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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 044 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 19 juin 2012

[Enregistrement électronique]

(1310)

[Traduction]

    D’accord. Nous avons quorum; nous pouvons entendre le témoin. Comme toujours au sein de notre comité, notre temps est restreint.

[Français]

    Nous sommes le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Aujourd'hui, le 19 juin 2012, c'est notre 44e séance.

[Traduction]

    La séance est télévisée. Je vous prie donc d’agir en conséquence.
    Il s’agit probablement de notre dernière séance publique sur la situation des droits de la personne en Birmanie.
    Nous sommes vraiment ravis d'accueillir M. Uddin; il est directeur général de l’Arakan Rohingya Union. Il est venu de Londres pour témoigner devant notre comité. Il retournera à Londres après être passé quelque 18 heures en sol canadien. En remerciement de son effort surhumain, notamment d’avoir enduré les aléas des vols aériens et la nourriture à bord, nous devrions lui accorder notre attention, mais il a également un exposé très intéressant. De plus, je crois que nous nous entendons tous pour dire que c’est un sujet très important.
    Bienvenue au sous-comité, monsieur Uddin.
    Monsieur Parkinson, bienvenue à vous aussi.
    Monsieur Uddin, veuillez faire votre exposé.
    Merci beaucoup de m’avoir invité à faire un exposé. J’aimerais vous faire part de la situation actuelle de la minorité ethnique rohingya dans l’État d’Arakan en Birmanie. Il s’agit d’une population minoritaire vulnérable qui vit dans l’ouest de la Birmanie. Les Rohingya sont victimes de nettoyage ethnique depuis un demi-siècle. La situation s’est dégradée; j’aimerais donc attirer votre attention sur ce qui se passe en Birmanie et dans notre État.
    Avant d’entrer dans le vif du sujet, j’aimerais présenter notre organisme qui s’appelle l’Arakan Rohingya Union ou l’ARU. Je la représente. Il s’agit d’un regroupement de 21 organismes rohingya de partout dans le monde. Notre propre organisme, la BRANA ou la Burmese Rohingya Association of North America, ce qui comprend le Canada et les États-Unis, en fait partie. Nous sommes l’un des quelque 25 membres signataires de l’Arakan Rohingya Union.
    Premièrement, cet organisme a le mandat de s’engager auprès du gouvernement de la Birmanie et d’autres entités birmanes pour régler pacifiquement la question des Rohingya par l’entremise des voies diplomatiques. Deuxièmement, nous souhaitons améliorer les conditions de vie des Rohingya, une minorité ethnique qui vit dans l’État d’Arakan, en Birmanie. Troisièmement, nous voulons améliorer le dialogue et la relation entre les Rohingya et les autres communautés, y compris les diverses minorités ethniques et les autres communautés en Birmanie.
    Nous avons un secrétariat au sein de l’ARU; j’en suis directeur général. Nous avons cinq services: les relations internationales, les réfugiés, la sensibilisation, le financement, et la culture et les médias. Nous avons un conseil de coordination composé de 11 membres et un comité consultatif qui en compte 7. Voilà la structure de base de notre organisme.
    À l’aide de quelques diapositives, je vais vous présenter très brièvement les Rohingya. Il s’agit d’une minorité multiethnique de l’ouest de la Birmanie qui vit dans cette partie du pays depuis des siècles. Les origines des Rohingya remontent au Moyen-Orient, au Caucase et en Asie du Sud. Ce groupe est un amalgame de populations qui sont venues en Birmanie pour diverses raisons il y a des siècles sous le règne des empires perse et moghol. Il s’agissait notamment de commerçants arabes. Cette population vit dans l’ouest de la Birmanie, et j’en suis l’un des descendants.
    Les couleurs sur la carte de la Birmanie représentent les divers États. L’État d’Arakan est en bleu dans le cercle rouge; c’est une bande de terre en bordure de la côte. Les Rohingya se trouvent principalement au nord du cercle bleu, dans la partie nord de l’État d’Arakan, mais il y en a aussi quelques-uns au sud.
    Cette minorité multiethnique de l’ouest de la Birmanie est principalement de confession sunnite et a des liens culturels avec l’Asie du Sud. Elle représente environ 40 p. 100 de la population de l’État d’Arakan, soit environ trois millions de personnes, mais seulement environ 1,5 million de Rohingya s’y trouvent actuellement. Bref, environ 1,5 million de personnes sont éparpillées dans le monde, principalement en Asie.
    L’analphabétisme est très élevé, parce que les Rohingya n’ont pas accès à l’éducation depuis des années. Si vous examinez le recensement et la situation sur le terrain, vous constaterez que moins de 1 p. 100 des Rohingya possèdent un diplôme d’études secondaires. La majorité d’entre eux n’ont même jamais fait d’études.
    Les Rohingya sont victimes d’un nettoyage ethnique en Birmanie. C’est généralisé. C’est systémique, étant donné que c’est orchestré par la junte militaire birmane depuis 50 ans. C’est systémique et progressif. C’est continu. Cela n’arrête jamais. C’est croissant. C’est persistant. Toutes ces manoeuvres de nettoyage ethnique sont bien coordonnées, et elles sont aussi bien documentées par la communauté internationale.
    Ce nettoyage ethnique a principalement commencé en 1962 sous la dictature militaire du général U Ne Win. Il a pris le pouvoir en renversant le gouvernement civil. Au cours de cette période, soit en 1962 et avant, les Rohingya détenaient la citoyenneté birmane en tant que membres d’une minorité ethnique. Après le coup d’État orchestré par le général Ne Win, leur citoyenneté a été révoquée par le conseil révolutionnaire du général Ne Win.
    Depuis lors, aucun acte de naissance n’est délivré; le gouvernement refuse de le faire. Le gouvernement ne délivre pas d’extrait de mariage pour les couples de cette communauté ethnique. Les Rohingya sont la seule minorité ethnique du pays dont les membres doivent obtenir un permis pour se marier; c’est la seule des 147 minorités ethniques du pays. Une seule minorité ethnique doit obtenir un permis du gouvernement pour se marier; or, les refus sont monnaie courante. Il faut soudoyer à outrance les autorités si nous voulons qu’un enjeu sporadique soit abordé.
