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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 071 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 7 mars 2013

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Français]

    Bienvenue à la 71e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    Aujourd'hui, le 7 mars 2013, nous poursuivons notre étude sur la situation des droits de la personne au Honduras.

[Traduction]

    Nous accueillons aujourd'hui Esther Major, qui est chercheuse au Programme Amériques d'Amnistie internationale, et qui se joint à nous à partir de Londres.
    Madame Major, bienvenue. Nous sommes heureux de vous avoir parmi nous. Vous pouvez commencer votre témoignage.
    Je suis ravie de vous présenter mon exposé. Nous nous réjouissons beaucoup de votre intérêt pour le Honduras, où la situation des droits de la personne préoccupe Amnistie internationale depuis de nombreuses années. Je devrais peut-être justement commencer en indiquant que nous suivons la question de près depuis longtemps. En effet, le climat d'impunité dans ce pays nous inquiétait déjà beaucoup avant le coup d'État. Je tiens à le préciser dès maintenant.
    Cela dit, le coup d'État a certainement affaibli des institutions déjà déficientes en plus de renforcer considérablement l'impunité, ce qui a créé un contexte très précaire et difficile pour les défenseurs des droits de la personne et ceux qui tentent de faire respecter la primauté du droit.
    J'aimerais aujourd'hui mettre l'accent sur la question de l'impunité et la situation des défenseurs des droits de la personne au Honduras.
    Juste pour vous donner une idée de la situation, nous avons pris 11 mesures d'urgence l'année passée. Comme vous le savez, Amnistie internationale a recours à ces mesures quand un défenseur des droits de la personne reçoit des menaces de mort ou qu'il a été attaqué dans le cadre de son travail. Nous en avons pris onze l'année dernière, et une autre cette année.
    Le fait que le gouvernement ne réagisse pas à la situation grave que connaissent les défenseurs des droits de la personne nous préoccupe grandement. J'aimerais entre autres souligner la disparité qu'il y a entre, d'une part, les déclarations du gouvernement Lobo qui, à la suite de l'examen périodique universel des Nations Unies, avait pris l'engagement de protéger les défenseurs des droits de la personne, d'améliorer le climat d'impunité et de réduire la corruption dans les forces policières, et, d'autre part, les réels changements apportés dans la vie quotidienne des défenseurs des droits de la personne, qui prennent chaque jour beaucoup de risques dans le cadre de leur travail.
    Par exemple, plusieurs femmes défenseurs des droits de la personne nous ont dit avoir reçu des menaces lorsqu'elles accompagnaient dans un poste de police des victimes de violence familiale. Dans certains cas, on nous a même parlé d'agressions physiques commises contre elles par des agents de police.
    Des personnes qui travaillent pour l'institution étatique censée venir en aide aux femmes et aux filles qui demandent réparation et du soutien au moment critique qui suit des actes de violence familiale leur font subir le même genre de discrimination et de comportements.
    J'aimerais vous donner en exemples quelques cas auxquels nous avons été confrontés récemment, car ils illustrent bien certaines des situations particulières qui nous préoccupent au Honduras.
    Nous ne pouvons pas parler de la situation des droits de la personne au Honduras sans mentionner le Bajo Aguán, qui est situé dans la basse vallée de l'Aguán au nord-est du pays. Nous avons dû prendre diverses mesures d'urgence pour protéger les défenseurs des droits de la personne qui travaillent dans cette région.
    Il est intéressant de noter que la rapporteuse spéciale des Nations Unies a visité le pays l'année dernière et produit un excellent rapport sur la situation des défenseurs des droits de la personne. Elle n'a pas pu se rendre dans la région de l'Aguán pour des raisons de sécurité, ce qui donne une idée de la gravité de la situation qui règne dans le pays, et particulièrement dans cette région.
    Dans la région de l'Aguán, nous avons eu certains cas... Par exemple, une jeune femme journaliste, en septembre et en octobre dernier, a reçu des menaces de mort sur son cellulaire. Son travail consiste essentiellement à filmer des évictions forcées et à suivre au poste de police des personnes qui ont été arrêtées. Elle a commencé à recevoir des menaces de mort sur son cellulaire et a ensuite été enlevée en octobre dernier et agressée physiquement pendant qu'ils l'interrogeaient sur divers dirigeants de son groupe de paysans.
(1310)
    Il y a également eu en septembre dernier le meurtre d'Antonio Trejo, un avocat des droits de la personne très bien connu qui tentait d'obtenir une tenure légale pour des groupes de paysans de l'Aguán. Il a été assassiné alors qu'il sortait d'un mariage.
    Nous avons été choqués par la réaction du gouvernement Lobo. Nous nous attendions à ce que Lobo exprime publiquement sa profonde consternation, qu'il réitère son appui aux défendeurs des droits de la personne et qu'il déclare que son gouvernement ne tolérerait pas les attaques contre eux. Rien de tout cela ne s'est produit, et aucune déclaration n'a été faite. Le silence du gouvernement a beaucoup inquiété Amnistie internationale à l'époque, et je vous en fais part maintenant.
    En fait, cela a été une année bien triste, car le frère d'Antonio Trejo a lui aussi été assassiné, seulement quelques jours après s'être rendu à Tegucigalpa pour attirer l'attention sur le meurtre de son frère et voir à ce qu'il ne reste pas impuni. Nous ne savons pas qui sont les auteurs du crime, mais nous avons réclamé au gouvernement une enquête en bonne et due forme.
    Je voulais seulement vous informer que personne n'a encore été tenu responsable de l'attaque contre la jeune journaliste dont je viens de parler ni du meurtre d'Antonio Trejo.
    L'année dernière, deux accompagnateurs internationaux, des Européens qui secondaient des défenseurs des droits de la personne, ont eux aussi reçu des menaces de mort sur leur cellulaire. Cela montre l'ampleur du problème et le fait que personne n'est à l'abri. Il n'y a toujours pas eu d'enquête à ce sujet.
    Je veux attirer votre attention sur le climat d'impunité, qui est particulièrement répandu depuis le coup d'État. J'ai eu l'occasion de visiter le pays après cet événement et de me rendre dans des postes de police où ils sont nombreux à m'avoir dit s'être fait battre. Il y a eu des arrestations massives, et il ne fait aucun doute que des centaines de violations des droits de la personne ont été commises, notamment dans les semaines qui ont suivi le coup d'État. On n'a pas demandé aux policiers ni aux membres des forces de sécurité impliqués de rendre compte de leurs actes, ce qui accentue le climat d'impunité et préoccupe grandement Amnistie internationale.
