Je m'appelle Warren Lemcke, chef adjoint commandant la Division d'enquête du Service de police de Vancouver. C'est pour moi un honneur d'être ici aujourd'hui.
Je désire présenter le point de vue de l'Association canadienne des chefs de police au sujet de la partie 2 de la Loi sur la sécurité des rues et des communautés étant donné que cette partie du projet de loi apporte des changements à la loi au sujet des condamnations avec sursis.
Même si c'est un outil utile dont les tribunaux doivent disposer, l'ordonnance de sursis ne devrait s'appliquer que si c'est approprié et la loi devrait le refléter en la supprimant pour les crimes graves. Au nom de l'ACCP et, je l'espère, des citoyens que nous servons dans les collectivités de tout le pays, nous appuyons ce projet de loi. L'ordonnance de sursis est un instrument approprié dans le cas des condamnations pour infraction criminelle mineure, surtout lorsque le délinquant n'a pas d'antécédents criminels aggravants.
Les gens commettent des erreurs dans la vie. Nous l'acceptons. Pour ceux qui ont eu peu ou aucun contact avec le système de justice pénale et qui commettent une infraction mineure, ces ordonnances sont appropriées et devraient être favorisées. Néanmoins, lorsqu'une infraction plus grave est commise, surtout un crime violent contre une personne ou de graves crimes contre la propriété, les condamnations avec sursis ne sont pas appropriées.
La loi supprime la possibilité de condamner avec sursis les personnes reconnues coupables d'avoir commis ce genre d'infractions. Elle vise à imposer des peines conséquentes pour les infractions graves. C'est ce que veulent les Canadiens, surtout les victimes d'actes criminels. Il faut que les Canadiens sachent que s'ils sont victimes d'un crime grave, la peine infligée au coupable aura pour but de le dissuader, de le dénoncer et de le punir et aussi de protéger les citoyens en incarcérant le criminel. Si ce n'est pas le cas, ils perdront confiance dans le système de justice pénale.
Quand j'étais à l'académie de police, il y a 26 ans, on parlait beaucoup de la Charte des droits et libertés dans nos cours. Il y a eu énormément de discussions au sujet de l'article 24 où il est dit que si les preuves sont obtenues en portant atteinte à la charte et que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice, ces preuves doivent être écartées. Cet article porte sur ce qui peut déconsidérer l'administration de la justice. Lorsqu'une personne reconnue coupable d'un acte criminel grave est condamnée à une peine avec sursis, c'est exactement ce qui se passe. Aux yeux de la victime et de la société, l'administration de la justice est déconsidérée.
Il n'est pas rare que les Canadiens entendent parler dans les médias de criminels reconnus coupables de graves infractions qui reçoivent seulement des peines avec sursis. Je n'entrerai pas dans les détails et je ne critiquerai pas non plus les tribunaux, mais je voudrais mentionner deux cas récents, dont les médias de Vancouver ont parlé, de condamnations avec sursis qui ont énormément inquiété le public. Je vais laisser au comité le soin de les examiner. Je crois que cela figure dans la documentation qui vous a été remise.
Les Canadiens veulent la certitude que s'ils sont victimes d'actes criminels, les coupables devront subir les rigueurs de la loi et faire face aux conséquences de leurs actes. Nous croyons que ce projet de loi prévoit des peines appropriées pour les actes criminels graves et qu'il renforcera la confiance du public dans le système de justice pénale. Les Canadiens doivent avoir confiance dans un système de justice pénale remis en ordre et peut-être raffermi. Les victimes doivent avoir la certitude que le système de justice pénale réagira comme il le doit. Les criminels doivent avoir la certitude que des peines conséquentes leur seront imposées pour leurs actes.
Je me ferais un plaisir de répondre à vos questions.
Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité, j'ai l'honneur de présenter devant ce comité la position du Québec relativement au projet de loi . Bien qu'il y ait des précédents, il demeure exceptionnel pour le gouvernement du Québec de se présenter devant un comité parlementaire étudiant un projet de loi fédéral. La gravité de la situation explique cette exception. Je me présente ici fort d'une motion unanime de l'Assemblée nationale présentée par ma collègue députée de Joliette.
Pour témoigner de l'appui généralisé à la position que je vais vous présenter, je suis accompagné aujourd'hui d'un représentant du Barreau du Québec, de Me Murphy, procureure chef aux poursuites criminelles et pénales, ainsi que des représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, de l'Association des centres jeunesse du Québec, de l'Association québécoise Plaidoyer-Victimes, de la Société canadienne de pédiatrie et du Regroupement des organismes de justice alternative du Québec. J'en profite pour indiquer qu'il ne s'agit pas d'une démarche contre le gouvernement, mais plutôt contre des dispositions d'un projet de loi aux conséquences négatives pour une protection durable du public. Je tiens à vous rappeler que c'est dans ce même esprit que je suis venu, en juin dernier, plaider auprès de la chef du Parti vert, Mme May, afin que l'on accélère le processus d'étude du projet de loi sur les mégaprocès. Quand c'est bon, on le dit, quand ce ne l'est pas, on le dit également.
D'entrée de jeu, je me permets de vous dire que l'on ne peut accepter que soit retiré le concept de la protection durable du public. En retirant le critère durable, vous allez faire le choix d'une protection temporaire du public. Il est difficile d'y voir là une proposition sévère contre le crime. De fait, en retirant cette notion et en modifiant d'autres dispositions, le projet de loi devient, par rapport à la situation actuelle, une loi favorisant la récidive et multipliant les victimes. De nombreuses études, même des études fédérales, démontrent que l'emprisonnement ne réduit ni l'incidence du crime, ni la récidive. Au contraire, on peut envisager que l'emprisonnement puisse être un facteur de récidive en servant d'école du crime. Une chose est certaine, un combat efficace et durable contre la criminalité ne peut pas se limiter à emprisonner les contrevenants. Par définition, il arrive un moment où le criminel sort de prison et retourne dans la société. Lutter durablement contre le crime, c'est porter une attention particulière à cette réinsertion dans la collectivité. Le fait d'axer toute l'intervention sur l'emprisonnement pour une période de temps ne constitue qu'une solution temporaire superficielle, une solution clémente relativement aux crimes. Apprendre un comportement acceptable à un jeune délinquant, c'est permettre d'éviter la répétition d'un comportement inacceptable. Si aucun enseignement et aucun suivi n'est fait quant au comportement à adopter en société, nous les encourageons à recommencer. Les solutions proposées par le projet de loi ne rencontrent ni l'objectif avoué de sécurité publique, ni les besoins réels de pénalisation des délinquants, ni de prévention du crime et de la récidive.
Je rappelle qu'à plusieurs reprises, le Québec a fait part de ses réticences et désaccords quant aux mesures mises de l'avant par le gouvernement fédéral. Plus que des réticences, nous avons même proposé par écrit au ministre Nicholson des amendements au défunt projet de loi . Dit simplement, ce projet de loi ne contient pas les bons moyens pour protéger durablement la société et les victimes. Au Québec, depuis des décennies, nous faisons les choses différemment pour protéger la population à long terme. Nous le faisons d'ailleurs en incluant les corps policiers. Nous avons choisi de miser sur la rééducation, la réadaptation et la réinsertion sociale de l'adolescent, ce qui implique une sensibilisation aux torts qu'il a causés à la victime. En fait, l'approche de réadaptation fait plus de place à la victime que l'approche de l'emprisonnement. En effet, l'intervention auprès des adolescents contrevenants doit prendre en compte l'intérêt des victimes, l'impact que les délits ont eu sur elles, tout en s'assurant que leurs droits et leur dignité sont respectés. Les victimes ont notamment le droit d'être informées des procédures prises à l'égard de l'adolescent dans la prise en compte des torts causés à la victime. Un processus de réparation est imposé à l'adolescent lorsque c'est possible. Cette façon de traiter la délinquance juvénile fonctionne. Le Québec affiche le taux de criminalité le plus faible au Canada.
