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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 009 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 27 octobre 2011

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Nous avons droit aujourd'hui à une séance d'information sur la situation en Libye. Du ministère de la Défense nationale, nous sommes heureux d'accueillir le brigadier général Craig King qui est directeur général des opérations de l'État-major interarmées stratégique. Il est accompagné de Marius Grinius, directeur général de la Politique de sécurité internationale. Nous accueillons aussi à nouveau le capitaine Geneviève Bernatchez. juge-avocat général adjoint des Opérations.
    Du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, nous recevons Barbara Martin, directrice générale de la Direction générale du Moyen-Orient et du Maghreb et Marie Gervais-Vidricaire, directrice générale, Groupe de travail pour la stabilisation et la reconstruction.
    Bienvenue à tous.
    Je crois que Mme Martin souhaitait partir le bal avec sa déclaration préliminaire, alors je lui laisse la parole.
    C'est pour moi un privilège de m'adresser à vous aujourd'hui, à peine une semaine après les événements historiques du 20 octobre, et seulement quelques jours après la proclamation de la victoire par le président du Conseil national de transition (CNT), M. Abdul Jalil, le 23 octobre.
    Sa déclaration marque la fin du régime de Mouammar Kadhafi qui, il y a huit mois, avait promis de se battre « jusqu'à la dernière goutte de sang » contre son peuple. Elle ouvre aussi une nouvelle page de l'histoire de la Libye. Les Libyens rendent maintenant hommage à ceux qui ont sacrifié leur vie dans ce combat, comme à ceux qui ont été blessés. Toutefois, ils célèbrent aussi la victoire de manière très traditionnelle: par des coups de feu en l'air. Notre personnel à Tripoli se met alors bien à l'abri des tirs. Tout ce qui monte redescend.
    Les Canadiens peuvent être fiers d'avoir soutenu le CNT et le peuple libyen dès le début de ce conflit. En fait, comme l'a indiqué le ministre Baird, le Canada « s'est attaqué à un poids lourd ». Dans le cadre de l'opération Protecteur unifié de l'OTAN, nous avons joué un rôle d'initiative dans la protection des civils. Nous avons toutes les raisons d'être fiers de la façon dont le général Charles Bouchard a dirigé avec succès cette mission.
    Le général Craig vous en parlera d'ailleurs davantage.
    Malgré toutes les célébrations en Libye et ailleurs dans le monde, certains émettent des réserves sur les circonstances de la mort du général Kadhafi. En conséquence, nous nous réjouissons que le président du CNT, M. Jalil, ait annoncé, le 24 octobre, la création d'une commission chargée de faire enquête sur la mort de M. Kadhafi. C'est là une mesure importante pour un État qui souhaite respecter résolument la primauté du droit.
    Les efforts visant à empêcher les représailles à l'encontre des Libyens favorables à Kadhafi, qu'il s'agisse de civils ou d'anciens combattants, sont l'une des grandes priorités du CNT, et il doit continuer à en être ainsi. Maintenant affranchi de la menace que faisait peser le régime Kadhafi, le peuple libyen a l'occasion de s'engager sérieusement sur la voie de la démocratie.
    En vertu de la Déclaration constitutionnelle libyenne élaborée en août dernier, les prochaines étapes sont claires. Le CNT doit quitter Benghazi pour établir une présence à Tripoli. Dans les 30 prochains jours, le CNT nommera un gouvernement transitoire, c'est-à-dire un cabinet. Il faudra sans doute moins de 30 jours pour ce faire. D'ici trois mois, ce gouvernement transitoire adoptera une loi électorale préliminaire, nommera une commission électorale et déclenchera une élection afin de pourvoir les sièges au nouveau Congrès national général (CNG), le parlement libyen.
    Ces élections doivent avoir lieu dans un délai de 240 jours. Le CNG choisira alors un nouveau premier ministre chargé de former un gouvernement temporaire. Il nommera aussi les membres d'un comité constitutionnel qui devront rédiger une nouvelle constitution soumise à l'approbation du CNG dans un délai de deux mois à compter de leur nomination. Dans un délai d'un mois après la présentation du nouveau projet de constitution au congrès, il faudra que le peuple libyen se prononce par voie de référendum sur le projet de texte, qui devra recueillir les deux tiers des suffrages. Dans le mois suivant l'adoption de la constitution, le CNG promulguera une nouvelle loi électorale régissant le scrutin qui devra se tenir au cours des six mois suivants afin de mettre en place un gouvernement permanent.
    Il pourrait falloir environ un an pour franchir toutes ces étapes. Il s'agit d'un échéancier très ambitieux et de nombreux obstacles sont à prévoir en cours de route. Ce que les Libyens ont accompli jusqu'à ce jour est impressionnant mais, d'une certaine manière, c'est la partie la plus facile. Le travail qu'ils devront mener en vue d'instaurer une toute nouvelle démocratie pour tous vient tout juste de commencer.
    Les commentaires du président du CNT, M. Jalil, dans son allocution prononcée le jour de la victoire, sur le mariage et la place qui sera accordée à la charia, ont suscité des réactions à l'échelle internationale et en Libye même. Pour ceux qui ont soutenu les Libyens dans leur quête de liberté, il sera important que les femmes puissent jouir de tous les droits et de toutes les protections qui leur reviennent. De même, pour assurer la sécurité du peuple libyen et la stabilité de la région, il faudra mettre en lieu sûr l'armement jugé dangereux. Le ministre Baird a communiqué ces deux points très clairement aux dirigeants du CNT lors de sa visite à Tripoli il y a deux semaines.
    Il est vrai que jusqu'ici, le CNT a bien réussi à maintenir l'ordre, mais il doit encore démobiliser un grand nombre de milices qui ont combattu avec courage et acharnement pour libérer la Libye. Cela vaut pour Tripoli, où différentes factions assurent encore la garde de différents quartiers. Ces hommes, qui ont consenti d'importants sacrifices, voudront certainement se faire entendre et beaucoup d'entre eux souhaiteront participer à l'exercice du pouvoir dans la nouvelle Libye.
    Une autre tâche essentielle consistera donc à intégrer toutes ces milices sous un seul commandement national. Pour renforcer l'unité nationale, il faudra aussi oeuvrer à la réconciliation, en vue d'un pluralisme et d'une inclusion politiques véritables.
(0850)
    Tous les Libyens, y compris les jeunes et les femmes, voudront participer à l'élaboration d'une vision commune pour leur pays, et aider à définir une compréhension commune de la démocratie et de la citoyenneté dans la nouvelle Libye. Toutefois, en raison de l'échéancier ambitieux qui a été fixé pour la transition, il pourrait être difficile de mener de larges consultations publiques, et de promouvoir l'identité nationale, notamment dans un pays où le colonel Kadhafi a divisé pour mieux régner au cours des 42 dernières années. Les nouvelles instances dirigeantes devront aussi répondre à de fortes attentes en ce qui concerne l'amélioration de la qualité de vie, notamment au chapitre de l'éducation, des services de santé et des possibilités d'emploi. En effet, après quatre décennies de marasme, la perspective d'une amélioration rapide de la situation suscite des attentes de plus en plus pressantes.
    La victoire en Libye s'avère extrêmement importante, non seulement pour ce pays, mais aussi pour la région dans son ensemble. En conséquence, le Canada demeure déterminé à appuyer les Libyens pendant le passage à la démocratie, tout comme il continue à soutenir les transitions en cours en Tunisie et en Égypte. Toutefois, en dernière analyse, il appartiendra aux citoyens de ces pays de choisir leur avenir.

[Français]

    Ces derniers mois, le Canada a agi rapidement afin d'aider la nouvelle Libye. En août, nous avons accrédité le nouveau chargé d'affaires libyen nommé par le Conseil national de transition. En septembre, le premier ministre a participé à une réunion des amis de la Libye, à Paris, ainsi qu'à une réunion de haut niveau sur la Libye, à New York.
    En marge de ces rencontres, le premier ministre et le ministre Baird ont chacun eu des entretiens avec le président du Conseil exécutif du CNT, M. Mahmoud Jibril, au sujet de la contribution du Canada.
    Au début du mois de septembre, notre pays a levé ses sanctions unilatérales à l'encontre de la Libye imposées en application de la Loi sur les mesures économiques spéciales, de façon à ce que le CNT ait accès aux avoirs financiers bloqués.
    Le 13 septembre 2011, après avoir reçu l'approbation des Nations Unies, le ministre Baird a annoncé que le Canada débloquerait tous les avoirs libyens détenus au Canada et par les établissements canadiens, en vertu des résolutions des Nations Unies. La valeur de ces avoirs est estimée à 2,2 milliards de dollars. Toutes les formalités nécessaires de déblocage des avoirs sont terminées et le CNT a commencé à donner des instructions concernant leur affectation.
    Comme vous le savez sans doute, le 16 septembre, le Conseil de sécurité des Nations Unies a convenu, en vertu de la résolution 2009, de créer la Mission d’appui des Nations Unies en Libye, MANUL, placée sous la direction du Représentant spécial du Secrétaire général, M. Ian Martin.
    La mission a été investie d'un mandat initial de trois mois qui consiste à aider, entre autres objectifs, aux efforts libyens visant à rétablir la sécurité et l'ordre public, ainsi qu'à promouvoir la primauté du droit.
    La résolution a également assoupli, sans toutefois les lever, les sanctions imposées en application des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cela comprend l'assouplissement de l'embargo sur les armes, pour permettre, par exemple, d'acheminer aux autorités libyennes des articles utilisés à des fins de sécurité et de désarmement.
    Le personnel de la MANUL s'est rapidement déployé à Tripoli et il est prêt à apporter son aide. Toutefois, le CNT lui a demandé d'attendre la mise en place d'un gouvernement intérimaire avant d'agir. Le CNT souhaite en effet que les efforts soient pris en charge par les Libyens eux-mêmes et que ceux-ci continuent à en assurer la direction. Toutefois, dans de telles conditions, il est difficile pour la MANUL d'évaluer, sous la direction des autorités libyennes, l'échéancier initial. Il faudra probablement attendre un certain temps avant que des projets multilatéraux puissent se concrétiser, de sorte qu'il est fort probable que le mandat de la MANUL devra être prolongé.
    Pour sa part, le Canada veille à ce que son aide respecte l'entente intervenue avec le CNT et réponde aux demandes adressées par celui-ci.
(0855)

[Traduction]

