:
Je vous remercie. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de m'adresser au comité.
Je vous parle au nom des victimes. Je représente le Canadian Centre for Abuse Awareness. Je suis moi-même une victime. Je peux vous expliquer, à ce titre, ce qui arrive quand un enfant subit une agression sexuelle. Il y a 20 ans, je menais une vie destructive et j'avais des tendances suicidaires. Cela me fait penser à une autre personne dont vous vous souviendrez sans doute, Martin Kruze, qui a été victime de violences sexuelles aux Maple Leaf Gardens. Il a été l'un des premiers parmi les 200 hommes qui ont parlé en public de leur situation de victimes. Son agresseur, Gordon Stuckless, a été condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans moins un jour. Martin s'était alors suicidé. Je regrette de dire que les survivants ont des problèmes de dépression et de toxicomanie et, malheureusement, qu'il leur arrive souvent de se suicider.
Il y a sept ans, nous avons tenu des tables rondes un peu partout en Ontario pour discuter de recommandations visant à protéger les enfants. Il y avait des procureurs de la Couronne, des agents de police, des travailleurs de première ligne. Pour les organismes de première ligne, les peines minimales constituent la première priorité.
Nous travaillons dans les prisons, où près de 85 p. 100 des femmes ont été victimes d'agressions sexuelles. Dans le cas des hommes, je crois que le pourcentage est encore plus élevé. Bien sûr, des milliards de dollars sont consacrés chaque année aux soins de santé.
Je crois fermement qu'il est impossible de réadapter un pédophile. Dans ces conditions, j'estime que la peine minimale devrait être encore plus longue. Grâce à ce projet de loi, je suis un peu encouragée parce que j'ai l'impression qu'une personne qui n'en est qu'aux tout premiers stades — comme regarder de la pornographie juvénile sur Internet — pourrait être dissuadée d'aller plus loin et peut-être de s'attaquer à un enfant.
J'ai siégé au comité consultatif de la magistrature. Nous avons recommandé quelques très bons juges. Avec tout le respect que je leur dois, je dois dire que les juges n'appliquent pas la loi telle quelle. Je crois fermement que les peines minimales sont absolument nécessaires. Le Canada a la réputation d'être un endroit où les pédophiles aiment venir, à cause de notre système judiciaire. Je crois vraiment que ce projet de loi dissuadera ces gens de venir chez nous.
J'aimerais aller encore un peu plus loin. Je voudrais qu'à part les peines minimales, nous ayons une surveillance électronique des délinquants après leur libération. À l'heure actuelle, par exemple, Gordon Stuckless se promène librement quelque part. Nous ne savons pas où il est. La surveillance est efficace. Les autorités de la Floride s'en servent. Les délinquants purgent une peine minimale, puis sont surveillés à leur sortie.
Je suis très encouragée de voir que nous nous engageons sur la voie des peines minimales. Pour les victimes, cela signifie que leur vie a une certaine valeur. Comme victime, je peux vous dire que nous attendions cela depuis longtemps. Nous sommes une organisation nationale. Nos campagnes de sensibilisation à cette question ont suscité d'excellentes réactions. J'encourage le comité à aller plus loin. J'espère que ce projet de loi n'est qu'une première étape et qu'il nous sera possible d'allonger les peines minimales plus tard en y ajoutant la surveillance électronique. Comme nous travaillons auprès des victimes, nous sommes en contact avec des enfants exposés à la drogue et avec des chefs de police. Nous travaillons sur une loi prévoyant l'établissement de refuges sûrs. Comme victime travaillant dans ce domaine au nom de toutes les victimes, je peux vous dire que cela est absolument nécessaire. Je veux être en mesure d'enlever aux juges le pouvoir de prononcer des peines avec sursis.
Merci beaucoup. Je vous suis reconnaissante de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
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Bonjour. C'est pour moi un plaisir d'être ici aujourd'hui. Je ferai ma présentation en anglais, mais vous pourrez me poser des questions en français.
[Traduction]
Bonjour. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de présenter des observations sur le projet de loi , et particulièrement sur la partie 1 relative à la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme.
Le Centre consultatif des relations juives et israéliennes se félicite de la décision du gouvernement de déposer à nouveau la Loi sur la sécurité des rues et des communautés dans le cadre du projet de loi . Comme la plupart d'entre vous le savent probablement, cette mesure précise a été conçue il y a sept ans, puis est tombée à l'eau et a été réintroduite à plusieurs reprises. Nous espérons que, grâce à votre détermination, elle sera finalement adoptée.
Avant d'aborder le cœur du sujet, je tiens à saluer la persévérance et le dur labeur de ceux qui ont conçu cette mesure, et particulièrement la Coalition canadienne contre le terrorisme et ses bénévoles, Danny Eisen, Maureen Basnicki, et Sheryl Saperia. Je suis également encouragé par le fait qu'au fil des ans, les diverses versions de cette mesure ont généralement bénéficié de l'appui de tous les partis politiques.
En principe, la communauté juive organisée, au nom de laquelle je parle, appuie fortement cette importante mesure de soutien des victimes du terrorisme. Dans le pays, la communauté juive a été la cible de complots terroristes. Vous vous souviendrez sans doute qu'en août 1999, deux membres d'une cellule algérienne de Montréal ont envisagé de faire sauter un camion-citerne chargé d'essence dans un secteur de la ville fréquenté par un grand nombre de juifs orthodoxes. La communauté a également été la cible d'actes de violence à motivation politique. En avril 2004, par exemple, une bombe incendiaire a été lancée sur une école juive de Montréal.
Hors du Canada, une jeune femme juive, Marnie Kimmelman, a été tuée en juillet 1990 par une bombe tuyau pendant qu'elle était assise sur une plage en Israël.
À titre de communauté à risque, nous croyons que les victimes canadiennes du terrorisme devraient être autorisées à engager des poursuites au civil contre ceux qui commettent et appuient des actes de terrorisme, même s'il s'agit d'États étrangers. Nous espérons que ce projet de loi jouera un rôle dissuasif pour prévenir les actes de terrorisme futurs contre des citoyens canadiens. Cela étant dit, nous croyons que certaines modifications peuvent le rendre plus efficace, comme l'a expliqué mardi matin Mme Basnicki, de la Coalition canadienne contre le terrorisme.
Notre première préoccupation concerne le paragraphe 4(2) qui traite de l'accès des victimes d'actes de terrorisme aux tribunaux canadiens dans le cas des actes commis à l'étranger. Dans sa forme actuelle, la disposition est ainsi libellée: « Le tribunal n'est toutefois compétent que si l'affaire a un lien réel et substantiel avec le Canada. »
Nous craignons que ce libellé ne soit trop ambigu. Nous aimerions qu'il soit précisé pour que l'accès aux tribunaux soit garanti à tout citoyen canadien ou résident permanent.
Notre deuxième préoccupation découle du fait que le projet de loi ne permet de poursuivre que les États qui soutiennent une entité inscrite. Comme l'a noté Mme Basnicki mardi, cela mettrait à l'abri les pays qui commettent directement des actes de terrorisme en recourant à des organismes d'État, comme dans le cas de la Libye et de l'attentat de Lockerbie. Même si la plupart des pays tels que l'Iran ont tendance à confier l'exécution de leurs actes de terrorisme à des agents comme le Hezbollah ou le Hamas, il n'est pas inconcevable que l'Iran, par exemple, recoure à sa Garde révolutionnaire pour mener des attaques directes.
Pour éviter les procès frivoles, nous sommes favorables aux deux propositions figurant dans le mémoire de la Coalition canadienne contre le terrorisme ainsi que dans le projet de loi d'initiative parlementaire déposé par Irwin Cotler.
Par ailleurs, le projet de loi ne permet d'intenter des poursuites contre un État étranger que s'il soutient une entité inscrite au sens du paragraphe 83.01 du Code criminel. Malgré toute notre confiance dans la procédure d'inscription, nous devons noter qu'elle est souvent longue et que de nombreuses organisations terroristes commettent des actes sous des noms d'emprunt ou en recourant à d'autres entités qui ne sont pas encore inscrites. Pour combler cette lacune du projet de loi et empêcher des États et des organisations terroristes d'échapper à leurs responsabilités en masquant leurs activités, nous proposons de modifier l'alinéa 4(1)b) en y ajoutant les « groupes terroristes agissant sous les ordres d'une entité inscrite ou de concert avec elle ».