    Les Rohingya font l’objet de nombreuses restrictions concernant les déplacements. Ils ne peuvent pas se déplacer à l’intérieur de l’État, entre les villages, dans le pays ou aller à l’étranger. Leurs déplacements sont restreints. Les autorités accepteront des pots-de-vin pour délivrer des autorisations limitées concernant les déplacements locaux ou entre les villes et les villages.
    Le gouvernement refuse à cette communauté ethnique l’accès à l’éducation. J’ai été l’un des privilégiés à faire des études en Birmanie. Je suis né en Birmanie. J’ai étudié là-bas, parce que la junte militaire venait de commencer le nettoyage ethnique. C’était en 1962, et j’avais sept ans. C’était de plus en plus difficile pour nous d’aller à l’école, mais à cette époque nous avions un accès restreint au collège. J’ai donc été l’un des privilégiés en Birmanie. J’ai pu faire des études collégiales pendant cette période, même si nous devions détenir une autorisation pour nous rendre aux campus. Nous pouvions tout de même y aller. L’accès nous y est maintenant interdit. Aucun Rohingya ne peut fréquenter un collège ou même une école secondaire. Ils ne peuvent pratiquement pas aller à l’école.
    Des terres sont confisquées. Les Rohingya sont principalement des agriculteurs et des pêcheurs. Ils possèdent des terres depuis des siècles. Leurs terres ont été confisquées par le gouvernement birman et ont été remises à des familles d’autres ethnies qui ont été déplacées du centre de la Birmanie. Ces familles sont installées sur les terres des Rohingya. Les terres sont confisquées et remises à d’autres familles, et la région est ainsi repeuplée. Les Rohingya ont été remplacés par ces gens. C’est ce qui se produit en ce moment.
(1315)
    Le travail forcé est une pratique répandue. Une conférence internationale a récemment eu lieu à ce sujet. Je pourrai vous en faire parvenir plus tard le rapport. Le travail des enfants est également une pratique. Des enfants de cinq, six ou sept ans doivent travailler. Des familles entières, du père aux jeunes enfants, sont contraintes à travailler.
    Il y a des arrestations arbitraires. Les policiers peuvent arrêter un Rohingya sans porter d’accusation contre lui. Des gens sont emprisonnés, mais la notion d’application régulière de la loi n’est pas respectée. Ils peuvent croupir en prison pour une durée illimitée sans avoir de recours.
    Des taxes arbitraires sont aussi imposées aux Rohingya, et l’extorsion est une pratique répandue.
    Les forces gouvernementales ont créé des conditions de vie extrêmement misérables dans les régions où se trouvent les Rohingya. Les mesures d’austérité signifient que c’est de plus en plus très difficile pour les gens de vivre au jour le jour. Ils ont été directement ou indirectement expulsés de diverses régions du pays. Vous avez peut-être entendu parler aux nouvelles des réfugiés de la mer qui se sont rendus jusqu’en Malaisie et en Thaïlande, parce qu’ils n’avaient nulle part d'autre où aller. Ils utilisent des embarcations de fortune, et bon nombre de ces gens périssent noyés, comme nous le savons tous. Cette situation est rapportée dans les médias internationaux. Cela fait partie du processus d’expulsion.
    J’aimerais maintenant attirer votre attention sur l’enjeu le plus urgent, soit les violences et le carnage actuels qui font rage en ce moment même dans l’État d’Arakan en Birmanie. Ce carnage et cette violence sont coordonnés. L’orchestration de cette violence a commencé en 2010, avant les élections. En gros, les violences racistes ont été délibérément transformées en violences fondées sur la religion pour mobiliser la vaste majorité de la population birmane, dont 89 p. 100 des membres sont de confession bouddhiste. Le nettoyage ethnique a été transformé en violences fondées sur la religion. Les gens se comportent comme tout autre extrémiste religieux; ils partagent la même idéologie.
    Il y a eu le massacre épouvantable de 10 pèlerins musulmans, qui n’étaient même pas Rohingya. Ils venaient du centre de la Birmanie et s’étaient rendus dans l’État d’Arakan pour un pèlerinage. Ils ont été tués la semaine dernière à proximité de leur autobus. Ils ont été massacrés. Des images horribles ont été diffusées. C’est humainement impensable de croire que des gens puissent être ainsi charcutés à notre époque.
    C’était le déclencheur. Des émeutes coordonnées se sont depuis propagées à l’ensemble de l’État. De nombreuses personnes ont été tuées. Nous n’avons pas de données, parce que les forces gouvernementales ouvrent le feu sur des Rohingya non armés et que les corps hissés à bord de camions ne sont jamais retrouvés. Les corps sont transportés vers un lieu inconnu. Nous savons que les morts se comptent par milliers, mais nous n’en connaissons pas le nombre exact. Nous n’avons pas les corps, mais des gens sont portés disparus. Nous présumons que la plupart de ces personnes ont été tuées. J’ai bien peur qu’elles aient été enlevées.
    Beaucoup de villages ont été brûlés. J’ai parlé ce matin avec des habitants de Sittwe, anciennement Akyab, la capitale provinciale, qui disent que des villages brûlent toujours, même si le gouvernement a décrété la loi martiale, un couvre-feu et l’état d’urgence. En réalité, cela ne fonctionne tout simplement pas. La situation est très différente.
(1320)
    Il est malheureux de noter la présence de campagnes de désinformation contre les Rohingya dans plusieurs médias internationaux. Malheureusement, les médias internationaux n’ont honnêtement pas d’autres sources que le ministère de l’Information de la Birmanie. Ce ministère leur donne un compte rendu des violences en se fiant à ses représentants birmans sur le terrain. Les renseignements sont vraiment déformés et mensongers. La communauté internationale et les médias n’ont pas réussi à avoir accès aux deux versions de l’histoire, soit la version des Rohingya et celle des Rakhines. Cette situation persiste depuis environ la semaine dernière. Nous ne connaissons pas exactement le nombre de blessés et de morts et l’ampleur du carnage. Le gouvernement affirme que 17 personnes sont mortes, mais je peux vous assurer que c’est des centaines de personnes qui meurent chaque jour, voir des milliers. Le gouvernement birman minimise l’importance des pertes de vies humaines et des pertes de biens.
