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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 010 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 3 novembre 2011

[Enregistrement électronique]

(0855)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte. Nous sommes un peu en retard. Nous tenons la 10e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne et nous étudions le projet de loi C-10.
    J'ai parlé aux nouveaux témoins au sein de votre groupe. Certains d'entre vous êtes déjà venus témoigner et, comme vous le savez, vous pouvez nous présenter une déclaration préliminaire. Je vous ferai signe quand il ne vous restera qu'une minute.
    Si vous préférez commencer, allez-y.

[Français]

    Bonjour. Mon nom est Pierre Mallette. Je suis le président national du Syndicat des agents correctionnels fédéraux.
    Nous tenons à remercier les membres du comité de nous avoir invités. Nous allons en profiter pour vous indiquer les divers aspects du projet de loi C-10 qui nous concernent.
    Le premier aspect est la possibilité d'instaurer des mesures qui tiennent compte du niveau d'engagement du détenu. L'alinéa 54 (4)(c) proposé du projet de loi C-10, qui porte sur la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, élimine la référence à la mesure la moins restrictive et remplace cela par les termes « nécessaire et proportionnel ». À l'alinéa 54(4)(d) proposé du projet de loi, il est question de l'élimination de la notion de privilèges. L'article 61 du projet de loi C-10 traite de l'élimination de la notion de privilèges en isolement. L'article 55 du même projet de loi permet au commissaire d'instaurer des mesures incitatives qui tiennent compte du niveau d'engagement du détenu.
    Prises ensembles, ces mesures devraient permettre une gestion de la population carcérale qui se prêterait mieux aux objectifs visés de la protection de la société, des membres du personnel et des détenus.
    Si ces modifications proposées sont les bienvenues, il faudra, toutefois, y mettre les ressources nécessaires. Actuellement, une très faible proportion de la population carcérale a accès aux programmes.
    Quant aux mesures incitatives proposées à l'article 55, il faudra voir l'allure qu'elles prendront avant de se prononcer sur leur efficacité. Nous sommes toutefois disposés à développer ce dossier avec le commissaire du Service correctionnel du Canada car il s'agit là, selon nous, d'une occasion de mieux remplir le mandat que nous confie la population.
    Le deuxième aspect concerne le personnel victime d'actes criminels ou dont la famille proche a été victime d'actes criminels. L'article 57 du projet de loi introduit de nouvelles protections pour les victimes d'actes criminels.
    Cependant, les membres du personnel qui sont victimes d'actes criminels de la part des détenus sont privés du raisonnement qui sous-tend ces nouvelles dispositions. Je m'explique. Il n'existe actuellement rien pour empêcher qu'un détenu soit incarcéré à l'établissement où travaille sa victime. De plus, le projet de loi ne prévoit pas qu'on avertisse à l'avance un membre du personnel du transfert de son agresseur sur son lieu de travail. Dans les fait, il arrive souvent qu'il l'apprenne en arrivant face à face avec le criminel dont il a été la victime.
    En conséquence, nous demandons que le projet de loi soit modifié de sorte qu'un détenu qui a agressé un membre du personnel soit automatiquement et immédiatement transféré vers un autre pénitencier et qu'il ne soit jamais transféré dans l'établissement où travaille la victime à moins que celle-ci n'y consente. De plus, pour tenir vraiment compte de la réalité du personnel du système carcéral, nous souhaitons que ces modifications s'étendent au personnel dont la famille proche a été victime d'un acte criminel de la part de la clientèle du SCC. Pour ces situations, nous croyons qu'il serait approprié d'assurer la protection du membre du personnel.
    Le troisième aspect touche le prélèvement d'échantillons de sang. Nous saluons la proposition d'ajouter à l'article 40 de la Loi sur le Système correctionnel et la mise en liberté sous condition, au chapitre des infractions disciplinaires, un alinéa traitant de la projection d'une substance corporelle vers une personne. Par contre, nous aurions souhaité y voir apparaître aussi l'obligation pour le détenu qui ferait une telle chose de se soumettre au prélèvement d'un échantillon de sang. Il faut se rappeler que la recommandation 11 du rapport Sampson allait en ce sens.
    Le quatrième aspect concerne l'accusation malicieuse d'un détenu envers le personnel. En ce qui a trait aux modifications proposées à l'article 40 de la Loi sur le Système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le Syndicat des agents correctionnels propose d'ajouter à la liste des infractions disciplinaires les fausses accusations contre les membres du personnel. Cet ajout pourrait servir à dissuader un détenu qui désire intimider un membre du personnel ou à se venger de lui en entachant sa réputation par le truchement d'accusations malicieuses.
    Finalement, le cinquième aspect concerne la situation de double occupation qui sévit déjà dans plusieurs de nos pénitenciers. Le SCC prévoit l'ajout de 3 7000 détenus d'ici 2014, sans compter les ajouts découlant de la présente proposition législative. Si on croit cette prévision, il va manquer environ 1 400 cellules. Malgré les constructions prévues, il nous semble évident que le système carcéral se dirige vers une situation de double occupation aiguë.
    Or, selon nous, la double occupation entraîne une hausse du risque. Une hausse des tensions mène à une hausse du risque d'agression et de suicide. Il y aura une hausse de la victimisation de certains détenus à la merci de colocataires prédateurs. Il sera plus difficile d'identifier un contrevenant à l'égard de la broue, de l'alcool frelaté, du stockage de drogues, des armes, de la contrebande. On réduira donc l'efficacité du système disciplinaire.
    La croissance du nombre de détenus qu'entraînera peut-être l'adoption de ce projet de loi représente pour nous une préoccupation sérieuse. À ce chapitre qui s'annonce difficile, il nous semble crucial de souligner l'importance d'assurer la mise en place préalable des ressources qui s'imposent. Ces mesures peuvent être des programmes suffisants, des régimes disciplinaires, une gestion serrée de la population et l'ajout du personnel et de l'infrastructure nécessaires.
    Nous vous remercions.

[Traduction]

    Merci. Il vous restait 10 secondes.
    La ministre a droit à 10 minutes, parce qu'il y a un nombre différent de témoins de chaque côté.
    Allez-y, madame la ministre.

[Français]

    Bonjour. Je suis heureuse d'être à Ottawa aujourd'hui. C'est un honneur pour moi d'avoir été invitée à présenter, au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, la réponse officielle du gouvernement du Nouveau-Brunswick au projet de loi C-10, la Loi sur la sécurité des rues et des communautés.
    Nous appuyons sans hésitation les efforts visant à renforcer ces dispositions législatives en vue de protéger les victimes de la criminalité, de protéger nos enfants et de donner une voix aux victimes. Je tiens à souligner à quel point il est important pour nous de mieux protéger nos enfants. En tant que mère, cette mesure législative me tient à coeur. Nos enfants doivent à tout prix se sentir en sécurité. Il faut cependant réaliser qu'ils ne sont même pas en sécurité à la maison avec les exploiteurs sexuels et les prédateurs d'enfants qui se servent d'Internet pour trouver des victimes. Ce projet de loi nous aidera à mieux protéger nos enfants.
    On répète souvent que le taux de criminalité est à la baisse. Cependant, les crimes de ce type sont de plus en plus sophistiqués, et nous devons les prendre au sérieux. Je tiens toutefois à attirer l'attention sur ceux qui, à mon avis, devraient constituer le point de mire de ce projet de loi, les victimes. Comme son titre abrégé le laisse entendre, le projet de loi vise à permettre aux citoyens de se sentir davantage en sécurité dans leurs municipalités et leurs collectivités de notre magnifique pays. Toutefois, le projet de loi vise d'abord et avant tout à aider et à appuyer les victimes de la criminalité.
    Il ne faut pas s'étonner du fait que les victimes ont souvent l'impression de se perdre dans le système de justice pénale. J'ai dirigé une assemblée publique locale le mois dernier qui portait sur l'accès à la justice, et j'ai invité les citoyens à me faire part de leur expérience. Un certain nombre d'entre eux sont venus discuter de leur expérience avec l'appareil judiciaire, et bon nombre de victimes et de familles se sont dites frustrées. Elles avaient le sentiment d'être impuissantes et de ne pas avoir de voix.
    De par sa tradition et sa conception, la procédure met souvent l'accent sur la poursuite pénale de l'accusé. Les répercussions du crime sur la victime sont souvent repoussées à l'arrière-plan ou jouent un rôle secondaire. Quand j'utilise le terme « victime », je fais allusion aux personnes qui sont touchées directement par le crime, mais aussi à la collectivité au sein de laquelle le crime est commis, puisque la famille, les amis et les voisins de la victime en ressentent également les répercussions.
    Nous aimerions croire que les crimes visés par ce projet de loi sont seulement commis dans les grands centres urbains, mais ce n'est pas le cas. Comme je l'ai mentionné à un journaliste du Nouveau-Brunswick dans le cadre d'une entrevue sur ce projet de loi, ces crimes sont aussi commis dans notre arrière-cour. En fait, le Nouveau-Brunswick occupe le troisième rang en importance au pays en ce qui concerne l'exploitation d'enfants. Je crois fermement que les crimes contre les enfants méritent des sanctions rigoureuses. Nous croyons que les modifications proposées dans ce projet de loi sur la criminalité permettront d'atteindre cet objectif.
    Quand le projet de loi deviendra une loi et que ses diverses dispositions entreront en vigueur, les représentants du Nouveau-Brunswick devront s'asseoir avec ceux du gouvernement fédéral pour régler certaines questions d'ordre pratique. Puisque le gouvernement provincial assume à lui seul la responsabilité de l'administration de la justice, nous continuerons à presser le gouvernement fédéral de reconnaître que les provinces pourraient devoir assumer des coûts supplémentaires résultant de la mise en oeuvre de ces initiatives.
    En raison des sanctions plus sévères prévues dans le projet de loi, ces initiatives pourraient également avoir des répercussions sur les tribunaux, les poursuites publiques et l'aide juridique. Ayant exercé le droit au Nouveau-Brunswick pendant une douzaine d'années, j'ai pris part à de nombreux procès et fait affaire avec des parties des deux côtés de la procédure judiciaire. Je comprends la frustration des victimes qui croient que l'appareil judiciaire n'accorde pas assez d'importance à leur perspective ou à leur point de vue.
    J'ai également rencontré des gens accusés d'actes criminels, qui auraient été mieux servis et appuyés par une approche autre que celle du système de justice pénale traditionnel. Je crois fermement que notre province reconnaît la nécessité d'effectuer un travail d'intervention précoce auprès des jeunes et de leurs familles, afin qu'ils évitent d'avoir à recourir au système judiciaire.
    Les agents de police, les procureurs de la Couronne, les avocats et les juges ne sont pas des travailleurs sociaux ni des agents de gestion de cas. Nous devons donc travailler en étroite collaboration avec d'autres ministères en vue d'élaborer des approches interministérielles pour les cas les plus complexes.
(0900)
    Les responsables de la santé, du développement social et de la justice doivent travailler en collaboration avec des groupes de soutien communautaires afin de trouver des solutions. Les solutions ne se trouvent pas dans une salle de tribunal. Il est également possible de régler certains problèmes mais, selon moi, on peut le faire grâce à une intervention précoce. Il faut étudier la possibilité d'avoir aussi recours au Programme de déjudiciarisation qui offre les services convenant aux personnes qui en ont besoin et lorsqu'elles en ont besoin.
    Le personnel de la Direction des poursuites publiques de notre ministère appuie les modifications apportées à la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents et croit que ce projet de loi met en place les outils nécessaires pour protéger efficacement le public. Conformément au rapport de la Commission d'enquête Nunn, en Nouvelle-Écosse, nous croyons que la protection du public constitue une priorité absolue. À cet égard, si je me fie à mon expérience et à mes discussions avec des partenaires du domaine de la justice, il semble que nous n'ayons pas été en mesure de traiter efficacement les comportements les plus dangereux. Il faut doter les agents de police et les procureurs de la Couronne des outils dont ils ont besoin pour protéger le public, et ce projet de loi les met à leur disposition.
    En tant qu'ancien membre du conseil d'administration de Portage Atlantique, j'ai aussi été témoin des effets que la drogue peut avoir sur certaines personnes et des coûts que représente ce fléau pour la société et notre gouvernement. Certains croient qu'il n'y a pas de mal à consommer occasionnellement de la drogue, mais mon expérience me permet d'affirmer qu'ils ont tort. La drogue peut détruire une famille. Un toxicomane peut commettre des crimes pour financer sa consommation. Dans certains cas, la consommation de drogue mène même au suicide. Les conséquences en sont désastreuses.
    Nous appuyons les mesures du projet de loi C-10 qui prévoient l'imposition d'une peine minimale pour la vente de drogues aux mineurs dans une école ou à proximité ce celle-ci ou dans un endroit fréquenté par des jeunes. Nous sommes également d'accord avec le gouvernement fédéral afin que des exemptions soient accordées pour les traitements de la toxicomanie.
    En terminant, je tiens à souligner à nouveau que nous appuyons ce projet de loi. Nous sommes très reconnaissants d'avoir pu aujourd'hui présenter au comité notre point de vue au sujet de cette importante mesure législative.
    Merci.
(0905)