    Il y a deux semaines, à Tripoli, le ministre Baird a constaté par lui-même les progrès importants réalisés depuis sa visite à Benghazi en juin. À Tripoli, il a réaffirmé le souhait du Canada d'aider les Libyens à jouir des dividendes de la liberté, de la démocratie, des droits humains et de la primauté du droit, comme ils l'espéraient depuis si longtemps. Il a aussi évoqué le soutien que pouvait apporter le Canada dans l'après-conflit. Le ministre a annoncé une contribution de 10 millions de dollars afin d'aider à sécuriser et à enlever les armes classiques et de destruction massive, une priorité pour le CNT et la communauté internationale.
    De même, il a fait savoir que le Canada pourrait apporter une aide technique sur demande, notamment pour la rédaction de la constitution, la tenue d'élections et le respect des droits humains, en particulier afin de favoriser la participation des femmes. Il a également dirigé une table ronde avec des représentants d'organisations non gouvernementales (ONG), y compris une ONG canadienne, sur le rôle important que devraient jouer les femmes dans la nouvelle Libye.
    Le ministre était accompagné par les représentants de quatre organisations du secteur privé canadien, déjà présentes en Libye, et prêtes à rétablir le contact avec leurs partenaires libyens. Le commerce et l'investissement constituent une dimension essentielle des relations du Canada avec la Libye. Au fil des ans, des entreprises canadiennes ont établi une présence importante sur ce marché, certaines d'entre elles depuis plus de 30 ans. L'ambassade dispose actuellement de tous les effectifs nécessaires et peut désormais fournir tout l'éventail des services aux Canadiens en Libye, y compris un soutien aux entreprises canadiennes.
    Il est important de se rappeler que la Libye n'est pas un pays pauvre. Sa richesse pétrolière jette les bases nécessaires à la reconstruction qui doit avoir lieu. La production pétrolière atteint déjà plus du quart de ce qu'elle était avant le conflit.
    Pour terminer, je tiens à dire que la révolution libyenne, entamée en février, a été une marche vers la liberté qui a nécessité beaucoup de courage et de grands sacrifices. C'est pourquoi le Canada tient à rendre hommage au peuple libyen.
    Nous serons heureux de répondre à vos questions.
    Merci, madame Martin.
    Général King, nous écoutons votre déclaration préliminaire.
    Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de nous permettre de vous informer au sujet de l'opération Mobile, la contribution militaire du Canada aux efforts internationaux visant à intervenir dans la crise en Libye.
    Vous vous souviendrez que l'opération Protecteur unifié de l'OTAN et l'opération Mobile du Canada ont été lancées pour donner suite aux résolutions 1970 et 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui consistent à appliquer l'embargo sur les armes en Libye et à protéger les civils et les régions habitées par des civils grâce à la création d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye.
    La contribution du Canada comprend sept chasseurs CF-18, deux avions de patrouille maritime CP-140 Aurora, deux avions CC-150 Polaris, un avion de ravitaillement en carburant CC-130 Hercules et, bien sûr, le NCSM Vancouver. En tout, approximativement 630 membres des Forces canadiennes participent à la mission. Et comme le soulignait avec raison Barbara, l'opération Protecteur unifié de l'OTAN est sous le commandement d'un Canadien, le lieutenant-général Charles Bouchard.

[Français]

    J'aimerais profiter de l'occasion pour vous informer des événements récents qui se sont produits depuis votre dernière mise à jour. Depuis le 20 septembre, les choses se sont produites rapidement pour l'OTAN, le Canada et la Libye. Le 21 septembre, l'OTAN a prolongé l'opération Unified Protector pour une période de 90 jours. Le 26 septembre, la mission canadienne en Libye a été prolongée pour une période de 90 jours, conformément à la prolongation de l'OTAN.
(0900)

[Traduction]

    Depuis le dernier briefing, les conditions au sol en Libye ont évolué rapidement. Le bastion de Kadhafi à Bani Walid est tombé le 17 octobre et celui de la ville de Syrte, le 20 octobre. Le jour même de la chute de Syrte, le colonel Kadhafi a été tué en même temps que des membres clés de son régime. Ces événements ont marqué la fin des forces pro-Kadhafi en tant que forces militaires organisées, ce qui a poussé le Conseil national de transition à déclarer dimanche dernier que la Libye était libérée.

[Français]

    Puisque les forces du Conseil national de transition contrôlent maintenant la Libye, la menace d'attaques organisées contre les civils a été considérablement dissipée, et les conditions ont été établies pour mettre fin au mandat de l'OTAN.

[Traduction]

    En réaction à ces développements, l'OTAN a suspendu toutes les opérations de frappe en Libye et continue de surveiller la situation. Le 21 octobre, le Conseil de l'Atlantique Nord a pris la décision préliminaire de mettre fin à la mission Protecteur unifié le 31 octobre. La date de fin sera discutée lors de la prochaine réunion du conseil qui aura lieu demain, alors qu'une décision devrait être prise à cet égard. Des éléments des Forces canadiennes demeurent déployés sur le théâtre des opérations en attendant le résultat de ces discussions et les directives du gouvernement du Canada.
    Les Forces canadiennes sont fières de leur contribution à l'OTAN au bénéfice du peuple libyen. Les aéronefs de l'aviation royale du Canada ont effectué approximativement 1 500 sorties à l'appui de l'opération Protecteur unifié et de l'opération Mobile, assurant le respect de la zone d'exclusion aérienne et protégeant la population de la Libye. Les navires de la Marine royale du Canada ont appliqué l'embargo sur les armes et ont empêché le renforcement des forces pro-Kadhafi et l'expédition d'armes par voie maritime.
    Les Forces canadiennes sont fières d'avoir participé à cette mission et d'avoir joué un rôle important pour permettre aux Libyens de décider de l'avenir de leur pays.
    Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
    Je vous remercie.
    Merci, général King.
    Nous sommes tous très fiers du travail effectué par les Forces canadiennes en Libye.
    Nous débutons notre premier tour où chaque intervenant a droit à sept minutes.
    D'accord.

[Français]

    Monsieur Brahmi, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président. Je remercie particulièrement les témoins qui ont fait cette mise au point. Je les remercie du temps qu'ils nous accordent.
     Nous sommes très fiers et reconnaissants envers les Forces armées canadiennes pour le travail exceptionnel qu'elles ont accompli dans le cadre de cette mission, qui fut un succès. Nous sommes donc particulièrement heureux de le souligner. Nous reconnaissons en particulier le rôle joué par nos forces dans le maintien de l'embargo des armes, car c'est un aspect très important en ce qui a trait aux risques de dissémination de ce conflit dans les pays limitrophes.
    À ce propos, j'aimerais que nous abordions un sujet qui constitue généralement une grande source d'inquiétude dans la région. Il s'agit du problème de la dissémination des armes qui ont été, on le sait, un peu distribuées à droite et à gauche. Je pense, par exemple, au cas de l'Algérie, dont on sait que la frontière avec la Libye est une passoire par laquelle transitent de grandes quantité d'armes.
    Je ne sais pas qui va répondre, mais j'aimerais que nos invités fassent une mise au point sur la situation des armes actuellement sans contrôle, en particulier les missiles sol-air SA-7 et SA-24, qui sont très dangereux, par exemple, pour les vols commerciaux.
    Madame Gervais-Vidricaire, vous avez la parole.
    En effet, il y a énormément d'armes en Libye. Le représentant spécial du Secrétaire général, M. Ian Martin, tenait une séance d'information hier au Conseil de sécurité. À cette occasion, il a fait remarquer qu'il y avait des quantités extraordinaires d'armes en Libye. Je crois que l'annonce faite par le ministre Baird, lors de sa visite, d'une contribution de 10 millions de dollars pour sécuriser, contrôler ou détruire ces armes est tombée à point nommé, puisqu'il y a consensus sur le fait que cela constitue une priorité pour la sécurité de la Libye et de la région.
    C'est pourquoi nous sommes en train de mettre en place une programmation. D'une part, il y aura 6 millions de dollars en provenance de notre fonds mondial, le Global Partnership Program. Ces 6 millions de dollars nous aideront à travailler de concert avec nos partenaires, que ce soit les Américains ou les Britanniques, mais aussi avec les organisations internationales comme l'Agence internationale de l'énergie atomique et l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques. L'objectif est donc de sécuriser le pays et de détruire ces armes de destruction massive, d'une part.
    D'autre part, 4 millions de dollars proviendront de notre Fonds pour la paix et la sécurité mondiales et seront utilisés pour les armes conventionnelles, le déminage et les Manpads, ces systèmes de défense antiaérienne. Il y a en effet des milliers de Manpads; c'est vraiment une source de préoccupations.
    Nous allons alors travailler avec les services des Nations Unies, le Mine Action Service, et des ONG réputées dans la région qui ont déjà commencé à faire du déminage. Pour ce qui est du contrôle et de l'élimination des Manpads, nous sommes en discussion avec nos partenaires américains, en particulier, mais aussi avec les Nations Unies, qui assurent la coordination de l'ensemble pour essayer de voir comment notre contribution peut être la plus efficace.
(0905)
    C'est bien.
     Dans le cadre de ce contrôle, quelle est la répartition des rôles entre les Forces canadiennes, ou le Canada de façon générale, l'OTAN et l'ONU? Quelle est la répartition des responsabilités?
    Mon collègue du ministère de la Défense parlait de leur contribution, mais il est certain que la coordination d'ensemble de ces questions se fait par l'intermédiaire des Nations Unies, qui ont déjà reconnu l'ampleur du problème.
     Pour faire l'évaluation des besoins, un certain temps va être nécessaire. En même temps, nous avons identifié des besoins urgents. C'est pour cela que nous voulons bouger le plus rapidement possible en collaboration avec ceux qui sont déjà sur place et qui ont déjà commencé à faire du déminage, pour qu'ils puissent se déplacer plus rapidement. En particulier dans les villes de Syrte et de Bani Walid, on a trouvé beaucoup de mines et d'armes.
     En ce qui concerne la programmation canadienne dont je viens de parler, cela va se faire avec nos partenaires et les Nations Unies.
    Je cède maintenant la parole au représentant du ministère de la Défense, pour qu'il vous fasse part de sa perspective.
    Merci beaucoup.
    C'est une bonne question. Je vais y répondre dans ma langue maternelle.

