JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Comité permanent de la justice et des droits de la personne
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 15 novembre 2011
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte. Bienvenue à la 11e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous étudions le projet de loi C-10, Loi édictant la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme et modifiant la Loi sur l'immunité des États, le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et d'autres lois. C'est très complet.
Le temps est précieux, car il s'agit d'un projet de loi volumineux. Nous allons donc commencer.
Pour qu'il n'y ait pas de malentendu, nous avons réservé l'article 1, en vertu du paragraphe 75(1) du Règlement, et nous allons y revenir plus tard. Nous passons directement à l'article 2.
(Article 2 — Édiction de la loi)
Le président: D'après ce que je comprends, le NPD propose un amendement.
Oui, monsieur le président, nous proposons que le projet de loi C-10, à l'article 2, soit modifié par adjonction, après la ligne 15, du nouveau paragraphe 3.1, ainsi libellé:
Dans les trois ans suivant l'entrée en vigueur de la présente loi, un examen complet des dispositions et de l'application de celle-ci est fait par le comité, soit de la Chambre des communes, soit mixte, que le Parlement désigne ou constitue à cette fin. L'examen comprend notamment une analyse coût-avantage de la mise en oeuvre de la présente loi faisant état du coût pour le gouvernement fédéral et, dans la mesure du possible, du coût pour les gouvernements provinciaux et territoriaux.
Si vous me permettez de donner mon avis, monsieur le président, comme nous le savons tous, il s'agit d'un projet de loi qui suscite une grande controverse. Chaque camp a des opinions bien arrêtées. Des témoins nous ont dit, tout d'abord, qu'il allait engendrer des coûts très élevés. En effet, envoyer plus de gens en prison entraînera des coûts importants pour les organismes fédéraux et provinciaux qui assument les coûts associés aux peines d'emprisonnement de moins de deux ans, en raison de la nature du partage de la responsabilité en matière de système correctionnel au Canada. De plus, il ne faut pas oublier les coûts humains.
Un grand nombre de témoins et de gens ont affirmé qu'il s'agissait en fait d'un retour en arrière, que nous n'allions pas réussir à réduire la criminalité. L'effet d'ensemble de ces dispositions... Et je tiens à préciser que nous appuyons certains aspects du projet de loi. En fait, nous avons proposé à deux reprises, à la Chambre des communes, d'en retirer les dispositions concernant les agressions sexuelles et de les traiter séparément, en accélérant leur renvoi à la Chambre. Mais on a dit que l'effet d'ensemble du projet de loi, surtout en ce qui concerne l'adoption d'une approche punitive qui enverra plus de gens en prison, sera extrêmement dommageable pour la société. Certains de nos témoins ont affirmé qu'il y aura une hausse de la criminalité, donc un plus grand nombre de victimes, de bouleversements sociaux et de peines d'emprisonnement pour ce qu'on qualifie de petits trafics, par exemple le trafic de la marijuana ou des produits du cannabis. Cela produira plus de criminels et plus de bouleversements sociaux, et moins de gens auront accès à la réadaptation, ce qui va à l'encontre de l'un des principaux objectifs du système correctionnel.
Les juges se penchent sur la détermination de la peine, par exemple, avec l'idée d'offrir la meilleure protection possible à la société. Nous avons des juges hautement qualifiés qui reçoivent un salaire très élevé et qui ont pour tâche de déterminer comment y parvenir le mieux possible dans chaque cas. Les principes de détermination de la peine servent-ils mieux la protection du public en favorisant la réadaptation des délinquants ou en les punissant pendant une longue période? Après tout, c'est la raison d'être de ces principes.
Le ministre de la Justice était à la Chambre hier, et il a dit à l'opposition qu'elle devrait respecter le pouvoir judiciaire, au lieu de le mêler à des jeux politiques, en reconnaissant que le pouvoir judiciaire a, dans notre société, le rôle et la responsabilité de déterminer une peine qui offrira la meilleure protection possible à la population.
Un grand nombre de gens pensent que le projet de loi ne respecte pas le pouvoir judiciaire, c'est-à-dire les gens qui sont mandatés par la société pour déterminer la meilleure façon de procéder pour chaque délinquant. C'est ce qu'on appelle la discrétion judiciaire, mais il ne s'agit pas de discrétion dans son sens arbitraire; il s'agit plutôt d'une discrétion qui permet l'application de la loi dans chaque cas et la prise en compte de tous les facteurs qui contribuent à déterminer la peine appropriée.
Si vous demandiez à tous les habitants du pays si nous avons besoin d'un système judiciaire dans lequel la peine correspond au crime commis, je crois que personne ne s'y opposerait. Toutefois, cela ne justifie pas un régime dans lequel la loi établit des peines arbitraires, des peines minimales obligatoires pour une vaste gamme de crimes qu'on devrait traiter en appliquant les principes judiciaires de détermination de la peine qui veillent à la protection de la population. Lorsque des spécialistes en criminologie, en service correctionnel, en interprétation du droit, ainsi que des professeurs de droit, etc. nous disent que certains aspects du projet de loi mèneront à une hausse de la criminalité, donc à plus de victimes, nous avons un problème.
Nous ne sommes pas naïfs; nous savons compter. Nous avons pris connaissance des données existantes. J'imagine que nous nous attendons à ce que la plus grande partie du projet de loi, ou le projet au complet, ainsi que peut-être certains amendements, soient adoptés. Nous gardons espoir; notre travail est d'être convaincants, et nous allons tenter d'y parvenir. Nous devons reconnaître que le projet de loi, aussi complet soit-il, doit être examiné pour vérifier si ses dispositions auront le succès escompté par le gouvernement. Nous savons qu'il engendrera des coûts; les provinces nous l'ont dit. D'ailleurs, le procureur général du Québec est venu nous le dire en personne. Les médias ont abondamment parlé des inquiétudes qu'entretenaient les autres provinces au sujet des coûts et du fait qu'elles devront les assumer. Il s'ensuivra évidemment des répercussions sur le plan politique, mais du point de vue du gouvernement du Canada et de la Chambre des communes, nous demandons un examen complet de sa mise en oeuvre.
La disposition mentionnée plus tôt a été insérée au tout début du projet de loi, même si elle n'est pas liée à la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme, car les rédacteurs législatifs nous ont affirmé que c'était un bon endroit pour l'insérer afin qu'on s'en occupe dès le début.
Nous pensons que le projet de loi va beaucoup trop loin. En effet, il adopte une approche punitive au lieu d'une approche basée sur la réadaptation. Malheureusement pour ceux qui s'inquiètent des coûts que la criminalité engendre pour les victimes, le projet de loi et ses répercussions mèneront à une hausse de la criminalité dans notre société, ce qui produira encore plus de victimes qui en souffriront. Nous allons en effet produire plus de criminels, que ce soit en raison des dispositions proposées dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ou en raison des longues périodes que passeront les gens en incarcération avant de subir leur procès, ce qui leur donnera l'occasion d'être exposés aux autres criminels. Par conséquent, ils deviendront plus endurcis et il sera plus difficile de les réinsérer dans la société. Je pourrais continuer pendant longtemps. Certaines dispositions sont mal intentionnées à l'égard du système de réhabilitation, c'est-à-dire qu'elles éliminent la notion de réhabilitation pour en faire une suspension de peine ou une suspension de casier.
J'ai pratiqué le droit criminel pendant une partie de ma carrière, mais j'ai pratiqué le droit pendant 30 ans. Lorsque vous parlez à une personne ordinaire d'une suspension de casier, elle ne fait aucune différence avec la suspension de peine. Cela n'a pas vraiment le même effet que la réhabilitation. À mon avis, lorsqu'on offre à une personne de se réhabiliter pour un crime qu'elle a commis à l'âge de 18, 19, 20 ou 21 ans et qu'elle a ainsi la chance de prouver à la Commission des libérations conditionnelles et à la société qu'elle s'est rachetée, il s'agit d'une belle preuve que la société reconnaît que cette personne est réhabilitée. Par contre, éliminer la notion qu'une personne peut se racheter... La rédemption est une valeur très importante dans notre société; elle fait partie du patrimoine chrétien et de tous les patrimoines religieux. Elle suppose qu'une personne qui a commis un crime peut se racheter et prouver qu'elle ne représente plus une menace pour la société. C'est l'essence même de la réhabilitation, et la simple suspension de casier est complètement différente. Il s'agit d'un petit exemple, mais il est très important pour démontrer comment le projet de loi va à l'encontre des besoins de notre société et de notre système.
Certaines choses doivent bien aller. Nous savons que le crime fait des victimes, et que chacune d'elles mérite notre compréhension et notre compassion, et mérite probablement beaucoup plus que ce qu'elle reçoit en mesures d'indemnisation pour les victimes d'actes criminels. Il y a 10 ou 15 ans, nous avions un système à peu près décent, mais il a été plutôt éviscéré d'un bout à l'autre de la province depuis que le gouvernement fédéral lui a retiré son soutien. Grâce aux indemnisations consenties aux victimes d'actes criminels, on reconnaissait le tort fait aux victimes, mais cela a diminué.
On ne peut pas passer notre temps à discuter des victimes en se félicitant de les appuyer et de croire en elles. Nous croyons qu'il faut tenir compte des victimes dans le système. Vous constaterez, lorsque nous parlerons du projet de loi, que nous appuyons la participation des victimes au processus de libération conditionnelle. Nous pensons que la victime devrait être mise au courant de la position du délinquant dans le système, par exemple quelles mesures disciplinaires ont été prises à son égard, etc.
Il y a donc des aspects du projet de loi, alors que nous l'étudions article par article... Monsieur le président, j'espère que vous me le permettrez, mais je vais vous donner un aperçu de nos inquiétudes au sujet du projet de loi. Nous reconnaissons que certains aspects — surtout des points individuels — constituent des améliorations, mais le projet de loi dans son ensemble devra être réévalué après sa mise en oeuvre. Nous suggérons d'attendre trois ans, car nous pensons qu'il modifie de façon importante la manière dont nous approchons le droit criminel et les services correctionnels au Canada.
Nous sommes très inquiets à l'idée qu'en séparant la notion de réadaptation de la protection de la population, nous provoquerons une hausse de la criminalité et des attaques envers notre société. Nous ne parlons pas de réadaptation parce que nous voulons prendre les criminels avec des gants blancs; nous en parlons dans l'intérêt de la société, afin qu'une personne à qui on peut épargner une vie vouée au crime ait l'occasion de réintégrer la société. C'est dans l'intérêt de la sécurité publique et cela rendra nos rues plus sécuritaires.
Il existe une loi intitulée Loi sur la sécurité des rues et des communautés. Eh bien, vous savez que le gouvernement a l'habitude d'affubler d'euphémismes assez ridicules certains des projets de loi qu'il a déposés, surtout dans le domaine de la justice pénale. Mais en réalité, les spécialistes — des gens d'expérience qui possèdent de grandes connaissances et qui peuvent nous fournir des statistiques, des dossiers, des études et des démonstrations — nous prouvent qu'il y a...