Notre troisième préoccupation porte sur la causalité. Comme beaucoup d'actes terroristes se produisent inévitablement à des endroits où il serait difficile, sinon impossible, de trouver des preuves reliant des fonds ou de l'aide à un attentat terroriste particulier, nous sommes d'avis qu'une simple preuve du soutien d'un État à une entité inscrite impliquée dans l'attentat devrait suffire pour établir la responsabilité. Par conséquent, nous appuyons les recommandations formulées à cet égard par la Coalition canadienne contre le terrorisme.
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Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité.
Ce matin, pendant que j'embarquais dans l'avion, j'ai pensé au fait que le Conseil canadien des avocats de la défense célébrera son 20e anniversaire l'année prochaine. Au fil des ans, nous avons toujours été heureux des nombreuses occasions que nous avons eues de nous présenter devant le comité pour l'aider dans la mesure du possible à examiner des projets de loi.
À titre d'avocat de la défense, je sais que vous avez entendu des témoins vous faire part de certaines préoccupations concernant quelques aspects du projet de loi. Pour ma part, j'estime que cette mesure contient des dispositions importantes et positives. Nous nous félicitons par exemple de l'examen quinquennal ainsi que de l'affirmation du fait que le terrorisme ne sera pas toléré. J'appuie en outre les observations présentées par mon ami, M. Cooper.
Nous sommes également très heureux de voir dans le projet de loi une disposition — je crois que c'est à l'article 43 — prévoyant un programme de traitement de la toxicomanie, qui permet au juge d'envisager autre chose qu'une peine minimale obligatoire. Bien sûr, comme vous le savez, nous nous inquiétons de ces peines, qui limitent les pouvoirs discrétionnaires des juges.
Toutefois, le message le plus important que je voudrais vous transmettre aujourd'hui est le suivant. Au cours d'une carrière de près de 40 ans, je n'ai jamais été témoin d'un mouvement aussi intense que celui que connaît actuellement le pays dans le domaine de la santé mentale. En écoutant la police, les juges, les procureurs de la Couronne, les avocats de la défense, les témoins, les dirigeants du pays et les membres du public — nous avons à cet égard le merveilleux exemple du programme « Cause pour la cause » de Bell Canada —, nous pouvons nous rendre compte que nous sommes devenus des chefs de file en matière de santé mentale. Il n'est pas difficile d'en attribuer le mérite au gouvernement, qui s'est montré proactif en créant la Commission de la santé mentale.
En mai, j'ai eu le privilège d'assister à la conférence Building Bridges organisée par Justice Canada et Justice Alberta. Cette rencontre a réuni des représentants de tout le secteur, des victimes aux agents de police et des avocats de la défense aux médecins, qui sont venus discuter de la santé mentale et de ses effets sur le système de justice pénale. Le y a également participé.
Le principal point dont je voudrais vous parler aujourd'hui est le suivant: le projet de loi ne traite pas spécifiquement de la santé mentale. Au nom du Conseil, je voudrais vous dire avec respect qu'il est extrêmement important en ce moment d'aborder cette question. Le projet de loi présente des principes louables — visant à assurer la sécurité des rues et des communautés —, mais il ne parle pas du tout de la santé mentale. Quel que soit votre parti, quelle que soit la région que vous représentez, quelle que soit votre discipline, nous avons tous une chose en commun: nous nous soucions de la santé mentale.
Nous sommes donc très reconnaissants de voir l'article 43 dans le projet de loi. Je considère cet article comme une disposition d'exception relative à un programme de traitement de la toxicomanie. Elle s'inscrit bien dans les principes et l'objet du projet de loi, qui visent à assurer la sécurité des rues. Je peux vous dire que la communauté des organismes de sécurité est à l'origine de l'un des mouvements de leadership les plus impressionnants dans le domaine de la santé mentale et du traitement des toxicomanies. Nous proposons d'ajouter au projet de loi une disposition, que je vous soumets. J'en ai laissé un exemplaire au greffier. Pour rédiger cette disposition, nous nous sommes inspirés des articles et du libellé du projet de loi.
En voici le texte:
a) Après qu'une personne a été reconnue coupable d'une infraction pour laquelle une peine minimale est prescrite, la cour peut, si elle est convaincue que l'état mental de cette personne exige des soins, différer la sentence afin que la personne reçoive des traitements ou participe à un programme pour santé mentale approuvé par le procureur général;
… ce qui permet l'intervention des provinces, et…
b) Si la cour est convaincue que la personne a suivi avec succès le programme mentionné à l'alinéa a) ou que le programme pour santé mentale se poursuit, il n'est pas nécessaire d'imposer la peine minimale prescrite à l'égard de l'infraction pour laquelle la personne a été condamnée.
Cette disposition fait pendant à l'article 43. Elle ne modifie pas l'objet du projet de loi, mais reconnaît le fait que la santé mentale est une chose que nous devons prendre en considération, une chose à l'égard de laquelle, encore une fois, le gouvernement a fait preuve de leadership. Je vous demande d'examiner cette disposition dans le cadre de votre examen du projet de loi.
Merci beaucoup.
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Mesdames et messieurs du comité, bonjour. Je m'appelle Joanne Jong.
Mon père, un agriculteur âgé de 88 ans, autonome, actif, lucide, en pleine santé, a été torturé et exécuté par deux dépravés sanguinaires. Ils ont ensuite caché le corps de mon père et fait disparaître toutes les traces de leur carnage. Heureusement, ils ont été contraints d'abandonner l'étape suivante de leur plan sadique, soit la dissection du corps en vue de disperser les restes.
Mon père, comme les autres honnêtes citoyens victimes de crimes violents, a été la cible innocente de truands. Il n'a pas couru après. Toute sa vie, il a contribué au bien collectif de la société. Il a été attaqué chez lui, en plein jour. Sa vie s'est achevée d'une manière abominable, ces atrocités lui ayant été infligées par les tueurs dont l'un était un mineur et l'autre venait tout juste d'atteindre ses 18 ans.
En tant que victime, je suis soulagée de constater que le gouvernement prend des mesures législatives afin d'assurer la protection des citoyens. La Charte canadienne des droits et libertés nous confère le droit à la vie et à la sécurité, et le gouvernement, par le présent projet de loi, prend ses responsabilités afin de soutenir ces droits. Le respect de la vie et de la sécurité est une valeur fondamentale de notre société, et personne ne peut s'arroger le droit de tuer un autre être humain.
Les tueurs font le choix de tuer. Absolument rien ne justifie les tueries. Il va sans dire qu'en tuant, les tueurs font des victimes: non seulement la personne qu'ils tuent, mais également les proches de cette personne. Nous, les victimes, ne sommes pas victimes par choix. Nous devenons victimes à la suite des choix faits par d'autres et des crimes qu'ils commettent. C'est une peine à vie que nous purgeons.
C'est à titre de victime que je comparais devant le comité afin de commenter le projet de loi, particulièrement les articles au sujet des tueurs. Bref, je ne retirerais rien du projet de loi à l'étude, car il vise les crimes les plus graves et les criminels les plus dangereux qui soient. Au contraire, je le bonifierais.
Je trouve très important le fait de dévoiler l'identité des accusés de meurtre, même dans le cas des mineurs, car il est impératif de protéger la vie et la sécurité des citoyens contre les individus les plus violents et les plus dangereux de la société, quel que soit leur âge. Je suis tout à fait favorable à cette proposition contenue dans le projet de loi .
Si certaines mesures contenues dans le projet de loi visant les adolescents avaient été en vigueur, mon père serait encore de ce monde. En effet, ses tueurs ont commencé leur carrière criminelle par de nombreuses entrées par effraction et de nombreux vols de voiture pour lesquels ils n'ont pas pu être traduits en justice.
La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents permet aux provinces de recouvrer auprès de l'adolescent ou de ses parents le montant des honoraires versés à l'avocat qui le défend. Je trouve que ce recouvrement devrait être rendu obligatoire.
En ce qui concerne la notion de victimes d'actes criminels dans la législation fédérale, j'aimerais m'assurer qu'elle englobe la famille immédiate, soit les grands-parents, parents, enfants et frères et soeurs, dans les cas de meurtre.