[Traduction]

    Merci, madame la ministre.
    Monsieur Jackson.
    Monsieur le président, merci d'avoir invité l'Association du Barreau canadien à témoigner de nouveau au sujet de la partie 3 du projet de loi, qui porte sur les modifications de la LSCMLC.
    L'ABC est une association nationale qui regroupe plus de 37 000 juristes, dont des avocats, des notaires, des professeurs de droit et des étudiants en droit, et notre mandat comprend l'amélioration du droit et de l'administration de la justice.
    La Section nationale du droit pénal de l'ABC est composée de procureurs et d'avocats de la défense de toutes les régions du Canada. Je suis membre du Comité sur l'emprisonnement et la libération. Nos membres comptent des années d'expérience de l'exercice du droit à l'intérieur des prisons.
    Le principal thème des recommandations de l'ABC concernant la partie 3 du projet de loi est la nécessité de maintenir les droits de la personne comme partie intégrante de la législation correctionnelle. Le droit fondamental à la dignité humaine n'est pas suspendu à la porte de la prison et, comme l'a bien indiqué la Cour suprême, la Charte s'applique entièrement aux personnes qui sont détenues.
    Les droits de la personne ne doivent pas être soumis à un arbitrage face à la volonté d'assurer la discipline et le contrôle dans la prison ou la responsabilisation des détenus. Plutôt, ils doivent être considérés comme un cadre dans lequel l’interprétation et l’application des mesures de discipline et de contrôle dans la prison sont assurées d’une façon professionnelle. La promotion et le respect des droits de la personne ne relèvent pas de la mollesse, mais de la décence. C'est aussi le meilleur moyen d'assurer la sécurité publique à l'intérieur et à l'extérieur de la prison.
    La reconnaissance contemporaine de l'importance des droits de la personne en milieu carcéral remonte au rapport présenté en 1977 à cette Chambre à la suite de l'enquête sur le système pénitentiaire au Canada. Le comité s'était en effet penché sur la violence qui avait éclaté au coeur même des pénitenciers à sécurité maximale du Canada et avait donné lieu à des émeutes et à des prises d'otages.
    Les preuves d'abus de pouvoir et les conditions inhumaines d'emprisonnement avaient poussé le comité de la Chambre à déclarer que la primauté du droit devait être respectée dans les pénitenciers canadiens et que la justice était un droit de la personne et une condition essentielle pour inciter les délinquants à s'amender.
    Ces principes, confirmés par la Charte et la Cour suprême, sous-tendent les obligations juridiques du SCC en ce qui concerne le respect des droits de la personne enchâssés dans la LSCMLC.
    Je n'ai que quelques minutes et je ne peux donc aborder que quelques-unes de nos nombreuses recommandations.
     En règle générale, nous craignons que les modifications minent la protection de la loi contre l'exercice abusif de l'autorité; faussent les responsabilités respectives des tribunaux et du système correctionnel; justifient, sous le couvert d'un vocabulaire bénin, des régimes plus répressifs.
    Je vais me limiter à un seul point, et je crois que le comité pourra nous comprendre.
    Le projet de loi C-10 extirperait de la LSCMLC toutes les mentions de la norme constitutionnelle de « mesures les moins restrictives possible ».
    Par exemple, l'alinéa 4(d), dans la section des principes, stipule maintenant que « les mesures nécessaires à la protection du public, des agents et des délinquants doivent être le moins restrictives possible ». Cette norme tire ses origines de l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Solosky, à une époque antérieure à la Charte, et comme nombre d'entre vous le savent, les décisions postérieures à la Charte reflètent l'arrêt Oakes, qui définit le critère des limites raisonnables qu'on peut imposer à un droit protégé par la Charte.
    La modification qu'on propose d'apporter à l'article 4 précise que le Service « prend les mesures qui, compte tenu de la protection de la société, des agents et des délinquants, ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire et proportionnel aux objectifs de la présente loi ».
    Ce n'est pas mal, mais ça ne suffit pas comme norme constitutionnelle. Le critère Oakes et la Cour suprême ont bien montré que s'il faut limiter les droits, la limite imposée doit les entraver le moins possible et en fonction des objectifs. La modification, parce qu'elle exclut les mots « mesures les moins restrictives possible », élimine cette nuance essentielle de la norme constitutionnelle.
    Ce ne sont que cinq mots « mesures les moins restrictives possible ». L'ABC propose que vous restauriez ces cinq mots. Le libellé actuel de la modification deviendrait alors « prend les mesures les moins restrictives possible qui, compte tenu de la protection de la société, des agents et des délinquants, ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire et proportionnel aux objectifs de la présente loi ».
    Comme les droits de la personne sont de plus en plus bafoués dans les prisons, il est essentiel que ces mots soient rétablis et que soit réitérée la norme de contrainte constitutionnelle.
(0910)
    Le comité a fort à faire, mais cette modification ne nécessite pas beaucoup de travail. Il suffit d'ajouter « mesures les moins restrictives possible », un élément standard, respecté et éprouvé de diverses autres lois fédérales et provinciales et, depuis 20 ans, un élément du paysage des services correctionnels au Canada.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Harris, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leurs exposés de ce matin.
    Merci, monsieur Jackson, de votre exposé. J'essayerai d'en parler avec nos témoins du Service correctionnel.
    Merci de votre exposé, monsieur Mallette. Je sais que vous avez une tâche très difficile, et je crois que si cette loi est adoptée elle le deviendra encore plus.
    Je peux peut-être vous parler de ce que M. Jackson vient de proposer, c'est un professeur qui étudie la question depuis de nombreuses années et qui cherche à assurer l'équilibre entre les droits des délinquants et, comme il l'a dit, la sécurité publique et la protection de gens comme vous, qui ont un travail à faire.
    Nous avons vu les rapports de l'enquêteur correctionnel au sujet des conséquences de l'isolement, par exemple, et quelques-uns des problèmes très complexes que vous rencontrez quotidiennement. Vous avez le problème de la sécurité de vos agents, qui est à juste titre une préoccupation importante de vos membres.
    Pourquoi voudriez-vous...? Je crois que vous avez appuyé l'élimination du concept de « mesures les moins restrictives » dans la norme. Pourquoi est-ce nécessaire? On précise maintenant clairement que quelles que soient les mesures prises elles ne doivent pas menacer la sécurité de vos membres, les agents. Je me demande simplement si vous croyez qu'il est vraiment nécessaire de modifier l'équilibre. Au fond, si cet équilibre a été établi pour des raisons constitutionnelles valables, il me semble que... Vous savez, j'exerce le droit depuis 30 ans, mais je vais invoquer le bon sens un instant et vous demander pourquoi on ne pourrait pas convenir qu'il n'est pas nécessaire de mettre une camisole de force à quelqu'un s'il suffit de le tenir par le bras.
    Je ne dis pas que c'est ce que vous faites, mais si vous dites « éliminons la norme » ce que vous faites n'a plus aucune importance, si vous préférez écarter cela plutôt que de dire, comme nous le faisons actuellement, qu'il faut faire quelque chose d'aussi peu restrictif que possible et qui respecte les notions de sécurité publique, de protection et de sécurité des agents ainsi que de sécurité du délinquant... est-ce que cela est si terrible?
    Je parle en tant que partisan des syndicats, et j'ai représenté des syndicats pendant de nombreuses années. Je fais appel à votre bon sens, j'imagine, ou je cherche une raison pour expliquer pourquoi vous voudriez agir ainsi.
(0915)

[Français]