Monsieur le président, nous sommes ici depuis 15 minutes, et nous n'avons pas encore touché à un article ou au moins à une bonne partie d'un article. Je ne dois pas avoir reçu la note au sujet d'une obstruction systématique.
M. Harris est ici depuis assez longtemps pour savoir que cet article est sans portée pratique. N'importe quel comité de la Chambre, et la Chambre elle-même, peut déposer une motion n'importe quand pour faire exactement ce qui lui plaît. Comme il l'a dit, au bout de trois ans, les données seront exactement les mêmes qu'aujourd'hui. Cet article n'est donc pas nécessaire. N'importe quel comité peut entreprendre cette étude à n'importe quel moment. Ils peuvent déposer une motion, car ils sont les maîtres de leur destinée.
Par conséquent, s'il a l'intention de faire de l'obstruction, j'aurais aimé en être averti hier soir, car j'aurais pu dormir cinq heures de plus. Il vaudrait certainement mieux passer à quelque chose de plus important.
Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un rappel au Règlement. Il me semble plutôt que c'est un argument. S'il veut argumenter contre le...
Monsieur Jean, je n’ai pas l’intention de prendre toute la journée, mais je tiens à préciser que c’est important d’inscrire dans la loi qu’elle devra faire l’objet d’un examen dans les trois ans suivant son entrée en vigueur. Oui, tout comité peut le faire, mais lorsque c’est inscrit dans la loi, nous n’avons pas le choix et nous ne pouvons pas nous en sauver sans modifier la loi, ce qui n’est pas une mince affaire, comme mon collègue le sait.
J’imagine que le rappel au Règlement se voulait une distraction; c’est dommage, parce que cela m’empêche d’être concis. Je dois reprendre.
Je ne vais pas reprendre du début...
Des voix: Oh, oh!
M. Jack Harris: ... mais je tiens à préciser, monsieur le président, que je n’ai aucunement l’intention de faire de l’obstruction systématique. Vous le verrez dans quelques instants lorsque nous proposerons certains amendements, certains articles en bloc. Nous croyons que certains aspects de ce projet de loi se régleront rapidement.
À mon avis, il y a une différence marquée entre l’approche adoptée dans le projet de loi et l’approche qui semble avoir donné de bons résultats au Canada. Notre taux de criminalité diminue. Nous avons, par contre, de sérieux problèmes de gangs et d’armes dans nos villes. Cela ne fait aucun doute. Il y a aussi des crimes qui ne sont pas détectés et punis, mais il s’agit là d’une question liée à l’application de la loi.
Dans le cas qui nous intéresse, il est question de ce que nous faisons avec quelqu’un qui est devant les tribunaux. Nous avons entendu beaucoup d’opposition à ce sujet. J’ai moi-même reçu jusqu’à présent plus de 10 000 lettres; je suis peut-être même rendu à 15 000. Les opposants à l’approche adoptée dans le projet de loi les ont aussi fait parvenir à d’autres députés, au ministre de la Justice et au premier ministre. Cet enjeu fait l’objet d’un débat public important.
Selon moi, l’approche que le gouvernement essaye d’adopter est une grande expérience pour voir si nous pouvons améliorer la situation en transposant au Canada ce qui a été fait aux États-Unis il y a 20 ans et qui a été un échec. Faisons comme si nous étions en 1980 aux États-Unis; nous allons essayer de réprimer la criminalité pour voir si cela va fonctionner... Eh bien, cette approche n’a pas donné les résultats escomptés aux États-Unis. Si incarcérer plus de gens rimait avec une société plus sécuritaire, les États-Unis seraient le pays le plus sûr du monde. Nous savons tous que ce n’est pas le cas, parce que le taux de criminalité y est plus élevé que jamais.
Au Canada, c’est l’inverse en ce qui concerne la sécurité des rues et des collectivités. En dépit de la publicité faite au Canada sur les crimes violents et certains autres types de crimes, 93 p. 100 des Canadiens interrogés disent se sentir en sécurité dans leur collectivité. La donnée ne provient pas d’une quelconque question sondage. Des sondages crédibles indiquent que 93 p. 100 des Canadiens se sentent en fait en sécurité.
Le projet de loi ne cadre pas avec le passé, l’expérience de ceux qui comprennent le domaine et même parfois avec le bon sens. La mesure est de nature punitive et rendra, comme ils sont nombreux à le prédire, nos collectivités moins sûres.
Cela étant dit, monsieur le président, je propose l’amendement. Ainsi, nous aurons la certitude que le projet de loi fera l’objet d’un examen complet dans les trois ans suivant son entrée en vigueur.
Merci, monsieur Harris.
En voulant précipiter le début de la séance, j’ai oublié de vous mentionner qu’il y a deux greffiers législatifs, ainsi que des représentants du ministère de la Justice et du ministère de la Sécurité publique qui sont ici pour répondre à vos questions.
Cela étant dit, monsieur Jean, vous avez la parole.
[Français]
J'aimerais ajouter certaines choses, parce que ce n'est que le début. Nous allons commencer l'étude en profondeur, article par article, de ce projet de loi omnibus qui modifie neuf lois fondamentales de notre pays. Ce projet de loi omnibus, par sa forme et son contenu, soulève encore beaucoup d'interrogations.
Je ne veux pas revenir sur tous les points que mon collègue M. Harris a pu soulever devant le comité en ce qui concerne l'amendement. Toutefois, si un amendement à ce projet de loi doit être adopté, c'est bien celui-là. Pour ce qui est du principe, à titre de juriste, de membre du Barreau du Québec et d'avocate ayant pratiqué pendant plus de 25 ans — sans vouloir dévoiler mon âge —, je sais que cet amendement pourrait tout de même donner une certaine paix d'esprit aux gens qui, comme moi, prennent à coeur le côté juridique des choses, même si cela ne peut éliminer toutes nos inquiétudes profondes relatives au projet de loi omnibus.
Il ne faut pas oublier que nous sommes des législateurs et que les décisions que nous allons prendre ici, aujourd'hui, vont avoir des répercussions énormes, dans l'avenir, sur des dossiers concrets et précis. Des avocats de tous les côtés vont tenter de voir le petit trou quelque part. Les avocats autour de la table ou dans la salle savent exactement de quoi je parle.
Je n'aime pas non plus voir qu'à cause d'une erreur du législateur, quelqu'un réussit à passer par les fissures du système. Le type d'amendement que propose le NPD, et qu'on va revoir à différentes étapes de l'étude du projet de loi omnibus, ne change absolument pas le contenu du projet de loi. Selon moi, il est tout à fait recevable à cet égard. Il ne fait que donner une assurance, même si, comme le disait M. Jean, on pourrait le faire à tout moment par l'entremise d'une motion. Comme le disait M. Harris, il est tellement plus fort que ce soit déjà dans le projet de loi, que ce soit adopté par le Parlement, ensuite par le Sénat et, finalement, que cela ait force de loi. Nous souhaitons en effet que, trois ans après l'entrée en vigueur du présent projet de loi, un examen complet des dispositions et de l'application de la loi soit fait par un comité de la Chambre des communes ou un comité mixte que le Parlement désignerait. L'examen comprendrait notamment une analyse du coût et des avantages de la mise en oeuvre du présent projet de loi, faisant état du coût pour le gouvernement fédéral et, dans la mesure du possible, du coût pour les gouvernements provinciaux et territoriaux.
Nous le savons tous, il y a beaucoup d'inquiétude dans les milieux juridiques, qu'il s'agisse de l'Association du Barreau canadien ou du Barreau du Québec. Leurs représentants sont venus nous faire part de points qui devraient nous faire réfléchir sérieusement à cette réforme. D'ailleurs, le Barreau du Québec, dans sa dernière édition du Journal du Barreau du Québec, celle de novembre 2011, écrit que le projet de loi C-10 constitue une réforme juridiquement non fondée. Cela provient de juristes qui travaillent de tous les côtés. En effet, on ne parle pas que d'avocats de la défense, mais aussi de procureurs de la Couronne et de tous les intervenants du milieu de la justice.
Le Barreau du Québec est aussi d'avis qu'en imposant plusieurs peines minimales, le projet de loi C-10 aura d'abord l'effet d'emprisonner des gens réhabilitables qui ne devraient pas se trouver derrière les barreaux. C'est ce que déplorait le président du Comité en droit criminel du Barreau du Québec, Me Battista, qui est venu s'exprimer ici. Il est d'ailleurs le spécialiste que le Barreau du Québec a mandaté pour évaluer et analyser ce type de dossiers. Il nous dit que le projet de loi omnibus du gouvernement Harper suscite l'inquiétude chez plusieurs avocats pratiquant en droit criminel. Encore une fois, je le précise, il ne s'agit pas seulement des criminalistes et des avocats de la défense, mais aussi des procureurs de la Couronne. On nous dit que les nouvelles mesures qui visent notamment à durcir les peines des trafiquants de drogue, des prédateurs sexuels et des jeunes contrevenants violents contiennent une foule de dispositions appelées à changer radicalement le droit criminel canadien sans qu'il ait été possible d'en débattre en profondeur.
C'est une de mes inquiétudes. Il est extrêmement important d'adopter le type d'amendement qu'on présente ce matin. Je viens d'être élue députée au Parlement, en cette 41e législature, n'en déplaise à ceux qui ont entendu des témoins lors de réunions de comité au cours de législatures précédentes. Ce n'est pas notre cas — je parle des trois députés de ce côté-ci de la table. Nous n'étions pas là. Vous allez dire que c'est notre problème, mais c'est le problème des contribuables canadiens qui ont choisi de nous élire et qui nous ont envoyés faire un travail extrêmement important ici, c'est-à-dire s'assurer que ce qu'on adopte a de l'allure et va permettre d'atteindre les buts que le projet de loi vise.
On nous a dit que, d'un point de vue juridique, cette réforme n'était pas requise, qu'il s'agissait plutôt d'une approche idéologique qui n'était pas fondée sur les constats, les faits et les analyses en la matière. C'est ce qu'ont exprimé clairement le petit nombre de témoins que nous avons pu entendre pendant le court laps de temps où il a été possible de les questionner. J'aurais voulu pouvoir questionner plus à fond certains d'entre eux. Comme le disait M. Harris, il y a des parties de ce projet de loi omnibus auxquelles nous sommes favorables. Il me semble que lorsqu'une majorité est d'accord, des deux côtés de la Chambre, il faudrait faire en sorte d'extraire ces parties et de les adopter le plus tôt possible, de façon à s'assurer qu'elles sont en vigueur dans les plus brefs délais. Ça implique que, des deux côtés de la Chambre, on a fait une analyse en profondeur et qu'on en a conclu que, normalement, cette partie de la loi ne devrait pas causer de problème. Par contre, ce n'est pas le cas pour toutes les parties.
Dans le cas de personnes n'ayant pas d'antécédents judiciaires, donc qui ne sont pas déjà des criminelles, M. Battista se questionne face au risque d'emprisonnement. Voici ce qu'on peut lire dans la dernière édition du Journal du Barreau du Québec:
Dans plusieurs cas, les juges ont présentement la discrétion de déterminer la peine d’un accusé trouvé coupable, et de ne pas envoyer ce dernier en prison s’il détermine que d’autres options seraient plus adaptées.
