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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 005 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 4 octobre 2011

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Bonjour à tous. Bienvenue.
    Il s'agit de la cinquième séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, tenue le jeudi 4 octobre 2011.
    Nous poursuivons aujourd'hui notre étude des drogues et de l'alcool dans les prisons. Plus précisément, nous étudions les moyens par lesquels les drogues et l'alcool entrent dans les prisons, les impacts sur les délinquants et leur réadaptation et, enfin, les impacts sur la sécurité des agents de correction et la criminalité dans nos établissements.
    Je vous rappelle que le sujet des prisons est vaste. Nous parlerons particulièrement des drogues et de l'alcool dans nos prisons.
    Durant la première heure ce matin, nous accueillons la directrice exécutive de la Société John Howard du Canada, Mme Catherine Latimer. Je vous souhaite la bienvenue. Mme Kim Pate, directrice exécutive de l'Association canadienne des sociétés Elyzabeth Fry, arrive à l'instant. Nous vous souhaitons la bienvenue à toutes les deux.
    Le comité est heureux de vous accueillir, et nous avons hâte de prendre connaissance de l'information que vous allez nous présenter. Vous avez environ 10 minutes pour vos déclarations préliminaires, puis nous passerons aux deux premières séries de questions.
    Madame Latimer, aimeriez-vous commencer, s'il vous plaît?
    Merci beaucoup de l'aimable invitation que vous avez adressée à la Société John Howard pour entendre ses représentants témoigner sur cette question, qui est très importante pour nous.
    La Société John Howard est une organisation caritative communautaire ayant pour mission de soutenir une intervention efficace, juste et humaine qui cible les causes et les conséquences de la criminalité. Nous avons, à l'échelle du pays, environ 65 bureaux de première ligne qui permettent d'offrir un soutien au chapitre de la réinsertion sociale et aussi des activités de prévention du crime. Nombre des personnes que nous aidons luttent contre une dépendance à l'alcool ou à la drogue, alors cette question est importante à nos yeux.
    Mes remarques porteront surtout, comme vous l'avez demandé, sur les drogues et l'alcool dans les prisons. Nous abordons toutes les questions liées aux politiques dans les prisons sous l'angle des droits. C'est-à-dire, essentiellement, que les personnes condamnées à une peine d'emprisonnement conservent leurs droits, à l'exception de ceux explicitement visés par la peine. Elles ont toujours droit aux soins de santé et à une diversité d'autres services qui seraient normalement à la disposition des citoyens. Si d'autres préjudices sont infligés à un détenu qui purge sa peine, alors ses droits sont protégés en vertu de l'article 7 de la Charte, et on est tenu d'observer les principes de justice fondamentale.
    Nous sommes d'accord pour dire que le problème des drogues dans les prisons est grave. Cela donne lieu à la violence, favorise la propagation des maladies et peut entraîner de nouveaux crimes. Nous convenons du fait qu'il faut déployer des efforts pour réduire la quantité de drogues illégales dans les établissements.
    J'aimerais aussi signaler que nous appuyons entièrement le document rédigé par Michael Jackson et Graham Stewart intitulé A Flawed Compass, qui est une critique de la feuille de route du gouvernement en matière de politiques correctionnelles. Le chapitre 6 traite précisément de la question de la drogue. Je recommanderais au comité de le lire s'il n'en a pas eu l'occasion.
    Nous croyons qu'il faut aborder de façon équilibrée tout ensemble de politiques ayant trait à la question de la drogue. L'interception, qui agit sur l'offre, est bien sûr importante, mais nous préconisons une approche plus générale pour gérer la question de la drogue dans les prisons. Nous croyons que, pour intervenir efficacement et sans cruauté, il faut vraiment intégrer des efforts de traitement et de réduction des méfaits à la stratégie relative aux drogues et à l'alcool dans les prisons. Une telle stratégie devrait être fondée sur ce qui fonctionne, sur des données probantes et sur une évaluation de certaines des choses qui ont déjà été essayées. Par exemple, je crois que nous devrions nous pencher sur l'efficacité des mesures d'interception déjà en place. À mon avis, il importe de regarder le coût des mesures d'interception en ce qui concerne les visites familiales et l'importance de ces visites pour la réinsertion sociale à long terme.
    J'estime qu'il importe de regarder les avantages du traitement chez les personnes souffrant d'une dépendance et le besoin de mesures de réduction des méfaits dans les prisons pour s'assurer que les besoins des détenus aux prises avec la maladie de la dépendance sont comblés et pour limiter la propagation des maladies.
    L'interception de la drogue dans les prisons est une aspiration très importante, mais il est très peu probable que vous réussissiez à stopper entièrement l'entrée des drogues dans les prisons. Ce que vous accomplirez, si vous vous attachez seulement à l'interdiction, c'est que vous réduirez l'offre sans nécessairement réduire la demande, ce qui peut entraîner une plus grande agitation chez les détenus et une montée de la violence dans les prisons. Alors, à mon avis, nous devons réfléchir à l'approche que nous adoptons.
    En outre, je crois que, en ce qui concerne l'interception, il est très important de tenir compte de l'inefficacité des détecteurs ioniques et des chiens renifleurs. Il faut le reconnaître. La littérature révèle plutôt clairement que les détecteurs ioniques produisent un nombre important de faux positifs. Dans la même veine, selon certaines études, 75 p. 100 des personnes ayant attiré l'attention des chiens n'avaient aucune drogue sur eux, alors cela donne lieu aussi à un grand nombre de faux positifs, et la capacité des chiens de détecter la drogue est extrêmement variable. Il s'agit d'une technique importante, mais je crois qu'il faut vraiment en vérifier l'exactitude.
    L'autre chose que j'aimerais faire valoir — c'est une question qu'ont soulevée de nombreux membres de la famille de détenus —, c'est que les visiteurs dans les prisons doivent payer un prix énorme à cause des mesures d'interception.
(1105)
    En effet, un modeste pourcentage de détenus est réellement impliqué dans la drogue, mais les mesures d'interception et de détection s'appliquent à tous les détenus et à toutes les personnes qui leur rendent visite. Le SCC a mené une étude sur les saisies entre 2001 et 2006 et a découvert qu'environ 20 p. 100 seulement des saisies de drogues ont eu lieu dans les salles de visite, alors les drogues passent par d'autres circuits.
    Les visiteurs souffrent un déshonneur terrible à cause des faux positifs et de l'idée selon laquelle ils sont peut-être des consommateurs ou des transporteurs de drogue. C'est très intimidant pour eux. Nombre d'entre eux ont déclaré que cela compromettait leur volonté de continuer de rendre visite aux détenus.
    Certains visiteurs sont intimidés par les chiens ou gênés par la nature intrusive du comportement des chiens. Certains détenus ont déposé des griefs parce qu'ils avaient l'impression qu'un maître-chien était intervenu de façon inappropriée à l'égard d'une visiteuse. Je crois qu'il faut se pencher sur cette question.
    Je tiens à répéter que le maintien des rapports avec la famille et des membres de la collectivité est extrêmement important pour la réussite de la réinsertion sociale et la sécurité de la collectivité à long terme. À mon avis, il faut se demander sérieusement si les mesures d'interception ne sont pas neutralisées, dans une certaine mesure, par les conséquences négatives pour les visiteurs.
    Pour ce qui est du traitement, la Cour suprême du Canada — dans le cadre de la décision rendue la semaine dernière dans Canada c. PHS Community Services Society, qui portait sur Insite — a reconnu que la dépendance est une maladie qui doit être traitée et doit faire l'objet de mesures de réduction des méfaits. Elle a déterminé que l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre, qui a limité l'accès à l'aide médicale et à la réduction des méfaits, portait atteinte aux droits garantis en vertu de l'article 7 et faisait fi des « principes de la justice fondamentale ».
    Comme la maladie de la dépendance prive le malade de son libre arbitre lorsque vient le moment de consommer de la drogue, le traitement est réellement nécessaire pour amener le délinquant au point où il peut exercer son libre arbitre à l'égard de la consommation de drogues. Par conséquent, on ne peut pas raisonnablement empêcher un détenu toxicomane de suivre un traitement de désintoxication sous prétexte que la décision de consommer de la drogue lui appartient.
    Nous sommes tout à fait ravis de la stratégie nationale antidrogue du gouvernement parce qu'elle donne lieu à une approche équilibrée lorsqu'il s'agit d'aborder les problèmes de dépendance et de drogue. Elle englobe l'application de la loi ainsi que le traitement et la prévention, aspects qui, à mon avis, sont tous essentiels à une démarche efficace de lutte antidrogue.
    La dernière mouture prévoyait l'attribution de ressources pour le traitement de jeunes détenus, et nous demandons instamment que la nouvelle stratégie nationale antidrogue pour 2012 prévoie des ressources pour vérifier l'efficacité du traitement chez les jeunes délinquants ainsi que des délinquants adultes, un traitement qui commence en incarcération et se poursuit dans la collectivité dans le cadre d'une stratégie de réinsertion sociale. Beaucoup d'organismes membres de la Société John Howard seront peut-être en mesure d'offrir de l'aide dans le cadre de ce type de programme.
    J'aimerais aussi parler un peu de la réduction des méfaits. On ne saurait nier que la dépendance a de graves répercussions dans le contexte carcéral. Les personnes atteintes de cette maladie n'ont aucun accès légitime à la substance dont elles dépendent et n'ont aucun moyen sécuritaire de la consommer. Les dommages physiques pour le toxicomane ainsi que la propagation de maladies infectieuses comme l'hépatite C et la présence d'autres maladies liées à la drogue et à l'alcool constituent peut-être un enjeu de santé publique qui devrait être abordé.
    Quant au surpeuplement, le nombre de détenus dans les pénitenciers a récemment augmenté. Depuis mars 2010, on estime qu'entre 800 et 1 000  nouveaux détenus sont arrivés dans les établissements du Service correctionnel du Canada, ce qui est essentiellement l'équivalent de deux établissements complets.
    Le surpeuplement graduel dans le système carcéral à l'échelle du pays aggravera les méfaits de la dépendance à la drogue et à l'alcool, directement et indirectement. Directement, la double occupation des cellules et la densité de la population favoriseront la propagation des maladies. L'American Public Health Association recommande un minimum de 60 pieds carrés pour une cellule individuelle — qui est occupée par une seule personne, essentiellement, sous la responsabilité du SCC — et de 75 pieds carrés par personne dans un dortoir.
    De façon indirecte, une prison surpeuplée favorise la violence, exerce une pression accrue sur les gardiens, donne lieu à un plus grand nombre d'isolements cellulaires généraux, et à un resserrement des mesures de sécurité et réduit l'accès aux programmes de réadaptation, aux soins de santé, et j'en passe. Dans de telles circonstances, la demande en drogues et en alcool augmente dans les prisons.
(1110)
    Nous avons un certain nombre de recommandations à présenter au comité.
    Soyez très brève. Nous avons déjà dépassé le temps alloué.
    D'accord. Je vais les parcourir très rapidement.
    Premièrement, nous croyons que l'interception devrait s'inscrire dans une stratégie plus générale de lutte contre les drogues et l'alcool dans les prisons.
    Deuxièmement, il faudrait évaluer la prévalence des faux positifs et les politiques connexes dans le cadre des techniques d'interception actuellement utilisées.
    Troisièmement, il faudrait reconnaître l'incidence des efforts d'interception contre la drogue sur les visites familiales, et la tenue de consultations avec les détenus et les familles pourrait peut-être aider à déterminer comment atteindre les objectifs stratégiques à ce chapitre sans compromettre les visites familiales.
    Quatrièmement, toutes les personnes sous la responsabilité du SCC devraient avoir accès au traitement.
    Cinquièmement, la nouvelle stratégie nationale antidrogue devrait prévoir des ressources pour vérifier l'efficacité du traitement de la toxicomanie chez les délinquants dans le cadre d'un continuum de soins qui se poursuit au moment de la transition dans la collectivité.
    Sixièmement, la réduction des méfaits devrait être prise en compte.
    Septièmement, on devrait mener une évaluation pour déterminer si les maladies liées à l'alcool et à la drogue sont plus prévalentes en prison et, le cas échéant, prendre des mesures en conséquence.
    Huitièmement, compte tenu de la densité croissante de la population carcérale, les autorités canadiennes en matière de santé publique devraient être invitées à se prononcer sur l'espace minimal obligatoire et d'autres enjeux liés à la santé.
    Enfin, neuvièmement, à la lumière du récent arrêt de la Cour suprême du Canada, on devrait entreprendre un examen du pouvoir discrétionnaire, exercé par le ministre et ses représentants, qui limite l'accès des délinquants souffrant de toxicomanie au traitement et à la réduction des méfaits afin de s'assurer que l'on respecte la Charte.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, madame Latimer.
    Nous allons maintenant passer à Mme Pate, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup d'avoir invité l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry.
    Je sais que le comité travaille très rapidement. Je suis désolée de ne pas avoir eu l'occasion de rédiger une déclaration écrite; j'étais en cours de déplacement — dans un aéroport — lorsqu'on m'a appelée pour me demander si je pouvais venir. Je suis très heureuse d'être ici, et je suis très heureuse d'avoir pu revenir à temps, mais je vous transmets les regrets des membres de mon conseil d'administration qui n'ont pas pu venir à cause de cela.
    Nous avons 26 organisations membres à l'échelle du pays. Ces organisations sont parfois les seules de leur région à offrir des services communautaires, des services aux femmes ou des services aux victimes, et d'autres s'attachent au travail de réinsertion sociale. Nous travaillons avec des femmes et des filles marginalisées, victimisées, criminalisées et incarcérées, qu'elles aient été prises en charge par le système de justice pénale ou non.
    Pour ce qui est de la consommation de drogues, je ne répéterai pas les propos de ma collègue Catherine. Elle a abordé très habilement beaucoup des problèmes. Plutôt que de répéter ce qu'elle a dit, j'aimerais parler un peu des différences que nous observons, surtout chez les femmes, dans le contexte des méthodes d'interception des drogues et de l'alcool dans les prisons et de l'incidence du fait d'assimiler les deux et d'omettre de temps à autre d'établir des politiques distinctes.
    Comme le savent beaucoup d'entre vous, je travaille depuis presque 30 ans dans ce domaine; j'ai commencé auprès des jeunes, ensuite, j'ai travaillé avec des hommes et, depuis les 20 dernières années, je travaille avec des femmes. Il y a une chose d'importance cruciale qu'il faut savoir au sujet de bien des femmes dans les prisons: selon les dernières estimations produites par le groupe de travail sur les services correctionnels — qui remontent à plus de 20 ans —, à ce moment-là, presque 91 p. 100 des femmes autochtones et environ 80 p. 100 de toutes les femmes avaient été victimes de violence physique ou sexuelle.
    Vous vous demandez peut-être quel est le lien avec la consommation de drogues.
    À cause des limites au chapitre des soins de santé, particulièrement des soins de santé mentale — secteur où les femmes ont toujours été surreprésentées, en grande partie à cause de ce genre d'expériences qui les ont marginalisées — bien souvent, une femme a pris des médicaments avant même d'être admise dans un établissement. À mesure que des compressions budgétaires ont été effectuées dans les soins de santé partout au pays, nous avons vu des femmes commencer à se traiter elles-mêmes lorsqu'elles cessent d'être admissibles à une assurance-médicaments, qu'elles en aient profité par l'intermédiaire de leur employeur ou du système d'aide sociale, peu importe. Nous pouvons aussi voir que, dans le système carcéral, les détenues affichent l'un des taux de médication les plus élevés. On enregistre aussi cette tendance chez les femmes autochtones et chez les femmes — et les hommes, du reste — aux prises avec des problèmes de santé mentale.
    Alors, nous soulevons tout d'abord l'importance de se pencher sur deux aspects de la consommation de drogues. Premièrement, il y a l'aspect juridique — c'est-à-dire la consommation de drogues qui font essentiellement office de contrainte médicale, qui influent sur un autre médicament ou une autre drogue ou, parfois, qui en cachent les effets. On les assimile souvent à d'autres drogues. Il y a beaucoup de femmes qui ont dû se présenter devant des tribunaux alors qu'elles n'en avaient pas les moyens.
    Ceux d'entre vous qui connaissez cette situation savez à quel point il est difficile d'être accusé d'une infraction durant l'incarcération, par exemple, pour avoir consommé de la drogue. Si vous avez obtenu soit un faux positif ou qu'il n'a pas encore été déterminé que le résultat d'une analyse d'urine était négatif, il est souvent très difficile de le contester lorsque vous n'avez accès à aucun type de soutien juridique et que, en fait, il vous est impossible d'accéder aux travaux de recherche qui démontreraient que le médicament légal particulier que vous prenez peut être confondu avec une drogue ou que l'interaction de certains médicaments peut créer un faux positif. Alors nous nous trouvons devant des situations où on croit à tort qu'une personne a consommé de la drogue parce qu'elle prend un médicament particulier.