    Merci de la question.
    Premièrement, il faut comprendre que nous, du Syndicat des agents correctionnels du Canada, devons travailler quotidiennement avec des populations carcérales. Quand on est d'accord sur l'amendement proposé à l'alinéa 4(d)... Il y a des programmes qu'on essaie d'instaurer depuis 2002 qu'on appelle les régimes opérationnels. Dans ces programmes, il y a des détenus qui s'engagent et d'autres qui ne s'engagent pas dans leur plan correctionnel.
    Depuis 10 ans, on essaie d'instaurer des programmes parce que la sécurité du public passe aussi par la sécurité des détenus. Nous croyons sincèrement qu'un grand nombre de détenus ont une chance de se réhabiliter, une chance de réintégrer la société. Mais en même temps, il y a certains détenus qui ne sont pas prêts à faire de la réhabilitation immédiatement. Je parle ici des gangs criminels, des gens qui n'aident pas les autres détenus à se réhabiliter, qui leur mettent une pression, des gens qui prennent le contrôle de l'établissement.
    Présentement, en vertu du libellé de la loi, on doit prendre la mesure la moins restrictive. Il faut donc traiter tous les détenus également.
    Prenons la directive du commissaire et l'exemple suivant. Pour représenter les détenus, il y a, à l'intérieur des pénitenciers, des comités de détenus. Il y a des détenus qui s'occupent des griefs des détenus. Je crois que ce sont des outils de travail importants pour les détenus. Je crois qu'ils ont le droit de se faire représenter pour faire respecter leurs droits. Or les détenus ont-ils tous la même vision d'une réhabilitation? Non. Les détenus sont-ils tous prêts à s'engager dans leur programme correctionnel? Non. Il y a des détenus qui n'aident pas les autres détenus. Il y a des détenus qui, par leur façon d'agir, nuisent à la réhabilitation de certains autres détenus. Je parle ici de gangs criminels, de gens qui ne sont pas prêts à s'embarquer dans les programmes qui sont fournis.
    Les outils de défense des détenus sont les comités de détenus, les agents de grief des détenus. Un autre fléau existe présentement. Malheureusement, ces postes de confiance sont souvent occupés par des détenus qui ne sont pas les plus légalistes, qui ne veulent pas s'occuper des autres détenus. C'est un poste privilégié. Souvent ,les détenus qui occupent ces postes sont issus des milieux criminels, malgré la directive 568-3 du commissaire.
    Alors, quand on dit que l'amendement nous permettra d'arriver avec des programmes, des régimes opérationnels, il faut savoir qu'il y a des détenus qui s'engagent et d'autres qui ne s'engagent pas dans leur plan. Présentement, tous les détenus ont droit à tous les services, sans devoir faire les efforts pour les avoir. J'aimerais être dans un monde idéal, et vous dire aujourd'hui que tous les détenus sont prêts à la réhabilitation maintenant. Non. Il y a présentement des détenus qui nuisent à la réhabilitation des autres détenus.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Goguen.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Dans un premier temps, je remercie tous les témoins d'être venus aujourd'hui. Je sais que vous avez tous des horaires chargés. Nous apprécions donc beaucoup votre présence.

[Traduction]

C'est essentiel au processus.

[Français]

    Ma question s'adresse à la ministre Blais.
    En ce qui concerne la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, le ministre de la Justice du Québec, Jean-Marc Fournier, a témoigné devant nous mardi dernier. Il a dit que les amendements proposés au projet de loi C-10 sont axés sur la punition des jeunes contrevenants plutôt que sur leur réhabilitation.
    Notre gouvernement a entendu des groupes de victimes ainsi que des Canadiens et Canadiennes qui confirment que ces amendements sont nécessaires pour faire face au problème des jeunes contrevenants violents et récidivistes. Ceux-ci comptent pour environ 5 p. 100 des jeunes dans le système judiciaire et ils représentent une véritable menace pour la sécurité du public.
    Quelle est votre position à cet égard? Croyez-vous que le projet de loi C-10 aura un effet négatif sur la réhabilitation et la réinsertion des jeunes?
    En ce qui concerne les jeunes contrevenants, je sais que c'est un sujet très chaud de ce projet de loi. Il faut qu'il y ait un changement de culture, de mentalité. Il ne faut pas croire que nos cours de justice vont être la source de solutions à des problèmes de santé mentale, des problèmes de comportements reliés à des problèmes de santé, des problèmes éducationnels ou des problèmes reliés à un statut social.
    Pour nous, au Nouveau-Brunswick, le projet de loi C-10 ne va pas faire en sorte qu'on fera moins de réhabilitation chez les jeunes ou qu'on va mettre moins d'énergie dans nos programmes. Je pense qu'il faut travailler main dans la main. Il faut que nos ministères abattent les silos et travaillent ensemble à une identification précoce des jeunes qui ont des problèmes. On doit aller chercher ces jeunes en bas âge et les identifier afin de les mener vers un chemin très différent de celui qu'on voit encore.
    On parle souvent de la judiciarisation des jeunes. Il y a des comportements qui ne devraient pas mener à la cour. Il y a des comportements qui devraient, avant de mener à la cour, être identifiés, et ces jeunes devraient obtenir une chance en société de changer leur comportement. Il ne faut pas croire que les procureurs, les juges vont trouver les solutions pour les jeunes. Je pense qu'il faut changer la culture. Il faut aller chercher des solutions à l'extérieur, il faut identifier les jeunes en bas âge.
    Je me souviens d'une époque où il y avait une communauté qui soutenait les jeunes. Il y avait des policiers communautaires, dont la présence était plus grande, pour soutenir les jeunes. Dans ma circonscription, par exemple, on travaille avec des clubs de garçons et de filles pour essayer de guider certains jeunes vers un chemin autre. Donc, je pense que c'est important de mettre de l'énergie de ce côté.
    Je peux vous dire que j'ai entendu nos procureurs dire qu'il faut avoir les outils pour faire face à certains jeunes qui, malheureusement, sont violents dans notre société, et que le nouveau projet de loi leur donnera ces outils.
(0920)
    Merci.
    Au Nouveau-Brunswick, madame la ministre, il y a une sorte de tribunal de la santé mentale. Croyez-vous que ce tribunal pourrait jouer un rôle dans ce genre de système de triage ou est-ce que le triage devrait être fait d'abord par les instances gouvernementales provinciales?
    Le Nouveau-Brunswick développe présentement toute une série de services en santé mentale. Il s'agit d'une série de services qui sont à la base même. On veut aller chercher les jeunes. Le ministère de la Justice travaille avec le ministère du Développement social et avec le ministère de la Santé pour établir des comités au sein desquels nos sous-ministres travaillent ensemble afin d'identifier des services qui permettront de faire face directement à de tels problèmes. On espère être capable de diverger du système pénal pour faire face à ceux qui ont des problèmes de santé mentale. Notre gouvernement a investi de l'argent et de l'énergie dans cette approche vraiment différente où on doit tous essayer de travailler ensemble pour abattre les silos.
    Ayant été personnellement avocate de la défense pour les jeunes, je sais qu'une quinzaine de personnes se réunissent autour d'une table, et le ministère de la Justice ne sait pas ce qu'a fait le ministère de l'Éducation ni ce qu'a fait le ministère de la Santé. Il faut se parler. Il faut qu'il y ait un changement de culture. On a commencé et j'ai espoir qu'on va réussir.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Cotler.
    Merci, monsieur le président.
    M. Goguen a posé la question que j'aurais posée à la ministre, alors je vais m'adresser à M. Jackson.
    Vous avez mentionné dans vos remarques que l'expression « mesures les moins restrictives » était « extirpée » de la LSCMLC. Voici ma question: pourquoi pensez-vous que cette expression a été ainsi extirpée et est-ce que cela a un lien avec la feuille de route du groupe d'examen indépendant du SCC?
    Finalement, je vous demande si l'élimination de cette expression menace la constitutionnalité de la loi. Pourrait-on soutenir que la loi maintient tout de même le principe de la proportionnalité et que ce principe de proportionnalité intègre la notion de mesures les moins restrictives possible?
    Merci de cette question.
    La modification du libellé est entièrement liée au document intitulé Feuille de route pour une sécurité publique accrue, le rapport que le groupe d'étude a remis au ministre en 2007. Je n'ai pas mâché mes mots la dernière fois que j'ai comparu devant votre comité: j'ai déclaré que le document était ignorant sur le plan juridique, car dans ses 200 pages il n'est jamais fait mention d'aucune analyse juridique ni des décisions de la Cour suprême du Canada ou d'autres tribunaux, malgré toutes les interprétations qui ont été faites de la LSCMLC au fil des ans.
    La feuille de route dit toutefois que le SCC et les tribunaux ont accordé trop d'importance au principe des mesures les moins restrictives et recommande de modifier la norme établie dans la LSCMLC pour remplacer « mesures les moins restrictives » par « mesures appropriées ». Tout comme d'autres, j'ai fait remarquer dans un commentaire sur cet aspect qu'il ne s'agissait pas d'une norme. Ce n'est pas une contrainte constitutionnelle imposée à l'exercice d'une autorité coercitive, c'est un outil de gestion.
    « Mesures appropriées »: qui pourrait mieux en juger qu'un administrateur de services correctionnels? Ce n'est pas une norme que les législateurs, les tribunaux ou l'enquêteur correctionnel peuvent utiliser pour savoir si l'autorité correctionnelle — la tâche très difficile d'exercer l'autorité correctionnelle, et je sais que cela est très difficile — est exercée conformément à la loi et au principe des mesures les moins restrictives possible.
    Il faut reconnaître que le ministère de la Justice — et c'est tout en son honneur —, quand il a vu cette recommandation, a compris que vous ne pouvez pas changer ainsi le libellé. Il a donc proposé ce qui figure maintenant dans le projet de loi, « nécessaire et proportionnel ». C'est un langage constitutionnel. Ce sont les deux tiers du critère Oakes, qui en compte trois, et ce que nous recommandons... Et c'est vrai, Monsieur Cotler, je crois qu'un tribunal pourrait probablement... je serais certainement prêt à soutenir devant un tribunal que les mesures les moins restrictives font partie intégrante de la proportionnalité, mais pourquoi éliminer cette mention puisque le concept est déjà dans la loi?
    La recommandation que nous avons formulée combine ces mots avec la modification proposée et restaure ainsi les trois composantes de la norme constitutionnelle. Ce serait un modèle pour les lois sur les droits de la personne partout ailleurs, et c'est pourquoi nous recommandons de rétablir ces mots.
    Et finalement, si vous me le permettez, je vous ferai remarquer que déjà — et cela est très inquiétant, pour moi comme pour d'autres — le commissaire des services correctionnels et d'autres hauts fonctionnaires disent au personnel du SCC que le projet de loi élimine le principe de mesures les moins restrictives possible et y substitue, en fait, celui de mesures appropriées. Ce n'est pas ce qu'il y a dans le projet de loi, mais c'est ce que l'on dit au personnel des services correctionnels. Cela est inquiétant, parce que cela écarte entièrement tout sentiment de retenue dans l'exercice de l'autorité. C'est pourquoi nous recommandons que ces cinq mots soient rétablis dans la loi.
(0925)
    Vous avez seulement 30 et quelques secondes, monsieur Cotler.
    Pourriez-vous parler pendant 30 secondes du surpeuplement des prisons en Colombie-Britannique, de la gravité de ce surpeuplement en Colombie-Britannique?
    Au niveau provincial, cela prend des proportions alarmantes, particulièrement pour la détention provisoire. Au niveau fédéral, l'occupation double augmente. Je crois que l'enquêteur correctionnel vous en touchera un mot. On prévoit que l'occupation double augmentera de 30 p. 100. Comme l'enquêteur correctionnel le signalait dans son rapport annuel, on a même recours à l'occupation double dans certaines cellules d'isolement, si bizarre que cela puisse paraître.
    C'est une des principales préoccupations de ceux qui travaillent dans les prisons. Il est déjà difficile — et mon collègue du SACC l'a mentionné — de gérer les populations carcérales actuelles avec toutes ces exigences. Si l'on accroît ce fardeau en ajoutant plus de prisonniers sans allouer plus de ressources aux programmes — et seulement 1,8 p. 100 de ce budget de plusieurs milliards de dollars est attribué aux programmes — sans augmentations massives, le problème s'aggravera.
    Désolé, votre temps est écoulé.
    Écoutons maintenant Mme Findlay.
    Merci à tous d'être venus aujourd'hui et d'avoir présenté de solides témoignages. Cela nous aide énormément dans ce que nous essayons de faire.
    Ma question s'adresse à Mme Blais.
    J'ai été intriguée par l'assemblée publique dont vous avez parlé et l'expérience des victimes que vous avez rencontrées, leur sentiment d'impuissance. Autrement dit, elles essayaient d'exposer l'effet véritable de l'interaction avec un système judiciaire souvent très complexe. Je vous félicite de votre initiative à cet égard. Elle reflète ce que nos électeurs et la population du Canada nous disent en ce qui concerne les coûts réels qu'ils supportent. C'est en partie ce que nous cherchons à corriger, même si l'opposition soutient que ce n'est pas nécessaire.
     Toute nouvelle initiative a un coût. D'après nos estimations, il en coûtera 78,6 millions de dollars de mettre en oeuvre le projet de loi C-10. Évidemment, cela vise surtout les trafiquants de drogue et les criminels qui exploiteraient nos enfants.
    Je constate que votre confrère du Manitoba, le procureur général Andrew Swan, a dit que la sécurité publique avait un coût, et que ce coût devait être payé.
    Je me demande quelle est la position du Nouveau-Brunswick à ce sujet.
(0930)
    Comme vous le savez, le ministère de la Justice dans notre province assure l'administration des tribunaux, et le ministère de la Sécurité publique s'occupe du volet provincial du système carcéral.
    Nous sommes certainement conscients de l'effet que cela aura sur le plan financier. Nous reconnaissons qu'il y aura un impact. Nous devrons présenter nos problèmes, si nous en avons. Nous devrons y réfléchir. Nous devrons examiner des moyens de budgéter efficacement.
    Nous le faisons depuis que nous sommes au pouvoir. Nous avons essayé de faire les choses différemment, certes, et nous continuerons de discuter avec le gouvernement fédéral de nos besoins et de ce que le projet de loi nous coûtera. Nous ne sommes pas naïfs et nous ne prétendons pas qu'il n'y aura pas d'impact. Nous croyons qu'il y aura un impact.
    Nous avons discuté d'aide juridique avec le gouvernement fédéral à l'occasion de diverses réunions. Nous continuerons de discuter avec le gouvernement fédéral de la nécessité d'assurer notre réussite, dans l'intérêt des victimes, dans le contexte de ce projet de loi. Nous savons aussi qu'au besoin nous devrons négocier. Ce n'est pas différent de ce que nous faisons actuellement. Nous savons certainement que quand une loi nous vient du gouvernement fédéral, que nous ne contrôlons pas, il faut s'asseoir et discuter avec les fonctionnaires des besoins du Nouveau-Brunswick.
    Il nous faut reconnaître le fait que même si nous sommes une petite province, nous avons de sérieux problèmes. L'exploitation des enfants dans notre province est une grave question. Je suis certaine que vous avez vu les nouvelles, récemment. Dans notre petite province, nous avons certains des pires cas d'exploitation d'enfants. Quand vous pensez au Nouveau-Brunswick, vous ne pensez pas à ces choses. À mes yeux, quand nos enfants ne sont plus en sécurité dans nos propres foyers nous devons intervenir. Nous devons agir et nous allons le faire.
    Vous avez une minute et demie.
    Est-ce que j'ai raison, alors — je crois que c'est ce que vous dites et je veux simplement le vérifier — de dire que les gouvernements provinciaux et territoriaux auront de nombreuses occasions, à l'avenir, de dialoguer avec leurs homologues fédéraux dans les dossiers de l'administration de la justice?
    Certainement. J'ai toujours pensé que c'était une occasion de discuter de nos défis. Je suis ici pour le Nouveau-Brunswick. Je suis ici pour discuter des défis du Nouveau-Brunswick. Ils peuvent être très différents de ceux des autres provinces, mais certainement, le fait que nous appuyions le projet de loi ne nous empêchera pas d'exposer nos difficultés financières au gouvernement fédéral. Au contraire, nous serons très clairs au sujet de certains de nos problèmes, comme nous l'avons été dans bien d'autres cas. Il n'y a pas que la justice.
    Ce n'est peut-être pas une affinité réjouissante, mais le fait que ces problèmes existent dans toutes les provinces du Canada témoigne, je crois, de la nécessité de certaines stratégies nationales.
     Vous avez également fait quelques commentaires réfléchis concernant les jeunes dans le système de justice pénale et les façons d'intervenir très tôt dans leur vie pour essayer de les orienter différemment. Y a-t-il quelque chose dans le projet de loi C-10 qui vous empêcherait d'appliquer les mesures de réadaptation et de réinsertion que vous avez déjà adoptées ou que vous espérez adopter dans votre province?
    Nous n'avons plus de temps, madame. Peut-être plus tard.
    Monsieur Jacob.

