IWFA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité spécial sur la violence faite aux femmes autochtones
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 6 juin 2013
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bienvenue à la septième réunion du Comité spécial sur la violence faite aux femmes autochtones. J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui et m'excuser à l'avance si je ne prononce pas bien leurs noms. Nous entendrons donc tout d'abord, si cela lui convient, par vidéoconférence, Mme Porteous.
Veuillez livrer votre exposé. Vous avez 10 minutes.
Merci beaucoup. Je m'appelle Tracy Porteous et je suis directrice générale de la Ending Violence Association of British Columbia.
Nous sommes une ONG à but non lucratif qui travaille au nom de 240 programmes anti-violence dans la province de la Colombie-Britannique. Ces programmes luttent tous contre la violence sexuelle et familiale, les mauvais traitements infligés aux enfants et le harcèlement criminel. Je travaille dans le domaine de l'intervention contre la violence faite aux femmes depuis 31 ans.
Je ne suis pas ici pour parler pour les femmes autochtones, mais plutôt pour être leur alliée, car j'ai vu ce qui leur est arrivé, du moins au cours de mes trois décennies de travail dans le domaine. Pendant des années, j'ai eu l'immense privilège de travailler avec de nombreuses femmes autochtones qui sont aussi des leaders — c'est-à-dire des chefs, des guérisseuses et des dirigeantes aux niveaux local, provincial et national, des universitaires et des avocates — en vue de mettre fin à la violence faite aux femmes, d'améliorer la sécurité, de soutenir les familles et d'aider les personnes et les femmes à reprendre leur vie en main. J'ai également travaillé avec de nombreuses femmes autochtones pour examiner des politiques en collaboration avec des services de police, des avocats-conseils de la Couronne et des services de protection de l'enfance.
Il ne fait aucun doute que vous êtes au courant du niveau disproportionné de violence dont sont victimes les femmes autochtones au Canada, et c'est pourquoi je ne vais pas vous présenter des statistiques à ce sujet. Vous savez aussi probablement que c'est en Colombie-Britannique qu'il y a le plus grand nombre de femmes autochtones assassinées et disparues au Canada, et c'est une réalité extrêmement troublante que nous devons changer.
Je ne vais pas parler en long et en large des multiples recherches qui ont été effectuées sur les mesures qui devraient être prises à cet égard. En fait, j'aimerais vous suggérer de ne pas conclure ces réunions en recommandant plus d'études ou de rapports. Pendant la première décennie des années 2000, EVA BC — c'est l'abréviation du nom de mon organisme —, en collaboration avec la Pacific Association of First Nation's Women et BC Women's Hospital, a organisé plusieurs réunions avec les femmes autochtones de la province pour étudier la question de la violence faite aux femmes et les mesures qui devraient être prises selon les femmes autochtones.
Au cours des années, nous avons examiné la question en détail et nous avons rédigé deux rapports, dont le dernier est intitulé « Researched To Death ». Je crois que ce rapport présente ce qu'un grand nombre de nos soeurs autochtones croient aujourd'hui, c'est-à-dire que de nombreux gouvernements sont prêts à financer des études et des rapports, mais très peu d'entre eux sont prêts à intervenir, à financer et à soutenir les solutions à long terme fondées sur l'infrastructure pour remédier au problème. Dans ce cas-ci, il s'agit de la violence faite aux femmes et aux filles autochtones.
Les trois organismes ont conclu, en se fondant sur les conclusions de tous les rapports que nous avons pu trouver — et c'est alarmant — que parmi toutes les femmes du Canada, ce sont les femmes autochtones qui vivent le plus de violence. Mais nous sommes maintenant en 2013, et très peu de mesures ont été prises à cet égard.
Il nous faut des programmes conçus par des femmes autochtones pour les femmes autochtones, et nous croyons que rien d'autre ne fera l'affaire. En fait, partout dans la province et dans chaque territoire du Canada, en ce moment, il y a des réseaux de service en place pour répondre aux cas de violence sexuelle et familiale. Toutes les régions n'offrent pas les services nécessaires, mais toutes les provinces et les territoires ont ces services. Ils sont surtout ce que j'appellerais des services généraux, c'est-à-dire des services organisés par des groupes sociaux non autochtones ou des groupes de femmes.
Même si un grand nombre de ces services embauchent des femmes autochtones et qu'elles communiquent avec les femmes sur les réserves, il y a de nombreuses femmes qui vivent sur les réserves et qui ne peuvent pas se rendre en ville ou qui choisissent de ne pas s'adresser à un centre de services généraux, car elles se sentiraient plus à l'aise d'avoir recours à un service qui leur convient mieux sur le plan culturel.
Je ne vais pas parler de la colonisation pour expliquer cela. Il y a aussi des femmes autochtones qui pourraient préférer l'aspect sécuritaire d'un centre de services généraux, et qui pourraient préférer se rendre en ville pour des raisons de confidentialité ou en raison de leurs relations dans leur collectivité.
Pour cette raison, nous croyons que parmi toutes les choses que vous pourriez envisager, deux sont importantes, et l'une d'entre elles consiste à veiller à ce que les centres de services contre la violence partout au pays embauchent des femmes autochtones, et qu'on leur offre une formation interculturelle appropriée, afin qu'elles soient en mesure d'offrir un service approprié et respectueux aux femmes autochtones qui ont été victimes de violence et qui cherchent à obtenir de l'aide.
En plus d'améliorer les services déjà existants, nous croyons qu'on devrait créer, dans chacune de ces collectivités, un service pour les femmes autochtones lié aux réserves et aux centres d'accueil qui serait dirigé par des femmes autochtones. Après 31 ans de travail dans le domaine, je crois que c'est probablement l'une des choses les plus importantes qui devraient être accomplies. D'ailleurs, depuis 30 ans, on s'efforce de briser le cycle multigénérationnel de la violence pour les femmes non autochtones.
Tout le monde a besoin d'aide; personne ne peut s'en sortir seul. Il faut éclaircir les causes des relations et des comportements malsains adoptés par les survivants. Les survivants ont besoin d'un conseiller pour les aider à créer de nouvelles fondations et un nouveau cadre de référence pour le monde qui les entoure.
C'est de cette façon qu'on acquière la confiance en soi et qu'on devient autonome. C'est de cette façon que les femmes pourront finalement dire qu'elles en ont assez de la violence, qu'elles ne méritent pas ce qui leur arrive, qu'elles veulent que cela s'arrête et qu'elles ne l'accepteront plus.
En ce qui concerne les appuis et les services offerts par les centres de services généraux, même si la violence est toujours endémique, ces femmes ont au moins profité de ces soutiens, et les femmes autochtones ont trouvé ces services.
De nombreuses personnes luttent contre la violence dans ces centres. Comme je l'ai dit, ces services existent depuis longtemps — 20, 30 et parfois 35 ans. Si vous envisagez de financer des services offerts aux femmes autochtones dans une perspective partagée, vous avez un énorme bassin de femmes autochtones sur les réserves ou dans les centres d'accueil. Nous n'avons pas besoin de créer ces services à partir de zéro. Les féministes qui luttent contre la violence ont, depuis 35 ans, offert ces services d'autonomisation et de défense des intérêts.
Il est évident qu'il faudrait procéder à une transition culturelle. Ces services ne sont pas conçus pour les femmes autochtones; si vous créez des services fournis aux femmes autochtones par les femmes autochtones, on pourrait au moins partager certaines connaissances. Par exemple, en Colombie-Britannique, nous avons 202 collectivités distinctes de Premières Nations qui ont des pratiques culturelles différentes qui devraient être respectées.
De plus, les femmes autochtones, plus que les femmes de la population en général, ont établi clairement au cours des 25 dernières années de notre collaboration que toutes les interventions devaient être menées de manière plus holistique. Elles ne peuvent pas s'adresser uniquement aux femmes autochtones; elles doivent aussi s'adresser aux hommes et aux enfants.
Si nous avons le temps un peu plus tard, j'aimerais vous raconter l'histoire de la création du premier et du seul centre d'intervention en cas d'agression sexuelle pour les femmes au Canada; il s'appelle The Women of Our People, et j'ai eu le privilège de participer à sa création sur l'île de Vancouver il y a plusieurs années.
Je crois que les solutions dont nous avons besoin peuvent seulement être réalisées à l'aide des femmes autochtones qui travaillent dans les centres. Nous devons leur fournir les moyens et les ressources nécessaires pour les aider à guérir leurs collectivités.
Je ne parlerai pas aujourd'hui de la nécessité de changer les systèmes, car je suis certaine que cette question s'est retrouvée au coeur d'un grand nombre de vos conversations. Toutefois, je dirai que le racisme est toujours un fléau dans notre société. Il est toujours responsable, en grande partie, de l'inaction à laquelle nous sommes tous confrontés en ce moment.