    Nous voyons aussi des situations — après avoir vu des problèmes liés à ce médicament dans les prisons — où une femme commence à se traiter elle-même dans la collectivité et dans le système carcéral.
    Nous savons aussi que les travaux de recherche qu'a menés le Service correctionnel du Canada il y a plus de 20 ans, sous la direction de Mme Diane Riley, ont révélé que la mentalité de guerre contre la drogue qui se faisait sentir dans le système carcéral à l'époque, attitude généralement importée des États-Unis, allait en fait occasionner une grave montée de la consommation de drogues dans les établissements. La raison, c'est que nous savons que le cannabis et d'autres drogues dites douces — des drogues qui n'ont pas tendance à créer le même type de situations potentiellement explosives ou de comportements agressifs que d'autres — prennent beaucoup plus de temps à être évacués du système.
    Alors, Mme Riley a en fait prédit que nous commencerions à voir une augmentation de la consommation de drogues, et nous avons assisté à ce phénomène dans les prisons pour hommes et pour femmes. Nous n'avons pas nécessairement observé une augmentation de la violence dans les prisons pour femmes, mais nous avons certainement entendu parler d'une augmentation de la consommation de drogues plus dures et nous avons constaté ce phénomène.
    De façon analogue, l'interdiction des cigarettes s'est en fait traduite par un plus grand trafic de tabac, et, pour empêcher le tabac d'entrer dans les établissements, on déploie de plus grands efforts d'interception qu'on ne l'a jamais fait pour la drogue.
(1115)
    Il ne s'agit pas de faire un commentaire moral sur l'effet dommageable pour la santé de la consommation de drogues. Mais j'aimerais également faire valoir que le résultat dans les prisons pour femmes est une augmentation massive des fouilles à nu.
    Pour revenir à la question des expériences de violence sexuelle et physique qu'ont vécues bien des femmes, celles-ci sont nombreuses à trouver que ces fouilles invasives, en plus d'être humiliantes, sont d'autant plus accablantes à cause de leurs antécédents de stress post-traumatique et de violence. L'une des difficultés que nous avons éprouvées lorsque nous avons demandé au Service correctionnel de nous procurer les données à ce sujet tient au fait que, à plusieurs reprises, on nous a dit qu'il y avait tellement de fouilles à nu chez les femmes — pensez-y — qu'on n'en assurait pas le suivi.
    Nous tentions de déterminer combien d'objets interdits étaient découverts. On a reconnu officieusement — bien que je ne parvienne pas à en obtenir la confirmation écrite — qu'une très mince proportion des articles saisis est de la drogue. Parfois, on saisit des bijoux, parfois de l'argent, parfois des cigarettes, mais pratiquement jamais de drogues et jamais d'armes. Alors, les enjeux mêmes qui permettent légalement ce genre d'agression sexuelle par l'État ne se manifestent pas dans les données.
    Je ne peux pas vous donner le nombre de fouilles à nu qui ont réellement eu lieu. Le fait que nous ne puissions pas connaître ces chiffres signifie qu'ils sont probablement beaucoup plus élevés qu'ils le devraient et que ces fouilles ne sont de toute évidence pas perçues comme étant nécessaires, même par les personnes qui les exécutent.
    J'aimerais attirer votre attention sur une intervention en matière de politiques menée par toutes les sous-directrices des prisons pour femmes, des pénitenciers fédéraux pour femmes, en 2005. À l'époque, les sous-directrices — cette désignation n'est plus courante aujourd'hui — étaient responsables de la sécurité dans les établissements. Les sous-directrices ont déterminé que les fouilles à nu étaient tellement nombreuses qu'elles compromettaient en fait des choses comme les visites familiales privées. Or, l'intervention considérée comme la plus susceptible de favoriser la réinsertion sociale par la suite touche les rapports avec la famille et les communautés de soutien. De fait, les femmes refusaient que leurs enfants viennent les voir de peur qu'ils fassent l'objet d'une fouille à nu, même si la politique officielle n'en prévoit pas. Si on vous demande d'enlever les vêtements et de montrer la couche, il s'agit d'une fouille à nu, et ce genre de choses se produit dans les prisons de temps à autre. À cause du risque de fouille à nu — de la menace de fouille à nu —, bien des femmes demandaient à leur famille de ne pas venir, et certains membres de la famille refusaient de venir.
    Celles qui le font prennent des mesures comme javelliser les mains de leurs enfants. Le montant des prestations d'assistance sociale permet à peine de faire l'épicerie, mais ces gens font nettoyer leurs vêtements à sec pour essayer d'éviter un faux positif.
    Alors, en raison des conséquences nuisibles au chapitre de la réinsertion sociale et des visites et de l'absence de nécessité sur le plan sécuritaire en ce qui concerne ce genre de fouilles à nu, toutes les sous-directrices des prisons pour femmes à l'époque avaient suggéré à l'administration centrale du Service correctionnel du Canada de mettre fin à toutes les fouilles à nu ordinaires et de réserver cette intervention aux cas qui le justifient, lorsqu'on soupçonne réellement quelqu'un de transporter des drogues ou une arme ou de faire quelque chose. Il est raisonnable d'avoir l'autorité de le faire lorsqu'on a une préoccupation. L'administration centrale a rejeté la suggestion, même en l'absence de données probantes établissant que le changement de la politique ferait augmenter le risque pour le personnel ou la sécurité publique.
    Où en sommes-nous maintenant? Nous enregistrons un nombre élevé de faux positifs. Il y a de plus en plus de femmes dans les prisons. Maintenant, des unités de visite familiale privée sont aussi utilisées comme unités de garde. Le surpeuplement limite l'accès des femmes à leur collectivité. Et tout ça au nom de la lutte contre la drogue, alors que le Service correctionnel lui-même reconnaît — probablement qu'il ne le ferait pas ici, jamais en public, et, certes, comme le savent tous les prisonniers — que la façon la plus facile d'obtenir de la drogue est de passer par le personnel. J'aimerais qu'il en soit autrement; j'aimerais pouvoir vous dire autre chose. Mais, la réalité, c'est que, lorsqu'on instaure le genre de mesures de sécurité strictes en place aujourd'hui, de sorte que même des gens comme moi se font dire qu'ils ont fait sonner...
    Bien sûr, je connais la politique, alors je vais demander une évaluation des risques et de la menace; je vais demander que l'on prenne les mesures appropriées. Tout le monde sera d'accord pour dire que, après 30 ans de visites, il n'y a aucun risque que j'introduise des drogues dans l'établissement. Pourtant, j'ai déjà fait sonner le détecteur — c'était un faux positif —, de telle façon que, une fois, on a commencé à jouer les détectives pour déterminer quel genre de médicament j'aurais peut-être touché dans les deux dernières semaines. À la fin, on a conclu que le Dimetapp que j'avais donné à mon enfant deux semaines plus tôt l'avait peut-être causé. Franchement, vous conviendrez qu'on dépasse la mesure. Je sais que les membres du personnel faisaient de gros efforts pour m'aider, et je leur suis reconnaissante de s'être assurés que je puisse entrer dans l'établissement cette fois-là, mais je ne crois pas que quiconque ait réellement cru que c'était la véritable cause du résultat positif. Peut-être que c'était la pompe à essence que j'avais touchée plus tôt. Peut-être que c'est l'argent que j'avais manipulé. Ça peut être n'importe quoi, ou rien du tout. Nous l'ignorons.
(1120)
    J'inviterais tout le monde à se pencher sérieusement sur la question, et, d'après moi — comme nous l'avons entendu et comme la décision relative à Insite encourage à le faire —, nous devrions envisager des mesures de réduction des méfaits, examiner la façon dont les politiques actuelles en matière de drogue ont fait augmenter le risque de consommation de drogues dans les prisons et tenter de renverser certaines de ces tendances.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à la première série de questions.
    Madame Hoeppner, la parole est à vous pour sept minutes. Allez-y, je vous prie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais vous remercier toutes les deux d'être venues et d'avoir présenté un exposé.
    Madame Pate, j'aimerais vous donner l'occasion de corriger votre éventuelle erreur — pour le compte rendu — lorsque vous avez dit, il y a un instant, que les fouilles à nu sont des agressions sexuelles. Dites-vous que nos agentes correctionnelles agressent sexuellement ces femmes? Je ne crois pas que c'est là ce que vous vouliez dire, alors j'aimerais seulement vous donner la possibilité de reformuler votre propos.
    Dans nombre de cas, l'État a déterminé que la pratique des fouilles à nu est une agression sexuelle, je pense notamment à la conclusion de Louise Harbour lorsqu'elle a examiné la situation dans la prison pour femmes de Kingston.
    On autorise l'agression sexuelle par l'État dans des circonstances où il y a des motifs justifiant la fouille à nu. Demander à quelqu'un de retirer ses vêtements contre sa volonté et de le faire devant un agent de la paix est une fouille à nu.
    Maintenez-vous cette déclaration?
(1125)
    Oui.
    D'accord.
    Je vais aborder un autre sujet.
    Lorsque nous avons reçu le commissaire Head, nous avons parlé un peu de l'admission de détenus qui en sont à leur première peine d'emprisonnement. Selon la mesure gouvernementale mise en oeuvre, dans les 90 jours, on doit évaluer ces détenus pour déterminer s'ils ont déjà consommé de la drogue. Je crois que les chiffres révèlent qu'environ 80 p. 100 des détenus ont déjà souffert d'un problème de toxicomanie ou d'alcoolisme ayant un lien avec les crimes commis. De toute évidence, ce chiffre est très élevé. Nous avions déjà mis en oeuvre cette évaluation dans les 90 jours suivant l'admission. Selon vous, est-ce une étape positive au chapitre de la réduction des problèmes de toxicomanie et d'alcoolisme en prison?
    Il y a souvent des retards, et tout le monde n'est pas toujours évalué dans les 90 jours suivant leur admission. C'est un problème. L'accroissement de la population carcérale n'aidera pas.
    Comme nous l'avons observé dans le cas d'Ashley Smith — et, encore une fois, l'une des difficultés est parfois d'obtenir la documentation —, d'une part, on nous dit que c'est la politique, puis, d'autre part, les prisonniers nous disent que, en fait, ces évaluations ne sont pas menées de façon régulière. Nous avons 18 intervenants qui vont dans tous les pénitenciers fédéraux. Même lorsque l'évaluation révèle qu'un prisonnier a des problèmes de drogue et d'alcool, il n'aura peut-être pas accès à un programme immédiatement, ni, en fait, avant longtemps.
    Alors, oui, l'évaluation est une bonne chose, et je crois que l'accès à des programmes est une bonne chose. Si on vous dit que c'est ce qui se passe, je vous invite à remettre cela en question.
    D'accord. Merci.
    Passons au prochain point; si l'évaluation révèle qu'une personne a un problème de dépendance et qu'on lui offre de participer à un programme — nous avons entendu dire que, parfois, le détenu ne veut pas participer. De toute évidence, c'est son choix. L'un des gardiens — en fait, le chef du syndicat — est venu témoigner devant nous la semaine dernière, et il a dit que la situation était très difficile, parce que les détenus qui refusent le traitement profitent toujours essentiellement des mêmes avantages, comme la télévision dans leur chambre. Je ne sais pas si vous considérez cela comme un droit, mais croyez-vous qu'il serait peut-être indiqué de prévoir certaines conséquences, ou peut-être de réduire les privilèges consentis aux détenus qui refusent le traitement?
    Comme chacun a le droit d'accepter ou de refuser un traitement, on ne devrait pas pénaliser une personne pour avoir exercé son droit.
    Nous sommes toutes les deux avocates, et j'enseigne aussi à la faculté de droit, et je dirais que, d'abord et avant tout, il ne faut pas oublier que la sanction est la peine d'emprisonnement. La télévision a été introduite pour apaiser la population carcérale ainsi que pour occuper les gens, parce qu'il y a si peu de choses à faire, surtout avec le surpeuplement.
    De fait, on a tort de dire qu'il n'y a pas de répercussions. Si vous devez connaître le nombre de personnes dont la sortie est retardée, qui restent en établissement jusqu'à la date d'expiration du mandat, parce qu'ils ne participent pas aux programmes, je vous invite à demander la liste au Service correctionnel du Canada. De fait, si vous ne participez pas aux programmes et que vous ne travaillez pas à régler les problèmes soulevés dans l'évaluation initiale et intégrés au plan de traitement correctionnel, on ne vous recommandera pas pour la libération conditionnelle. Même si vous le faites, il n'y a aucune garantie que l'on recommandera votre la libération conditionnelle si vous êtes toujours considéré comme présentant un risque.
    En fait, dire que les gens ont des privilèges est très trompeur. Essentiellement, le respect des droits de la personne fondamentaux et les tentatives de base visant apaisement et la resocialisation font partie des responsabilités du Service correctionnel du Canada. Si, effectivement, nous parlons de passer à un régime perçu comme brutal, parce qu'il porte atteinte à tous les droits de la personne, alors c'est une toute autre question. J'avance que nous observerions alors une augmentation de la consommation de drogues dans les prisons.
    Alors, ce que vous dites — et je comprends bien —, c'est que, si quelqu'un ne suit pas un programme de traitement de la toxicomanie, il ne profitera pas nécessairement d'une libération conditionnelle anticipée. Mais ne seriez-vous pas d'accord pour dire que c'est probablement une bonne idée? Si la personne n'a pas suivi de traitement, elle est toujours dépendante...
    J'aimerais voir...
    ... et pourrait retomber dans la criminalité uniquement à cause de sa toxicomanie.
    Ne conviendriez-vous pas du fait que cette décision est probablement sage, ne serait-ce qu'au seul chapitre de la protection de la société?
    Désolée de vous interrompre; le sujet me tient à coeur.
    Je peux vous dire que l'un des problèmes que nous observons souvent tient au fait que des prisonniers demandent à participer à des programmes et ne peuvent pas y accéder. Je vous demanderais de vous assurer d'avoir des données exactes sur le nombre de prisonniers à qui on offre réellement un traitement et qui le refusent. La liste n'est pas longue. Il y en a peut-être quelques-uns. Certes, selon mon expérience, il s'agit souvent de personnes aux prises avec d'autres problèmes — des problèmes de santé mentale — et, en général, elles ne se présentent pas.
    Je n'ai toujours pas rencontré quelqu'un qui refuserait de suivre un programme de traitement si on le leur offrait, à moins qu'il ne s'agisse pas réellement d'un programme de traitement. À l'occasion, lorsqu'un programme de modification du comportement n'est pas perçu comme étant efficace au chapitre de la toxicomanie, les gens peuvent dire: « Je préférerais suivre celui-ci. » Dans certains cas, nous avons réussi à faire valoir le bien-fondé de transférer une personne à un autre programme de traitement de la toxicomanie, lorsqu'on lui offrait quelque chose qui n'allait décidément pas combler ses besoins.
    Très rapidement — vous avez toutes deux parlé longtemps, et je crois que vous avez apporté des arguments valides au sujet des familles qui ne font pas le trafic de la drogue et qui se sentent mal à l'aise. Je crois que nous nous sentons tous comme cela dès que nous allons à l'aéroport. Mais nous reconnaissons que, pour notre protection à nous tous, nous devons nous soumettre à certaines choses.
    Je comprends votre propos au sujet des familles qui ne font pas le trafic de drogues, mais qu'en est-il de celles qui le font? Devrait-il y avoir de quelconques répercussions pour les personnes qui font entrer de la drogue dans les prisons? À l'heure actuelle, il n'y a pas de sanction, d'après ce que nous avons entendu.
(1130)
    Je suis désolée, je ne sais pas d'où vous tenez cette information. On appelle la police immédiatement. Les gens peuvent faire l'objet d'accusations. Ils sont accusés de trafic de drogue. À ma connaissance, dans tous les cas où l'on établit qu'une personne a passé de la drogue en contrebande, des accusations ont été portées.
    Une fois de plus, si vous avez des preuves que les choses peuvent se passer autrement, j'aimerais le savoir. Nous entendons ce genre d'observations rhétoriques, mais, dans la réalité, à notre connaissance, cela ne se produit pas. De fait, nous avons même vu des situations où des renseignements inexacts ont été coulés dans les médias.
    Merci.
    La parole va maintenant à l'opposition.
    Monsieur Sandhu, je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les représentants de la Société John Howard puis de la Société Elizabeth Fry de leur présence parmi nous aujourd'hui. Merci.
    Selon moi, tout programme fructueux en lien avec une stratégie antidrogue doit inclure certains éléments: il faut de la prévention, du traitement et une mise en application des lois. Manifestement, l'objectif fondamental est que les prisonniers retournent dans la société et fonctionnent à un niveau où ils ne vont pas récidiver. À votre avis, parmi ces trois éléments, lequel permet d'assurer la réinsertion sociale la plus réussie des prisonniers sans qu'ils ne récidivent afin qu'ils deviennent des membres productifs de la société?