Or on change tout ce concept qui, sauf pour quelques petits cas, fonctionne très bien au Québec, du moins selon les informations que j'ai reçues. Je ne crois pas qu'il faille changer tout un système pour quelques petits cas. Il faudrait trouver une façon de régler le problème plutôt que de tout jeter à l'eau et faire comme si ça n'avait jamais existé.
Il y a aussi la question de la suspension du casier judiciaire et du pardon, qui sera plus difficile à obtenir en vertu de cette loi. On veut que ces gens purgent leur peine, mais une fois qu'ils auront payé leur dette à la société, non seulement les peines auront-elles été augmentées, mais on va aussi s'assurer qu'ils ne seront pas réhabilités rapidement, qu'on ne leur permettra pas une réinsertion sociale trop rapide. J'ai des inquiétudes pour l'avenir à cet égard.
On parle donc de changements fondamentaux. Comme je l'ai dit tout au long du processus, j'ai à ce sujet des inquiétudes quant aux éventuels recours et contestations devant les tribunaux. Plus bas, on dit ce qui suit:
Selon Me Battista, il est certain que les contestations en cour risquent d’augmenter, ne serait-ce que parce que l’effet pervers de la peine minimale – surtout lorsque celle-ci est importante – est qu’elle laisse la personne accusée sans choix véritable. « Il y a un risque d’avoir plus de procès et de contestation alors que beaucoup de ces choses pourraient autrement être réglées par la négociation. On peut aussi penser qu’il y aura des attaques constitutionnelles sur certaines dispositions qui laisseront les juges sans issue. »
Le genre de système qu'on s'apprête à adopter dans le cadre du projet de loi C-10 est revu dans plusieurs endroits du monde, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni, et ce, parce qu'il s'est avéré que les coûts associés au système carcéral ne correspondaient pas aux objectifs recherchés, c'est-à-dire la diminution de la criminalité. Ce qu'on appelle la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, je l'appelle plutôt « la loi de l'insécurité », parce que ce genre de concept, de loi omnibus, crée un chambardement législatif vraiment profond.
Ce n'est pas un discours politique que je vous tiens: c'est un discours juridique. Comme juriste et députée de Gatineau, je suis sincèrement inquiète de voir ce qu'on fait d'un système qui, essentiellement, fonctionne assez bien. Vous avez déjà réalisé des études, je pense, dans le cadre de trois des neuf lois visées par le projet de loi omnibus. Des amendements ont été proposés et des suggestions ont été faites par de nombreux experts qui ont comparu devant vos comités, mais pratiquement rien n'a été retenu par le gouvernement. Il y a quelque chose de fondamentalement malsain dans tout ce processus précipité, qui ne reflète pas le travail que nous devons faire à titre de politiciens et que nous nous devons d'accomplir pour nos concitoyens.
Si on peut au moins accepter la modification proposée à l'article 2, on pourra espérer que, dans trois ans, le système n'aura pas été trop chambardé. Je ne me ferai pas prophète de malheur, mais je sens qu'il va y avoir beaucoup de recours devant les tribunaux, lesquels seront peut-être rendus à certains niveaux. Il y aura des contestations liées aux chartes, beaucoup plus de négociations entre la Couronne et la défense, ce qui, dans le fin fond, ne servira pas les victimes. J'ai entendu leur cri du coeur, mais malheureusement, j'ai eu beau étudier le projet de loi, je n'ai pas vu grand-chose qui va avoir quelque effet bénéfique pour les victimes venues s'exprimer devant le comité.
Si on est sérieux, si on veut vraiment changer le système et si le gouvernement conservateur le fait de façon sincère, la proposition d'amendement que nous faisons ne devrait susciter chez lui aucune inquiétude, parce qu'il s'agit d'une proposition sage et respectueuse de la loi telle qu'elle serait adoptée.
[Traduction]
Merci.
Étant donné qu’il n’y a pas d’autres intervenants, passons au vote.
(L’amendement est rejeté.)
Le président: Passons maintenant à l’amendement LIB-1.
Monsieur Cotler, je crois que vous avez un amendement.
Oui, monsieur le président. Merci.
Permettez-moi de vous expliquer l’amendement, parce que nous appuyons l’objectif de la mesure législative. Le but est de permettre pour la première fois aux victimes d’un acte de terrorisme d’intenter une poursuite contre les auteurs. Il peut s’agir d’un État qui soutient le terrorisme — c’est possible, par exemple dans le cas de la Libye, que ce ne soient pas seulement des gens liés à une entité inscrite au Canada qui commettent un acte de terrorisme — ou de l’État même. Dans le cas de l’Iran, l’acte de terrorisme peut être commis non seulement par une entité inscrite au Canada qui agit pour le compte de l’Iran, notamment le Hamas ou le Hezbollah, mais aussi par l’État lui-même, soit l’Iran.
Comme je l’ai dit, nous appuyons l’objectif général du projet de loi, parce qu’il modifie la Loi sur l’immunité des États, qui protège les États et leurs agents contre toute poursuite civile, ce qui fait en sorte qu’aucune victime canadienne d’un acte de terrorisme n’avait le droit d'intenter une action en justice. En effet, nous avions une situation anormale, voire juridiquement et moralement absurde, qui faisait en sorte que la Loi sur l’immunité des États protégeait les auteurs d’un acte de terrorisme et les favorisait — pour ainsi dire, en ce qui a trait aux conséquences — au détriment des victimes canadiennes qui cherchent un recours. Donc, nous appuyons l’objectif du projet de loi, à savoir de donner aux victimes canadiennes la possibilité d'intenter une poursuite.
Monsieur le président, j’aimerais aussi ajouter que nous avons une autre situation anormale qui fait en sorte qu’il existe un recours si un État étranger ne respecte pas un contrat, mais qu’il n’y en a aucun s’il commet un acte de terrorisme qui cause des dommages. Évidemment, une victime d’un acte de terrorisme mérite d’avoir un recours, au même titre qu’une personne qui subit des dommages en raison d’une rupture de contrat.
Monsieur le président, nous appuyons le projet de loi, mais je propose un amendement, parce que le projet de loi tel qu’il est rédigé ne vise pas un État étranger qui commet directement un acte de terrorisme; les dispositions ne concernent que ceux qui commettent un tel acte par procuration. Je propose donc d’amender l’article 2 du projet de loi en remplaçant la ligne 28 à la page 3 par ce qui suit:
tout État étranger ou toute entité inscrite ou autre personne.
Encore une fois, l’objectif est de permettre une poursuite civile contre un État étranger, parce qu’il continuera d’être immunisé, si nous nous concentrons seulement sur les actes de terrorisme commis par une entité inscrite dans le droit canadien. Nous nous entendons pour dire qu’il faut accorder le droit d'intenter une poursuite dans le cas d'un acte de terrorisme commis par une entité inscrite, comme le Hamas et le Hezbollah, mais nous croyons également qu'un État qui soutient une entité inscrite et qui peut lui-même commettre un tel acte sans passer par cette entité doit aussi être tenu responsable. Monsieur le président, un État étranger pourrait autrement contourner la loi en commettant lui-même un acte de terrorisme sans passer par un tiers. Ce n’est certainement pas l’intention des législateurs.
Nous appuyons l’amendement. M. Cotler connaît énormément ce domaine, et je crois que nous avons certaines réserves en ce qui concerne l’efficacité du projet de loi; nous nous demandons si la mesure législative sera vraiment efficace et si elle place les attentes un peu plus hautes qu’elles ne le sont en réalité.
Toutefois, si l’objectif de la cause d’action est d’accorder aux victimes d’actes de terrorisme le droit d'intenter une poursuite contre les États ou les entités soutenues par les États, il semble logique d’inclure également les États. Nous appuyons cet aspect, comme vous le verrez plus tard pour d’autres articles. Nous n’aimons pas l’idée d’avoir uniquement une liste de pays. Selon nous, c’est logique d’inclure à cet endroit « tout État étranger », si l’objectif est de permettre aux victimes d’un acte de terrorisme d’intenter une poursuite contre les auteurs.
Je serai très bref. Je respecte l’intention derrière l’amendement, mais je ne crois pas que nous devrions retirer au pouvoir exécutif la charge des relations entre les États pour la confier au pouvoir judiciaire, ce que cet amendement propose de faire. Intenter une action en justice serait une façon inappropriée, selon moi, de remédier aux torts que M. Cotler souhaite redresser. Compte tenu de l’éventail de facteurs qui influent sur les relations étrangères, il serait plus approprié de laisser le gouvernement s’en occuper.
Merci.
Monsieur le président, je dois avouer ne pas comprendre le commentaire fait à l’instant par mon distingué collègue. S’il souhaite que la victime puisse intenter une poursuite civile, pourquoi veut-il immuniser contre tout recours un État qui soutient le terrorisme et qui commet directement un acte de terrorisme? À mon avis, c’est un peu absurde de dire que nous allons cibler ceux qui agissent au nom d’un État qui soutient le terrorisme, mais que l’État lui-même est immunisé s’il commet directement un acte de terrorisme. C’est tout à fait insensé.
Cela n’a rien à voir avec le pouvoir judiciaire ou le pouvoir exécutif. Cela concerne la façon d’accorder aux victimes d’actes de terrorisme une poursuite civile efficace. Voilà ce dont il est question.
Nous avons un choix à faire. On peut dire que la victime a seulement le droit d’intenter une poursuite contre ceux qui commettent un acte de terrorisme au nom d’un État ou on peut aussi inclure un État qui commet directement un tel acte. Autrement, un État étranger évitera tout simplement de le faire par procuration; il sera encouragé à commettre lui-même un acte de terrorisme, parce qu’il sera ainsi immunisé contre toute poursuite civile que les victimes intenteront contre lui.
C’est tout simplement insensé. Je ne comprends pas ce que le député dit en ce qui concerne... Nous appuyons le projet de loi. Nous voulons le rendre efficace. Nous voulons permettre aux victimes d’intenter une poursuite civile. Nous ne voulons pas qu’un État étranger soit immunisé en vertu de la Loi sur l’immunité des États. Le projet de loi reprend d’un côté ce qu’il donne de l’autre.
C’est tout simplement insensé. Oublions que j’ai proposé la motion; c’est un élément que le gouvernement devrait comprendre. C’est le gouvernement qui aurait déjà dû proposer cet amendement; je n’aurais même pas dû avoir à le faire. Bref, nous voulons appuyer le projet de loi, mais nous voulons aussi le rendre efficace et nous voulons également que les victimes puissent intenter une poursuite civile contre un État qui commet directement un acte de terrorisme. C’est tout.
Merci.
Étant donné qu’il n’y a pas d’autres intervenants, passons au vote.
(L’amendement est rejeté.)
Monsieur le président, le projet de loi émanant du gouvernement permet actuellement de poursuivre un État étranger seulement si ce dernier appuie une entité terroriste inscrite. Or, il devrait également autoriser les poursuites à l'encontre des entités non inscrites, dans la mesure où elles agissent sous la direction d'une entité inscrite ou en collaboration avec elle.