    De plus, les forces policières n'ont pas fait l'objet d'une réforme. Les défenseurs des droits de la personne doivent donc souvent déposer une plainte auprès des mêmes agents de police qui les ont menacés quand ils faisaient leur travail. Une réforme permettrait de mener des enquêtes criminelles contre ceux qui sont accusés de violations des droits de la personne et de prendre les mesures disciplinaires appropriées.
    La fragilité des institutions du Honduras nous inquiète depuis longtemps, mais particulièrement depuis le coup d'État.
    L'indépendance du pouvoir judiciaire constitue une préoccupation majeure, tout comme certaines des décisions qui ont été prises, notamment au cours de la dernière année. Nous avons aussi des doutes sur la capacité du pouvoir judiciaire d'assurer et de maintenir les droits des femmes. Une fois de plus, ce ne sont pas les raisons de s'en faire qui manquent.
    Je ne sais pas combien de temps il me reste, mais j'aimerais bien continuer. Je veux juste vérifier si c'est possible.
(1315)
    Oui, je vous en prie.
    Merci. Je ne veux tout simplement pas dépasser mon temps de parole. Je pourrais parler du Honduras pendant des heures, et j'en suis consciente.
    Le système de protection des défenseurs des droits de la personne nous préoccupe beaucoup depuis de nombreuses années, et le coup d'État n'a fait qu'empirer la situation avec l'assassinat de journalistes comme Nahúm Palacios. M. Palacios était visé par des mesures de protection, essentiellement des ordonnances, de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, ce qui veut donc dire que les États devaient le protéger. Il a quand même été assassiné quelques semaines plus tard.
    Il y a aussi eu le cas récent de Dina Meza, journaliste et militante des droits de la personne très bien connue. Elle a reçu de nombreuses menaces. Mme Meza bénéficie des mêmes mesures et ordonnances de protection du système interaméricain selon lesquelles le gouvernement doit assurer sa protection, mais il n'a toujours rien fait.
    Certains défenseurs des droits de la personne ont reçu un numéro de téléphone à composer en cas d'urgence. Quand ils l'ont essayé, il était hors service ou personne ne répondait. Des préoccupations ont également été exprimées à l'égard des agents de police chargés de leur protection, qui ne savent parfois pas qui ils sont ni l'heure à laquelle ils doivent les rencontrer. Dans certains cas, ils ne se présentent tout simplement pas.
    Les femmes défenseurs des droits de la personne font l'objet de préoccupations particulières. Certaines ont reçu des menaces de violence sexuelle très ciblées, mais encore une fois, aucune enquête n'a été menée. Nous aimerions évidemment que le gouvernement adopte une position très ferme, mais il n'en est rien. Une fois de plus, la disparité persiste entre ses déclarations devant la Commission interaméricaine des droits de l'homme ou aux Nations Unies et la réalité sur le terrain. En fait, elle s'accentue en ce qui concerne les défenseurs des droits de la personne.
    Compte tenu de la situation très précaire des défenseurs, vous pouvez évidemment vous imaginer à quoi ressemble celle des gens ordinaires qui tentent de recourir au système de justice sans leur aide. Les victimes d'une violation des droits de la personne ou d'un crime de droit commun qui veulent obtenir réparation n'ont pas confiance dans le système de justice. À vrai dire, elles sont nombreuses à ne pas signaler ces crimes à la police par crainte de représailles.
    Une des raisons pour lesquelles nous nous sommes réjouis de votre invitation à témoigner est que le Canada joue manifestement un rôle particulier et important au Honduras, et il est en mesure d'avoir une influence sur la situation. C'est entre autres pourquoi nous voulons vous encourager à faire pression sur le gouvernement du Honduras pour qu'il adopte une position ferme et commence à garantir à tous les ministères les fonds nécessaires et du soutien pour protéger les défenseurs des droits de la personne et pour mener des enquêtes sur les violations qu'ils subissent afin que soient traduits en justice les policiers et les membres des forces de sécurité qui en sont responsables.
    Il est intéressant de noter qu'on nous a signalé de nombreux cas de violation, qui n'ont pas encore été documentés, dans lesquels sont impliqués des agents de sécurité privés. Il s'agit d'allégations graves concernant des agressions sexuelles, des viols, des menaces et le harcèlement de dirigeants de groupes de paysans. Ces crimes auraient principalement été perpétrés dans la région de l'Aguán, mais également ailleurs où des agents de sécurité privés auraient pris part au harcèlement de défenseurs des droits de la personne et de dirigeants de collectivités locales, en particulier dans les régions où les terres font l'objet de conflits.
(1320)
    Nous savons que le groupe de travail des Nations Unies sur l’utilisation de mercenaires est allé là-bas. Le groupe a publié une déclaration intéressante en février, émettant à nouveau de sérieuses réserves sur le recours à des gardes de sécurité privés et sur leur présumée participation à la violation des droits de la personne. Je tenais seulement à souligner cela.
    Ces faits ne sont pas encore documentés par Amnistie Internationale, mais nous avons reçu assez de rapports pour constater qu'ils sont inquiétants, surtout dans le contexte où la police a de toute évidence besoin d'une réforme en profondeur et où on a de plus en plus recours à des gardes de sécurité privés pour des fonctions policières civiles. C'est une tendance que nous pouvons commencer à voir, et nous souhaitions vous la signaler, car elle nous préoccupe, d'autant plus qu'il y a maintenant cette déclaration intéressante du groupe de travail de l'ONU sur l'utilisation des mercenaires.
    Nous avons demandé plusieurs fois aux plus hautes instances honduriennes de publier une déclaration publique appuyant les défenseurs des droits de la personne, reconnaissant la validité de leur rôle, reconnaissant l'importance du rôle qu'ils jouent dans la protection des droits de la personne dans ce pays et leur contribution à la société, établissant une tolérance zéro à l'égard des violations des droits de la personne à leur endroit, et établissant une diligence raisonnable quant aux enquêtes devant être menées sur les agressions et les menaces dont ils font l'objet.
    Nous aimerions aussi qu'il y ait des consultations en bonne et due forme. Je suis convaincue que le Canada pourrait encourager les autorités honduriennes à redoubler d'efforts pour régler les revendications territoriales dans l'Aguán. C'est ce que nous souhaitons en tout cas. Nous souhaitons également qu'il y ait des consultations sérieuses sur l'utilisation du territoire. Nous souhaitons enfin qu'il y ait des consultations appropriées conformes à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, là où des entreprises s'intéressent à certaines parties du territoire.
    Par exemple, il y a des peuples autochtones sur tout le territoire du Honduras, et leurs préoccupations sont rarement prises en compte. Là où c'est possible, nous souhaitons qu'une certaine priorité soit accordée aux droits de ces peuples et aussi à ceux des femmes et des filles. Nous avons constaté une lacune à cet égard.