[Traduction]

    Les Forces canadiennes n'ont reçu aucune demande d'aide pour participer au processus décrit par Marie. Nous sommes au fait de la situation. Si une demande nous est soumise, nous allons déterminer la meilleure façon pour les Forces canadiennes de contribuer aux programmes en cours dans le cadre des activités des Nations Unies.
    Cela étant dit, les programmes que l'on vient de décrire n'exigent pas nécessairement une expertise militaire très poussée. Des activités comme le déminage sont menées sur des théâtres d'opérations un peu partout dans le monde, notamment dans des endroits comme la Bosnie, sous la responsabilité d'organisations civiles. Dans certains cas, c'est mieux ainsi, car on ne donne pas l'apparence d'une intervention militaire étrangère sur le terrain.
    Il semblerait qu'à ce moment-ci, le Conseil national de transition préfère que les choses se déroulent de cette façon; nous ne pensons pas que l'on adressera une requête aux forces militaires occidentales pour qu'elles s'occupent de tâches semblables sur le territoire libyen. Mais si une telle demande était formulée, nous serions assurément prêts à la prendre en considération.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Norlock, c'est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Un grand merci également à nos témoins pour leur comparution ce matin.
    Nous profitons aujourd'hui d'une séance d'information sur la Libye, mais notre comité a également amorcé une très importante étude sur l'état de préparation des troupes. Je vais poser ma question dans le contexte de cette étude, mais en m'intéressant également à notre expérience en Libye.
    Il va de soi que nous savons maintenant que le Canada a une fois encore fait plus que sa part. Nous avons en effet joué un rôle important en Libye. J'aimerais en savoir davantage sur les enseignements tirés, les secteurs dans lesquels nous avons excellé et ceux qui pourraient exiger certains ajustements à notre planification et à notre mise en oeuvre des opérations. Je m'intéresse aux enseignements tirés, non seulement par le Canada, mais aussi par l'OTAN. Je ne sais pas, général King, si vous pouvez éclairer notre lanterne.
(0910)
    Merci beaucoup pour votre excellente question. Étant donné mes fonctions, c'est certes un aspect des choses qui me préoccupe.
    D'une manière générale, je vous dirais d'abord et avant tout que nous avons recours systématiquement à un processus très structuré de retour sur l'exercice pour dégager les enseignements à en tirer. Je suppose que vous avez pu en prendre conscience lorsque votre comité a tenu des séances à Wainwright, mais il s'agit en quelque sorte d'une marche à suivre.
    Nous avons une doctrine qui régit notre conduite des opérations et plus précisément, notre façon de livrer bataille. Cette doctrine est élaborée en fonction des événements en cours, de la nature du conflit et du type d'opérations que nous menons. Nous étudions cette doctrine, nous nous entraînons en conséquence et nous la mettons en application sur le théâtre des opérations. Par la suite, nous prenons le temps nécessaire pour dégager les enseignements à tirer. C'est ce que nous sommes en train de faire dans le cas de la Libye. Il s'agit ensuite de mettre à profit ces enseignements pour peaufiner sa doctrine. Ainsi, non seulement prenons-nous en compte les leçons du passé, mais nous nous assurons aussi que notre doctrine demeure pertinente en étant le reflet fidèle de ce qui se passe sur le terrain. C'est ce processus qui se déroule actuellement à différents paliers. Lors d'une vidéoconférence tenue plus tôt cette semaine, le général Bouchard a indiqué que cette démarche était en cours au sein de l'OTAN. Nous faisons de même au niveau des Forces canadiennes. Nous avons procédé à un examen initial et nous finaliserons le tout au cours des prochains mois.
    Lorsque nous essayons de tirer des enseignements de cette manière, nous ne nous intéressons pas uniquement aux aspects négatifs. Nous nous efforçons également de bâtir à partir des choses qui se sont bien déroulées en dégageant les secteurs où des améliorations pourraient être apportées. Pour ce qui est de l'opération en Libye, le processus s'est enclenché très rapidement. Nous allons examiner notre état de préparation, ce qui nous ramène au sujet de votre étude, et je crois bien que votre comité aura l'occasion d'en discuter davantage avec les responsables de cet aspect de la gestion de nos forces. Je vais vous fournir quelques détails à ce sujet au fin de vos délibérations futures. Nous avons certes réussi à consolider notre état de préparation, ce qui nous a permis d'anticiper les besoins et de répondre en quelques jours lorsque l'appel a été lancé.
    Lorsqu'on réagit aussi rapidement, il y a bien sûr des choses à améliorer comme nous avons pu le constater dans le cadre de la structure de commande et contrôle des Forces canadiennes. Mais je dois vous dire que nous étions très heureux de la vitesse avec laquelle nous avons pu nous déployer, tant du point de vue stratégique qu'opérationnel, et mener des opérations, quelques jours à peine après l'arrivée des troupes sur le terrain, pour contribuer à l'application des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies.
    Dans une perspective plus tactique, nous avons été témoins encore une fois des capacités phénoménales et de l'efficacité au combat de nos forces aériennes et navales qui ont été déployées dans le cadre de cette mission. Grâce à leur professionnalisme et à leur entraînement soutenu, nos pilotes ont pu réussir des missions très difficiles dans des circonstances extrêmement exigeantes. Ils l'ont fait avec grand empressement et ont droit à toutes nos félicitations. Je pourrais dire la même chose de nos forces maritimes. L'équipage de nos deux navires, le Charlottetown et le Vancouver, a fait un formidable travail de préparation qui lui a permis de mener à bien sa mission dans des circonstances très difficiles.
    Nous analysons également sans cesse d'autres aspects de notre travail dont il ne serait pas indiqué de discuter ici relativement, entre autres, à l'exécution de notre mission et à la détermination des cibles. Là également, nous avons pu tirer de nombreux enseignements qui nous serviront lors de nos missions à venir. Si l'on souhaite établir une comparaison entre une mission comme celle menée au Kosovo, par exemple, et celle que nous venons de terminer en Libye, il faut souligner que le temps de réaction était beaucoup plus restreint. Les circonstances en fonction desquelles nous avons dû structurer notre mission étaient différentes et nous avons su en tirer de nombreuses leçons fort précieuses.
    Vous m'excuserez pour la réponse un peu longue, mais c'est une question intéressante et un sujet qui me passionne.
    Eh bien, je l'espère, en toute franchise.
    Histoire de donner un peu de contexte, bien que ce ne soit pas beaucoup, j'aimerais parler d'une émission que j'ai regardée hier soir à TVO sur le Moyen-Orient. Ce que j'y ai vu cadre avec ce que vous avez dit sur notre état de préparation et sur la façon dont nous avons pu intervenir rapidement et commencer à nous acquitter de notre mission. Naturellement, dans l'émission, on a parlé un peu de la Libye et du fait que, comme d'autres pays en route vers la démocratie — j'aime parler de cette façon —, la Libye a la capacité de subvenir à ses besoins financiers, ce à quoi Mme Martin a fait allusion.
    Nous avons parlé de la rapidité avec laquelle nous avons réagi. Peut-être qu'un autre témoin pourrait répondre à ma question. Croyez-vous que le Canada doit se doter des moyens nécessaires pour intervenir aussi rapidement? Dans votre planification, prenez-vous soin de préparer le Canada à assumer les rôles qui peuvent lui être confiés par les Nations Unies ou l'OTAN?
(0915)
    Je peux peut-être vous parler du volet militaire et inviter ensuite Barbara à ajouter les commentaires qu'elle jugera pertinents.
    Nous sommes des militaires et nous avons la responsabilité de nous tenir prêts à exécuter les directives que nous recevons du gouvernement du Canada, lorsqu'il faut participer à des opérations pour réaliser les objectifs de notre pays, et nous maintenons cette position. Cette responsabilité comporte deux volets. Nous devons, d'une part, préparer les forces militaires, et nous avons pour cela un système sophistiqué dont vous allez encore entendre parler. L'autre volet consiste à surveiller les événements et à être capables de les anticiper — nous devons être capables de voir venir les événements au niveau mondial et d'anticiper le genre de choses que le gouvernement peut nous demander de faire.
    Maintenant que le conflit libyen a pris fin, nous continuons de surveiller très étroitement les événements qui surviennent là-bas. J'espère que l'intervention de Barbara, au début, vous en a donné un bon aperçu. Nous surveillons de très près la situation; l'environnement est très complexe. Les Forces canadiennes, de même que leurs partenaires de l'ensemble du gouvernement, mènent des consultations régulières sur le genre de problèmes qui peuvent se présenter dans cette région. Nous espérons que vous serez rassurés sur le fait que nous continuons d'exercer une surveillance et de nous tenir prêts à réagir.
    Merci. Votre temps est écoulé.
    Monsieur McKay, c'est votre tour.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux remercier les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Je désire moi aussi, au nom du Parti libéral, féliciter les militaires pour la réussite de leur mission.
    Toute mission militaire, et en particulier une mission de protection, a pour objet de défendre des valeurs. Dans ce cas particulier, la valeur à défendre était qu'une nation civilisée ne peut rester inactive lorsqu'une autre nation massacre sa population, quelles que soient les considérations de souveraineté. À cet égard, parce que le Canada s'est si bien acquitté de sa mission militaire, il peut se permettre de parler avec force des nouvelles valeurs qui doivent gouverner la Libye.
    Il y a tout d'abord la mort très bizarre de M. Kadhafi. Les circonstances de sa mort sont bizarres: on a d'abord dit qu'il avait été pris entre deux feux; puis, on a dit qu'il avait été assassiné, ensuite qu'il avait été torturé avant d'être assassiné et, enfin, nous avons eu le spectacle encore plus bizarre de son corps exposé pendant quelques jours, ce qui me paraît contraire aux traditions islamiques. Toutefois, le Canada ne s'est pas servi de son autorité — durement gagnée — par les militaires pour parler haut et fort et dire qu'il s'agissait là d'un cas flagrant de manquement à la primauté du droit.
    Nous avons donc pris un mauvais départ. Si les choses continuent de cette façon, le printemps arabe va peut-être devenir un hiver arabe. On ne veut pas qu'une chose pareille arrive, mais on aimerait croire que la mission militaire a non seulement donné des résultats, mais que ces résultats se feront sentir longtemps.
    J'aimerais donc d'abord savoir pourquoi le Canada, et tout particulièrement le ministre des Affaires étrangères, mais aussi le Premier ministre n'ont pas fait savoir haut et court au Conseil national de transition, ou à M. Jalil en particulier, que ce comportement est inacceptable et qu'il doit cesser rapidement?
    Ma deuxième question porte sur les ressources que le gouvernement du Canada est prêt à consacrer à toute enquête qui pourrait être menée. On ne voudrait pas avoir une pseudo-enquête, une enquête dont l'issue est convenue au départ, si nous voulons vraiment encourager les Libyens à respecter la primauté du droit. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.