    Au nom de tous les Rohingya dans le monde, j’aimerais demander à la communauté internationale de demander au gouvernement ou de le convaincre, peu importe la façon, de mettre fin immédiatement à la violence continue grâce à l’application efficace de la loi sur le terrain. Je fais cette demande, parce que des pillages et des meurtres continuent d’avoir lieu, malgré l’état d’urgence. Aucun Rohingya n’est membre des forces armées, des forces policières ou des autres forces de sécurité, et les membres de ces forces se rangent du côté de leurs semblables. Ils aident donc leur propre groupe ethnique à combattre les Rohingya. Voilà pourquoi ces forces sont rakhines. Les forces bouddhistes n’appliquent pas et ne respectent pas leur propre loi sur le terrain, et nous ne sommes pas certains que le président, qui vit dans la capitale, soit conscient de ce qui s’y déroule réellement.
    Nous demandons à la communauté internationale d’intervenir; il faut demander au gouvernement birman ou le convaincre d’appliquer efficacement la loi, au lieu de tout simplement décréter un couvre-feu. Le couvre-feu doit également être respecté par les deux parties. Les Rakhines ne le respectent pas; les policiers et les autres forces leur permettent de sortir, de piller et d'abattre des gens.
    Nous demandons à la communauté internationale, y compris les gouvernements occidentaux, dont le Canada, de demander au gouvernement birman ou de le convaincre d’accepter de dépêcher immédiatement des membres des forces internationales de maintien de la paix dans l’État d’Arakan. C’est extrêmement urgent. Il n’y a pas de façon plus percutante d’exprimer notre inquiétude concernant l’urgence du déploiement d’une force internationale de maintien de la paix sur le terrain pour faire respecter la primauté du droit, restaurer la paix et faire cesser l’anarchie.
    Nous constatons que le gouvernement birman est inefficace, parce que les forces birmanes sont incapables de faire cesser les violences. Il faut que la communauté internationale intervienne immédiatement. Avec la mousson qui bat son plein, les groupes d’aide et les organisations internationales de secours humanitaire doivent être dépêchés sur le terrain. Les réfugiés sont actuellement déplacés à l’intérieur du territoire. Ils ne peuvent pas se rendre au Bangladesh, parce que les autorités bangladaises ont fermé la frontière aux réfugiés, aux gens dont la maison a été incendiée et détruite. Ils sont déplacés à l’intérieur du territoire. Ils ont été déplacés des villes vers les forêts; ils vivent sous les arbres, sous des bâches de plastique. Nous ne savons pas exactement comment ils vivent, mais nous savons que les pluies sont diluviennes pendant la mousson. Je ne sais pas encore combien de temps ils pourront survivre dans les régions rurales sans un logement habitable.
    Voilà pourquoi des groupes d’aide internationale doivent être déployés de toute urgence sur le terrain. Le gouvernement birman doit autoriser la présence de ces groupes qui fourniront de l’équipement, de la nourriture, de l’eau et des médicaments. Des maladies hydriques se propageront. Même si le carnage cesse, un autre danger nous guette : les maladies hydriques. Les installations sanitaires y sont pratiquement inexistantes. C’est un besoin urgent.
    Nous demandons à la communauté internationale de donner son appui moral et matériel. En gros, nous voulons un soutien à long terme en matière d’éducation et d’infrastructure en tout genre dans cette région isolée, qui est l’une des régions les moins développées au monde. L’alphabétisation, soit le taux d’obtention d’un diplôme d’études secondaires, est de moins de 1 p. 100.
(1325)
    Puisqu'il a déclaré qu'il allait procéder à une réforme démocratique, le gouvernement birman doit absolument respecter les droits de la personne, car il s'agit d'un élément important d'une telle réforme.
    Il y a de l'espoir, pourvu que la communauté internationale intervienne. L'État d'Arakan est très riche en ressources et possède des infrastructures. Avec l'aide d'organismes de développement internationaux, nous pourrons ramener la paix dans notre pays. Nous pourrons ensuite utiliser nos ressources, avec le soutien initial de la communauté internationale, afin de prospérer sur le plan économique, et en matière d'éducation et d'infrastructure.
    En terminant, je fais appel à la communauté internationale au nom des Rohingya. Les habitants de l'État d'Arakan ont un urgent besoin d'aide humanitaire afin d'éviter un manque de nourriture et d'abris ainsi que les maladies, y compris les maladies hydriques.
    Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné l'occasion de venir solliciter votre soutien. Merci beaucoup.
(1330)
    Merci beaucoup, monsieur Uddin.
    Nous allons amorcer la première série de questions. Les intervenants disposeront chacun de cinq minutes. Comme d'habitude, nous allons commencer par M. Sweet.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Après avoir écouté votre exposé, je dirais qu'il y a une différence considérable entre la situation au Kachin et en Arakan. Ce sont deux situations totalement différentes, non?
    Les Rohingya n'ont jamais constitué une force de défense quelconque, n'est-ce pas?
    Je vais faire un peu d'histoire. Il y a 20 ou 30 ans, certains groupes se sont formés dans une région éloignée d'Arakan et au Bangladesh. C'était il y a 15 ou 20 ans, je crois, à l'époque où j'étais au collège, au Myanmar. Mais aujourd'hui, nous n'avons rien de tel.