Ici encore, monsieur le président, notre amendement vise à rendre la mesure législative plus efficace. J'aurais cru que nous n'aurions pas à venir le dire, que le gouvernement aurait compris que notre amendement renforçait son projet de loi et lui permettait de le rendre plus efficace pour les victimes du terrorisme. C'est, après tout, l'objectif visé.
Pour que tout soit plus clair, cet amendement ne permettra de poursuivre un État étranger que s'il appuie des groupes terroristes non inscrits qui agissent pour le compte d'entités terroristes inscrites par le Canada, mais pas s'il le fait pour des groupes terroristes non inscrits qui n'entretiennent aucun lien avec des entités déjà inscrites au Canada.
Si nous proposons cette modification, monsieur le président, c'est que certaines organisations terroristes agissent souvent sous d'autres noms. Il se peut donc qu'une organisation soit inscrite comme entité terroriste en vertu de la loi canadienne, mais que ses autres noms ne le soient pas encore. Nous ne connaissons que trop bien le phénomène des entités terroristes inscrites qui changent simplement de noms pour ne plus figurer sur les listes, alors qu'elles continuent de répandre la terreur et de faire des victimes. Ces dernières n'auront pas de recours à moins que, grâce à notre amendement, la loi ne couvre ceux qui agissent sous d'autres noms.
Disons simplement que l'amendement permettra au projet de loi de mieux atteindre ses objectifs — ici encore, ce ne sont pas les miens, qui sont les mêmes que ceux du gouvernement, mais ceux qui ont été énoncés.
Si l'on tient les parrains allégués responsables d'avoir appuyé des terroristes qui sont des agents satellites d'entités déjà inscrites, on comble dans la mesure législative une faille qui permettrait aux entités inscrites de se soustraire à leurs responsabilités en agissant sous d'autres noms ou en envoyant d'autres groupes terroristes agir à sa place. En se cachant derrières d'autres entités ou des noms d'emprunt, elles peuvent agir en toute impunité.
L'amendement ne touche en rien la nature de la conduite pour laquelle le parrain terroriste est tenu responsable ou la responsabilité civile des entités non inscrites qui sont totalement indépendantes de celles qui sont inscrites. Il permet seulement d'empêcher les terroristes et leurs alliés de recourir à une petite ruse couramment utilisée.
Je terminerai en faisant remarquer, monsieur le président, que la plupart des entités non inscrites finiront par être inscrites au Canada si elles ont commis des actes terroristes graves. Par conséquent, l'amendement que nous proposons, s'il permet d'élargir l'application de la loi, a aussi pour effet de concrétiser un objectif fondamental du projet de loi. Je le dis et je le répète: il vise à mettre en oeuvre plus efficacement l'objectif du projet de loi, proposé par le gouvernement, en permettant aux victimes d'entreprendre des poursuites plus rapidement au lieu d'attendre la conclusion d'un long processus d'inscription pour pouvoir réclamer justice.
Ainsi, si les organisations changent de nom et agissent sous une autre dénomination tout en restant la même organisation terroriste et travaillent avec une entité terroriste inscrite, alors elles seront visées par l'amendement, et nous pourrons tenir l'organisation associée également responsable de ses actes en raison de ses rapports avec l'entité inscrite.
Voilà notre objectif, monsieur le président: rendre le projet de loi plus efficace.
Oui, monsieur le président.
Très brièvement, je souhaite tout d'abord remercier le NPD de nous avoir transmis ce matin des centaines de pages d'amendements concernant ce projet de loi.
Quant à M. Cotler...
...je comprends ce qui l'embête. Mais c'est une question qui touche les États, et je me permettrais bien franchement de faire remarquer que cette mesure viole les principes mêmes du droit international, car elle permettrait à des juges de déterminer ce qui constitue un État ou une entité terroriste. Pour ma part, je considère que c'est une question plutôt interétatique et que les principes du droit international seraient violés.
Monsieur le président, cette mesure vise en fait à mettre en oeuvre les principes du droit international. Toute la question du droit international est énoncée dans la notion même de la Loi sur l'immunité des États, laquelle protège actuellement les États parrains et leurs agents des recours civils intentés dans les tribunaux canadiens, et ce, avant même qu'on apporte des amendements, que ce soit les miens ou ceux du gouvernement.
Le gouvernement a convenu que nous ne voulons plus immuniser ces États qui appuient le terrorisme ou leurs entités inscrites. Tout ce que je veux dire, c'est que vous avez raison. Vous avez déjà couvert la facette du droit international. Nous souhaitons tous rendre la loi plus efficace. Une fois qu'on a admis qu'il faut modifier la Loi sur l'immunité des États afin de ne plus protéger les États qui appuient le terrorisme et leurs prête-noms, leurs agents ou leurs alliés qui se cachent derrière de faux noms, il faut agir en conséquence.
À quoi bon déposer un projet de loi pour ensuite avancer l'idée abracadabrante de ne pas vouloir accorder les pouvoirs nécessaires aux tribunaux? Ces derniers n'ont rien à voir dans cette histoire, monsieur le président. Dans les faits, on veut pouvoir agir et tenir les États qui appuient le terrorisme responsables de leurs actes, ou alors, on ne veut pas.
Le gouvernement considère déjà que les Canadiens devraient pouvoir intenter des recours civils devant les tribunaux. Il a déjà accepté d'accorder des pouvoirs à ces derniers afin de rendre les États responsables d'actes terroristes et leurs agents comptables de leurs gestes. Il n'est pas question ici d'accorder aux tribunaux des pouvoirs qu'ils n'auraient pas déjà. L'étendue de leurs pouvoirs ne changera pas, pas plus que ne le fera la responsabilité des États.
Nous voulons rendre la législation plus efficace. Je ne comprends tout simplement pas que l'on puisse affirmer que l'amendement contrevient au droit international, monsieur le président. Avec tout le respect que je vous dois, c'est insensé. Compte tenu des mesures qu'ils proposent, ils devraient appuyer cet amendement. Je ne devrais pas être ici aujourd'hui pour le défendre. Je m'efforce de rendre le projet de loi plus efficace. S'ils veulent sincèrement donner des recours civils aux victimes du terrorisme, ils devraient eux aussi vouloir adopter un amendement en ce sens. Sinon, à quoi bon déposer ce projet de loi?
Pour ce qui est du droit international et des tribunaux, le projet de loi du gouvernement accorde des pouvoirs aux cours canadiennes. Ce n'est pas moi qui le fais avec mon amendement, mais bien le gouvernement, avec son projet de loi. Je doute qu'il comprenne le projet de loi qu'il propose lui-même, parce que si c'était le cas, les députés ne feraient pas des déclarations aussi insensées ici aujourd'hui.
Merci, monsieur le président.
Nous appuyons l'amendement.
Pour répondre aux propos de M. Jean, je ne comprends pas d'où il sort. La disposition qui serait amendée stipule déjà que le fait qu'un État étranger ait commis au Canada un acte ou une omission punissable en vertu de diverses dispositions du Code criminel donne un droit d'action. C'est ce qui définit le terrorisme.
L'amendement de M. Cotler indique que ce n'est pas seulement les États étrangers ou les entités inscrites qui sont responsables, mais également les groupes terroristes qui agissent sous la direction d'une telle entité ou en collaboration avec elle. Nous voulons qu'il y ait droit d'action si c'est un groupe terroriste non inscrit, mais agissant au nom d'une entité inscrite ou d'un État étranger, qui a commis les gestes reprochés.
Le fait que l'on croit que cela donne aux juges le pouvoir de décider si un État étranger est un État terroriste me dépasse. Je crois que votre commentaire concerne une autre partie du projet de loi. Mais il ne fait aucun doute que M. Cotler dit que si nous voulons donner un motif d'action aux victimes du terrorisme et que le Code criminel comprend une liste d'entités et d'États étrangers, si des groupes qui ne sont peut-être pas inscrits mais qui agissent de concert avec une entité inscrite ou un État étranger ou sur ses instructions, alors on dispose d'un droit d'action.
La preuve peut présenter des difficultés en raison de nos réserves sur l'efficacité réelle du projet de loi. Mais en principe, si l'on veut que les victimes du terrorisme au Canada y disposent d'un droit d'action en raison de ces actes terroristes, pourquoi ne pas inclure les groupes terroristes non inscrits qui agissent de concert avec les entités visées ou sur leurs ordres?
Si les députés de l'autre côté veulent s'y opposer, j'aimerais mieux qu'ils le fassent pour une raison valable plutôt qu'un motif erroné ou futile. S'ils ne votent pas en faveur de l'amendement, espérons qu'ils pourront au moins nous dire pourquoi.
Je m'objecte aux propos que M. Jean, que je considère irréfléchis et déplacés. Jusqu'à présent, le gouvernement du Canada, aux termes de l'article 83.01 du Code criminel, a donné une définition d'une entité inscrite. Pour ce qui est de définir un « groupe terroriste », tout le monde ici sait évidement ce que c'est, mais je peux vous affirmer qu'une fois devant le tribunal, sans une définition de ce qui constitue un « groupe terroriste », les choses peuvent se compliquer.
Je ne trouve rien à redire sur l'approche que le Canada a adoptée jusqu'à maintenant en ce qui concerne la liste.
Merci.
Monsieur le président, je ferais respectueusement remarquer que l'honorable membre du comité confond peut-être cette affaire avec la liste des pays contre lesquels on peut intenter des poursuites. J'ai un autre amendement à ce sujet. Mais ce n'est pas ce dont il est question ici.
Cet amendement vise à empêcher les agents ou les alliés d'un État inscrit d'échapper aux recours civils en agissant sous d'autres noms. Ce que nous voulons, c'est rendre les recours devant les tribunaux efficaces.
Ils ont convenu que les citoyens canadiens devraient disposer de recours civils devant les tribunaux canadiens. Or, ces recours, impossibles jusqu'à présent, sont justement autorisés par l'amendement.
Ce n'est pas une question de décision judiciaire. Nous convenons qu'il doit y avoir une telle décision. Ce n'est pas une question d'entité inscrite et du gouvernement qui décide de ce qu'est une entité inscrite. Du point de vue de l'État, cet aspect est quelque peu préoccupant, mais c'est une autre histoire. Ce qui m'intéresse actuellement, c'est de renforcer le projet de loi que le gouvernement a lui-même déposé, lequel donne une définition d'un État inscrit, afin que l'allié ou l'agent de l'État ne puisse se soustraire à ses responsabilités en agissant sous un autre nom. Tout ce que nous demandons, c'est que l'on rendre le projet de loi plus efficace.
Je dois dire que je ne comprends pas les objections du gouvernement. Plus je les entends, plus j'ai l'impression qu'ils ne comprennent pas leur propre projet de loi et le fait que nous tentons de le rendre plus efficace en donnant aux Canadiens un recours plus efficace. Ils devraient accueillir nos amendements à bras ouverts au lieu de les rejeter. Au bout du compte, leur projet de loi sera moins efficace qu'ils ne le voudraient, alors que s'il en allait autrement, nous l'appuierions en principe.
