, concluant qu'à certains égards, nous n'égalons pas nos voisins. Ce faisant, nous négligeons le plus important, c'est-à-dire qu'on peut fignoler le régime de brevet tant qu'on veut, si on ne met pas l'accent sur les éléments complémentaires, il n'y a pas de système d'innovation.
Permettez-moi de traiter des deux facteurs que j'ai évoqués, l'investissement et les institutions. Le droit des brevets est complexe, un peu comme l'est la Loi de l'impôt sur le revenu. L'intervention du Parlement ou même du gouvernement, par voie de règlement, ne fait souvent qu'accroître la confusion. Si on prend l'exemple des règles concernant les avis de conformité portant sur les médicaments brevetés, chaque modification donne lieu à de nouveaux litiges et accroît ainsi l'incertitude.
L'Office de la propriété intellectuelle du Canada est l'un des organismes les mieux à même de gérer le droit des brevets. Mais en vertu d'une décision que la Cour d'appel fédéral a rendue à l'automne dernier, il n'a pour ainsi dire aucune fonction en matière de politique. Après qu'il a adopté une politique sur le brevet « 1-click » d'Amazon.com, la cour lui a signifié qu'il n'avait pas un mot à dire dans ce dossier. Étant donné que cet organisme est très au fait de ce qui se passe dans le domaine de l'innovation et du droit des brevets, pouvant notamment suivre ce qui se passe aux États-Unis, il devrait obtenir des pouvoirs supplémentaires afin de prendre des décisions fondamentales en matière de politique.
À cela s'ajoute la question des tribunaux. Au Canada, nous faisons de notre mieux, mais nous ne pouvons compter que sur un seul juge possédant une expérience substantielle du droit des brevets, et il prendra sa retraite dans deux ans. Nous n'avons pas besoin d'un tribunal spécialisé, car il n'y a pas suffisamment de causes, mais nous devons nommer des juges qui ont de l'expérience dans le domaine des brevets et offrir plus de formation.
Enfin, nous devons développer les éléments complémentaires. La seule manière d'y parvenir vraiment consiste à favoriser la collaboration entre les universités canadiennes, l'industrie, le secteur de la finance afin que tous travaillent ensemble.
Nous pouvons nous inspirer de quelques exemples. J'en mentionne quelques-uns dans mon mémoire: le Consortium de génomique structurelle et le Consortium de recherche et d’innovation en aérospatiale au Québec. Ces collaborations non seulement favorisent la création de PI au Canada, mais permettent de savoir comment composer avec le régime de réglementation afin d'amalgamer ce savoir et les autres éléments à la recherche universitaire.
Nous pourrions également exploiter ces efforts pour élaborer des politiques pour non seulement créer des brevets au Canada, mais également en obtenir dans des domaines clés de l'innovation qui nous intéressent, brevets que détiennent des Canadiens grâce à un mécanisme de financement nous permettant d'utiliser les brevets pour attirer d'autres investissements.
Merci.
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Bonjour et merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les députés.
Je m'appelle Chris Tortorice, conseiller juridique d'entreprise, Microsoft Canada, où je suis responsable de la supervision du programme de lutte au piratage de Microsoft. Je suis également agent de brevets et de marques de commerce enregistré au Canada.
Je me réjouis d'avoir l'occasion de comparaître devant le comité aujourd'hui, notamment pour traiter de l'importance de protéger et d'exercer efficacement les droits de propriété intellectuelle, particulièrement dans l'industrie du logiciel.
Le piratage et la contrefaçon de logiciels ont de nombreuses conséquences économiques néfastes et exposent les Canadiens à des risques substantiels. Car ne vous y trompez pas: le piratage de logiciel est une activité d'envergure. On estime qu'elle prive l'industrie internationale du logiciel de plus de 60 milliards de dollars chaque année. Mais les coûts dépassent de loin les pertes de revenus qu'essuient les concepteurs de logiciels, et ont des répercussions directes sur les économies locales et la vie des citoyens. Le piratage de logiciels cause des pertes d'emplois et prive le gouvernement de revenus fiscaux. Tout l'écosystème du logiciel d'un pays, les concepteurs, les revendeurs, les intégrateurs de systèmes et les spécialistes des TI, dépendent de la protection efficace de la propriété intellectuelle pour sauver leur gagne-pain.
Outre les effets économiques du piratage, les logiciels piratés et contrefaits exposent les Canadiens qui les utilisent à des risques importants. Les consommateurs et les entreprises qui en acquièrent à leur insu risquent d'infecter leurs ordinateurs avec des logiciels espions, des logiciels malveillants et des virus qui peuvent mener au vol d'identité, à la perte de données et à des pannes de système. Des études réalisées par IDC et le Harrison Group confirment que les logiciels piratés contiennent souvent des virus et des codes malveillants qui endommagent sérieusement les systèmes informatiques, engendrant ainsi des réparations coûteuses et une perte de productivité en raison d'un arrêt prolongé des activités.