    Il y avait de petites bandes, mais elles ont été dispersées. Je crois qu'elles n'ont pas reçu suffisamment de soutien, alors elles ont disparu rapidement. Pour le moment, nous n'avons aucune force armée de Rohingya au pays ou ailleurs.
    Vous avez dit que la violence s'était intensifiée dernièrement avec l'incident impliquant les 10 pèlerins musulmans extirpés d'un autobus et battus à mort. On dit qu'environ 300 personnes ont pris part à cette attaque. Mais cette persécution des musulmans remonte à 1962. Avez-vous des données sur le nombre de morts, de personnes déplacées ou de victimes depuis 1962 en raison de cette persécution?
    Non, je n'ai pas de telles données. Ces opérations sont menées par le gouvernement birman dans le plus grand secret. Nous savons que des enfants et des pères de famille ont été enlevés par les Forces birmanes et qu'ils n'ont jamais été revus. Plusieurs citoyens ont été tués, mais nous n'avons pas de données précises quant au nombre .
    Mais je peux dire avec beaucoup d'assurance qu'ils sont des milliers à avoir subi ce sort. Malheureusement, nous n'avons pas de chiffres précis en raison de la nature de ces opérations.
    Vous dites que des milliers de personnes ont disparu sans explication.
    C'est exact.
    Donc, elles sont soit emprisonnées dans un endroit secret, soit enterrées probablement dans une fosse commune quelque part.
    J'en ai bien peur.
    C'est désolant et très inquiétant.
    Puis-je ajouter une chose?
    Certainement.
    Le gouvernement a arrêté arbitrairement plus de 1 000 Rohingya après les élections, simplement parce qu'ils ont participé à la campagne électorale pour le compte d'autres partis. Ils ont été arrêtés par la police. Des membres de ma famille sont du nombre. Au cours de cet exercice démocratique, le gouvernement a posé un geste symbolique en libérant des prisonniers politiques. Parmi eux, un seul Rohingya, à Rangoon.
    C'est bon à savoir, car il y a quelques instants, on fonctionnait avec des hypothèses. Savons-nous où ces 1 000 personnes sont emprisonnées? Sont-elles à Rangoon? Ont-elles été arrêtées en Arakan et emprisonnées quelque part dans cet État?
    Elles ont été arrêtées un peu partout en Arakan, principalement, et emprisonnées par groupe de 100, 50 ou 70 — j'ignore le nombre exact — dans de nombreuses prisons de cet État. Selon les renseignements que j'ai obtenus, certaines ont été amenées dans la région centre du Myanmar. Donc, elles ont été un peu éparpillées.
    Lorsque nous avons accueilli les témoins du Kachin, mon collègue leur a dit qu'il semblait que... Selon vous, le président ne sait pas ce qui se passe. Donc, est-ce que l'armée birmane agit seule impunément ou est-ce que le gouvernement est au courant de ces activités et exerce un certain contrôle sur celles-ci?
(1335)
    Je crois que certains hauts dirigeants du gouvernement savent très bien ce qui se passe. N'oubliez pas que, même s'il a été élu, le gouvernement est composé d'anciens officiers militaires. On dit que le président Thein Sein fait preuve d'ouverture, qu'il est modéré, mais il y a beaucoup de purs et durs dans ce gouvernement. Je suis convaincu que les hauts dirigeants de l'armée sont au courant de ces activités anarchiques.
    M. David Sweet: D'accord...
    Malheureusement, votre temps est écoulé.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis désolé.
    Monsieur Marston, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Uddin. Je vous remercie d'être ici. J'apprécie votre passion pour le sujet. Parfois, lors d'études comme celle-ci, on reçoit des comptes rendus de situation concernant un pays. Mais la présence d'un témoin ayant de l'expérience sur le terrain nous est très utile pour comprendre la situation du pays faisant l'objet de l'étude.
    J'aimerais poursuivre dans la foulée des questions de M. Sweet. Cette persécution a commencé en 1962 et a toujours été menée par des militaires. Ces purs et durs au sein du gouvernement, quel âge ont-ils? Sont-ils dans la cinquantaine? Dans la soixantaine? Font-ils partie du premier groupe à avoir mené cette persécution, en 1962? S'agit-il d'un deuxième groupe ou pire, d'un troisième groupe de persécuteurs?
    C'est une excellente question que vous me posez, monsieur.
    Je crois qu'il y en a de tous les âges. Peu de membres du conseil révolutionnaire de 1962 sont encore vivants. L'un d'eux, le général Tin Oo, fait maintenant partie de la LND. C'est un des architectes de ce nettoyage ethnique en Arakan.
    Donc, ça confirme ce que je croyais, que le problème est maintenant généralisé. On ne parle pas de personnes ayant gardé rancune contre les Rohingya. Ça explique peut-être, en partie, pourquoi on est passé d'un conflit axé sur la race à un conflit axé sur la religion... Cette crise a évolué...
    Oui.
    ... de manière très anarchique.
    Vous dites que c'est encore l'armée qui se cache derrière ces interventions. Elle fomente le problème, puis la population emboîte le pas et pose ces gestes terribles.
    Récemment, le Canada a levé bon nombre de ses sanctions contre le Myanmar, n'appliquant que celles sur les armes, si je ne m'abuse. Selon vous, c'était une bonne idée?
    Je vais vous donner une réponse en deux volets. Je crois que la levée des sanctions... Pas une levée, mais plutôt un « allègement » des sanctions est une bonne chose, si c'est fait de façon méthodique, à titre compensatoire.
    Puisque le président Thein Sein semble sincère avec sa réforme démocratique, je crois que les pays occidentaux devraient donner au gouvernement certains incitatifs, sans trop...
    J'aurais tendance à être d'accord avec vous. C'est la raison pour laquelle je vous interromps. Je n'ai pas beaucoup de temps, alors si nous sommes d'accord, je vais passer au point suivant.
    D'accord.
    Récemment, le président a déclaré l'état d'urgence en se servant de la violence comme prétexte. Cet état d'urgence est-il vraiment appuyé par l'armée? Les militaires tentent-ils réellement d'intervenir afin d'éviter d'autres gestes atroces?
    Je ne le crois pas. Je ne le crois pas...
    Pardonnez-moi, mais je crois avoir mal compris. Pourriez-vous répéter?