Le prononcé des sentences vise plusieurs objectifs, dont entre autres celui d'assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité.
Le dédommagement doit donc faire partie intégrante de la sentence. Présentement, le dédommagement n'est que facultatif et est imposé que si le montant peut être facilement déterminé. Il est important pour les victimes que le dédommagement et les réparations des torts deviennent des composantes obligatoires de toute sentence.
À l'article 54 du projet de loi, intitulé « Objet et principes », j'ajouterais à la loi l'article 3.2 qui établirait le dédommagement et la réparation des préjudices comme étant un principe fondamental de la justice réparatrice.
Ce principe de justice réparatrice devrait constituer le premier point de l'article 55 du projet de loi, intitulé « Plan correctionnel ». Comme le criminel prisonnier a la possibilité d'effectuer du travail rémunéré, la valeur de son travail servirait à payer les dommages et réparations auxquels l'a condamné le tribunal. Il ne devrait pas avoir le droit à la libération tant qu'il n'aurait pas payé le montant de l'ordonnance en totalité, car le non-respect d'une telle ordonnance devrait être considéré comme un outrage au tribunal.
Lorsqu'on dit que les tueurs doivent payer leurs dettes à la société, cette obligation doit être prioritaire. Pour moi, le fait que le tueur se retrouve derrière les barreaux à passer son temps à regarder la télévision, à jouer aux cartes ou à recevoir de la visite, ne correspond pas au principe de payer sa dette envers la société.
En ce qui a trait au pardon, je trouve impératif qu’il n’y en ait pas pour les tueurs, et ce, afin de protéger la vie et la sécurité des citoyens contre les individus les plus violents et les plus dangereux de la société.
De plus, il faut que les tueurs soient automatiquement déclarés délinquants dangereux, et ce, dès la première condamnation, car tuer un autre être humain est le pire crime de tous, et il est impératif de protéger la société de ces criminels.
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Merci, monsieur le président. Je voudrais aussi remercier tous les témoins d'être venus nous faire part de leur point de vue.
Madame Campbell, je vous remercie de nous avoir raconté votre histoire et de nous avoir fait connaître vos vues.
Je suis très conscient des conséquences d'une agression sexuelle pour les victimes. Je représente un grand nombre de personnes qui ont été sexuellement agressées par les Frères des Écoles chrétiennes dans un orphelinat de Terre-Neuve, dans les années 1990.
En parlant de sentences, vous avez mentionné la peine minimale que nous avons ici. Certains agresseurs ont écopé de peines allant jusqu'à 13 ans d'emprisonnement, qui ont été confirmées en appel. Il n'y a certainement pas eu de clémence, parce que le tribunal a tenu compte des circonstances et des effets sur les victimes. Tout cela est possible dans le système de justice actuel. Je crois que cela devrait vous réconforter dans une certaine mesure. Il y a évidemment des cas particuliers qui suscitent des plaintes dans le public.
M. Trudell nous a aidés en signalant la question de la maladie mentale, qui constitue aussi un facteur important pour les délinquants. J'ai justement reçu hier un document de la Société pour les troubles de l'humeur du Canada qui présente des statistiques sur la proportion de femmes détenues dans nos prisons qui ont été victimes de violences physiques ou sexuelles: 72 p. 100 des femmes purgeant une peine de ressort provincial, 82 p. 100 des femmes purgeant une peine de ressort fédéral et 90 p. 100 des femmes autochtones purgeant une peine de ressort fédéral. Par conséquent, en plus des souffrances — dont vous avez parlé et que nous connaissons tous — liées aux toxicomanies, au trouble de stress post-traumatique et à ce qui entoure tout cela, beaucoup de femmes finissent en prison à cause de ce qui leur est arrivé.
Nous avons le leurre par Internet. En fait, nous appuyons certaines des dispositions du projet de loi qui sont conçues pour combattre le leurre. Je dois ajouter que j'ai proposé hier une motion à la Chambre des communes pour retirer du projet de loi les dispositions concernant la violence sexuelle à l'endroit des enfants afin de les faire adopter très rapidement à la Chambre et au Sénat, où elles ont déjà fait l'objet d'études. D'autres aspects du projet de loi sont controversés. Certains témoins nous ont dit qu'ils peuvent augmenter la criminalité au lieu de la réduire. Nous devons les examiner d'une façon claire et approfondie.
On me dit que le gouvernement s'y est opposé, soutenant que la motion était frivole. Je ne suis vraiment pas d'accord.
Je voudrais cependant vous demander s'il y a des choses que nous devrions examiner en particulier en matière de prévention. En criminalisant le leurre par Internet et le fait de montrer de la pornographie à des enfants, nous pourrions arrêter les agresseurs avant qu'ils ne s'attaquent à leurs victimes. Y a-t-il autre chose que nous et la société pourrions faire pour prévenir la violence sexuelle et le crime en général?
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Absolument. La prévention fait partie du mandat de notre organisme, le Canadian Centre for Abuse Awareness. Nous faisons des progrès dans ce domaine. Apprendre aux enfants les règles de sécurité et aux parents, la façon de mettre en garde leurs enfants fait maintenant partie des programmes d'études dans les écoles.
La pornographie juvénile sur Internet est l'un de nos grands problèmes. Elle augmente constamment. Par exemple, Holly Jones était une petite fille qui rentrait de l'école. Son meurtrier était un homme qui regardait de la pornographie juvénile sur Internet. Ce fut un crime de situation. Holly était là par hasard, et cet individu en a profité.
J'ai l'impression que la pornographie est tellement présente sur Internet et qu'il y a tant de gens qui participent que certaines personnes qui ne se seraient normalement pas attaquées à des enfants finissent par le faire. C'est un peu comme la drogue. Après un certain temps, comme on va de plus en plus loin, on finit par agir.
Au sujet de la prévention, oui, absolument, nous sommes d'accord avec vous. Nous devons protéger nos enfants à tout prix. Par conséquent, la prévention joue un rôle énorme. Lorsqu'on a affaire à une forme de dépendance sexuelle, une fois qu'une personne a franchi une certaine limite, comme l'a dit mon ami ici, c'est un problème de santé mentale. On a alors un double diagnostic et on parle de dépendance.
C'est très compliqué. Quoi qu'il en soit, que pouvons-nous faire pour protéger les enfants? Tout d'abord, condamner les responsables. Nous devons débarrasser nos rues de ces gens.
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Je vous remercie infiniment. Je remercie également les membres du comité de m'avoir permis de commenter le projet de loi et d'exprimer mon point de vue.
On entend souvent des critiques au sujet des coûts de la mise en application du projet de loi . Je ne perçois pas ces sommes comme étant des coûts, mais plutôt comme un investissement visant la protection de notre vie et de notre sécurité, des garanties conférées par la Charte. Mes impôts se trouveront bien investis. De plus, ce que ces critiques oublient de mentionner, c'est qu'en protégeant mieux les citoyens contre les pires criminels, les coûts associés à la victimisation, à la perte de productivité, diminueront substantiellement. En imposant aux criminels des ordonnances de dédommagement et en recouvrant les frais d'avocat auprès des responsables, les coûts diminueront encore davantage.
J'aimerais souligner que, selon un sondage qui a été publié, 77 p. 100 des Québécois trouvent que les crimes ne sont pas assez punis.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président. Je remercie aussi les témoins de leur présence.
Monsieur Trudell, je trouve intéressante la modification ou la disposition que vous proposez au sujet de la santé mentale.
Vos 40 ans d'expérience sont évidemment inappréciables. J'ai pu constater, lorsque j'étais avocat au criminel, que j'étais devenu insensible aux réalités de ce que les Canadiens attendaient et de ce que les juges imposaient. Je vois à votre réaction et à votre hochement de tête que vous comprenez. Je suis sûr que vous avez éprouvé la même chose.
Proposez-vous de réduire la peine de ces gens? Par exemple, si quelqu'un qui a sexuellement agressé un enfant est envoyé suivre un traitement mental pendant trois mois, le juge devrait-il tenir compte de cette période et imposer une peine sensiblement inférieure au minimum obligatoire que le gouvernement veut imposer?
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Merci, monsieur le président.