Selon une étude, près d'un système d'exploitation piraté ou contrefait sur quatre s'est infecté à l'installation ou a téléchargé et installé de lui-même un logiciel malveillant lors de la connexion initiale à Internet.
Outre l'aspect financier, le piratage a des conséquences bien plus importantes sur l'innovation dans le domaine du logiciel. Il ne fait aucun doute que le piratage, qui résulte en fait de l'incapacité de protéger les droits de propriété intellectuelle, décourage les entreprises les plus novatrices de la société. Nous savons que les entreprises conceptrices de logiciels et d'autres compagnies novatrices tiennent compte de la rigueur des lois d'un pays en matière de PI et de la capacité de ce dernier à les appliquer quand vient le temps de décider de l'emplacement de leurs installations de recherche et développement.
Cette question devrait être particulièrement importante aux yeux des Canadiens. Un grand nombre de nos partenaires commerciaux ont été plus actifs et ont mieux réussi à protéger leur innovation nationale.
J'aimerais utiliser le temps qu'il me reste pour traiter de trois domaines où les réformes législatives pourraient rendre le régime de propriété intellectuelle plus efficace.
Je dois tout d'abord souligner l'importance de la réforme du droit d'auteur prévue dans le projet de loi . La Loi sur la modernisation du droit d'auteur permettra au Canada d'honorer les obligations qui sont les siennes en vertu du traité sur le droit d'auteur et du traité sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle. Elle donnera aux auteurs, aux artistes et aux autres titulaires de droit d'importants outils dans le monde de plus en plus en ligne d'aujourd'hui. Nous appuyons donc l'adoption rapide du projet de loi .
De plus, le gouvernement doit prendre des mesures pour renforcer l'exécution de la loi aux frontières. L'Organisation mondiale des douanes a fait remarquer que les agents de douane sont souvent les seuls à savoir quand des biens contrefaits sont transportés. À moins que ces agents ne soient autorisés à agir de leur propre chef pour arrêter les envois suspects aux frontières, les mesures n'auront tout simplement aucun effet.
Actuellement, les agents de douane du Canada n'ont pas le pouvoir de saisir les biens qu'ils croient contrefaits. L'Agence des services frontaliers du Canada ne peut détenir des biens que si le titulaire des droits a obtenu une ordonnance de la cour, ce qui est extrêmement rare, puisqu'il faut savoir quand et où les biens arrivent et avoir toutes sortes d'information que les titulaires n'ont pas, ou que la GRC ou la police locale ait accepté de saisir les biens. Aucune loi interdit expressément l'importation de biens contrefaits.
Pour corriger ces lacunes, le gouvernement devrait promulguer une loi pour renforcer les mesures d'exécution à la frontière. Cette loi devrait donner aux agents de douane le pouvoir exprès de détenir ou de saisir les biens contrefaits, permettre la divulgation d'information et la remise d'échantillons de biens aux titulaires de droit, interdire expressément l'importation de biens contrefaits et exposer les contrevenants à des recours civils et criminels.
Je traiterai enfin de la loi canadienne des marques de commerce, qui a grand besoin d'être modifiée afin de résoudre les problèmes de contrefaçon. À cet égard, le gouvernement devrait envisager d'adopter une loi pour instaurer des dispositions criminelles et des dommages-intérêts légaux en cas de contrefaçon de marque de commerce. La Loi sur le droit d'auteur comprend de tels dommages-intérêts depuis 1999, mais pas la Loi sur les marques de commerce. Pour rectifier la situation, le gouvernement devrait modifier la Loi sur les marques de commerce pour y ajouter des dommages-intérêts légaux, lesquels devraient être au moins aussi importants que ceux imposés symboliquement par les tribunaux canadiens dans des affaires de violation de marque de commerce.
Je soulignerais, avant de terminer, que c'est aujourd'hui, le 7 juin, qu'a lieu la Journée mondiale anti-contrefaçon. Voilà une journée propice pour comparaître devant le comité afin de traiter de ces questions. La Journée mondiale anti-contrefaçon est une initiative du Global Anti-Counterfeiting Network, une coalition d'organisations nationales et régionales de lutte contre la contrefaçon. Cette journée donne lieu à une panoplie d'activités et de campagnes de sensibilisation dans divers pays du monde afin de mettre en lumière les problèmes que cause la contrefaçon.
Toujours dans la même veine, sachez que le Conseil canadien de la propriété intellectuelle, un organe de la Chambre de commerce du Canada, publie aujourd'hui un nouveau rapport intitulé « La contrefaçon sur le marché canadien: comment arrêter ce fléau? ». L'organisme y fait un survol du problème de la contrefaçon et formule une série de recommandations afin d'améliorer le régime canadien de droits de propriété intellectuelle dans le but de lutter contre la contrefaçon. On m'a dit que ce rapport vous serait remis, et je me ferai une joie de vous transmettre le lien dès que le document sera en ligne.