    Je ne le crois pas, non. Je pense que l'état d'urgence a été orchestré, en partie, par le gouvernement, qui lui est principalement sous le contrôle de l'armée.
    Alors, quel est l'objectif? Est-ce éliminer complètement ces gens?
    C'est l'objectif, en effet.
    C'est très démoralisant. Je suis convaincu que vous êtes dans une position extrêmement difficile.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste une minute.
    Une minute? D'accord.
    Ce qui m'inquiète, c'est que l'intervention internationale que vous sollicitez devrait se faire à deux niveaux. Il y a d'abord l'aide humanitaire. Vous avez absolument raison: avec la saison des moussons qui approche, les risques de maladie seront élevés.
    Je crois qu'une intervention militaire de la communauté internationale serait difficile à obtenir. Comparativement à la situation en Syrie où l'on voit des images explicites du conflit aux bulletins d'information, on parle très peu de la situation au Myanmar... et aucune intervention n'a encore eu lieu en Syrie.
    Mais il est clair que l'aide humanitaire est essentielle.
    Merci, monsieur le président.
(1340)
    Merci, monsieur Marston.
    Monsieur Hiebert, vous avez la parole.
    Merci de votre présence, monsieur Uddin. Je vous remercie pour votre témoignage. Cette étude sur le Myanmar est fascinante. Votre témoignage est une bonne façon de terminer notre tour d'horizon de ce pays.
    Je connais certaines choses sur les Rohingya et leur histoire, mais cette situation n'est pas encore claire pour moi. Ma question porte sur les événements qui ont mené à la situation actuelle.
    Y a-t-il des signes qui prouvent que cette violence en Arakan a été orchestrée par le gouvernement birman? Vous dites que les interventions ont été coordonnées en deux occasions: lors des élections de 2010 et lors des émeutes. Savez-vous qui a coordonné ces interventions?
    Oui. Des rapports de fond nous confirment qu'une partie importante du gouvernement de l'État d'Arakan est sous le contrôle de la minorité ethnique rakhine. C'est elle qui commet des actes de violence contre les Rohingya.
    Les Rakhines occupent des postes très importants au sein du gouvernement birman et ce sont eux qui coordonnent ou orchestrent ces interventions.
    Ce sont donc des représentants du gouvernement de l'État d'Arakan.
    Oui, et ils sont également représentés au sein du gouvernement central.
    D'accord.
    Y a-t-il eux des échanges entre les chefs birmans et les chefs des Rohingya?
    Non, sauf pendant les élections...
    Vous soulevez un point très important. Même la communauté internationale n'y voit pas clair.
    D'un côté, le gouvernement birman se livre à un nettoyage ethnique, prive les Rohingya de leurs droits et viole les droits de la personne. De l'autre côté, il compte trois députés rohingya. Donc, le parti militaire au pouvoir, l'USDP, dit que les Rohingya ne sont pas des citoyens du Myanmar ou de l'État d'Akaran, mais il compte trois députés rohingya.
    L'armée se sert de ces trois députés pour mener le dialogue. Ce sont de bons députés qui se soucient du sort des leurs. Mais, le gouvernement militaire contrôle beaucoup ce qu'ils peuvent dire. Tout dialogue entre le gouvernement et les Rohingya doit se faire uniquement par l'entremise de ces trois députés.
    Donc, des Rohingya ont été élus au sein du gouvernement.
    C'est exact.
    Au sein du gouvernement national.
    C'est bien cela.
    Ils sont membres de quel parti?
    De l'USDP.
    Entretiennent-ils des discussions avec la Ligue nationale pour la démocratie?
    Non. Pas à ce que je sache.
    D'ailleurs, U Soe Myint, un ancien député civil membre de la LND lors de la victoire écrasante d'Aung San Suu Kyi, en 1988, a voulu rencontrer cette dernière lors de sa libération, mais on l'en a empêché.
    Je me demande pourquoi. J'ai lu qu'on avait demandé à Aung San Suu Kyi de commenter la situation des Rohingya, mais, à ma connaissance, elle ne s'est jamais exprimée sur le sujet. Savez-vous pourquoi?
    C'est un sujet délicat pour elle. Le gouvernement birman et l'armée ont, en quelque sorte, endoctriné la population, et la majorité s'oppose à la présence des Rohingya.
    Aung San Suu Kyi doit faire preuve de beaucoup de prudence, car elle sait que c'est une question délicate et qu'elle n'aura pas l'appui de la majorité des Birmans ou du gouvernement militaire si elle laisse insinuer que les Rohingya sont en droit d'obtenir justice. Ils verraient cela comme un appui envers les Rohingya.
(1345)
    Pourquoi le gouvernement a-t-il adopté cette position contre cette minorité? J'ai entendu dire que c'est parce que les Rohingya n'étaient pas présents lors de la période coloniale. Est-ce la principale raison? Est-ce parce que leurs racines ne sont pas assez profondes au pays?
    C'est ce que les membres du gouvernement disent. C'est un prétexte.
    Si ce sont des intellectuels et des historiens, ils doivent savoir que les Rohingya y vivent depuis des siècles, comme vous l'avez vu sur la diapositive. Il s'agit de nettoyage ethnique et d'intolérance raciale.
    Le fait que les Rohingya soient des musulmans n'aide pas. Bien que cela se transforme en violence religieuse, c'est parti d'un nettoyage ethnique.
    Leur intolérance raciale fait qu'ils n'acceptent pas cette population d'apparence indienne ou sud-asiatique ou leur origine. Ils sont peut-être paranoïaques et pensent que la population ne cessera de croître et finira par dominer l'état d'Arakan. Pour l'essentiel, c'est un nettoyage ethnique.
    Les Rohingya sont pour eux des gens indésirables. Ils veulent que la population soit éliminée par n'importe quel moyen, en la réduisant graduellement ou rapidement. Ils ont plusieurs stratégies. Ils ont déjà chassé des gens auparavant, des centaines de milliers, comme vous le savez, au cours de la crise des réfugiés du Bangladesh.
    Pour l'essentiel, c'est un nettoyage ethnique, une campagne violente à caractère racial.
    Merci, monsieur Hiebert.