    À ce moment-là, il est sans doute trop tard pour la prévention, parce qu'ils ont probablement déjà des problèmes de drogue. À notre avis, c'est le traitement qui compte le plus, afin de les amener là où ils ont une certaine capacité physiologique de surmonter une dépendance puis de faire des choix éclairés sur ce qu'ils veulent faire.
    Mais l'absence de dépendance n'est pas tout; il faut également la renforcer avec d'autres soutiens sociaux pour que le plan de réinsertion sociale réussisse. Dans le cadre des programmes de lutte contre la rechute, il est plutôt essentiel de tenter de garder les gens à l'écart des situations où ils pourraient retomber dans leur comportement de dépendance à l'égard de l'alcool ou des drogues.
    Cela va probablement un peu au-delà du mandat du comité, bien que pas vraiment, si on examine de manière plus vaste les possibilités en matière de détermination de la peine; en outre, Catherine connaît très bien ce sujet, grâce à sa grande expérience des questions relatives aux jeunes délinquants. L'une des approches dont nous savons qu'elle fonctionne très bien, c'est quand on se retrouve avec une personne qui a des problèmes de dépendance, à qui on impose une peine où elle est envoyée dans une installation en milieu fermé où elle pourra recevoir des traitements; cette approche réussit beaucoup mieux que le fait de l'envoyer en milieu carcéral.
    Il serait de loin préférable d'imposer une espèce de peine conditionnelle, où la condition serait que la personne suive un traitement, qu'elle accepte, bien entendu — elle devrait accepter de suivre le traitement pour obtenir une telle peine. Selon notre expérience, c'est assurément ce qui se passe avec les délinquants, les délinquantes et les jeunes contrevenants. Ils se trouvent alors engagés dans un traitement. Ils se retrouvent dans une situation où on répond à leurs besoins. Ils sont plus susceptibles d'obtenir un traitement immédiat d'une manière qui contribue à leur réinsertion sociale réussie et, fait plus important encore, à la sécurité publique en général.
    J'ai entendu des renseignements contradictoires sur le nombre de programmes offerts dans les prisons. Pourriez-vous renseigner le comité sur les listes d'attentes? Y en a-t-il, et quels sont les délais? À quelle fréquence ces programmes sont-ils offerts? Quelle est leur incidence sur les chances que les prisonniers se réadaptent?
    Il y a assurément de très bons programmes. Le Canada, à bon droit et depuis longtemps — j'ignore combien de temps cela durera, étant donné les chiffres et les retards que l'on constate —, a une réputation bien méritée d'excellence, et son service correctionnel est considéré comme étant l'un des meilleurs. L'un des problèmes, c'est que ceux qui sont à l'intérieur savent que s'ils disent ce qui s'y passe, ils vont probablement avoir certains ennuis, y compris l'éventuelle perte de leur emploi.
    Je ne suis pas certaine que vous obtiendrez des renseignements exacts de vos témoins. Cependant, je vous demanderais de solliciter des renseignements sur le nombre de personnes qui participent aux programmes, sur la durée de ces derniers, sur les exigences relatives à ces programmes dans les plans de traitement correctionnel, sur la mesure dans laquelle les programmes sont offerts en temps opportun et sur les critères d'accès à ces programmes de traitement. Je vous le propose, car j'ai certainement beaucoup de données empiriques à vous fournir, mais j'ai moi aussi du mal à obtenir des données probantes.
    Quand je suis priée de témoigner à une enquête, on me présente régulièrement toute une liste d'épicerie de programmes. Je suis convaincue que chacun de ces programmes a peut-être été offert dans cette prison à un moment donné. Dans certains cas, des programmes n'ont peut-être pas été offerts depuis deux ou trois ans. Dans d'autres cas, ils ont peut-être été offerts à une seule personne. Par conséquent, il faut vraiment faire des liens entre le nombre de programmes, la fréquence à laquelle ils sont offerts, leur durée d'existence et le nombre de personnes qui en ont profité. Vous allez malheureusement découvrir qu'il est de plus en plus difficile d'accéder aux programmes.
    Nous encourageons régulièrement les prisonniers à demander à participer à des programmes, tous les mois s'il le faut. Aujourd'hui, ils se retrouvent confrontés à l'éventuelle nécessité de retirer ces demandes afin de ne pas créer de mauvaises impressions quand ils se présentent devant la Commission nationale des libérations conditionnelles. Ils sont coincés et doivent dire: « Je présente des demandes. Je n'ai pas terminé tous les programmes de mon plan de traitement correctionnel. C'est la prison qui entrave ma capacité de réinsertion sociale parce que je ne peux accéder aux programmes dont j'ai besoin. Voici une feuille avec les 10, 20, 30, 40, 50 demandes ou plus que j'ai présentées pour suivre ce programme que j'ai besoin de suivre de l'avis de tous, moi y compris. »
    J'aimerais pouvoir vous donner les chiffres exacts, mais je n'arrive pas à obtenir cette information.
(1135)
    Il y a encore beaucoup de possibilités pour d'autres types de programmes également. Il y a certains bons programmes efficaces, mais bon nombre des modèles de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie s'appuient sur les problèmes de dépendance des hommes adultes blancs. Ces programmes ne sont pas forcément pertinents sur le plan culturel ou appropriés pour les femmes. Ils ne sont certainement pas appropriés pour les jeunes. Par exemple, les tribunaux de traitement de la toxicomanie, qui fonctionnent plutôt bien quand ils fonctionnent, s'appuient sur la notion selon laquelle une personne a touché le fond. Elle est usée à la corde. Elle traîne une longue liste d'infractions mineures en lien avec la drogue et cherche l'occasion de changer.
    Les jeunes n'en sont pas rendus là dans leur vie. Certains d'entre eux veulent avoir de l'action. Certains cherchent à se conformer au comportement de leurs pairs. D'autres consomment vraiment de la drogue pour oublier leur piètre estime de soi ou la situation défavorable dans laquelle ils se trouvent. Selon moi, dans de telles circonstances, les programmes doivent être beaucoup plus adaptés, parce qu'ils sont souvent assortis de problèmes de santé mentale. D'autres raisons expliquent l'attrait exercé par les drogues. Il faut donc les remplacer par quelque chose qui est tout aussi excitant pour eux, comme le ski alpin ou la fine cuisine — autre chose que la consommation de drogues. Il faut donc qu'il y ait une stratégie semblable à la substitution pour remplacer la motivation sous-jacente.
    Une foule d'occasions permettent de réfléchir à différents types de programmes. Le Service correctionnel du Canada a bien travaillé à élaborer et à mettre à l'essai des programmes. Si davantage de ressources étaient attribuées au Service correctionnel par le truchement du renouvellement de la Stratégie nationale antidrogue, en vue d'examiner certains des programmes plus innovateurs et conçus sur mesure, il y aurait peut-être davantage de programmes, et davantage de programmes fructueux.
    Merci beaucoup à toutes les deux.
    C'est maintenant au tour de M. Aspin, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Mesdames, j'aimerais vous remercier toutes deux d'être venues témoigner devant le comité et faire part de votre vaste expérience.
    La semaine dernière, le commissaire Don Head et le président du syndicat Pierre Mallette sont venus vous dire que ce sont souvent les organisations criminelles et autres éléments du genre qui font entrer les drogues dans les prisons. Ils cherchent souvent à s'accaparer le marché noir de la prison en lançant de la drogue par-dessus les murs afin que leurs petits copains la vendent à l'intérieur.
    Appuyez-vous la prise de mesures supplémentaires pour tenir responsables les délinquants qui sont pris à recevoir des drogues illégales, en mettant tout particulièrement l'accent sur les détenus? Ces personnes ne semblent pas subir de conséquences.
    En fait, je préférerais que l'on mette l'accent sur ceux qui exploitent le marché de la vulnérabilité des délinquants à l'égard des drogues, qui tirent un bénéfice de la vente de ces drogues aux détenus; c'est là-dessus qu'il faudrait cibler l'exécution de la loi.
    Bon nombre des détenus dans les établissements sont atteints d'une maladie de dépendance. Ils n'ont pas vraiment la capacité d'y résister, ce qui, à mon avis, les rend d'une certaine manière un peu moins criminellement responsables que ceux qui entretiennent cette vulnérabilité afin d'en tirer bénéfice. Selon moi, il y a un domaine où cibler l'exécution de la loi, mais ce que je préconiserais, plutôt que de pénaliser les détenus, qui n'ont par ailleurs pas d'autres accès à quelque chose dont ils ont besoin.
(1140)
    Je pense que cela se fait déjà. Une fois de plus, je remettrais en question la validité des renseignements que l'on vous donne. Tout juste la semaine dernière, j'ai reçu un appel de la part de l'un de nos défenseurs des droits des délinquantes, dont on présumait qu'elles participaient à la réception de drogues qui ne sont jamais arrivées. L'une d'entre elles est passée du niveau de sécurité minimale au niveau maximal. Chacune d'entre elles fait l'objet d'une enquête de police externe, et si l'on trouve des éléments de preuve, elles vont certainement toutes être accusées d'infractions criminelles à l'extérieur et recevoir des peines plus longues. Montrez-moi une situation où cela ne s'est pas produit.
     Par contre, ce que je peux vous dire, c'est que nous nous sommes parfois adressés au Service correctionnel, ou au syndicat, pour leur donner des renseignements sur des personnes dont nous savons qu'elles font entrer des objets interdits. Nous en entendons parler — elles échangent des drogues contre des faveurs sexuelles, ou quoi que ce soit d'autre —; il est très rare que les situations que nous dénonçons fassent l'objet d'un suivi. Ce n'est qu'à quelques occasions que nous avons constaté que des personnes ont effectivement fait l'objet de sanctions sévères. L'un d'entre eux était coiffeur à la prison pour femmes et son contrat a été annulé. Tout le monde savait ce qui se passait là pendant de nombreuses années, et les femmes refusaient de le signaler. Quand c'était le fait d'un psychologue, personne ne voulait le signaler. Quand c'était le fait d'un agent correctionnel principal, personne ne voulait le signaler, car les gens craignaient les répercussions.
    Je ne veux pas laisser entendre que seuls les membres du personnel sont responsables, mais enfin, chaque personne ici sait sûrement que si 20 p. 100 de la drogue qui entre en prison semblent apparemment provenir, selon le Service correctionnel, des visiteurs, et que la quantité qui passe par-dessus les murs est minuscule, il doit y avoir un autre moyen de la faire entrer. Presque tout le monde sait, et c'est la vérité que l'on tait, que la drogue entre également par d'autres moyens. Certes, j'étais sur place quand j'ai vu tous les membres du personnel contourner les barrières de sécurité ou être exemptés du détecteur ionique; tous ceux d'entre nous qui entrent à titre de visiteurs doivent traverser des barrières de sécurité ou passer au détecteur ionique. Parfois, on m'invite à ne pas subir les vérifications de sécurité, mais, par principe, j'exige de m'y soumettre, parce que je ne veux jamais être... Certes, il y a eu des occasions où, si on avait pu m'expulser des établissements, je l'aurais été — et je l'ai effectivement été. Jamais je ne me placerais dans une situation où il pourrait y avoir le moindre, pas le moindre, doute sur le fait que je sois en train de commettre un acte illégal.
    Je vous invite donc à vérifier les renseignements et vos sources d'information.
    D'accord. En guise de question de suivi, croyez-vous toutes deux qu'une personne peut légitimement se réadapter quand elle s'adonne à ce genre d'activité?
    Parlez-vous d'une personne qui s'adonne au trafic de drogues?
    Le détenu qui est ciblé.
    S'il s'agit d'une personne ayant des problèmes de dépendance, certainement. Nous le constatons à maintes reprises, et dans de nombreuses familles — trouvez-moi une famille dans notre pays qui ne compte pas une personne atteinte de problèmes de dépendance, que la famille le reconnaisse ou pas. Qu'il s'agisse des NA, des AA ou des nombreux autres programmes d'auto-assistance, ils s'appuient sur le fait que les gens peuvent changer, et qu'ils changent effectivement. Nous avons certes beaucoup d'exemples de ces réussites.
    Ce ne sont pas forcément des gens qui consomment des drogues qui s'adonnent au trafic. Très franchement, ce sont habituellement ceux qui consomment des drogues qui se font prendre, car ils sont pris dans l'engrenage. Ceux qui ne consomment pas et qui s'adonnent au trafic considèrent souvent qu'il s'agit d'une sorte d'entreprise, ce qu'aucun d'entre nous ne veut encourager. C'est tout le contraire, que ce soit pour nos propres enfants, pour les prisonniers, ou qui que ce soit d'autre. Nous aimerions donc que cela change, manifestement.
    Toutefois, quand les enchères montent et que les récompenses deviennent de plus en plus importantes, de fait, certains affirmeraient — et c'est appuyé par certaines recherches, comme Mme Diane Riley l'a dit aux Services correctionnels il y a 20 ans — vous allez probablement rendre les affaires florissantes et aggraver votre problème.
    Selon votre vaste expérience, quel rang accorderiez-vous toutes les deux à notre système carcéral? Je m'intéresse tout particulièrement à une perspective internationale. Pourriez-vous faire cela pour moi?
    Je suis d'avis que le système carcéral a été un système modèle. Selon moi, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, entrée en vigueur sous le gouvernement Mulroney, a été considérée comme une loi d'une importance considérable en matière de services correctionnels, et ce, partout dans le monde. Je pense que c'est quelque chose à imiter.
    Je m'inquiète un peu de la direction que prennent les choses en ce moment, tout particulièrement la notion selon laquelle la surpopulation va annuler une bonne partie des excellents programmes et soutiens qui ont été mis à la disposition des délinquants dans notre système correctionnel. En outre, je suis d'avis que certaines des modifications législatives proposées n'auront certainement pas, disons, pour effet de contribuer à notre envergure internationale sur le plan des services correctionnels.
    Je suis du même avis. Selon moi, nous avons pu constater cette trajectoire beaucoup plus rapidement pour la population des délinquantes, parce qu'elles ont affiché la plus importante croissance au sein de la population carcérale, tout particulièrement les femmes autochtones et les femmes ayant des problèmes de santé mentale, et ce, depuis un certain temps. Nous avons pu constater la surpopulation accablante qui caractérise déjà les prisons pour femmes, et cela ne va sans doute qu'augmenter.
    Les Services correctionnels m'ont dit que, sur les deux projets de loi de la dernière session, l'un a touché 100 délinquantes. Quand, à cette époque, la population s'élève à 500 délinquantes, c'est considérable. Maintenant, nous ressentons déjà l'effet du projet de loi C-25, qui a fait que 50 à 60 délinquantes de plus arrivent dans le système. Nous sommes donc susceptibles d'observer un impact assez considérable.
(1145)
    Merci.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Scarpaleggia. Je vous en prie.
    En ce qui concerne les nouvelles prisons, construisons-nous de nouvelles prisons, ou nous contentons-nous de construire des extensions des prisons existantes? Cette situation sème un peu la confusion. Construisons-nous réellement de nouveaux bâtiments sur de nouveaux terrains où il n'y avait rien auparavant, ou nous contentons-nous d'intégrer de nouvelles ailes?
    En effet, je pense qu'il y a un peu de confusion au sujet de ce qui se fait réellement. Selon certains des renseignements dont nous disposons, on construit des cellules d'isolement dans les établissements à sécurité moyenne, ce qui soulève une foule de questions relatives aux politiques du Service correctionnel.
    Il faudra des places supplémentaires pour éviter que la surpopulation n'atteigne un point où elle viole les droits prévus à l'article 12 de la Charte, soit celui qui concerne les traitements ou peines cruels et inusités. La Cour suprême des États-Unis a prié le système carcéral de la Californie de réduire sa population carcérale sous la barre des 137,5 p. 100 de la capacité des prisons; bon nombre des établissements provinciaux dépassent largement ce seuil. Selon nos renseignements, certains secteurs du système carcéral fédéral dépassent ce seuil en ce moment même.
    Vous êtes au courant des plans visant à accroître la capacité des prisons. Selon vous, cet accroissement de la capacité des prisons sera-t-il suffisant, ou manquera-t-il encore des places dans un avenir prévisible? Voilà ma première question.
    Deuxièmement, quand il y a des plans d'agrandissement des prisons ou d'accroissement de la capacité de quelque manière que ce soit, quels mécanismes régulateurs permettent de s'assurer que les installations que nous ajoutons vont respecter certaines normes minimales? Par exemple, l'accroissement ne peut se limiter qu'à des cellules. J'imagine que cela doit inclure des aires communes ainsi que des secteurs où on peut offrir des programmes de traitement.
    Qui vérifie tout cela pour s'assurer que les plans sont bons, si c'est possible de les examiner sous cet angle? Avez-vous consulté les organismes de défense des droits des détenus? M. Sapers est-il consulté? Les plans d'expansion des prisons font-ils l'objet de surveillance?
    L'une des recommandations très importantes formulées par Louise Arbour et la Commission canadienne des droits de la personne en 2003, puis dans un rapport publié en 2004 portait justement sur la surveillance externe. Plus particulièrement, Louise Arbour a évoqué la nécessité d'assurer la surveillance judiciaire de situations où le traitement correctionnel nuisait à l'administration juste et équitable d'une peine. Cette administration, dans la règle de...