    Ma troisième question s'adresse au brigadier général King et à Mme Martin. J'aimerais savoir si on discute de la possibilité que le Canada soit prié de prolonger sa mission. Dans l'affirmative, quelles seraient les conditions fixées pour cela? Je ne crois pas que nous voudrions nous retrouver dans une situation où nous n'aurions qu'à surveiller des cas flagrants de manquement à la primauté du droit.
    Je conviens que ma question est assez complexe, mais j'estime qu'il s'agit de points dont il faut s'occuper. La mission militaire du Canada est en train de se transformer en mission d'aide et de diplomatie, et il est donc tout aussi important de bien démarrer les choses; autrement, tous les efforts seront vains.
(0920)
    Avant de donner suite à la première question que M. McKay a posée, j'aimerais lire un extrait de l'ouvrage de O'Brien et Bosc.
    Ce serait charmant.
    Nous avons déjà permis à des fonctionnaires de ne pas répondre à des questions qui concernaient leurs relations avec leur ministre.
    À la page 1068, au chapitre 20, il est dit:
Une attention particulière est accordée à l'interrogation de fonctionnaires. L'obligation faite aux témoins de répondre à toutes les questions posées par un comité doit être mise en équilibre avec le rôle que jouent les fonctionnaires lorsqu'ils donnent des avis confidentiels à leur ministre. La tradition veut qu'on envisage ce rôle par rapport à la mise en oeuvre et à l'exécution de la politique gouvernementale plutôt qu'à la détermination de celle-ci. En conséquence, les comités ont dispensé les fonctionnaires de commenter les décisions stratégiques prises par le gouvernement.
    Fondamentalement, nous ne nous attendons pas à ce que vous nous disiez ce que les ministres ou le premier ministre ont fait ou dit, ou ce qu'ils n'ont pas fait ou n'ont pas dit. Alors, je voulais simplement l'établir clairement et ensuite vous demander de répondre.
    C'est très utile, monsieur le président. Vous n'avez pas défalqué cela de mon temps, j'espère.
    Non.
    Merci, monsieur le président, de cette précision.
    Je crois que nous allons répondre en groupe ici.
    J'ai mentionné clairement dans mon exposé que nous avons accueilli favorablement la décision du président du Conseil national de transition de procéder à une enquête. En fait, nous savons pertinemment que le CNT n'a pas ordonné ce qui est arrivé à Syrte et qu'en conséquence, l'enquête prévue est la bienvenue. Je peux dire que c'est ce que nous savons pour l'instant.
    Je pourrais peut-être demander à Marie de parler des autres éléments dans cette affaire.
    Vous devez probablement savoir que le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies a mis sur pied une commission d'enquête sur la situation des droits de la personne en Libye. La mesure est importante, naturellement, et nous avons pu nous permettre d'intégrer un spécialiste de la violence fondée sur le sexe et de la violence sexuelle dans l'équipe chargée de l'enquête, en utilisant notre Fonds pour la paix et la sécurité mondiales. L'organisation ONU femmes nous a présenté une demande en ce sens et nous avons été très heureux d'y répondre pour que la situation des femmes soit pleinement prise en considération dans l'enquête qui sera menée en Libye.
    Quel moyen prenez-vous pour que le processus soit juste et transparent? Comment le Libyen moyen saura-t-il qu'il y aura pour la première fois un processus ouvert et transparent, sur lequel on rendra des comptes?
(0925)
    Je crois que des évaluations devront être faites tout au long de l'enquête. Comme Marie l'a fait remarquer, l'ONU participera à l'enquête jusqu'à un certain point. Un représentant spécial de l'ONU sera posté à Tripoli également, et ce représentant assumera certaines responsabilités auprès des autorités du CNT et, naturellement, notre ambassade continuera de s'entretenir avec les autorités du CNT.
    Demandons-nous à des ONG de participer au processus?
    Pas à ce moment-ci, non.
    Et quelle est votre réponse à la question sur la prolongation?
    Je veux simplement dire que notre participation à la mission découle d'une série de résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU et qu'elle s'inscrit dans le contexte d'une alliance. Ces délibérations, comme je l'ai dit, se poursuivront demain à l'intérieur du Conseil de l'Atlantique-Nord, qui déterminera la position que nous prendrons à partir de ce moment. Nous prévoyons que la mission se terminera lundi, mais la décision n'a pas encore été prise. En toute franchise, il appartient au gouvernement de décider s'il convient ou non de prolonger la mission. Je ne veux pas me laver les mains de la décision, mais nous exécutons les ordres du gouvernement, tel est le contexte dans lequel nous évoluons.
    Savez-vous si le CNT a présenté une demande en ce sens?
    Une demande nous a été présentée pour prolonger notre mission de deux ou trois mois. Voilà pourquoi des discussions sont menées non seulement au Conseil de l'Atlantique Nord, mais également à l'ONU; la question est examinée de très près. La discussion est politique, et c'est à ce niveau qu'elle se tient.
    Le temps s'est écoulé, et nous allons maintenant entamer notre tour de questions de cinq minutes.
    Monsieur Strahl.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à nos témoins.
    C'est la troisième réunion, depuis que je suis ici, au cours de laquelle nous discutons de la situation en Libye. À la première réunion, en août, il y avait de la frustration, la situation était dans une impasse et il y avait simplement beaucoup d'incertitude. En septembre, nous nous sommes rendu compte qu'il y avait peut-être de la lumière au bout du tunnel. Et maintenant, nous convenons tous que la mission de l'OTAN a été un succès et qu'elle approche d'une fin définitive.
    Je me demande s'il y a des signes qui montrent que le CNT est capable de fonctionner seul, maintenant que Kadhafi n'est plus une menace. Avons-nous mis en place une liaison opérationnelle officielle avec les forces du CNT pour déterminer si celles-ci sont capables de poursuivre le travail seules?
    Vous posez deux très bonnes questions, monsieur.
    Je veux d'abord parler de la liaison. Il n'y a pas de liaison entre les Forces canadiennes et les forces du CNT; toutefois, des représentants des forces du CNT ont participé à des réunions. Hier, le chef participait à une réunion à Doha qui était parrainée par le Qatar. C'est à ce niveau, à un très haut niveau, que les choses se passent. Il n'y a pas de liaison au niveau tactique actuellement.
    En ce qui concerne votre première question sur la professionnalisation de... Vous avez demandé s'ils étaient capables de fonctionner tout seuls? Est-ce cela?
    Y a-t-il des signes qui montrent qu'ils en sont capables?
    Nous sommes dans une période de transition, et comme cela a été mentionné, dans une période de transition, il y a beaucoup d'attentisme. Toutefois, selon les signaux que nous avons à l'heure actuelle, le CNT a l'intention de regrouper les forces de milice qui ont combattu le régime Kadhafi et de les professionnaliser. Avec le temps, ces forces devraient devenir capables de gérer la sécurité de leur propre pays, et c'est là une bonne direction à prendre pour la Libye.
    Pour ce qui est des signes que nous pouvons voir à cette étape-ci, j'ai lu un reportage ce matin dans lequel on disait qu'une brigade de Misrata a demandé à être démise de ses fonctions ou désarmée et à rendre ses armes. Je ne peux pas dire s'il s'agit d'une tendance actuellement, parce que nous n'avons pas assez vu de situations semblables, mais c'est un bon début.
    Barbara a parlé de la situation à Tripoli. Il y a assurément des tensions, parce que nous sommes dans une période de transition au cours de laquelle les forces en place sur le terrain, comme Barbara l'a dit, pourraient se livrer à des manoeuvres politiques. Mais des signes encourageants nous viennent de Tripoli qui montrent que les responsables du CNT sont en train de regrouper les pouvoirs et qu'ils comprennent clairement qu'ils ont l'obligation de professionnaliser leurs forces militaires pour que ces forces rendent des comptes sur leurs agissements.
(0930)
    Savez-vous s'il y a encore des groupes...? Kadhafi est parti, c'est bien vrai, mais y a-t-il encore des gens fidèles à son régime qui présentent une menace pour les civils? À quelles menaces les civils doivent-ils faire face maintenant que la fin du conflit approche?
    Encore une fois, c'est une bonne question, et nous surveillons la situation de près. Je pense que c'est ce qui est au coeur des discussions sur la direction à prendre, dont nous parlions tout à l'heure.
    Comme le général Bouchard l'a dit le week-end dernier, nous croyons que les forces pro-Kadhafi ne sont pas suffisamment organisées pour orchestrer une attaque contre les civils. L'ancien régime n'a plus de symbole d'autorité pour unir ses forces et constituer une menace pour la population, contrairement à ce qui se passait lorsque nous avons décidé d'intervenir. La situation a changé.
    Kadhafi a-t-il encore des partisans? Il y a quelques jours, l'Ottawa Citizen a publié un éditorial intéressant sur Kadhafi, qui s'intitule « Gadhafi Was No Joke ». Ce n'est pas par hasard si l'homme est demeuré au pouvoir aussi longtemps et a pu résister jusqu'au dernier moment: il y a encore des gens qui lui sont fidèles en Libye. Toutefois, nous avons évalué que le CNT est en mesure de faire face aux forces pro-Kadhafi qui restent, ce qu'il a récemment prouvé.
    Merci.
    Monsieur Christopherson, c'est votre tour.
    Je croyais que Mme Davies avait la parole au deuxième tour, et que j'interviendrais plutôt au troisième tour.
    Madame Davies.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Puisque je ne suis pas membre permanente du comité, je n'ai pas assisté aux séances d'information précédentes. Mais comme de nombreux Canadiens, j'ai naturellement suivi de près l'actualité et l'évolution de la situation en Libye. Il s'est opéré là-bas des changements assez remarquables et incroyables. J'ai donc trouvé très intéressant d'entendre aujourd'hui votre évaluation de la position canadienne et vos commentaires sur notre participation à venir.
    Madame Martin, vous avez dit ce matin que « le Canada veille à ce que son aide respecte l'entente intervenue avec le CNT et réponde aux demandes adressées par celui-ci ».
    Je me rends compte qu'il se passe bien des choses à différents niveaux et que tout évolue assez rapidement. Je pourrais donner bien des exemples, mais ce qui presse et qui est particulièrement important, c'est de s'occuper des besoins de la population civile en matière de santé, d'infrastructure et d'alimentation, pour ce qui est de la sécurité et de la disponibilité alimentaires. Il va sans dire que de nombreuses villes ont pratiquement été rayées de la carte. Les infrastructures ont été détruites.
    Puisque le Canada répondra aux demandes du CNT en vertu de l'entente-cadre, comme vous l'avez dit, je pense que nous aurions intérêt à savoir si les responsables canadiens comptent intervenir rapidement. De quelles ressources disposons-nous sur place pour aider la population libyenne et subvenir à ses besoins fondamentaux? A-t-on prévu un calendrier ou un budget à cette fin? Pourriez-vous nous donner une idée du plan qui sera déployé pour répondre aux besoins encore urgents de la population dans cette situation de crise?