    Nous passons à M. Eyking. Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre présence.
    Je suis nouveau au comité, et je connais depuis très peu la situation en Birmanie. Cela m'ouvre les yeux. Lorsqu'une société rend presque les membres d'un autre groupe de la société inhumains ou non citoyens, c'est une période toujours tragique dans l'histoire de l'humanité. Le même phénomène s'est produit aux États-Unis avant la guerre de Sécession.
    Vous dites que ce n'est pas nécessairement lié à la religion. C'est une attaque contre votre peuple, peut-être similaire à celle contre les Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale ou les Tziganes en Europe. Le reste du pays ne voit pas de place pour vous ici. En définitive, ils vous diminuent en tant qu'individus et en tant que citoyens.
    Nous observons un peu ce phénomène en Indonésie présentement. Dans le nord de ce pays, les chrétiens subissent la même chose. Vous dites que ce n'est pas complètement lié à la religion, mais au fait qu'ils ne veulent pas d'un groupe de gens précis dans leur pays.
    Le département d'État américain a dit que c'est plutôt lié à la religion. Je crois que peu importe la raison, le fait est que votre peuple est ostracisé et bousculé.
    On a mentionné ou évoqué le fait que vous avez une nouvelle chef. Elle est tenue en haute estime dans le reste du monde. Nous pensons qu'elle est une inspiration non seulement pour la Birmanie, mais aussi pour la région. Toutefois, vous n'êtes pas très optimiste face au changement de commandement ou de leadership en Birmanie. Vous ne croyez pas que votre peuple sera tout à coup... Elle n'est pas la Abraham Lincoln qui vous rendra tous égaux. Est-ce votre avis?
    Oui.
    Elle ne sera pas la Abraham Lincoln de la Birmanie.
    Non.
(1350)
    Elle ne dira pas, par exemple, « écoutez, des gens de notre pays sont opprimés, et nous sommes tous égaux ».
    Je dois dire que Aung San Suu Kyi a grandi et étudié en grande partie dans des pays occidentaux et qu'elle a une grande sensibilité pour les humains. Nous le voyons, l'entendons et le sentons.
    Elle ne pourrait pas être la Abraham Lincoln de la Birmanie parce que la société est très différente dans notre pays. Elle n'est pas comparable à celle dans laquelle Lincoln vivait. Il faudrait qu'Aung San Suu Kyi ait le plein pouvoir et non 47 députés élus au Parlement seulement.
    Cela dit, si cela ne se produit pas de l'intérieur, il faudra que ce soit de l'extérieur. Pour que votre peuple jouisse de paix et de liberté, il faut que la communauté internationale intervienne. Peu importe qui dirigera le pays, ce ne sera pas possible, parce qu'il s'agit d'une minorité et qu'elle ne sera pas reconnue.
    Que peut faire notre comité, et que peut faire la communauté internationale pour exercer des pressions...?
    Les pays occidentaux, les alliances occidentales — OTAN, Européens, Américains, Canadiens — devraient maintenir la pression. Je ne crois pas qu'une intervention militaire est souhaitable, du moins à ce moment-ci. Il faut exercer des pressions sur le gouvernement birman par des sanctions et d'autres moyens, et on ne doit pas atténuer les sanctions aussi rapidement et fortement, mais bien l'inciter à suivre la bonne voie. Je pense que la communauté internationale peut faire beaucoup de choses par l'intermédiaire des Nations Unies.
    Encore une fois, j'insiste sur le mot « maintenir ». À partir du moment où l'on exerce des pressions sur le gouvernement birman, on doit les maintenir. Je pense que la communauté internationale doit persister. Je sais qu'une bonne partie de l'attention de la communauté internationale est tournée vers la situation en Syrie et dans bien d'autres endroits dans le monde, mais malgré ces autres situations, je pense que la question des Rohingya doit rester l'une des priorités. Si l'on continue à exercer des pressions sur le gouvernement birman, il finira par réagir, car il veut créer des liens avec les pays occidentaux, sur le plan commercial, entre autres, et s'ouvrir.
    Si le nouveau dirigeant, Thein Sein, est un modéré, il y aura des changements malgré l'opposition de partisans de la ligne dure. Je pense qu'une coalition, comme celles qui ont été formées dans bien d'autres pays — Libye, Irak, etc. —, mais qui ne serait pas militaire, avec seulement... Je dois dire qu'à mon avis, la meilleure démarche, c'est... J'ignore quel type de politique le gouvernement canadien a pour l'envoi d'équipes canadiennes, de groupes humanitaires canadiens en Birmanie, ou par les Nations Unies.
    Si votre chef parcourt le monde et que les gens pensent que la Birmanie voit enfin la lumière au bout du tunnel, que le pays semble mieux se porter et est plus démocratique, devrions-nous reculer en disant, c'est bien, mais il y a une ombre au tableau, il y a quelque chose qui ne change pas dans le pays? Devrions-nous exercer des pressions pour que les élections soient surveillées, pour que des représentants de l'ONU ou du Canada et d'autres pays surveillent la situation des droits de la personne dans le pays? Ce serait une étape majeure.
    Absolument. C'est essentiellement cela. Je tiens à souligner que je ne peux pas voir une meilleure façon de faire face à la situation que par la surveillance et l'envoi de divers groupes internationaux — groupes humanitaires, groupes d'aide, de surveillance, de droits de la personne —, des Nations Unies et de pays. Il faut que ce soit une vaste entreprise. Si un ou deux représentants de l'ONU se rendent dans une ville ou deux et reviennent, cela ne fonctionnera pas. Il faut que ce soit un effort continu. Ils doivent aller sur le terrain. Il faut qu'ils soient en poste de façon régulière, et il faut que ce soit fait de façon systématique, car le problème est généralisé. Ce n'est pas une mince affaire. Je peux vous assurer que c'est très important, et qu'il faut que ce soit coordonné par la communauté internationale, tout comme le nettoyage ethnique en Birmanie est coordonné.
    Je suis désolé, monsieur Eyking, mais votre temps est écoulé depuis deux minutes. Comme vous posiez de bonnes questions, je voulais laisser le témoin répondre.