[Français]

    Pardonnez-moi de vous interrompre, je désire invoquer le Règlement. On ne parle absolument pas de drogue, en ce moment. Je ne vois pas le lien. Je suis désolée.
    J'y arrive.

[Traduction]

    J'aimerais remercier ma collègue du Nouveau Parti démocratique.
    Pourriez-vous vous assurer de garder le cap sur le...?
    C'est un rappel au Règlement, et je pense que c'est une question d'équité. D'autres partis le font, alors lorsque c'est le cas de l'opposition, je veux également m'assurer de le faire respecter. Concentrons-nous non pas sur l'expansion des prisons, non pas sur tous les problèmes globaux génériques qui pourraient vous sembler importants, mais plus précisément sur les drogues dans les prisons.
    En réponse à Mme Morin, l'une de mes questions visait à établir s'il y aurait suffisamment d'espace pour offrir des programmes de traitement. Ma question était donc liée aux drogues.
    Je vais poursuivre et me concentrer un peu plus précisément sur le sujet.
    Oui, vous pourriez peut-être poursuivre.
    Merci.
    Le témoignage que nous avons entendu la semaine dernière me laisse un peu perplexe. D'une part, le commissaire du Service correctionnel nous a dit que la consommation de drogues diminue, comme en témoignent les analyses d'urine: il y a quelques années, il y avait 12 p. 100 de résultats positifs, alors que maintenant ce pourcentage a diminué à 7,5 p. 100. Mais vous semblez laisser entendre que le problème s'aggrave. Même le dirigeant du syndicat, M. Mallette, secouait la tête lorsque nous avons parlé des analyses d'urine, se demandant à voix haute si les délinquants avaient trouvé le moyen de déjouer les analyses.
    J'aimerais connaître votre opinion en ce qui concerne la consommation de drogues. Est-elle à la hausse, diminue-t-elle ou est-elle stable? Qu'en pensez-vous?
(1150)
    Pour ma part, j'ai toujours été d'avis qu'un très petit pourcentage de délinquants dans les établissements consomment de la drogue, et qu'il est de bon augure que les chiffres aient diminué pour passer de 12 p. 100 à 7 p. 100. C'est une excellente chose. Ce qui me concerne à propos de l'aggravation de la situation, c'est l'incidence qu'auront les diverses graves mesures d'interception imposées dans les établissements de garde pour filtrer les visiteurs et une foule d'autres choses. Voilà ce qui va nous causer des problèmes en matière de réadaptation.
    Pour revenir à votre autre point, l'augmentation prévue du nombre de délinquants dans les établissements fédéraux découle des peines minimales obligatoires qui seront infligées, dont une grande partie proviendra d'infractions en lien avec la drogue. Vous allez donc voir arriver dans les établissements correctionnels davantage de délinquants qui évoluent dans le monde de la drogue qui n'auraient peut-être pas été là dans d'autres circonstances.
    Tout de même, quelque chose m'échappe dans vos propos. Vous semblez être d'accord avec le fait que la consommation de drogues est à la baisse, mais vous vous préoccupez du fait que le contrôle des visiteurs, par exemple, va aggraver le problème.
    Désolé, mais je n'arrive pas à suivre ce raisonnement.
    Merci de m'avoir demandé des précisions. Je comprends que la logique puisse vous échapper. En ce qui a trait aux méthodes d'interception des drogues, cela a débouché sur, comme l'avait prédit Mme Diane Riley, l'arrivée de plus de drogues dures — héroïne, cocaïne, PCP et des drogues dangereuses également —, car elles sont plus faciles à dissimuler, c'est-à-dire qu'elles sont plus faciles à masquer et à faire entrer dans l'établissement, par opposition à la marijuana et au hachisch, qui prennent plus de place et sont plus difficiles à faire passer en contrebande, mais dont on estime qu'elles n'ont pas le même impact possible.
    Voilà ce dont je parlais quand j'ai dit que les choses s'aggravaient, parce que je crois qu'il est bien pire d'avoir une dépendance envers une drogue plus dangereuse. Je serais d'accord avec Catherine pour dire que les chiffres n'ont jamais été énormes, mais les méthodes d'interception pourraient avoir d'énormes répercussions sur tous les membres de la population carcérale, leur famille, la collectivité et pour tous ceux d'entre nous qui se rendent dans les établissements.
    Vous nous dites que c'est le résultat de l'entrée de drogues plus dures dans les établissements? C'est bien cela?
    Oui, et le surpeuplement augmente effectivement cette probabilité.
    Merci beaucoup. Nous allons maintenant donner la parole à M. Chicoine.

[Français]

    Vous avez la parole pendant cinq minutes.
    Je vous remercie de votre présence. Plus tôt, vous avez dit que le nombre de programmes de réhabilitation a augmenté au cours des dernières années.
    À votre avis, sont-ils assez nombreux ou faudrait-il investir encore davantage dans les programmes de réhabilitation? Vous semblez avoir une perception différente de celle des témoins qui ont comparu avant vous.
     La traduction ne fonctionne pas: est-ce que je peux répondre en anglais?
    Certainement.
    Vous avez dit que les programmes de réhabilitation ne sont probablement pas assez importants, qu'il n'y en a probablement pas assez, bien que leur nombre ait augmenté au cours des dernières années.
    Serait-il avantageux d'avoir plus de programmes à la disposition des détenus?

[Traduction]

    Selon moi, les programmes de réadaptation sont extrêmement importants, et il faut favoriser leur élaboration et leur mise en oeuvre. Nous avons l'occasion d'examiner la possibilité de donner de l'expansion aux programmes qui réussissent. L'élément clé de la réadaptation pour des problèmes de drogue consiste à offrir le bon type de traitement qui correspond à la raison précise pour laquelle le délinquant a une dépendance. L'efficacité des programmes de traitement varie d'un délinquant à l'autre. Selon moi, il y a encore de grandes possibilités d'amélioration ou de mise à l'essai d'approches innovatrices qui tiennent compte de la pertinence culturelle, de la question du sexe et de diverses autres choses.

[Français]

    Pardonnez-moi aussi, car je dois m'exprimer en anglais.

[Traduction]

    Quand nous nous sommes penchés sur ce qui était planifié pour les établissements pour femmes, tout particulièrement les programmes — et je vais parler surtout du traitement contre la toxicomanie, parce que c'est manifestement ce qui vous intéresse —, d'aucuns étaient convaincus qu'il fallait se tourner vers autre chose qu'une approche universelle, où il n'y a qu'un seul type de programme, comme c'est le cas présentement pour les délinquantes. Dans son genre, c'est un programme formidable, mais c'est un programme à volets multiples qui tente de joindre toutes les délinquantes et qui, au bout du compte, ne répond pas réellement aux besoins de bon nombre d'entre elles. En ce qui concerne les établissements pour délinquantes, lorsqu'elles étaient relativement peu nombreuses, et parce que les délinquantes étaient considérées comme présentant un risque relativement faible pour la collectivité, on s'attendait à ce que les délinquantes s'inscrivent dans les programmes communautaires, à moins qu'elles ne puissent le faire en raison de leur cote de sécurité, du risque qu'elles posent sur la collectivité ou de problèmes de santé mentale. On s'attendait donc à ce que les délinquantes participent à ces programmes, mais, en réalité, cela ne s'est pas produit, et leurs besoins n'ont pas été satisfaits. En plus de jouir d'un accès plus limité aux programmes, elles constatent que leurs besoins ne sont pas satisfaits.
    Pour en revenir à la question de la surpopulation, dans bon nombre des prisons pour délinquantes, il n'y a pas forcément d'espace pour offrir des programmes. Des remorques ont été installées dans des lieux publics. Des changements ont été apportés à la période de loisirs. Si vous voulez changer le comportement, il doit y avoir quelque chose pour le remplacer, qu'il s'agisse de loisirs ou d'autres activités. À part les loisirs, il n'y a pas beaucoup d'autres choses à faire en prison, et pourtant toutes les prisons pour délinquantes ont restreint l'espace dans lequel les détenues peuvent se déplacer. Il n'y a même plus de piste de course. Auparavant, la plupart d'entre elles pouvaient courir ou jouer au base-ball. Ce sont des activités réputées pour diminuer le stress. C'est le genre de chose qui fait souvent partie du soin de soi dans le cadre du traitement de la dépendance.
(1155)
    Merci.
    Monsieur Rathgeber.
    Merci, monsieur le président. Je remercie également les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Le gouvernement a globalement pour principe de tenter de faire la promotion de prisons sans drogues. Je serais curieux de savoir si vos organismes respectifs appuient cette politique et cet enjeu.
    C'est une noble aspiration, mais je pense qu'il vous faudra envisager la possibilité que cela ne se produise pas. Il y a considérablement d'agitation et de violence accrues chez les détenus qui ont une dépendance et qui sont à la recherche de drogues. Qui plus est, pensons au tort que cause à la réunification des familles l'imposition de restrictions aux visites familiales.
    Merci.
    Madame Pate.
    Bien entendu, nous serions heureuses qu'il n'y ait aucune drogue dans les prisons, sans parler des nombreuses drogues légales qui sont administrées aux prisonniers sous forme de médicaments. Je pense que nous devrions tirer une leçon de ce que certains établissements scolaires ont fait. Les écoles reconnaissent que, quand il y a des drogues dans une collectivité, elles seront probablement introduites en ses murs. En tant que mère de deux enfants, je serais très heureuse qu'il n'y ait pas de drogues dans les écoles. Nous parlons plutôt d'une éducation pour tous, de programmes de réduction des méfaits, d'autres avenues, d'autres choses à faire pour les enfants, et d'autres manières de mobiliser les personnes. Pas besoin de chercher midi à quatorze heures pour constater que ces personnes ont déjà été marginalisées, qu'elles ont déjà été expulsées de ces systèmes. Si nous voulons que ces personnes reviennent dans la collectivité, comme la plupart d'entre elles finiront par le faire, il nous faut réfléchir de façon stratégique à la manière de les mobiliser afin qu'elles soient productives et ne soient pas menaçantes pour nous.
    Par conséquent, sur le plan philosophique, nous sommes tous d'accord pour dire que des prisons sans drogue seraient un objectif noble. Dans la réalité, il y a des aspects pragmatiques à prendre en considération, ce que je comprends. Les drogues arrivent à l'intérieur d'une manière ou d'une autre.
    Madame Pate, votre description des fouilles à nu comme une agression sexuelle commise par l’État me rend perplexe et me préoccupe. Nous sommes tous deux avocats, alors aidez-moi à comprendre. Le Code criminel définit les voies de fait comme l’emploi non consensuel de la force; ensuite, dans la définition de l’agression sexuelle, il est indiqué qu’il faut répondre à un critère relatif à un besoin sexuel ou une gratification sexuelle.
    Non, il n'est pas question de besoins sexuels ou de gratification sexuelle. Il peut s'agir de quelque chose qui peut être considéré comme étant humiliant sur le plan sexuel et qui n'est pas consensuel.
    D'accord. Si c'est le cas, vous serez d'accord avec moi pour affirmer que si une personne accède à une demande, il n'y a pas de recours à la force.
    Vous pouvez être forcé d'accéder à une demande par coercition, et c'est certes le cas si vous êtes un prisonnier.
    Parlons des visiteurs. Si la personne accède à la demande, il n'y a pas recours à la force, et par conséquent on ne répond pas au critère.
    En prison, ce qui est censé se produire, c'est que si une personne est considérée comme un risque possible, elle est priée... Dans chaque cas dont j'ai été informée, si une personne est réputée transporter de la drogue, la police sera immédiatement appelée. La personne sera détenue jusqu'à l'arrivée de la police. Si elle est priée de se soumettre à une fouille à nu, cela signifie généralement qu'il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve contre elle. Peut-être que quelqu'un a téléphoné pour donner des renseignements ou pour faire une dénonciation, puis la personne est censée avoir le choix entre la fouille à nu ou quitter l'établissement.
(1200)
    D'accord. Mais si la personne consent, il n'y a pas de recours à la force; par conséquent, on ne répond pas au critère.
    Seriez-vous d'accord avec ce simple énoncé?
    Du moment qu'il n'y a pas de coercition, oui.
    Certainement.
    En ce qui a trait aux prisonniers, si la personne ne donne pas son consentement, je suis d'accord avec vous pour dire qu'il y aura recours à la force si la personne est fouillée de force...
    Et il y a des situations où c'est légal d'agir ainsi.
    Exact.
    Mais quel est le but sexuel? Le but du recours à la force consiste à déterminer si le prisonnier transporte des objets interdits. Ce qui m'inquiète, c'est d'entendre que cet emploi de la force pourrait être motivé par des considérations de nature sexuelle.
    Malheureusement, nous sommes confrontés à l'un des problèmes des réunions d'une durée de une heure. Le temps est écoulé, et d'autres témoins attendent. Je pense que nous allons devoir nous arrêter ici.
    J'aimerais encourager vos deux organisations: si vous souhaitez répondre à cette question ou faire un suivi, n'hésitez pas à soumettre vos observations au comité, et nous nous assurerons de les obtenir...
    Merci beaucoup d'être venues aujourd'hui.
    Je vais suspendre la réunion pour un bref instant. Nous avons un peu dépassé l'heure, alors nous allons suspendre la réunion pour quelques minutes, puis inviter nos prochains invités à prendre place à la table.