    Je vais commencer, puis je demanderai à Marie de compléter ma réponse.
    En effet, vous avez cité bien des besoins liés au conflit en Libye — comme la santé, l'alimentation et l'infrastructure —, mais d'autres existaient déjà bien avant. Le pays a besoin de se développer depuis longtemps.
    Le Canada a versé un peu plus de 10 millions de dollars pour essayer de répondre aux besoins du pays sur le plan humanitaire. Il reste naturellement des besoins à combler dans les zones des combats les plus récents, mais dans les villes, comme à Tripoli et à Benghazi, la situation est nettement moins criante qu'elle ne l'était. Il y a de la nourriture sur les tablettes des magasins et de l'eau dans les robinets. En fait, les infrastructures civiles ont relativement peu souffert des affronts. Les bombardements ciblaient spécifiquement les structures militaires.
    Marie pourrait vous parler de ce que nous comptons faire.
(0935)
    L'élément clé, c'est que tout le monde s'entend pour dire que les Libyens doivent prendre les rênes; ils doivent nous dire eux-mêmes ce dont ils ont besoin.
    Les Libyens avaient indiqué à la communauté internationale et à la mission de l'ONU qu'ils ne le feraient pas avant d'avoir remporté la victoire. Même si l'ONU se trouve à Tripoli depuis un moment déjà, elle ne pouvait donc pas commencer à évaluer les besoins. Maintenant que la victoire est confirmée, le processus est lancé. L'ONU, principalement, orchestrera une série d'évaluations en consultation étroite avec les Libyens.
    C'est l'ONU qui supervise cet examen. En voici quelques exemples. On évaluera les services sociaux nécessaires en santé et en éducation. L'Union européenne soupèsera la société civile. La Banque mondiale se penchera sur les infrastructures à réparer. On évaluera également d'autres problèmes, comme le contrôle frontalier. L'ONU s'occupera du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration. Il faut aussi évaluer la sécurité publique, la primauté du droit, les processus électoral et constitutionnel, et ainsi de suite. L'examen portera sur 10 domaines différents.
    Comme je l'ai dit plus tôt, nous voulons agir rapidement, mais ces évaluations prendront du temps, bien honnêtement. Nous souhaitions qu'elles soient réalisées plus tôt, mais le processus vient d'être entamé. À mon avis, il faudra probablement attendre deux ou trois mois avant d'en connaître les résultats.
    Entre-temps, nous examinons nos options à court terme en coordination avec l'ONU. Il y a trois semaines, le Groupe de travail pour la stabilisation et la reconstruction, que je dirige, a commencé par envoyer un représentant auprès de notre ambassadeur à Tripoli, qui discute avec l'ONU, les Libyens et nos collaborateurs sur le terrain des mesures que nous pouvons prendre dans les semaines et les mois à venir.
    Nous avons plusieurs idées. Lorsque le ministre Baird est allé à Tripoli, il a rencontré un groupe de femmes militantes, comme vous le savez peut-être. En fait, nous aimerions encourager la participation des femmes aux prochaines élections.
    Nous essayons donc de déterminer les options qui s'offrent à nous. Nous discutons avec des ONG canadiennes qui sont intéressées. Nous espérons... Notre Fonds pour la paix et la sécurité mondiales contient de l'argent.
    Veuillez m'excuser, mais le temps est écoulé. Je tiens à respecter le temps alloué.
    Nous ne restons pas les bras croisés. Nous essayons de déterminer comment nous pourrions apporter notre aide assez rapidement.
    Merci.
    Monsieur Chisu.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Tout d'abord, je vous remercie de vos exposés.
    Je tiens à féliciter les Forces canadiennes pour le rôle qu'elles ont joué en Libye. Dans son commandement, le général Bouchard est demeuré fidèle aux valeurs canadiennes. Nous pouvons en être fiers, et je le suis particulièrement à titre d'ancien militaire. Nous avons tout fait pour éviter de faire des victimes parmi les civils et nous avons défendu la population libyenne.
    Ma question s'adresse au général. Pourriez-vous nous donner un aperçu de l'ensemble des ressources humaines et matérielles affectées à la mission en Libye? Y en a-t-il moins qu'avant? L'OTAN ou le CNT ont-ils demandé au Canada de rester à l'affût et de surveiller la situation, ou de leur prodiguer des conseils sur de possibles opérations de contre-insurrection? Nous avons vu ce qui se passe en Iraq; en Afghanistan, les auteurs des bombarodements sont passés d'un pays à l'autre. Comment la Libye pourra-t-elle éviter ce genre de situation?
    La question suivante s'adresse à Mme Barbara Martin. Pourriez-vous nous expliquer le rôle de la Mission d'appui des Nations Unies en Libye? Ce que vous avez dit à ce sujet sème le doute dans mon esprit. L'ONU est-elle en bons termes avec le CNT? Se passe-t-il quelque chose? J'aimerais en savoir plus.
    Ma troisième question porte sur l'opération de déminage, dont vous avez parlé, sur la façon dont l'argent... Qui s'en charge? Avez-vous un moyen de vérifier si l'argent est bel et bien affecté au déminage, et pas ailleurs au sein de l'armée?
    En tant qu'ancien ingénieur, je ne peux m'empêcher de poser ces questions.
(0940)
    Merci, monsieur. Je suis heureux de vous revoir.
    En réponse à votre première question sur les ressources, je vous invite à consulter ma déclaration préliminaire. Environ 275 militaires de la Marine royale canadienne étaient déployés à bord du NCSM Vancouver. Quant aux opérations aériennes, nous avions sept chasseurs CF18, deux avions de patrouille maritime, en plus des Polaris et des avions de ravitaillement Hercules. Ils comptent un peu plus de 80 militaires, alors il faut encore ajouter 275 militaires, environ. Par ailleurs, environ 80 militaires accomplissent différentes tâches au sein des postes de commandement et de l'OTAN, ou pour respecter les exigences nationales. La mission compte donc environ 630 militaires, principalement de l'Aviation royale canadienne et de la Marine royale canadienne.
    Pour ce qui est de la surveillance, l'OTAN et le CNT ne nous ont fait aucune demande en la matière, monsieur. Tous nos efforts ont été déployés dans le cadre de l'opération Unified Protector. Dès qu'elle prendra fin, nos ressources seront redéployées conformément aux instructions du gouvernement du Canada.
    Enfin, vous avez soulevé un point très intéressant sur les opérations de contre-insurrection. Très brièvement, je dirais qu'il ne peut y avoir d'insurrection sans un certain appui populaire et sans figure d'autorité pour unir les gens. Nous ne nous attendons pas à une telle situation. L'ancien régime n'a pas la pertinence ou la crédibilité nécessaire pour faire éclater une insurrection pour laquelle nous devrions mener une opération de contre-insurrection.
    C'est ce qui termine ma réponse à la première partie de votre question, monsieur. Je vais laisser la parole à Barbara.
    J'aimerais préciser que je n'ai jamais voulu laisser entendre que les relations sont tendues entre le représentant de l'ONU à Tripoli et la CNT. En fait, ils entretiennent d'excellentes relations. Là où le bât blesse, c'est que le CNT essaie de nommer un nouveau cabinet et qu'il est pris dans tout un tourbillon de changements. Par conséquent, il n'y avait tout simplement personne au CNT pour discuter avec le représentant de la mission de l'ONU. Tout devrait rentrer dans l'ordre d'ici les prochaines semaines.
    En ce qui concerne le déminage, nous comptons verser 400 000 $ au UN Mine Action Service. Ainsi, les autorités libyennes bénéficieront de la compétence et des conseils de cet organisme de l'ONU pour mettre en place leur propre mécanisme de déminage. Nous allons aussi accorder deux millions de dollars à deux ONG internationales spécialistes du déminage. Dans le cas du Mines Advisory Group, ou MAG, je sais que l'ONG a entrepris son travail de déminage en Libye. Nous avons déjà collaboré avec eux en Afghanistan dans différents contextes. L'autre ONG est la Swiss Foundation for Mine Action. Ce collaborateur de renommée incontestable en matière de déminage est aussi d'une grande fiabilité. Puisque nous avons déjà travaillé avec lui, nous sommes assurés que notre argent servira exclusivement au déminage.
    Merci.
    Monsieur Christopherson, allez-y.
    Merci, monsieur le président. Je vous en suis reconnaissant.
    J'aimerais remercier chaleureusement nos invités.
    Puisque je ne siège pas au comité depuis longtemps, je commence tout juste à connaître les dossiers, et j'ai moi aussi grandement apprécié la séance d'information de ce matin. Je pense qu'il faut dire que chacun d'entre nous est très fier du professionnalisme de nos Forces armées et a du respect pour nos concitoyens qui portent cet uniforme et risquent leur vie en notre nom. Même si nous pouvons nous quereller indéfiniment sur des questions de politique concernant les missions, par exemple, nous sommes tous reconnaissants des efforts que déploient les officiers et les Canadiens qui y participent. Par votre entremise, nous voulons leur dire merci.
    Si vous me le permettez, j'aimerais parler des prochaines étapes. Madame Martin, certains affirment qu'il faudra peut-être prolonger la mission, qui, dans ce cas, serait naturellement redéfinie.
    Monsieur le président, permettez-moi de préciser que je respecte entièrement l'extrait que vous avez lu à haute voix en début de séance et que j'en comprends la raison d'être.
    Monsieur le général, je comprends tout à fait que vous devez respecter certaines limites en ce qui concerne les avis que vous donnez au ministre.
     Compte tenu du dénouement de la situation en Libye, j'aimerais quand même savoir quels genres d'objectifs militaires il restera à atteindre en Libye, mis à part la formation en vue de la transition. Est-ce tout? J'aimerais que vous me dressiez une courte liste d'objectifs militaires qui pourraient faire partie d'une éventuelle mission, si jamais vous recommandez au ministre de poursuivre la mission, et que lui aussi en fait la recommandation au Parlement.
(0945)
    Puis-je apporter une précision? Lorsque j'ai mentionné la poursuite de la mission, je faisais allusion à la mission des Nations Unies pour la stabilisation de la Libye, qui n'a rien à voir avec l'opération Unified Protector dans le cadre de la mission de l'OTAN.
    Très bien. Si j'ai bien compris, on n'envisage donc pas de prolonger la mission militaire de quelque façon que ce soit, et aucune opération future n'en fera partie, n'est-ce pas?
    C'est difficile à dire, parce qu'il y a beaucoup de spéculation, monsieur. Je peux sans douter mieux répondre sur le plan des principes.
    Concernant la mise sur pied de l'Unified Protector et de l'opération Mobile dans une organisation externe, l'OTAN, nous devions aller en Libye et protéger les civils contre leur propre régime, qui avait déclaré ses intentions. C'est clair que personne ne veut voir une telle situation perdurer. La mission a consolidé les résolutions du Conseil de sécurité et c'est très bien. Mais nous devons en venir à affirmer que c'est d'abord le Conseil national de transition qui est responsable de tous les aspects de la sécurité en Libye, d'un processus de représentation politique, des élections et de la démocratie. Nous espérons que le conseil amènera les Libyens à prendre les choses en main, comme a dit Barbara.
    Il faudra une force militaire professionnelle pour gérer les menaces extérieures, c'est la raison d'être d'une force militaire, et des forces de sécurité intérieures professionnelles, crédibles et respectées au pays qui vont collaborer avec les policiers.