[Français]

    Ma première question est pour M. Mallette.
    Peut-être avez-vous lu, hier, l'article très intéressant de Manon Cornellier, intitulé « Le coût humain du verrou », où elle rapporte que la clientèle est composée de cas de plus en plus lourds, et qu'elle est de plus en plus grande. Elle est composée de personnes marginalisées, y compris des personnes désavantagées sur le plan social telles que les Autochtones, les personnes âgées, etc. Il y a plus de promiscuité, aussi. Des prisons ont des chambres doubles. Le nombre de cellules à double occupation a bondi considérablement. Également, moins de 2 p. 100 du budget du Service correctionnel du Canada est consacré à des programmes dont bénéficient les détenus. Dans cet article, on dit aussi que très peu de détenus sont préparés à une libération sécuritaire et à point nommé. Il y a donc peu d'espoir.
    Quels sont les effets concrets, sur vos agents correctionnels, de ces conditions néfastes que le projet de loi C-10 ne va pas améliorer et qu'il va même empirer? Quelles sont les conditions les plus « sécuritaires » pour vos agents? Les agents veulent que les détenus se réhabilitent. Ils veulent que cela se fasse dans un climat sécuritaire, autant pour les agents que pour les détenus. Que recommandez-vous pour améliorer la situation?
(0935)
    C'est une bonne question, monsieur.
    Premièrement, je voudrais vous dire que nous, au Syndicat des agents correctionnels du Canada, on croit à la réhabilitation. On croit aux programmes. On croit effectivement que la majorité des détenus sont réhabilitables. Il faut tout faire.
     Il est certain que la double occupation est l'un des problèmes que la loi va entraîner. On est contre la double occupation, et on ne croit pas qu'elle va donner quelque chose de bon pour les détenus.
    D'un autre côté, pour aider les détenus, il faut aussi parfois mettre en avant des mesures pour les encadrer et les aider à avancer dans leur réhabilitation. Je vais prendre l'exemple d'une classe d'école. Si vous avez deux ou trois élèves dans la classe qui intimident les 30 autres élèves, il faut aussi prendre soin des deux ou trois élèves qui font de l'intimidation. De la même façon, il faut avoir des programmes pour aider les détenus à avancer dans leur cheminement carcéral.
    Présentement, le climat de tension entre les détenus est l'un des aspects qui nuit beaucoup à leur réhabilitation. Vous avez des gangs criminels, vous avez des gens qui ne veulent pas être réhabilités. Ils veulent faire de l'argent sur le dos des autres détenus en leur vendant leur cantine, en leur vendant de la drogue, en prenant leur famille extérieure sur leurs bras.
    Il faut faire la distinction entre « engagé » et « non-engagé ». Les programmes pour les détenus, on y croit. Il faut en avoir. On espère qu'on va prévoir le financement nécessaire dans la loi. Ce n'est pas suffisant d'ouvrir la porte, d'y faire entrer le détenu, de fermer la porte, et de lui dire qu'on le reverra dans cinq ans. Si on fait ça, on va manquer notre coup. Pour ne pas le manquer, ça nous prend des outils.
    Les régimes disciplinaires sont l'un des outils qu'il nous faut et que personne n'a mentionné. Présentement, 40 p. 100 des rapports d'offense dont les détenus font l'objet pour cause d'agression à l'endroit du personnel ou d'autres détenus et pour cause de bris du matériel de l'État sont rejetés, car les contrevenants ne sont pas auditionnés. Qu'est-ce qu'une cour disciplinaire intérieure? C'est une cour où un juge indépendant examine les rapports d'offense et où il y a un avocat pour représenter les droits des détenus, ce qui est correct. Aussi, un membre du personnel agit comme assesseur. Puis, on y entend le rapport qui donne un régime disciplinaire.
    Malheureusement, ce système ne fonctionne pas. Pourtant, c'est une pierre angulaire dans la réhabilitation et dans la façon de gérer les détenus.
    Si je comprends bien, vous êtes pour l'augmentation des programmes de réhabilitation. Vous êtes pour qu'on rende la prison plus humaine, entre autres en créant un climat plus sécuritaire. Au fond, considérant que, tôt ou tard, les détenus vont réintégrer la société, vous êtes pour qu'ils soient mieux préparés à ça. Or le projet de loi C-10 ne prévoit pas ces mesures.
    Comme je l'ai dit lors de mon intervention du début, le projet de loi C-10 prévoit une chose: l'alinéa 4(c) proposé où on parle de « mesures proportionnelles et nécessaires ». Toutefois, pour arriver à ce que vous dites, il faut aussi prendre soin des détenus qui nuisent aux autres détenus. Il n'y a pas de campagne qui incite les détenus à lutter contre l'intimidation chez les détenus, ou à prendre conscience du fait que ce n'est pas correct de voler la cantine d'un autre. Je ne vois personne faire de la promotion et dire aux détenus de ne pas tolérer ça. Nous avons besoin d'outils pour gérer les détenus et les choses qui font partie de la réhabilitation.
    Ma deuxième question s'adresse à Mme Marie-Claude Blais.