    Nous allons reprendre nos travaux.
    Au cours de la deuxième heure, nous allons poursuivre notre étude des drogues et de l'alcool dans les prisons.
    Nous accueillons, à titre personnel, Rob Sampson, ancien solliciteur général de l'Ontario, qui a déjà comparu devant notre comité par le passé, et peut-être même devant d'autres comités de la Colline du Parlement. Nous accueillons également, de la Fraternité des prisons du Canada, Eleanor Clitheroe, présidente-directrice générale, et Paul Abass, directeur.
    Au nom de notre comité, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue parmi nous et vous remercier de nous aider à progresser dans cette étude des drogues et de l'alcool dans les prisons, et de leurs effets sur les différents groupes, qu'il s'agisse des détenus, de la sécurité du personnel... ainsi que de la réadaptation de ces mêmes délinquants.
    Je ne suis pas certain de savoir qui aimerait commencer.
    Madame Clitheroe, vous pouvez commencer, puis nous donnerons la parole à M. Sampson. Je vous en prie.
    Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant le comité afin de parler de l'importante question des drogues et de l'alcool et de leurs répercussions sur la réadaptation des délinquants.
    Avant d'en parler, j'aimerais d'abord vous donner un bref aperçu du travail de mon bureau. J'aimerais aussi vous présenter Paul Abbass, directeur général de Talbot House, un établissement de réadaptation pour hommes toxicomanes en Nouvelle-Écosse. Il est également directeur et vice-président du conseil d'administration de la Fraternité des prisons du Canada et responsable de la gouvernance de cette dernière. Dans la tribune du public se trouve également Michael Van Dusen, directeur et responsable de la politique publique de la Fraternité des prisons du Canada.
    Je suis Eleanor Clitheroe, la directrice générale de la Fraternité des prisons du Canada.
    Nous sommes un organisme national non confessionnel qui travaille auprès d'hommes, de femmes et de jeunes de toutes les confessions dans chacune des provinces canadiennes. Nous travaillons avec les personnes qui donnent des soins, les enfants des délinquants et, par le truchement de milliers de bénévoles, nous assurons une présence dans environ les deux tiers des établissements correctionnels fédéraux et provinciaux. À elles seules, nos heures de bénévolat à l'intérieur des murs, calculées d'après une évaluation normale des heures, représentent à près de 1 million de dollars par année. Notre financement provient d'une vaste assise de soutien communautaire de partout au Canada, qui compte plus de 1 800 personnes, fondations et bourses.
    Nous sommes également l'un des 130 organismes nationaux de partout dans le monde affiliés à la Fraternité internationale des prisons, qui compte des bureaux à Singapour, Genève et Washington. La Fraternité des prisons du Canada a accès aux ressources de ce réseau, plus particulièrement au Centre pour la justice et la réconciliation, dirigé par Dan Van Ness, figure bien connue dans ce domaine au Canada. Nous établissons également des partenariats avec d'autres établissements canadiens, notamment des universités, dans leurs domaines d'expertise et de recherche.
    Nous travaillons auprès de détenus, d'ex-délinquants et de leur famille afin de leur offrir, directement et par le truchement de partenaires, divers programmes et soutiens axés sur les besoins du délinquant et de sa famille.
    Nous sommes d'accord pour dire qu'il faut traiter les questions de la toxicomanie, de la dépendance et de la réadaptation tandis que le délinquant se trouve en prison, et qu'il est important d'éliminer l'approvisionnement de drogues et d'alcool des prisons pour réaliser ce but. Par ailleurs, au bout du compte, nous souhaiterions que cette élimination débouche sur un milieu plus sain en prison, tant pour les membres du personnel que pour les délinquants.
    Nous croyons que les délinquants doivent assumer la responsabilité de leur décision de s'adonner à des activités criminelles. Nous croyons que les besoins des victimes, de la collectivité et des délinquants doivent être pris en considération au moment de prendre des mesures visant à réduire les méfaits causés par le comportement criminel et à assurer la réadaptation des délinquants. Enfin, nous croyons qu'avec de l'aide et du soutien, les délinquants peuvent surmonter leurs problèmes de délinquance et ainsi accroître leurs chances de devenir des membres viables de leur famille et de leur collectivité.
    La Fraternité des prisons met l'accent sur le fait de soutenir « à vie » les délinquants, leur famille et les collectivités dans lesquelles ils habitent. Notre but est la réadaptation et la prévention, c'est-à-dire de contribuer à la réinsertion sociale réussie du délinquant dans la collectivité, ainsi que de lutter contre la criminalité intergénérationnelle en travaillant auprès des enfants de délinquants afin de les empêcher de s'adonner à un comportement criminel ou en lien avec la toxicomanie.
    Notre travail a pour effet de créer des familles et des collectivités plus sûres. Nous mesurons notre rendement afin d'évaluer régulièrement l'efficacité de nos activités.
    Nous adoptons une approche holistique face à la réadaptation. Nous mettons l'accent sur les besoins intellectuels, spirituels, affectifs et physiques du délinquant en tant que personne, qui a des problèmes multiples mais interreliés à surmonter.
    La dépendance à l'alcool et à la drogue est l'un des principaux symptômes de la santé mentale du délinquant et du comportement criminel qui en découle. L'élimination des drogues et de l'alcool des prisons est un objectif que nous appuyons.
    Le Service correctionnel du Canada a pour mandat d'agir efficacement sur le risque de récidive d'un délinquant et sur sa réinsertion sociale réussie. Nous sommes d'avis que les programmes correctionnels constituent un investissement rentable. Les délinquants qui terminent leurs programmes en profitent, tout particulièrement dans le domaine de la toxicomanie.
    Cependant, les délinquants sont effectivement confrontés à de longues listes d'attente avant de pouvoir suivre les programmes, qui peuvent être annulés ou que le délinquant ne termine pas en raison de nombreux problèmes, dont les transfèrements. Même si le Service correctionnel du Canada a indiqué que les listes d'attente ont été réduites, de tels délais minent la capacité d'un délinquant de terminer son plan correctionnel. Selon nous, c'est préoccupant. Bon nombre des délinquants sont mis en liberté sans avoir reçu de traitement, ce qui réduit leurs chances de réinsertion sociale réussie.
(1205)
    Le Service correctionnel est d'accord pour affirmer que le taux d'achèvement est élevé — je pense que M. Head a dit qu'il s'élevait de 83 à 85 p. 100 des personnes qui ont l'occasion de suivre le programme —, et que les délinquants qui participent au programme sont, dans une proportion de 45 p. 100, moins susceptibles d'être réincarcérés en raison d'une nouvelle infraction, et, dans une proportion de 63 p. 100, moins susceptibles d'être réincarcérés en raison d'une infraction violente. La plupart des détenus sont mis en liberté dans la collectivité, de sorte qu'il s'agit non seulement d'un problème individuel, mais également d'un problème de sécurité collective. En outre, bien entendu, la toxicomanie contribue aux niveaux élevés d'hépatite C chez les détenus, qui s'élève maintenant à 40 p. 100, et de VIH-sida, qui est maintenant plus de 10 fois plus élevé que celui observé dans la population générale.
    Nous saluons les efforts que déploie le Service correctionnel du Canada pour traiter le délinquant comme une personne qui a plusieurs problèmes interreliés auxquels il faut apporter un traitement holistique. Les délinquants qui ont besoin de programmes de réadaptation dans les prisons fédérales auront bientôt accès plus rapidement à ces programmes ainsi qu'à davantage de programmes pendant leur incarcération que ce n'est le cas actuellement. Les problèmes de toxicomanie seraient traités conjointement avec les problèmes de santé mentale.
    Cependant, les plus récentes initiatives et le financement connexe mettent l'accent sur l'interception: chiens détecteurs de drogues, capacité de renseignement de sécurité, détecteurs et portiques de détection et machines à rayons X. Il semble qu'il y ait un plan global pour empêcher que les prisons ne soient infiltrées par l'alcool et les drogues. Cependant, l'interception des drogues ne règle pas les questions de la dépendance et des maladies infectieuses connexes, pas plus qu'elle ne règle les problèmes de santé mentale qui y sont associés. Nous restons préoccupés pour ceux qui vivent la dépendance aux drogues, leur famille et leur collectivité.
    De 50 à 80 p. 100 des actes criminels sont associés à l'alcool et aux drogues. Plus de 80 p. 100 des détenus qui arrivent dans les établissements correctionnels ont de graves problèmes de toxicomanie. De 10 à 40 p. 100 des détenus qui arrivent dans les établissements correctionnels ont des problèmes de santé mentale diagnostiqués. Un nombre considérable de détenus sont atteints à la fois de problèmes de santé mentale et de dépendance aux drogues, et ces pourcentages sont considérablement plus élevés que les statistiques relatives à la population générale.
    De plus en plus, les personnes qui travaillent aux programmes de traitement de la dépendance concluent que les problèmes de santé mentale et les problèmes de dépendance doivent être traités conjointement, et que le traitement isolé d'un problème de toxicomanie donne peu de résultats. Bon nombre des personnes sur le terrain estiment qu'il faut adopter une approche holistique face au traitement de la dépendance pour en arriver au rétablissement — travailler sur les aspects psychologiques, affectifs, physiques et spirituels. De fait, le mouvement en 12 étapes a toujours découlé de la nécessité d'un rétablissement qui soit de nature spirituelle.
    Partant, l'élimination de la toxicomanie pendant la période d'incarcération ne réglera peut-être pas la dépendance à long terme du délinquant à l'égard de ces substances, mais si elle pourrait faire de la prison elle-même un lieu plus sûr pendant l'incarcération. Cependant, le problème est plus vaste. Bien que nous encouragions l'élimination de la toxicomanie dans les prisons, l'abstinence de la drogue pendant l'incarcération n'est pas nécessairement réparatrice; il n'est pas certain que cela apporte la guérison, le rétablissement ou l'espoir nécessaire au processus. Le délinquant aux prises avec des enjeux multiples sent qu'il n'est pas équipé pour surmonter la maladie mentale, se guérir de la dépendance aux drogues et assumer sa responsabilité criminelle. La réunion de ces enjeux visant à permettre au délinquant d'en saisir les interrelations lui offre l'espoir plus réaliste de se rétablir au sein de sa famille et de sa collectivité.
    Selon nous, il est difficile de s'attaquer à la question de la présence des drogues et de l'alcool dans les prisons et de la réadaptation des délinquants, sans s'attaquer aux causes premières de la dépendance à ces substances. Il est essentiel de régler la question des dépendances pour assurer la réadaptation du délinquant. Puisque les questions de santé mentale et de toxicomanie sont liées, il faut donc s'attaquer au même moment à la relation entre la toxicomanie et la santé mentale. Il n'est pas possible de se pencher sur l'approvisionnement de la drogue en prison et de réussir à régler ce problème sans également se pencher sur la question de la demande pour ces substances dans les prisons.
    Le nombre important de détenus qui ont un diagnostic de troubles de santé mentale représentent un énorme défi pour les autorités correctionnelles. Le Service correctionnel est conscient de ces difficultés et a mis en place des stratégies pour intervenir dans ce domaine, notamment des investissements dans l'évaluation initiale, le soutien des centres régionaux de traitement, les unités de soins de santé intermédiaires au sein des établissements et la santé communautaire pour les ex-délinquants.
    Toutefois, je crois comprendre que les principales difficultés auxquelles le Service correctionnel est confronté quand vient le moment d'intervenir en matière de santé mentale et de dépendance aux drogues dans les prisons sont la capacité et le recrutement de professionnels formés des soins de la santé. La plupart des délinquants qui sont atteints de problèmes de santé mentale ne répondent pas aux critères pour être traités dans les centres régionaux de traitement; ils se retrouvent classés dans la catégorie des problèmes comportementaux plutôt que dans celle qui relève des problèmes de santé mentale et de dépendance aux drogues.
(1210)
    Pour les personnes qui sont atteintes de THADA ou de SAF, ou d'autres troubles de l'apprentissage, de pensées délirantes, de paranoïa ou de graves changements d'humeur, l'isolement et les accusations d'infraction disciplinaire peuvent mener à un cercle vicieux au sein de l'établissement correctionnel.
    Je vais vous donner un exemple. Appelons-le Matt. D'après ce que je sais de sa situation...
    Combien de temps vous reste-t-il, à peu près? Nous avons déjà dépassé notre temps.
    Allez-y rapidement, s'il vous plaît.
    Trois minutes.
    La famille de Matt n'arrivait pas à composer avec son comportement. Au bout du compte, Matt a quitté sa résidence familiale et s'est rendu à Vancouver. Sous l'influence de drogues, il a commis un crime. Il a été jugé apte à subir son procès, et n'a pas été jugé criminellement irresponsable — ce qui l'aurait fait envoyer dans un établissement de santé mentale —; il a donc été incarcéré. Matt était un prisonnier difficile, souvent violent, et a passé beaucoup de temps en isolement. Il n'a pas reçu de soutien pour ses problèmes de santé mentale ou de dépendance. À sa mise en liberté, Matt est retourné dans sa famille, qui l'a confié à un hôpital parce qu'il représentait une menace pour lui-même et pour les autres. L'hôpital n'arrivait pas à composer avec lui. Matt délirait et avait besoin de médicaments, et a fini par se retrouver dans un établissement régional. Toutefois, au cours de cette période de 10 ans, on n'a jamais traité ses problèmes de santé mentale ou de dépendance.
    Bien que l'accent qui est mis actuellement sur l'élimination des drogues dans les prisons soit important et approprié, il faut également nous assurer de traiter les problèmes de santé mentale et de toxicomanie sous-jacents au comportement criminel des personnes comme Matt. Pour répondre aux besoins intégrés des prisonniers, il faut offrir des programmes intégrés et apporter des changements comportementaux. Le gouvernement fédéral a mené un projet quinquennal intégré à l'Établissement de Grande Cache. Un rapport public a été publié à ce sujet, même s'il ne portait pas précisément sur la toxicomanie. Je crois comprendre qu'il y a des projets pilotes fédéraux en Colombie-Britannique et dans l'Atlantique qui vont d'une approche de mini-cours à une approche intégrée, et c'est quelque chose que nous encourageons.
    Je vais conclure sur nos recommandations: déployer des efforts pour traiter conjointement les problèmes de santé mentale des délinquants et l'alcoolisme et l'interception; offrir des programmes intégrés pour régler ces problèmes; poursuivre l'orientation sur l'imposition de peines visant précisément à traiter les problèmes de toxicomanie et de santé mentale; allouer des ressources aux prisons existantes pour les programmes holistiques; prolonger les projets de l'Établissement Grande Cache ou d'un autre établissement similaire pour répondre aux besoins intégrés des délinquants; et réduire le coût de l'incarcération en abordant la toxicomanie, les problèmes de santé mentale et la réadaptation au moyen d'autres modes d'incarcération, par le truchement des collectivités de réparation.
(1215)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Sampson.
    Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie beaucoup de votre invitation. Je dois apporter une petite correction. Je suis ici à titre personnel, mais également en tant qu'ancien président du comité qui a examiné le Service correctionnel du Canada et qui a présenté un rapport.
    Feuille de route pour une sécurité publique accrue.
    Oui, Feuille de route pour une sécurité publique accrue, publié en 2007.
    Je demanderais aux membres du comité et aux analystes de l'examiner, parce qu'il contient des recommandations qui portent précisément sur les drogues, la dépendance aux drogues et les questions relatives aux drogues.
    En fait, nous avons décidé de distribuer ce rapport à chacun des membres du comité.
    C'est génial. Merci. Je ne vais pas vous donner d'autographe, ils sont déjà autographiés.
    Je faisais partie du Service correctionnel de l'Ontario. À l'époque, le solliciteur général s'appelait Dave Tsubouchi. Je ne voudrais pas marcher dans ses plates-bandes ni me faire passer pour lui. Je ne pourrais jamais être Dave.
    Vous serez étonnés d'entendre que je suis effectivement d'accord avec une bonne partie de ce que j'ai entendu il y a quelques secondes. Vous verrez que cela se retrouve un peu partout dans le rapport que nous avons remis au gouvernement en 2007. En fait, cinq sections de recommandations figuraient dans ce rapport. Il y avait 109 recommandations en tout, mais elles étaient regroupées en cinq groupes principaux. Dans l'un d'entre eux, nous demandions et recommandions au Service correctionnel différentes mesures ayant trait aux drogues dans les établissements. Il n'est pas question d'une cour d'école, ni d'une épicerie. Il s'agit d'un établissement correctionnel fédéral. On serait en droit de s'attendre à des niveaux de sécurité plus élevés, et on ne s'attendrait pas à trouver des niveaux de trafic de drogues presque identiques à ceux que l'on pourrait observer sur la rue Yonge. C'est un établissement correctionnel fédéral où les gens sont envoyés parce qu'ils ont clairement démontré qu'ils ont des difficultés avec la justice; ils ont des difficultés à respecter nos lois.