    Vous avez dit, je crois, que les forces militaires étaient essentielles à tous points de vue. Par ses déclarations jusqu'ici, le Conseil national de transition indique qu'il s'engage dans cette voie. Beaucoup de travail reste à faire. Des alliés de la Libye discutent déjà pour aider dans le processus, surtout pour former les policiers et professionnaliser les militaires. Il faut encourager de telles choses, et cela prendra du temps.
    À mon avis — et j'ai acquis de l'expérience dans la guerre de Croatie, en Bosnie et dans des pays qui traversaient une période de transition —, il faut donner la priorité absolue au processus de réconciliation, monsieur. Il faut savoir comment le gérer. Les Libyens doivent décider de quelle aide ils ont besoin pour se remettre sur pied, reprendre les choses en main et gérer les questions de sécurité extérieure et intérieure.
    Merci.
    Monsieur Opitz.
    Merci, monsieur le président.
    Merci également à vous tous. Je suis très content de tenir cette importante discussion avec les deux militaires de ce groupe de témoins, mais je tiens à remercier aussi les civiles ici aujourd'hui, parce qu'elles font un excellent travail qui passe souvent inaperçu. Vous êtes très professionnels et vos réponses aujourd'hui indiquent que vous savez très bien ce qui se passe sur place. Merci beaucoup de la discussion.
    Général, vous avez lu dans mes pensées. J'allais vous demander quelles leçons vous avez tirées des autres missions auxquelles vous avez participé.
(0950)
    On a dit bien des choses sur moi...
    Je voulais poser la question, parce que nous avons parlé des leçons tirées de cette mission et, dans des séances précédentes, des leçons tirées en Afghanistan et de ce genre de choses. Cela dit, toutes les leçons retenues viennent de quelque part. Vous avez évoqué la Croatie, la Bosnie, le Kosovo et d'autres pays de même genre où vous êtes allé. Pouvez-vous comparer vos expériences passées et ce qui se fait à l'heure actuelle, si on tient compte que nos militaires ne travaillent pas au sol en Libye?
    D'accord, c'est une bonne question, monsieur. Merci de me demander de vous faire part de mes réflexions personnelles. Cela dit, je suis toujours prudent à cet égard, car j'ai occupé un certain nombre de postes au fil des ans.
    Par exemple, en Croatie, j'étais commandant de compagnie dans le 2e bataillon de mon régiment pour la force des Nations Unies et je m'occupais surtout de l'aspect tactique des choses. Nous étions dans un environnement très difficile, surtout dans la poche de Medak, où on a commis des atrocités. Cette expérience a renforcé pour moi l'idée que le professionnalisme dans les forces militaires est absolument nécessaire pour prévenir ce genre de choses.
    J'étais découragé d'apprendre ce qui était arrivé à M. Kadhafi, comme a dit Barbara. Mais j'étais très encouragé par les déclarations publiques du CNT sur ce qu'il voulait faire pour le pays, l'importance de l'état de droit et la professionnalisation des forces et par ce que le président du conseil a dit sur l'unité et la réconciliation, le dimanche de la libération.
    Compte tenu de mon expérience en Croatie et de ce qui se fait en Libye, je suis vraiment optimiste. Je pense que les Libyens, le CNT et le futur gouvernement élu auront besoin de temps pour passer aux actes et obtenir nos conseils fondés sur nos expériences passées.
    C'est un long processus et nous devons être prêts à ce qu'il dure un certain temps. Lorsque j'étais en Bosnie au début de la dernière décennie, la police des cantons où j'étais a mis environ quatre ans pour être en mesure d'appliquer la loi du pays et être crédible. Selon les leçons que j'ai tirées, nous ne sommes qu'aux premières étapes du processus.
    Il faudra du temps pour toutes les choses que Barbara a décrites concernant les défis et les programmes qu'il faut mettre en oeuvre et que différents acteurs devront gérer. À l'heure actuelle, si on exclut certaines erreurs commises que tout le monde déplore, les déclarations publiques sont encourageantes. C'est pourquoi je suis optimiste sur le plan stratégique.
    Concernant la professionnalisation des militaires, nous pouvons envoyer la police et des groupes civils, mais nos militaires doivent-ils selon vous aider les forces du pays à comprendre l'éthos militaire de la même façon que nous? C'est bien sûr dans le contexte de la Libye, mais pensez-vous que le système d'instruction des Forces canadiennes peut aider les militaires libyens et favoriser la mise sur pied d'un tel système?
    Vous soulevez une bonne question, monsieur. Les Forces canadiennes ont de grandes capacités. La dernière fois que j'ai témoigné devant votre comité, j'ai parlé de certaines de mes expériences en Afghanistan et du développement des forces de sécurité. Par expérience, je pense que la police civile est mieux placée pour aider la police civile. Si on ajoute un aspect militaire à la formation, on porte ombrage à la raison d'être de la police, l'application de la loi d'un pays. La formation militaire porte sur autre chose.
    Donc, nous gérons la formation et nous donnons parfois les cours s'il n'y a pas d'autres possibilités. Mais par prudence, nous disons que les autorités civiles et les spécialistes sont mieux placés.
(0955)
    Merci. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Kellway.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Martin, vous dites à la page 8 de votre mémoire que le Canada donne de l'aide selon le cadre convenu avec le CNT. Je me demande si vous pouvez nous donner des précisions sur ce cadre.
    Si vous permettez, je vais laisser Marie en parler, car c'est son domaine.
    Bien sûr.
    Je pense que nous parlons du cadre de coopération des Nations Unies. J'ai parlé des diverses missions d'évaluation qui seront effectuées avant la fin de l'année. Le principal, c'est que les Libyens indiquent clairement quels sont leurs besoins. À partir de là, la communauté internationale va examiner comment répondre à ces besoins et le Canada déterminera le rôle qu'il jouera.
    Le cadre s'appuiera sur toutes les évaluations qui seront effectuées pour connaître les besoins des Libyens, qui dirigent le processus. Nous ne pouvons pas prendre les décisions pour eux.
    Merci beaucoup.
    Je comprends donc que le Canada et le CNT n'ont pas d'accord bilatéral sur la suite des choses en Libye.
    Non, mais des discussions ont eu lieu et le ministre Baird était notamment à Tripoli pour discuter de ce que le Canada était prêt à faire concernant les armes. Le ministre a dit aussi que nous étions prêts à soutenir le processus électoral, les discussions constitutionnelles et la participation des femmes, une question qui était particulièrement difficile. Mais il n'y a pas d'accord bilatéral.
    Merci beaucoup.
    Compte tenu de ce que nous avons entendu aujourd'hui, de ce que nous savons grâce aux médias et de ce que nous pouvons imaginer en raison des événements dont nous avons été témoins ces derniers mois, la grande instabilité, l'incertitude et les infrastructures dévastées, j'ai été surpris de lire que le ministre Baird est allé rétablir les liens et que quatre associations d'entreprises canadiennes l'accompagnaient.
    Il me semble plutôt évident — et c'est un commentaire général qui ne vise pas à prendre quelqu'un en défaut — que nous ne sommes qu'au début du processus. Je suis préoccupé et je me pose des questions sur la priorité de notre ministre, qui est allé présenter quatre associations d'entreprises canadiennes à un nouveau gouvernement qui n'est même pas bien établi. Pouvez-vous commenter la question, s'il vous plaît?
    En fait, le ministre était accompagné de quatre associations d'entreprises et d'une ONG. Il aurait amené plus de gens, mais je souligne que la logistique et les exigences de sécurité limitaient les capacités.
    La réalité, c'est que certaines entreprises canadiennes ont des engagements commerciaux en Libye depuis longtemps. Par ailleurs, un certain nombre de contrats et le travail effectué favorisent les plans de développement à long terme du pays. La visite portait sur les canalisations d'eau et les infrastructures autour de l'aéroport pour faciliter la circulation des personnes et des biens. La participation des entreprises est importante pour la revitalisation de l'économie en Libye.
    Je souligne aussi que, fondamentalement, la Libye est très riche. La production de pétrole se situe actuellement à environ 25 p. 100 de ce qu'elle était avant le conflit. La Libye comptait avant tout sur ses exportations de pétrole. C'est pourquoi il est essentiel de rétablir sa capacité de produire et d'exporter du pétrole afin que le pays progresse de lui-même.
    Nous envisageons une approche mixte pour aider la Libye sans délai à déminer le sol et à enlever les munitions explosives non explosées qui mettent en danger les Libyens et la relance économique. Nous participerons ensuite à une plateforme commerciale axée sur nos intérêts communs. Cependant, les forces du marché déterminent souvent la meilleure façon d'allouer les ressources. C'est donc une approche mixte pour aider la Libye à se remettre sur pied.
(1000)
    Merci.
    Madame Gallant.
    Merci, monsieur le président.
    Les frappes aériennes de l'OTAN étaient très précises. Les militaires ont fait un excellent travail pour réduire au minimum les dommages collatéraux. Quelles précautions ont-ils prises pour prévenir la mort de civils?
    Si vous permettez, madame, je vais en parler de manière générale.
    Nous employons un processus très élaboré que nous appelons le ciblage. Nous tenons compte de ce qu'est une cible militaire légitime et nous effectuons une étude très approfondie des dommages collatéraux potentiels. Sans vouloir déshumaniser la chose, je dirais que nous tenons compte des morts civils qu'une frappe peut entraîner et de l'importance des dommages prévus pour l'infrastructure.
    La frappe envisagée est examinée par les militaires afin que les efforts consacrés soient adéquats pour la cible. Les experts juridiques s'assurent ensuite que nos opérations sont conformes à notre mandat. Diverses autorités de commandement désigné doivent ensuite approuver la frappe, dont le commandant de l'OTAN, le lieutenant-général Charles Bouchard, et, parfois, les autorités au Canada.
    Vous pouvez comprendre que nous ne discuterons pas des détails en public pour des raisons de sécurité opérationnelle, mais je vous assure... Je dois entre autres veiller à la gestion très prudente du processus à Ottawa. Les officiers responsables des opérations, des questions juridiques, du renseignement ou d'autres choses ont aussi une formation très spécialisée et ils sont très professionnels et très compétents.
    Ces dernières semaines, on aurait reproché à notre pays de ne pas s'être acquitté de la part de l'engagement militaire de l'OTAN qui lui revenait en Libye. Général King ou monsieur Grinius, pouvez-vous, s'il vous plaît, nous dire comment le Canada, au contraire, a comblé les attentes de l'OTAN dans l'opération Unified Protector?
    Je suis certainement en mesure de répondre. Je dois vous avouer que je n'ai entendu ni critique sur la participation du Canada à l'opération ni allusion à une prétendue contribution insuffisante de notre pays à la mission.
    Je tiens d'abord à préciser que, membre de l'OTAN depuis le début, le Canada participe à ses opérations dans un esprit d'équipe. On a apprécié sa contribution. Le secrétaire général a officiellement souligné son rôle, qu'a certainement rehaussé le commandement confié au général Bouchard.