    Dans un cas comme celui d'Antonio Trejo ou dans les attaques contre les défenseurs des droits de la personne, il est vraiment très bénéfique que des membres de la communauté internationale se rendent sur place et fassent preuve de leadership en appuyant la cause des défenseurs des droits de la personne et en affirmant que ce genre de crime ne peut rester impuni, qu'il faut une enquête. Il faut trouver les responsables des attentats comme ceux qui ont été perpétrés sur la personne d'Antonio Trejo, sur son frère et sur les 11 autres défenseurs des droits de la personne pour lesquels nous avons demandé une intervention d'urgence l'an dernier.
    La dernière intervention d'urgence que nous avons demandée l'an dernier visait une militante écologiste qui venait de prendre la parole à la radio. Elle était passée à la télévision plus tôt dans la journée et y avait parlé de l'exploitation de mines à ciel ouvert, de l'impact potentiel de cette activité et des inquiétudes qu'elle avait au sujet de certaines compagnies minières présentes dans la région. En rentrant à la maison, elle a trouvé une menace de mort qui lui avait été envoyée par courriel et qui disait, en gros, qu'elle devait se la fermer et que son cercueil ne serait pas assez grand pour contenir sa bouche. Cette militante écologiste est connue depuis des années. Vous pouvez donc voir que le seul fait de parler publiquement de problèmes liés à l'environnement peut vous attirer très rapidement des menaces de mort, et que la facilité avec laquelle ces prédateurs peuvent obtenir les adresses courriel et les numéros de portable de leurs proies est tout simplement incroyable.
    Nous aimerions qu'il y ait de meilleures enquêtes et une tolérance zéro à l'égard de ces crimes contre les défenseurs des droits de la personne.
(1325)
    Merci beaucoup. Votre témoignage était fantastique et, à tout le moins, très vaste.
    Excusez-moi, je parle très vite.
    Ne vous excusez pas, c'est une bonne chose. En fait, votre témoignage était des plus complets. Je chuchotais à mon analyste de prendre des notes sur certains sujets que vous avez soulevés.
    Nous allons commencer par David Sweet.
    J'avertis tout de suite M. Sweet et tous les membres du comité que nous allons procéder un peu différemment pour la répartition du temps. Au lieu d'arrondir les rondes de questions à des minutes, vous disposerez tous de cinq minutes trente secondes chacun. En procédant de la sorte, nous serons en mesure de sortir d'ici à temps. Étant donné le temps que je vous accorde, vous aurez compris que je devrai me montrer un peu plus strict que d'habitude, car nous devons tous retourner à la Chambre des communes une fois la séance terminée.
    Monsieur Sweet, vos cinq minutes trente commencent maintenant.
    Je vous vois mal comme quelqu'un de strict, monsieur le président. Merci beaucoup.
    Madame Major, merci beaucoup pour votre témoignage. Il était tellement exhaustif que je ne sais pas par où commencer. J'essaierai d'utiliser le plus efficacement possible le temps qui m'est imparti.
    Le secrétaire général de l'OEA a fait l'éloge du rapport définitif, rapport qui correspond à la conclusion de la Commission de la vérité et de la réconciliation au Honduras, qui formulait le voeu que la société s'occupe sans tarder des graves problèmes auxquels sa population est confrontée: la pauvreté, le crime et le besoin d'un développement économique et social.
    Je dis cela en guise de préambule à ma question. Je trouve tout à fait exaspérant et presque incroyable que ni le président Lobo ni l'un de ses ministres n'aient fait la moindre déclaration pour dénoncer le caractère intolérable de ces violations des droits de la personne et annoncer que l'État y remédierait.
    Est-ce exact de dire qu'il n'y a eu aucune déclaration à cet effet? Dans la négative, que dit le gouvernement? Vu le nombre d'assassinats perpétrés dans les rues, il doit bien y avoir des gens qui s'attendent à ce que ce gouvernement donne des explications.
    Il y a eu des déclarations, notamment de la part de la ministre de la Justice et des Droits de la personne, Mme Ana Pineda. Elle s'est dite inquiète de la situation des défenseurs des droits de la personne. L'an dernier, nous avons entendu parler d'une ébauche de projet de loi s'intéressant à la situation de ces activistes et à la possibilité de mettre au point certains mécanismes de protection pour eux. Nous ne savons pas où en est ce projet de loi pour l'instant, mais nous avons entendu dire qu'il était en voie d'élaboration.
    Nous avons vu cela à un certain échelon, mais dans un cas comme celui d'Antonio Trejo, nous nous serions attendus à une déclaration de la présidence même, nous aurions voulu que le président fasse une sortie publique pour affirmer que ce crime ne passerait pas, que le pays ne tolérerait pas ces attentats contre les défenseurs des droits de la personne, que le gouvernement n'accepterait plus que de telles choses se produisent. Nous aurions voulu le voir adopter une position ferme sur la question.
    Cela ne s'est pas produit.
    Mes notes m'indiquent qu'un procureur de l'État a été assassiné par balle deux jours plus tard. Le gouvernement a-t-il réagi à cela, attendu qu'il s'agissait d'un procureur de l'État?
    Encore une fois, les plus hautes instances sont restées muettes. Nous n'avons pas vu le président déclarer « Nous n'accepterons pas que de telles choses se produisent ».
     En fait, cela a mis en évidence une dynamique intéressante. Les menaces et les attentats ne sont pas réservés aux journalistes et aux défenseurs des droits de la personne issus de la société civile: les travailleurs du secteur de la justice qui prennent en main de telles causes peuvent aussi être ciblés.
    Merci. Je sais que vous avez dit que vous n'aviez pas encore commencé à documenter cet aspect, mais, parmi toutes les données que vous avez colligées au sujet des sociétés de sécurité privées, parmi tous ces documents, avez-vous trouvé quelque évocation, conclusion ou allégation permettant de savoir qui retient les services de ces sociétés?
(1330)
    À l'heure actuelle, nous n'avons pas suffisamment documenté ces questions pour être en mesure de les commenter. Vous auriez intérêt à prendre connaissance de la déclaration du groupe de travail des Nations Unies sur l'utilisation des mercenaires. Le groupe publiera un rapport plus complet dans quelque temps.
    La déclaration en dit long sur le recours aux gardes de sécurité privés. Les régions visées par certains des rapports sont dans l'Aguán. Il est par conséquent évident que certaines des sociétés de sécurité présentes dans ces régions travaillent pour les propriétaires terriens locaux, mais nous n'avons pas documenté suffisamment ces violations des droits de la personne pour être en mesure de nous prononcer à cet égard. Celles dont nous avons entendu parler ont assurément des racines dans l'Aguán.