Je voudrais aussi féliciter les témoins. Madame Campbell et madame Jong, vous êtes vous-mêmes des victimes, et deux autres témoins représentent aussi les victimes d'une façon ou d'une autre.
Je voudrais également féliciter M. Cooper pour l'exposé qu'il a présenté sur un sujet très difficile. Les gens se demandent pourquoi les Canadiens n'ont pas un recours civil contre les auteurs d'actes terroristes. Je crois qu'il est important de signaler un fait que les gens ne comprennent pas toujours, à savoir que la Loi sur l'immunité des États protège les gouvernements étrangers, leurs agents et ceux qui commettent des actes terroristes en leur nom contre les recours civils. Le projet de loi comporte un élément très important qui modifie la Loi sur l'immunité des États pour remédier à une situation anormale. Si un État étranger manque aux obligations qu'il a souscrites dans un contrat, il y a une exception commerciale qui permet un recours au civil. Par contre, si un État étranger est impliqué dans un acte terroriste contre des Canadiens, que ce soit directement ou par l'intermédiaire d'agents, il n'y a pas de recours civil. Par conséquent, dans sa forme actuelle, la loi, non par intention mais par voie de conséquence, fait passer les États étrangers auteurs d'actes terroristes avant les droits des Canadiens. Je tiens donc à vous féliciter, monsieur Cooper, pour votre exposé et pour avoir précisé aussi succinctement les recours dont nous avons besoin.
Compte tenu des contraintes de temps, je voudrais demander à M. Trudell de poursuivre ce qu'il disait au moment où il a fallu qu'il s'interrompe.
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La principale réserve, c'est que les jeunes délinquants, même quand certains d'entre eux commettent des crimes haineux, demeurent des personnes qui, nous le reconnaissons, ont besoin de conseils et de protection et ne peuvent pas assumer autant de responsabilités que les adultes. Nous ne leur permettons pas de voter, ce qui témoigne de l'existence d'une certaine différence.
L'une des choses qui nous préoccupent est que les jeunes n'ont pas de discipline. Ils assouvissent directement leurs désirs sans réfléchir et sans penser aux conséquences. Il est difficile de les punir pour cela. Nous croyons que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents constitue une mesure législative remarquable dont le pays et tous les partis qui y ont contribué peuvent être fiers. Nous craignons que des changements touchant l'esprit de la loi ne portent atteinte à cette mesure législative qui a eu un succès remarquable.
Nous comprenons qu'il soit nécessaire, d'un point de vue parlementaire, d'y apporter certaines modifications mineures. Toutefois, d'autres aspects du projet de loi nous inquiètent. Il y a par exemple la définition d'« infraction grave ». J'ai dit dans mes mémoires concernant le projet de loi qu'il serait important d'ajouter l'adverbe « délibérément », par exemple à l'alinéa 167(3)c), pour qu'on puisse y lire « met délibérément en danger la vie ou la sécurité d'une autre personne ». « Délibérément » implique non seulement une connaissance directe, mais aussi une insouciance ou un aveuglement délibéré, par opposition à l'acte considéré en soi.
La dénonciation est évidemment importante, mais si, en la faisant figurer dans le projet de loi, on change ce qui a été fait ces dernières années, il est à craindre que la loi ne s'oriente dans la mauvaise direction. Il y a évidemment des jeunes qui commettent des infractions horribles qui attirent particulièrement l'attention, mais cela se produit dans chaque mauvais cas. Nous ne pouvons pas faire des lois fondées uniquement sur les mauvais cas.
Nous sommes donc préoccupés par le changement de la teneur d'une loi dont nous ne pouvons que vous féliciter parce qu'elle a donné des résultats remarquables partout dans le pays.
:
Merci, monsieur le président.
Ce que vous nous racontez est épouvantable, madame Jong. Pour reprendre la question de M. Woodworth, à mon avis, on ne peut pas y attribuer une valeur pécuniaire. On ne peut pas associer un coût aux conséquences pour vous et pour les victimes. Il n'y a pas de prix pour ça. Je me tue à dire aux gens de ne pas essayer d'y associer un signe de dollar. Ce n'est pas du tout ce qui est en jeu dans le dossier du projet de loi . Une vie, ça n'a pas de prix. Les victimes vont souffrir de ça toute leur vie.
Quand je regarde les deux témoins, c'est-à-dire Mme Jong et Me Trudell, je vois tout l'enjeu du projet de loi C-10: comment concilier deux concepts extrêmement importants? Je n'arrive pas à dire si l'un est plus important que l'autre.
On parle avec les gens dans les communautés à propos des jeunes en difficulté et des problèmes de santé mentale. J'en parle avec les gens de Gatineau que je représente. J'ai animé une tribune téléphonique à la radio où les problèmes de santé mentale dans la région représentaient le sujet du jour. Les statistiques à cet égard sont assez épouvantables. Au même moment, certains procès se déroulaient au criminel, comme le cas Turcotte, que tout le monde a suivi au Québec. On se demande encore aujourd'hui ce qui s'est passé, comment un père a pu tuer ses enfants et s'en sortir sans peine. Ça nous exacerbe. Quand on entend de telles histoires, on a quasiment envie d'envoyer ces gens à la pendaison. Or, ce n'est pas ce qu'on veut.
Alors, comment réussit-on à concilier ces concepts?
[Traduction]
Vous proposez de tenir compte de la santé mentale, mais il y a des gens qui s'en tirent après avoir commis des crimes épouvantables. Qu'avez-vous à dire au public qui est tellement inquiet ou qui croit que les peines infligées ne sont pas assez sévères?
:
Nous sommes dans une période très intéressante en ce qui concerne la collaboration au sein du système de justice pénale.
Il y a par exemple les émissions-débats. Les gens parlent. On peut penser à la campagne Cause pour la cause de Bell Canada. Les gens parlent des problèmes et de la santé mentale.
Nous n'avons pas suffisamment expliqué aux gens comment fonctionne le système de justice pénale. Les gens s'imaginent qu'il y a des criminels qui échappent à la justice et que les juges sont beaucoup trop cléments. Si chacun essayait de collaborer avec les autres pour expliquer où nous avons commencé, où nous en sommes et pour parler de la nature des problèmes, je crois que nous commencerions à comprendre les circonstances tragiques que vivent les victimes.
Je dois vous dire que le niveau de coopération et de collaboration entre la police, les avocats de la défense, les tribunaux, les procureurs de la Couronne et les groupes de défense des victimes ont sensiblement augmenté dans les deux dernières années. À mesure que chacun comprend le point de vue de l'autre et que la communication s'établit, je crois que nous verrons des changements qui réduiront le nombre des histoires tragiques que nous entendons.
:
C'est bien ce que je voulais dire.
[Français]
Vous dites donc qu'ils ne peuvent pas être réhabilités. Je tends à penser comme vous, sérieusement, sur ce sujet. Cela ne vient pas de moi personnellement.
À l'émission que j'animais à l'époque, on avait parlé d'un cas qui s'était produit dans la communauté. La question de la castration avait été soulevée. Je ne veux pas m'étendre sur ce sujet, c'est une tout autre histoire. Bref, pendant l'émission, un pédophile a appelé. C'est une chose que je n'oublierai jamais. Tu discutes de pédophilie, puis une personne appelle et se proclame pédophile. Elle nous a dit que, peu importe ce qui arriverait, c'était quelque chose en elle. C'est quelque chose qu'on peut peut-être contrôler.
Je trouve que la pédophilie est un des crimes les plus épouvantables et les plus abjects dans la société. On touche à des enfants et ils ne peuvent pas riposter. J'ai une inquiétude à l'égard des infractions liées à la pédophilie. Comment peut-on régler ce problème dans un système qui impose des peines? Comment une peine minimale peut-elle avoir l'effet désiré?
Si on dit que la personne ne peut pas se réhabiliter, je pense que ça prend plus qu'une peine. Ça prend autre chose. Je reviens à cette personne qui avait appelé à l'émission de radio. Elle se demandait ce qu'elle pourrait faire lorsqu'elle sortirait de prison. Elle affirmait qu'elle s'était littéralement sortie de la société, qu'elle s'était installée dans un coin où elle n'était en contact avec personne. Elle s'était sortie volontairement de la société.
Que fait-on?
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Je vous remercie, monsieur le président et membres du comité, de m'avoir permis de me présenter devant vous aujourd'hui pour vous exposer notre point de vue sur le projet de loi.