    Madame Grewal, allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président. Monsieur Uddin, je vous remercie de votre présence et de votre exposé.
    Selon le rapport du département d'État américain de 2011 sur les pratiques en matière de droits de la personne, la minorité rohingya est victime de discrimination juridique, économique et sociale, et on refuse de lui accorder la citoyenneté, limite ses déplacements et refuse de leur donner accès aux études supérieures ou à de bons emplois, comme vous l'avez dit dans votre exposé. À votre avis, mis à part le nettoyage ethnique, pour quelles autres raisons le peuple rohingya est-il traité différemment des autres minorités ethniques et religieuses?
(1355)
    Vous avez dit la raison principale: le nettoyage ethnique, l'intolérance ethnique — et le fait qu'ils sont des musulmans n'aide pas les Rohingya; c'est également un facteur.
    Toutefois, je vous assure que s'ils n'étaient pas musulmans — ils sont de cette religion en raison de l'influence de l'Empire moghol — ils seraient hindous. D'autre part, si les missionnaires chrétiens s'y étaient rendus, comme ils l'ont fait pour les États Karen et Kachin, les Rohingya seraient chrétiens. S'ils étaient chrétiens, hindous ou de toute autre religion, cela n'aurait rien changé à leur identité génétique et à leur race.
    S'ils n'étaient pas des musulmans, et qu'ils étaient d'une autre religion, les Birmans ne les auraient tout de même pas épargnés. Je vous le garantis, car le sentiment anti-Asie du Sud et anti-Indien est très fort. C'est un problème systémique. Voilà pourquoi on cible les Rohingya en ce moment. Il ne faut pas oublier que les gens du sous-continent, de l'Inde, du Pakistan et du Bangladesh, qui sont allés en Birmanie à l'époque britannique pour faire des affaires ont été déportés par centaines de milliers au cours des années 1960.
    Ce sentiment existe. Les Rohingya ne sont pas comme les gens de l'Inde, du Pakistan et du Bangladesh, qui sont allés en Birmanie durant la période britannique pour le commerce, comme ils sont allés au Kenya et dans d'autres pays. Les Rohingya forment une minorité ethnique, une population autochtone qui vivait sur le territoire avant. Lorsque les Indiens sont partis, les Rohingya sont devenus la cible, parce qu'ils pensent qu'il reste des descendants de culture indienne, ou je devrais plutôt dire de l'Asie du Sud.
    Pour ce qui est des mesures à prendre pour améliorer la situation de la minorité rohingya, le dialogue entre le gouvernement birman et les leaders de la minorité s'est-il intensifié?
    Non. Il n'y avait qu'un dialogue entre l'USDP et le gouvernement birman, les partis militaires, par l'intermédiaire des députés de la communauté des Rohingya. Cependant, ils devaient être des béni-oui-oui parce qu'ils étaient sous le régime militaire et dans le parti. Naturellement, ils n'auront pas de voix indépendante.
    Donc, par l'ARU, nous avons dit au gouvernement birman que les Rohingya à l'étranger, comme nous, la diaspora, veulent lui parler et établir un dialogue. Nous voulons participer au processus à titre de voix modérée venant de l'extérieur du pays, mais le gouvernement birman n'a pas réagi. Je demande donc au gouvernement canadien et à la communauté internationale s'ils peuvent intervenir, de quelque manière que ce soit, pour que le gouvernement nous parle. Cela apaisera peut-être sa peur de l'inconnu. Il ne veut pas nous parler parce qu'il a peur de l'inconnu.
    Lorsque nous aurons entamé le dialogue, j'ai confiance que nous pourrons discuter. Sinon, ils ne le sauront jamais. Je vous demande donc votre aide à cet égard. Vous pouvez contribuer en établissant un dialogue avec le gouvernement birman.
    Selon le rapport de 2010 du département d'État américain sur la liberté religieuse dans le monde, des éléments indiquent que les autorités birmanes tentaient de forcer les non bouddhistes à se convertir au bouddhisme. On a même rapporté que les autorités locales intervenaient dans les écoles secondaires et s'assuraient que seuls les étudiants bouddhistes obtiennent des emplois au gouvernement après avoir obtenu leur diplôme. Ainsi, les chrétiens qui veulent aller à ces écoles secondaires doivent d'abord se convertir au bouddhisme.
    À votre avis, ces renseignements sont-ils exacts et est-ce que le gouvernement birman limite vraiment les possibilités d'emplois et les privilèges offerts aux jeunes étudiants en fonction de l'ethnicité et de la religion? Si c'est vraiment le cas, les conversions forcées ont-elles eu des répercussions sur les communautés religieuses et minoritaires?
    Oui, je pense que c'était le cas. On a montré et rapporté que dans bon nombre de villes et d'endroits, on choisissait de façon sélective les élèves pour les écoles secondaires et les collèges; et la préférence religieuse, même si on n'en parle pas officiellement, est l'un des principaux critères de sélection. Les choix se font en fonction de la religion. La Birmanie est bouddhiste à 89 p. 100.
    Ainsi, ces extrémistes des autorités militaires et du gouvernement birmans se sont emparés d'une grande religion. Nous savons tous que selon le bouddhisme, on ne peut pas tuer une fourmi ou un insecte. On s'est approprié une grande religion de paix et on l'a utilisée comme on le fait avec bien d'autres religions. Nous avons observé ce phénomène aussi pour notre religion. On s'en empare, et la préférence religieuse ne disparaît pas et c'est un aspect du nettoyage ethnique.
(1400)
    Merci.
    Merci, madame Grewal.
    Monsieur Jacob, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Uddin, je vous remercie d'avoir fait un témoignage sur les discriminations dans votre pays.
    Dans son rapport de 2010 sur la liberté de religion dans le monde, le département d'État laisse entendre que le gouvernement birman a tendance à penser que la liberté religieuse constitue une menace potentielle à l'unité nationale ou au pouvoir central. Qu'est-ce que vous pensez de cela?