    D'après les statistiques, nous avons effectué en Libye 6 p. 100 de toutes les sorties et un pourcentage plus élevé, près de 9 p. 100, de toutes les sorties offensives, c'est-à-dire celles où il y a eu des tirs vers le sol, pour appliquer la résolution du conseil de sécurité de l'ONU. Nous avons effectué un nombre équivalent de missions de ravitaillement en vol, qui ont permis le maintien en vol de nos alliés, grâce à la fourniture de plusieurs millions de livres de carburant. Sur mer, nous avons effectué quelque 460 interpellations et un certain nombre d'arraisonnements pour appliquer l'embargo sur les armes.
    Après discussion avec nos alliés, je pense que le consensus est que le Canada a répondu à l'appel, que ses armes ont notablement contribué à l'efficacité de l'opération, et c'est pourquoi, comme je l'ai d'abord dit, nous en tirons beaucoup de fierté.
    Je n'ai donc rien entendu...
    Marius, vouliez-vous ajouter quelque chose?
(1005)
    Si vous permettez, le général King a parlé du processus de consultation, etc. L'opération a été en quelque sorte différente des autres parce que les États-Unis ont annoncé qu'ils joueraient un rôle un peu plus effacé et qu'ils ne mèneraient pas nécessairement la charge comme ils l'avaient fait dans de nombreuses autres opérations — il suffit de voir les chiffres pour l'Afghanistan, par exemple. Pour compenser, certains de nos alliés, notamment le Royaume-Uni, la France et l'Italie, ont intensifié leur participation à plusieurs égards, et il est certain que le Canada, de nombreuses manières, a été en plein coeur de l'action, comme le général King l'a décrit.
    J'aimerais céder le temps de parole qui me reste à M. Alexander.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Alexander, c'est, de toute manière, votre tour.
    Merci, monsieur le président.
    Nos remerciements, nos félicitations et nos sincères éloges sont évidemment de mise, pour vous tous ainsi que pour les hommes et les femmes derrière vous, dans les éléments de la mission Unified Protector. Sous de nombreux rapports, votre réussite, jusqu'ici, a été exemplaire; nous savons que beaucoup de problèmes difficiles ne commencent à paraître qu'aujourd'hui. La plupart concernent les civils. Nous savons que nos homologues du Comité des affaires étrangères et nous tous au Parlement continuerons de suivre cette question.
    Je tiens à faire trois observations rapides avant de vous poser quelques questions.
    D'abord, sur la mort de Kadhafi, notre premier ministre et nos ministres ont clairement dit qu'ils s'attendaient à ce que, pendant cette campagne, le Conseil national de transition et ses forces respectent les lois de la guerre et les droits de la personne et qu'ils répondent de leurs actions. Manifestement, dans la confusion qui a régné à Sirte, ce qui est arrivé à Kadhafi n'aurait pas dû se produire. Les circonstances sont encore nébuleuses. Nous sommes tous heureux et satisfaits que le CNT ait accepté de faire enquête. Il bénéficiera de l'appui international, évidemment, et nous attendons de voir ce qui arrivera ensuite.
    Sur la question de la prolongation de la mission, je tiens à remercier nos témoins d'avoir fait preuve de retenue dans leurs hypothèses, parce que l'OTAN n'a pas très nettement dit qu'elle se terminait lundi. Aujourd'hui, elle se réunit. On demandera manifestement de poursuivre certains éléments de la mission, mais on devrait confier l'évaluation des besoins au personnel chargé de l'opération Unified Protector, qui est le mieux informé des problèmes. Pour le moment, personne ici présent n'est au courant de ces discussions. Nous devrons attendre. Mais, aujourd'hui, nous avons un plan, et c'est pour que la mission prenne fin le 31 octobre, tel que convenu par le Canada, le 21 octobre.
    D'après beaucoup de personnes ici présentes, je pense que la principale caractéristique de la mission, c'est d'être parvenue à éviter les pertes de vies chez les civils. Je pense vraiment que personne ne peut davantage s'en attribuer le mérite que le lieutenant-général Charles Bouchard lui-même, compte tenu des responsabilités qui reposaient sur ses épaules et celles de son personnel.
    Je tiens à le dire, devant le comité, ce sera probablement un exemple qui sera désormais étudié dans les collèges militaires ainsi que pendant les exercices menés sur les leçons retenues sur le plan opérationnel.
    Ma question concerne la police et l'armée. Ils prennent notre relève. Je sais qu'on se pose beaucoup de questions et que les évaluations ne sont pas terminées, mais quelle est l'évaluation canadienne actuelle de la capacité de la police libyenne, dans la mesure où elle existe, et de l'armée libyenne? Les forces du CNT sont irrégulières. Une partie sera licenciée. Il y avait des forces régulières, évidemment inféodées à Kadhafi. D'après vous quel rôle peuvent-elles jouer?
(1010)
    Je pense que l'avenir nous cache encore beaucoup de choses, mais les évènements, à Tripoli, sont très révélateurs.
    Actuellement, une stabilité et une sécurité relatives y règnent. Il y a eu des incidents, des affrontements entre milices — des espèces de lutte de pouvoir —, mais, dans ce cas, les autorités libyennes établissent en quelques heures des barrages routiers autour des collectivités, afin de maîtriser la situation. Cela dénote un degré très élevé de capacité et de sophistication.
    Donc, à court terme, ces forces ne sont pas aussi diminuées que ne l'étaient, par exemple, les forces de sécurité en Afghanistan. Elles conservent une capacité considérable. Une proportion importante d'entre elles a également changé d'allégeance.
    D'accord.
    La question consiste donc à savoir avec quelle rapidité elles pourront unifier le commandement et se servir des atouts qui leur restent.
    Ma dernière question compte deux sous-questions.
    Vous n'aurez pas le temps pour deux sous-questions.
    Avez-vous des observations à faire sur le devenir des 2,2 milliards de dollars que nous avons débloqués pour les autorités libyennes? Dans quelle mesure le déblocage ou l'utilisation de cet argent répondent-ils aux cadres appropriés de responsabilisation?
    En outre, c'est un objectif très ambitieux que de se donner quelques mois pour se doter d'une constitution. Le CNT a-t-il mentionné de quel modèle il s'inspirerait pour la constitution ou bien part-il de zéro?
    Je ne suis au courant d'aucun modèle, je ne peux donc rien dire à ce sujet.
    En ce qui concerne les 2,2 milliards de dollars, ils sont à la disposition de la direction du CNT. Ils seront assujettis au mécanisme financier de transition. C'est le comité des sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU qui a imposé les contraintes à l'utilisation de ces fonds et qui nous a permis de les débloquer. Ce mécanisme sert à contrôler les fonds.
    Merci.
    Nous abordons maintenant la troisième série de questions.
    Madame Davies, vous avez la parole, pendant cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Revenons à ce que vous avez dit, madame Martin, au sujet du cadre convenu avec le CNT. Le manque de précision des réponses me laisse sur ma soif. Si, comme l'affirme le secrétaire parlementaire, la mission est exemplaire, on serait donc en droit de supposer que, vers la fin d'une mission militaire, on commence à regarder vers l'avenir. Il doit donc y avoir toutes sortes de plans de prévus pour ce que nous ferons. Voilà donc notre question: qu'est-ce que, en fait, le Canada fera dorénavant?
    Nous savons que le ministre est allé là-bas, accompagné de chefs d'entreprises. Vous avez dit qu'il était important de réinvestir dans le pays, et c'est assurément compréhensible. Quand Marie Gervais-Vidricaire a exposé le rôle de l'ONU, elle a très nettement précisé que c'est ce que cet organisme ferait, que d'autres organismes se chargeraient d'une évaluation sociale, tandis que d'autres personnes examineraient les fonctions électorales. Il semble y avoir des tâches précises pour d'autres organismes ou pays, mais nous ne savons pas encore de quoi héritera le Canada.
    Pouvez-vous nous éclairer sur ce que sera notre principale tâche? Est-ce que ce sera de rebâtir l'armée ou la police? Est-ce que cela concernera la société civile ou les femmes? Vos réponses, jusqu'à maintenant, ne m'éclairent pas sur ce vers quoi nous nous dirigeons.
(1015)
    Monsieur le ministre Baird a annoncé, à Tripoli, qu'il fournira 10 millions de dollars pour s'occuper des munitions non explosées et des armes de destruction massive. C'est une priorité très nette pour l'engagement du Canada en réponse à des demandes précises de la Libye.
    Au même moment, le ministre a reçu un certain nombre d'autres demandes. Elles sont encore à l'étude. Je ne peux donc rien dire, publiquement, à leur sujet.
    Pour nous, le mot « cadre » signifie le plan et les priorités établis par les autorités libyennes. Elles ont très nettement dit qu'elles ne voulaient pas, en Libye, de donneurs bilatéraux qui viendraient y faire tout à leur guise. Elles tiennent à être aux commandes. Elles ne veulent même pas que l'ONU exécute son programme. Elles ont donc mis le holà, faisant valoir qu'il fallait du temps pour mettre en place le cabinet des ministres. C'est à partir de ce moment que les détenteurs de l'autorité pourront nous préciser les priorités et nous inviter à y répondre. Notre manque de précision vient donc du fait que nous voulons que le processus soit mené à son terme.
    Combien de temps faudra-t-il? Avez-vous une idée de l'échéancier?
    Un nouveau cabinet du gouvernement de transition doit être formé d'ici 30 jours. On s'attend à ce que cela se fasse en à peu près deux semaines.
    Si je peux apporter cette précision, le processus d'évaluation des besoins avec les Libyens, qui est dirigé par l'ONU, prendra quelques mois de plus, malheureusement.
    Je pense que vous avez dit que l'ONU se chargeait des évaluations sociales. Est-ce que le Canada y participera?
    Comme je l'ai dit, il y a, en tout, 10 missions d'évaluation. Elles feront appel à des experts de l'ONU et, dans certains cas, de différents pays. Nous avons manifesté le désir de participer aux missions d'évaluation de la sécurité publique et de la primauté du droit ainsi que des processus électoraux et constitutionnels.
    Comme Barbara l'a dit, nous ne sommes peut-être pas aussi fixés que nous l'aimerions sur ce que nous ferons, parce que nous devons connaître les besoins réels des Libyens. Nous avons été en mesure de faire des annonces plus précises sur le déminage, le système portatif de défense antiaérienne, les armes chimiques dangereuses et les autres armes non classiques, parce que, à ce sujet, tout est net. Les Libyens eux-mêmes considèrent ces questions comme prioritaires — l'ONU également. Nous savons que nous pouvons nous attaquer à ces dossiers rapidement. Quant au reste, nous devrons être mieux informés.
    Il y a un créneau évident pour le Canada, que ce soit dans la formation de la police ou la prestation d'aide technique pour les élections. Nous avons besoin de savoir exactement ce qu'il faut.
    Je suis désolé, votre temps est écoulé.
    Monsieur McKay.
    Merci, monsieur le président.
    Dans le même ordre d'idées, on s'inquiète manifestement des munitions non explosées et des armes de destruction massive, ainsi de suite. Dans un reportage de l'Agence France-Presse publié aujourd'hui, il est question de munitions inutilisées. On lit:
Cela fait des mois que nous avertissons le Conseil national de transition et l'OTAN du danger...