[Traduction]

    Je suis désolé. Votre temps est écoulé, monsieur Jacob.
    Pourriez-vous préciser quelque chose? Quand vous dites « occupation double », ce ne sont pas deux personnes par lit, comme chez les militaires?
    L'occupation double, ce sont deux détenus dans la même cellule.
    Merci.
    Monsieur Woodworth.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins et je les remercie de leur présence parmi nous aujourd'hui.
    Madame Blais, le ministre du Québec a dit qu'il a une préoccupation au sujet des jeunes contrevenants et que c'est particulièrement un grand problème de publier les noms des jeunes contrevenants.
    Vous avez dit être préoccupée par les victimes. En ce sens, croyez-vous qu'il y a des circonstances où il serait nécessaire de publier le nom d'un jeune contrevenant?
(0940)
    C'est toujours une question difficile quand on parle de jeunes gens parce qu'on veut en même temps leur donner la chance, une fois qu'ils ont purgé leur peine, de réintégrer la société.
    En même temps, en ayant parlé à la direction des procureurs de notre province, je sais qu'ils veulent des outils pour protéger le public. Nous voyons donc cet aspect comme un outil qui peut faire en sorte que si le besoin se fait sentir et que la demande est faite, les procureurs ont un protocole à suivre. Ils vont le suivre, mais il y a des cas sérieux de violence. C'est un nombre minimal. Ce n'est pas tous les jours qu'on va faire cette demande devant une cour pour les jeunes contrevenants.
    Toutefois, c'est un outil. La direction des poursuites nous a dit que ce qui est important pour elle, c'est de faire en sorte qu'elle puisse avoir les outils pour protéger le public.
     Cette protection du public doit exister et elle est importante. Elle ne fait pas en sorte qu'on ne puisse pas continuer à réintégrer les jeunes, à travailler avec eux et avec les différents intervenants et à mettre en place les services qui vont favoriser leur réintégration.
     Tout le monde veut favoriser une réintégration chez les jeunes, peu importe les positions qu'on prend. Toutefois, il y a quand même une réalité qui existe et il faut faire en sorte d'outiller les gens pour faire face à cette réalité.
    Je crois que c'est exactement l'approche de ce projet de loi.
    Le projet de loi C-10 permet aussi aux juges de suspendre une peine minimale obligatoire lorsqu'un délinquant accepte de suivre avec succès un programme de traitement de toxicomanie.
    Vous avez dit que vous appuyez cette approche. Pourquoi?
    On n'a pas beaucoup parlé de cette approche qui est très positive et qui tient compte de certaines situations où les gens qui se présentent devant la cour ont souvent un problème majeur de consommation.
    Je dois vous dire que j'appuie entièrement cette mesure. Je vais vous donner un exemple à cet égard. À la cour pour les jeunes au Nouveau-Brunswick, on est chanceux. On a le programme Portage contre la toxicomanie. Il a beaucoup de succès.
    Dans le passé — et je ne crois pas que cela va changer, car cela réitère la position que nous avons —, nos juges ont été en mesure d'estimer, d'après ce que les avocats et les travailleurs sociaux leur disaient, que s'il y avait un problème de toxicomanie, il fallait que le jeune contrevenant participe au programme.
    Sans le réaliser au début, on disait au jeune qu'on pensait que sa meilleure chance était de participer au programme, de changer sa vie. On ne réalise pas que, souvent, ces programmes sont encore plus difficiles que d'être incarcéré, par exemple, pour un certain temps.
    Ce n'est pas facile pour lui de quitter sa famille et ses amis, d'être obligé de faire un auto-examen, de dealer — comme on le dit — avec la vie et de s'en aller dans un centre de traitement où il devra y rester pendant huit, neuf ou dix mois. On garantit la date d'entrée, mais pas la date de sortie parce que toutes les étapes du programme doivent être atteintes.
    J'ai beaucoup de respect pour les jeunes ou les adultes qui prennent ce chemin parce qu'ils se prennent en main. Souvent, ils font face à une situation encore plus difficile que celle qu'on retrouve dans le milieu carcéral.
     Il y a aussi souvent toute cette question où la famille fait partie de ces traitements. Donc, on permet aux familles de s'exprimer, et je pense que c'est au bénéfice de la communauté proprement dite de faire en sorte que ces individus puissent avoir une route qui les conduit vers une vie plus productive.
(0945)
    C'est bien...

[Traduction]

    Désolé, monsieur Woodworth, mais le temps de votre groupe est écoulé. Nous avons commencé avec une minute de retard environ, et nous avons une annonce à faire au comité.
    Je tiens à remercier le groupe d'être venu aujourd'hui. Il n'y a jamais assez de temps dans ces situations. Nous aimerions pouvoir passer plus de temps avec vous. C'était très intéressant et vous avez beaucoup apporté à nos discussions. Merci beaucoup.
    Nous allons nous arrêter quelques minutes pour laisser l'autre groupe s'installer.
(0945)

(0950)
    Je déclare la séance ouverte.
    Avant de commencer, je dois mentionner une question administrative importante pour le comité. Le conseiller législatif doit recevoir vos instructions par écrit au sujet des amendements le plus tôt possible au cours du processus. Pour satisfaire aux exigences de l'examen article par article du projet de loi, je demande aux membres de remettre leurs éventuels amendements au greffier d'ici mercredi le 9 novembre à 16 heures.
    Cela paraît un peut juste, mais n'oubliez pas que vendredi est un jour de congé, et que le greffier a besoin de temps pour examiner ces amendements.
    Je comprends qu'il s'agit d'une requête, et pas d'une échéance. Nous ne serons pas nécessairement en mesure de présenter tous nos amendements dans ces délais. Il n'y a pas eu de discussion à ce sujet.
    Je serais étonné que vous ayez même un amendement, monsieur Harris.
    Eh bien, vous serez peut-être étonné, mais je ne vois pas pourquoi. C'est un préavis bien court pour ce travail. Nous allons essayer de vous fournir ce que nous pouvons, mais je ne veux pas accepter d'échéance.
    Le greffier dit que ça va.
    Dans ce second groupe, nous accueillons M. Sapers et Mme Roy, qui sont ici avec nous, et Mme Derksen et le maire Katz, qui se joignent à nous à Winnipeg par vidéoconférence.
    Comme toujours, vous pouvez nous présenter une déclaration préliminaire de cinq minutes. Je vous avertirai quand il vous restera une minute.
    Nous commençons par M. Sapers.
    Veuillez nous présenter votre déclaration préliminaire, s'il vous plaît.
    Premièrement, je tiens à vous remercier, vous et le greffier du comité, d'avoir accepté nos conditions pour préserver notre indépendance. Nous n'avons pas coutume de comparaître devant les comités parlementaires en compagnie d'autres témoins. Je comprends que les circonstances le dictaient et qu'il y a eu quelques ajustements de dernière minute pour répondre à nos besoins. Je vous en suis reconnaissant.
    À titre d'enquêteur correctionnel du Canada, je suis toujours heureux de comparaître devant le comité. Par souci d'efficacité, je concentrerai mes remarques sur les éléments du projet de loi C-10 qui toucheront directement le service correctionnel fédéral. Je me limiterai en outre pour l'instant à trois préoccupations.
    Je vais commencer par les modifications proposées des principes de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Deuxièmement, je parlerai de la capacité du système correctionnel fédéral de gérer de façon sécuritaire une population carcérale de plus en plus nombreuse. Je conclurai en exposant mes préoccupations au sujet des dispositions du projet de loi qui proposent de réduire encore plus l'accès à la réhabilitation.
    Je rappellerai d'abord rapidement aux membres du comité le rôle et le mandat de mon bureau. Le bureau a été créé en 1973; c'est un ombudsman indépendant pour les détenus qui purgent des peines de ressort fédéral. Le bureau est un organe de surveillance et non pas de défense. Mon personnel ne prend pas parti lorsqu'il règle des plaintes déposées à l'encontre du Service correctionnel.
    Mon bureau contribue à la sécurité publique en veillant à ce que la primauté du droit soit respectée derrière les murs des prisons et à ce que le Service correctionnel du Canada s'acquitte de façon responsable, ouverte et transparente de son très important mandat en matière de sécurité publique. Même si nous n'acceptons pas toujours la position du Service correctionnel, nos deux organisations servent un objectif de sécurité publique plus vaste parce qu'elles aident les délinquants remis en liberté à vivre de façon responsable et respectueuse des lois.
    Quant à ma première préoccupation, je ne suis pas convaincu de la nécessité de modifier les articles 4 et 101 de la LSCMLC. La formule « mesures les moins restrictives possible » qui sous-tend actuellement les principes de la LSCMLC est l'une des règles d'or des services correctionnels.
    En vertu du principe des mesures les moins restrictives possible, il faut évaluer et envisager d'autres mesures moins envahissantes et moins restrictives lorsque les autorités correctionnelles prennent une décision qui limite la vie et les mouvements des délinquants. Mon personnel utilise ce principe quotidiennement pour examiner certaines des pratiques les plus envahissantes des services correctionnels, y compris les transfèrements imposés, le placement en isolement, le classement par niveau de sécurité et l'utilisation de matériel de contrainte.
    C'est également en fonction de cette norme que mon bureau détermine si le Service correctionnel a eu recours à un niveau de force approprié et légitime pour gérer un incident de sécurité. Certains aspects du projet de loi C-10 — par exemple l'élargissement du recours à des peines minimales obligatoires, le resserrement des critères d'admissibilité à la libération conditionnelle et l'élimination de la détention à domicile pour certaines infractions — mèneront inévitablement à une augmentation de la population carcérale et de la durée des peines.
    Comme je l'ai indiqué dans mon dernier rapport annuel, qui a été déposé il y a seulement deux jours, le Service correctionnel du Canada a déjà de la difficulté à répondre aux besoins en matière de logement. Aujourd'hui, environ 13 p. 100 de la population carcérale masculine est en occupation double, c'est-à-dire que ces détenus sont logés dans des cellules construites pour une personne. D'après le Service correctionnel, cette proportion passera à 30 p. 100 avant que les nouvelles installations dont la construction est planifiée ne viennent soulager la situation.
    Le surpeuplement des prisons mine pratiquement tout ce qui peut être positif ou utile dans le milieu correctionnel. Il est lié à l'augmentation de la violence institutionnelle. Le surpeuplement est un facteur qui contribue à la propagation de maladies infectieuses. Il réduit l'accès déjà limité aux programmes correctionnels.
    Certains des amendements auront presque certainement des effets disproportionnés sur les populations les plus marginalisées du Canada, y compris les Autochtones, les minorités visibles, ceux qui luttent contre des problèmes de toxicomanie et d'alcoolisme, et les malades mentaux. De fait, depuis 10 ans, la croissance de la population carcérale est presque entièrement attribuable à ces groupes.
    Les autorités correctionnelles sont responsables du soin et de la garde des délinquants dans des conditions acceptables et elles doivent également les aider activement à réintégrer la société. Les responsables des libérations conditionnelles, quant à eux, doivent rendre des décisions impartiales au sujet des délinquants qui peuvent être libérés sans risque dans la collectivité. Il faut s'acquitter de ces responsabilités en tenant compte du fait que les délinquants ont conservé des droits et que les peines doivent être administrées en conséquence.
    Pour cette raison, je ne suis pas certain de l'esprit des articles 4 et 101 proposés, qui exigent que les peines soient gérées en tenant dûment compte de la nature et de la gravité de l'infraction. Je suis certain que le Parlement ne voudrait pas paraître donner au Service correctionnel du Canada ni à la Commission canadienne des libérations conditionnelles des instructions visant à alourdir les peines imposées par le tribunal d'instance.
(0955)
    Cela m'amène à mon dernier point: la prolongation de la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle et la proposition de déclarer certains ex-détenus inadmissibles à la réhabilitation, selon l'infraction ou le nombre d'infractions commises. Il convient de signaler que la grande majorité des personnes qui demandent la réhabilitation ne récidivent pas.
    Le système actuel est fondé sur une analyse au cas par cas de toute l'information pertinente pour l'évaluation des risques. Le système semble bien fonctionner. Selon moi, il nous faut aider les délinquants à faire avec succès la transition vers une vie menée dans le respect des lois — et non pas créer des obstacles supplémentaires. L'engagement louable du gouvernement pour améliorer l'accès à la formation professionnelle dans les établissements correctionnels fédéraux serait inutile si les délinquants nouvellement formés devaient se heurter à des obstacles supplémentaires pour trouver un emploi légitime.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je répondrai avec plaisir aux questions.
    Merci beaucoup.
    Madame Roy.