Monsieur le président, je dois vous dire qu'il s'agit là d'une étude de cas intéressante du problème qui touche toute cette approche. Nous sommes saisis de neuf autres projets de loi semblables à celui-ci. Si nous pouvions les décortiquer et accorder à chaque disposition le temps nécessaire, peut-être pourrions-nous adopter des projets de loi mieux conçus pour le public, la population canadienne, afin de protéger, dans le cas présent, les victimes canadiennes du terrorisme.
Mais nous allons nous retrouver avec un projet de loi moins efficace que celui que le gouvernement et la population canadienne méritent. Au final, les citoyens canadiens qui intentent des poursuites disposeront de recours moins efficaces contre les États qui appuient le terrorisme. À l'heure actuelle, nous avons les mains liées, car mon premier amendement a été rejeté. Ce n'est pas parce que c'est mon premier amendement; je considère qu'il aurait dû figurer dans le projet de loi dès le départ.
Pour l'instant, un citoyen canadien qui intente des poursuites au Canada ne peut s'en prendre à l'État responsable lui-même. Ainsi, si l'Iran commet un acte terroriste contre un citoyen canadien, il faut, pour que nous puissions agir, que ce pays ait confié la tâche à une entité inscrite dans la loi canadienne. Nous convenons que si une entité inscrite commet l'acte terroriste, elle devrait en être tenue responsable. Mais si un État commet l'acte lui-même et ne délègue pas la tâche ou ne fait pas appel à une entité inscrite au Canada, un citoyen canadien ne peut entreprendre un recours direct, en vertu de la loi actuelle.
Et c'est parce qu'ils ont rejeté le premier amendement. S'ils rejettent également le deuxième, cela permettra aux entités terroristes inscrites dans la loi canadienne d'échapper aux recours que les citoyens canadiens pourraient vouloir intenter contre elles en adoptant un autre nom, en changeant de dénomination afin de ne plus figurer dans la loi.
Monsieur le président, en s'objectant ainsi, ils rendent leur projet de loi inefficace. Il sera en vigueur, sans toutefois permettre au gouvernement d'accomplir ce qu'il veut. Je m'étonne qu'ils n'approuvent pas des amendements qui améliorent leur projet de loi et ses objectifs, et assurent la protection des victimes canadiennes en leur donnant un recours civil efficace, sans immuniser les États appuyant le terrorisme ou les agents qui agissent pour leur compte, comme ils le sont actuellement.
Il est regrettable, monsieur le président, que le rejet de deux amendements ait pour résultat d'empêcher les citoyens canadiens de poursuivre directement un État, une entité ou un agent étranger qui change de nom et qui n'est plus inscrit, même si cette entité ou cet agent agit pour le compte de l'entité inscrite.
Monsieur le président, cela revient à accorder l'immunité aux mêmes groupes terroristes que le projet de loi visait à priver de leur immunité. Le projet de loi visait à donner des recours aux citoyens canadiens. Ces recours ne seront plus efficaces. À cause du rejet de l'amendement, monsieur le président.
[Français]
Monsieur le président, quand je vois le genre d'amendements qui sont proposés, du premier que l'on a proposé ce matin jusqu'aux deux de M. Cotler que l'on a entendus, je suis inquiète. Ça ne laisse pas beaucoup d'espoir pour plus tard, quand on va arriver dans le corps des mesures imposées par les conservateurs par le projet de loi C-10.
Il s'agit de mesures proposées pour réellement améliorer le projet de loi et pour s'assurer que la fin recherchée par le gouvernement est atteinte. Le seul commentaire que j'entends venant de la partie adverse, c'est-à-dire les conservateurs, vise à s'objecter ou à ridiculiser le nombre d'amendements proposés. J'aimerais rappeler aux gens autour de la table qu'il s'agit d'un projet de loi omnibus contenant plus d'une centaine de pages et quelque 200 articles qui touchent à neuf lois.
On s'offusque de voir le nombre de pages d'amendements. Je dois vous dire que je suis beaucoup plus offusquée de voir un projet de loi tenter d'édicter la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme et de modifier des lois aussi fondamentales que le Code criminel, la Loi sur l'immunité des États, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et d'autres lois. Cela me fruste beaucoup plus que le nombre d'amendements.
En fait, les conservateurs sont chanceux, parce que j'avais proposé de n'avoir qu'un seul amendement visant à mettre tout ça de côté. Cependant, je me suis fait dire qu'il n'était pas recevable.
Je ne sais pas s'il s'agit d'un manque de compréhension de leur propre projet de loi, ou s'il s'agit simplement d'atteindre un objectif visé. Les conservateurs semblent prétendre, de façon tout à fait aveugle, qu'il n'y a rien de plus que ce qu'ils ont présenté en comité, et rien que cela, et que pas même l'ajout d'un seul mot pourrait aider le projet de loi. C'est l'impression que j'ai. L'explication que M. Cotler vient de donner a énormément de bon sens. Si les conservateurs s'ouvrent les oreilles et les yeux, ils en conviendront. Or, ce n'est assurément pas le cas.
Chers membres du comité, attachez vos cliques et vos claques. Il y a pourtant des articles non litigieux sur lesquels les partis sont prêts à s'entendre et à essayer de trouver des terrains d'entente. Ça me dépasse de voir que l'on ne soit pas capables de le faire en comité. Attendez de voir quand on va arriver à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ou encore aux peines minimales. Ça va être beau.
[Traduction]
La liste des intervenants étant épuisée, je mets maintenant aux voix l'amendement 2 des libéraux.
(L'amendement est rejeté.)
Le président: Le prochain amendement est le L-3.
Les greffiers législatifs me font savoir que si nous adoptons l'amendement L-3, cela bloque l'amendement G-1 du gouvernement, en raison de la coïncidence de la numérotation des lignes dans les deux amendements.
L'adoption de la prochaine motion rend irrecevable l'amendement 1 du gouvernement parce que les deux portent sur le même passage.
Monsieur le président, le projet de loi a beaucoup de choses à voir avec la nature même du droit canadien, le contexte de la Loi sur l'immunité des États et la jurisprudence qui a graduellement établi la notion de recours civils pour les victimes. Comme la Loi sur l'immunité des États prive de l'immunité les États ayant causé des dommages au Canada, les poursuites intentées contre eux sous le régime de la nouvelle loi concerneront principalement des actes commis à l'étranger — comme j'espère le montrer, par exemple, les poursuites contre l'Iran, et pas seulement contre le Jihad islamique soutenu par lui, pour le meurtre d'un Canadien à l'étranger.
J'ouvre ici une parenthèse pour signaler qu'il aurait été impossible de poursuivre la Libye pour l'affaire de Lockerbie, si le libellé de la loi avait été identique à celui du projet de loi. C'est pourquoi j'ai proposé la loi permettant de poursuivre cet État, qui avait commandé l'attentat.
Je constate, à mon grand regret, et je le redis pour qu'il y repense, que le gouvernement fait preuve de mollesse à l'égard du terrorisme et d'inflexibilité à l'égard des victimes. S'il prétend parler en leur nom — nous voulons tous les protéger —, il devrait leur accorder un recours civil efficace, sans ménager les États qui financent le terrorisme qui a fait ces victimes.
Désormais, les actes de terrorisme commis par l'Iran, la République islamique d'Iran ou les attaques comme celle de Lockerbie seront à l'abri des poursuites civiles, parce que le gouvernement refuse l'amendement que nous proposons pour donner un recours aux citoyens.
Ce que propose cet amendement, sous le régime de... En vertu du paragraphe 4(2) du projet de loi, la victime d'un acte de terrorisme commis à l'étranger peut intenter une action au Canada, mais elle doit établir l'existence d'un lien réel et substantiel avec la juridiction à laquelle elle s'adresse — c'est-à-dire avec le Canada. Le seul lien avec le Canada sera sa citoyenneté canadienne ou son statut de résident permanent au Canada.
Mais, si on se fie aux décisions récentes des tribunaux, monsieur le président, il est probable que, à eux seuls, la citoyenneté et le statut de résident permanent — et je pense que le gouvernement en est conscient — ne suffiront pas à établir de lien réel et substantiel avec le Canada. En conséquence, les spécialistes du droit international que nous avons consultés — et je soupçonne que ce sont les mêmes que les victimes consulteront — pensent qu'un nombre considérable d'actions intentées contre les États étrangers sous le régime de cette loi seront écartées ou bloquées pour cause d'incompétence des tribunaux, avant d'être jugées sur leur bien-fondé, ce qui irait à l'encontre des intentions du législateur.
Des affaires portant précisément sur ce point sont en attente de jugement devant la Cour suprême du Canada. Il est donc essentiel que la loi dise explicitement que la citoyenneté canadienne ou le statut de résident permanent au Canada sont des critères suffisants pour établir la compétence des tribunaux canadiens.
Ce pourrait être fait dans le projet de paragraphe 4(2) dont nous parlons actuellement. Nous devrions supprimer tout ce paragraphe — ce qui, d'après moi, apporte de l'eau au moulin à M. Goguen, pour son prochain amendement — et le rédiger de manière à assurer que, pour plus de certitude, il suffit d'établir que le demandeur est citoyen canadien ou qu'il est résident permanent du Canada, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, pour établir la compétence du tribunal canadien à l'égard de la cause d'action dont il est question dans l'article.
Notre proposition est semblable à celle de M. Goguen, mais je vous ferai observer que son libellé est plus précis en ce qui concerne les mêmes recours et la même efficacité que cherche à obtenir le gouvernement.
Encore une fois, monsieur le président, nous cherchons uniquement à rendre la loi efficace.
Oui, monsieur le président.
En bref, mon honorable collègue a travaillé avec le ministre de la Justice John Turner et a lui-même été ministre de la Justice et procureur général de 2003 à 2006. Si, actuellement, il se montre si inébranlable dans son appui au gouvernement, pourquoi n'a-t-il pas proposé le projet de loi pendant les 13 ou 14 années du régime libéral? Je le dis avec tout le respect qui lui est dû, monsieur le président, parce qu'il affirme sans cesse qu'il appuie notre projet de loi, qu'il s'efforce de l'améliorer. Pourtant, il a fallu un gouvernement conservateur majoritaire pour enfin être en mesure de le faire adopter.
Franchement, j'ai beaucoup de respect pour mon collègue. C'est un professeur éminent, récipiendaire de l'Ordre du Canada et ministre de la Justice. Mais, aujourd'hui, pourquoi discutons-nous d'un projet de loi qu'il tient à bonifier si, en premier lieu, il ne l'a pas fait lui-même?
Je suis sûr que M. Cotler peut se défendre sur ce point précis. Je dirai que, au fil du temps, les idées vont et viennent et que, parfois, elles sont mûres pour être examinées. Je ne suis même pas convaincu que cette idée soit actuellement à maturité, parce qu'on ne m'a pas convaincu de l'efficacité de ce type de loi, malgré l'enthousiasme communicatif de notre témoin des États-Unis. Manifestement, M. Cotler a signalé une carence ou une omission importante du projet de loi, que le gouvernement a également reconnue.