Notre vision est fondée sur les enseignements de la Cour suprême du Canada qui soutiennent l'importance d'assurer un traitement distinct aux adolescents. Cette vision est aussi basée sur l'opinion d'experts, comme la Société canadienne de pédiatrie, qui soutiennent également que les adolescents doivent être traités différemment des adultes pour devenir des membres pleinement intégrés et utiles à la société.
On nous dira que le projet de loi maintient une distinction entre le traitement réservé aux adolescents et celui réservé aux adultes. Selon nous, ce n'est qu'une question d'apparence.
En réalité, il introduit encore plus de principes uniformes qui doivent pourtant être réservés aux criminels adultes.
De fait, la Cour suprême et les experts, y compris les procureurs qui interviennent quotidiennement auprès des adolescents et des contrevenants, sont catégoriques: cette façon d'envisager la délinquance juvénile ne fonctionne pas.
Pire encore, elle est susceptible de maintenir les adolescents dans la criminalité en ne s'attaquant pas aux causes sous-jacentes de leurs comportements inadéquats et en choisissant de ne pas se poser deux questions fondamentales: qui sont-ils et pourquoi ont-ils agi ainsi?
Le projet de loi offre donc une protection illusoire en insistant sur le court terme et sur le moment de l'emprisonnement. Il est aveugle envers le long terme en omettant de réfléchir sur le moment de la sortie de prison. C'est l'équivalent d'un pansement sur une plaie infectée. Pour un temps, on veut bien ne plus s'en soucier. Pourtant, le mal réapparaît inéluctablement.
La réadaptation vise à guérir le mal. Un processus individualisé, qui inclut une prise de conscience par l'adolescent de ses responsabilités, est nécessaire pour assurer une protection durable du public.
La bonne mesure au bon moment doit demeurer selon nous le principe phare du traitement de la délinquance juvénile.
Nous vous demandons de ne pas radier, de ne pas évacuer le critère de la protection durable du public.
Nous vous demandons aussi de ne pas inciter la publication de l'identité d'un adolescent, car cela compromet ses possibilités de réinsertion sans que la société ne retire de véritables bénéfices de cette information. La Cour suprême a d'ailleurs récemment rappelé l'importance de ce principe.
Nous vous demandons d'écouter les intervenants des 40 dernières années qui, à coût d'études, de statistiques et de science, ont oeuvré à la rééducation des jeunes délinquants. Si vous choisissez de rejeter leur expertise et leur science, vous avez le fardeau de soutenir vos propositions au moyen d'études et d'analyses sérieuses.
Nous vous offrons la collaboration du Québec pour partager un dialogue basé sur les connaissances scientifiques et statistiques et vous demandons de surseoir à l'adoption des dispositions concernant les jeunes contrevenants.
L'imposition de nouvelles peines minimales est notre deuxième source de préoccupation. Doutant de l'effet dissuasif de ces peines, le Québec a exprimé des réserves à leur endroit, préférant de loin faire confiance aux procureurs et aux tribunaux pour recommander et déterminer la peine la plus appropriée.
En effet, il est un principe de base que le juge, à la lumière de toutes les données du dossier qui sont portées à sa connaissance autant par la poursuite que par la défense, est le mieux placé pour prononcer une peine qui tient compte du contexte de l'infraction.
La prolifération des peines minimales restreint aussi la possibilité pour le tribunal d'imposer l'emprisonnement avec sursis quand les circonstances le justifient, malgré les enseignements de la Cour suprême quant à sa valeur réparatrice.
Comme le disait Me Jean-Claude Hébert, le projet de loi C-10 transforme les tribunaux en guichet automatique de peines d'emprisonnement.
L'apaisement recherché dans la vengeance est une illusion. Il arrive un moment où la peine est terminée. Le projet de loi C-10 ne tient pas compte du retour du délinquant dans la société. Sans mesure de rééducation, sans l'apprentissage de nouveaux comportements, quand les portes de la prison s'ouvrent, elles s'ouvrent sur la récidive et font de nouvelles victimes.
Encore une fois, sans aucune étude ou justification raisonnée ou soutien des propositions, nous vous demandons de ne pas adopter ces mesures aux effets contraignants pour les tribunaux qui ne peuvent plus jouer leur rôle.
Notre troisième préoccupation est celle des impacts financiers des mesures proposées.
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Monsieur le président et membres du comité, c'est un plaisir pour moi de comparaître devant vous ici aujourd'hui à titre de président de l'Association canadienne des policiers pour parler du projet de loi , une mesure législative détaillée et complète qui prend des mesures concrètes et importantes pour fournir à la police les instruments dont elle a besoin pour rendre nos collectivités plus sûres comme c'est leur objectif.
Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas l'Association canadienne des policiers, nous sommes un organe fédéral représentant plus de 41 000 policiers de première ligne des quatre coins du pays. Notre effectif est constitué du personnel policier de 160 corps de police du pays, et cela va du service de police des petites villes et villages aux corps de police municipaux et provinciaux les plus importants. Cela comprend les membres de la GRC, de la police des chemins de fer et de la police des Premières nations.
Pour être parfaitement clair, l'ACP soutient entièrement les objectifs et les méthodes prévus dans le projet de loi , des règles de détermination de la peine s'appliquant à ceux qui commettent des infractions sexuelles contre les mineurs aux restrictions touchant les condamnations avec sursis pour certaines des infractions les plus graves. Ces changements contribueront largement à faire en sorte que les criminels qui sont attrapés suite à nos enquêtes seront punis avec la sévérité voulue pour leurs crimes.
Il y a deux éléments de ce projet de loi dont j'aimerais parler brièvement ici aujourd'hui. Il s'agit premièrement des modifications à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances contenue dans la partie 2 du projet de loi .
Nos membres constatent quotidiennement les effets dévastateurs que les trafiquants et producteurs de drogue causent dans toutes nos communautés. Ces policiers sont ceux qui doivent constamment arrêter les mêmes vendeurs et producteurs de drogue pour les empêcher d'empoisonner nos enfants et petits-enfants et de les dépouiller de leur avenir.
Que ces organisations criminelles soient présentes dans des grands centres urbains comme Vancouver, Toronto, Montréal ou Ottawa ou dans des petites localités comme Saint John et Gander, les policiers de première ligne voient chaque jour le crime organisé — et je dis bien le crime organisé — fournir des drogues dangereuses et illégales au mépris de la loi et sans aucune considération pour la vie et les familles que cela détruit.
Depuis un certain nombre d'années, l'Association canadienne des policiers préconise une stratégie nationale à l'égard de la drogue qui intègre une approche équilibrée pour réduire les effets néfastes de la consommation de drogues. Cette stratégie limiterait à la fois l'offre et la demande de drogues illicites et permettrait la mise en place d'une approche intégrée pour l'éducation, la prévention, le traitement et la répression. À notre avis, ce projet de loi revêt une importance cruciale pour mettre en place l'élément de cette stratégie touchant la répression.
Les délinquants violents ne sont pas dissuadés par les peines actuellement imposées, le système correctionnel ou la politique de libération conditionnelle. Les délinquants chroniques comprennent le système et s'en servent à leur profit. Les bandes criminalisées font régler leur loi dans nos prisons et dans certains quartiers. Nous avons besoin d'une intervention plus musclée alliant la dissuasion générale à une dissuasion spécifique, à la dénonciation et à la réforme.
Que ce soit en empêchant les vendeurs et les producteurs de drogue de poursuivre leurs affaires ou en ayant un effet dissuasif sur les revendeurs potentiels, le projet de loi aidera nos policiers à faire leur travail et à assurer la sécurité dans nos collectivités.