Je dirai, très brièvement, que je suis l'ancien ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels et que je travaille actuellement pour les Services aux victimes d'Ottawa. Le projet de loi contient des dispositions que nous appuyons, et particulièrement le renforcement des droits des victimes dans le cadre de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Ce sont là des améliorations que de nombreux défenseurs des victimes préconisaient depuis un certain temps déjà. On en avait parlé pour la première fois en 2000, je crois, dans le rapport du comité sur cette loi. Elles avaient été officiellement présentées dans le cadre de modifications semblables par l'ancien gouvernement libéral en 2005. Bref, nous attendions depuis longtemps que ces dispositions se concrétisent.
Je sais que l'ombudsman actuelle a parlé du rapport de son bureau concernant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ainsi que de certaines autres améliorations. J'encourage les membres du comité qui ne l'ont pas encore fait à jeter un coup d'œil à ce rapport au cours de l'examen du projet de loi.
J'appuie en outre les dispositions concernant les victimes du terrorisme. Je ne prétends pas comprendre les aspects complexes et subtils de ce processus et, en toute franchise, je ne sais pas si sera utile à beaucoup de ces victimes, mais j'appuie le principe. Je sais que certains de mes amis qui ont été victimes d'actes terroristes appuient ces dispositions. Je veux donc me joindre à eux.
Notre plus grande préoccupation au sujet du projet de loi porte sur les attentes qu'on suscite chez les victimes. J'ai entendu le témoignage de quelques-uns de mes bons amis, dont Sharon Rosenfeldt et Yvonne Harvey. Je crois que le gouvernement a parlé du projet de loi comme d'un autre pilier de son engagement envers les victimes du crime, affirmant que cette mesure renforcerait leurs droits. Je ne suis pas de cet avis. Travaillant en première ligne et ayant l'occasion de discuter de ces enjeux avec de nombreux collègues et membres de nos réseaux, je trouve que les questions abordées dans le projet de loi ne sont pas celles qui reviennent le plus souvent lorsque nous parlons des problèmes quotidiens des victimes d'actes criminels.
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Les questions dont nous parlons — je dis « nous » pour désigner les collègues du domaine qui travaillent au même titre que moi — ne sont pas celles qui sont abordées lorsque j'assiste à des réunions. L'une de nos préoccupations, dans cette période de ressources limitées — nous savons tous quelles difficultés financières notre pays connaît actuellement —, c'est que nous ne sommes pas sûrs que c'est l'utilisation la plus judicieuse des ressources si l'objectif est d'aider les victimes du crime. Je veux parler ici, par exemple, des dispositions relatives aux peines à infliger aux délinquants sexuels.
Permettez-moi de dire au témoin précédent que beaucoup des gens ciblés par ce projet de loi ne sont pas en fait des pédophiles. Ceux qui commettent des infractions contre des enfants ne sont pas nécessairement tous des pédophiles. Beaucoup de ceux qui s'attaquent à leurs enfants ou à des membres de leur famille ne sont pas des pédophiles et ne présentent qu'un très faible risque de récidive. Nous pourrons peut-être revenir là-dessus au cours de la période des questions. Toutefois, nous utilisons cinq fois plus de ressources pour punir les délinquants que nous n'en consacrons aux centres de défense des droits des enfants, qui pourraient en fait contribuer à la guérison du cœur et de l'esprit de ces victimes. Je crois que c'est un aspect important.
Je n'ai pas encore vu — car j'ai assisté à un certain nombre d'audiences — des preuves concluantes pouvant me persuader que le projet de loi assurera à long terme une plus grande sécurité aux victimes ou à la société. Le problème, pour moi, c'est qu'on présente le projet de loi comme un pilier de l'engagement envers les victimes alors qu'à part les dispositions que j'ai mentionnées au début de mon exposé, je n'y vois pas grand-chose qui puisse changer la vie de tous les jours des gens qui ont été victimes d'actes criminels.
J'ai entendu parler du coût de la victimisation. Le coût du crime est un énorme fardeau pour les victimes. Encore une fois, je ne vois rien dans le projet de loi qui puisse atténuer, par exemple, le fardeau de Mme Harvey, qui a parlé de ce que lui a coûté le meurtre de sa fille. Une fois de plus, j'aurais bien aimé que le gouvernement tienne sa promesse d'il y a un an et demi de rendre obligatoire la suramende compensatoire. Voilà qui permettrait vraiment d'améliorer les services communautaires offerts aux victimes et peut-être de renforcer des programmes d'indemnisation pouvant atténuer certaines de ces préoccupations.
Il y a un autre aspect du projet de loi qui me dérange. C'est la notion qu'il renforcera les droits des victimes. La recherche nous a appris que si nous faisons participer les victimes aux discussions dès les premiers stades, si nous les renseignons sur le fonctionnement du processus et ce qui arrive dans leur cas, si nous leur permettons de s'exprimer et écoutons ce qu'ils ont à dire quand elles expriment leur point de vue, elles seront beaucoup plus satisfaites, même si les peines prononcées ne sont pas celles qu'elles attendaient. Nous savons, par exemple, grâce aux déclarations des victimes, que l'un des facteurs qui jouent le plus grand rôle dans la satisfaction des victimes, c'est le fait pour le juge de reconnaître le préjudice qu'elles ont subi, même si la peine infligée ne correspond pas à leurs attentes.
Je crains fort, compte tenu du témoignage de James Chaffe, de l'Association canadienne des juristes de l'État, que la charge de travail des procureurs de la Couronne ne devienne beaucoup plus lourde. Ils auront à s'occuper d'un plus grand nombre de procès, de transactions pénales et de suspensions d'instances. Cela n'aidera pas les victimes qui demandent justice.
Enfin, pour terminer rapidement, monsieur le président, je dirais que la majorité des victimes d'actes criminels ne portent pas plainte. Ce projet de loi ne donnera aucun réconfort à la majorité d'entre elles.
J'ai comparu hier devant un comité du Sénat qui examinait le projet de loi C-46 adopté dans les années 1990 pour protéger les dossiers des victimes d'agressions sexuelles. Les témoins qui étaient là et qui représentaient tous des services de première ligne ont tous convenu que les peines infligées n'ont pas vraiment d'effets sur la décision des victimes de porter plainte ou non. La peine ne joue aucun rôle lorsqu'une femme doit décider si, oui ou non, elle va signaler un crime. Il y a tant d'autres obstacles.
Je suis d'avis que nous devrions utiliser les ressources limitées dont nous disposons pour aider les collectivités et renforcer les programmes susceptibles de contribuer à la guérison des victimes. Je crains fort que ce projet de loi ne soit pas très utile à cet égard.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président et membres du comité.
Je voudrais commencer par remercier chacun d'entre vous de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui au sujet de cette très importante mesure législative.
Je m'appelle Barry MacKnight. En sus de mes fonctions à l'Association canadienne des chefs de police, je dirige le Service de police de Fredericton, au Nouveau-Brunswick.
En 2007, l'ACCP a adopté une politique antidrogue élaborée par le Comité sur la sensibilisation aux drogues que je dirige. Cette politique définit la position de l'ACCP sur cet important problème national qui a des incidences directes sur la vie quotidienne des Canadiens.
Au-delà des souffrances imposées aux Canadiens par la consommation et l'abus de drogues, les meilleures études produites par le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies montrent que le coût social des drogues illégales s'élève à 8,2 milliards de dollars par an au Canada.
Permettez-moi de vous présenter un bref aperçu de la politique antidrogue de l'ACCP. Nous croyons qu'une approche équilibrée de cette question est nécessaire pour affronter les problèmes causés par la drogue. Elle comprend des mesures de prévention, de sensibilisation, d'exécution de la loi, de counseling, de traitement, de réadaptation et, au besoin, des mesures de rechange et de déjudiciarisation. Nous croyons à l'établissement d'un continuum équilibré de pratiques dans chacun de ces éléments.
De plus, les composantes de la politique doivent être fondamentalement légales et éthiques, tenir compte des intérêts de tous et viser l'équilibre entre les intérêts de la société et de l'individu. Nous estimons aussi que les initiatives doivent, dans toute la mesure du possible, être fondées sur des faits éprouvés.