[Français]

    Je me présente. Je suis Me Joëlle Roy, présidente de l'Association québécoise des avocats et avocates de la défense, qui regroupe un peu plus de 800 membres. Nos membres sont des avocats criminalistes de la défense. Pour ma part, je pratique le droit criminel pour la défense depuis un peu plus de 18 ans. Je suis donc devant les tribunaux tous les jours. Je suis sur le terrain, je plaide, je vois les choses et j'entends des choses, également.
    Je sais que ce n'est pas à moi de poser des questions ici, mais j'en ai une. Selon moi, elle est fondamentale. Le projet de loi C-10 constitue un revirement majeur. Il s'agit du regroupement de plusieurs projets de loi. Certains de ces projets de loi n'ont pas été adoptés, comme l'ancien projet de loi C-15 qui portait sur le trafic de stupéfiants et de possession, et qui revient à la mode.
    Pourquoi présenter ce projet ce loi? On a un système judiciaire qui fonctionne. Je le sais. Je le pratique et je le vis. Pourquoi introduit-on des peines minimales? Pourquoi hausse-t-on les peines minimales qui sont déjà instaurées? Qu'est-ce qui motive le gouvernement à présenter un projet de loi aussi draconien?
    L'AQAAD demande aujourd'hui le retrait total du projet de loi C-10 parce qu'il est non pertinent. Il n'est appuyé ni de statistiques ni de chiffres. Il est totalement inutile. Il aura des effets dévastateurs dans la population canadienne. Ce que j'entends, ce matin, est un faux débat. Le projet de loi dit porter sur la sécurité. Écoutez, le Canada est un pays absolument sécuritaire. Si quelqu'un ne se sent pas en sécurité au Canada, il a peut-être un problème. Bien sûr, la sécurité des communautés est bel et bien un concept qui se vend bien. Notre pays est très sécuritaire.
     La question des victimes constitue aussi un argument un peu pernicieux, mais il est bel et bien vendeur.
    La ministre de la Justice du Nouveau-Brunswick parlait des abuseurs sexuels. En effet, il y en a et il y en aura toujours. A-t-on besoin d'une réforme aussi majeure? On n'enrayera jamais la prédation sexuelle. Il ne s'agit pas d'être en faveur ou opposé à la prédation sexuelle. Elle dit qu'il faut des outils pour aider les procureurs de la Couronne. Je suis un peu surprise et même éberluée d'entendre cela, parce qu'elle oublie que l'outil est le système judiciaire canadien.
    Nous sommes là tous les jours. Des sentences sont rendues. Il faut traiter chaque situation au cas par cas. D'ailleurs, l'article 718 du Code criminel le prévoit. Ce que fait ce projet de loi — et c'est ce qui se passe depuis quelques années, depuis que ce gouvernement est au pouvoir — est d'imposer une forme de bâillon au système judiciaire canadien, ni plus ni moins. On bâillonne les juges, les avocats de la Couronne et de la défense, les intervenants sociaux et les agents de probation. C'est ce qu'on vit. Si quelqu'un a besoin d'une sentence plus lourde, si on a un multirécidiviste, le juge est là pour imposer cette sentence.
    Selon l'AQAAD, la répression pure et simple ne fonctionne pas. La réhabilitation fonctionne. Le Québec est une province qui a toujours misé sur la réhabilitation, et cela fonctionne. La réhabilitation vise le long terme. Quel genre de société veut-on, à long terme? On veut une société juste où on se sent en sécurité, mais ce n'est pas par la répression qu'on y arrivera. Décréter des peines minimales en grande quantité frôle le totalitarisme. On oublie le cas par cas, le délinquant. Le délinquant a commis une infraction, en effet, mais il recevra une sentence en conséquence. C'est une chose.
(1000)
    Amener les victimes dans ce débat fausse ce dernier, même si l'intention est bonne. S'occuper des victimes est une chose, mais ce n'est pas le rôle du système judiciaire. Le système judiciaire existe pour imposer une sentence à l'individu qui doit faire face à la loi et à ses principes de droit. Il recevra une sentence pour le crime qu'il a commis. Les victimes peuvent, bien sûr, être entendues et on tiendra compte de l'effet sur la victime, etc. On ne peut pas faire plus que cela. Il s'agit de punir un individu en vertu de la loi et de ses règles de droit. Il ne faut pas fausser le débat ou l'amener dans des zones irrégulières.
    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    J'aimerais remercier les personnes qui participent à cette vidéoconférence. C'est probablement bien ennuyeux d'être assis là-bas à attendre que nous vous parlions. Madame Derksen, si vous avez préparé une déclaration de cinq minutes, je vous demande de nous la présenter. Nous vous écoutons.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis heureuse de pouvoir m'adresser à vous et aux autres membres du comité.
    Je suis ici au nom du Comité central mennonite, souvent simplement appelé MCC, un ministère mondial des églises anabaptistes qui cherche à faire partager l'amour et la compassion de Dieu au nom du Christ en répondant aux besoins fondamentaux de l'homme et en travaillant pour la paix et la justice.
    Aujourd,hui, toutefois, je vous parlerai en tant que parent d'une enfant assassinée. Je suis ici également parce que les questions dont vous traitez sont extrêmement importantes pour moi et pour ma famille.
    Ma fille Candace avait 13 ans lorsqu'elle a été enlevée. Six semaines plus tard, on l'a retrouvée assassinée. Nous avons vécu pendant 20 ans sans savoir ce qui s'était passé. Non seulement je connais l'horreur du meurtre, mais en outre j'ai une connaissance viscérale des conséquences de la violence. J'ai immédiatement commencé à travailler avec d'autres victimes et j'ai appris que les séquelles émotives pouvaient être aussi menaçantes que le crime lui-même. Elles peuvent nous détruire.
    L'attention accordée à ce projet de loi me ramène énormément à l'époque où Candace a disparu. Je ne pouvais penser à rien d'autre qu'au meurtre et à la nécessité d'assurer la justice et la sécurité. Il m'était très difficile de penser à autre chose et de parler d'autre chose, mais j'ai dû apprendre. Il me restait deux enfants et j'avais un mari qui avait besoin d'une épouse aimante. Si j'avais attendu la justice et la sécurité, j'aurais dû attendre longtemps — je n'aurais pas vécu ma vie.
    Je travaille encore auprès des victimes de crime. Il y a deux semaines, j'étais avec un groupe qui a passé l'essentiel de la soirée à analyser les problèmes de notre système de justice. Nous nous complaisions dans notre douleur sans toujours nous soucier de la rectitude politique, et quelqu'un a dit que nous nous sommes permis de parler librement.
    À la fin de la soirée, je leur ai demandé ce qu'ils feraient pour instaurer la justice dans notre pays. Honnêtement, je m'attendais à ce qu'ils proposent de modifier le système de justice pénale dans le sens du projet de loi que nous avons sous les yeux aujourd'hui. Je pensais qu'ils accorderaient la priorité à la sécurité à tout prix, qu'ils proposeraient des peines plus lourdes, qu'ils prêcheraient pour les droits des victimes.
    Pas du tout. Nous avons fait un tour de table, et tous ont convenu que pour lutter contre le crime, il fallait accorder plus d'importance aux programmes scolaires et aux programmes sociaux. Sans nier qu'il faut conserver les prisons, ils ont soutenu que nous — la société — devons investir notre énergie et notre créativité pour donner à nos jeunes une meilleure éducation et une vie meilleure.
    Je pourrais vous faire part d'autres histoires tout aussi fascinantes, glanées dans le cadre de mon travail auprès des délinquants. La façon dont ma famille et moi-même avons choisi de réagir nous a ouvert les portes de nombreuses prisons au Canada, de l'établissement de William Head, en Colombie-Britannique, au pénitencier de Dorchester, au Nouveau-Brunswick.
    Je suis heureuse de pouvoir dire qu'en février dernier, notre propre cause a enfin été entendue par le tribunal. Nous avons enfin su ce qui était arrivé à notre fille, mais la peine imposée à l'assassin de notre fille n'a pas comblé notre profond désir de justice. D'une certaine façon, nous avions déjà trouvé la justice dans la joie que nous a apportée le bien qui a découlé du décès de Candace et dans l'appui de la communauté de nos amis.
    Le procès a fait connaître la vérité, et c'est la vérité qui nous a guéris et libérés, pas la peine imposée. Je ne suis pas satisfaite quand je pense que cet homme sera en prison pendant 25 ans. Rien ne peut naître de cela. C'est triste, tout simplement. Et cela nous coûtera sans doute 2,5 millions de dollars.
    J'ai très peu de temps et je ne peux pas vous expliquer tout ce que je reproche à ce projet de loi, mais je veux vous faire part de mes préoccupations relativement aux conséquences fortuites. Par exemple, même s'il paraît merveilleux d'accorder aux victimes le droit d'intervenir aux audiences de la Commission des libérations conditionnelles, cela m'inquiète. Est-ce que nous allons imposer des pressions aux victimes? Est-ce que nous allons condamner les victimes et les délinquants à un dialogue dysfonctionnel pour le reste de leur vie?
    Il nous faut peut-être inclure les victimes au début du processus, ou préparer leur guérison en même temps que nous punissons le coupable. Cela devrait peut-être être laissé à la discrétion du juge. Nous pouvons réfléchir sur ces questions de façon créatrice.