Je crois que nous avons hérité d'une tradition de violence et de racisme qui vient de la colonisation et des pensionnats indiens, car ces façons de penser existent toujours aujourd'hui. En tant que travailleuse de première ligne depuis plus de 30 ans, je peux affirmer que je constate encore que mes soeurs des Premières Nations sont traitées différemment et avec moins de respect qu'elles le méritent.
Ainsi, chaque système a aussi besoin de formation sur la compétence culturelle. Nous devons nous en occuper.
Nous avons aussi besoin de transparence dans nos systèmes. Les services de police et les procureurs, notamment, doivent consigner par écrit les personnes qui ont besoin de leurs interventions. Je sais qu'en Colombie-Britannique, la GRC ne prend pas en note les caractéristiques des victimes ou des agresseurs, par exemple la race, l'ethnicité ou l'héritage culturel. Si nous ne savons pas qui reçoit ces services, nous ne savons pas qui ne les reçoit pas.
On perd donc des renseignements liés à l'appartenance, et les liens et les statistiques, du moins dans la province de la Colombie-Britannique. Je crois que nous devons avoir ces renseignements si nous envisageons d'élaborer des politiques publiques appropriées et utiles.
Si j'ai le temps plus tard et que vous aimeriez me poser des questions au sujet des recherches que nous effectuons sur les femmes qui sont victimes de violence familiale et qui sont arrêtées par la police, je serais très heureuse de vous en parler. Cela concerne les statistiques et l'héritage culturel, et être en mesure de déterminer à quel point des gens reçoivent des services de façon disproportionnée.
Je veux aborder une notion qui, à notre avis, pourrait être une excellente idée et une pratique exemplaire. Nous avons présenté l'idée selon laquelle les données démographiques de la plupart des programmes anti-violence de partout au pays concernent surtout les non-Autochtones. Ces services dont j'ai parlé un peu plus tôt — c'est-à-dire ces services généraux offerts aux femmes en cas de violence sexuelle et familiale — ont souvent des femmes autochtones parmi leurs employés, mais il faut augmenter leur nombre.
Nous aimerions vous suggérer d'appuyer la création d'un diplôme collégial ou universitaire qui viserait à former les intervenants dans les cas de violence faite aux femmes. Le George Brown College offre quelque chose de ce genre à Toronto, mais cela n'existe pas ailleurs au Canada.
Nous croyons qu'en très peu de temps, grâce à la création de ce diplôme...
Madame Porteous, je suis désolée de vous interrompre.
Pourriez-vous terminer aussi rapidement que possible? Vos 10 minutes sont écoulées.
D'accord. Je vais seulement terminer ce que je disais sur le diplôme.
Nous croyons que le fait d'offrir un tel diplôme et que des personnes en soient titulaires aiderait à créer, en très peu de temps, beaucoup plus de programmes anti-violence. Nous pourrions ainsi augmenter les occasions d'emploi pour les femmes autochtones. Nous pourrions augmenter la capacité des collectivités autochtones de répondre et d'intervenir en cas de violence faite aux femmes autochtones. Nous pourrions ainsi résoudre la crise en matière de recrutement de travailleurs dans les organismes de services sociaux des régions rurales du Canada et régler le problème du manque de fonds pour la formation après emploi.
Je pourrais en dire beaucoup plus à ce sujet, mais j'ai écoulé mes 10 minutes, et je vais donc m'arrêter ici.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup, madame Porteous. Nous vous sommes très reconnaissants.
Bienvenue, Rolanda Manitowabi. Nous vous remercions d'être ici aujourd'hui.
Certains d'entre nous ont assisté à la réunion du Comité permanent de la condition féminine pendant laquelle vous avez comparu; nous vous sommes donc doublement reconnaissants d'être ici aujourd'hui.
Bienvenue. Vous avez 10 minutes.
Bonjour. Je m'appelle Rolanda Manitowabi et je viens de la réserve indienne non cédée de Wikwemikong, sur l'île Manitoulin.
Je crois que cette invitation à comparaître découle des questions liées aux biens matrimoniaux sur les réserves et du témoignage que j'ai livré à titre personnel. Toujours à titre personnel, je vais vous raconter une partie de mon expérience de travail et de mon expérience personnelle liée à la violence faite aux femmes autochtones.
D'après mon expérience et ma perception, le cycle de la violence est insidieux, et ses effets sont complexes. Il faut beaucoup de temps pour déterminer les liens et les répercussions. J'ai fait personnellement l'expérience de la violence pendant l'enfance et pendant ma vie adulte et je m'efforce, depuis des années, de me sentir en sécurité et de cesser d'avoir peur.
J'ai trouvé le réconfort, la compréhension et la validation de mes sentiments auprès de gens qui m'ont comprise et qui m'ont écoutée, notamment des conseillers, et par l'entremise de cérémonies de guérison et de programmes auxquels j'ai participé. J'ai également trouvé de l'aide en oeuvrant dans le domaine de la violence familiale et en aidant à sensibiliser les gens sur les répercussions des pensionnats indiens et, plus récemment, dans le cadre de mon travail dans le domaine des toxicomanies.
Même si j'ai échappé à la violence physique dont j'étais victime en m'enfuyant à la fin des années 1980, je me suis retrouvée dans le même cycle encore une fois, c'est-à-dire dans une relation violente sur les plans émotionnel, mental et spirituel. Pendant que j'essayais de mieux comprendre les enseignements culturels, j'étais isolée et vidée émotionnellement et financièrement. Mon fils et moi avons été chassés de notre maison en janvier 2007, une maison que j'avais financée. J'ai trouvé de l'aide au centre des femmes de l'île Manitoulin — pas sur la réserve, mais sur l'île — où l'on nous a hébergés et on nous a ensuite offert de l'aide psychologique pendant assez longtemps. J'ai aussi trouvé de l'aide auprès des membres de ma famille.
J'ai éprouvé des difficultés en raison des effets de ce déplacement et aussi en raison d'incidents précédents liés à l'hypocrisie dans les pratiques culturelles et sociétales. Mon fils doit aussi faire face à beaucoup de problèmes, mais c'est à lui de raconter son histoire.
En tant que mère, je suis fâchée et blessée, mais je me sens maintenant plus en paix et en sécurité et je ressens plus de compassion. Je considère que le fait d'avoir survécu à ces difficultés me permet maintenant de profiter de la vie. J'espère qu'en partageant mon histoire, je pourrai aider d'autres personnes.
Deux ans après avoir été chassée de ma maison, j'ai intenté une poursuite civile. C'était difficile de garder un avocat, même si j'ai réussi à en trouver un quelques mois après avoir présenté ma demande. Je voulais intenter une poursuite civile afin de pouvoir récupérer une partie de l'argent que j'avais investi dans la construction de la maison. Pour moi, c'était un premier pas en avant. Les hauts et les bas, les contretemps et les retards étaient très éprouvants. Il y a seulement un an, lorsque nous nous sommes retrouvés dans le fiasco d'un procès civil, j'ai réglé l'affaire pendant le procès.
Ces événements et leurs répercussions m'ont aidée à mieux comprendre la question de la violence. Pour moi, cela faisait tellement partie de ma vie — et c'est toujours le cas —, qu'il y a des liens avec des effets précédents de mauvais traitements. Nous parlons des valeurs de respect et de gentillesse, et qu'il faut honorer les femmes, mais nous ne mettons pas cela en pratique, et je soupçonne que nous n'y croyons pas vraiment. J'ai appris à m'honorer moi-même, et c'est un sentiment agréable — et nouveau.
C'est seulement grâce aux soutiens qui m'ont aidée à prendre soin de moi-même que j'ai été en mesure de fouiller dans ma propre histoire et les traumatismes que j'avais vécus pour mieux en guérir. C'est un peu triste que je m'en sois rendu compte seulement à 48 ans. Je suis reconnaissante de pouvoir m'accorder de la valeur et peut-être de pouvoir partager certaines choses.
Mon travail dans le domaine des toxicomanies est un travail de gestion; toutefois, on m'informe des progrès accomplis par les clients, de l'examen des demandes et des histoires liées à l'abus de substances et aux traumatismes. J'ai la chance d'être témoin des changements remarquables engendrés par les programmes offerts. Je suis sûre qu'un grand nombre d'autres programmes ont eu les mêmes effets; toutefois, il faut que les personnes, les familles et les collectivités ne cessent d'appuyer cet esprit que se découvrent un grand nombre de nos femmes.