En résumé, si vous gardez ces criminels plus longtemps en prison, vous les empêcherez de faire le trafic de la drogue.
Il y a eu énormément de débats au sujet du recours aux peines minimales et de la fréquence des récidives. Ne vous y trompez pas. Les récidivistes posent un grave problème. La police le comprend intuitivement, car elle a régulièrement affaire à eux.
Les statistiques publiées par l'escouade des homicides de la Police de Toronto pour 2005 le démontrent précisément. Parmi les 32 personnes accusées de meurtre ou d'homicide involontaire coupable en 2006, 14 étaient en libération conditionnelle au moment de l'infraction, 13 étaient en probation et 17 faisaient l'objet d'une ordonnance d'interdiction d'arme à feu. Un système judiciaire où l'on entre et sort de prison comme dans un moulin ne réussit pas à dissuader ces récidivistes violents de continuer leurs activités criminelles.
En tant que policiers, mais surtout en tant que membres de la société, nous trouvons inquiétant que nos adolescents et de nombreux adultes aient reçu le mauvais message au sujet de la drogue. La consommation de drogue a été banalisée par ce que les gens voient à la télévision, mais aussi par une mauvaise politique publique. Ce qu'ils ne voient pas, au début, c'est que la drogue va probablement dominer leur vie. Le message transmis à nos jeunes devrait être clair: la drogue est dangereuse.
Une autre question que j'aimerais aborder brièvement est la création de deux nouvelles infractions dans ce projet de loi. La première est de rendre accessible à un enfant du matériel sexuellement explicite et la deuxième est de s'entendre ou de faire un arrangement pour perpétrer une infraction d'ordre sexuel à l'égard d'un enfant. Je ne saurais trop insister… sur la nécessité de mettre nos lois à jour, compte tenu surtout des technologies nouvelles, pour donner à la police la possibilité de maintenir une avance sur ceux qui se servent indûment de ces technologies pour commettre les crimes les plus horribles contre les enfants.
Enfin, je voudrais appuyer particulièrement les dispositions de la loi qui, si elles sont adoptées, autoriseront un agent de la paix à arrêter sans mandat un délinquant libéré sous condition s'il viole une condition de sa libération. Ce changement logique à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition s'imposait depuis longtemps. Par le passé, même si nous savions que quelqu'un violait les conditions de sa libération, nous ne pouvions pas l'arrêter.
Avant de terminer, je voudrais parler, au nom de nos membres, d'une question qui nous préoccupe à propos du projet de loi . Nous avons beaucoup entendu parler du coût de la loi, mais je tiens à rappeler à tous les députés de ne pas oublier que le budget des services de police de tout le pays ne suffit plus à la tâche. Pour assurer la sécurité dans nos communautés, nous avons besoin des outils et des ressources nécessaires pour éviter les réductions de service qui compromettraient inutilement les progrès que nous avons faits.
Merci beaucoup. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
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J'ai écouté l'opinion des policiers qui m'entourent. Lorsqu'on me parle des portes tournantes et du fait que les gens vont peut-être faire l'objet d'une libération conditionnelle, je ne peux pas nier qu'il y a des difficultés. Toutefois, même en suivant la logique voulant qu'on incarcère ces gens le plus longtemps possible et qu'il n'y ait aucune possibilité de libération conditionnelle, les portes vont quand même s'ouvrir à un moment donné. Alors, qu'est-ce qu'on aura fait pour éviter la récidive?
Pour répondre à votre question, je vais m'arrêter notamment à la question de la récidive et parler ensuite des démarches qui ont été entreprises. Il est bien évident — tout le monde le dit et mon collègue de la Sécurité publique le dirait mieux encore — qu'en termes de sécurité publique, ce projet de loi vise à incarcérer plus de gens. Alors forcément, cela va représenter des coûts du côté des prisons.
Je suis accompagné de Me Murphy, qui est procureur de la Couronne. Elle combat le crime tous les jours, mieux que vous et moi. Comme vous, je suis un parlementaire qui fait des lois. Comme vous, je vais participer à une commission parlementaire ce soir. Mais il y a des gens sur le terrain qui appliquent les lois et qui luttent. Or avec cette loi, ils vont faire face à des difficultés accrues. Il va y avoir des coûts en matière d'administration de la justice, non seulement dans le cas des poursuites, mais aussi par la suite dans celui des incarcérations.
Avec ce projet de loi, on change de priorité. On ne veut plus s'intéresser de façon significative à la réadaptation, à la lutte durable contre le crime. Or lorsque les gens auront purgé leur peine — et je parle ici des jeunes —, ils n'auront pas appris d'autre type de comportement, ce qui va favoriser la récidive. Il va donc y avoir d'autres victimes, d'autres vacations devant les tribunaux et d'autres peines d'emprisonnement. Imaginez les coûts que cela pourrait représenter. Il est clair qu'au Québec, nous n'accepterons pas d'assumer ces coûts. Même si nous pouvons dire la même chose pour ce qui est des buts visés, il en va tout autrement pour les moyens utilisés. Nous n'allons donc pas partager ces coûts. Ils seront à leur charge, c'est certain.
Pour ce qui est des démarches que nous avons faites, j'ai rencontré M. Nicholson le 9 mars dernier. Nous avons discuté d'un bon nombre de sujets, dont celui des méga-procès, ce qui m'a amené à revenir ici pour appuyer le projet de loi. Comme je l'ai mentionné, lorsqu'un projet de loi est bon, on le dit, et lorsqu'il ne l'est pas, on le dit aussi. À cette occasion, nous avons parlé du projet de loi .
De notre côté, nous avons ensuite soumis des amendements. Nous nous sommes dit que tout le monde devait être favorable à un objectif comme la protection durable du public. Nous avons donc présenté des amendements qui cadraient avec nos 40 années d'expérience, mais ils n'ont pas été retenus dans le cadre de la dernière mouture qu'est le projet de loi C-10.
J'ai donc écrit de nouveau à M. Nicholson, de même qu'à mes homologues provinciaux, à l'ensemble des parlementaires et à tous les partis. En effet, je vois bien et je sais bien qu'il s'agit maintenant d'un processus législatif. Je souhaite vous faire part de toute l'émotion que je peux ressentir comme gouvernant — ce que vous êtes tous également — et vous rappeler l'importance de réfléchir avant d'adopter un projet de loi. On a fait abstraction des études, de la science et de la force de l'expérience de ces 40 dernières années qui a permis de faire baisser le taux de criminalité. On pourrait discuter d'une foule d'autres sujets, mais il s'agit là des statistiques.
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Je vais laisser le ministre fédéral de la Justice utiliser les mots qu'il veut utiliser. Les lettres que j'ai envoyées, notamment celles du 14 mars et du 30 septembre dernier, sont publiques. La position du Québec est donc connue. Elle était d'ailleurs partagée par ma prédécesseure, Mme Kathleen Weil, qui occupait ces fonctions auparavant. Ce n'est pas un nouveau projet de loi, il existait bien avant quand on considère la question des jeunes contrevenants. Forcément, notre position était connue. Elle est d'ailleurs connue de toutes les autres provinces.
Cela étant dit, vous me donnez l'occasion de réaffirmer au ministre fédéral de la Justice la position du Québec pour que ce soit très clair et que vous puissiez la partager tous ensemble. Nous voulons, comme vous le dites, la protection durable du Québec. D'ailleurs, la protection durable du public est inscrite dans la loi actuelle. La loi que l'on change parle de protection durable du public. Voulez-vous bien me dire pourquoi on enlève le mot « durable »? Quelle est l'idée derrière cela? Pourquoi voudrait-on une protection temporaire du public? Expliquez-moi cela.