Je conclurai en indiquant que le gouvernement doit souligner clairement et fréquemment l'importance que la propriété intellectuelle joue dans l'instauration d'économies du savoir et la capacité de notre pays d'être concurrentiel sur la scène mondiale. Pour que les Canadiens profitent de l'économie internationale et y affrontent la concurrence, il est impératif de renforcer les régimes juridiques et les mesures d'exécution de la loi du Canada afin d'encourager le développement et la protection de la propriété intellectuelle.
Au nom de Microsoft Canada, je tiens à remercier le comité de l'intérêt qu'il accorde à cette question et de m'avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui.
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Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les députés. Je vous remercie énormément d'avoir invité Hockey Canada à participer ce matin à l'étude du comité permanent sur le régime canadien de propriété intellectuelle du Canada.
Hockey Canada, l'organisation sportive nationale du pays, est responsable de la création et de la mise en oeuvre des programmes de hockey pour les Canadiens, des débutants aux athlètes de haut niveau qui participent à des championnats et des jeux internationaux, comme les Jeux olympiques et paralympiques.
Nos programmes s'adressent aux entraîneurs bénévoles, aux officiels et aux administrateurs de toutes les régions du pays. Ces 20 dernières années, les marques de Hockey Canada —Team Canada, Équipe Canada, nos logos, notre marque vestimentaire, etc. — ont été diligemment exploitées dans le cadre de licences commerciales afin de permettre à notre association d'engranger des revenus substantiels. Or, la popularité croissante de la marque d'Équipe Canada pendant cette période a attiré l'attention de faussaires, non seulement ici, au pays, mais aussi à l'étranger.
La contrefaçon de la marque d'Équipe Canada est devenue une forme prospère de commerce illicite, comme l'ont souligné mes collègues présents ici aujourd'hui au sujet de leurs gammes de produits. On trouve régulièrement des articles contrefaits aux côtés d'autres marques et propriétés intellectuelles. Il y en a chez les honnêtes commerçants, dans les grandes surfaces, dans les dépanneurs, dans les marchés aux puces et sur les sites d'enchères en ligne. On a même trouvé des annonces de produits de Hockey Canada contrefaits sur des parcomètres du centre-ville de Toronto.
La contrefaçon des produits de Hockey Canada non seulement diminue la valeur de la propriété intellectuelle comme telle, mais prive également des détaillants canadiens légitimes qui vendent des produits de Hockey Canada de revenus de millions de dollars. La contrefaçon a également des répercussions sur nos partenaires titulaires de licence, causant des pertes d'emplois et diminuant les services dans les chaînes d'approvisionnement du Canada et de l'étranger, ce qui a tout un éventail d'effets domino directs et indirects, comme la perte de taxes que devraient verser les entreprises canadiennes légitimes.
Quant à nous, la contrefaçon nous fait perdre des redevances. En raison de ces pertes de revenus, Hockey Canada a moins d'occasions d'appuyer de saines activités sportives bénéfiques pour l'ensemble de la population.
Selon ce que nous ont indiqué récemment plusieurs de mes collègues de la LNH et de l'AJLNH, jusqu'à 75 p. 100 des chandails de hockey portés lors des parties de la LNH sont contrefaits.
Nous avons détecté un pourcentage aussi élevé de contrefaçons parmi les chandails vendus lors des Jeux olympiques de 2010. En moins de deux semaines, au cours de ces jeux, la GRC et l'Agence des services frontaliers du Canada ont intercepté et saisi plus de 16 000 chandails contrefaits au centre postal de Vancouver, le tout ayant une valeur marchande au détail de plus de 2,3 millions de dollars. Après que la GRC eut communiqué avec nous pour nous informer de l'afflux croissant de chandails d'Équipe Canada suspects, nous avons estimé ensemble que moins de 20 p. 100 des faux chandails importés au Canada en vue des Jeux d'hiver étaient interceptés.
À la demande de la GRC, Hockey Canada a affecté du personnel supplémentaire afin d'aider au traitement de ces chandails contrefaits. C'est notre association qui a assumé les coûts de cette opération, ce qui montre à quel point les ressources des agents de première ligne sont limitées.
Les titulaires de marque de commerce s'exposent à des coûts élevés et à des difficultés inhérentes quand ils tentent d'exercer leurs droits de propriété intellectuelle en recourant à des procédures civiles. Nous avons affaire ici à des criminels sans foi ni loi, qui ne gardent pas de dossiers permettant de connaître les profits qu'ils ont empochés. Pire encore, de nombreux faussaires considèrent les recours civils auxquels ils s'exposent au Canada comme un simple prix à payer pour faire des affaires. Les sanctions pécunières ou les indemnisations sont minimes et très inférieures à ce qu'il en coûte vraiment pour exercer les droits et intenter des recours, advenant même qu'on réussisse à les percevoir. En l'absence de dommages-intérêts légaux ou de pouvoirs de saisie adéquats aux frontières, la panoplie de recours civils est plutôt limitée au Canada.