Les soutiens peuvent prendre la forme de programmes pour rebâtir l'estime personnelle et la confiance en soi, pour améliorer la sécurité personnelle et pour aider les services de police et les juges à mieux comprendre ces problèmes. Il peut s'agir également d'outils de programmes, non seulement pour les refuges, les programmes d’intervention auprès des partenaires violents et d'autres programmes pour les agresseurs, mais aussi pour sensibiliser les jeunes à la violence fondée sur le genre, aux relations saines et aux modèles de rôle favorisant la gentillesse, l'empathie et les compétences de vie. Nous devons apprendre à gérer nos émotions et cette autonomisation.
C'est tout ce que j'ai à partager pour l'instant.
Merci.
Merci, Rolanda. Je vous en suis reconnaissante.
Madame O'Hearn, nous tenons à vous remercier, vous aussi, d'être des nôtres. Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire pour nous aider dans notre étude sur cette question très importante.
Vous avez 10 minutes.
Merci. Je suis très heureuse de témoigner devant vous. Je suis accompagnée de ma collègue, Katharine Irngaut. Elle gère notre unité de prévention de la violence et des mauvais traitements.
Il est agréable de voir des amis dans la salle. Monsieur Saganash, je suis ravie que vous soyez ici en tant que représentant du Nunavik. Vous êtes bien au courant des problèmes dont nous allons parler. Unnusakkut.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, nous aimerions vous transmettre les salutations de notre présidente, Rebecca Kudloo. Elle vit à Baker Lake, et elle est maintenant en route vers la Norvège en vue d'une réunion préparatoire à la Conférence mondiale de l'ONU sur les peuples autochtones. Elle salue donc le comité et elle est très heureuse de vous voir entreprendre un travail important qui contribuera, nous l'espérons, à faire avancer ce dossier.
Pauktuutit est une organisation nationale qui représente les femmes inuites depuis près de 30 ans. Nous célébrons cette année notre 30e anniversaire. Tout au long de ces années, notre priorité a toujours été la lutte contre la violence faite aux femmes, y compris la violence sexuelle à l'égard des enfants.
Au cours des dernières années, cette question a suscité une attention accrue au Canada. Notre conseil d'administration a tenu des discussions très précises et détaillées sur l'éventualité de créer des initiatives nationales. Nous aimerions d'abord vous parler des circonstances et des priorités différentes des femmes inuites. En fait, leur culture, leur langue et les caractéristiques géographiques de leurs collectivités sont uniques. Elles vivent, en grande partie, dans 53 collectivités de l'Arctique. Elles sont toutes isolées. Elles doivent se fier au transport aérien. Il y a une infrastructure très limitée, comme on l'a déjà dit. Parfois, on trouve sur place un travailleur social ou un intervenant en santé et d'autres fois, non. Plus de 70 % de ces collectivités n'ont pas de refuge pour les femmes et les enfants. Au Nunavik, par exemple, il y a 14 villages nordiques, comme on les appelle là-bas. On y trouve trois refuges, ce qui n'est pas assez.
D'après ce qu'on nous a raconté, il y a des femmes qui ont perdu la vie parce qu'on avait refusé de les retirer de leur collectivité, malgré les demandes qu'elles avaient faites en ce sens auprès des travailleurs sociaux. Nous avons entendu parler de femmes et d'enfants dont le décès était une conséquence directe du surpeuplement des refuges. Cela s'est passé à Iqaluit, la capitale du Nunavut.
Dans ce contexte, initialement, notre conseil d'administration a discuté de la possibilité de créer un groupe de travail national pour traiter de ces questions. Sur le coup, on a jugé qu'au lieu d'appuyer une initiative nationale, il serait préférable de consacrer les ressources humaines et financières nécessaires pour s'occuper de telles situations d'urgence dans les collectivités. Toujours est-il que notre conseil d'administration a accueilli d'un oeil favorable la création de votre comité, et nous espérons que notre organisation saura contribuer à votre travail en tant qu'allié et informateur de premier plan.
Comme on l'a déjà mentionné, il faut régler de nombreuses questions socioéconomiques: le surpeuplement et la mauvaise qualité des logements, le faible niveau d'instruction, la pauvreté, l'insécurité alimentaire, le taux élevé de chômage et les taux élevés de violence sexuelle à l'égard des enfants.
Une des priorités de Pauktuutit consiste à souligner le fait que la violence survient graduellement, tout au long d'une vie. Loin de nous l'idée de diminuer l'importance du travail accompli par l'AFAC, mais les priorités des femmes inuites sont très différentes de celles des victimes de la route des pleurs, de la tragédie à Vancouver. C'est donc un point très important pour nous. Dans le cadre de votre travail, conformément à la portée et au mandat du comité, nous demandons que nos priorités soient examinées de façon séparée et que des recommandation distinctes soient formulées en ce sens.
Je sais que nous sommes à court de temps. Je vais laisser Kat parler de deux ou trois nouveaux enjeux. Nous n'avons pas préparé de déclaration officielle; nous ne sommes pas venues avec des pages de statistiques, mais elles sont certes accessibles. D'ailleurs, on vient de publier hier une nouvelle étude qui porte sur le lien entre les taux de suicide et les expériences vécues durant l'enfance, notamment la violence sexuelle à l'égard des enfants. Même si nous avons déjà accès à beaucoup de données, il nous faut plus de preuves.
Je vais céder la parole à Kat, après quoi nous répondrons avec plaisir à vos questions.
Merci.
Merci.
Comme Tracy l'a dit, les femmes inuites font face à différents types et niveaux de violence et de mauvais traitement. Elles peuvent subir des mauvais traitements d'ordre émotionnel, mental ou physique, comme la violence sexuelle à l'égard des enfants, la maltraitance des aînés, la violence familiale et, un des nouveaux problèmes que nous rencontrons, la traite des personnes.
Nous savons que l'exploitation sexuelle est présente dans les projets d'exploitation minière et d'extraction de ressources partout dans le monde. Nous ne sommes pas encore sûrs de ce qui se passe dans nos collectivités.
Nous avons entendu dire qu'au cours des quatre dernières années, 42 femmes inuites victimes de la traite avaient été amenées à Ottawa. Les routes de la traite comprennent l'Arctique, la côte Est du Canada, ainsi que Las Vegas et Miami. Il y a d'autres problèmes prévisibles qui se dressent à l'horizon, entre autres les enjeux internationaux qui ont des répercussions directes sur les femmes inuites.
Tout d'abord, on assiste à une nouvelle vague de colonisation, avec l'ouverture du passage du Nord-Ouest et les influences internationales sur la souveraineté dans l'Arctique. Un autre dossier auquel participe activement l'ITK, c'est l'interdiction de la chasse aux phoques, décrétée par l'Union européenne, qui met en péril le gagne-pain de tous les Inuits. Il s'agit là d'importants enjeux internationaux qui ont une incidence directe sur les Inuits. Nous devons prendre part à ces discussions.
Tracy a également parlé de l'excellent travail que l'AFAC a fait et continue de faire.
Nous avons nos propres types d'organisations axées sur les besoins des Premières Nations, des Métis et des Inuits, ou ceux de la population. Le terme « autochtone » est un générique qui est souvent utilisé, mais ce mot étouffe la voix des Inuits. Nous préférons donc que les termes « Première Nation », « Métis » et « Inuit » soient employés à l'avenir, plutôt que les mots « autochtone » ou « indigène ».
Nous participons sur de nombreux plans. Ainsi, nous collaborons avec les provinces et les territoires au sein d'un sous-comité du Groupe de travail sur les affaires autochtones. En novembre dernier, nous avons participé au troisième Sommet national des femmes autochtones et nous avons élaboré ensemble un certain nombre de recommandations. Nous avons notamment recommandé de faire en sorte que les organisations représentatives aient la capacité nécessaire pour participer à parts égales. Nous sommes là. Nous disposons du savoir-faire. Tout ce qui manque, c'est la capacité de participer.
Nous avons également recommandé la création d'un ombudsman chargé de surveiller ceux qui travaillent dans le domaine de l'application de la loi ou de la justice, et de rendre compte à la population des questions et des préoccupations liées au racisme et à d'autres problèmes systémiques. Il faut de toute urgence sensibiliser les Inuits: la violence familiale continue d'être le problème le plus important dans les collectivités inuites.
Nous avons besoin de recherches. Je sais que dans de nombreux domaines, beaucoup de travail a été accompli, mais nous avons besoin de plus de recherches qui portent exclusivement sur les Inuits.
Comme Kat l'a dit, la traite des personnes est un nouveau problème qui nous fait vraiment peur.
Nous serions heureuses de vous remettre un mémoire écrit. Faute de temps, et étant donné que nous sommes une organisation sans but lucratif, nous n'avons pas été en mesure d'en préparer un. C'est une priorité absolue pour nous.
Nous vous remercions du temps que vous nous avez consacré. Merci.