Nous croyons fermement que la prévention est la composante la plus importante. La sensibilisation aux drogues et le développement positif des jeunes destiné à raffermir la résistance à la consommation, comme élément régulier et soutenu des programmes d'études scolaires, sont impératifs.
Nous sommes attachés à des pratiques d'exécution de la loi ciblant l'infrastructure criminelle qui appuie et perpétue le cycle du crime, de la violence et des désordres ainsi que la victimisation des citoyens les plus vulnérables de nos collectivités.
Nous appuyons l'exercice de pouvoirs discrétionnaires par la police de chaque collectivité, mais nous croyons qu'il faudrait insister sur la mise en vigueur des lois interdisant la possession et la consommation illégale de drogues, lorsque ceux qui en consomment se comportent d'une manière nuisible ou entravent l'utilisation légale de biens publics ou privés et contribuent à des désordres de rue. Nous croyons en particulier que les lois devraient être mises en vigueur de façon prioritaire dans les parcs, dans les écoles et aux alentours ainsi que dans d'autres lieux où se tiennent des personnes vulnérables, et surtout des enfants et des jeunes.
Nous appuyons différentes stratégies de réduction des préjudices dans la société. Dans le passé, nous avons soutenu avec certaines réserves des activités qui réduisent les préjudices, comme les programmes d'échange de seringues, par exemple. Nous avons admis que la réduction des préjudices est nécessaire pour appuyer des objectifs de santé publique, comme la réduction des taux de transmission du VIH et de l'hépatite, et pour prévenir les surdoses de drogues. Toutefois, la réduction des préjudices ne devrait constituer qu'une mesure temporaire pour empêcher ceux qui ont une dépendance de contracter une maladie, de se faire eux-mêmes du mal ou de mourir avant d'avoir eu l'occasion d'accéder à un traitement de désintoxication.
Certaines initiatives conçues pour réduire les préjudices peuvent entrer en conflit avec des activités d'exécution de la loi conçues pour assurer la sécurité publique. Par conséquent, nous croyons qu'il faut gérer et atténuer ces effets en collaboration avec des partenaires de la collectivité.
Les traitements réduiront le nombre de personnes ayant une dépendance ainsi que les comportements liés à la toxicomanie qui nuisent à la société, comportements auxquels la police doit consacrer des ressources précieuses et limitées. Nous appuyons les programmes établis par voie législative et suffisamment financés, comme les tribunaux de traitement de la toxicomanie et d'autres initiatives qui facilitent la mise en œuvre de programmes de traitement imposés.
Les modifications de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances prévues dans le projet de loi correspondent bien à l'objectif de l'ACCP consistant à s'attaquer aux crimes liés à la drogue qui ont le plus d'incidences sur nos collectivités. Ces modifications transmettent aux Canadiens un message clair indiquant que les crimes graves entraînent de graves conséquences.
Les circonstances aggravantes se passent de commentaires: infractions commises pour le compte d'une organisation criminelle, infractions commises à l'aide d'armes ou mettant en cause l'utilisation ou la menace de violence, infractions commises par des personnes ayant déjà été incarcérées pour des crimes liés à la drogue, infractions commises dans des écoles ou aux alentours, infractions commises en prison et infractions commises avec la participation d'un enfant.
Les modifications proposées constituent un aspect opportun d'une approche équilibrée qui doit, en fin de compte, définir notre réaction collective aux crimes liés à la drogue au Canada. La sécurité de nos agents de police et bien sûr celle de l'ensemble des citoyens dépend d'une mise en œuvre réussie de cette approche équilibrée.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie d'avoir organisé tout ceci. Je sais que les délais ont été très courts pour nous tous, mais je suis heureuse d'avoir l'occasion de comparaître.
Je représente l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry. Nous avons au Canada 26 sociétés membres qui dispensent des services aux femmes et aux filles victimisées, marginalisées, criminalisées et incarcérées.
Comme de nombreux Canadiens, nous nous inquiétons beaucoup du coût de ce projet de loi. Nous craignons que la mise en vigueur de toutes ces mesures n'entraîne des dépenses de plusieurs milliards de dollars. Nous nous interrogeons en fait sur la façon dont tout cela sera financé.
Je voudrais remercier les témoins qui m'ont précédée, M. Sullivan et M. MacKnight. Nous appuyons bien sûr leur point de vue, de même que celui de groupes tels que l'Association du Barreau canadien et d'autres témoins.
Nous sommes extrêmement préoccupés par l'orientation de ce projet de loi, qui vise à recourir davantage à l'emprisonnement, qui vise en fait à faire un recours sans précédent à l'incarcération, et par le fait que ces mesures risquent de réduire d'autres services et ressources. Le projet de loi intensifiera le surpeuplement des prisons et enverra dans les établissements pénitentiaires davantage de femmes, davantage de personnes souffrant de maladie mentale et particulièrement des Autochtones. Cela nous inquiète à l'extrême.
Le Canada a une longue et fière histoire comme défenseur des droits de la personne et comme pays ayant un système fort de justice pénale, réputé pour compter parmi les meilleurs du monde. Nous risquons de perdre tout cela. Nous avons pris une orientation qui a été rejetée par de nombreuses administrations des États-Unis. Pourtant, nous avançons résolument sur cette voie.
Au lieu de parler des différentes parties du projet de loi, qui ont déjà fait l'objet d'excellents exposés de la part des témoins qui ont comparu devant le comité, je préfère vous présenter une modification que nous proposons. Elle se base sur le fait que beaucoup de détenus — comme l'ont reconnu depuis longtemps ceux qui dirigent les prisons — ne sont pas nécessairement violents, ne représentent pas un danger pour la sécurité publique et ont été condamnés surtout à cause d'autres problèmes comme la maladie mentale ou la pauvreté. Si ces gens ont commis des infractions criminelles et ont été condamnés, nous devrions leur donner l'occasion de purger leur peine et d'être tenus responsables dans la collectivité, de façon à ne pas alourdir davantage le fardeau des contribuables.
Nous savons que la plupart des services qui seront développés grâce à ce projet de loi sont des services de police et des prisons fédérales et provinciales. Nous savons que deux des projets de loi déposés au cours de la dernière session ont déjà eu des conséquences pour au moins 150 ou 160 femmes, d'après les estimations du Service correctionnel du Canada. Ce sont là des augmentations importantes parce que le nombre de femmes qui purgent des peines du ressort fédéral est relativement petit. Nous sommes déjà témoins des effets du surpeuplement, qui s'accentue à mesure que les nombres augmentent.
J'ai visité un établissement d'Edmonton le week-end dernier. J'ai pu moi-même constater qu'il était surpeuplé. Les responsables ont dû placer des détenues dans le parloir. Ils ont dû recourir à l'occasion aux salles d'entrevue et même au gymnase.
Nous savons que le Québec a déjà exprimé des réserves, de même que le Nunavut, la Colombie-Britannique et d'autres provinces. Nous proposons que les modifications prévues dans le projet de loi soient suspendues jusqu'à ce que nous puissions connaître le coût complet de cette mesure omnibus. Nous devons savoir comment elle sera financée par les provinces, les territoires et chacun des ministères fédéraux intéressés. Nous devons comprendre clairement le prix de chaque partie du projet de loi et de chaque réforme qui y est prévue. Il faut que le Parlement puisse donner aux contribuables l'assurance que tous ces coûts seront assumés sans dépasser la pleine capacité des établissements pénitentiaires et sans réduire les autres ressources dont nous disposons actuellement.
Nous proposons donc cette modification. Nous demandons avec respect qu'elle fasse partie du projet de loi et que celui-ci ne soit ni promulgué ni mis en vigueur avant que toutes les provinces, tous les territoires et les ministères fédéraux touchés n'aient confirmé que ces mesures sont abordables. Autrement, ce serait une violation des obligations fiduciaires des députés envers les contribuables du pays, obligations qui leur imposent d'avoir une connaissance claire et transparente des coûts et des incidences que ces mesures auront sur nous à l'avenir.
Je vous remercie.
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Je vous remercie. Je m'appelle Justin Piché. Je suis professeur adjoint de sociologie à l'Université Memorial. Je suis également candidat à un doctorat en sociologie de l'Université Carleton. Je dois défendre le mois prochain une thèse portant sur l'augmentation de la capacité carcérale et sur les facteurs qui la conditionnent en ce moment.