Les produits contrefaits ne peuvent assurément pas être considérés comme sécuritaires, puisqu'ils ne respectent en rien la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation, la Loi sur la concurrence, la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation et d'autres dispositions.
L'origine mystérieuse des contrefaçons laisse place à bien des facteurs inconnus, trop nombreux pour les énumérer, mais que nous connaissons tous trop bien. La chaîne d'approvisionnement actuelle des chandails d'Équipe Canada contrefaits est principalement composée de fabricants étrangers, qui écoulent la marchandise par Internet. Cette méthode permet à tout titulaire d'une carte de crédit et d'une adresse postale d'importer des biens contrefaits en étant presque certain de ne pas se faire prendre.
Par exemple, nos dossiers indiquent que des recours civils ont été intentés contre un propriétaire de salon de coiffure et un professeur de l'Ontario, un propriétaire de boucherie du Manitoba et deux étudiants albertains, qui ont tenté d'éponger le coût de leurs billets pour les Jeux olympiques en vendant de faux chandails d'Équipe Canada importés d'Asie.
Voilà qui fait ressortir la nécessité de mieux sensibiliser le public. L'industrie est prête à s'associer au gouvernement dans ce processus, mais elle ne peut faire cavalier seul. La facilité d'accès qu'accorde Internet a fait bondir de façon exponentielle le nombre de contrefaçons de produits d'Équipe Canada au pays. L'importation ou, de fait, l'exportation de produits contrefaits devraient faire l'objet de mesures fermes. Comme pratiquement aucune mesure dissuasive ne vient freiner l'importation ou la possession de biens contrefaits au Canada, les faussaires continueront d'emprunter cette voie pour écouler leurs marchandises non autorisées.
Étant propriétaire de marque de commerce enregistré auprès de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada, Hockey Canada se doit de surveiller et de contrôler sa propriété intellectuelle et ses marques. Mais les outils que lui offrent la Loi sur les marques de commerce et la Loi sur le droit d'auteur sont en fait limités. Hockey Canada a régulièrement recours aux services d'experts de lutte contre la contrefaçon, de conseillers juridiques spécialisés et d'enquêteurs formés à cette fin pour l'aider dans ses perpétuels efforts de lutte contre la contrefaçon, dilapidant ainsi les précieuses ressources financières de l'association.
Comme Chris l'a souligné précédemment, Hockey Canada continue d'appuyer les activités du Canadian Anti-Counterfeiting Network et du Conseil canadien de la propriété intellectuelle et d'y participer activement. Nous considérons qu'il faut renforcer les lois canadiennes afin de permettre aux agents chargés de les appliquer en première ligne de cibler et de saisir les biens contrefaits. Il conviendrait également de leur accorder davantage de ressources afin de traiter adéquatement les biens saisis. Nous appuyons donc pleinement les recommandations formulées par ces deux organisations.
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Le régime américain comporte de nombreux éléments et est fort complexe.
Par exemple, en ce qui concerne les règles régissant le financement des universités en vertu de la Bayh-Dole Act, tout le monde met l'accent sur le fait que les universités ont un mandat de commercialisation. Ce dont on ne parle jamais, cependant, c'est le fait que le gouvernement a ce qu'on appelle des droits d'intervention, qu'il a envisagé d'utiliser dans le cas de la pénurie de médicaments qui frappe les États-Unis.
Comme je l'ai indiqué, dans certains cas, comme celui des règles de non-évidence, il est plus facile de se conformer aux règles du Canada qu'à celles des États-Unis, même si les nôtres sont peut-être moins équitables pour l'innovateur de deuxième génération. Il faut non seulement tenir compte du titulaire de brevet, mais également de ceux qui en tirent parti. Les Américains ont élaboré un concept d'« essai allant de soi », qu'on a intégré au droit canadien, mais qui n'a donné les résultats escomptés.
Je pourrais aller dans les moindres détails, ce que vous ne voulez probablement pas faire aujourd'hui. Les Américains autorisent la prolongation de la durée des brevets, une mesure très importante pour leur industrie pharmaceutique. Nous n'effectuons pas beaucoup de recherche, particulièrement dans ma ville, à Montréal. Merck et AstraZeneca abandonnent la recherche; il n'est donc pas certain qu'une telle mesure soit nécessaire au Canada.
Dans l'ensemble, c'est centralisé. La cour d'appel du circuit fédéral est une excellente innovation, mais ici encore, il n'y a pas assez de causes relatives aux brevets au Canada pour justifier l'instauration d'un tribunal distinct.