On pourrait, en fait, commencer par ce débat: pourquoi enlever le mot « durable »? Je crois que c'est parce que l'on veut favoriser l'emprisonnement plutôt que la réadaptation, plutôt que la réinsertion. Nous ne parlons pas ici de criminels qui ont 52 ans et qui vont passer 25 ans derrière les barreaux. Nous parlons de jeunes de 15, 16 ou 17 ans qui vont forcément revenir dans la société.
Ce n'est pas de la poussière que l'on balaie sous le tapis. À un moment donné, le tapis se soulève. C'est prévu par le système qu'il y a une sortie de prison. Le tapis se soulève et la poussière revient. Parfois, il y en a plus. C'est comme une plaie infectée sur laquelle on met un pansement. Un pansement ne guérit pas, il cache la plaie. Arrive le moment où on enlève le pansement et la plaie est parfois encore plus infectée. Qu'est-ce que l'on fait?
J'ai beaucoup de respect pour les corps policiers, mais ils veulent aussi une protection durable du public. Je me permets donc de me servir de votre question pour que vous sentiez toute la vigueur et l'émotion que je mets dans mon témoignage parce que je le fais au nom des milliers d'intervenants qui s'occupent de la jeunesse délinquante existante. Ils se battent chaque jour pour faire en sorte qu'il n'y ait plus de victimes, qu'il y ait moins de victimes. C'est en s'occupant de ces jeunes agresseurs que l'on réduit le nombre de victimes. Si on ne s'en occupe pas, la porte de la prison s'ouvre et la récidive et le nombre de victimes augmentent. En voulons-nous davantage ou moins?
:
Merci, monsieur le président. Si je n'utilise pas tout mon temps, je demanderai à M. Woodworth de prendre ma suite.
[Français]
Dans un premier temps, je remercie tous les témoins d'être venus ici ce matin. Je sais que vous avez des horaires chargés. C'est important que vous soyez venus comparaître devant nous et on apprécie beaucoup votre participation.
[Traduction]
Je remercie tous les témoins d'être venus participer à cette réunion. Nous savons que vous êtes très occupés. Votre témoignage est vivement apprécié.
[Français]
Ma première question s'adresse à M. Fournier.
J'ai remarqué que vous avez mis beaucoup l'accent sur la science et les statistiques. Dans l'édition du 25 octobre 2011 du Journal de Montréal, un sondage mené par Léger Marketing dévoile que la majorité des Québécois estiment que notre système de justice est trop axé sur la réhabilitation et que 77 p. 100 croient que les crimes ne sont pas suffisamment punis.
Près de la moitié des Québécois veulent que les peines soient plus sévères pour les jeunes contrevenants. C'est ce que le sondage nous dit. Le projet de loi , qui comprend des amendements tels que proposés dans l'ancienne Loi de Sébastien, se concentre sur le traitement des 5 p. 100 de jeunes contrevenants violents et récidivistes. J'insiste sur l'aspect violent et récidiviste.
D'après vous, les jeunes contrevenants récidivistes coupables d'actes violents sont-ils traités de façon adéquate au Québec? Le système reflète-t-il actuellement la nécessité de protéger la société, de réhabiliter les jeunes et de tenir suffisamment compte des besoins des victimes?
:
Je vous suggère tout simplement de répondre à ma question: pourquoi enlever le critère de protection durable du public? Pourquoi enlever le mot « durable »?
Je suis du même avis que vous lorsqu'on voit des événements dans les journaux. Or, ni vous, ni moi, ni personne n'est favorable à la gouvernance au cas par cas.
L'opinion publique a ses droits. De notre côté, nous avons l'obligation de poser le bon geste pour l'intérêt public. Ne suivre que l'opinion publique, si nous sommes avisés que cela va à l'encontre de l'intérêt public, est-il la bonne façon de gouverner?
Or, nous avons nombre d'études, nombre d'expériences. Nous avons des années, des décennies de travail pour éviter la récidive dont vous parlez. Je ne dis pas qu'elle est éradiquée mais, je vous le fait remarquer, elle a diminué.
Lorsqu'on compare la situation du Québec avec le reste du Canada, force est d'admettre que le système fonctionne. Des juridictions internationales viennent voir ce que nous faisons.
Aujourd'hui, vous me dites que mes électeurs ne pensent pas comme moi. Je suis persuadé que si j'avais une discussion avec ces électeurs, un à la fois, je leur dirais que ma responsabilité est de m'assurer que l'intérêt public est servi, que la protection du public dure plus que le temps de l'emprisonnement et que l'on puisse s'assurer d'une société durablement civilisée. Je leur dirais aussi que lorsqu'un jeune n'apprend pas le comportement qu'il devrait adopter, il n'y a qu'une possibilité, une éventualité, à savoir qu'il répétera le comportement déviant. Pourquoi ferions-nous l'économie de lui montrer le bon comportement?
Si j'avais l'occasion de discuter avec chacun des Québécois et de leur présenter toute la science qui existe, je crois qu'ils feraient le même plaidoyer avec la même émotion que j'y mets aujourd'hui.
Par contre, je suis disposé à entendre la science, les études et les expériences que vous avez. Puisque le Québec, comme les autres provinces, est responsable de l'administration de la justice, travaillons ensemble à fournir aux citoyens du Québec et du Canada les meilleurs enseignements pour une protection durable du public. Je suis sûr que nous allons trouver un terrain d'entente.
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Ils sont en mesure d'étudier chacun des cas.
Je nous mets en garde contre l'utilisation des expressions « long terme » et « court terme ». Face à un cas, il y a un juge, et celui-ci doit prendre une décision dans un cas particulier pour une sentence particulière.
Quand je parle de durable, de court terme et de long terme, nous n'assistons pas au même débat. Quand vous enlevez le mot « durable » de la loi — avec d'autres dispositions, parce que ce n'est pas la seule —, vous favorisez la conception que la seule réponse — ou celle qui est préférée par le législateur — est l'emprisonnement, alors qu'il doit parfois y avoir d'autres solutions.
En ce moment, le législateur va perdre l'outil qu'est le pouvoir de mesurer dans tous les cas s'il y a lieu d'utiliser un autre moyen, parce que vous allez favoriser le court terme.
Le court terme, si vous me le permettez, consiste à dire, comme l'ont fait les policiers, que pendant que le jeune est en prison, il n'est pas dans la rue et la société est protégée. Quand je parle de long terme, je vous demande si vous êtes conscients qu'à un moment donné, il sortira de prison.
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Je ne peux pas dire qu'on a eu des consultations équivalentes à une commission parlementaire.
J'ai écrit au ministre Nicholson en décembre 2010. D'autres avant moi, comme la ministre Weil, avaient aussi écrit à ce sujet. C'est un dossier qui ne date pas d'hier.
J'ai indiqué alors que je souhaitais le rencontrer. Une rencontre a eu lieu le 9 mars dernier. On a échangé sur plusieurs sujets et comme les rencontres sont brèves, ce qui est normal, j'ai offert à M. Nicholson la collaboration du Québec, tout comme je l'offre encore ce matin. Je lui ai offert notamment de lui fournir des libellés d'amendement au projet de loi C-4 qui permettraient de protéger durablement le public.
Ces amendements, de toute évidence, ne se retrouvent pas dans le projet de loi C-10. Je suis donc intervenu de nouveau auprès du ministre Nicholson pour souhaiter encore une fois que ça puisse être le cas.
Ma démarche n'est pas une démarche contre M. Nicholson, ni contre le gouvernement. Je l'ai déjà prouvé par le passé. Je suis déjà venu, non pas devant un comité, mais dans les corridors, pour parler à Mme May et pour lui demander qu'un projet de loi du gouvernement conservateur puisse être adopté rapidement.
Ma démarche est donc constructive. Je la fais au nom de ceux et celles qui, par milliers au jour le jour, fréquentent la délinquance juvénile et souhaitent la transformer. Si on oublie ces gens, si on met un frein à leur travail, c'est un peu comme si on se dit qu'il n'y a pas d'issue, qu'on ne pourrait pas améliorer les comportements et qu'il n'y a que l'emprisonnement.