Merci.
Nous serons ravis d'obtenir ce mémoire lorsque vous aurez le temps de le préparer. Nous avons hâte de le recevoir. Merci.
En passant, vous avez peut-être constaté qu'il y a ici des députés affamés. Nous sommes en train de manger un morceau, et j'espère que cela ne vous dérange pas. Le greffier a également eu l'amabilité de commander quelques sandwiches, alors n'hésitez pas à vous servir à votre arrivée. Vous pouvez prendre une petite pause, si vous voulez prendre une bouchée.
Très bien. Nous allons maintenant entamer la série d'interventions de sept de minutes, en commençant par Mme Davies.
Merci beaucoup.
Je vais partager mon temps de parole avec Mme Ashton.
Merci beaucoup aux témoins d'être des nôtres aujourd'hui. Notre comité vient d'entreprendre ses travaux, alors nous ne faisons que commencer le programme pour essayer de comprendre la situation actuelle. Cela dit, nous sommes nombreux à avoir travaillé dans ces régions et à avoir participé à d'autres comités. Nous avons donc des antécédents dans le domaine et nous connaissons bien les questions à l'étude ici.
Comme Tracy l'a dit au début, et comme de nombreuses personnes l'ont indiqué, cette question a certes fait couler beaucoup d'encre, à en juger par le grand nombre de rapports et de recommandations sur le sujet. Alors, comment faire pour en arriver à des solutions, pour aider des collectivités qui sont en détresse et pour venir en aide aux femmes qui sont victimes de violence dans les collectivités autochtones?
Nous avons reçu plusieurs témoins des ministères gouvernementaux. D'ailleurs, nos deux ou trois premières réunions étaient consacrées aux témoignages de fonctionnaires ici à Ottawa.
J'ai une question à vous poser, et elle s'adresse à vous toutes, parce que je pense que vous savez très bien ce qui se passe sur le terrain. À votre avis, à quel point les collectivités autochtones, particulièrement les organisations qui offrent des services aux femmes, sont-elles au courant des programmes fédéraux, et dans quelle mesure ces programmes sont-ils efficaces? Avez-vous constaté d'énormes lacunes sur le plan du service?
On nous a dit qu'il existe des plans de sécurité et des programmes contre la violence faite aux femmes, mais il est difficile de savoir à quel point ils sont efficaces. Manifestement, il est très important que la collectivité se fasse entendre sur ce point. Donc, si l'une ou l'autre d'entre vous pouvait nous dire si ces programmes donnent de bons résultats ou non et nous expliquer ce qui est efficace et ce qui ne l'est pas, je pense que cela nous aiderait beaucoup.
Quelqu'un aimerait-il faire des observations à ce sujet? Je vous demanderais d'être brèves, parce que ma collègue, Mme Ashton, va également poser une question.
D'accord, merci.
Nous menons actuellement un projet. C'est coordonné par Beverley Jacobs, une avocate de formation qui travaillait pour l'AFAC il y a quelques années. Elle se déplace partout dans la province pour consulter les dirigeants des collectivités autochtones — entre autres, la gouvernance, le chef et le conseil, les travailleurs sociaux de la bande, ainsi que le personnel des centres d'amitié. Elle leur fournit une formation, axée sur l'échange des connaissances, pour s'assurer qu'ils sont bien au courant de la violence familiale et sexuelle afin d'intervenir dès la première dénonciation. Comme vous l'avez dit, beaucoup de gens disent qu'il y a des services de lutte contre la violence, mais ces services n'existent pas dans chaque petite collectivité, dans chaque réserve et dans chaque village. Nous voulons nous assurer que ces dirigeants savent, en toute confiance, comment réagir et quelles politiques appliquer dans les cas de mauvais traitements infligés aux femmes autochtones.
D'après ce que nous avons observé, il y a un fossé profond, surtout dans les collectivités éloignées, mais même dans celles qui ne sont pas si éloignées. En effet, même dans les collectivités le long de la route des pleurs qui ont souffert les terribles tragédies des femmes portées disparues ou assassinées — collectivités qui se trouvent à seulement 45 minutes de Prince George, de Smithers ou de Prince Rupert —, il y a un énorme fossé entre les services qui existent là-bas et les programmes réguliers qui existent ailleurs pour intervenir en cas de violence contre les femmes.
Par ailleurs, il faut déployer beaucoup d'efforts et faire preuve de bonne volonté pour assurer une coordination. Beverley travaille avec chacune des collectivités afin de régler certaines des questions; elle offre de la formation et met en commun les connaissances, après quoi on élabore un plan de sécurité.
Dans le cadre de ses entretiens avec les collectivités, elle demande aux gens: « D'accord, si vous vivez dans une collectivité éloignée, qu'allez-vous faire la prochaine fois qu'une femme compose le 911 parce qu'elle s'est fait battre et que la GRC est à 45 minutes de là? Qu'allez-vous faire, en tant que collectivité, pour gérer cette situation? »
En tout cas, vous avez tout à fait raison: il y a plusieurs services en matière de planification de la sécurité, d'évaluation des risques et de consultation en cas de violence, mais on doit les offrir sur le terrain pour qu'ils soient plus près des collectivités autochtones.
Merci beaucoup, madame Davies.
Merci à nos collègues. Je tiens à remercier particulièrement les femmes inuites qui sont ici pour parler des circonstances très particulières de leurs collectivités.
Je suis à côté de Romeo Saganash, et je représente Churchill, qui est évidemment un centre important pour de nombreux Inuits. J'ai d'ailleurs participé à la création d'un foyer pour femmes dans ma ville natale, à Thompson, où de nombreuses femmes inuites sont venues trouver refuge.
De toute évidence, il s'agit d'une épidémie nationale, à voir le nombre de femmes des Premières Nations et de femmes d'origine métisse et inuite qui sont portées disparues ou assassinées. Beaucoup de personnes ont réclamé la tenue d'une enquête nationale, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
On pourrait peut-être commencer par Mme O'Hearn.
Merci.
Comme je l'ai dit, notre conseil d'administration avait initialement estimé qu'il serait préférable d'utiliser les ressources pour des cas urgents dans les collectivités inuites, au lieu de les consacrer à une telle initiative. Si on avait le choix, c'est l'option qu'on préférerait adopter. N'oublions pas que plus de 70 % des femmes n'ont pas accès à des refuges et que certaines d'entre elles meurent à cause de cela. Toutefois, si jamais on finit par entreprendre une initiative nationale, notre conseil d'administration trouve qu'il sera crucial de consulter séparément les Inuits sur leurs besoins précis, de leur donner voix au chapitre pour cerner leurs priorités, puis d'en tenir compte dans les recommandations qui en découleront. Beaucoup de travail a déjà été accompli. Nous savons de quoi nous avons besoin; il faut simplement passer à l'acte.
Si vous me le permettez, j'aimerais répondre brièvement aux questions de Mme Davies sur le financement. Je peux vous donner une réponse très précise. Pendant près de 30 ans, Pauktuutit a collaboré avec le ministère du Patrimoine canadien pour élaborer des projets dans le cadre de son Initiative des femmes autochtones. Il y avait un volet consacré à la violence familiale, un autre à l'autonomie gouvernementale, et j'oublie le troisième. Cependant, pour la première fois depuis presque 30 ans, nous ne travaillons pas avec Patrimoine canadien; les critères de financement ont changé. L'iniative est maintenant axée sur les collectivités.
Le rôle de Pauktuutit était de combler les lacunes au sein des collectivités, parce que la plupart d'entre elles n'ont tout simplement pas la capacité nécessaire pour créer des groupes organisés de femmes qui s'occupent de la rédaction de propositions, qui se constituent en sociétés et qui reçoivent du financement pour entreprendre un projet. C'est là qu'intervient Pauktuutit. Notre organisation a joué un rôle important dans l'élaboration de ressources — des documents bilingues, rédigés dans un langage simple, etc. — qui ont été utiles pour l'ensemble des collectivités. Nous avons rencontré les fonctionnaires à plusieurs reprises pour essayer de trouver une solution, mais en vain. Ces changements sont entrés en vigueur dès le début du présent exercice financier.
Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins de leur présence aujourd’hui.
Je vais formuler quelques brèves observations concernant certains éléments des exposés, puis j’adresserai probablement certaines de mes questions à Rolanda. Accordez-moi quelques instants.
Premièrement, Katharine, je vous remercie d’avoir fait allusion à la traite des personnes, au Passage du Nord-Ouest et à la chasse aux phoques. Je suis étonné de constater qu’au moins deux de ces enjeux ne m’étaient pas venus à l’esprit dans le contexte d’une partie des questions dont nous continuerons sans doute à discuter au cours de cet échange. Je nouerai probablement un dialogue avec vous dans le cadre d’une réunion plus privée, afin d’obtenir des renseignements supplémentaires. Je sais que le comité pourrait bénéficier de certains de ces renseignements.