Si bien des initiatives ont du bon, elles sont adaptées au contexte américain. Autrement, je ne crois pas que nous n'ayons bien d'autres choses à emprunter aux États-Unis.
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Mon mémoire présentait deux exemples, soit le Consortium de recherche et d'innovation en aérospatiale au Québec, ou CRIAQ, et le Consortium de génomique structurelle. De plus, je suis l'auteur principal d'une étude de l'OCDE sur la propriété intellectuelle et d'un rapport sur les mécanismes de collaboration dans le domaine des sciences de la vie et de la propriété intellectuelle. Si vous le voulez, je serai ravi de vous envoyer les liens ou les documents à ce sujet.
Une série d'ateliers ont été organisés afin d'examiner une multitude d'exemples provenant des quatre coins du monde. Les mécanismes sont tous structurés différemment. Tout ce que l'on sait, c'est qu'il n'existe aucun type de collaboration qui convienne à l'ensemble des industries.
Il faut se demander ce que l'industrie cherche à créer; quels aspects est-il préférable de posséder en propriété ou de garder ouvert?
Des coûts sont associés à la protection conférée par un brevet, ou à toute protection de la propriété intellectuelle. Or, la plupart des brevets accordés demeurent inutiles et ne constituent qu'une dépense. Par conséquent, demander aux gens de faire breveter leur innovation pour le plaisir ne se traduit que par un coût supplémentaire. Il faut déterminer stratégiquement ce pour quoi il convient d'obtenir un brevet. Dans le cadre d'un consortium, il faut se demander quels biens intellectuels essentiels doivent être protégés, et quels sont ceux qu'il vaut mieux partager.
En fait, les industries pharmaceutique et aérospatiale sont à l'avant-garde en la matière. Elles croient qu'il est dans l'intérêt de tous de financer et de partager tout un domaine d'innovation préconcurrentielle, sans dépenser en protection de la propriété intellectuelle; les intervenants se livreront une concurrence plus tard. Le Consortium de génomique structurelle dont j'ai parlé est donc une zone exempte de brevet. Glaxo et Novartis en font partie, comme toutes les grandes sociétés pharmaceutiques. Elles contribuent au quart du financement, mais rien n'y est breveté.
La situation du CRIAQ n'est pas tout à fait la même. Ce consortium assez important regroupe le milieu universitaire et l'industrie, et tous ses membres peuvent utiliser gratuitement la technologie. Il contribue à l'économie locale, car tout le monde à accès à l'innovation, peu importe qui en est à la source. Mais si l'innovation s'applique hors de l'industrie aérospatiale, son auteur peut obtenir un brevet afin d'en tirer un revenu.
Il existe donc trois structures en matière d'innovation: l'information est complètement gratuite pour tous; l'information est gratuite pour les membres du consortium — il s'agit de biens dits « de club » que tous les membres peuvent utiliser sans payer de licence, entre autres —; la technologie est brevetée afin d'en tirer un revenu.
Chaque consortium réunit un mélange de ces trois structures. Aucune solution unique ne s'applique à tous les consortiums.
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La collaboration gagne en importance dans le monde. Il y a environ 30 ans, les modèles industriels privilégiaient nettement la propriété intellectuelle. Une seule entreprise pouvait prendre en charge le produit de son invention jusqu'à sa mise en marché.
Il y a environ cinq ou six ans, une étude portant sur les 100 meilleures innovations a démontré que deux tiers d'entre elles étaient le fruit de collaborations. Le monde a évolué; les développements précoces et faciles pouvaient autrefois faire l'objet d'un droit de propriété et être commercialisés par une seule entreprise, mais ce n'est plus vrai. Il faut désormais travailler les uns avec les autres; c'est ce qui a une incidence sur les coûts d'opération. On privilégie aujourd'hui une plus grande ouverture, surtout dans le cadre d'activités préconcurrentielles. Par exemple, de telles technologies fondamentales sont tout à fait gratuites au sein de l'industrie pharmaceutique.
Une approche n'exclut pas l'autre; le système réunit les deux façons de faire, mais aussi une bonne dose d'ouverture. Au fond, on veut éviter de gaspiller de l'argent pour des brevets qui ne seront jamais utilisés, ou dont l'octroi de licences exigera beaucoup de temps.
Je vais brièvement vous donner un exemple. Le Royaume-Uni propose des modèles d'accords, connus sous le nom de Lambert, qui régissent tout contrat de financement entre une université et une société pharmaceutique. Il suffit désormais de signer le contrat type. Au Royaume-Uni, la négociation d'une entente prend deux fois moins de temps qu'aux États-Unis. L'ouverture est plus grande, et c'est plus accessible.
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Merci de me poser la question.