Je vous dirai, monsieur Cotler, que je ne sais pas trop si vous préconisez maintenant l'adoption de votre amendement ou l'amendement de l'amendement du gouvernement. Peut-être pourriez-vous nous éclairer à ce sujet. Il me semble que si l'on veut éviter aux demandeurs de buter sur l'obstacle de l'incompétence du tribunal ou du tribunal qui ne convient pas, on n'a qu'à être plus précis. Peut-être que l'amendement du gouvernement, même avec l'ajout que vous lui proposez, serait plus efficace que le vôtre, à moins que vous ne laissiez entendre que votre amendement nécessite l'amendement d'un autre article pour être efficace.
Il me semble que nous avons le choix entre plusieurs solutions. Je suis désireux de contribuer à l'amélioration du projet de loi dont nous sommes saisis, plutôt que de projets de lois qui, d'après M. Jean, auraient dû être étudiés par quelqu'un d'autre, quelque part dans le passé.
Je crois que nous sommes réunis en toute bonne foi pour essayer d'améliorer le projet de loi. Je me demande si vous pouvez nous dire si vous souhaitez toujours persister dans la voie de l'amendement numéro 3 des libéraux ou si le prochain amendement assorti de quelques modifications vous contenterait?
Merci, monsieur le président.
Cela me contenterait, parce que l'amendement proposé par le secrétaire parlementaire exprime l'amendement que j'avais à l'esprit. Je suis disposé à l'appuyer et, en fait, je l'appuie. Ce n'est qu'une question de choix de termes.
Je tiens cependant à dire, pour le compte rendu, que la raison pour laquelle je n'ai pas proposé de projet de loi semblable quand j'étais ministre de la Justice, c'est que notre défaite a fait avorter ce projet bien réel, comme vous en trouverez confirmation dans le hansard.
L'une de mes premières actions, et cela peut être confirmé, c'est d'avoir confié au ministre de la Sécurité publique de l'époque que, malgré notre défaite, j'espérais que le projet de loi soit adopté et que le gouvernement conservateur aille de l'avant et le propose.
J'appuie le projet de loi depuis que les conservateurs ont pris le pouvoir en 2006, monsieur le président. Le hansard montrera que je l'ai appuyé en 2005. À l'époque, nous n'avions pas d'ébauche de projet de loi à proposer, bien que, officiellement, nous ayons eu l'intention bien arrêtée d'en rédiger une. Je me suis adressé au nouveau ministre de la Sécurité publique, Stockwell Day et je lui ai dit que c'était le projet de loi que nous avions l'intention de proposer avant notre défaite. Je lui ai conseillé de s'en charger, lui précisant que nous avions une cause commune, donner un recours civil aux victimes du terrorisme.
Je tiens à ce que cela figure dans le compte rendu, de crainte qu'on ne pense que nous sommes des convertis de la dernière heure.
Monsieur Cotler, compte tenu de tout ce qui s'est dit sur votre amendement et celui du gouvernement, souhaitez-vous retirer le vôtre pour que nous puissions étudier l'autre?
Je vais retirer le mien, parce que l'amendement du gouvernement exprime bien mon intention première. Je pensais seulement que mon choix de termes était quelque peu plus précis, mais l'autre amendement, qui saisit bien l'intention de la proposition du secrétaire parlementaire, ne fait aucune difficulté.
Merci.
J'ai besoin de votre consentement unanime pour retirer la motion.
Des voix: D'accord.
Le président: Passons à l'amendement du gouvernement, monsieur Goguen.
Dans un souci de clarté, nous proposons de modifier l'article 2 par substitution, à la ligne 3, page 4, de ce qui suit:
Canada ou si le demandeur est un citoyen canadien ou un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
J'aimerais que les fonctionnaires de la Sécurité publique fassent rapidement des observations sur cet amendement, si vous permettez, monsieur le président.
La première version du projet de loi C-10 déposée au Parlement permettait d'intenter des poursuites si on pouvait établir un lien réel et substantiel de l'affaire avec le Canada dans un tribunal canadien. Au Canada, la Cour suprême a défini l'expression « lien réel et substantiel » au moyen de huit critères pour déterminer si le tribunal peut être saisi d'une affaire survenue à l'étranger.
D'après ces huit critères, la citoyenneté canadienne ou le statut de résident permanent ne serait pas nécessairement suffisant pour établir automatiquement un tel lien. L'amendement proposé préciserait que ces deux critères suffiraient pour rendre le tribunal compétent.
Comme personne d'autre ne semble désireux d'intervenir, je mets l'amendement aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Le président: Passons maintenant à l'amendement no 2 du gouvernement. Monsieur Goguen.
Encore une fois, monsieur le président, nous proposons, dans un souci de clarté, de modifier l'article 2 par adjonction, après la ligne 3, page 4, de ce qui suit:
(2.1) Dans le cadre d'une action intentée en vertu du paragraphe (1), le défendeur est présumé avoir commis l'acte ou l'omission à la suite duquel le demandeur a subi des pertes ou des dommages si le tribunal conclut que, à la fois:
a) une entité inscrite a causé les pertes ou les dommages, ou y a contribué, en commettant tout acte ou omission qui est sanctionné par la partie II.1 du Code criminel ou le serait s'il avait été commis au Canada;
b) le défendeur a commis, au profit ou au regard de l'entité visée à l'alinéa a), tout acte ou omission qui est sanctionné par l'un des articles 83.02 à 83.04 et 83.18 à 83.23 du Code criminel ou le serait s'il avait été commis au Canada.
Monsieur le président, je demande encore une fois à un fonctionnaire de la Sécurité publique de faire des observations à ce sujet.
Merci.
Grâce à cet amendement, on allège le fardeau de la preuve pour les victimes de terrorisme en créant une présomption de dommage. L'amendement établit que le défendeur est présumé responsable s'il a soutenu une entité inscrite qui a causé les pertes ou les dommages visés par la cause d'action ou y a contribué. Le défendeur peut réfuter la présomption s'il prouve qu'il n'a pas causé les pertes ou les dommages ou n'y a pas contribué.
Merci.
J'aurais dû mentionner, avant le début de la discussion sur cet amendement, que, d'après les greffiers législatifs, si nous adoptons l'amendement actuel, l'amendement no 4 des libéraux ne peut pas être adopté, parce qu'il est de nature semblable.
Encore une fois, monsieur le président, j'appuie en principe l'amendement, parce que, en principe, j'appuie le projet de loi. En fait, cet amendement, en ce qui concerne la responsabilité, est pertinent et utile. L'amendement que j'ai proposé visait le cas où un État finançait un groupe terroriste. Nous n'avions pas d'autres motifs pour cet amendement que de justifier l'amendement du gouvernement, permettez-moi de l'affirmer, monsieur le président.
C'est maintenant simplement un choix entre l'amendement du gouvernement ou le mien, mais la justification reste la même — si un État étranger finance un groupe terroriste qui commet une action terroriste, il est habituellement très difficile, voire impossible, de prouver quels sont les fonds à l'origine de cette action. Autrement dit, il est difficile d'établir un lien de cause à effet, ce qui est indispensable pour bien faire aboutir une poursuite intentée contre les bailleurs de fonds des terroristes. Nous avons donc choisi d'ajouter une disposition déterminative qui rend responsable des attaques terroristes commises par un groupe terroriste la personne qui soutient le groupe, même si on ne peut pas prouver au dollar près que les fonds ont servi à armer le groupe.
Tel était l'objet de mon amendement, qui figure à la page suivante, mais je suis prêt à me ranger derrière l'amendement fondé sur la présomption plutôt que sur la disposition déterminative, parce que, au fond, il va dans le sens de nos désirs. Je pense que la disposition déterminative est préférable, mais nous ne voulons pas la soumettre à tout un débat, parce que l'amendement en ce sens ne sera pas adopté...
Sans entrer dans les détails, je tiens à dire que nous appuyons l'amendement, parce que, sinon, le décompte des voix, dans le compte rendu, ne montre pas que, en fait, nous l'appuyons. Et nous l'appuyons pour les raisons données par M. Cotler et, également, par M. Goguen.
Parfait.
Faute d'autres intervenants, je mets l'amendement aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Le président: L'amendement no 4 des libéraux est donc exclu.
(L'article 2 modifié est adopté.)
(L'article 3 est adopté.)
(Article 4)
Le président: Pour l'article 4, je crois que nous avons un amendement de M. Cotler: l'amendement no 5 des libéraux.
Oui, monsieur le président.
L'amendement vise encore une fois à vraiment rendre la loi plus efficace, en clarifiant la terminologie.
L'amendement propose la modification de l'article 4 par substitution, dans le passage commençant à la ligne 38, page 4, et se terminant à la ligne 5, page 5, de ce qui suit:
2.1(1) Pour l'application de la présente loi, un État étranger soutient le terrorisme s'il fournit directement ou indirectement, sciemment ou sans se soucier des conséquences, un soutien matériel à une entité inscrite, au sens du paragraphe 83.01(1) du Code criminel, ou à un groupe terroriste, au sens du même paragraphe, qui agit au nom d'une entité inscrite, sous sa direction ou en collaboration avec elle.
Dans le paragraphe suivant, on cherche à définir le soutien matériel, pour qu'il soit bien entendu de quoi il s'agit:
(2) Au présent article, « soutien matériel » s'entend des espèces ou effets, des garanties financières, des services financiers, de l'hébergement, de la formation, des conseils ou de l'aide d'experts, des maisons de passeurs, des faux documents, des fausses identités, des équipements de communication, des installations, des armes, des substances létales, des explosifs, du personnel, du transport et de tout bien matériel. La présente définition exclut les médicaments et le matériel religieux.
Encore une fois, monsieur le président, il s'agit à la fois de délimiter et de saisir la nature et les caractéristiques des actes terroristes ainsi décrits.
Merci, monsieur Cotler.
Comme il ne semble pas y avoir d'autre intervenant, je vais mettre aux voix l'amendement libéral numéro 5.
(L'amendement est rejeté)
Désolé, mais le vote a déjà eu lieu. Si vous voulez un vote par appel nominal, il faut le demander avant.
D'accord, le greffier va s'en charger, si c'est ce que vous voulez.
(L'amendement est rejeté par 6 voix contre 5)
[Français]
Ce ne sera pas compliqué: comme toujours, il y aura les conservateurs d'un côté et les autres de l'autre côté.
[Traduction]
L'article 4 est-il adopté?
(L'article 4 est adopté)
Le président: Nous examinons maintenant l'amendement numéro 6 des libéraux qui porte sur l'article 5.
Monsieur Cotler.
(Article 5)
Comme vous pouvez le constater, monsieur le président, j'ai toute une série d'amendements qui suivent celui-ci. Étant donné qu'ils traitent tous de la même situation, nous n'avons pas à les étudier les uns après les autres. S'ils veulent défaire ces amendements, ils pourront le faire au moyen d'un seul et même vote.