    Deux choses doivent se produire, et, entre autres, elles sont effectivement mentionnées dans la Loi sur les services correctionnels actuelle. La première, c'est que l'incarcération est la punition. C'est écrit dans notre Code criminel. Si vous le lisez, vous constaterez que c'est l'un de ses objectifs. Cependant, comme aucune des peines, à l'exception de quelques-unes, n'est d'une durée indéterminée, et parce que ces personnes devront à un certain moment retourner dans la société, et qu'elles y retourneront, il faut déployer un effort sérieux en vue de leur réadaptation pour qu'elles puissent retourner dans la société et, de préférence, pour notre propre sécurité, ne pas retourner en prison. Chaque fois qu'une personne retourne en prison, c'est qu'il y a eu une autre violation de ce que nous appelons les lois dans notre pays.
    Le système des services correctionnels a deux principaux mandats, dont nous avons parlé dans notre rapport.
    Je vais vous présenter mes observations brièvement, même si ça n'a pas toujours été le cas par le passé, afin que vous ayez le temps de poser vos questions.
    On a beaucoup évoqué les programmes, et je pense que si vous lisez le rapport attentivement, vous constaterez l'utilisation d'un adjectif en lien avec les programmes: « efficaces ». Beaucoup de détenus suivent les programmes, puis cochent la case pour indiquer qu'ils les ont terminés. De fait, je pense que Don Head a affirmé que 80 p. 100 d'entre eux terminent leur programme. Combien d'entre eux réussissent leur programme? Nous devrions mesurer la prestation des programmes en fonction de la réussite, et non pas en comptant le nombre de derrières assis sur les chaises et le temps qu'ils y ont passé.
    Il est intéressant de constater que, dans le cadre de deux exposés avant le nôtre, vous avez été priés de demander au Service correctionnel de vous donner des renseignements sur le nombre de programmes, leur durée, le fait qu'ils répondent à la demande ou pas dans les établissements, et s'ils sont offerts en temps opportun. On ne vous a pas demandé s'ils étaient efficaces. Pourtant, c'est la toute première question qui aurait dû vous être posée, pas seulement au sujet de tous les programmes en lien avec la drogue, mais de l'ensemble des programmes des Services correctionnels. L'un des aspects que nous tentons d'aborder dans le rapport que le comité d'examen a remis au ministre est le suivant: ne pouvons-nous pas commencer à tenter de déterminer si ces programmes sont efficaces? Réussissons-nous vraiment à réadapter les gens?
    Après avoir été nommé ministre des Services correctionnels de l'Ontario -- je vous raconte le protocole, pour ceux d'entre vous qui ne sont pas passés par là. La toute prochaine réunion se déroule avec les membres de votre personnel, qui vous remettent des cartables hauts comme ça et qui commencent à vous donner un briefing. Après deux minutes, la toute première question que j'ai posée — je vous rappelle que mon titre était ministre des Services correctionnels — était la suivante: Dans quelle mesure offrons-nous des services correctionnels? J'ai eu droit à des regards vides. Ils voulaient continuer en me donnant le nombre de prisonniers que nous avions, leur répartition, le nombre de personnes qui participaient à des programmes. J'ai dit que je voulais savoir dans quelle mesure nous offrions des services correctionnels, parce que dans les faits, à l'exception d'une poignée de personnes au sein de notre système correctionnel fédéral, tous les délinquants sortiront un jour et marcheront à vos côtés sur la rue Yonge, Bay ou Queen, et l'on s'attendra à ce qu'ils se comportent en citoyens respectueux des lois.
(1220)
    N'oubliez pas, ils sont arrivés dans le système fédéral équipés d'un secondaire 2 réussi de peine et de misère et des antécédents familiaux qui n'en ont que le nom ainsi qu'une grave dépendance aux drogues. Je pense qu'environ 80 p. 100 des personnes qui arrivaient avaient déjà été, à un moment ou à un autre, dépendantes aux drogues, et que 20 p. 100 d'entre elles étaient en cause dans des histoires de drogue au moment de la perpétration de leur crime — et qu'elles étaient effectivement inaptes à occuper un emploi.
    Quand le système correctionnel renvoie ces personnes dans la société, elles doivent être employables et éduquées et être en mesure de vivre en société sans avoir besoin de la béquille des drogues pour oublier leur vie familiale. De plus, tout cela doit se produire en moins de deux ans. Je pense que la durée de détention moyenne s'élève maintenant à trois ans et demi dans le système correctionnel fédéral. En trois ans et demi, vous allez transformer une personne qui a ce genre d'antécédents en un citoyen respectueux des lois? C'est toute une commande.
    En ce qui concerne les critiques relatives aux longues peines, particulièrement en ce qui concerne les peines pour des infractions liées à la drogue, le système correctionnel devrait avoir suffisamment de temps pour aider ces personnes à surmonter leurs déficiences de façon à leur permettre de retourner dans la société et de vivre en tant que citoyens respectueux des lois. Il ne devrait pas y avoir de délai d'expiration — boum, dehors. Pensez à ce que ces personnes ont: une éducation équivalant à un secondaire 2, aucune compétence d'emploi, une grave dépendance aux drogues et une famille sur laquelle elles ne peuvent se fier. Il nous faut les aider. Voilà à quoi le Service correctionnel devrait servir. Oui, l'incarcération devrait être une punition. Je pense que c'est ce à quoi la société s'attend. Toutefois, la société s'attend également à ce que le système correctionnel corrige les délinquants.
    C'est là-dessus que je termine mes observations.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Sampson.
    Vous nous avez donné tous les deux beaucoup de matière à réflexion.
    Madame Hoeppner.
    Je vous remercie beaucoup de votre présence parmi nous.
    J'aimerais commencer avec Mme Clitheroe. Quand j'étais au secondaire et au cours de ma vie de jeune adulte, j'ai été bénévole avec ma famille — ma mère, mon père et mes sœurs — à l'Établissement de Stony Mountain. Quelques choses m'ont frappée. En premier lieu, c'était l'impact que mon père avait sur les hommes qui étaient incarcérés. Un grand nombre d'entre eux n'avaient pas de modèle masculin important dans leur vie. Mon père est décédé il y a 14 ans, et c'était un grand homme.
    Je crois que vous avez parlé des répercussions des problèmes de santé mentale. Il y a les problèmes mentionnés par les autres témoins au sujet des antécédents familiaux des détenus, sans doute un manque d'encadrement parental, et tout ce genre de choses qui caractérisent les détenus. Il y a certes des raisons qui expliquent leur incarcération. Il y a des raisons qui expliquent leur dépendance aux drogues.
    Je tenais à vous le dire, parce que j'ai énormément de respect pour le travail que vous faites. Les gens me disaient: « Quoi, tu vas faire du bénévolat en prison? » C'est quelque chose qui a eu une incidence sur ma vie. Ces détenus m'ont sans doute traitée avec davantage de respect que bien des hommes. Je pense que cela en dit beaucoup.
    Nous avons entendu les précédents témoins nous dire qu'ils croient en une approche axée sur les droits. J'aurais tendance à croire que nous devrions aborder la vie en général en nous attachant non seulement aux droits mais également aux responsabilités. Pourriez-vous nous parler de toute la question de la responsabilité individuelle et de la manière dont elle peut profiter aux détenus, pas seulement en ce qui a trait aux drogues dans les prisons et à leurs ramifications juridiques, mais également en ce qui a trait à leur traitement et à la responsabilité individuelle: « Je suis responsable de ce que je fais, et cela a pour effet positif que je peux apporter des changements à ma vie. Malgré toutes les choses déplaisantes qui pourraient m'être arrivées en tant que personne, je peux faire des choix pour me sortir de ces situations et devenir une meilleure personne. »
    Pourriez-vous nous parler de votre expérience? Je commencerai par vous, madame Clitheroe, puis je m'adresserai aux autres témoins. Parlez-moi de votre expérience et de la manière dont la responsabilisation aide effectivement ces détenus, par opposition au fait de blâmer les autres pour... Le blâme est peut-être justifié, mais pourriez-vous nous parler du facteur de responsabilisation pour les détenus?
(1225)
    Vous avez raison de dire que quand quelqu'un a le genre d'antécédents décrits par M. Sampson, il devient très difficile d'utiliser le mot « choix ». Je salue sincèrement le travail que vous avez fait en tant que bénévole. Les bénévoles sont incroyablement efficaces auprès des gens dans le système.
    En tant qu'organisme bénévole, notre rôle consiste à accompagner, à offrir certains programmes pour lesquels l'établissement pourrait souhaiter des compléments, tant dans la collectivité que dans la prison. Je décrirais la responsabilisation du délinquant comme le fait qu'il assume sa responsabilité et qu'il reconnaisse que son geste a eu des répercussions sur d'autres personnes. Il faut amener les délinquants au point où ils réalisent que le tort qu'ils ont causé ne se limite pas à eux-mêmes, mais touche également quelqu'un d'autre. De façon surprenante, cela peut être un obstacle assez important. Les gens qui correspondent à cette description se sentent impuissants, même s'ils ont causé du tort à d'autres. Par conséquent, la reconnaissance du tort et la responsabilisation, puis le fait de vouloir agir à ce sujet pour changer leur vie et celle de la collectivité ou celles des autres est au cœur du progrès des délinquants.
    Paul Abbass dirige un établissement pour toxicomanes, un centre de désintoxication. Paul, je pense que l'une des choses que vous diriez, c'est qu'il faut que les gens affrontent leurs problèmes et soient disposés à les régler avant d'être en mesure de faire de véritables progrès.
    Voilà qui occupe une bonne partie de notre discussion, n'est-ce pas? Afin que nous puissions travailler efficacement avec les détenus, il nous faut, d'une certaine manière, les inviter à se montrer disposés ou à être prêts à recevoir ce genre de traitement. C'est toujours la grande question lorsque vous êtes incarcéré: « Est-ce que je suis ce programme parce qu'il va me permettre de sortir plus vite, ou est-ce que je le suis parce que j'ai fini par frapper le fond et que je n'arrive pas à croire que je me retrouve en prison à ce moment-ci de ma vie, alors j'ai besoin d'aide? » Il pourrait y avoir encore bien d'autres raisons.
    Nous voulons être en mesure de travailler. C'est pourquoi un bénévole, votre père par exemple, pourrait exercer une énorme influence. Il vient de l'extérieur de l'établissement, et les valeurs qu'il incarne auraient peut-être plus d'influence que n'importe quoi d'autre pour atténuer ces autres raisons du genre « n'importe quoi pour sortir d'ici », parce que, vous avez raison, monsieur Sampson, les raisons du type « n'importe quoi pour sortir d'ici »... Même si on enferme un détenu pendant cinq ans, cela ne va pas l'aider.
(1230)
    Je suppose que cela nous ramène à ce dont vous nous parliez, monsieur Sampson, à savoir toute cette question de l'efficacité réelle des programmes.
    Oui. Le premier bloc de nos recommandations porte sur la responsabilisation des délinquants. Je pense que vous avez frappé dans le mille. Voilà une raison qui occupe le premier rang de notre rapport, pas le cinquième.
    L'une des raisons pour lesquelles les détenus, qu'ils soient hommes ou femmes, se retrouvent là, qu'il s'agisse du système correctionnel fédéral ou provincial — pour les peines de moins de deux ans — ou du système pour les jeunes contrevenants, c'est qu'ils ont des difficultés avec le respect, la responsabilité, ou les deux. Dans bien des cas, ils n'ont pas eu l'occasion de l'apprendre.
    J'ai bien des histoires à raconter sur la manière dont j'ai appris les notions de respect et de responsabilité au sein de ma famille, et certaines d'entre elles ne sont pas plaisantes, si vous me demandez mon avis, mais j'ai appris, et je me suis rendu là où je me trouve. Certains diraient que je ne fais plus tellement montre de respect ou de responsabilité, ou que je ne l'ai jamais fait, mais j'espère que j'ai prouvé à la plupart des gens qu'ils avaient tort à ce sujet.
    Écoutez, il y a une difficulté inhérente relative au respect et à la responsabilité, et c'est ce que ces gens doivent apprendre. Il n'y a aucun doute que certains d'entre eux n'auront pas compris au bout de cinq ans. J'ajouterais que, dans ce cas, nous devrions peut-être les garder jusqu'à ce qu'ils comprennent. Et certains d'entre eux ne comprendront jamais. La question est la suivante: si c'est le cas, pourquoi les laissons-nous sortir? S'ils ne font pas montre de respect et de responsabilité à l'égard de leurs voisins, de leur famille ou de leurs amis au moment où ils quittent la prison, comment pourraient-ils faire montre de respect et de responsabilité à votre égard quand ils vous verront laisser votre voiture dans un stationnement au beau milieu de la nuit?
    Bref, la première recommandation porte sur le respect et la responsabilité.
    Merci beaucoup, monsieur Sampson.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Garrison.
    Merci, monsieur le président. Je remercie également nos deux témoins de leur présence aujourd'hui.
    J'aimerais commencer par poser une brève question aux représentants de la Fraternité des prisons. Toutefois, je commencerai en disant que, en tant que chargé d'enseignement en droit pénal, j'ai travaillé avec un établissement de ma circonscription, l'Établissement William Head, afin que des étudiants puissent accompagner bénévolement des gens au cours de leur transition dans la collectivité. Ce sont des organismes bénévoles comme les vôtres qui font une bonne part du travail ardu de terrain en réadaptation. Par conséquent, je vous remercie du travail que vous faites au nom de tous les Canadiens.
    Notre précédent témoin a parlé des impacts des importantes mesures d'interception sur l'intégration des autres membres de la population carcérale, soit les 85 à 90 p. 100 qui ne prennent pas part au marché de la drogue. Votre organisme a-t-il observé ce même phénomène, c'est-à-dire que l'interception stricte entrave parfois les visites familiales et les autres mesures de réinsertion sociale?
    Nous savons qu'environ 80 p. 100 des personnes qui arrivent dans une prison fédérale ou provinciale ont une forme ou une autre de problèmes de dépendance. Par conséquent, l'interdiction ou l'abstinence à l'intérieur ne mène pas forcément à un changement de comportement. Parmi les choses que nous préconisons, le changement environnemental est un élément clé; c'est la raison pour laquelle les bénévoles ont une si grande importance. Cependant, un changement environnemental plus vaste serait plus efficace pour en arriver à ce changement.
    Il n'y a pas autant de visiteurs dans les établissements pour femmes que dans les établissements pour hommes, comme vous le savez probablement. Dans les prisons pour hommes, le facteur d'intimidation associé au fait d'avoir à se déplacer dans un système carcéral va devenir en soi démoralisant. C'est un endroit effrayant, rempli de gens et de portails étranges et de diverses autres choses. L'ajout d'exigences d'interception supplémentaires pourrait être un facteur négatif pour les visiteurs. Selon moi, il y a un certain nombre de choses auxquelles nous sommes tous habitués, comme les machines à rayons X et autres choses. Comme l'a mentionné l'un des autres témoins, nous nous y attendons dans un aéroport ou quelque chose du genre. Toutefois, toute mesure plus intrusive, particulièrement en ce qui concerne les enfants ou les jeunes femmes, pourrait avoir un effet de dissuasion.
    Nous sommes fermement convaincus que l'engagement de la famille, lorsqu'il est possible, est vraiment important. Une figure paternelle ou la réunification avec les enfants est véritablement essentielle à la réadaptation d'une personne; on trouve parfois des programmes père-fils et certains programmes mère-fille pour faciliter ces réunifications. Pensez à un jeune homme qui a un fils, qui est disposé à dire qu'il va cesser son comportement, qu'il ne le communiquera pas à son enfant; voilà qui exerce une influence très puissante pour assurer son changement de comportement, tant pour lui que pour sa famille. C'est la raison pour laquelle nous encourageons sincèrement les visites familiales et toutes les tentatives pour établir les liens avec ces familles ou des familles qui serviront de modèles, dans la mesure du possible. Nous considérerions comme problématique toute mesure qui découragerait les visites. Selon moi, il serait très utile d'étudier et de surveiller la manière dont les gens réagissent à ces activités à l'entrée de la prison.
(1235)
    Merci beaucoup.
    J'aimerais maintenant m'adresser à M. Sampson. Je sais que le président va distribuer votre rapport. Notre précédent témoin de la Société John Howard a parlé d'un rapport intitulé A Flawed Compass, préparé par Michael Jackson et Graham Stewart, qui, à certains égards, constitue une réponse à votre rapport. Je demanderais au président de distribuer ce rapport en même temps.
    Depuis la publication de votre rapport, je crois que le gouvernement a investi 122 millions de dollars en mesures d'interception. Avez-vous fait le suivi de la réussite de ces mesures, qui, selon moi, découlent largement de votre rapport?