    Avez-vous dit que ces gardes de sécurité avaient aussi été vus en train d'effectuer des activités habituellement réservées à la police ordinaire?
    Il y a eu des allégations voulant qu'ils aient participé à des expulsions forcées. Encore une fois, je ne peux pas élaborer là-dessus. Je n'ai pas documenté ces cas moi-même, alors je ne veux pas en parler. Cependant, certains rapports indiquent que des gardiens de sécurité privés ont été vus en train de procéder à des expulsions forcées au côté de la police locale. Mais, je le répète, Amnistie Internationale n'a pas documenté ces cas elle-même.
    Vous avez parlé de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Avez-vous l'impression que ce dernier est dans la même position que les médias, c'est-à-dire qu'il se censure lui-même afin de se conformer à un certain ordre gouvernemental.
    J'aimerais vous entendre à ce sujet.
    Je crois que l'indépendance du pouvoir judiciaire suscite diverses préoccupations. Juste après le coup d'État, nous avons vu un groupe de juges se faire destituer. Ils appartenaient tous à l'association Juges pour la démocratie. Aucun d'eux n'a été remis en poste. Voilà quelque chose qu'Amnistie Internationale a signalé.
    L'inamovibilité est un enjeu clair au Honduras. Encore, en décembre dernier, nous avons assisté à la destitution de quatre juges de la Cour suprême. Ce seul fait suffit à nourrir nos doutes sur l'indépendance du pouvoir judiciaire. Parallèlement, certains des jugements prononcés par la Cour suprême nous inquiètent, comme ceux qui portent sur les sexes et les droits des femmes par exemple. Nous aimerions que le pouvoir judiciaire puisse bénéficier d’une certaine formation et d’une édification de ses capacités quant à l’utilisation des instruments mis à la disposition de la communauté internationale, comme ceux qui touchent aux droits des femmes et des filles, mais aussi aux droits de la personne dans leur ensemble.
    Monsieur Marston, allez-y, je vous prie.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Major, j’ai trouvé votre témoignage vraiment formidable, car vous avez répondu à deux de mes questions avant même que j’aie eu la chance de vous les poser, ce qui augure bien.
    Nous avons reçu des témoins du MAECI, notre ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, et ils ont plus ou moins décrit le président comme étant quelqu’un de bien qui serait pris dans une conjoncture défavorable. Je ne sais pas comment vous réagissez à cela, mais votre témoignage a clairement expliqué qu’il ne s’était pas prononcé publiquement sur ce qui est arrivé. La déception était absolument manifeste. Ma question est la suivante: de quelles capacités le Honduras dispose-t-il pour enquêter de manière efficace? Compte tenu des menaces de mort et de toutes ces pressions, et même si vous disposez de bons éléments au sein de la police et de bons procureurs, quel est le sentiment réel sur le terrain à cet égard?
    La population générale éprouve une immense méfiance envers le système de justice. Certains défenseurs des droits de la personne reçoivent des menaces, mais ont peur d'en faire part à la police — ou bien ils croient que cela ne donnera rien. Cette désillusion totale à l'égard de la police est inquiétante.
    Il y a quelques mois, la police a été accusée d'avoir participé au meurtre de deux étudiants d'université. On s'inquiète beaucoup de la corruption dans la police. Comme je l'ai dit, j'ai visité des postes de police avant et après le coup d'État, qui a donné lieu à des arrestations de masse. J'ai pu constater les blessures infligées aux gens par les policiers; je sais que les gens se préoccupent grandement du manque de responsabilisation à l'égard des violations des droits de la personne commises après le coup d'État, mais également de façon continue. Les mécanismes de responsabilisation des policiers doivent être améliorés. La police doit non seulement rendre compte des mesures disciplinaires prises à l'interne, mais également veiller à ce qu'une enquête criminelle appropriée soit réalisée lorsque des preuves sont présentées, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.
(1335)
    Je suis d'accord. L'impunité est un problème dans beaucoup, beaucoup de pays. C'est grave.
    J'aimerais changer de sujet un instant. Un professeur de l'Université de New York, Paul Romer, a étudié les villes à charte. De toute évidence, quelque chose se prépare. Pouvez-vous nous en dire davantage sur les villes à charte du Honduras?
    Amnistie Internationale n'a pas pris position sur le sujet. Nous n'avons pas vraiment étudié les cités modèles ni même les lois provisoires qui y seront intégrées. La question des défenseurs des droits de la personne au Honduras prend tout notre temps pour le moment; donc non, nous n'avons pas pris position à ce sujet.
    Est-ce qu'il me reste du temps?
    Oui. Il vous reste deux minutes.
    Oh, c'est très bien.
    J'étais avec Lolita Chavez hier. Lors d'une assemblée, nous avons discuté de la situation des sociétés minières canadiennes au Guatemala. Elle a dit que son peuple ne connaissait les Canadiens que par leurs sociétés minières, et que ce qu'ils avaient vu n'avait rien de bon. Les activités de ces sociétés soulèvent des préoccupations au Mexique, aux Philippines, au Honduras et ailleurs dans le monde.
    Quelle est votre opinion à ce sujet?
    Je suis d'accord avec vous. Il s'agit d'une préoccupation mondiale qui n'est pas uniquement associée aux sociétés minières canadiennes, mais à de nombreuses entreprises internationales établies surtout en Amérique centrale, par exemple.
    Au Honduras, on se préoccupe grandement de l'impunité, et de la possibilité de parler et d'exprimer des inquiétudes sans être menacé. L'activiste écologique dont j'ai parlé a reçu des menaces quatre ou cinq heures seulement après avoir parlé à la télévision des préoccupations relatives à l'exploitation à ciel ouvert.
    Dans ce contexte, je crois qu'il est encore plus important de veiller à ce que le gouvernement exerce une diligence raisonnable et tienne des consultations appropriées avec les collectivités locales. Par exemple, le Honduras compte des populations autochtones; les consultations doivent être réalisées de façon très minutieuse. Le rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des populations autochtones propose de très bonnes normes et notes d'orientation à cet égard. De nombreuses lignes directrices sur la façon de tenir ces consultations et sur la façon de procéder à l'évaluation des impacts sur les droits de la personne sont également offertes. Il importe d'en tenir compte, surtout dans un pays comme le Honduras, où le taux d'impunité est très élevé et où la prolifération des armes légères est également inquiétante.
    Il faut tenir compte de l'égalité entre les sexes. Ce contexte est très complexe, et les droits de la personne doivent être à l'avant-plan dans l'élaboration de toutes les politiques de même que dans les processus décisionnels. Il faut insister auprès du gouvernement local, à partir de l'étranger, et également auprès des entreprises et des autres intervenants.