La plupart des principaux organismes subventionnaires, dont Génome Canada, ont en effet lancé des programmes nécessitant des fonds de contrepartie. Le financement était conditionnel à l'établissement d'un partenariat. Je crois que c'était un bon début, mais cela n'a pas permis d'arriver aux innovations espérées. Nous n'avons toujours pas beaucoup de ces atouts complémentaires dont je parlais.
Je propose en fait quelque chose que le gouvernement a déjà envisagé, je crois. C'est une recommandation formulée par le comité qui s'est penché sur la question de l'innovation à l'automne — le comité Jenkins —, qui proposait de délaisser les subventions et les crédits fiscaux ou les subventions directes pour l'innovation en général, et d'opter plutôt pour des investissements stratégiques.
Je pense qu'il faut qu'il y ait des gagnants et des perdants. Ce n'est pas comme cela qu'on fonctionne, et c'est entre autres ce qui pose problème. Les technologies sont mises sur un pied d'égalité, et on finance les projets sans discernement. Quand il s'agit de la recherche fondamentale, c'est parfait. Mais quand il est question de former des groupes de recherche, je ne pense pas que ce soit aussi profitable.
Je pense notamment à offrir du financement voué en partie à l'acquisition de brevets. Soit le groupe de recherche crée lui-même l'innovation, soit on l'achète.
Le Michigan a acheté des brevets dans le domaine des matières plastiques, et c'est une initiative qui s'est avérée fructueuse. Les citoyens de l'État peuvent ainsi s'en procurer à moindre coût, ce qui n'est pas offert à tout le monde. L'idée est donc d'être un peu plus stratégique dans notre façon de gérer la propriété intellectuelle, au lieu de se contenter d'encourager la formation de partenariats. Mais si c'est la voie qu'on décide d'emprunter, il faudra s'attendre à choisir les conditions gagnantes.
Le CRIAQ, au Québec, en est évidemment un bon exemple, de même que le Consortium de génomique structurale. Tous les consortiums ne sont pas nécessairement de vrais consortiums. Souvent, il s'agit en fait d'assemblées réunissant un tas de monde pour tenir des discussions de temps à autre.
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Les lois qu'il faut envisager ne portent pas sur la propriété intellectuelle. Nos lois actuelles sont suffisamment flexibles à cet égard. Ce sont les connaissances en matière de gestion de la propriété intellectuelle qui nous font défaut. Comment appliquer les lois?
Permettez-moi de vous donner quelques exemples de ce que le gouvernement devrait faire autrement.
Il y a un certain temps, le gouvernement du Canada et les universités s'étaient entendus pour financer les chaires de recherche du Canada et d'autres organismes subventionnaires. Les universités affirmaient qu'avec l'aide du gouvernement elles pourraient doubler leurs activités de commercialisation, des résultats qu'elles allaient mesurer en fonction des frais de licence, et du nombre de brevets et de licences délivrés. Le problème que pose une telle approche est que tout le monde pense à court terme: le but est d'acquérir des brevets, encore plus de brevets. On peut bien multiplier le nombre de brevets, cela ne signifie pas qu'ils seront utiles. Cela ne signifie pas non plus qu'ils seront employés à bon escient.
Il faut en faire une utilisation stratégique. On réalise de plus en plus que les universités ne devraient pas nécessairement se lancer dans le commerce des brevets. Ce n'est pas payant pour elles. Si on regarde ce qui se passe aux États-Unis, on constate que plus de la moitié d'entre elles perdent de l'argent ou arrivent tout juste à récupérer leur investissement dans l'acquisition de brevets. Cela demande beaucoup de temps et donne lieu à de nombreux litiges, ce qui fait grimper les coûts davantage.
L'idée serait donc de changer les politiques pour que la commercialisation ne soit pas obligatoire pour les universités. Il faut les inciter à travailler avec l'industrie dans les secteurs clés. Beaucoup de lois vont relever des provinces, comme les règles contractuelles, mais il s'agit d'éliminer les exigences imposées aux universités à l'égard de la commercialisation.
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Merci pour la question.
Il y a en fait beaucoup de choses à changer, et je pense que les partenaires commerciaux du Canada le lui rappellent souvent, qu'on parle des États-Unis ou encore de l'Union européenne dans les négociations de l'accord économique et commercial global. On en a aussi la preuve à voir le Canada tenter d'accéder aux pourparlers entourant le Partenariat transpacifique. Certains pays hésitent à permettre au Canada de se joindre aux négociations.
J'ai souligné quelques-unes des choses qui méritent d'être revues au Canada. De toute évidence, l'adoption du projet de loi contribuera grandement à corriger les lacunes du régime de droit d'auteur. Je signale que la loi prévoit certaines exceptions aux mesures anti-contournement en ce qui a trait aux mesures techniques de protection. L'une d'elles consiste à obtenir un consentement, un point qu'on vient d'aborder d'ailleurs. Mais cette liste d'exceptions n'est pas fermée. Je dirais donc que le processus réglementaire offre une assez bonne marge de manoeuvre. Si des organisations pensent qu'il y a des lacunes, il est possible d'ajouter des exceptions. Je crois que c'est possible de trouver des solutions pour M. Page et les entreprises comme la sienne.