Comme j’ai travaillé comme infirmier dans des collectivités éloignées et isolées de l’ensemble des provinces du Nord, y compris l’Arctique, j’ai malheureusement observé que, comme vous l’avez mentionné, Rolanda, des complications interviennent effectivement ici, des complications qu’avec un peu de chance, le comité prendra en considération, avec le temps — le comité étant, selon moi, la tribune la plus appropriée pour s’attaquer à bon nombre de ces problèmes.
En ce qui concerne votre exposé, Rolanda, j’ai pu constater par moi-même que non seulement de nombreuses collectivités sont déjà vulnérables, en particulier celles qui sont éloignées et isolées, mais qu’il se peut aussi que certaines ressources, notamment les refuges — bien qu’il y ait une foule de raisons pour lesquelles les refuges ne sont pas établis dans les collectivités… Il y a des enjeux politiques et des problèmes délicats à résoudre, quel que soit le camp dans lequel nous nous rangeons mais, en outre, ce qui importe, c’est que cela engendre une certaine vulnérabilité, comme vous l’avez mentionné, et pousse les femmes à fuir la collectivité.
Je pense qu’une corrélation existe assez systématiquement entre une situation de violence familiale dans une réserve ou une collectivité et le départ d’une femme ou d’une jeune fille vers la ville, où elle fera face à une foule de nouvelles réalités et pourra être la proie de circonstances très dangereuses.
Il y a deux choses auxquelles je pense, Rolanda. Si le temps le permet, les autres pourront intervenir à cet égard.
Tout d’abord, en ce qui concerne le régime régissant les biens matrimoniaux, j’estime que les éléments qui importent le plus sont les ordonnances de protection d'urgence et les mesures d’occupation prioritaire. Selon moi, on a omis de sensibiliser, par divers moyens, les membres des réserves et, en particulier, ceux qui vivent dans des collectivités isolées au régime, afin qu’ils comprennent clairement ce que la loi pourrait accomplir dans des circonstances urgentes, c’est-à-dire le régime lui-même et ce qu’il apporte. La dissolution d’un mariage comporte d’autres aspects, mais je me concentre sur ces deux-là.
Le deuxième problème est le champ d’action des programmes. Je crois qu’au fil du temps, malgré leurs bonnes intentions, l’AFAC, Condition féminine Canada et les autres programmes ont échoué, dans une certaine mesure, à orienter leurs activités de sensibilisation vers les bonnes personnes, à savoir les enfants d’âge scolaire et, en particulier, les hommes de ces collectivités. De plus, il ne faut pas leur parler uniquement de respect, mais aussi de la violence elle-même. Dans des villes comme Kenora, nous avons financé des programmes de désescalade des conflits qui sont parvenus à influencer les gens, à avoir une incidence positive sur eux et à amener les collectivités avoisinantes à participer au processus. Toutefois, nous n’avons pas réussi à avoir l’effet que nous aimerions ou devrions avoir sur les collectivités isolées.
Rolanda, pour être précis malgré mes paroles décousues, pourriez-vous formuler des observations sur le régime lui-même et sur les aspects qui comptent particulièrement à vos yeux, compte tenu de votre expérience? Ensuite, si vous le pouvez, veuillez formuler des observations sur les avantages qu’apportent, le cas échéant, les régimes régissant les biens matrimoniaux sur le plan de la sensibilisation des collectivités. De plus, pourriez-vous nous dire quels autres genres d’activités nous pourrions organiser dans les réserves pour accroître la sensibilisation de ce qui, selon moi, constitue le groupe que nous devrions cibler?
Je vais m’efforcer de vous satisfaire le mieux possible. Premièrement, je tiens à préciser qu’à l’âge de 12 ans, j’ai saisi l’occasion de fréquenter un pensionnat. Donc, je fuyais en fait mon foyer. En 1998, après mes études, j’ai quitté la ville pour retourner dans ma collectivité. À peine étais-je de retour que j’ai découvert que les femmes étaient, bien entendu, toujours victimes d’actes de violence et de mauvais traitements. Je vous le mentionne simplement à titre de précision.
Je pense que, lorsque j’ai été expulsée de mon foyer avec mon fils… Je suis employée dans la collectivité comme travailleuse sociale dans le domaine de l’alcoolisme et de la toxicomanie. Je sais quelles ressources sont à ma disposition mais, au milieu d’une telle crise, on ne pense pas clairement. Il aurait été utile que des gens me tendent la main. Je pense qu’au sein de la collectivité, seules une ou deux personnes m’ont demandé ce qui s’était vraiment passé. Encore une fois, j’ai vécu cette crise comme en silence, pendant des années.
On peut mettre au point des plans de sécurité. Selon moi, ils permettent aux femmes de rester en vie. Mais elles ne se sentiront pas en sécurité avant longtemps, tant qu’elles n’auront pas pris les mesures nécessaires pour s’assurer que toutes les précautions sont prises. Elles pourront ensuite commencer à mettre à profit ce sentiment de sécurité. Il n’en reste pas moins qu’elles n’éprouveront toujours pas un sentiment de sécurité; parfois, je me sens encore en péril, parce que je croise certaines personnes, et je continue de faire l’objet de gestes obscènes, de remarques déplacées et de comportements de ce genre.
Les personnes au refuge m’ont beaucoup aidée. Que Dieu les bénisse. Elles sont tellement actives et occupées. Elles gèrent des crises 24 heures par jour 7 jours par semaine. Je suis tellement heureuse qu’elles aient été là quand j’en avais besoin. Mais je savais qu’elles existaient. Je ne suis pas certaine qu’une personne en pleine crise pensera rapidement à ce genre de choses. Je pense qu’il est absolument essentiel que des services communautaires, une équipe de coordination d’un type ou d’un autre ou d’autres ressources de ce genre interviennent lorsque ces situations se produisent. Les gens savaient ce qui m’était arrivé; ils savaient que j’avais été expulsée de ma maison et que les verrous avaient été changés, mais personne n’est venu m’aider. J’ai tenté de communiquer avec toutes sortes de personnes; la police m’a indiqué qu’elle avait les mains liées.
Les gens savent ce qui est en train de se produire, mais ils ignorent comment gérer la situation. C’est comme si nous vivions dans une collectivité paralysée, parce que nous sommes toujours en état de crise et en train de gérer de nombreux problèmes. Parfois, les choses retournent à la normale.
Merci.
Je suis désolée. Je sais que le temps passe rapidement.
Nous allons maintenant passer à vous, madame Bennett. Vous disposez de sept minutes.
Merci beaucoup.
Premièrement, Tracy et Katharine, j’aimerais en savoir davantage à propos de la nécessité de mener des recherches axées sur les Inuits et de développer des approches adaptées à leurs besoins. Pourriez-vous décrire pour le comité le lien qui existe entre la violence sexuelle à l’endroit des enfants et l’alcoolisme, la toxicomanie et l’abandon de la collectivité et de la famille? Je ne sais pas si vous avez de l’expérience dans ce domaine. Récemment, nous avons entendu parler d’un problème qui ne m’était pas venu à l’esprit, à savoir le fait que des enfants fuient des familles d’accueil abusives. Ce problème semble être rarement signalé.
Je me demande si vous — et peut-être aussi Tracy, dans le contexte de la Colombie-Britannique — pourriez nous parler de votre expérience relativement au manque de refuges et à l’invisibilité de ceux qui existent. Au centre-ville de Toronto, par exemple, les refuges passent inaperçus. Personne ne sait qu’ils existent. Aucun signe n’indique leur emplacement. Personne ne peut découvrir où ils se trouvent. J’ai visité un refuge à Apex, près d’Iqaluit, dont tous connaissent l’emplacement. Si un homme souhaite s’en prendre à une femme qui a eu le culot de quitter son foyer et de l’humilier, ce dernier sait où la trouver.
Les solutions sont différentes. Manifestement, il n’y a pas suffisamment de refuges, mais il est beaucoup plus difficile, dans des collectivités rurales ou éloignées, d’assurer la sécurité des femmes qui vivent dans les refuges.
Je me demande quelles sont, selon vous, les recherches qui devraient être menées. Que suggéreriez-vous? Plusieurs de mes patientes finissaient par développer une dépendance parce qu’elles tentaient d’oublier qu’elles étaient le jouet de leur père ou de leur oncle. C’est ainsi qu’elles géraient la situation, et elles étaient plus susceptibles de devenir des toxicomanes, des prostituées ou peu importe. En l’absence de traitement, cela faisait partie de ce qu’elles devaient faire pour engourdir le mal.