Imaginez-vous quel monde on aurait, avec une suite de délits, une suite de procès et une suite de victimes?
Si on veut vraiment éviter d'avoir des victimes, si on veut prévenir ou guérir la plaie sous le pansement, il faut réfléchir sur les meilleurs moyens d'y arriver. Je n'ai pas entendu jusqu'ici de justification raisonnée qui soutient notamment les éléments sur les jeunes contrevenants.
J'offre la collaboration du Québec pour qu'ensemble nous puissions étudier et analyser le tout correctement, que nous nous inspirions de la science pour éviter les victimes, pour diminuer le nombre de crimes et pour nous assurer durablement d'une protection du public. C'est tout.
Je ne suis pas en train de bouleverser le monde. Je suis en train de dire de prendre le temps de faire les choses correctement.
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Effectivement, il y a d'abord une question de coûts qui interpelle beaucoup mon collègue de la Sécurité publique.
Je crois que, lorsqu'on voudra mettre en application ce projet de loi, on va se retrouver dans une spirale d'emprisonnements.
J'écoutais le témoin représentant l'Association canadienne des policiers. Je crois que je suis obligé de dire que je ne partage absolument pas le point de vue selon lequel nous allons faire des économies. Cependant, je souligne au passage que si c'est la conviction profonde du gouvernement, alors qu'il investisse les sommes d'argent pour les places en prison puisque, semble-t-il, il va faire des économies ailleurs.
Probablement qu'on peut déjà s'entendre sur le fait que des budgets seront alloués aux provinces pour les places en milieu carcéral, pour qu'il y ait aussi plus de disponibilités avec l'ajout de juges et de procureurs et que l'on aide aussi les corps policiers — je vais plaider pour eux — afin qu'ils puissent avoir plus de moyens.
Force est d'admettre que, selon moi, ce projet de loi ne porte pas le bon titre. Les moyens qui y sont prévus, plutôt que de sécuriser, vont favoriser la récidive et multiplier les victimes. À ce moment-ci, je constate qu'on se dirige vers une spirale d'emprisonnements et de procédures et qu'il y aura des coûts additionnels, si on veut seulement parler des coûts.
Alors, on peut se renvoyer la balle à l'un et l'autre pour dire qu'on envoie des transferts. Le net de l'histoire, si vous me permettez l'expression, est qu'aujourd'hui, il y a le projet de loi . On peut bien dire que des transferts ont été donnés et je ne veux pas le nier. Je suis venu moi-même témoigner ici des bonnes intentions législatives du gouvernement relativement aux mégaprocès.
Je peux moi-même témoigner du bonheur que nous avons d'avoir réglé le dossier de l'harmonisation des taxes. On est très heureux. On conclut beaucoup d'ententes avec le gouvernement fédéral. Lorsqu'on n'est pas heureux, cela ne doit pas nous rendre muet. Il faut le dire et il faut le dire avec force et conviction quand on pense aux gens qui travaillent tous les jours avec les jeunes.
Le projet de loi vient modifier l'équilibre des budgets et notre conviction profonde. Je ne suis pas le seul à le penser. Beaucoup de gens disent que cela va engendrer des coûts additionnels. Alors, je ne fais que vous dire qu'il y a une lumière rouge et qu'on ne paiera pas. Je ne sais pas si c'est assez clair? On ne paiera pas.
Si le gouvernement fédéral est convaincu que c'est une loi économique en termes de mesure de sécurité publique, il faut octroyer les budgets pour soutenir les provinces, surtout celles qui vous disent que ça ne sera pas le cas.
Il y a deux choix. Ce que je vous propose, et c'est le but de ma visite ici — je comprend que la séance se terminera bientôt —, c'est de faire un temps d'arrêt et de regarder les études, la science et de départager les cas qui peuvent parfois être des cas de grande criminalité et de penser aussi aux jeunes. Comme cela a été souligné précédemment, il y a différents groupes. Il y a des jeunes qui sont isolés et qui ont eu un mauvais comportement pour une multitude de raisons.
On est chanceux. On vit ici dans des espaces et un climat de travail formidables. Le péril n'est pas dans cette demeure. Il y a des gens qui vivent dans les villes et villages du Canada et du Québec et qui n'ont pas la chance qu'on a eue et qui n'ont pas les familles qu'on a eues. On se demande si on veut les laisser s'engloutir dans une spirale de criminalité ou si on veut éviter qu'ils s'y retrouvent.
Alors, à la question que vous posez, je dis ceci: essayons de faire un temps d'arrêt. Voyons les bonnes façons de faire pour protéger la société, éviter qu'il y ait des victimes et essayer de rééduquer cette jeunesse délinquante. Faisons ça. On pourra par le fait même regarder combien ce projet de loi coûte de plus.
Peut-être même que le gouvernement fédéral pourrait investir pour protéger les victimes et les indemniser. J'ai eu l'occasion de parler avec le sénateur Boisvenu pour lui dire que le Québec, à lui seul, investit plus que toutes les provinces pour l'indemnisation des victimes. Le Québec n'est pas favorable à ce qu'il y ait plus de victimes, il les soutient.
Le gouvernement fédéral, qui a à coeur le sort des victimes, pourrait aussi s'engager là-dedans. Alors, il y a beaucoup de pistes pour investir de l'argent pour avoir une meilleure société qui est protégée durablement.
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Bonjour. Merci de m'avoir invitée à comparaître devant vous.
La Coalition canadienne pour les droits des enfants est un groupe de coordination national qui réunit des organismes qui travaillent avec les jeunes et le public pour promouvoir le respect des droits des enfants.
Nous aimerions formuler des suggestions reposant sur la Convention relative aux droits de l'enfant que le Canada a ratifiée en 1991.
Premièrement, nous appuyons l'amélioration de la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle dans la partie 2.
Deuxièmement, nous suggérons de supprimer la partie 4 de ce projet de loi omnibus et de ne pas prendre d'autres mesures avant que tous les parlementaires sachent exactement si ces changements sont conformes ou contraires aux obligations du Canada en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant.
Nous avons trois raisons de formuler cette recommandation.
Premièrement, le système de justice pour adolescents doit être différent du système pour adultes, comme vous en avez entendu parler aujourd'hui. Les changements proposés au système de justice pour adolescents devraient être examinés séparément pour que l'intérêt supérieur de l'enfant soit jugé prioritaire à toutes les étapes de l'étude du projet de loi.
Deuxièmement, l'évaluation de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents actuellement en vigueur n'a pas recommandé les changements proposés dans le projet de loi . Ce qui a été recommandé, c'est d'améliorer la mise en oeuvre de la loi actuelle. Aucune preuve n'a été présentée pour justifier l'adoption précipitée de ces changements sans un examen attentif de leurs conséquences.
Troisièmement, les députés n'ont pas reçu une évaluation indiquant si les changements proposés répondent ou non à leur obligation de respecter la Convention relative aux droits de l'enfant. Cela a été demandé au cours de l'examen du projet de loi , mais l'évaluation n'a pas été fournie. Ce genre d'examen est censé être fait pour tous les projets de loi touchant les enfants, selon les documents du gouvernement. Les députés devraient savoir si ce projet de loi répond à leur obligation de veiller à ce que les droits des enfants soient respectés au Canada.
Je voudrais vous offrir notre analyse. Nous estimons que la partie 4 viole les articles 3, 37, 39 et 40 de la Convention relative aux droits de l'enfant. Il y a des documents supplémentaires du comité sur le sujet ainsi que des normes internationales supplémentaires. D'autre part, le Canada a reçu des recommandations, en 2003, à l'égard du système de justice pour adolescents. Elles seront probablement formulées de nouveau lorsque le Canada fera l'objet d'un examen, en 2012.