Je compte vous présenter aujourd'hui quelques-unes de mes conclusions, qui figurent, avec les références nécessaires, dans le mémoire intitulé Accroissement de la capacité carcérale au Canada, que j'ai remis au greffier de votre comité. J'essaierai d'être bref.
Avant le dépôt du projet de loi , les provinces et les territoires avaient déjà prévu ces dernières années de consacrer près de 3,4 milliards de dollars à la construction de 22 nouvelles prisons et à l'agrandissement de 17 autres afin d'ajouter plus de 6 300 nouvelles places pour les détenus. La plupart de ces projets d'infrastructures carcérales ont été entrepris pour remédier au surpeuplement persistant des établissements découlant d'une augmentation massive du nombre et de la proportion de prisonniers attendant d'être jugés dans les prisons provinciales et territoriales au cours des 15 dernières années.
D'après les renseignements les plus récents que j'ai pu obtenir, les seules provinces qui aient tenu compte dans leurs projets des peines de ressort fédéral sont Terre-Neuve-et-Labrador, l'Île-du-Prince-Édouard et l'Ontario.
Le projet de loi contient de nombreuses mesures — comprenant d'autres restrictions sur l'admissibilité à l'emprisonnement avec sursis et des peines minimales obligatoires de moins de deux ans pour des infractions liées à la drogue — qui peuvent entraîner une augmentation sensible de la population carcérale dans les établissements provinciaux et territoriaux. Si ces augmentations se concrétisaient, les provinces et les territoires pourraient fort bien se retrouver à la case départ en ce qui concerne le surpeuplement des établissements, ce qui leur imposerait de construire davantage de prisons à l'avenir.
Je n'ai pas le temps d'aborder l'infrastructure carcérale fédérale dans les cinq minutes qui me sont attribuées, mais je vous demanderai si ce sont bien les installations que nous devrions construire au Canada quand de nombreux jeunes de ma génération sont en train de s'endetter lourdement pour faire des études ou n'arrivent pas à trouver du travail, quand les gens de la génération de mes parents prennent ou s'apprêtent à prendre leur retraite et quand ceux de la génération de mes grands-parents ont un besoin croissant de soins de santé.
Tout ceci a un prix que nous ne pouvons pas perdre de vue.
Au Canada, notre approche de la criminalisation et de la victimisation est coûteuse et inefficace. D'après une étude récente de Justice Canada, le coût des services de police, des tribunaux, des poursuites, de l'aide juridique, des services correctionnels et des commissions d'examen du Code criminel était estimé à 15 milliards de dollars en 2008. L'étude estime en outre que les coûts tangibles pour les victimes — en soins de santé, en biens endommagés et en perte de productivité — et pour les tiers atteignaient respectivement 14,3 et 2,1 milliards de dollars. Les auteurs de l'étude ont également tenté de mesurer le coût intangible des douleurs et souffrances et des vies perdues, l'évaluant à près de 68,2 milliards de dollars. Si nous construisons davantage de prisons inefficaces qui ne préviendront pas la victimisation à long terme, ces coûts ne feront que croître.
Peu importe que la criminalité déclarée ou non augmente, baisse ou reste stable, personne ne contestera qu'il faut faire quelque chose. Toutefois, il faut centrer le débat sur la façon de prévenir la victimisation et de répondre au mieux aux besoins uniques — mais non uniformes — de ceux qui sont affectés par les conflits et les préjudices complexes que nous appelons crimes, d'une manière efficace et humaine et de façon à utiliser le plus judicieusement possible l'argent des contribuables.
Compte tenu de son coût économique, de son inefficacité et des préjudices qu'il perpétue, l'emprisonnement devrait être utilisé comme une ressource rare qu'il convient de réserver aux incorrigibles qui constituent une menace immédiate pour la sécurité des autres. Ils pourraient alors avoir accès aux ressources dont ils auront besoin un jour pour réintégrer la société plutôt que de s'inscrire sur les longues listes d'attente qui caractérisent actuellement les prisons canadiennes.
Pour l'avenir, je recommande fortement au gouvernement du Canada de déclarer un moratoire sur les lois fédérales punitives et d'adopter une stratégie de réinvestissement dans la justice qui permettrait de réaffecter l'argent réservé à la mise en œuvre du projet de loi à des mesures communautaires de prévention de la victimisation qui s'attaquent aux racines profondes de la criminalité.
Les prisons ne sont ni des écoles ni des centres de préparation à l'emploi. Ce ne sont ni des hôpitaux psychiatriques ni des centres de désintoxication. Il est temps de mettre au rancart la notion de prison comme panacée pour investir davantage dans nos collectivités.
Entre-temps, je vous exhorte à demander, dans le cadre de votre important travail, à tous les ministres provinciaux et territoriaux de la Justice et de la Sécurité publique de comparaître devant votre comité pour préciser les incidences prévues du projet de loi sur leur système carcéral afin que nous puissions savoir à quoi nous nous engageons.
Merci aux témoins d'être parmi nous aujourd'hui. Ma première question s'adresse à M. Piché.
Dans mon comté, il y a trois pénitenciers fédéraux, dont l'un est l’Établissement de Sainte-Anne-des-Plaines, qui subit déjà un agrandissement dont le coût est de 10 millions de dollars. Cet agrandissement est fait tout simplement pour permettre l'adaptation aux changements qui ont déjà eu lieu et pour accommoder le nombre de criminels qui doivent présentement y être incarcérés.
Vous avez parlé d'autres programmes en vigueur dont les coûts sont très élevés. D'ailleurs, dans les provinces et les territoires, on a prévu des agrandissements au montant de 209,9 millions de dollars et des constructions au montant 3,1655 milliards de dollars. Quant au gouvernement fédéral, il a prévu des coûts de développement qui s'élèvent à 601 millions de dollars.
Je voudrais savoir combien de temps il faudra et combien d'argent il en coûtera aux gouvernements provinciaux et fédéral pour faire ce développement et pour s'adapter aux mesures qui devront être mises en oeuvre en vertu du projet de loi ? Aussi, entretemps, quel sorte d'environnement aurons-nous créé dans les prisons?
Nous avons déjà vu les effets des changements qui se sont produits par suite du surpeuplement des prisons pour femmes. Par exemple, les femmes n'ont pas accès aux programmes dont elles ont besoin. Elles ne sont donc pas en mesure de satisfaire aux exigences de leur plan de traitement correctionnel et ne peuvent pas bénéficier des mesures les moins restrictives ainsi que de la possibilité d'une libération anticipée dans des conditions sûres pour elles et pour les autres. Nous sommes donc déjà témoins de certains effets.
Les gens à qui je parle en prison, et surtout les membres du personnel, sont également préoccupés. Comme de plus en plus de gens, et particulièrement des femmes, sont incarcérés, il est de moins en moins possible de répondre à leurs besoins. Ainsi, dans l'unité à sécurité maximum, il y avait des pressions supplémentaires qui s'exerçaient parce que toutes les cellules étaient en occupation double. Il est donc probable que les détenus auront un accès moindre aux programmes.
À long terme, tout cela n'est pas dans l'intérêt des victimes et de la sécurité publique. Je m'associe aux appels lancés en vue de l'affectation de plus de ressources pour aider, par exemple, les détenues qui ont des enfants en assurant des services de garde d'enfants, et pour financer des services aux victimes, des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle, des centres de crise, des services de santé mentale…
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Monsieur le président, je voudrais d'abord remercier tous les témoins de leur présence.
[Français]
Je vous remercie de participer à cette séance.
[Traduction]
Je voudrais poser une question à Barry MacKnight. Monsieur MacKnight, je vous salue au nom de la circonscription de
Une récente enquête de Statistique Canada a révélé des augmentations de 36 p. 100 dans les taux de pornographie juvénile, de 11 p. 100 dans les infractions liées aux armes à feu, de 10 p. 100 dans les infractions liées à la drogue, de 5 p. 100 des cas de harcèlement criminel et de 5 p. 100 des cas d'agression sexuelle. Ces activités criminelles sont évidemment celles que notre gouvernement a particulièrement ciblées dans des lois antérieures et dans des mesures plus récentes, comme celles qui figurent dans le projet de loi .