    Merci.
    Merci, monsieur Marston.
    Madame Grewal, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame Major, pour votre excellent exposé.
    Le Honduras n'a jamais connu de gouvernement civil stable; la transition d'un régime militaire vers une démocratie se fait de façon tendue, au mieux, et nécessite la participation de la communauté internationale. Quelles mesures de soutien ont apportées le Canada et les autres États démocratiques au gouvernement civil hondurien? Quelles autres mesures pourrait prendre le Canada afin de favoriser la transition vers une démocratie libérale?
(1340)
    Le Canada peut faire beaucoup; il en a déjà fait beaucoup. La communauté internationale présente au Honduras a été d'une grande aide après le coup d'État. Je sais que le Canada a joué un rôle important dans la coordination de ces efforts.
    Nous aimerions que le Canada incite le gouvernement à prendre position sur la question des défenseurs des droits de la personne; qu'il appuie la société civile et la collectivité qui travaillent à la protection et à la confirmation des droits de la personne; qu'il travaille au renforcement et à l'amélioration des institutions dont nous avons parlé aujourd'hui, notamment par le soutien et la formation de l'appareil judiciaire. En fait, nous voudrions que le Canada prenne une position ferme sur les droits de la personne et les place au coeur de toute entente ou discussion avec le gouvernement hondurien. Il faut que les droits de la personne soient sa principale préoccupation, et la vôtre.
    Il est très, très important d'aider la société civile. Elle manque de ressources. Ce serait merveilleux de voir qu'un soutien est offert à ces gens très braves qui luttent tous les jours et se portent à la défense des femmes, des filles et des victimes de violence conjugale, par exemple, dans un pays où le nombre de crimes violents commis contre elles est très élevé. Je ne veux pas dire que le reste de la population ne souffre pas des conséquences des crimes violents, mais les femmes et les filles sont victimes de violence fondée sur le sexe; elle est très présente au Honduras. Il faudrait peut-être se concentrer sur cet enjeu également.
    Bien sûr, si le Canada fait des déclarations publiques relatives aux attaques contre les défenseurs des droits de la personne, comme Antonio Trejo, il montrera qu'il se préoccupe de la situation, mais agira aussi à titre de leader, qui montrera aux autres pays, de même qu'au Honduras, ce qui doit être fait pour aider les défenseurs des droits de la personne.
    Comme vous l'avez dit dans votre exposé, les journalistes sont la cible d'exécutions extrajudiciaires. Ils jouent évidemment un rôle essentiel dans l'établissement d'une démocratie libérale au sein d'un pays, et veillent à ce que les autorités rendent des comptes au public. De quelle façon le Canada peut-il protéger les journalistes qui travaillent au Honduras?
    Je crois qu'il faut favoriser l'élaboration d'un programme de protection approprié et veiller à l'application immédiate des mesures de protection spéciales commandées par le système interaméricain. On accuse un grand retard dans l'application des mesures de protection. En fait, dans un des cas que j'ai mentionnés précédemment, des mesures de protection ont été adoptées en 2009, mais n'ont toujours pas été appliquées. La personne a reçu trois menaces de mort l'année dernière seulement.
    Nous aimerions que le Canada encourage le gouvernement à élaborer et à mettre rapidement en oeuvre un programme de protection des droits de la personne approprié, qui disposerait de suffisamment de ressources et qui serait doté de professionnels. Nous aimerions également qu'il aide à enquêter sur les crimes contre les défendeurs des droits de la personne, qui ont évidemment une incidence sur l'ensemble de la collectivité.
    Le gouvernement du Honduras a destitué les juges qui n'étaient pas d'accord avec le coup d'État de 2009. L'indépendance judiciaire est un élément essentiel de la démocratie libérale. Comment les pays développés dotés de solides cultures d'indépendance juridique peuvent-ils aider les pays ou les groupes qui tentent d'établir une telle culture dans leur pays?
    En appuyant la formation des juges et des avocats, mais particulièrement des juges, pour qu'ils puissent mettre en oeuvre les instruments internationaux portant sur les droits de l'homme. Aussi, la protection des droits constitutionnels serait nécessaire dans un contexte comme celui du Honduras, où certaines décisions judiciaires prises l'an dernier à l'endroit des femmes et des filles ont été préoccupantes. Ce serait très utile.
(1345)
    La parole est maintenant à la Mme Fry.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie pour votre exposé. Je suis arrivée pendant votre présentation, je vous prie de m'en excuser.
    Vous avez parlé de tout ce qui peut aller de travers dans un pays non démocratique. Le système judiciaire indépendant ne l'était pas vraiment, s'il a pris part au coup d'État et à l'expulsion du président Zelaya.
    À l'heure actuelle, le gouvernement ne peut rien faire. Il ne peut se faire entendre. Vous vous êtes dite déçue du silence du président, du manque de fermeté du secrétaire général et que rien n'ait été fait pour enquêter sur les violations des droits de la personne, le musellement de la presse, les agissements de la police et la quasi-arrogance de l'armée.
    Croyez-vous qu'il soit possible de régler ces problèmes? Si vous le pouviez, quelles mesures prendriez-vous pour que la démocratie prenne pied?
    Des élections seront tenues en 2013; seront-elles libres et justes? C'est un autre élément de la démocratie dont il faut tenir compte. Avec toute la violence contre les femmes et les filles, contre les divers peuples autochtones qui font des revendications territoriales, etc., y a-t-il de l'espoir? Quelles structures mettriez-vous en place, quelles mesures prendriez-vous pour donner un certain pouvoir au gouvernement? Est-ce que le gouvernement veut ce pouvoir? Ce sont les questions que je me pose. Quelle est la position du pays? Est-ce que l'OEA peut faire quelque chose en faveur de l'un de ses membres les plus importants?
    Je crois qu'il y a de l'espoir au Honduras. La collectivité des droits de la personne est dynamique et poursuit ses efforts malgré la menace. Je trouve cela remarquable.
    Nous avons vu quelques lueurs d'espoir lorsque le gouvernement a lancé une invitation ouverte aux rapporteurs spéciaux de l'ONU et interaméricains. Comme vous le savez, ce sont experts en matière de droits de la personne. Les rapporteurs spéciaux de l'ONU et les défenseurs des droits de la personne, de même que le groupe de travail de l'ONU sur l'utilisation de mercenaires ont visité le pays et ont pu faire ce travail considérable. Ils ont fait d'importantes recommandations au gouvernement.