L'article 37 de la convention prévoit que la détention doit « n'être qu'une mesure de dernier ressort, et être d'une durée aussi brève que possible ». Le projet de loi élargira le recours à la détention au-delà de toute notion couramment acceptée de dernier ressort. Les révisions proposées aux définitions d'infractions graves et violentes ont une portée trop vaste et vont probablement entraîner la détention d'un plus grand nombre d'adolescents pour des crimes moins graves. Je peux donner des exemples précis.
L'article 40 exige que la loi pénale tienne compte de la nécessité de « faciliter la réintégration de l'enfant dans la société et de lui faire assumer un rôle constructif au sein de celle-ci ». Le projet de loi change l'orientation de la loi vers la réinsertion et la réintégration en ajoutant la dissuasion et la dénonciation dans les principes de détermination de la peine pour les jeunes contrevenants. Je me reporte ici au mémoire du Dr Nicholas Bala et à celui que vous avez reçu d'UNICEF Canada. Ils fournissent largement la preuve que la dissuasion n'est pas efficace pour les jeunes.
Le projet de loi exige que les jeunes soient détenus séparément des adultes, ce qui est conforme à la convention et nous en sommes satisfaits. Mais il n'exige pas que les établissements de détention pour adolescents offrent le genre de programmes propres à faciliter la réintégration de l'adolescent dans la société et à le préparer à assumer un rôle constructif, comme l'exige la convention.
L'article 40 protège le droit de l'enfant au respect de sa vie privée et nous estimons que le projet de loi viole cette disposition.
L'article 39 requiert une intervention précoce pour les jeunes qui entrent en conflit avec la loi et qui ont été victimes de négligence.
Enfin, l'article 3 exige que les États fassent de l'intérêt supérieur de l'enfant une considération primordiale. Ce principe n'est pas cité dans le projet de loi .
Pour passer rapidement à nos recommandations, nous jugeons préférable de supprimer la partie 4 jusqu'à ce que vous obteniez une évaluation détaillée et complète des droits de l'enfant. Cette évaluation se traduira, nous en sommes convaincus, par les recommandations suivantes: reconnaître le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant; ne pas modifier l'article 38.2 pour ajouter la dissuasion et la dénonciation; réviser les définitions des actes graves et violents et maintenir l'interdiction de publication du nom des jeunes contrevenants.
Merci.
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Bonjour. Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. Je fais partie d'Étudiants canadiens pour une politique raisonnable en matière de drogue ou CSSDP. Nous sommes un réseau national de sections dirigées par des jeunes et des étudiants qui se préoccupent de la consommation de drogue. Comme vous, nous aspirons à des collectivités plus sûres et plus saines pour tout le monde au Canada.
Je vais essayer de vous résumer brièvement notre mémoire. Je pense que vous avez seulement reçu une page. Il en manque plusieurs autres. Je vais essayer de résumer ce qui figurait dans les autres pages et je vous les ferai parvenir plus tard.
En raison des préoccupations énumérées dans notre mémoire, la recommandation principale de CSSDP est que les dispositions du projet de loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances soient retirées. Il est évident que ce projet de loi ne sera pas efficace. Tout semble indiquer qu'il causera des torts sociaux et financiers à la société.
Si ce n'est pas possible, CSSDP recommande également des modifications touchant certains articles. Ce sont ceux qui, à notre avis, auront le plus d'effets sur les jeunes.
La justification donnée pour ce projet de loi est qu'il cible les trafiquants de drogue. CSSDP ne croit pas que ce soit le cas. Les dispositions du projet de loi qui sont censées cibler les vrais trafiquants étendent, en fait, le filet à tous ceux qui se feront attraper. Au lieu des barons de la drogue, cette loi jettera en prison des délinquants primaires et des petits trafiquants.
La loi fait une distinction qui n'existe pas toujours entre le consommateur et le trafiquant. Ce n'est pas une stratégie efficace ou viable. Le projet de loi a été justifié comme une étape nécessaire pour protéger les jeunes. CSSDP croit que cette loi causera plus de torts que de bien aux jeunes. Par exemple, la clause visant à faire cesser le trafic dans les écoles est libellée de façon si vague qu'elle vise les jeunes où qu'ils se trouvent. Si l'on ajoute à cela la suppression du pouvoir discrétionnaire du juge, on obtient une stratégie inefficace et non viable. Le fait de donner une pilule d'ecstasy à un copain peut vous valoir une peine fédérale de deux ans. Avec un tel scénario, les torts causés par la loi l'emportent sur les torts causés par la drogue.
Certains ont fait valoir que ce projet de loi envoie le bon message au sujet des substances illicites. CSSDP ne croit pas que ce soit vrai. On n'envoie pas le bon message en ignorant les faits et la réalité; on n'envoie pas le bon message en perpétuant au lieu de corriger une mauvaise stratégie à l'égard de la drogue.
Rien dans le projet de loi ne créera de barrières efficaces entre les substances qui sont actuellement illégales et les jeunes. Rien dans la loi ne préviendra les tragédies causées par la consommation de drogue. Cela n'envoie pas le bon message. Cette partie du projet de loi fera plus pour promouvoir l'injustice que la justice.
CSSDP croit que pour envoyer le bon message aux jeunes, il faudrait abandonner ce projet de loi pour se lancer dans une discussion plus large sur la réforme de la politique à l'égard de la drogue.
Pour résumer les pages que vous n'avez pas vues aujourd'hui, nos préoccupations fondamentales sont le manque de preuves démontrant que cette loi aura des effets positifs. L'élimination du pouvoir discrétionnaire du juge dans le processus de détermination de la peine nous préoccupe énormément. Les facteurs aggravants prévus dans cette loi ne limitent pas et ne ciblent pas son application. L'incarcération n'est pas une bonne stratégie de lutte contre la drogue chez les jeunes. L'augmentation des peines pour la possession d'une plus grande quantité de drogue n'est pas une bonne stratégie antidrogue. Rien dans ce projet de loi ne permettra d'éviter des tragédies causées par la consommation de drogue.
Sur ce, je vous remercie encore une fois de votre attention. Bien entendu, vous aurez tout le temps de poser des questions.
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Merci, monsieur le président et membres du comité.
Étant donné le temps limité dont nous disposons aujourd'hui, mes observations porteront seulement sur la partie 2 du projet de loi qui concerne la détermination de la peine.
Le système de justice pénal et le système correctionnel du Canada doivent répondre aux besoins de tous les Canadiens, et pas seulement à ceux des criminels et des groupes d'intérêt particulier. Pour être vraiment efficaces, ces systèmes doivent être transparents et prévisibles, mais surtout, les Canadiens doivent les percevoir comme tels. Si ce n'est pas le cas, cela sape tout simplement leur efficacité et diminue donc leur capacité de fonctionner.
Je me suis toujours inquiété de la perte de confiance dans le système de justice, surtout chez les jeunes Canadiens. Le manque de confiance dans le système et l'impression qu'il est injuste sapent la confiance dans nos tribunaux et ont de dangereuses conséquences, notamment une importante sous-dénonciation des activités criminelles.
Nos tribunaux existent et fonctionnent uniquement parce que les gens ordinaires qui sont victimes de la criminalité dénoncent les crimes commis contre eux et leurs proches et sont prêts à dire la vérité quand on leur demande de témoigner. Si les choses ne se passent pas ainsi, à cause d'une méfiance ou d'un manque de confiance, la conséquence inévitable est que le système cessera de fonctionner. Les dispositions du projet de loi concernant la détermination de la peine représentent un début pour rétablir la confiance.