Pouvez-vous me dire où vous en êtes au chapitre de la recherche, et où vous aimeriez vous rendre?
Premièrement, j’aimerais mentionner que Statistiques Canada mettait autrefois en oeuvre un programme de liaison des organisations autochtones nationales. J’ignore où ils en sont maintenant du point de vue de leurs effectifs, mais ils affectaient un statisticien aux organisations autochtones nationales ou le mettaient à leur disposition pour les aider à traiter des données. Je ne sais pas si ce programme existe toujours. Il est difficile d’obtenir des statistiques particulières.
Je pense qu’une autre difficulté tient au fait que tous les Canadiens ne s’identifient pas. Par conséquent, peu de questions dans les sondages traitent de l’identité ethnique. Nous recevons souvent des statistiques relatives aux Autochtones qui sont regroupées et qui ne nous permettent pas de savoir s’il s’agit de membres des Premières Nations, de Métis ou d’Inuits. Donc, nous sommes dans le noir à cet égard.
Une bonne partie de notre travail consiste à évaluer les connaissances, les attitudes et les comportements des membres des collectivités. Lorsque nous mettons en oeuvre des projets, nous créons des comités consultatifs qui nous permettent de tirer parti des connaissances de leurs membres quant aux ressources dont ils ont précisément besoin sur le terrain et qui sont adaptées à ce qu’ils observent quotidiennement.
Si vous fuyez la violence, vous disposez d’une seule chance d’être évacuée de la collectivité. Comme vous le savez, une personne qui souhaite fuir un ménage abusif peut tenter de le faire jusqu’à 19 fois. Il faut que ces tentatives aient lieu au moment propice, ce qui peut être problématique si un refuge ou un logement sûr n’est pas disponible.
Je ne sais pas si je suis en mesure vous illustrer suffisamment la situation. Il n’y a pas d’immeuble ou de marché du logement privé. Vous ne retournerez pas dans votre collectivité, s’il n’y a pas d’espace pour ce genre de refuges.
Si vous me le permettez, j’aimerais donner plus précisément suite à la question de la violence sexuelle à l’endroit des enfants.
Chacune des quatre régions de l’Arctique a maintenant terminé son enquête sur la santé des Inuits, qui comprenait des questions concernant les ménages et aussi la violence sexuelle vécue pendant l’enfance.
Celle menée au Nunavik a révélé que 44 % des personnes interrogées avaient admis avoir été victimes de contacts sexuels non désirés lorsqu’elles étaient mineures — 44 %. Toutefois, je ne suis pas au courant de la conduite d’autres recherches plus précises. Le fait de commencer à recueillir ces chiffres représentait une étape importante.
Puis, hier, les résultats d’une nouvelle étude ont été rendus publics par l’Université McGill, je crois. L’étude tentait d’analyser les liens de manière plus approfondie. Comme je l’ai indiqué, 15 % des personnes qu’ils ont étudiées et qui s’étaient suicidées avaient été victimes de violence sexuelle dans le passé.
Nous devons également en apprendre davantage sur l’expérience des femmes qui partent pour le Sud, parce qu’elles fuient leur collectivité pour trouver la sécurité. Elles arrivent ici, et tout est différent: la culture, la langue, la nourriture, etc. Il se peut qu’elles soient dépourvues des qualités requises pour survivre dans un univers contemporain complètement différent. À l’heure actuelle, 25 % des Inuits vivent au Sud. Si nous voulons être en mesure de trouver certaines solutions, nous devons en apprendre davantage sur l’expérience des femmes et les obstacles qu’elles rencontrent.
Je pense que nous devons obtenir ces statistiques. Au centre de désintoxication de Toronto appelé Women's Own Detox, je crois que 110 % des clients ont été victimes de violence sexuelle dans le passé et, selon moi, ces derniers ne le déclarent pas toujours.
Je vous remercie donc de vos réponses.
J’ai oublié de mentionner, madame la présidente, qu’une fois de plus, on semble avoir cessé de téléviser nos délibérations.
Il vous reste 30 secondes. Souhaitez-vous les employer pour parler de ce problème?
Dans cette salle, on ne peut tenir une vidéoconférence et être télévisé en même temps. Il faudrait que nos séances aient lieu au 1, rue Wellington. Je ne vois pas d’objection à ce que nous les tenions là-bas.
Je pense que c’est une priorité que les membres du comité ont définie. Il appartient au greffier de nous trouver une salle où nous pourrons faire les deux.
J’espérais que nous pourrions créer un précédent en observant une minute de silence pour les personnes qui sont disparues depuis notre dernière séance, en particulier la jeune fille de 17 ans de Scarborough qui manque à l’appel en ce moment, la fille de Melissa et le membre de la famille Anwhatin. Nous devons donner un visage aux travaux que nous accomplissons ici.
Je vous remercie de cette pensée, madame Bennett.
En ce qui concerne la télédiffusion, comme je l’ai indiqué, lorsque nous avons une…
Nous pourrons en discuter lorsque nous nous occuperons des travaux du comité mais, encore une fois, les membres du comité se sont entendus pour dire que nos séances seraient télévisées. Elles ont lieu à une heure inhabituelle, et il est très important que les gens soient en mesure d’entendre le…
Nous devons nous occuper de quelques travaux du comité après nos délibérations. Par conséquent, discutons de cette question à ce moment-là.
Nous n’avons pas consenti à ce que toutes les séances soient télévisées. Nous avons convenu d’être souples parce que vous avez fait valoir que certaines personnes seraient trop embarrassées pour témoigner devant les caméras. Donc, je n’ai pas d’objection à ce que nos séances soient télévisées, si cette décision est prise de manière ponctuelle.
Je suis désolée, mais il revient au greffier d’évaluer la sensibilité de tout témoin, et nous avions cru comprendre que, par défaut, les séances seraient télévisées.
J’aimerais que nous nous occupions de cela lorsque nous aborderons la question des travaux du comité. Ainsi, nous pourrons revenir à nos témoins.
Pourriez-vous nous faire parvenir le rapport de la recherche à laquelle vous avez fait allusion, à moins que quelqu’un d’autre vous pose une question à propos de cette recherche sur le lien qui existe entre les mauvais traitements subis par le passé et le fait d’être arrêté par la police?
Si vous avez un rapport à nous expédier, madame Porteous, nous serions heureux de l’accepter, comme Mme Bennett l’a demandé.
Nous allons maintenant passer à vous, madame Block. Vous disposez de sept minutes.
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je partagerai mon temps de parole avec Mme Rempel.
Je tiens à remercier nos témoins d'être venus aujourd'hui, et Mme Porteous de s'être jointe à nous par vidéoconférence.
Comme l'une de nos collègues l'a déjà mentionné, nous venons de commencer cette étude, et nous avons déjà entendu le témoignage de quelques personnes, dont plusieurs sont, selon moi, des expertes. Mais je veux souligner qu'à mon avis, Rolanda est probablement une experte parmi les personnes qui ont été victimes de violence et chassées de chez elles. Je pense que les récits sont souvent bien plus convaincants que nous le pensons, alors je tiens à vous remercier d'être venue et de nous avoir fait part de votre histoire et de votre expérience.
Madame Porteous, dans vos remarques liminaires, vous avez énoncé certaines des suggestions que vous feriez en fonction des travaux de notre comité. Vous avez laissé entendre que nous avions besoin d'utiliser les services actuels et de veiller à ce que des femmes autochtones fassent partie du personnel qui les offre, que les employés soient sensibilisés aux différences culturelles et que ces services soient, dans la mesure du possible, offerts dans les réserves ou les centres d'amitié. Je me demande si vous pourriez expliquer les mesures que vous nous recommandez de prendre à cet égard.
Je serais ravie de le faire. Je disais que selon moi, vous devez prendre deux mesures.
Il existe déjà une infrastructure solide au Canada en ce qui touche les programmes de lutte contre la violence. En Colombie-Britannique, il s'agit de programmes communautaires d'aide aux victimes, de centres d'aide aux victimes d'agressions sexuelles, de centres d'aide aux femmes battues et de refuges. Il y a environ 400 programmes semblables en Colombie-Britannique. En fait, il y en a 240 sous notre seule égide. En Ontario, je pense qu'il s'agit plutôt d'un réseau de refuges, mais il y a des centres d'aide aux victimes d'agressions sexuelles dans la plupart des autres provinces. Je crois que nous avons besoin de faire en sorte que tous ces centres et organismes offrent, dans la mesure du possible, des services culturellement adaptés et accessibles aux femmes autochtones.