    Il faut miser sur ce travail, et que ces recommandations ne restent pas lettre morte, mais se traduisent en mesures concrètes. Nous aimerions que le gouvernement collabore davantage avec les militants locaux qui oeuvrent dans divers domaines, comme la protection des droits des femmes et des filles, mais également dans des domaines plus vastes comme les droits de la personne et les problèmes que vivent les journalistes. Nous voudrions qu'il s'informe de leurs besoins et en tienne compte dans les prochaines étapes.
     Par ailleurs, Amnistie Internationale s'inquiète de la situation encore plus précaire que pourraient vivre les défenseurs des droits de la personne en période d'élection, étant donné qu'ils assurent la responsabilisation et travaillent dans un contexte où la protection des droits de la personne est traitée avec dédain par de nombreuses forces de sécurité et d'autres.
    Nous nous préoccupons de la situation des défenseurs des droits de la personne en période d'élection.
    L'OEA et le système interaméricain ont joué un rôle très important. Ils ont notamment demandé que des mesures de protection soient prises en faveur des défenseurs des droits de la personne et des journalistes. Nous aimerions que des organisations comme l'OEA encouragent le gouvernement à mettre en oeuvre ces mesures de protection très rapidement et à prendre les mesures appropriées pour réduire l'impunité des crimes contre les défenseurs des droits de la personne, de même qu'à mettre en oeuvre les importantes réformes qui doivent être faites au sein de la force de police afin de veiller à réduire la corruption et à ce que de solides mécanismes de responsabilisation de la police et des forces de sécurité soient mis en oeuvre.
(1350)
    Merci.
    Me reste-t-il du temps?
    Seulement pour une question brève.
    Il est évident qu'il y a de l'espoir et des souhaits, etc., mais quels sont les outils concrets que l'on peut utiliser pour faire avancer le dossier, et qui peut les utiliser?
    J'aimerais voir les autorités honduriennes rallier tous les ministères pour mettre en oeuvre des mesures de protection des droits de la personne et faire en sorte qu'ils collaborent afin de protéger les défenseurs des droits de la personne et, dans le cas qui nous intéresse, de veiller à ce que les attaques contre eux fassent l'objet d'enquêtes en bonne et due forme. Je pense qu'on ne dispose pas toujours des outils nécessaires.
    Par exemple, les mécanismes de responsabilisation de la police doivent être améliorés, c'est indubitable. C'est une question que le gouvernement lui-même pourrait régler.
    À l'aube des élections présidentielles, il serait merveilleux de voir les candidats à la présidence parler de droits de la personne, énoncer leurs priorités, parler des défenseurs des droits de la personne et de leur rôle, et expliquer ce qu'ils entendent faire pour améliorer les mécanismes de responsabilisation dans la police et les forces de sécurité. Nous aimerions entendre et voir ces types de choses à l'approche de la campagne électorale.
    Merci beaucoup.
    Avant de passer à la prochaine personne, je tiens à rappeler aux membre du comité qu'il n'y aura pas de petits autobus verts pour nous ramener à la Chambre des communes. Nous allons devoir marcher. Si quelqu'un a besoin de partir avant que nous ayons terminé, il peut le faire; tant que nous sommes au moins trois ici, nous pourrons maintenir le quorum pour entendre les témoignages.
    La parole est maintenant à M. Schellenberger.
    Merci beaucoup pour votre exposé; il a été très instructif. Vous avez montré l'importance de la primauté du droit lorsqu'elle est affirmée. Lorsqu'elle ne l'est pas, il y a de la corruption, de la pauvreté et, bien entendu, des violations des droits de la personne.
    Au Honduras, je suis certain que la primauté du droit est, au mieux, vacillante. Des salaires peu élevés expliquent peut-être la faiblesse de la police. Ces gens sont placés pour être un peu corrompus, et c'est ainsi qu'ils nourrissent leur monde.
    Je vais changer quelque peu le sujet. Je suis originaire d'une circonscription rurale au sud-ouest de l'Ontario et, bien sûr, l'agriculture occupe une place importante dans notre collectivité. La production agricole est faible au Honduras, et bien des régions du pays souffrent d'une grave insécurité alimentaire.
    La population rurale croissante du Honduras exerce aussi beaucoup de pression sur les ressources naturelles, et le pays est confronté à des problèmes environnementaux comme la dégradation des sols et la déforestation. Cela diffère un peu de la situation dans nos régions rurales. Les nôtres rapetissent, pas au plan de la superficie, mais de la population.
    J'avance une fois de plus que c'est à cause de la pauvreté. Les gens doivent subsister, alors ils s'installent à un endroit où ils peuvent acheter un lopin de terre et peut-être abattre un arbre ou deux pour se chauffer de temps à autres.
    Quelle est la part du secteur agricole hondurien qui se compose de grandes sociétés étrangères ou nationales, et quelle est celle qui se compose de paysans?
    Ce n'est pas un secteur sur lequel nous nous sommes penchés. Je suis vraiment désolée de ne pas pouvoir vous fournir cette information au pied levé.
    Nous nous préoccupons des différends territoriaux dans le nord-est du Honduras en particulier, mais en général, nous nous préoccupons des différends territoriaux dans tout le pays entre les grandes collectivités de paysans qui veulent revendiquer les terres ou qui ont des droits reconnus par la loi à ces terres telles qu'ils les perçoivent et qui intentent des actions en justice pour obtenir gain de cause, et les propriétaires fonciers ou les sociétés qui font valoir que les terres leur appartiennent.
    Nous nous préoccupons de ces différends, qui durent depuis des années, et de la situation précaire de nombre de ces collectivités, qui nous inquiète réellement. La plupart de ces collectivités se composent de familles, jusqu'à 400 d'entre elles. Nous avons vu 400 familles se faire chasser de leurs terres et ne plus avoir accès à l'eau courante, à l'éducation, aux soins de santé, à toutes ces choses essentielles, en particulier pour les jeunes enfants.
    Nous nous préoccupons constamment du fait que le gouvernement doive redoubler d'efforts pour régler ces questions et faire en sorte que ces personnes ne continuent pas à vivre en situation précaire et que les différends territoriaux soient réglés, pour éviter d'autres situations très graves dans le nord en particulier.
(1355)
    Selon vous, quelle est la capacité de la profession juridique au Honduras, dont les procureurs et les avocats du secteur privé, d'intenter des actions et de défendre les intérêts de leurs clients avec vigueur et en toute autonomie?
    Comme je l'ai déjà mentionné, les menaces n'affectent pas que la vie des défenseurs des droits de la personne, mais aussi des intervenants du milieu judiciaire, dont les avocats.