J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces mesures. Qu'en pense votre service de police? Quelles dispositions du projet de loi appuyez-vous en particulier? Le projet de loi aura-t-il des effets positifs sur la prévention du crime?
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Merci, monsieur le président. Je remercie aussi le député par votre entremise.
Même si je m'intéresse surtout aux modifications liées à la drogue, je pense que différents aspects du projet de loi sont axés sur des priorités que l'ACCP a définies au fil des ans, et notamment notre dénonciation du crime organisé à cause de ses incidences sur nos collectivités. C'est certainement le cas pour les crimes liés à la drogue, mais vous avez aussi mentionné les statistiques concernant la victimisation des membres les plus vulnérables de notre société dans le cadre de l'exploitation des enfants sur Internet. Ce sont aussi des aspects très importants.
Même si l'exploitation des enfants sur Internet n'est pas ordinairement considérée comme une activité du crime organisé, il arrive dans certains cas que des groupes de personnes, qui sont organisés dans une certaine mesure — ce qui les inscrirait dans la définition des organisations criminelles — pour exploiter des enfants et en tirer profit. Par conséquent, tout aspect du projet de loi qui a pour but de dénoncer les activités criminelles et de donner à la police les moyens de combattre l'infrastructure criminelle aura des effets bénéfiques pour affronter ces enjeux sociétaux complexes.
Encore une fois, j'ai parlé d'une approche équilibrée qui nécessite d'agir sur chacune des composantes. Dans son appui au projet de loi, l'ACCP estime qu'il nous aide en particulier au chapitre des questions d'exécution entourant l'infrastructure criminelle.
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Merci, monsieur le président.
Hier, l'Association des centres jeunesse du Québec, la Société de criminologie du Québec, l'Institut Philippe-Pinel, l'Association canadienne de justice pénale et l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec ont fait front commun pour déclarer que la loi aurait des impacts néfastes sur la population. Ces organisations parlaient de surpopulation carcérale, de gaspillage d'argent, de système inefficace et de frein à la réinsertion sociale.
Patrick Altimas, qui est directeur général de l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec, a dit que le gouvernement nous présentait une solution à la recherche de problèmes. Michel Gagnon, de l'ACJP, a déclaré ceci: « L’intransigeance envers les personnes en conflit avec la loi nous préoccupe beaucoup ».
Tous les élus de l'Assemblée nationale du Québec ont rejeté le projet de loi omnibus . Le Barreau du Québec a récemment dénoncé les mesures proposées en affirmant qu'elles ne répondaient à aucun besoin réel du système de justice. D'ailleurs, c'est souvent l'argument que nous sert le gouvernement lorsqu'il défend le projet de loi C-10, à savoir que cela correspond à un besoin réel.
Monsieur Sullivan, en écoutant votre témoignage, je me remémorais celui de Susan O'Sullivan. Je crois qu'elle a comparu la semaine dernière. Elle ne nous a parlé que des bons côtés de la loi, du fait qu'on voulait faire en sorte que les victimes soient consultées davantage, entre autres lors des auditions de demandes de remise en liberté sur parole, et du besoin de dialogue chez ces victimes.
Ce projet de loi est énorme parce qu'il touche à un grand nombre de lois. On nous dit que c'est pour augmenter la sécurité dans les rues, pour s'assurer que les sentences sont proportionnelles et plus représentatives des crimes commis, pour que les crimes avec violence, les crimes graves, soient punis. J'entends une personne qui a travaillé et qui travaille encore auprès des victimes nous dire que ce n'est pas du tout ça. C'est ce qu'affirment également plusieurs spécialistes. En tant que personne qui étudie ce projet de loi pour la première fois, je dois avouer que ça m'inquiète grandement. Quand je l'associe à d'autres discours que nous avons entendus, le vôtre ne me surprend pas.
J'aimerais poser la question suivante à Mme Pate.
Nos prisons sont déjà assez surpeuplées. Cela va avoir un impact sur les femmes incarcérées dans des prisons pour femmes. En effet, ce n'est pas toujours pour les femmes qu'on construit des prisons.
Selon vous, est-ce qu'il s'agit là d'un problème supplémentaire du projet de loi ?
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Oui, je le crois. Je pense que pour financer le projet de loi, comme beaucoup de témoins l'ont dit, il est probable que des ressources seront prélevées dans d'autres secteurs.
Comme l'a dit M. Sullivan, nous savons déjà ce dont les femmes et les enfants ont besoin. Ils ont besoin de plus d'égalité. Nous avons eu des réductions à Condition féminine Canada, dans les centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle et dans les refuges, qui sont déjà surpeuplés et ne peuvent plus prendre personne. Nous avons eu des réductions dans les services de santé mentale, dont la clientèle féminine est surreprésentée. Nous avons eu des réductions dans les services sociaux. Nous voyons de plus en plus de femmes qui essaient de survivre dans une collectivité de plus en plus inhospitalière. Dans le cas des femmes autochtones en particulier, lorsque j'ai commencé à faire ce travail il y a près de 30 ans, ces femmes représentaient près de 10 p. 100 de la population carcérale fédérale. Aujourd'hui, la proportion est de 34 p. 100 et ne cesse de monter. J'étais justement en visite à l'établissement pour femmes d'Edmonton, où l'unité à sécurité maximum était remplie de femmes autochtones. Comme je l'ai dit, les prisons sont déjà surpeuplées. Le projet de loi ne fera qu'aggraver la situation.
De plus, lorsque les gens sortent de prison, s'ils n'ont pas eu accès aux services et à l'aide dont ils ont besoin, ils souffriront probablement de problèmes mentaux plus graves. De plus, ils devront s'intégrer dans une collectivité qui aura moins de moyens de s'occuper de leurs problèmes et de les appuyer et qui ne sera pas en mesure de contribuer autant à cause de toutes les réductions. Comme le Conseil national du bien-être social l'a signalé dans un rapport récent sur la pauvreté, les pays qui se montrent plus humains, où le système de justice pénale est davantage axé sur les droits de la personne, ont moins de pauvreté parce que leurs politiques sont mieux intégrées.
Quant à la question de la participation des victimes aux audiences de libération conditionnelle et à leur accès à de l'information, cela existe déjà. Je sais que les dispositions correspondantes ne figurent que dans la politique, mais c'est un exemple parfait d'une mesure législative dont on n'a pas besoin. Si une victime souhaite être présente, je n'ai jamais entendu dire qu'on l'en a empêchée ou qu'on lui a refusé du financement. Je comprends bien…
Cela m'intrigue et me laisse perplexe. En effet, presque toutes les victimes — je dirais même toutes les victimes — qui ont comparu devant le comité dans les deux ans et demi qui se sont écoulés depuis mon arrivée au comité ont dit que les peines n'étaient pas à la mesure des crimes commis contre elles et qu'il n'y avait pas d'équilibre. J'irai même jusqu'à dire que toutes les victimes, sans exception, qui ont témoigné devant le comité nous ont clairement affirmé que c'était leur point de vue. Pourtant, je suis absolument sûr que mes collègues de l'opposition ont parcouru le pays de long en large à la recherche de victimes qui seraient d'un avis contraire sans parvenir à nous en présenter une seule.
Aujourd'hui même, nous avons entendu Mme Jong affirmer que 67 p. 100 des Québécois croient que les peines ne sont pas à la mesure des crimes. Mme Campbell nous a également dit aujourd'hui que les peines minimales sont très importantes pour les travailleurs de première ligne qui s'occupent de cas de violence. Nous avons entendu des victimes telles que Sheldon Kennedy et Mme Sharon Rosenfeldt, qui dirige l'organisation d'aide aux victimes de violence.
À part les témoignages présentés au comité, Radio-Canada a présenté la semaine dernière une émission sur les enfants membres des Boy Scouts qui ont été victimes d'agressions sexuelles. Chacune des victimes présentées dans l'émission a affirmé que les peines infligées aux agresseurs n'étaient pas suffisantes compte tenu des ravages qu'ils avaient causés.
Vous êtes le seul à dire que vous n'avez pas entendu ces victimes. En fait, vous n'êtes pas le seul. Il y a aussi des universitaires et d'autres qui ne les ont pas entendues non plus.
Pouvez-vous nous dire comment il se fait que vous n'ayez pas entendu tous ces gens?