En plus de cela, pour que les femmes aient plus d'une option, on devrait offrir aux femmes autochtones, dans les réserves et par l'intermédiaire des centres d'amitié, des services gérés par des femmes autochtones. C'est pour faire en sorte que les femmes aient plus d'un recours, car certaines femmes qui vivent dans des petites collectivités pourraient vouloir partir vivre en ville tandis qu'il y en a d'autres qui, pour de multiples raisons, ne peuvent pas ou ne veulent pas le faire, ou ne font pas confiance aux services destinés à la population générale.
Je veux revenir juste un instant à votre question. Elle nous ramène aussi à la discussion que nous venons d'avoir au sujet des refuges et des femmes qui partent ou qui savent ou pas où se trouve le refuge.
Je pense qu'il est important d'avoir un continuum de services, c'est-à-dire des refuges pour les femmes qui veulent partir, qui ont besoin de le faire et qui ont besoin de se réfugier en lieu sûr, ce qui suppose normalement qu'elles doivent quitter la communauté pendant une courte période, mais le plus difficile et le plus compliqué est de travailler avec les femmes qui choisissent de rester dans des relations violentes. C'est ce qui fait en sorte que les femmes victimes de violence soient souvent victimes de nouvelles persécutions au sein du système, car la police, les travailleurs sociaux et les procureurs... Comme l'a dit une de mes soeurs, vous n'avez qu'une seule chance d'être transférée par évacuation sanitaire. Qu'arrive-t-il les 18 autres fois qu'une femme part? Certaines études révèlent qu'il faut qu'une femme tente de partir 35 fois avant de le faire pour de bon.
Je pense que la plupart des femmes diront qu'elles veulent que la violence cesse, mais qu'elles ne veulent pas que la relation prenne fin, alors la solution n'est pas toujours de faire en sorte qu'elle parte. Dans bien des circonstances, c'est ce qu'il faut faire, et il faut des professionnels, des personnes correctement formées, pour évaluer les risques mortels. Nous avons besoin de connaître la différence entre les femmes qui risquent d'être tuées et celles qui ont besoin de partir pendant une courte période pour que les choses se calment, mais qui veulent retourner auprès de leur conjoint pour une multitude de raisons.
Rolanda, je suis frappée par votre témoignage et par l'incidence que votre situation a eue sur vous et votre famille.
Pendant le peu de temps qui m'est alloué, j'aimerais vous poser une question très pointue. Estimez-vous que votre situation aurait pu être évitée si la vision du gouvernement concernant les droits immobiliers matrimoniaux avait été concrétisée à l'époque?
Pour les autres témoins ici présents, je siège à ce comité, car j'estime qu'il s'agit d'une question très importante que doit traiter le Parlement par l'intermédiaire d'un comité parlementaire. J'aimerais simplement savoir si vous êtes d'accord avec cette déclaration: estimez-vous que le comité a un rôle important à jouer dans ce dossier?
Notre soeur de Colombie-Britannique souhaite-t-elle se prononcer?
Mon micro est allumé, alors je dirais que oui.
Je ne veux pas avoir l'air de toujours chanter le même refrain, mais si la mesure a une portée et un mandat clairement définis et suffisamment larges et qu'elle tient compte des Inuites, oui.
Merci.
Il me reste 10 secondes, et Katharine, la déclaration que vous avez faite au sujet du trafic humain a aussi été assez percutante. Êtes-vous au courant de certaines des modifications que nous avons apportées aux lois sur le trafic humain au Canada au cours de la dernière année?
En quoi cela a-t-il influé sur certaines des questions que vous venez de soulever? Reste-t-il des lacunes que nous devons combler d'un point de vue juridique?
Je pense que Pauktuutit a la réputation de traiter des questions très délicates de façon globale en tenant compte des particularités culturelles. Nous le faisons dans une optique sexospécifique. Nous avons recours à des pratiques axées sur les traumatismes. Nous ne rendons rien public tant que nous ne sommes pas persuadés de pouvoir offrir des services ou du moins des mesures de protection.
Pour ce qui est des nouvelles mesures législatives concernant le trafic humain, la mise à jour de juillet dernier, je pense qu'il est incroyable que le Canada se soit doté d'un processus législatif plus strict que celui de l'ONU à cet égard. On comprend maintenant ce que cela signifie pour les travailleurs de première ligne et les intervenants de la justice de les faire traduire en inuktituk. Le Code criminel n'est pas traduit dans cette langue. Nous avons besoin de renseignements en langage clair.
Aucune accusation n'a encore été portée dans les communautés inuites, mais nous savons qu'il y a des cas.
Merci.
Vous arrêtez juste au bon moment. Merci beaucoup.
Madame Crowder, la parole est à vous pour cinq minutes.
Merci, madame la présidente.
Je vais partager mon temps de parole avec M. Saganash, qui va commencer.
Premièrement, merci à tous les témoins de votre contribution aux travaux du comité.
Je veux parler très brièvement de certains des points que vous avez soulevés, Tracy. Vous avez dit que l'expression « peuples autochtones » avale en quelque sorte le terme « Inuit ». Je suis d'accord avec vous. Je comprends aussi votre point de vue lorsque vous dites que le contexte particulier des Inuits requiert une approche particulière. Je suis aussi d'accord avec vous sur ce point.
Le commentaire que vous avez formulé au sujet du développement et de ses retombées positives pour le Nord est aussi important. Je me rappelle encore qu'au début des années 1970, à l'époque du développement de la baie James sur notre territoire cri, l'un des premiers incidents a été le viol et le meurtre de deux jeunes filles cries de 15 ans commis par des travailleurs d'Hydro-Québec. Alors il est important de tenir compte de vos préoccupations à ce chapitre.
J'ai une question brève concernant la nécessité de mener une enquête nationale. Je crois savoir que, en raison de leur contexte particulier, la priorité pour les Inuits est le besoin de refuges. Je le comprends parfaitement. J'ai visité la plupart des communautés inuites au Nunavik, et il en est beaucoup question. Mais cette priorité empêche-t-elle le gouvernement de lancer une enquête nationale ou même d'entamer des travaux pour élaborer un plan d'action national en vue d'éliminer la violence à l'égard des femmes?
Non, cela ne l'empêcherait pas d'amorcer pareil processus. Le besoin de refuges est crucial, mais ils ne représentent que des solutions symboliques. Nous espérons qu'ils permettront de sauver des vies, mais ils sont loin d'être la solution dont nous avons besoin.
Le gouvernement fédéral affecte du financement aux refuges, mais seulement dans les réserves. Les communautés inuites en sont spécifiquement exclues. Le gouvernement fédéral dit que c'est la responsabilité des provinces et des territoires, qui eux, affirment qu'ils n'ont pas d'argent.
Il est clair qu'au Nunavut, on est aux prises avec de nombreuses questions sociales — le manque de logement, le coût des soins de santé — et nous ne voulons pas de confrontation avec des partenaires éventuels, mais personne n'assume vraiment la responsabilité de répondre à ce besoin urgent.
Les témoignages de la dernière heure nous ont montré la complexité de cette question. Dans la motion qui nous a été présentée, il était dit que le comité avait entre autres pour mandat de proposer des solutions pour régler le problème de violence à la source.
Nous n'avons pas le temps de le faire dans le cadre de notre réunion d'aujourd'hui, mais si vous avez des solutions ou des recommandations précises à faire au comité pour l'aider dans sa démarche, peut-être que vous pourriez les faire parvenir au greffier, avec le nom de toutes les personnes avec lesquelles, selon vous, nous devrions discuter — des personnes qui ont vécu cette expérience ou qui travaillent sur le terrain et qui pourraient faire des suggestions précises.
Je sais que Mme Porteous a parlé de Bev Jacobs. Je pense qu'il incomberait à ce comité d'entendre le témoignage de Bev Jacobs, compte tenu d'une partie du travail qu'elle fait en Colombie-Britannique. Je suis certain que, dans votre vie personnelle et professionnelle, vous connaissez des gens qui pourraient venir nous aider et nous conseiller.
Pendant le peu de temps qu'il me reste, peut-être que quelqu'un aurait une suggestion précise à faire au comité? Il n'est pas nécessaire que ce soit une solution; il peut simplement s'agir d'un sujet à approfondir.
Madame Irngaut.
Nous avons récemment entrepris un projet communautaire à Kugaaruk, au Nunavut, concernant les pensionnats. Il visait notamment à développer la résilience par le truchement de l'expression artistique et culturelle. Nous guérissons en nous exprimant de différentes façons.
Ce que j'ai tiré de cette expérience est qu'il est beaucoup plus probable que les gens participent si le projet est amusant, même si le sujet est difficile. La guérison peut être très douloureuse, mais l'entraide devrait être une activité amusante.
Alors toutes nos activités se font dans l'optique de développer la résilience et de guérir par la légèreté. C'est l'une des seules façons de survivre — et de continuer aussi à travailler tous les jours.