Permettez-moi d'expliquer ces amendements, car je m'attends à ce qu'ils soient défaits. Pour permettre au comité de sauver du temps, je vais vous expliquer l'objectif visé par la série d'amendements qui suivent, car ils vont tous ensemble.
Monsieur le président, ces amendements visent essentiellement à éliminer le pouvoir discrétionnaire du gouvernement de dresser la liste des États soutenant le terrorisme afin de permettre aux victimes d'actes terroristes de décider elles-mêmes qui elles souhaitent poursuivre. La formulation actuelle de la loi fait malheureusement en sorte que les victimes peuvent intenter des recours uniquement contre les pays que le gouvernement a choisi d'inscrire sur la liste des États soutenant le terrorisme.
Le problème que cela pose... et le témoin du gouvernement, Victor Comras, un fonctionnaire du département d'État américain qui a comparu lors de l'étude de ce projet de loi en comité sénatorial, puis répété le même message devant notre comité, nous a dit de ne pas suivre cette voie, car l'inclusion de mesures semblables dans la loi américaine a eu pour effet de spolier les droits des victimes en transférant au gouvernement le pouvoir de décider qui pouvait faire l'objet de poursuites. Ainsi, le gouvernement des États-Unis avait dressé une liste de quatre États soutenant le terrorisme. Alors, si un acte terroriste était commis par un cinquième ou un sixième État ne figurant pas sur cette liste ou par le mandataire de l'un de ces États, la victime n'aurait aucun recours parce que son gouvernement a décidé, pour une raison ou une autre, de ne pas inclure le gouvernement coupable dans sa liste. Nous croyons que cette décision devrait revenir aux victimes, plutôt qu'au gouvernement.
Comme je sais ce que mes collègues du parti ministériel voudront faire valoir, je vais conclure en apportant la précision suivante. Je sais que le gouvernement craint avec raison que des poursuites infondées et vexatoires puissent être intentées contre nos alliés, et j'ai prévu une disposition à cet effet dans mon amendement. On indique ici qu'un recours civil ne pourra pas s'appliquer contre un pays lié avec le Canada par un traité d'extradition ou contre un gouvernement qui fera l'objet de recours juridiques devant ses propres tribunaux — les États-Unis, autrement dit.
L'amendement a donc pour objet d'accroître le nombre de pays soutenant le terrorisme qu'une victime peut choisir de poursuivre, tout en se protégeant contre les recours infondés et vexatoires en excluant les pays avec lesquels nous avons conclu un traité d'extradition, ces pays étant censés faire respecter la primauté du droit et s'être dotés d'un système judiciaire indépendant.
Pour toute la série d'amendements qui suivent... Et c'est la raison pour laquelle vous n'avez pas à les considérer individuellement; s'ils doivent être défaits, qu'ils le soient au moyen d'un seul vote. Je voulais seulement vous expliquer l'objectif visé. Il s'agit de laisser aux victimes du terrorisme l'option de déterminer à l'encontre de qui elles souhaitent intenter des poursuites, plutôt que de permettre au gouvernement de le décider arbitrairement et de restreindre arbitrairement les recours pouvant être utilisés.
Dans son projet de loi, le gouvernement donne préséance à son propre pouvoir discrétionnaire, plutôt que de permettre aux victimes d'actes terroristes d'exercer leurs recours civil. Monsieur le président, il y a encore là quelque chose qui cloche, car nous sommes ici pour défendre les intérêts des victimes et l'efficacité des recours civils.
Je crois le gouvernement sur parole lorsqu'il affirme qu'il veut protéger les victimes, mais il s'y prend d'une manière qui aura l'effet contraire. Je ne remets donc pas en question l'intention du projet de loi et les motivations de mes collègues d'en face. Je rappelle que nous convenons tous que la loi vise d'abord et avant tout à offrir des recours civils efficaces aux victimes du terrorisme.
Nous sommes d'avis que le projet de loi, dans sa forme actuelle, limitera indûment les possibilités de recours civil en restreignant inutilement les possibilités de poursuites du fait que l'on accorde arbitrairement au gouvernement le pouvoir discrétionnaire de décider qui peut faire l'objet de poursuites civiles, plutôt que de laisser aux victimes le soin de le déterminer, avec comme restriction que les États avec lesquels nous avons conclu un traité d'extradition ne peuvent pas être visés.
Merci, monsieur le président.
Pourriez-vous être plus clair, monsieur Cotler? Vous avez dit que vos propos visaient plusieurs de vos amendements. Pourriez-vous nous dire exactement lesquels...
Il parlait des pages, plutôt que des numéros d'amendement. Il y a confusion entre les amendements L-6, L-7 et L-8, et les pages 6, 7 et 8.
Monsieur le président, les amendements qui concernent le pouvoir discrétionnaire du gouvernement de dresser la liste des États soutenant le terrorisme seraient ceux qui figurent aux pages 5 et 6; ce sont ces deux-là, monsieur le président.
D'accord, merci.
Lorsque nous prendrons le vote, êtes-vous d'accord pour que celui-ci s'applique à ces trois amendements, monsieur Cotler?
Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Ces amendements concernent des articles différents, ce qui crée une certaine confusion du point de vue de la procédure. Je pense que les arguments présentés sont valables, mais je préférerais que ces amendements soient mis aux voix séparément et que l'on puisse prendre le vote au sujet de l'article 5 lorsqu'on aura traité de l'amendement le concernant. Sinon, on risque de tout mélanger, comme on peut le constater actuellement.
Je voulais seulement préciser un détail relativement aux propos de M. Cutler. Il a dit que M. Comras était un témoin du gouvernement, alors qu'il s'agissait en fait d'un témoin de l'opposition, ce qui n'enlève rien à la valeur de son témoignage.
M. Cotler pourra certes apporter ses éclaircissements tout à l'heure.
Je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit. Je veux parler d'une manière générale de l'article 5 et du concept des listes. Mes commentaires pourront s'appliquer à certains de ces amendements concernant différentes dispositions de l'article. Mes observations portent donc sur l'article 5. Dans le contexte de l'amendement proposé, je conviens avec M. Cotler que si nous empruntons cette voie en créant un nouveau délit sur le plan international, nous devons nous assurer d'agir correctement. Nous voulons ici offrir un recours civil pour les torts causés à une personne. Les poursuites semblables sont rendues possibles par la loi et les décisions des tribunaux qui en définissent les paramètres.
En instaurant une liste établie par le gouvernement qui sera changée tous les deux ans, ou revue tous les deux ans, pour désigner les États pouvant faire l'objet d'un recours de la sorte, nous allons à l'encontre de l'objectif général consistant à offrir un recours juridique aux victimes du terrorisme. En principe, c'est une notion à laquelle nous souscrivons. Nous convenons que les personnes victimes d'actes terroristes doivent disposer d'un recours quelconque, et le Canada peut d'ailleurs être un chef de file en la matière. Il n'y a pas beaucoup d'États qui offrent un recours semblable. On nous a décrit l'expérience des États-Unis à ce chapitre. Peu importe d'ailleurs que le témoin en question ait été proposé par le gouvernement ou par l'opposition. L'expérience américaine est fort révélatrice; le cas de la Libye est d'ailleurs un bon exemple de ce qui peut arriver lorsqu'un pays est rayé de cette liste. L'attentat de Lockerbie est l'un des événements à l'origine de cette volonté de créer un recours international pour les actes terroristes. Il a été clairement établi que le régime libyen du colonel Kadhafi a été impliqué dans cet attentat; il a d'ailleurs même versé des indemnisations. Et je vous rappelle que le gouvernement des États-Unis a retiré la Libye de sa liste à un certain moment.
Nous envisageons la création d'un délit qui facilitera les recours pour les victimes tout en ayant un effet normatif. Le professeur Cotler a sans doute déjà enseigné le droit de la responsabilité civile délictuelle. Celui-ci vise notamment à faire changer les comportements des gens. On peut poursuivre des citoyens pour conduite négligente, ce qui les incitera à conduire correctement, ou tout au moins à souscrire à des assurances. Il s'agit donc de modifier les comportements.
Nous souhaiterions que l'on puisse condamner à l'échelle internationale les États qui soutiennent le terrorisme. Il sera possible, tout au moins au Canada, pour des citoyens d'intenter des poursuites en recours civil contre un pays, ou visant des actifs étrangers. On pourrait ainsi freiner les activités internationales des terroristes. Si la chose est possible, je crois que nous devrions le faire. Nous ne devrions pas nous laisser arrêter par des considérations diplomatiques. Nous ne sommes pas certains que cela fonctionnera vraiment. C'est l'une des raisons qui justifient la motion que nous avons proposée au début de cette séance. Dans trois ans, il faudrait procéder à une analyse détaillée de l'efficacité de cette loi. Il suffit de dire qu'il s'agit d'un recours accessible aux Canadiens qui sont victimes d'actes terroristes soutenus par un État. C'est un énoncé non limitatif qui ne devrait se heurter à aucune interférence. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'aller beaucoup plus loin.
Nous avons pu constater les différents types de relations qu'ont pu entretenir les gouvernements précédents du Canada avec des pays comme la Libye, par exemple. Au cours des dernières décennies, il y a eu des moments où on les a mis complètement à l'écart et d'autres où on leur faisait l'accolade, au sens propre comme au sens figuré, malgré le fait que ce pays se livrait, sous la férule de ses dirigeants, à des actes de terrorisme international.
Alors s'il doit y avoir un recours, il devra pouvoir s'exercer contre tous les gouvernements qui soutiennent activement le terrorisme, et aucun d'eux ne devrait être protégé. Si cela doit être une exception à la Loi sur l'immunité des États, alors cette exception devrait s'appliquer de façon générale.
Nous supportons cet amendement, car il apporte des améliorations par rapport à l'utilisation de ces listes. J'ajouterais toutefois, et je vais m'éviter ainsi un second discours, que nous allons nous opposer à l'adoption de l'article 5 et que nous en ferons tout autant pour les articles 6 et 7 qui traitent également de la question de la liste.
Nous sommes contre l'idée d'avoir uniquement des listes qui peuvent être modifiées de temps à autre. Si nous choisissons de créer un recours international pour les actes terroristes commis par des États ou des organisations qu'ils soutiennent, nous croyons qu'il devrait être non limitatif et ne pas dépendre des caprices de la politique étrangère canadienne. Selon moi, si l'on accorde un tel recours aux victimes du terrorisme, elles devraient pouvoir l'exercer par le truchement de nos tribunaux et de notre système juridique, et nous devrions nous assurer que cette possibilité est accessible à tous ceux qui se retrouvent malheureusement dans une situation semblable.
En ouvrant la voie à des poursuites civiles, on vise bien évidemment à offrir un recours aux victimes, mais également à dissuader les États de se livrer à des agissements de la sorte. Nous allons donc voter en faveur de cet amendement et de ceux qui suivent, mais nous n'allons pas appuyer l'article 5 dans son ensemble, car ses dispositions sont fondées sur le principe que seules les entités figurant sur la liste peuvent faire l'objet de poursuites.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Peut-être ai-je mal entendu, mais M. Cotler semblait dire que la décision d'inclure ou non une organisation sur la liste serait prise de façon arbitraire ou sur la base de considérations futiles. J'espère avoir mal entendu. Si qui que ce soit laisse entendre que notre gouvernement ou n'importe quel gouvernement canadien agit arbitrairement ou futilement en la matière, je peux vous assurer que je ne manquerai pas de réagir.