    En outre, je me demande si nous pouvons nous permettre d'allouer un si grand pourcentage de nos ressources rares à tenter de corriger le passé, en ne laissant que des miettes pour les vivants, ceux qui luttent pour trouver de l'espoir dans l'avenir. Comme le ministre de la Justice l'a signalé précédemment cette semaine, le gouvernement du Canada finance de nombreuses initiatives de justice communautaire créatrices qui s'attaquent à la racine du crime, appuient les victimes de crime et aident les ex-délinquants à réintégrer la société. Je vous demande d'accorder plus d'attention à ce travail utile.
    Ce mois-ci, c'est l'anniversaire de l'enlèvement de ma fille, il y a 27 ans. Les gens me demandent souvent comment nous avons survécu à ce meurtre dans notre famille, comment nous pouvons être encore ensemble et comment nous avons pu échapper à l'emprise de la violence, conserver notre joie et résister à la tentation de l'amertume. La formule magique, pour nous, a été de faire passer l'amour en premier, et la justice en second.
(1005)
    Je vous remercie de l'excellent travail que vous faites pour gouverner notre pays et je vous souhaite des délibérations éclairées au sujet de ce projet de loi.
    Merci, madame Derksen.
    Monsieur Katz, merci de votre patience, vous avez cinq minutes.
    Bonjour à tous les députés.
    Premièrement, je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui à parler de cet important projet de loi.
    Je suis le maire d'une ville qui a de quoi célébrer: un nouvel aéroport splendide, une renaissance progressive de l'habitation au centre-ville, le Musée canadien des droits de la personne et le retour des Jets de Winnipeg.
    Je suis optimiste quant à l'avenir de la ville, mais je dois aussi être réaliste.
    Je suis maire d'une ville où 34 meurtres ont été commis cette année. Vous serez peut-être choqués d'apprendre que 11 jeunes — des enfants — ont été accusés de certains de ces crimes.
    Comme vous le savez, les crimes violents comme les homicides sont les plus difficiles à prédire et à prévenir, particulièrement lorsqu'ils font intervenir de l'alcool et des drogues ou des jeunes contrevenants.
    Nous vivons actuellement dans une société où certains croient qu'ils peuvent commettre impunément des crimes violents. Le pire c'est que techniquement, en raison des lois actuelles, ils le peuvent.
    La sécurité de tous les citoyens de Winnipeg demeure une priorité de mon conseil municipal. Nous avons travaillé avec diligence pour investir dans le Service de police de Winnipeg et lui donner les outils pour réduire la criminalité dans notre ville, mais il faut plus que de simples mesures d'exécution de la loi pour obtenir un véritable changement .
     C'est pourquoi je suis heureux de constater l'audace du projet de loi C-10, qui écarte le statu quo et commence à assumer véritablement la responsabilité de la sécurité de nos citoyens. La porte tournante de la justice doit être fermée, nous devons modifier la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents de sorte que les délinquants restent derrière les barreaux plutôt que de continuer à perpétrer des crimes de plus en plus graves dans notre société.
    Les droits de nos citoyens doivent avoir préséance sur les droits des criminels dans notre pays. De nombreux éléments de cette loi sont essentiels au maintien de la sécurité de nos citoyens.
    Oui, les jeunes délinquants violents et récidivistes doivent répondre de leurs actes. Le mot « conséquences » ne doit pas être censuré. Oui, nous devons mettre fin à la détention à domicile et aux peines avec sursis pour les crimes graves et violents. Qui l'eût cru! Ce n'est pas une solution dans le cas des violeurs, des assassins et des voleurs.
    Oui, nous devons rétablir les droits des victimes pour qu'elles puissent participer aux audiences de libération conditionnelle et s'exprimer au sujet de la responsabilité et de la gestion des détenus. Le système de justice pénale doit accorder plus d'importance à la justice qu'aux criminels.
    Oui, nous devons prévoir des peines minimales obligatoires pour les infractions graves si ces infractions sont commises aux fins du crime organisé et ciblent nos jeunes. Comme on l'a dit, les Canadiens et les gens de partout ont le droit de vivre en paix, librement et en toute sécurité.
    Je comprends la nécessité d'offrir des programmes aux jeunes pour les décourager de s'enfoncer dans la criminalité. Tous les ordres de gouvernement ont investi dans les programmes pour combattre ce problème, mais vous savez quoi? Des mesures qui ne sont pas assorties de conséquences ne donnent rien.
    Le projet de loi renforce une approche sur plusieurs fronts pour régler les problèmes de criminalité. Les opposants peuvent bien dire ce qu'ils veulent, ils préféreraient rester assis sans rien faire et accepter le statu quo pendant que des gens se font assassiner dans nos rues.
    Quelque chose doit changer. Je suis maire d'une ville qui est aux premières loges et je vois bien les effets de ce système inefficace. Je dis qu'il est temps de changer. Je vous encourage tous à adopter ce projet de loi et à agir maintenant.
    Merci beaucoup de votre temps.
(1010)
    Merci, monsieur Katz.
    J'entends la sonnerie. Je vais voir ce qui se passe.
    Je crois que nos whips nous ont tous dit qu'il y aurait un vote. La sonnerie se fait entendre et le règlement...
    Pouvons-nous accorder encore une ronde de questions à chaque parti?
    Je ne pense pas que cela soit possible. Nous sommes...
    Nous avons 15 minutes avant le vote.
    Eh bien, selon le Règlement, quand la sonnerie est déclenchée, les comités doivent être ajournés.
    Le greffier me dit qu'il nous faudrait un consentement unanime pour discuter encore 15 minutes.
    Monsieur le président, je m'inquiète parce que nous sommes loin, dans la rue Queen, alors les délais n'ont pas la même valeur.
    Est-ce que nous avons un consentement unanime?
    M. Robert Goguen: Oui, pour une ronde.
    Des voix: D'accord.
    Le président: Mais nous devons nous dépêcher et nous en tenir strictement à quatre minutes.
    M. Robert Goguen: Quatre, ça va.
(1015)
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous pour ces opinions évidemment bien différentes sur la question.
    Madame Derksen, je vous remercie. Je vous prie d'accepter mes condoléances et je dois dire que votre approche est vraiment différente de ce que nous ont expliqué d'autres victimes. Je veux vous dire que votre opinion fait écho à celle du professeur Bala, un professeur de droit qui nous a parlé il y a quelques jours. Il disait:
Il faut se rappeler que le système de justice pénale pour les adolescents ne joue qu’un rôle limité dans la prévention de la criminalité juvénile ou l’instauration d’une société plus sûre. Nos programmes préscolaires, nos systèmes d’éducation, de protection de l’enfance et de promotion de la santé mentale ainsi que les familles, les organismes confessionnels, les groupes communautaires et les programmes récréatifs jouent un rôle encore plus important que le système de justice pénale pour éradiquer les causes profondes de la criminalité juvénile. Par ailleurs, comme l’a précisé le juge Nunn, lorsque notre système de justice pénale pour les adolescents ne réussit pas à atteindre ses objectifs, une grande partie des problèmes sont attribuables au manque de ressources et de formation plutôt qu’aux lacunes de la LSJPA.
    Alors merci de nous avoir exposé votre point de vue et celui d'autres victimes avec lesquelles vous avez travaillé au fil des ans.
    Monsieur Sapers, il y a une question dont on n'a guère parlé — et Mme Roy pourrait peut-être elle aussi la commenter en fonction de son expérience auprès des délinquants —, je pense au remplacement du terme « réhabilitation » par, je crois, l'expression « suspension du casier ». Cela peut sembler superficiel, mais selon moi cela constitue un changement plus profond de notre système de réhabilitation.
    J'ai peut-être tort, et n'hésitez pas à me le dire, mais j'ai le sentiment que lorsqu'on peut dire que l'on a été réhabilité, cela a beaucoup de poids. Si l'on peut dire qu'une enquête a été menée et que l'on a été réhabilité et déclaré réhabilité par la Commission des libérations conditionnelles, je crois que cela a de l'importance pour l'intéressé et peut influer sur son avenir.
    Si vous dites que vous avez obtenu une « suspension de casier », c'est presque comme de déclarer que vous avez été condamné à une peine avec sursis. Ce n'est pas comme si vous aviez été réhabilité, cela n'a pas la même valeur.
    Monsieur Sapers et madame Roy, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet? Évidemment, nous n'avons que quelques minutes.
    Certainement, et je vais essayer d'être bref. Le langage juridique est très important. Il doit être clair et simple. Les mots ont un sens profond pour les gens dans le système de justice pénale.
    Que nous parlions de l'utilisation du terme « réhabilitation » ou de mesures les moins restrictives possible dans le système correctionnel, il est très important que les règles soient claires et que les systèmes puissent rendre des comptes.
    Le terme « réhabilitation » revêt effectivement un sens particulier, et il faudrait beaucoup d'explications pour appuyer le changement.
    Madame Roy.