[Traduction]

    La tolérance religieuse n'existe pas en Birmanie. La population birmane est en grande majorité bouddhiste, à 89 p. 100. Ils utilisent la campagne de birmanisation — comme l'indiquent certains textes ou ouvrages — de toutes les minorités ethniques. Ils veulent qu'elles se convertissent au bouddhisme.
    C'est pourquoi il y a eu des affrontements graves dans les régions chrétiennes — Kachin, Chin et Karen. Le gouvernement birman lance des campagnes pour les reconvertir au christianisme et c'est la même chose pour les musulmans. Il n'y a donc pas de tolérance religieuse, et une société basée sur différentes religions en Birmanie n'est pas envisageable présentement.
    Cependant, si la transition vers la démocratie se déroule bien, il est à espérer que cela garantira la coexistence de religions, et qu'il sera possible de voir une société birmane fondée sur différentes religions.

[Français]

    D'après vous, pourquoi le gouvernement birman craint-il tant cette cohabitation? La situation a-t-elle changé depuis la mise en oeuvre des récentes réformes, depuis l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement civil?

[Traduction]

    Oui. Le gouvernement birman, la société birmane, est très nationaliste. Elle est fondée sur le bouddhisme et le nationalisme est fondé sur la religion. En dépit de la réforme démocratique, on ne tolère pas les autres religions. Depuis 1962, c'est l'un des éléments sur lequel le gouvernement se fonde: la société basée sur le bouddhisme.
    C'est pourquoi la philosophie du bouddhisme ultranationaliste a pris racine dans la société. Ce sera très difficile pour eux de modérer leur philosophie de coexistence aussi vite, mais le processus démocratique, en espérant que Aung San Suu Kyi prenne le pouvoir, nous permet d'espérer qu'avec le temps, nous aurons une société dans laquelle les différentes religions pourront coexister.

[Français]

    Voici ma dernière question. Parlant de principes démocratiques, quels sont les principaux jalons que devrait poser la communauté internationale pour s'assurer que des progrès réels sont accomplis et qu'il y a des résultats mesurables pour ce qui est de la lutte contre la discrimination religieuse en Birmanie?

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup de la question.
    Encore une fois, c'est déterminant. La réforme démocratique en Birmanie est principalement axée sur l'économie, le commerce et l'investissement. Les membres du gouvernement veulent un capitalisme militaire; c'est ce qui les intéresse. Ils se sont ouverts aux échanges. Par contre, régler la question de la minorité ethnique ne fait pas partie de l'équation. Ils veulent tromper la communauté internationale, en montrant toute cette ouverture au commerce, etc., et ils camouflent les problèmes liés à la minorité ethnique.
    Pour régler le problème, encore une fois, je veux souligner que la communauté internationale, y compris un pays comme le Canada, individuellement, ou sous forme de coalition — non pas par une intervention européenne et américaine comme celle de l'OTAN, non pas par une intervention militaire —, doit envoyer des groupes de surveillance, d'aide ou de droits de la personne immédiatement. Je dois insister sur le mot « immédiatement ». Nous manquons de temps.
    Pendant que la bureaucratie est à l'oeuvre, ils envoient tous ces ordres de Naypyidaw, la capitale, sur le terrain. Cela prend des jours et des jours, et en attendant, nous perdons du temps. Ils gagnent du temps, pour se débarrasser d'une partie des Rohingya, en fait.
    La communauté internationale doit maintenir ses efforts, sans perdre de son élan, pour intervenir à l'aide de groupes humanitaires, de groupes d'aide et d'une force de maintien de la paix de l'ONU, etc. De plus, par sa présence dans l'état d'Arakan, la communauté internationale aura une meilleure idée de ce qui se passe sur le terrain.
(1405)

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Uddin.
    Merci, monsieur Jacob.

[Traduction]

    M. Sweet a indiqué qu'il voulait dire quelque chose.
    Monsieur le président, vous savez à quel point je suis empressé lorsqu'il s'agit d'études. Dans ce cas-ci, puisque nous avons entendu un témoignage aussi troublant au sujet de l'état de Kachin, et maintenant de l'état d'Arakan, et des Rohingya, et puisqu'il y a un ambassadeur de l'Union du Myanmar à Ottawa, je pense que nous devrions communiquer avec lui pour qu'il réagisse à ces déclarations très graves. Nous parlons de nettoyage ethnique. Il faudrait le faire comparaître devant le comité.
    D'accord...
    Envisageons-nous de tenir une séance spéciale?
    Nous pourrions le faire.
    Puis-je proposer qu'avant de discuter de ce genre de choses, nous remerciions notre témoin et que nous lui permettions de partir?
    Permettez-moi de mettre fin à la rencontre.
    Merci, monsieur Uddin. Comme tout le monde ici présent, je suis très ravi de votre témoignage d'aujourd'hui. Ce que vous avez dit n'a laissé personne indifférent ici. Nous vous sommes très reconnaissants du mal que vous vous êtes donné pour venir nous présenter un exposé aussi complet.
    Monsieur Parkinson, nous vous en sommes reconnaissants également.
    Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné l'occasion de faire valoir notre point de vue et, encore une fois, je vous prie d'agir maintenant. Nous perdons du temps. Je ne sais pas si vous êtes d'avis qu'on devrait attirer l'attention de l'Assemblée générale des Nations Unies et le Conseil de sécurité sur la question, car elle est très importante. C'est un problème de très grande ampleur. C'est presque comparable à la situation de Srebrenica, dans l'ex-Yougoslavie.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Chers collègues, si nous voulons discuter des travaux futurs, il serait peut-être pertinent de le faire à huis clos. Je demande à toute personne qui est d'accord avec moi de proposer une motion à cet effet.
    Je la propose.
    M. Marston.
    D'accord?
    Des voix: D'accord.
    Le président: D'accord, nous allons suspendre la séance un moment et la poursuivrons à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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