    Nous avons parlé à de nombreux avocats qui ont fait l'objet d'attaques ou qui ont été menacés pour s'être acquittés de leurs devoirs professionnels. Je ne connais pas suffisamment le système de gouvernance de la profession juridique pour en parler, mais les inquiétudes persistantes que suscite la question de la primauté du droit au Honduras se rapportent aussi à la profession juridique.
    Merci.
    Passons au suivant.
    Merci.
    En fait, vous avez minuté votre intervention avec une extrême précision, monsieur Schellenberger.

[Français]

    Madame Liu, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame Major, pour votre exposé.
    Je pense que vous nous avez vraiment fait comprendre l'importance d'intervenir sans tarder dans le dossier des droits de la personne au Honduras. C'est un exposé très à propos, surtout que demain, nous commémorerons la Journée internationale de la femme. Nos pensées accompagneront assurément les femmes et les filles du Honduras cette journée-là.
    Dans votre réponse à Mme Grewal, vous avez parlé de l'importance du travail que le Canada accomplit avec la société civile. Pourriez-vous nous expliquer à quoi devraient ressembler ces relations sur le terrain?
    De toute évidence, si nous pouvons voir le Canada se prononcer publiquement dans des affaires comme celle d'Antonio Trejo, cela crée aussi un précédent et donne le ton que le gouvernement national devrait prendre en ce qui touche des affaires comme celle-là pour faire en sorte que la situation de la protection des défenseurs des droits de la personne soit prioritaire. De plus, au cours des discussions concernant toutes les interactions des autorités canadiennes et honduriennes, il faut accorder la priorité aux obligations en matière de droits de la personne dans le cadre juridique international qui les gouverne. Elles devraient tenir compte des communautés locales comme les peuples autochtones, mais aussi les femmes et les filles, et ces questions sexo-spécifiques particulières. Ces discussions aideraient vraiment à faire en sorte que cela se passe aussi au gouvernement du Honduras.
    Ce serait génial de tenir ces très importantes consultations auprès des collectivités locales dans le cadre des discussions d'affaires, et de faire participer les défenseurs des droits de la personne directement aux discussions. C'est une excellente initiative puisque cela montre aussi que ces personnes sont importantes, qu'elles ont quelque chose d'important à dire, et que leur opinion est valable. Cela pourrait leur offrir une certaine protection. Cela ferait aussi en sorte que les programmes de soutien à la société civile locale soient exécutés, surtout dans les régions où les défenseurs des droits de la personne sont très vulnérables.
    Les membres de la communauté des LGBT, les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, sont particulièrement vulnérables eux aussi. Je ne crois pas les avoir mentionnés avant, mais cette communauté a été vraiment vulnérable aux attaques au Honduras. Nous avons nous-mêmes pris des mesures urgentes et beaucoup travaillé avec les activistes LGBT. Nous voulons veiller à ce que leurs inquiétudes soient prises en compte dans tous leurs contacts avec les autorités honduriennes. C'est vraiment une démarche importante, et les autorités canadiennes pourraient aussi la faire.
(1400)
    C'est très intéressant que vous parliez de la communauté des LGBT.
    Quels types d'outils sont axés précisément sur cette communauté? Quelle approche devrions-nous privilégier quant à notre relation, ou quelle mesure devrions-nous prendre pour promouvoir les droits de la personne des membres de cette communauté en particulier?
    Pour commencer, vous pourriez encourager les autorités honduriennes à élaborer un programme en collaboration avec les défenseurs des droits de la personne qui s'intéressent aux questions des LGBT, ceux qui s'intéressent aux droits des femmes et des filles, ceux qui défendent les droits de la personne dans l'ensemble de la communauté, et les journalistes lorsque vous discuterez de ce qui constituerait pour eux un bon programme de protection en lequel ils auraient foi et sur lequel ils pourraient compter. Le fait de tenir ces discussions et de veiller à ce que les autorités honduriennes traitent ce dossier, y fassent participer les communautés locales et élaborent un programme de protection adéquat pour les personnes qui commettent des violations des droits de la personne représenterait une avancée considérable. Il serait aussi très bien qu'elles s'attachent à réduire le nombre de cas impunis d'attaques et de menaces à l'encontre des membres de la communauté des droits de la personne, y compris contre la communauté des LGBT.
    Ce sont les deux secteurs en question.
    Pour terminer, lorsque je me préparais à cette réunion, j'ai été surprise d'apprendre que 18 p. 100 de la population vit avec moins de 1,25 $US par jour.
    Pourriez-vous vous prononcer sur la question de la pauvreté et son impact sur l'instabilité au Honduras? Quels sont les principaux obstacles au développement dans ce pays?
    Une partie de cette question revient à la protection des droits de la personne. Si les ministères accordaient la priorité aux droits de la personne, cela aiderait. À titre d'exemple, la mise en oeuvre d'un plan adéquat en matière de droits de la personne à la grandeur des ministères aiderait à jeter l'éclairage sur cette question, ce qu'on ne faisait peut-être pas par le passé, pour faire en sorte que les auteurs de violations des droits de la personne, dont nous avons parlé aujourd'hui, puissent fonctionner librement, mais aussi pour veiller à ce que le gouvernement adopte une différente perspective s'agissant des droits de la personne de sa population et la protection de ces droits.
    Pour ce qui est de la pauvreté et des autres questions, il ne fait aucun doute que le Honduras fait face à des enjeux de taille, et je pense pas que nous devrions les sous-estimer. Par exemple, les taux de criminalité violente au Honduras font froid dans le dos. Il est certain que les niveaux de pauvreté sont aussi très préoccupants. Je pense qu'il y a beaucoup de choses que le gouvernement peut faire, y compris s'attacher à réduire le nombre de cas impunis de violation des droits de la personne, mais accroître la foi de la population en le système judiciaire, par exemple, et ensuite placer les droits de la personne au premier plan de toutes les politiques.
    Merci. Je crois que mon temps est écoulé.
    C'est malheureusement le cas. En fait, notre temps à tous est presque écoulé, mais j'ai une question.
    Avec la permission du sous-comité, j'aimerais dire qu'il est suffisamment tôt pour que je puisse poser une question de suivi sur le dernier point, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
    Voici ce que je voulais demander à notre témoin. Nous avons tenu des audiences concernant une autre région de l'Amérique latine, le Venezuela, où le taux de criminalité est aussi très élevé, ce qui pose problème, même si le cas du Honduras est particulièrement grave. C'est un problème qui existe dans toute la région. Dans le cas du Venezuela, les taux ont monté en flèche au cours des dernières années. Je ne sais pas si c'est aussi le cas au Honduras. Je reconnais que ce n'est pas, à proprement parler, un problème de violation des droits de la personne en tant que tel, mais pouvez-vous nous dire si des mesures prises par le gouvernement provoquent ce taux de criminalité phénoménal? Est-ce que c'est quelque chose d'endémique à la culture ou à la pauvreté? Est-ce que c'est quelque chose qui est, essentiellement, hors du contrôle du gouvernement? Je vous donne la latitude voulue pour formuler tout commentaire que vous jugez approprié à cet égard.