[Français]

    Encore là, je vais tenir le même discours. Je suis d'accord avec M. Sapers. Qu'implique la suspension des casiers judiciaires? Ça veut dire qu'on n'accorde pas le pardon total. Que fait-on dans le cas d'un individu qui a purgé sa peine, qui a payé sa dette envers la société? Je pense que dans une société démocratique comme veut l'être le Canada, quand un individu obtient son pardon, ça veut dire quelque chose, notamment qu'il peut avancer, se trouver un travail. Quel effet a la suspension du casier? C'est une situation ambiguë. On ne sait pas ce qu'il en est.
    Et pourquoi abolir le pardon? Pourquoi? Pourquoi ajouter cinq ou dix ans dans le cas d'infractions sommaires ou d'infractions criminelles? Qu'est-ce qui justifie cela? Il faut se demander qui demande un pardon et qui l'obtient. Avez-vous des statistiques à ce sujet? Est-ce que les multirécidivistes demandent un pardon? Non, ceux qui le font sont des gens qui commettent une infraction dans leur vie et qui décident, finalement, de faire cette demande. Alors pourquoi retirer une mesure qui est déjà... Écoutez, c'est un tamis...

[Traduction]

    Désolé, votre temps est écoulé.
    Monsieur Seeback.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Katz, merci d'être là aujourd'hui. Je veux vous poser deux ou trois questions.
    La première ministre de la Colombie-Britannique, Christy Clark, a dit récemment qu'elle appuyait une bonne partie du projet de loi C-10. Nous avons entendu aujourd'hui la procureure générale du Nouveau-Brunswick dire qu'elle appuyait le projet de loi C-10. Votre propre procureur général du NPD a dit qu'il était très favorable au projet de loi C-10 et il a ajouté que lorsque de jeunes délinquants sont libérés sous caution, il insiste pour que des peines plus lourdes soient imposées si les infractions sont liées à la drogue, afin de décourager les gangs et le crime organisé.
    D'après votre témoignage d'aujourd'hui, je crois que vous appuyez aussi ces mesures.
    Vous avez parfaitement raison. En fait, je suis allé à Ottawa pour réclamer ces changements, il y a bien des années, et j'espère certainement que cette fois-ci nous aurons des changements. Nous sommes tout à fait d'accord avec le procureur général actuel — tout comme nous l'étions avec le procureur général précédent — et avec le premier ministre de la province.
(1020)
    J'ai aussi eu l'occasion de lire un article au sujet d'un incident malheureux. Le fils de Linda Kozlowski venait d'être assassiné. Elle a dit qu'elle avait un message pour les juges et les politiciens. Elle a dit qu'il était temps de modifier notre système de justice pénale. Croyez-vous que le projet de loi C-10 offre le type de changements qui vont aider dans des situations comme celles-là?
    Il est indéniable qu'il est temps de changer, et ce changement aura un effet très positif pour les citoyens de notre ville et de notre pays. Nous avons vu beaucoup trop de cas où des récidivistes ou des gens libérés sous condition ont été impliqués dans des meurtres. Essayez un peu d'expliquer cela à la famille qui vient de perdre un des siens!
    Que diriez-vous à ceux qui prétendent que le Canada a déjà bien assez de lois pour régler nos problèmes de criminalité et plus précisément la criminalité chez les jeunes et les crimes accompagnés de violence?
    Eh bien, le scénario est fort simple. C'est évidemment une approche en deux temps, premièrement, je crois que le projet de loi C-10 constitue une partie de la solution. L'autre côté de l'équation, c'est qu'il nous faut encore nous attaquer à la racine des problèmes. Il est certain qu'il faut investir plus et offrir des programmes et des installations pour que nos enfants participent à des activités et qu'ils soient à l'abri des gangs. Cela est certain. Nous devons nous efforcer de corriger les problèmes de la pauvreté, de la maladie mentale, etc. C'est une approche en deux temps, et le projet de loi C-10 s'attaque à un aspect très important.
    Je sais que les opposants vont continuer de protester, mais pendant ce temps, des innocents, des travailleurs sont assassinés. Je pense qu'il faut intervenir. Les droits des citoyens devraient être tout aussi importants que ceux des personnes qui commettent des crimes.
    Monsieur Katz, je comprends d'après votre témoignage d'aujourd'hui et d'autres sources que Winnipeg a des problèmes liés aux gangs de rue. Pouvez-vous nous dire comment le projet de loi C-10 vous aidera?
    Eh bien, je crois que ce problème est commun à toutes les grandes villes du pays. Nous avons des gangs, comme toutes les autres grandes villes, et elles savent comment exploiter le système. Elles recrutent des jeunes pour commettre des crimes et faire la sale besogne parce qu'elles savent qu'ils auront simplement une mise en garde. S'ils sont arrêtés le mardi, ils seront de retour dans la rue le jeudi.
    C'est la triste réalité. Imaginez la frustration des hommes et des femmes de tous les services de police de nos villes, qui arrêtent ces jeunes en sachant qu'ils ressortiront aussitôt. Il est difficile de faire ce travail quand on sait qu'ils ressortent aussitôt et qu'ils seront à nouveau utilisés par les gangs. Il faut envoyer un message clair.
    Merci.
    Monsieur Cotler.
    Merci, monsieur le président. Faute de temps, je m'en tiendrai à une question qui s'adresse à M. Sapers.
     Vous avez dit que vous limiteriez vos remarques à l'incidence du projet de loi C-10 sur le système correctionnel fédéral, mais vous avez parlé ailleurs du surpeuplement dans les systèmes correctionnels provinciaux. Dans le cas qui nous occupe, vous ne pouvez pas isoler artificiellement ces deux aspects, parce que le projet de loi C-10 aura un effet sur les deux.
    Ma question porte sur certains commentaires que vous avez faits au sujet du surpeuplement des prisons, qui se traduit par une hausse de la violence ou des risques de propagation des maladies contagieuses. Si vous fonctionnez à 200 p. 100, comme c'est le cas actuellement dans certaines provinces, est-ce que ces commentaires qui visaient les prisons fédérales s'appliqueraient autant, sinon plus, aux prisons provinciales, où les problèmes de surpeuplement sont plus graves?
    Mon mandat et mes pouvoirs se rapportent au système correctionnel fédéral, mais j'ai visité certains établissements provinciaux et je connais bien la recherche sur le surpeuplement carcéral.
    Collectivement, je crois que l'on comprend bien que le surpeuplement prévient l'application des pratiques correctionnelles exemplaires. Quel que soit l'environnement, le surpeuplement carcéral complique l'accès aux programmes, les traitements et les évaluations, et il favorise l'augmentation de la violence, il crée un climat dangereux pour le personnel et il accroît les risques de propagation des maladies infectieuses.
    Vraiment, ces constatations s'appliquent autant aux prisons provinciales qu'aux pénitenciers fédéraux.
(1025)

[Français]

    J'aimerais que Mme Roy nous parle des conséquences des peines minimales obligatoires.
    Je vais vous donner un exemple. Je n'ai pas le texte de la loi entre les mains et je ne le connais pas par coeur, mais supposons qu'un samedi soir, lors d'un party rave, un jeune de 18 ans donne une pilule d'ecstasy à quelqu'un. Je me réfère ici au précédent projet de loi C-15, qui, je crois, a été repris dans son intégralité. On peut être d'accord ou non. Je ne parle pas ici d'un jeune qui a déjà commis des actes criminels ou qui fait partie d'un gang de rue, mais d'un jeune ordinaire. Or donner, c'est trafiquer. Je crois que, dans le projet de loi, l'ecstasy est maintenant traité dans une autre annexe. Quelle est la peine minimale imposée pour cet acte? À l'époque, je crois qu'il s'agissait de deux ans pour le trafic d'une pilule. Est-ce que cet acte mérite cette peine? Non.
    Il ne s'agit pas ici d'être en faveur du trafic de stupéfiants: je parle de la réalité qu'on vit. Laissez agir les tribunaux devant lesquels sont traduits ces individus, laissez-les faire du cas par cas. Habituellement, ils imposent la sentence appropriée. Il faut dire aussi qu'il y a déjà des problèmes de surpopulation carcérale et que tout ça va mener à des injustices judiciaires. C'est clair. On n'aura pas de marge de manoeuvre. Le juge va devoir appliquer les peines minimales afférentes, et ça va mener à des aberrations juridiques, c'est évident.
    Pour les actes qui méritent une sentence plus lourde, le juge peut imposer une peine plus sévère: son pouvoir discrétionnaire lui permet de le faire, de la même façon que le procureur de la Couronne peut, dans le cas d'un vol qualifié, suggérer une sentence beaucoup plus lourde s'il s'agit d'un multirécidiviste et non d'un individu dont il s'agit de la première offense et qui a été influencé. La ministre de la Justice du Nouveau-Brunswick parlait des outils, et je pense en effet qu'il faut disposer des outils nécessaires. Or le projet de loi C-10 nous les enlève complètement, et ça va mener à des injustices claires et nettes. Si des sentences plus lourdes sont requises, le juge est là pour les imposer.

[Traduction]

    Merci, votre temps est écoulé.
    Je remercie nos témoins d'aujourd'hui, je suis désolé pour la sonnerie.
    Je rappelle à tous que dans une semaine, c'est le jour du Souvenir. Prenez une minute pour honorer la mémoire de ceux qui se sont sacrifiés pour que nous puissions être ici.
    La séance est levée.
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