En ce qui concerne le régime de marque de commerce, j'ai relevé quelques problèmes. Il n'y a pas d'infraction précise en matière de contrefaçon au Canada. Le Code criminel, la Loi sur le droit d'auteur et la Loi sur les marques de commerce ne s'entendent pas en ce qui a trait aux infractions. Il faudra harmoniser ces lois si on veut que les régimes fonctionnent. Quand on tente de faire respecter ses droits au Canada, il faut souvent traiter avec deux procureurs: un provincial et un fédéral. On a affaire à deux séries de lois distinctes, et souvent les procureurs refusent de prendre le dossier parce qu'il ne relève pas de leur juridiction ou que ce n'est pas un domaine qu'ils connaissent. Il y a beaucoup à faire encore du côté de l'application de la loi.
Pour ce qui est des pays desquels on pourrait s'inspirer, le Japon est un bon exemple. On a établi là-bas un groupe d'intervention spécialisé en propriété intellectuelle, et les efforts pour lutter contre la contrefaçon sont dirigés par le président lui-même. Certaines des recommandations formulées dans le document sur la contrefaçon renvoient à ces pratiques exemplaires. Il y a beaucoup de pratiques exemplaires recensées dans ce document. Je vous suggère d'y jeter un coup d'oeil.
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Dans certains pays, il y a un effort concerté à ce chapitre entre le gouvernement et l'industrie. On pourrait faire une campagne publicitaire comparable à celle menée il y a longtemps. On disait aux automobilistes: « Si vous ne portez pas votre ceinture de sécurité, voici ce qui pourrait vous arriver. »
Nous avons abordé brièvement la question de la santé et sécurité des personnes, et j'ai parlé aussi de la sécurité et de la protection des renseignements personnels et des données commerciales. Mais, on retrouve aussi sur le marché des médicaments contrefaits, des produits électriques, des pièces d'auto et d'avion, entre autres, qui constituent une menace pour les Canadiens.
J'ignore si vous avez déjà vu une de ces vidéos où l'on voit un cordon électrique contrefait branché prendre feu en quelques secondes. Vous ne voudriez pas avoir un tel cordon chez vous, mais peut-être que c'est que ce que vous achetez au magasin à un dollar ou chez un détaillant de taille moyenne simplement parce que c'est moins dispendieux. Il faut faire comprendre aux consommateurs que le jeu n'en vaut pas la chandelle.
On a parlé de prix un peu plus tôt. Autrefois, il y avait une excellente publicité qui disait: « Si ça semble trop beau pour être vrai, c'est probablement le cas. » On ne l'entend plus. Aujourd'hui, le prix du produit contrefait se rapproche beaucoup de celui du produit authentique, alors le consommateur a de la difficulté à faire la distinction.
Il faut trouver une façon de faire comprendre aux Canadiens ce qui pourrait leur arriver. Peut-être que la solution passe par une collaboration entre le gouvernement et l'industrie.
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C'est très bien. Merci.
Je pense que dans vos exposés, vous avez tous fait quelques commentaires au sujet de la PI, et vous vous entendiez pour dire que nous devions protéger notre propriété intellectuelle. Il existe certainement différentes approches et les avis sont partagés sur la façon dont nous devrions procéder, et quelle voie nous devrions emprunter. M. Tortorice a parlé du Japon, où le régime de la PI est évidemment différent; on mise surtout, là-bas, sur les retombées stratégiques internes découlant de la propriété de la PI, afin que les entreprises locales puissent en profiter largement. Il semble que le Michigan pourrait lui emboîter le pas.
De ce côté, bien sûr, nous avons eu des cas importants au Canada — par exemple, l'affaire Nortel, dans laquelle d'énormes quantités de PI ont été vendues. De plus, on a récemment modifié la Loi sur Investissement Canada pour augmenter le seuil. Dans tous les cas, la vente de la propriété intellectuelle n'est pas assujettie à un examen en vertu de la loi. Nous essayons depuis un certain temps de convaincre votre comité d'entreprendre un examen sur la Loi sur Investissement Canada, et jusqu'ici, nos efforts n'ont pas porté des fruits.
Pendant le temps qu'il nous reste, vous pourriez peut-être nous dire si, à votre avis, il serait avantageux d'envisager d'inclure la propriété intellectuelle dans la Loi sur Investissement Canada, afin qu'elle ne soit pas toute vendue.