    Non, à part le fait que je sais qu'il y a eu une certaine diminution de la quantité de drogue détectée au sein des établissements, laquelle semble indiquer que, à l'exclusion des questions relatives au masquage des drogues et à d'autres choses qui se déroulent dans les établissements, le renforcement de la sécurité des murs, des portes et des entrées a certaines répercussions. Je ferais valoir que le fait que 7 p. 100 des résultats des analyses d'urine sont positifs n'est pas une raison pour faire la fête. J'aurais fait valoir qu'il faut viser 0 p. 100. Une fois de plus, étant donné qu'il s'agit non pas de la société en général, mais bien d'un établissement correctionnel qui réunit une importante concentration de personnes qui ont d'énormes problèmes, il faut qu'il soit sécuritaire...
    Diriez-vous qu'il pourrait y avoir un seuil de rendement décroissant, à partir duquel nous continuerions à affecter des ressources à l'interception et que nous serions toujours à un certain point, à ce que j'appellerais, un petit pourcentage du taux de 5 à 7 p. 100...
    M. Rob Sampson: Exact.
    M. Randall Garrison: ... et que des dépenses supplémentaires dans ce domaine pourraient ne pas produire les résultats escomptés en matière d'interception?
    Certes, mais c'est la raison pour laquelle notre rapport contient 109 recommandations qui portent sur l'ensemble des difficultés auxquelles le Service correctionnel est confronté, dont l'une est la drogue. Je crois avoir clairement expliqué, lorsque nous avons publié le rapport, et le comité d'examen m'a encouragé à le dire haut et fort en tant que président, que ces 109 recommandations forment un tout. Nous n'avons pas présenté au Service correctionnel ou au gouvernement un buffet de recommandations dans lequel il pouvait se servir; nous croyons que toutes les 109 recommandations doivent être exécutées à un moment ou à un autre, et qu'il faut investir de l'argent sonnant et trébuchant à une bonne partie d'entre elles pour en arriver à la vision de la sécurité publique que nous avions envisagée au moment de présenter ce rapport.
    Est-il juste de dire que vous êtes d'accord avec tous nos témoins qui ont comparu jusqu'ici pour dire que c'est une approche équilibrée entre l'interception et la réduction de la demande qui nous permettrait de résoudre notre problème?
    L'interception est essentielle, parce que sans elle, il n'y aura pas de programmes efficaces dans les établissements. En ce moment, il y a des gens qui participent — permettez-moi de répéter le mot « participent » — aux programmes d'un traitement de la toxicomanie, puis qui retournent dans leur cellule pour s'injecter leur dose. Pourquoi? Parce qu'ils ont été capables de se la procurer. En ce moment, compte tenu de la présence toujours croissante des gangs dans les établissements, les drogues sont à l'origine de problèmes de maintien de la sécurité parce que les gangs utilisent les drogues afin de recruter des membres et de s'assurer leur adhésion, tant dans les murs de l'établissement qu'à l'extérieur.
    Je pense qu'il faut tout faire ensemble. Selon moi, l'équilibre est sans doute un terme approprié, mais vous ne devriez jamais perdre l'objectif de vue — 7 p. 100, 6 p. 100, 5 p. 100, 4 p. 100: à mon avis, c'est encore trop, et c'est un échec.
    Merci beaucoup, monsieur Sampson, monsieur Garrison.
    M. Norlock va maintenant prendre la parole pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aussi aux témoins d'être ici aujourd'hui.
    J'aimerais avoir des réponses assez courtes. Je sais combien cela peut être difficile. Après avoir écouté les deux groupes de témoins, je pense que ce que l'on souhaite vraiment, ce sont, tout simplement, des changements comportementaux. À mon avis, lorsqu'il est question de ses interactions avec la société et du regard que l'on pose sur soi-même — la toxicomanie étant un crime contre soi-même avant d'être un crime contre autrui —, tout dépend de son degré de maîtrise de soi. Je pense que M. Sampson a parlé de maîtrise de soi et mentionné bien des façons de gérer ses pulsions. C'est ce que nous faisons dans une société civile: nous gérons nos pulsions.
    Ce que nous recherchons, c'est une autonomie positive. Dans notre système actuel, de quelle façon l'État ou les bénévoles, individuellement ou, de préférence, collectivement, inculquent, sinon encouragent une telle autonomie et un tel sens des responsabilités? Établissons des priorités. Dans notre système carcéral actuel, quels sont les deux ou trois éléments que vous aimeriez voir s'accroître ou s'améliorer ou dont vous souhaitez l'abolition?
(1240)
    Premièrement, je pense qu'il faudrait aborder la programmation — actuellement excellente, d'après moi — de façon intégrée. Une personne n'est pas membre d'une famille dysfonctionnelle durant six mois, puis toxicomane durant les six mois suivants, et, six mois plus tard... Les gens ont plusieurs problèmes, et il faut les aborder en tenant compte de l'individu concerné et de façon intégrée.
    La difficulté, pour ce qui est d'examiner les programmes, c'est que seul un examen des changements comportementaux avérés permet d'établir efficacement leur taux de réussite. Si les programmes que nous concevons peuvent seulement aborder un aspect négligeable parmi plusieurs, nous devons revoir nos programmes et peut-être aussi notre géographie carcérale afin de pouvoir compter sur une programmation intégrée, sur un environnement où les gens ne craignent pas de participer à des programmes qui mèneront à des changements comportementaux.
    Deuxièmement, sur le plan environnemental, nous avons recommandé l'examen du projet pilote de Grande Cache ou d'autres établissements semblables où l'environnement pourrait être modifié. Si vous participez à un programme à raison de deux heures par semaine, chaque semaine, puis que vous retournez dans la collectivité où vous devez vous protéger et où vous ne pouvez pas composer avec ce qui a été abordé lors de ces séances de deux heures, vous continuerez à recourir à vos mécanismes de défense en tout temps, sauf durant ces deux heures. La prison n'est pas un milieu sécuritaire où modifier son comportement ou, comme cela pourrait être perçu, faire preuve de faiblesse. Nous pensons que certains environnements peuvent être examinés, peut-être comme l'a fait Paul Abbass pour ses propres programmes; que des personnes peuvent être sélectionnées pour faire partie d'environnements distincts au sein du système carcéral, par exemple d'une aile particulière d'une prison, et que des changements réels peuvent se produire, afin que des personnes aux prises avec plusieurs problèmes puissent réintégrer la société avec succès.
    Troisièmement, il faut qu'il y ait un continuum. Il ne faut pas qu'une personne qui a modifié son comportement en prison retourne dans la collectivité sans soutien. Donc, au lieu de veiller à ce qu'une personne dispose d'un logement et reçoive des chèques d'aide sociale — ce qui, bien sûr, est nécessaire —, il faut cerner ce dont cette personne a besoin pour réussir. Il faut mettre en place d'abord cela, puis les autres formes de soutien sous-jacentes dans la collectivité.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Sampson.
    Je ne vais pas formuler une recommandation; je vais en formuler 109. Mais je tâcherai d'aller à l'essentiel. Je pense que vous avez demandé quel rôle doit jouer l'État. À mon avis, ce rôle est de fournir la possibilité d'une vie meilleure.
    J'ai probablement mis le pied dans plus d'établissements correctionnels que quiconque dans cette pièce, et peut-être que vous tous réunis — toujours de façon volontaire, je dois dire. Je parle notamment d'établissements provinciaux et fédéraux canadiens ainsi que d'autres, des États-Unis et de l'Europe. J'ai rencontré le directeur d'un établissement pour jeunes aux États-Unis; je lui ai demandé quel était son rôle là-bas à titre de directeur. Il a dit: « Mon travail consiste à accorder une deuxième chance aux personnes qui se sont vu privées de leur première. Quand ils reviennent pour avoir une troisième ou une quatrième chance, ils peuvent attendre en ligne derrière celui qui n'en a jamais eu de deuxième. Mon rôle consiste à donner une deuxième chance à cette personne. »
    À mon avis, si l'on veut résumer la responsabilité de l'État de façon très simple — la question est néanmoins bien plus complexe que cela —, on pourrait dire qu'il s'agit de donner l'occasion au détenu ou à la personne de changer sa vie. Pour ce faire, il faut examiner le rapport ainsi que l'environnement physique en question. La plupart de vos établissements ont été construits avant notre naissance, lorsque la population était homogène et qu'il y avait peu de problèmes. Les gangs étaient à l'extérieur, pas à l'intérieur. Les gens n'étaient pas aux prises avec des problèmes graves et complexes. Les établissements ne sont tout simplement pas conçus pour faire ce dont a parlé Mme Clitheroe, soit permettre à une personne de retourner dans l'environnement sécuritaire de sa cellule et de mettre en pratique ce qu'elle a appris en classe durant les deux heures de cours. Ils ne sont tout simplement plus faits pour cela.
    Je pourrais continuer — je vous demanderais de jeter un coup d'oeil aux 109 recommandations —, mais je me contenterai de dire que le rôle du gouvernement consiste à fournir cette occasion.
(1245)
    Très bien.
    Je vais poser une question à M. Sampson, mais elle est fondée sur les propos de Mme Clintheroe ainsi que sur les faits. Si 70 p. 100 des détenus des établissements fédéraux sont toxicomanes et que certains d'entre eux sont probablement aux prises avec un problème de toxicomanie mineur ou sont plus aptes à être réadaptés... Prenons les pires cas parmi ce groupe, les pires 40 p. 100. M. Sampson connaît probablement les chiffres. J'ai oublié le nombre de personnes que comptent nos établissements fédéraux. Mais j'ai dans l'idée que 40 p. 100 de ces personnes... Et il faut leur fournir un lieu sécuritaire où vivre et adopter un mode de vie sain. Je suppose que je devrais demander si l'État est raisonnablement en mesure de fournir cela, compte tenu de ses ressources financières limitées à cet égard.
    Vous savez, nous, les croyants, voulons tous aller au paradis, mais, vu le monde dans lequel nous vivons, la tâche est plus difficile pour certains d'entre nous.
    Monsieur Sampson, si l'idéal consiste à fournir aux 40 p. 100 le type de traitement dont ils ont besoin, est-il possible de le faire, compte tenu des ressources de l'État? Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
    Malheureusement, monsieur Sampson, vous devrez attendre avant de répondre à cette question, car M. Norlock a pris tout le temps disponible.
    Monsieur Hsu, s'il vous plaît, la parole est à vous pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais d'abord poser une question à Mme Clitheroe. J'aimerais comprendre les aspects économiques liés à l'introduction de drogues dans les prisons. Nous avons parlé de la demande et de l'interception, qui constitue une sorte de taxe sur la transaction. Qu'en est-il de l'offre? Que cherche à gagner une personne qui se donne la peine de passer des drogues en prison? Quelle est la monnaie utilisée dans le cadre de la transaction? Je veux comprendre comment les drogues sont introduites en prison du point de vue de l'offre, sur le plan économique.
    Avez-vous des éclaircissements à me donner?
    Me demandez-vous pourquoi quelqu'un passerait des drogues en prison, quels sont les incitatifs économiques pour les personnes qui les lancent par-dessus les murs ou pour le membre de la famille ou toute autre personne qui les passe?
    Qu'ont-ils à gagner?
    Je pense que cela varie d'une personne à une autre. Bien sûr, sans vraiment pouvoir m'appuyer sur des chiffres, je crois qu'il y a un grand profit à faire en passant dans un contexte très limité d'offre et de demande des drogues couramment vendues dans la rue.
    Mais les prisonniers n'ont pas d'argent pour payer. Comment cela fonctionne-t-il?
    Voulez-vous répondre à cette question?
    Eh bien, à vrai dire, les gens disposent de nombreuses monnaies d'échange. Ils échangent toutes sortes d'objets interdits. Il ne s'agit pas seulement d'alcool, de drogues ou de comprimés, peu importe ce qui est illégalement introduit dans le système. Il existe toutes sortes d'objets interdits, et les gens se les échangent plutôt librement au sein du système.
    Vous décrivez la situation à l'intérieur du système. Mais j'essaie de comprendre quel est le gain à réaliser pour la personne qui introduit des drogues dans le système. Quelle forme de paiement reçoit le fournisseur externe? Quel profit en tire-t-il?
    Voyez-vous ce que je veux dire?
    Il peut être payé comptant; il peut être payé par le truchement d'un arrangement lié aux activités d'un groupe ou d'un gang; il...
    Vous dites qu'un membre d'un gang hors de la prison paiera quelqu'un pour passer des drogues pour leurs...
    La personne incarcérée sera libérée un jour; il y aura des dettes à rembourser... Il peut s'agir de toutes sortes d'avantages économiques. Il ne s'agit pas nécessairement d'argent. Il peut être question de protection ou encore d'une dette à rembourser.
    Merci.
    Monsieur Sampson?
    Au bout du compte, tout se résume à l'argent, mais, même au sein de l'établissement, il n'est peut-être pas clairement question de dollars.
    Par exemple, dans un établissement que j'ai visité, un homme de la moitié de ma taille — il devait bien peser 90 lb — a pu marcher au milieu d'une foule d'hommes faisant deux fois ma taille. Ils se sont écartés de son chemin comme la mer devant Moïse. C'était le revendeur de drogues; il avait le contrôle de l'influence au sein de l'établissement. Il avait à sa solde des personnes qui, une fois libérées, lui rendaient des services — par exemple sous forme d'argent ou d'actes de vengeance.
    Les drogues sont la monnaie d'échange utilisée. Le service fourni pour en obtenir peut prendre diverses formes, par exemple le respect. Il est étonnant de voir à quel point ces substances ont de la valeur dans les établissements, probablement plus qu'à l'extérieur, vu la nature limitée de l'offre.
(1250)
    D'accord.
    J'ai une question pour M. Sampson. Je voudrais comprendre un peu mieux ce que vous avez dit dans vos observations préliminaires. Je vais essayer de résumer vos propos, et vous pourrez me dire si j'ai bien compris ou non.
    La première chose que vous avez dite, ou du moins laissé entendre, est qu'il n'y a pas autant de réadaptation des personnes qu'on le pense. Est-ce exact?
    Ce que je dis, c'est que je ne suis pas certain que nous jaugions la chose aussi bien que nous le devrions. Par conséquent, nous ne savons peut-être pas comment évaluer avec précision notre réussite.
    La tâche consiste à faire en sorte que les personnes corrigent leur comportement; 100 p. 100 d'entre elles devraient l'avoir fait à leur sortie. C'est un idéal; nous devrions nous efforcer de l'atteindre. Nous ne devrions pas relâcher nos efforts avant de nous être rapprochés le plus possible de ce but. Mais il vaut mieux savoir comment jauger les résultats avant de se mettre à établir des objectifs.
    Vous croyez que nous avons besoin d'allonger les peines parce que, à votre avis — ou peut-être avez-vous des données à l'appui —, les programmes de réadaptation ont besoin de plus de temps pour aider les détenus à surmonter des problèmes complexes.
    Les problèmes de certains détenus sont infiniment plus complexes que ceux des détenus d'il y a 30 ans, et la durée moyenne des peines est en baisse. Nous disposons de moins de temps qu'avant pour aider ces gens. Comment serait-il humainement possible d'assurer en trois ans la réadaptation d'une personne comme celle que j'ai décrite — soit quelqu'un qui a une huitième année, qui est inapte au travail et toxicomane et qui est aux prises avec de graves problèmes familiaux? C'est tout simplement impossible.
    Sur quels arguments vous fondez-vous, alors — ou peut-être y a-t-il des données à l'appui — pour démontrer que nous devons non pas améliorer la qualité des programmes de réadaptation, mais accroître leur durée?
    Ce pourrait bien être les deux, mais ce qu'il faut examiner, c'est le taux de réussite des programmes de réadaptation. S'il est possible de réadapter quelqu'un en trois ans, faites-le. Faites-le retourner dans la collectivité le plus tôt possible afin de prouver que cela est faisable.
    Ma question est la suivante: vous semblez alléguer que les peines doivent être allongées afin que les programmes de réadaptation puissent être efficaces, mais comment savez-vous que c'est leur durée et non leur qualité qui pose problème?
    Cela pourrait bien être les deux. Je dis que c'est leur réussite qui compte.
    À l'heure actuelle, nous n'avons pas... Dans le cas de certaines personnes, il n'est tout simplement pas possible de prendre les mesures qui s'imposent à l'intérieur d'un délai correspondant à la durée moyenne des peines, surtout lorsque cette durée est comprimée à cause — entre autres — des modalités relatives à la libération d'office ou à la libération conditionnelle qui, parfois, ont peu à voir avec le degré de réadaptation de la personne et bien plus avec le temps qu'il reste au mandat.
    Y a-t-il des données, provenant d'autres administrations où les peines ont été allongées, qui démontrent de façon systématique que, dans une certaine mesure, les programmes de réadaptation fonctionnent mieux grâce à cela?
    Il y a quelques années, les Britanniques ont lancé un programme visant à jauger la réussite de leurs pénitenciers et prisons en examinant le taux de réhabilitation — c'est-à-dire le taux de récidive — des personnes qui y ont été incarcérées. Cette initiative s'est avérée extrêmement efficace pour ce qui est d'inciter les établissements à s'assurer que chaque délinquant bénéficie de programmes adéquats.
    Pour répondre rapidement à votre question, je dirais que cibler les programmes est exactement ce qu'il faut faire lorsqu'on dispose de ressources limitées, pour s'assurer que chaque délinquant bénéficie des programmes dont il a besoin. Un programme donné n'est pas bénéfique pour tout le monde; les programmes doivent être remis en question et cibler des groupes précis. Les Britanniques ont lancé un tel programme, et leurs taux de récidive ont baissé.
    Merci beaucoup, monsieur Sampson.
    Merci, monsieur Hsu.