Je ne vis pas dans le monde aseptisé de la recherche universitaire ou des statistiques. Je vis dans le monde réel. Je sais ce que c'est qu'être victime. J'ai vu les résultats de la criminalité sur des familles canadiennes innocentes. Nous avons la responsabilité de protéger les valeurs qui nous sont les plus chères: le droit à la vie, à la sûreté et à la sécurité. Nous devons garantir des communautés saines et sûres où les familles respectueuses des lois peuvent s'épanouir et prospérer à l'abri de l'intimidation et de la peur et nous devons rétablir la conviction que les criminels devront payer pour leurs crimes.
Au cours des 12 dernières années, j'ai rencontré des victimes, leurs familles, les policiers et le personnel du système de justice. Ils ont toujours exprimé leur désarroi face à la loi actuelle qui ne prévoit pas de peines minimales pour les récidivistes ou des peines sévères pour les criminels violents et face à une justice qui permet que les criminels entrent et sortent de prison « comme dans un moulin ».
J'espère que les dispositions du projet de loi concernant la détermination de la peine fourniront aux tribunaux les outils, les lignes directrices et la prévisibilité qui les aideront à prendre des décisions pour assurer la sécurité de tous les Canadiens tout en préservant nos valeurs et nos principes. La détermination de la peine ne concerne pas seulement le crime commis, le criminel reconnu coupable ou les tribunaux. Cela concerne les simples citoyens, les survivants et les victimes de crimes violents.
La peine infligée doit refléter la gravité du crime et doit avoir pour effet de dissuader et de dénoncer. Mais surtout, elle doit clairement démontrer aux Canadiens que la vie des victimes a également de la valeur. Les peines trop légères et les peines de détention à domicile imposées dans les cas de violence, de pornographie juvénile, de trafic de drogue et d'agression sexuelle envoient actuellement un message très clair aux Canadiens. On leur fait comprendre que leur vie, ainsi que la vie et l'avenir de leurs enfants sont sans valeur ou ont moins de valeur que la vie des criminels.
J'ai vu trop de familles innocentes être victimisées une seconde fois par des peines trop indulgentes ou une détention à domicile qui permettent à leurs agresseurs de retourner dehors pour aller faire d'autres victimes.
Le projet de loi ne vise pas à punir les jeunes trouvés en possession d'un joint ou quelqu'un qui commet une erreur innocente. Il vise le crime organisé, les prédateurs et les fabricants et distributeurs de drogues qui détruisent des vies innocentes et la qualité de vie au Canada, pour leur bénéfice personnel.
Le principal problème que causent les dispositions actuelles du Code criminel visant la détermination de la peine est qu'il n'y a pas de système. Il y a des principes directeurs très généraux, mais pas de normes dans le Code criminel canadien et peu de renseignements statistiquement valides à la disposition des avocats et des juges. Cela crée donc de l'incertitude et des disparités qui deviennent maintenant la norme nationale. Les crimes doivent être punis et la punition doit être prévisible.
Bien des gens, y compris les parents des jeunes contrevenants, déplorent que leurs enfants aient peu de conséquences à subi, voire aucune, pour avoir enfreint la loi, ce qui les porte à croire qu'il est acceptable au Canada d'avoir des activités criminelles. Il y a des années, les prisons étaient appelées des « pénitenciers », ce qui signifie pénitence ou punition. Nous les appelons maintenant des « établissements correctionnels » où nous réadaptons ou cherchons à corriger les comportements criminels. Cependant, le recours à la détention à domicile en cas de comportement criminel va à l'encontre de cette initiative. Les experts de renommée mondiale en comportement criminel ou en psychologie à qui j'ai parlé me disent qu'il faut en moyenne trois années d'intervention clinique pour modifier un comportement criminel. La libération anticipée ou la détention à domicile ne donneront aucun résultat si notre véritable objectif est la réinsertion.
Nous reconnaissons que les peines infligées peuvent inévitablement entraîner une hausse des coûts, mais ce n'est pas bien important à côté des pertes subies par les victimes et leurs communautés. Nous sommes convaincus que la « prévisibilité des conséquences » aidera à réduire la criminalité et à accroître les efforts de réinsertion. Nous le devons à nos enfants.
Enfin, nous reconnaissons que les victimes de crime ne jouent pas un rôle actif dans le système de justice canadien. Il faudrait au moins que leurs opinions soient entendues ici aujourd'hui.
Merci.
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Excellent. Merci beaucoup et merci de m'avoir invitée.
Je m'appelle Elizabeth Pousoulidis et je suis la présidente de l'AFPAD qui est l'Association des Familles des Personnes Assassinées ou Disparues.
Il est très difficile pour nous, les victimes, de venir parler de ce que nous avons vécu, mais il est très important que nous le fassions. Sinon, rien ne changera pour nous.
Je suis ici aujourd'hui en tant que présidente de l'AFPAD. C'est aussi en tant que fière Québécoise et Canadienne. Nous appuyons entièrement le projet de loi . Si nous l'appuyons, c'est parce qu'avant que quelqu'un tue quelqu'un, avant qu'un meurtre ne soit commis, il y a des signes d'activité criminelle. Il y a un « dossier » criminel très épais, comme j'ai entendu le juge le dire. Avant que les victimes, les gens comme moi, ne perdent un proche, il existe une possibilité d'éviter que les meurtriers causent cette douleur et deviennent des meurtriers.
Ce que je constate dans le projet de loi C-10, et c'est pourquoi je m'en réjouis, c'est que finalement, le Canada va être plus sévère envers les criminels. Quiconque s'imagine que la possession de drogue ou un crime jugé mineur n'a pas de répercussions sur les meurtres et les disparitions criminelles se trompe. Il suffit de vérifier les statistiques concernant tous les meurtriers et le nombre de fois où ils ont eu maille à partir avec la justice.
Je félicite mon pays, le Canada, de respecter la vie humaine. Bien souvent, quand une personne est assassinée, nous l'oublions. On ne pense qu'aux criminels, au système justice, aux droits des victimes, etc.
Ma province, le Québec, appuie ce projet de loi à 77 p. 100 d'après le dernier sondage réalisé par Le Journal de Montréal. La province de Québec sait parfaitement ce qu'est le projet de loi C-10. J'ai parlé à un grand nombre de membres de mon association, mais aussi à d'autres personnes qui assistent à nos événements et qui comprennent pourquoi le Canada devient plus sévère à l'égard des criminels.
M. Wamback a mentionné de nombreuses familles et nous en connaissons un bon nombre. Nous recevons beaucoup d'appels téléphoniques parce qu'elles ne savent pas à qui s'adresser. Ce sont des parents, des mères qui ne savent pas quoi faire de leurs enfants lorsqu'ils tournent mal et font malheureusement de nombreux séjours en prison. C'est aux parents d'assumer cette responsabilité et de veiller à ce que leurs enfants soient en sécurité. Je veux dire par là qu'ils doivent veiller à ce qu'ils ne commettent pas de nouvelles infractions.
Les membres de mon association et d'autres personnes disent que si leur enfant avait été arrêté avant ou s'il avait passé un peu de temps en prison après avoir été arrêté, ou s'il avait pu, pendant ce temps, travailler à sa réinsertion, il serait peut-être encore vivant aujourd'hui.
Quand nous parlons des coûts de cette loi, je vous implore de parler avec les victimes des coûts qu'elles subissent lorsqu'un membre de leur famille est assassiné. Cela a un coût non seulement pour les victimes, mais en fin de compte, pour les contribuables. Si je ne travaille pas, je ne paie pas d'impôts. Nous devons également tenir compte de cet aspect des coûts lorsque nous discutons de savoir combien cette mesure coûtera à notre système, à notre gouvernement.
Je suis moi-même une victime. J'ai vu ma mère enterrer son enfant. Aucun de nous ne pouvait travailler, mais nous avons tous été forcés d'aller au travail pour faire face à nos obligations financières. Nous avons tous des blessures qui ne guériront jamais et nous avons donc le devoir d'appuyer cette loi et d'en parler, aussi difficile cela soit-il.