Obus d'artillerie de tous calibres, munitions pour canons antiaériens, missiles thermiques ou à tête explosive au Semtex, missiles anti-char, roquettes Grad à fragmentation, bombes aériennes lourdes de 250, 500 ou 900 kilogrammes...
    Et l'énumération se poursuit.
    Avez-vous fait le même constat?
    C'est à moi que vous demandez?
(1020)
    Oui. Je suis très...
    Il y a énormément de munitions en Libye. Le général Bouchard, dans la déclaration qu'il a faite en fin de semaine, a évoqué l'ampleur du problème, qui est de taille. Le colonel Kadhafi, avant sa mort, était parvenu à réunir un imposant arsenal, et, grâce à une série de mesures ou de processus qui ont été décrits, la communauté internationale s'attaque collectivement à ce problème.
    Puisque vous me le demandez, je suis absolument sûr que le reportage est exact.
    Dois-je comprendre que le CNT a invité des pays comme le Canada à s'occuper des munitions non explosées et des armes de destruction massive, mais qu'il s'est réservé les munitions inutilisées? Autrement dit, savons-nous ce que nous devons faire avec ces munitions inutilisées?
    Il y a un écart énorme entre les demandes explicites que l'on adresse au Canada, pour obtenir sa contribution, et les préoccupations générales des autorités à l'égard d'une foule de questions. L'ONU a, en fait, eu de très longues conversations avec les autorités au sujet des munitions, des systèmes portatifs de défense antiaérienne et d'autres armes qui circulent dans le pays.
    Une partie de la solution passe par la démobilisation de la milice et la récupération des armes utilisées pendant le conflit. On accorde une priorité très haute à la situation générale.
    Les conversations entre le CNT et l'ONU ont porté sur un genre d'armes. Et on confie au Canada les engins non explosés et les armes de destruction massive. Merci.
    Des organismes non gouvernementaux canadiens ont-ils demandé de participer, d'une manière ou d'une autre, à la reconstruction de la Libye?
    Oui, certains ont manifesté leur intérêt. Un certain nombre nous ont contactés immédiatement.
    Nous maintenons l'avis aux voyageurs pour les inciter à la prudence s'ils vont en Libye, en leur conseillant uniquement les régions de Tripoli et de Benghazi, s'ils doivent y traiter des affaires essentielles.
    Pensez-vous que des ONG canadiennes ont réussi à obtenir des fonds pour des projets particuliers?
    Je laisse à Marie le soin de répondre.
    En ce qui concerne le déminage, je me suis entretenu hier avec un employé de GlobalMedic, une OGN canadienne. Il m'a confié que son organisation participait aux travaux du Groupe de consultation sur les mines, qui s'occupe déjà de déminage en Libye…
    Excusez-moi, mais les deux millions de dollars proviennent-ils du budget du MAECI, de celui du MDN ou de celui de l’ACDI?
    C'est du budget du MAECI. Comme je l’ai mentionné, deux programmes sont en cause: le Programme de partenariat mondial qui vise les armes non classiques, et le programme financé sur le Fonds pour la paix et la sécurité mondiales en ce qui concerne le déminage et les systèmes portatifs de défense antiaérienne.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Norlock.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je m'adresse, je pense, à Mme Martin ou à Mme Gervais-Vidricaire.
    Certaines questions montrent qu'on veut avoir le beurre et l'argent du beurre. On se dit surpris que le gouvernement du Canada ait recours à des entrepreneurs pour aider le nouveau gouvernement libyen à d'établir ses assises avant de pouvoir s'occuper seul de ses affaires.
    Que nous ayons un pays qui soit plutôt favorable à la démocratie et que son gouvernement embryonnaire compte moins sur la charité internationale pour tabler davantage sur ses ressources naturelles, cela ne correspond-il pas à nos intérêts et à nos objectifs nationaux? Pouvez-vous nous indiquer ce qu'il faut faire sur le seul plan de l'orientation à prendre?
     Certainement. Vous avez décrit très clairement notre objectif à long terme: une Libye qui sera un pays ami et démocratique avec lequel nous entretiendrons des relations d'égal à égal.
    Merci beaucoup.
    Le Canada ne souhaiterait-il pas établir des relations commerciales qui seraient non seulement profitables à la Libye, mais qui permettraient également au Canada de récolter ce qu'il a semé dans ce pays — tout ce que nous y avons investi pour favoriser sa démocratisation —, autrement dit des relations commerciales avantageuses pour nos deux pays?
    Oui.
    Merci beaucoup.
    Je cède maintenant la parole à M. Strahl.
(1025)
    Général King, vous avez indiqué que 630 militaires canadiens participent à la mission. C'est donc dire qu'environ 630 familles canadiennes se demandent quand leurs êtres chers reviendront au pays.
    Ma question est simple: Si l'OTAN décidait de mettre fin à la mission lundi, quand ces militaires reviendraient-ils au Canada?
    Merci monsieur.
    Le bien-être de ces familles constitue une de nos priorités absolues. Je peux vous répondre aussi brièvement que Barbara vient tout juste de le faire: ce sera dès que possible.
    Je préciserai cependant que nous avons déjà planifié la reconnaissance, les mesures qu'il faudra prendre pour regrouper tous nos militaires, de sorte que, le moment venu, nous pourrons les ramener rapidement. Nous attendrons que le gouvernement du Canada prenne la décision à cet égard, puis nous agirons en ce sens. Cependant, ce sera fait en très peu de temps, car nous avons déjà l'expérience de ce genre d'opération.
    Excellent.
    De toute évidence, d'autres missions, comme celle en Afghanistan, sont très complexes. Pour la Libye, je présume que c'est peut-être plus simple.
    La situation en Libye offre certains avantages sur le plan du redéploiement. De toute évidence, la Force aérienne déploie ses effectifs par ses propres moyens, contrairement à l'Armée de terre qui doit compter sur le transport aérien stratégique. Les opérations seront sensiblement analogues à celles employées en Afghanistan, comme nous vous l'avons expliqué lors de la dernière session.
    Mais la situation en Libye offre effectivement certains avantages. En outre la mission y est d'une ampleur cinq fois moindre à celle de la mission en Afghanistan ou d'autres opérations d'envergure. Nous gagnerons donc du temps, et les choses se dérouleront rondement, monsieur.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    La troisième série de questions est terminée.
    Je voudrais cependant obtenir certaines précisions.
    Il est question d'établir des forces policières et militaires professionnelles en Libye. D'ici là, comment allons-nous y assurer la protection de nos diplomates et du personnel de l'ACDI et des ONG canadiennes? A-t-on envisagé ce problème, d'autant que les forces de l'OTAN s'apprêtent à se retirer de ce pays?
    De toute évidence, la protection du personnel canadien de l'ambassade constitue une priorité essentielle du gouvernement du Canada. En fait, des mesures exhaustives ont été mises en oeuvre en ce sens. Bien sûr, je ne peux pas vous en donner les détails pour des raisons opérationnelles, mais nous sommes convaincus que ce personnel y est bien protégé, et les fonctionnaires de l’ACDI le seraient également, mais aucun d'entre eux n'est affecté à l'ambassade.
    L’ONU veillera à la protection de son personnel. Le gouvernement du Canada ne peut pas garantir la sécurité des employés des ONG et des autres organismes, qui doivent prendre les mesures nécessaires et qui envisagent plusieurs solutions en ce sens.
    Pourrais-je apporter une précision?
    Nous estimons qu'aucune menace ne pèse contre les travailleurs occidentaux affectés en Libye et qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter pour le moment.
    Lors de la révolution, nous avons constaté notamment que bien des combattants fidèles à Kadhafi, des militaires libyens et des policiers ont changé d'allégeance. N'apportent-ils pas un niveau de professionnalisme? Ne possèdent-il pas la formation et les compétences nécessaires ainsi que le jugement pour se comporter correctement et faire respecter la primauté du droit. Ne conviendrait-il pas, comme point de départ, de tabler sur eux pour constituer ces forces policières et militaires?
     La Libye possède certainement de solides éléments sur lesquels on peut miser.
    En ce qui concerne les méthodes opérationnelles, dans quelle mesure ces nouvelles forces policières doivent-elles recevoir de la formation sur les droits de la personne et peuvent-elles faire respecter ces droits? Il faut également tenir compte du sentiment de loyauté. Les responsables du CNT nous ont confié être aussi inquiets que nous à cet égard. Il faut alors se demander comment le CNT réussira cette transformation, de sorte qu'il puisse compter sur des forces qui sont l'apanage d'un État démocratique respectueux de la primauté du droit et des droits de la personne.
(1030)
    Je voudrais ajouter qu'il faut commencer par les têtes dirigeantes. C'est l'élément essentiel, d'après mon expérience avec les forces de sécurité nationales de l'Afghanistan.
    La constitution des forces de sécurité apportera d'autres problèmes aux Libyens. C’est une société tribale, ce que vous savez sans doute, monsieur. Comment cela se traduira-t-il dans la composition des forces militaires et policières? Les Libyens devront se pencher sur ces problèmes, qui se sont posés en Afghanistan et devraient se répéter en Libye. Il faut cependant commencer par les têtes dirigeantes. C'est le point de départ.
    De plus, comme l'a indiqué Barbara, les têtes dirigeantes doivent posséder les qualités leur permettant d'accomplir ce que le président Jalil a évoqué à la libération de son pays: faire respecter la primauté du droit ainsi que favoriser la réconciliation. la tolérance et l'unité.
    Les forces fidèles à Kadhafi entrent dans l'équation des efforts de réconciliation et d'unité. Les circonstances du décès du colonel Kadhafi y seront-elles préjudiciables? Il est peut-être trop tôt pour le savoir, mais y a-t-il des indications en ce sens?
    C’est une question que nous avons posée, étant donné les soupçons quant à la nature de son décès. Il est trop tôt pour le déterminer, mais cela complique énormément la situation actuelle et future.
    Je dirais que c'est possible, monsieur. Nous surveillons la situation de près.
    Merci.
    Je remercie nos témoins d'avoir comparu aujourd'hui pour nous renseigner sur la situation en Libye.
    Je vous prierais de bien vouloir transmettre au général Bouchard les observations que nous vous avons formulées aujourd'hui et de féliciter les hommes et les femmes membres de la Marine royale canadienne, de l'Aviation royale canadienne et des autres éléments des Forces canadiennes en mission en Libye. Ils ont accompli un travail magnifique qui rejaillit sur nous et ils ont toute notre fierté. Sous le commandement du général Bouchard, nos forces ont pu travailler de concert avec nos alliés de l'OTAN, s'acquittant de la lourde responsabilité qui consistait à protéger tous les civils en Libye tout en favorisant la libération du pays. Nous vous remercions de tous ces efforts.
    Avant de lever la séance, je tiens à signaler que, malheureusement, nos travaux de la semaine prochaine ont été légèrement modifiés parce que les témoins prévus n'ont pu se libérer. Mardi, nous accueillerons le général Vance, directeur de l'État-major interarmées stratégique. Le général Natynczyk, CEMD, comparaîtra le 3 novembre. Ce sera alors l’occasion d’entendre son témoignage et de lui poser des questions sur la capacité opérationnelle de nos forces, sujet que nous continuerons d’examiner.
    Cela étant dit, je proposerais que les séances sur le COMFEC et le Commandement Canada se tiennent dans la semaine suivant celle de la relâche. Le comité de direction ne se réunira pas sur ce point, car tout a été réglé, mais je le convoquerai après la semaine de relâche.
    Monsieur McKay.
    Le secrétaire parlementaire pourrait-il nous indiquer quand il entend présenter les projets de loi C-15 et C-16?
    Quand seront-ils déposés à la Chambre, monsieur Alexander?
    Ils ont été déposés, comme vous le savez, et nous avons consulté l'opposition.
(1035)
    Je n'ai pas été consulté.
    Nous avons eu une longue conversation sur le sujet à bord de l'avion, John, et vous avez pu consulter les projets de loi.
    Nous cherchons cependant à obtenir une entente pour étudier ces projets de loi rapidement. Nous voulons commencer par le moins volumineux des deux pour en faire les trois lectures incessamment car le temps presse. Si le projet de loi n'est pas entré en vigueur le 2 décembre, nous porterons préjudice à la constitutionnalité du système de justice militaire. Quant à l'autre projet de loi, comme la Chambre et le comité l’ont examiné pendant deux et cinq jours respectivement, nous proposons un intervenant de chaque côté lors de la deuxième lecture, puis nous espérons que le comité l’étudie avec diligence.
    Merci.
    Je demanderais à quelqu'un de proposer la levée de la séance.
    Je le propose.
    La séance est levée.
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