L'innovation ne génère pas des idées. Les universités génèrent un grand nombre d'idées. Le Canada est l'un des meilleurs pays au monde pour inventer et avoir des idées. Par contre, nous échouons vraiment à les commercialiser, car il nous manque un grand nombre de compétences dans ce domaine, par exemple, le financement, etc. C'est en partie parce que notre économie est fondée sur les ressources et que nous n'avons jamais perfectionné ce volet. Nous devons maintenant nous y mettre. L'une des façons d'y arriver consiste à collaborer, c'est-à-dire à faire en sorte que les gens communiquent entre eux.
Nous savons que les travaux des chercheurs universitaires sont publiés dans de meilleures revues s'ils collaborent avec l'industrie. Nous devons trouver une façon de structurer cette collaboration. Auparavant, on se contentait d'obtenir plus de brevets et de permis. Cela ne fonctionne pas. On n'est arrivé à rien de cette façon.
Si vous cherchez des modèles de pays à imiter, sachez qu'Israël est l'un des chefs de file mondiaux dans ce domaine.
À mon avis, il faut vraiment s'attarder à la façon dont nous organisons ces collaborations de différentes portées; certaines d'entre elles sont à très petite échelle et d'autres, à très grande échelle. Essentiellement, une collaboration crée le savoir nécessaire, à l'échelle locale, pour avoir accès au réseau commercial. Elle développe les compétences nécessaires en matière de commercialisation à l'échelle locale. Ensuite, ces avantages se répandent aux entreprises qui ne font pas partie du consortium.
En 1986, David Teece a mené une étude qui a démontré qu'un pays qui se contente d'inventer des choses ne va nulle part. Souvent, l'innovateur ne fait pas d'argent; c'est plutôt le deuxième et le troisième intervenant qui réalisent des profits, car ils possèdent les compétences nécessaires pour commercialiser l'invention, etc.
Nos entreprises canadiennes vendent aux entreprises étrangères, car ces dernières possèdent déjà ces compétences complémentaires. Les collaborations créent un environnement dans lequel elles peuvent être développées et améliorées. Ensuite, les entreprises doivent voler de leurs propres ailes et prendre de l'expansion.
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Oui. Je suis tout à fait d'accord avec Chris pour dire que le fait de simplifier les procédures et de régler les litiges est avantageux pour tout le monde, mais si on songe à la loi en matière de brevet elle-même, si vous augmentez, c'est toujours un... Il y a deux côtés à une médaille, n'est-ce pas? Si je suis le titulaire d'un brevet, je veux en retirer le maximum, mais les gens qui poursuivent la recherche, qui améliorent le produit et qui sont souvent mieux placés pour mettre le produit sur le marché peuvent être brimés si le droit de brevet est de trop longue durée ou d'une portée trop vaste.
Il y a donc toujours un compromis. Au cours des 12 dernières années, aux États-Unis, la Cour suprême a reculé et donné plus de droits aux utilisateurs. Par exemple, la grande compagnie pharmaceutique Merck a pu mener des recherches sur un médicament contre le cancer sans avoir à se soucier du brevet, à cause d'une décision rendue aux États-Unis.
Alors, chaque fois que vous donnez plus de droits aux titulaires d'un brevet, c'est la prochaine génération d'innovateurs qui en souffre. C'est le premier point.
Il y a aussi la question transfrontalière. La situation idéale, ce serait que les entreprises canadiennes détiennent des droits de brevet infinis aux États-Unis et en Europe, mais aucun droit de brevet ici, parce que cela nous donnerait le marché. Nous les vendrions et nous pourrions faire tout ce que nous voulons ici. Évidemment, ce n'est pas réaliste, mais il faut comprendre que c'est le marché américain qui tient les rênes, et les lois canadiennes doivent comporter au moins quelques subtilités pour permettre la R-D sans trop de contraintes. Alors, si vous allez trop loin, vous risquez de limiter l'innovation.
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Pour revenir à cette question, lorsque le Japon a modifié ses lois en matière de brevet en 1980, le nombre de brevets a soudainement doublé dans ce pays. Il n'y avait plus d'innovation, c'était simplement...
M. Kennedy Stewart: C'est exact.
M. Richard Gold: Beaucoup d'universités font tout breveter. Au lieu d'obtenir un brevet, elles en obtiennent trois, simplement pour avoir ce nombre.
Ce que vous devez faire, c'est mesurer où va la connaissance. Encore une fois, ce sont des choses très difficiles à consigner. Cela nous ramène à la question précédente, à savoir où vont les étudiants diplômés, quelle est la nature des licences, quel est le financement accordé par l'industrie aux universités et quelles en sont les conditions, comment mieux comprendre la situation et faire intervenir les experts en sciences sociales pour essayer d'en extraire des leçons.
Il nous faut aussi, probablement, la base de données de l'OPIC pour voir ce qui s'est fait par le passé. Cette base n'est pas particulièrement conviviale. Nous pouvons extraire relativement peu d'information du système canadien, parce que les données n'existent pas.