Je félicite le gouvernement. Je vous remercie infiniment. Je me sens un peu plus en sécurité au Canada.
Merci.
Aux termes de la loi, tel que cela a été présenté au comité, le trafic peut être défini non seulement comme la vente, mais également comme le fait de donner, de partager ou de se faire passer un joint. Je sais que cela a été mentionné à plusieurs reprises. Toutes ces activités tomberaient sous le coup du projet de loi en raison de ces dispositions.
Si cette loi est adoptée, nous recommandons que la vente n'entraîne une peine minimale obligatoire que s'il y a une transaction financière. Les jeunes obtiennent le plus souvent la drogue par l'entremise de leurs réseaux de copains, ce qui veut dire leurs amis et les gens qu'ils fréquentent dans leurs classes. Ce n'est pas toujours un revendeur ou le voyou qui traîne dans les terrains de jeux ou les personnages caricaturaux dont on parle.
Cela nous préoccupe, car les facteurs aggravants du projet de loi élargissent la définition en disant que c'est n'importe quel endroit que les adolescents fréquentent. Si vous allez à une fête et que vous partagez une pilule ou s'il y a une petite quantité de drogue répondant à la définition du trafic, cela déclenche la peine minimale obligatoire.
Je ne cherche pas à minimiser la gravité de ce genre de choses. Il s'agit d'examiner d'un oeil critique si la peine de prison obligatoire est la bonne stratégie pour faire face au problème et nous croyons que non.
Cela répond-il à votre question?
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins et à les remercier.
Avant de poser des questions, je désire clarifier deux choses.
Un témoin a dit craindre que nous n'adoptions trop vite ces dispositions, sans les examiner, particulièrement en ce qui concerne les jeunes contrevenants. Afin que tous ceux qui nous écoutent sachent à quoi s'en tenir, je tenais à mentionner qu'au cours de la législature précédente, il y a eu 16 séances du Comité de la justice portant sur ces dispositions auxquelles des dizaines de témoins ont comparu et que le ministre de la Justice y avait des représentants pour entendre et examiner tous ces témoignages. Bien entendu, il y a aussi les réunions que nous tenons depuis le début de cette législature, depuis un peu plus de trois mois, et où l'on a fait également comparaître des dizaines de témoins.
Je tiens aussi à aborder la question des peines minimales. En fait, l'article 39 de la loi en vigueur prévoit précisément l'inverse, à savoir que les juges ne peuvent pas mettre des adolescents en prison à moins que certaines conditions ne soient remplies ce qui va, selon moi, totalement dans le sens de ce que le procureur général du Québec a mentionné tout à l'heure. Aucune disposition ne prévoit une peine minimale obligatoire pour un adolescent.
Monsieur Wamback, j'apprécie particulièrement de vous voir de retour. Je siégeais au comité lorsque vous avez comparu avant et j'apprécie toujours quand les témoins qui ont vécu une tragédie viennent au comité. Je sais qu'il n'est pas facile de penser à ce qui s'est passé, mais c'est très important pour nous.
Je crois, monsieur Wamback, que vous avez à un moment donné lancé une pétition demandant que quiconque est accusé d'un crime violent soit jugé dans un tribunal pour adultes. Cette pétition mentionnait le cas de Clayton McGloan, un jeune de 17 ans, de Calgary, qui a été tué de multiples coups de poignard après avoir été attaqué un soir d'Halloween, en 1998, et aussi celui de Dimitri Baranovski, 15 ans, tué à coups de pied dans un parc de Toronto. Dans ces deux cas, les coupables avaient moins de 18 ans.
Je ne me trompe pas au sujet de cette pétition?
M. Joe Wamback: Oui, je l'ai lancée.
M. Stephen Woodworth: Je crois aussi que l'idée de cette pétition vous est venue lorsque vous étiez dans un couloir d'hôpital à vous inquiéter du sort de votre fils Jonathan. Je sais que c'est un peu difficile, mais parlez-nous, si vous voulez bien, de votre expérience. Comment vous a-t-elle conduit à lancer cette pétition et en quoi se rapporte-t-elle plus précisément aux dispositions du projet de loi C-10 que vous appuyez?
En ce qui concerne les jeunes contrevenants, je pense que le projet de loi C-10 est un début. Il ne va certainement pas aussi loin que je le souhaiterais. Je voudrais qu'il soit plus proactif. Je voudrais qu'il insiste plus sur une intervention précoce auprès des enfants à risque.
Nous avons aujourd'hui les instruments permettant de les repérer. Il nous manque simplement la volonté politique voulue pour décider de les orienter vers une vie productive.
Cette pétition, que j'ai lancée pendant que mon fils était grièvement blessé, a été signée par 1,3 million de Canadiens, des gens exaspérés de ne pouvoir rien faire, de voir que la loi ne les soutient pas, que notre gouvernement ne les soutient pas ni eux ni leurs enfants s'ils sont victimes d'un jeune âgé de moins de 18 ans.
Ceux qui ont blessé mon fils sont retournés à l'école le lendemain. Ils sont retournés à l'école avec une réputation de courage plus grande qu'avant d'avoir blessé mon fils, parce qu'ils se sont vantés de ce qu'ils avaient fait. C'est d'ailleurs comme cela qu'ils ont été attrapés.
La sanction ultime, après la dépense de 4,5 millions de dollars sur l'argent des contribuables et près de quatre ans devant les tribunaux, a été une peine de cinq mois et demi.
Les coupables, que je ne peux pas nommer parce qu'ils ont été condamnés en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, ont continué à s'attaquer à d'autres jeunes pendant qu'ils étaient libérés sous condition. Lorsqu'ils ont été arrêtés de nouveau, ils ont présenté une carte de crédit au juge de paix.
Voilà le respect que les jeunes qui sont prédisposés à avoir un comportement violent ont pour le système de justice pénale de notre pays.
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Je vous remercie beaucoup de poser cette question.
Bien entendu, les membres de mon association appuie le projet de loi. Ils le font en connaissance de cause. Ils savent que lorsqu'on s'inquiète trop des droits des criminels, de ne pas les offenser et de veiller à ce qu'ils aillent bien… Finalement, ils ont tué leurs enfants.
J'aimerais dire que j'ai parlé à tous nos membres, mais nous savons tous que je représente les personnes assassinées, les personnes disparues. Oui, nos membres appuient la loi. Oui, ils s'en réjouissent. Oui, ils nous ont adressé beaucoup d'appels téléphoniques pour dire qu'ils étaient très satisfaits après avoir reçu notre communiqué. Et oui, un de nos membres, Mme Lacasse, s'est battue énergiquement pour une des lois que contient le projet de loi .
À part cela, comme notre association est bien connue au Québec, les gens nous confondent parfois avec le 911. Nous recevons beaucoup d'appels de gens qui demandent de l'aide et nous les aidons. Nous recevons beaucoup d'appels téléphoniques, surtout de mères qui veulent notre avis au sujet de la justice et comment elles peuvent aider leurs enfants délinquants.
Elles savent que leur enfant est un délinquant. Elles savent ce qu'il fait. Mais chaque fois que leur enfant va en prison, elles le font sortir immédiatement. Une des principales difficultés d'être parent, d'après ce qu'elles nous disent, c'est qu'elles doivent elles-mêmes prendre le téléphone pour dire: « Mon fils est en train de… »
C'est vraiment difficile à faire pour un parent. Nombreux sont ceux qui ne le font pas eux-mêmes.
Par conséquent, à part nos membres, qui soutiennent entièrement le projet de loi, et Mme Lacasse, qui a été la championne d'une des lois qui sont là, les autres personnes à qui nous avons parlé le soutiennent également.