Merci.
Merci, madame la présidente.
Merci aussi, Rolanda, d'être venue au comité pour nous faire part de votre expérience.
Tracy et Katharine, je veux vous poser des questions concernant une partie du financement que vous avez reçu de Condition féminine et des Affaires autochtones. Peut-être pourriez-vous expliquer à quoi il a servi, comment il a contribué à la prévention de la violence à l'égard des femmes et des filles, ou à quoi sert l'enseignement.
Je pense que vous avez reçu 80 000 $ conjointement entre Affaires autochtones et Condition féminine pour promouvoir l'entrepreneuriat. Je pense que 40 000 $ ont été affectés à l'analyse comparative entre les sexes et 100 000 $, à l'autosuffisance économique des femmes inuites. Ensuite, près de 300 000 $ ont été consacrés à la réduction de la violence familiale dans les communautés inuites.
En quoi tous ces montants, ou l'un quelconque d'entre eux, ont-ils aidé les jeunes filles ou les femmes pour leur éviter d'éventuellement se retrouver en situation violente?
Merci.
Nous entretenons de solides relations de travail depuis longtemps avec un certain nombre de ministères. Nous misons beaucoup sur les relations très étroites avec les gens des communautés qui nous disent ce dont ils ont besoin. Il est très important d'offrir des renseignements en langage simple en anglais et dans plus d'un dialecte de l'inuktituk. J'ai mentionné plus tôt que nous essayons de combler les lacunes dans les communautés en développant des ressources que tout le monde peut utiliser.
Pour ce qui est de l'atelier à Kugaaruk dont Kat a parlé, nous avons élaboré un modèle d'atelier que toute communauté peut utiliser si elle veut réunir des survivants des pensionnats et des jeunes. Dans ce cas précis, ils ont travaillé avec un groupe remarquable ayant pour nom BluePrintForLife. Ils utilisent le hip hop comme méthode de guérison.
Je pense que c'est un très bon exemple de la façon de prendre un investissement relativement modeste et d'en maximiser les résultats. Il existe des copies du modèle et il se trouve en ligne, ainsi qu'une liste d'idées à prendre en considération et de ressources nécessaires. Il vous faudra peut-être de l'argent. C'est ce que nous avons aussi fait avec les projets de Condition féminine. Je pense que nous avons élaboré un modèle unique de guérison pour les femmes sur le territoire, mis au banc d'essai à Tuktoyaktuk, au Nunavik, et à Iqaluit. Encore une fois, ce fut un franc succès.
Est-ce qu'on aurait pu changer quelque chose à ces projets? Ont-ils vraiment bien fonctionné ou aurait-on pu en améliorer un aspect?
Je peux parler en particulier d'un projet de développement économique que nous venons de terminer. Nous avons travaillé principalement avec AADNC — et les fonctionnaires de Condition féminine ont voulu travailler en partenariat avec nous, car ils croyaient que c'était très important. Nous voulions élaborer un modèle qui pourrait servir dans d'autres régions.
De quoi avaient besoin les femmes qui sont déjà en affaires? Surtout d'information; j'ai entendu dire que quelqu'un, par exemple, voulait des précisions sur ce qu'étaient ses responsabilités en tant qu'employeur. Il manque de services comptables dans le Nord. Nous avons regroupé des renseignements précis. Qui sont les organismes de financement au Nunavut? Comment pouvez-vous y accéder? Comment pouvez-vous obtenir du capital?
Nous avions l'intention d'élaborer un modèle, et au fur et à mesure que les gens ont entendu parler de ce projet, environ six mois après le début du dernier exercice, 70 membres de tout le pays nous demandaient des renseignements et du soutien que nous n'étions pas prêts à leur offrir. Nous avons espoir de reprendre les discussions avec le gouvernement fédéral pour appuyer une démarche qui est déjà si fructueuse au Nunavut et l'étendre à d'autres régions. Je pense que c'est la raison pour laquelle nous leur demandons ce dont ils ont besoin et comment nous pouvons les aider. Je pense que nous offrons des renseignements très utiles.
Madame Porteous, comme je le dis à tout le monde chez moi à London, en Ontario, mon projet préféré est la campagne « Be More Than a Bystander », c'est-à-dire « Soyez plus qu'un simple témoin ». J'adore ce programme. Je pensais que c'était l'un des programmes les mieux financés dont j'ai entendu parler, car il fait participer les hommes et les garçons ainsi que les Lions de la C.-B.
Pouvez-vous nous expliquer comment il contribue peut-être à prévenir la violence à l'égard des femmes et des filles — et je dis « filles », je suppose, car elles vont à l'école secondaire dans cette région.
Cela me donne une autre occasion de revenir sur la dernière question concernant les causes profondes de la violence à l'égard des femmes. L'une des causes profondes est la façon dont les hommes et les femmes, et les garçons et les filles, sont socialisés.
Ce programme, « Be More Than a Bystander: Break the Silence on Violence Against Women », c'est-à-dire « Soyez plus qu'un simple témoin: rompez le silence qui entoure la violence à l'égard des femmes », demande aux joueurs de football des Lions de la C.-B. de parler aux jeunes hommes dans les écoles secondaires de la province. Ils font aussi des messages d'intérêt public en notre nom à la télévision et à la radio pour convaincre la grande majorité des hommes qui ne commettent pas d'actes de violence de commencer à parler à ceux qui le font. Après 31 années dans le domaine, c'est mon programme préféré. Les femmes peuvent parler à des groupes jusqu'à en tomber d'épuisement, comme nombre d'entre nous l'avons fait, mais les hommes n'écoutent pas les femmes. Ils écoutent les hommes.
Je pense que nous devons rendre la violence à l'égard des femmes aussi socialement inacceptable que nous avons réussi à le faire avec le tabagisme et l'alcool au volant par l'intermédiaire de campagnes. Il s'agit de campagnes sur 30 ans auxquelles ont été affectés des budgets de plusieurs millions de dollars dans chaque province et territoire, car nous savons qu'en décourageant le tabagisme, nous finirons par réaliser des économies dans le secteur des soins de santé. Il en va de même pour la violence.
Nous essayons de convaincre les gens de dénoncer la violence et de changer le scénario au lieu de laisser les femmes souffrir en silence... Comme l'une des femmes l'a dit tout à l'heure, lorsqu'elle a été victime de violence, toutes les personnes de son entourage savaient ce qui se passait, mais personne n'a parlé. Je pense que ce phénomène a existé tout au long de notre histoire. Il est temps de rompre le silence qui entoure la violence à l'égard des femmes et de faire en sorte que tout le monde soit concerné, car ce n'est pas qu'une affaire de femmes.
Notre programme avec les Lions de la C.-B. est incroyable. Je salue Rona Ambrose, car elle a été la première d'une série de bailleurs de fonds et de partenaires à participer et à voir l'avantage de faire appel à des joueurs de la LCF — c'est un peu paradoxal de demander à ces grands gaillards de le faire — de parler de la violence à l'égard des femmes. Pendant les deux premières années du programme, nous avons rejoint 29 000 jeunes en personne. Grâce aux messages d'intérêt public et aux publicités que la ville de Vancouver et la ville de Surrey nous ont permis d'afficher dans les abribus, notre message a été vu 66 millions de fois.
Merci.
Merci à tous nos témoins. Je sais que certains d'entre vous devez partir, mais avant que nous suspendions notre travaux et passions aux affaires du comité, si le comité le veut bien, nous allons observer une minute de silence...
Madame Bennett, voudriez-vous en parler pendant une minute?
Je viens tout juste d'être informée de la disparition d'une jeune fille de 16 ou 17 ans de Scarborough. Sa mère est sur Facebook pour demander des renseignements... Comme le font les familles de Sœurs d'esprit concernant les personnes qui disparaissent chaque semaine. Si les membres du comité pouvaient étudier la question ou nous pouvions le faire ensemble, je pense que cela appuierait nos travaux.
C'était intéressant. On n'a pas donné son nom. La mère s'appelle Melissa et la cousine s'appelle Anwhatin.
Franchement, madame la présidente, je pense que lorsque nous aurons de plus amples renseignements à ce sujet, nous pourrons soit faire une déclaration soit observer une minute de silence pour une personne en particulier, si c'est ce que nous décidons de faire... Peut-être que dans le cadre des affaires du comité, nous devrions décider ensemble de notre façon de procéder.
J'avais espoir que chaque semaine, les attachés de recherche nous donnent les noms des femmes qui ont disparu ou ont été assassinées depuis notre dernière rencontre...
La semaine dernière, l'AFAC l'a fait pour les femmes en général. Je crois que nous pourrions en faire autant.
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