(1405)
    Je pense que le manque d'action réelle, adéquate et rigoureuse pour responsabiliser la police et l'armée est fondamental. Sans ces mécanismes de responsabilisation appropriés pour la police, et une plus grande foi de la population en l'appareil judiciaire... Il y a des secteurs où nous nous préoccupons réellement du non-respect des lois et des taux de criminalité violente et, bien sûr, de l'impunité dont jouissent les auteurs de ces actes criminels violents, qu'il s'agisse de violations des droits de la personne ou de crimes violents au sens large. Si le gouvernement ne prend pas de mesures concrètes pour instaurer des mécanismes de responsabilisation pour la police et l'armée ou pour combler l'écart entre l'armée et la police... Nous avons vu des militaires chargés d'assurer le maintien de l'ordre civil, et cela nous préoccupe.
    Encore une fois, le groupe de travail des Nations Unies sur l'utilisation des mercenaires affirme maintenant que les entreprises de sécurité ne régleront pas le problème de la sécurité publique. C'est un message très important pour les autorités honduriennes dans le contexte actuel car, encore une fois, les mécanismes de responsabilisation des gardiens de sécurité privés ne sont pas mis en place. Ils ne sont pas appliqués. Il faut que ces mécanismes soient bien mis en place et appliqués, et il faut ensuite accorder la priorité aux droits de la personne et faire en sorte que les défenseurs de ces droits, les journalistes, ceux qui travaillent à protéger la population en général et à les aider à faire valoir leurs droits, soient en mesure de le faire librement, sans crainte, sans être intimidés, et sans être attaqués.
    Voilà les secteurs dans lesquels j'aimerais que les autorités honduriennes soient plus actives. Cela aurait, sans aucun doute, une incidence beaucoup plus grande.
    Merci.
    M. Cotler aimerait aussi poser une question. Avec la permission du comité, la parole est à M. Cotler, qui posera une dernière question.
    Merci, monsieur le président.
    Je devais prendre la parole à la Chambre des communes, alors j'ai manqué vos remarques liminaires, mais j'ai lu votre rapport et suis au courant de votre travail.
    Je voudrais parler d'un point que vous avez soulevé lorsque je suis arrivé ici pour la période de questions. Vous avez mentionné que la situation critique des défenseurs des droits de la personne devrait être pour nous une priorité. En fait, nous avons convoqué cette réunion du sous-comité pour étudier la situation au Honduras, comme nous l'avons expliqué dans le préambule de notre décision, car deux éminents avocats et défenseurs des droits de la personne, Antonio Trejo et Manuel Díaz Mazariegos, ont été assassinés dernièrement au Honduras, et 76 avocats ont été tués au cours des trois dernières années.
    Nous savons que depuis que nous avons formé un comité, de façon tragique — et je crois comprendre que vous l'avez mentionné dans vos remarques —, en février 2013, José Trejo, le frère d'Antonio, a été tué par balle au lendemain de la réunion qu'il a eue avec des responsables honduriens pour enquêter sur les circonstances de la mort de son frère.
    Que savons-nous de l'enquête sur ce meurtre en particulier? Que savons-nous au sujet de toute enquête efficace ou indépendante sur le meurtre des 74 autres avocats au Honduras?
    Je peux certainement parler d'Antonio Trejo. Personne n'a encore été tenu responsable. Je ne sais pas exactement où en est l'enquête. Dans le cas de José Trejo, je crois comprendre qu'une enquête est en cours. Je n'en connais pas encore les résultats. De toute évidence, nous sommes profondément préoccupés du fait qu'il revenait tout juste de ses réunions à Tegucigalpa où il avait parlé de la mort de son frère aux médias pour essayer de faire avancer l'enquête.
    Nous voulons savoir qui a tué ces deux personnes. Nous aimerions être fixés le plus rapidement possible. Il est nécessaire de mener une enquête très rigoureuse.
    Bien sûr, c'est exactement comme vous venez de le dire. Sans enquête rigoureuse sur ces meurtres et un coupable, on laisse entendre que de tels actes sont acceptables. Ce qui nous inquiète vraiment est que si personne n'a à répondre de violations des droits de la personne et qu'il n'y a pas de système de protection adéquat pour les défenseurs de ces droits, c'est le message que le gouvernement transmet. J'espère que ce n'est pas son intention, car je crois comprendre que la ministre de la justice et des droits de la personne semble faire de son mieux pour accomplir quelque chose dans ce dossier.
    Malheureusement, tant que personne ne sera tenu responsable de crimes comme les meurtres d'Antonio et de José Trejo, et les menaces à l'encontre de 11 défenseurs des droits de la personne pour lesquelles nous avons recommandé une intervention urgente l'an dernier, et tant que le gouvernement ne prendra pas de mesures pour empêcher que ces crimes soient perpétrés en toute impunité et pour offrir une protection adéquate aux défenseurs des droits de la personne, il laissera entendre que de tels actes sont acceptables. Nous voulons que cela cesse. Nous voulons que le gouvernement dise « Ces actes sont inadmissibles et ne seront nullement tolérés. C'est la limite que nous avons fixée et nous passons à autre chose. Nous n'allons plus tolérer cela. » Il ne le fait pas, et nous voulons qu'il le fasse. C'est la prochaine étape.
(1410)
    Merci beaucoup aux membres du comité d’avoir fait semblant que nous n’avions pas dépassé l’heure prévue, parce qu’en réalité nous l’avons dépassée. Je vous remercie de votre indulgence.
    Madame Major, je vous remercie d’être restée plus longtemps avec nous. La séance a été très instructive. Je me sens certainement beaucoup plus apte à aborder l’enjeu intelligemment que je l’étais avant la séance. Je vous en remercie énormément.
    Merci. Merci beaucoup également de mettre l’accent sur le Honduras. La situation nous préoccupe vraiment, et nous vous sommes reconnaissants de nous donner l’occasion d’en discuter.
    Merci beaucoup.
    Chers collègues, j’ai une dernière chose à vous dire avant de vous laisser partir. Un spécialiste de la Corée du Nord témoignera le 25 mars devant notre comité principal. Vous voudrez peut-être l’inscrire à votre horaire. Nous examinerons plus tard les enjeux à ce chapitre.
    Merci beaucoup à tous.
    La séance est levée.
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