[Français]

    Madame Morin, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux d'abord vous remercier d'être ici aujourd'hui.
    Ma première question va porter principalement sur les drogues, mais également sur le tabac. Depuis plusieurs années, l'interdiction du tabac dans les établissements a transformé les cigarettes en monnaie d'échange. Cela a fait croître la contrebande de tabac et d'autres drogues, notamment tout ce qui peut entrer dans une prison.
    Ma question va peut-être sembler farfelue. Dans une optique de réduction des méfaits, si on considère que l'héroïne, le crack et le PCP sont des drogues beaucoup plus dommageables à court et à long terme que le tabac, la réintroduction du tabac à l'extérieur — et non à l'intérieur de la prison, pour ne pas nuire à la santé des détenus qui ne fument pas — pourrait-elle constituer une solution pour faire diminuer le trafic des autres drogues?
(1255)

[Traduction]

    Je m'excuse de reformuler votre question, mais est-ce bien la suivante: si le tabac était une substance autorisée dans les prisons, est-ce que cela diminuerait la valeur marchande des autres drogues ou des dommages qu'elles causent en milieu carcéral? Est-ce bien ce que vous demandez?

[Français]

    Ce n'est pas cela. On m'a dit que, depuis que le tabac était interdit dans les prisons, il servait de monnaie d'échange. Par conséquent, si le tabac était permis dans les prisons, y aurait-il moins de possibilités de monnaie d'échange contre d'autres drogues, qui peuvent être plus dommageables?

[Traduction]

    Oui, à mon avis, c'est probablement vrai. Tout ce qui devient une monnaie d'échange et un bien rare pourra faire l'objet d'échanges dans un contexte d'offre et de demande limitées. Donc, pour ce qui est de savoir si le tabac est dommageable, s'il s'agit d'une drogue et s'il devrait être interdit en prison, je ne ferai pas de commentaires, mais je pense que, si le tabac devenait facilement disponible, il cesserait d'être une monnaie d'échange contre d'autres drogues.

[Français]

    Un peu plus tôt, d'autres témoins ont fait des commentaires qui m'ont particulièrement troublés. Vous pourrez probablement y répondre. On parlait des fouilles à nu et on a dit qu'il y avait souvent des résultats faux positifs pour les visiteurs qui entrent dans les prisons. On dit que cela peut décourager les visiteurs à rendre visite à un membre de leur famille qui est en prison.
    On sait que le contact avec la famille et les visiteurs peut favoriser la réhabilitation de la personne. Y a-t-il des solutions possibles au problème posé par ces faux positifs qui découragent les familles et les visiteurs, et mettent en péril la réhabilitation sociale de certaines personnes incarcérées? Elles seraient plus susceptibles de récidiver.

[Traduction]

    Bien sûr, des faux positifs surviennent. Je crois qu'un des témoins précédents l'a mentionné. Si l'on touche à quelque chose dans une station-service, ce peut certainement être le cas. Personnellement, j'ai toujours été bien traitée lorsque je me suis rendue dans une prison, ce qui me fait dire que je suis peu soupçonnée de transporter des drogues ou d'autres objets interdits. Donc, s'il y avait un problème, je serais traitée avec courtoisie et on me donnerait le bénéfice du doute; peut-être que mon sac à main serait inspecté, par exemple, mais cela serait fait dans le respect de ma dignité.
    Je pense que la question se pose — et elle devrait peut-être l'être au sein de chaque prison — parce que les gens sont de simples gens, que les gardiens sont de simples gardiens et que les visiteurs sont de simples visiteurs et qu'ils peuvent perdre patience, par exemple. La clé, selon moi, c'est le respect de la dignité de chacun dans ces situations. À mon avis, c'est ça, la clé. Certes, il faut procéder à certaines vérifications. Il va y avoir des erreurs, mais je pense que la clé, c'est le respect de la dignité d'autrui dans ces situations ainsi que la formation connexe.
    Merci beaucoup.
    Passons très vite à la dernière question; puis, la parole ira de nouveau à M. Leef.
    Merci.
    Merci aux témoins d'être ici aujourd'hui.
    J'ai besoin d'une précision.
    La question s'adresse à vous, monsieur Sampson, compte tenu de votre expérience dans les centres correctionnels nationaux et internationaux. D'après ce que j'en sais, il y a toujours eu des objets autorisés et interdits en milieu correctionnel. D'après vous, est-ce que le tabac, même lorsqu'il était légal, était utilisé comme monnaie d'échange?
    Oui. C'était une forme de monnaie d'échange. Même les croustilles sont une forme de monnaie d'échange dans les prisons.
(1300)
    D'après vous, est-ce que la réintroduction du tabac dans les centres correctionnels, que ce soit dans les cours extérieures ou ailleurs, réduirait d'une façon ou d'une autre l'accès à des drogues dures ou les échanges réalisés pour en obtenir?
    Je n'en suis pas certain. J'aimerais connaître le point de vue de Don Head pour ce qui est de savoir s'il avait constaté que l'interdiction du tabac avait diminué la présence de drogues dans les établissements ou si elle avait eu d'autres retombées. À mon avis, cela n'a probablement pas changé grand-chose. Comme je l'ai dit, dans le système carcéral, même une tablette de chocolat ou un sac de croustilles constitue une monnaie d'échange. Les couteaux le sont aussi, au fait.
    Oui. Merci beaucoup.
    Je vais revenir rapidement à quelque chose que Mme Hoeppner a dit en ce qui concerne une approche correctionnelle fondée sur les droits. Dans les établissements pour jeunes délinquants, on utilise un système multiniveaux. Dans les établissements pour adultes, c'est différent. Ce système multiniveaux est en fait fondé sur des privilèges, sur ce que l'on gagne au fil de nos progrès, que ce soit par le truchement de programmes ou de changements comportementaux.
    D'après vous, pourquoi avons-nous utilisé une autre approche dans les établissements pour adultes? Serait-il possible de la réintégrer dans ces établissements?
    Je n'en suis pas certain, et oui.
    Des voix: Oh, oh!
    Vous voyez? Je garde les choses simples et claires pour tout le monde.
    Je n'ai pas d'autre question.
    Merci.
    Notre temps est écoulé. Merci à tous de votre présence.
    Monsieur Sampson, merci de votre travail antérieur à cet égard ainsi que de votre présence aujourd'hui. Nous avons hâte que le rapport soit distribué.
    À l'organisation Prison Fellowship, merci. Nous vous encourageons à continuer votre bon travail. J'aimerais un jour discuter avec vous de l'importance d'adopter une approche globale, question d'aborder quelques-uns des autres enjeux que vous examinez.
    Merci beaucoup.
    Nous serons de retour jeudi. La séance est levée.
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