Je dois également reconnaître que je ne suis pas un expert de ces questions. Il me semble toutefois que la décision d'inscrire ou non une organisation sur cette liste fait entrer en jeu des intérêts qui ne se limitent pas à la seule indemnisation des victimes. Permettez-moi de vous citer à cet effet un exemple que je connais bien. Il est question de rayer de cette liste le MEK, un groupe terroriste iranien actuellement installé au camp Ashraf en Irak. Certains de mes commettants s'opposent vivement à une décision en ce sens en soutenant que ce groupe doit demeurer sur la liste tant qu'il ne permet pas un accès en toute transparence aux résidents du camp Ashraf. Cela n'a peut-être rien à voir avec l'indemnisation ou même avec le terrorisme, mais il s'agit d'un intérêt justifié qui pourrait, j'ose espérer, être pris en compte par le gouvernement lorsqu'il doit trancher à ce sujet.
Je voulais donc seulement faire valoir que je ne crois pas que la décision d'inclure ou non un pays dans cette liste soit prise arbitrairement ou futilement, mais qu'elle s'appuie plutôt sur la base d'autres intérêts ne se limitant pas nécessairement à ceux des victimes à indemniser, un aspect important, je le reconnais, mais pas toujours le seul facteur à considérer.
Merci.
Merci.
Comme il n'y a pas d'autre intervenant sur notre liste, je mets aux voix l'amendement numéro 6 des libéraux.
Ce sera un vote par appel nominal.
(L'amendement est rejeté par 6 voix contre 5).
Le président: Nous en sommes maintenant à l'amendement numéro 7 des libéraux.
Monsieur Cotler, voulez-vous nous en parler?
Monsieur le président, cet amendement concerne l'article 6 du projet de loi. Il vise à remplacer les lignes 30 à 34 du projet de loi par ce qui suit...
Monsieur Cotler, un instant, nous sommes rendus à l'amendement 7, le vôtre. La situation était confuse il y a quelques minutes, ce dont je suis probablement responsable, mais nous pouvons passer au vote si vous ne souhaitez plus poursuivre le débat.
L'amendement 7, très bien.
Monsieur le président, l'amendement propose que l'article 5 soit modifié par adjonction, après la ligne 27, page 6, de ce qui suit : « Dans le cas où un tribunal compétent » — encore une fois, on confie le pouvoir aux tribunaux — « conclut qu'un État étranger inscrit sur la liste visée au paragraphe (2) a soutenu le terrorisme... ». Il s'agit de la liste établie par le gouvernement.
Et je signale en passant au secrétaire parlementaire que je ne prétends pas que le gouvernement a établi cette liste arbitrairement. Je m'inquiète plutôt des conséquences de la liste: les restrictions au recours civil. Je ne remets nullement en cause la bonne foi du gouvernement. Je me préoccupe uniquement de l'efficacité du mécanisme. C'est pourquoi j'ai présenté mes amendements.
Je poursuis la lecture de l'amendement: « cet État ne bénéficie pas de l'immunité de juridiction dans les actions portant sur ses activités terroristes, au sens du paragraphe 83.01 (1) du Code criminel, commises par lui le 1er janvier 1985 ou après cette date. »
C'est tout ce qu'il y a de plus clair, je pense.
Merci.
Étant donné que personne d'autre ne veut intervenir, nous mettrons aux voix l'amendement libéral 7.
(L'amendement est rejeté.)
Monsieur le président, je tiens à signaler que les ministériels ont voté contre le recours offert pour contester la liste qu'ils proposent. Ce faisant, il annule une fois de plus l'efficacité de leur propre amendement, une situation tout à fait incongrue monsieur le président. Nous cherchons à offrir aux victimes des recours plus efficaces dans le cadre du projet de loi que nous appuyons.
Tout à fait.
(L'article 5 est adopté par 6 voix contre 4.)
Le président: Nous passons à l'amendement libéral...
Je tiens simplement à signaler que nous devons examiner 208 articles. Or, il nous a fallu près de deux heures pour en étudier cinq. Donc, si je sais bien compter, nous aurons besoin d'environ 40 séances pour mener à bien le tout. Le Chambre a imposé au comité un délai de 100 jours de séance. Les Canadiens en ont assez, je dirais.
Le problème, monsieur le président, c'est que, s'il nous faut 40 séances pour étudier ces articles... Et il s'agit effectivement d'articles incontournables, j'en suis conscient. Néanmoins, ce problème a déjà été débattu intensément et très fréquemment, y compris lors des législatures antérieures.
Je tiens simplement à ce que mes collègues sachent qu'il nous faudra 20 séances, soit 10 semaines consécutives, ce qui nous amène à la fin de mars ou d'avril. Je tenais à le leur signaler.
Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
Votre calcul mathématique est peut-être exact, compte tenu du temps qu'ont nécessité les cinq premiers articles, mais je tiens à signaler que, pour l'article 10, je présenterai une motion permettant d'adopter 25 articles d'un coup, si le comité en décide ainsi. Donc, nous devrions avoir terminé d'ici midi. Il est beaucoup trop tôt, je pense, pour spéculer sur le nombre d'heures ou de jours que prendra l'étude article par article. Depuis le 2 mai dernier, il n'y a pas eu 100 jours de séance. Nous avons donc amplement le temps de mener à bien cette étude.
Tous ici présents, nous avons un travail à accomplir. Mes collègues de l'opposition et moi comptons nous y employer. Si les ministériels ne sont pas du même avis, ils n'ont qu'à présenter une motion de clôture, comme ils l'ont fait à la Chambre, ce que nous réprouvons cependant.
Merci.
Je suis sensible aux arguments présentés, mais l'étude article par article est toujours un processus chronophage, de toute évidence. Nous essaierons de mener les choses rondement, mais c'est l'essence même de ce genre d'étude.
Monsieur Cotler.
Monsieur le président, je voudrais simplement apporter quelques précisions. Premièrement, nous avons appuyé le principe du projet de loi. Deuxièmement, celui-ci crée un précédent. Les ministériels ne se rendent peut-être pas compte de l'importance de leur mesure législative. Il me paraît étrange qu'ils s'opposent à ce que nous examinions ainsi un projet de loi qui, pour la première fois dans l'histoire juridique du Canada, vise à modifier la Loi sur l'immunité des États, afin d'accorder un recours civil aux victimes du terrorisme. Pour ces motifs, il faut que le comité procède à un examen exhaustif, ce que souhaitent également les Canadiens, je pense.
Monsieur le président, je me permets d'ajouter que ce n'est pas la Chambre qui l'a étudié, mais bien le Sénat. Je tiens à le préciser. De plus, les amendements, dont les miens aujourd'hui, sont les premiers à être présentés à la Chambre. Ils cherchent à améliorer la mesure législative que les ministériels veulent faire adopter.
[Français]
Effectivement, cette partie du projet de loi n'a jamais été révisée de quelque façon que ce soit, article par article.
Je n'ai pas senti que qui que ce soit ici ait fait une tentative de monopoliser les discussions, et ce, de quelque façon que ce soit. Cela s'est fait en toute honnêteté intellectuelle, de ce côté-ci de la table du moins, dans le but d'améliorer le projet de loi.
Je m'inscris en faux contre cette tentative de faire gober, comme si la préoccupation était toute mathématique, 208 articles inscrits sur 109 pages qui touchent 9 lois fondamentales comme celles-ci qui vont changer tout notre système pénal sur plusieurs plans. Cela prendra le temps nécessaire, mais au moins, on pourra sortir d'ici en disant qu'on a fait les efforts nécessaires pour arriver au but.
Si mon collègue d'en face sent réellement que quelqu'un tente de prendre toute la place et d'empêcher les choses d'avancer dans le dossier, on s'en reparlera plus tard. Quant à moi, je pense que les présentes discussions sont tout à fait importantes et méritent d'être poursuivies par le comité.
[Traduction]
Merci monsieur le président,
L'amendement propose que l'article 6 soit modifié par substitution, aux lignes 30 à 34, de ce qui suit:
« organismes d'un État étranger ni aux actions portant sur l'exercice d'activités terroristes ou le soutien du terrorisme par un État étranger. »
Encore une fois, monsieur le président, il s'agit de préciser et de rendre plus efficace le recours d'une victime du terrorisme contre un État étranger, ses organismes ou ceux qui soutiennent le terrorisme.
Merci monsieur Cotler.
Il n'y a plus d'intervenants. Passons donc au vote sur l'amendement libéral 8.
(L'amendement est rejeté.)
Puis-je formuler un commentaire sur l'article 6?
Nous nous opposons à l'article 6 pour les raisons évoquées, soit parce qu'il est fait mention de la liste des pays. La même mention figure dans les articles 7 et 9. Je n'ai donc pas besoin de me répéter. Il n'y aura pas de vote par appel nominal. Je tiens donc à préciser que nous nous opposons aux articles 6, 7 et 9 parce qu'ils font mention de la liste des pays. Nous appuierons l'article 8 cependant.
(L'article 6 est adopté.)
Nous sommes rendus à l'amendement libéral 9, qui porte sur l'article 7.
Monsieur Cotler.
(Article 7)
Monsieur le président, je propose que l'article 7 soit modifié par substitution, aux lignes 2 à 5, page 7, de ce qui suit:
« utilisés dans Ie cadre d'une activité commerciale ou d'une activité terroriste ou au soutien du terrorisme; »
Encore une fois, monsieur le président, il s'agit de rendre plus efficace le recours civil et de s'assurer que l'État ou son organisme qui soutient le terrorisme rend compte de ses actes, de sorte que la mesure législative favorisera la défense des victimes du terrorisme.
Nous appuierions cet amendement, qui supprime la mention de la liste des États étrangers, mais qui porte sur les biens utilisés dans Ie cadre d'une activité commerciale ou d'une activité terroriste ou au soutien du terrorisme.
Monsieur le président, j'ignore si ma voix a été prise en compte. J'ai levé la main, puis je l'ai baissée. J'étais pour.
En toute honnêteté, je ne l'ai pas vue, et le greffier non plus. Je vous prie de maintenir la main levée lorsque vous votez.
Je suis désolé, monsieur le président.
On approche de la fin, mais je veux bien... Est-ce ma voix qui n'a pas été prise en compte?
(L'amendement est rejeté.)
Monsieur le président, je propose que l'article 7 soit modifié par substitution, aux lignes 12 à 14, page 7, de ce qui suit:
« cadre d'une action portant sur l'exercice d'activités terroristes ou le soutien du terrorisme. »
Encore une fois, il s'agit de rendre plus efficace le recours civil.
Merci.
Monsieur Cotler, je crois comprendre qu'il y a un écart entre les versions anglaise et française.
Merci.
Quels sont ceux qui sont en faveur de l'amendement... de la version anglaise de l'amendement?
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication