Passer au contenu

TRAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités


NUMÉRO 034 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 3 mai 2012

[Enregistrement électronique]

(0850)

[Traduction]

    Bonjour à tous et soyez les bienvenus à la 34e réunion du Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités. Conformément au paragraphe 108(2), nous procédons à l'étude de technologies de transport novatrices.
    Nous accueillons aujourd'hui M. Stephen Quick, directeur général, et M. Rénald Fortier, conservateur, du Musée de l'aviation et de l'espace du Canada. Soyez les bienvenus.
    Je crois comprendre que vous connaissez le processus. Nous allons vous donner la parole pour faire vos exposés et ensuite, nous allons passer aux questions des membres du comité; veuillez commencer, s'il vous plaît.

[Français]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés et monsieur le secrétaire parlementaire, au nom des membres de notre conseil d'administration, de son président, M. Gary Polonsky, et de notre PDG, Mme Denise Amyot, permettez-moi de vous remercier de nous recevoir aujourd'hui et de nous donner l'occasion de vous présenter nos idées.

[Traduction]

    Permettez-moi d'abord de vous donner un bref aperçu de ce que nous sommes et de ce que nous faisons. Je serai bref.
    La vision de la Société des musées de sciences et technologies du Canada est de sensibiliser tous les Canadiens à leur passé, à leur présent et à leur avenir scientifiques et technologiques.

[Français]

    La Société des musées de sciences et technologies du Canada gouverne les trois musées nationaux qui détiennent, au Canada, la plus riche collection représentative des accomplissements canadiens en matière de science, de technologie et d'innovation. Ces musées sont le Musée des sciences et de la technologie du Canada, le Musée de l'agriculture du Canada ainsi que le Musée de l'aviation et de l'espace du Canada.

[Traduction]

    Nous sommes ici aujourd'hui pour vous donner un aperçu de ce que l'histoire nous enseigne au sujet de la contribution du secteur public aux innovations dans le transport et, en particulier, dans le domaine de l'aviation au Canada.
    Vous serez peut-être intéressés d'apprendre que nous avons entrepris une initiative échelonnée sur six ans en littératie en énergie intitulée Parlons énergie: Idées d'avenir pour le Canada. L'initiative vise à aider les Canadiens à avoir une meilleure connaissance des questions énergétiques auxquelles fait face notre pays et à comprendre la science sous-jacente. Nous avons mobilisé la capacité créative de trois musées de la société pour présenter trois expositions majeures sur ce thème et nous avons obtenu, jusqu'ici, la participation de 24 centres des sciences et musées partout au Canada pour sensibiliser les Canadiens sur ce thème.
    Nous sommes vivement intéressés à présenter les innovations technologiques qui aideront notre pays à devenir un chef de file mondial dans la production et la consommation d'énergie durable et, en particulier, ce qui intéressera le présent comité et c'est pourquoi j'en parle, dans les transports, l'infrastructure et les collectivités.
    La technologie, l'innovation, l'énergie et la durabilité sont les quatre grands axes de l'avenir pour notre pays et nos musées se sont engagés non seulement à sensibiliser les Canadiens à leur héritage, mais également à fournir l'incubateur pour la naissance des innovations qui assureront notre avenir. En tant que musées, notre domaine de compétence est la science et la technologie. Les innovations dans le transport comptent pour beaucoup dans notre collection, et elles sont mises en évidence par le biais de nos expositions et de nos programmes. Plus particulièrement, ces derniers portent sur de nouveaux matériaux composites et sur des techniques touchant les biocarburants, les bioplastiques et les biocultures.
    Je désire féliciter le comité de s'être engagé dans cette étude. La Société des musées de sciences et technologies du Canada peut compter sur des conservateurs; nous sommes accompagnés aujourd'hui de M. Rénald Fortier. Ces conservateurs veillent sur les collections portant sur les modes de transport maritime, ferroviaire et terrestre, ainsi que sur l'aviation — qui est notre domaine — et ces derniers pourraient être à votre disposition pour répondre aux questions portant sur ces domaines de préoccupation au cours des réunions futures.
    Je demanderai à M. Rénald Fortier, notre conservateur en chef pour l'aviation, de présenter une perspective historique de l'aviation au Canada et de l'importance de la contribution du secteur public canadien à l'innovation dans cette industrie. Il concentrera ses observations sur diverses périodes de manière à leur donner une structure et un contexte contemporain. Vous verrez que le succès dans une industrie de haute technologie comme l'aviation dépend de l'adoption d'une approche holistique à l'environnement qui l'appuie et qui le nourrit. De manière réaliste, cela n'est pas faisable au moyen des seules ressources du secteur privé. Cet environnement est appuyé par un certain nombre d'éléments clés, à savoir l'éducation, la recherche, la formation, l'infrastructure et, certainement, la politique publique, l'appui pour les marchés nationaux et étrangers et la rétention active de l'expertise, qui est un élément absolument capital compte tenu des hauts et des bas du marché en ce qui a trait aux conditions contradictoires de la vente et de l'exploitation.
    La continuité est d'une importance primordiale pour le succès compte tenu des périodes de gestation plus longues dans le cas de tels produits de haute technologie, et de la fragilité de l'infrastructure et des marchés qui les sous-tendent. À titre de musée national, le Musée de l'aviation et de l'espace du Canada s'efforce de faire partie intégrante de cette infrastructure par le biais de la création d'un campus créatif qui servira d'incubateur pour générer des solutions novatrices aux problèmes auxquels fait face l'industrie et en présentant non seulement son histoire, mais également son avenir. Nous faisons partie de la chaîne d'approvisionnement.
    Un aperçu historique est important pour mieux comprendre où les investissements dans cet environnement holistique et dans cette infrastructure sont nécessaires, et c'est ici que je vais céder la place à M. Rénald Fortier.
    Merci.
    Il y a différentes façons d'aborder l'histoire de l'aviation, surtout du point de vue de l'innovation et de la technologie. Très rapidement, chaque période de l'histoire peut être utilisée pour en souligner et en illustrer certains aspects.
    Par exemple, au début de l'aviation, vers 1903 à 1914, où les premiers avions ont pris leur envol, les conditions étaient à peu près les mêmes pour tout le monde. Personne n'avait d'expérience dans la construction et la conception des avions. Presque tout le monde partait de zéro. On pourrait prétendre que c'est la même situation qui existe maintenant dans le cas, par exemple, des biocarburants.
    Tout le monde part de rien; alors, l'histoire peut, je dirais, apporter des leçons ou peut illustrer le fait que les différentes technologies apparaissent à différents moments et, dans certains cas, tout débute à partir de rien et du même niveau fondamental.
    Avant 1914, très peu de gens connaissaient l'existence de l'aviation ici. Durant la Grande Guerre, les Britanniques ont mis sur pied une entreprise de fabrication d'avions dans le sud de l'Ontario pour fournir des avions d'entraînement, pour alimenter les écoles de pilotage au Canada et pour assurer la formation des pilotes en vue du service outre-mer.
    Avec la fin de la guerre, l'entreprise a pour ainsi dire disparu. Il n'y avait pas de marché ici. Après la guerre, il n'y avait pas de marché militaire et, du côté civil, il n'y avait pas grand-chose non plus.
    Dans l'entre-deux-guerres, vous avez une renaissance — la deuxième phase de l'industrie de l'aviation. Le gouvernement fédéral — il y avait une armée de l'air — voulait remplacer les vieux appareils reçus des Britanniques. Par conséquent, il a été décidé de mettre sur pied un noyau pour la fabrication d'avions au Canada.
    Il a choisi la Canadian Vickers de Montréal pour concevoir une série d'appareils pour l'armée de l'air, mais pas pour des rôles de combat. On lui a demandé de fournir des avions, de conception canadienne, pour le développement des ressources — par exemple, les patrouilles forestières et la cartographie aérienne — parce que l'armée de l'air savait que de toute façon, elle ne serait pas en mesure d'obtenir beaucoup d'argent, et beaucoup d'argent pour un avion de combat.
    Alors, il a été décidé de se procurer un avion qui pouvait être utilisé par les autorités civiles pour le développement des ressources. C'était là le rôle de l'armée de l'air pendant une grande partie de l'entre-deux-guerres jusqu'à ce qu'un réarmement ait lieu au milieu des années 1930 en raison des tensions observées en Europe. Encore une fois, cette politique visant à développer une industrie n'était pas quelque chose qui venait du gouvernement lui-même, mais quelque chose qui lui était imposé de l'extérieur.
    Il y avait des tensions. Le gouvernement savait que quelque chose pouvait arriver; alors, la prudence nous a permis de nous réarmer lentement, en fonction de nos ressources. On a commandé la production d'avions au Canada. Grosso modo, il s'agissait de modèles britanniques parce qu'à l'époque, l'aviation royale canadienne était étroitement alignée sur la Royal Air Force, pour ce qui est des appareils d'entraînement et de combat.
    Si vous regardez, par exemple, les exploitants civils, la situation était assez différente. Ces derniers utilisaient principalement des avions américains, certains appelés des avions de brousse, de petits avions munis de flotteurs ou de skis qui se rendaient partout au Canada. C'est de cette façon que certaines entreprises sont venues s'installer au Canada, afin de construire des avions pour le marché canadien.
    Ces entreprises ont découvert qu'il y avait un marché au Canada. Plutôt que d'importer au pays et de payer des tarifs douaniers et des taxes, elles ont décidé de construire des avions ici même. C'est pourquoi un certain nombre d'entreprises ont été créées à la fin des années 1920, pour répondre aux besoins de ce marché, et aussi pour répondre aux besoins d'un autre marché, qui a également été développé par le gouvernement du Canada, à savoir celui des clubs de pilotage.
    Les clubs de pilotage ont été créés par le gouvernement fédéral comme des écoles qui pouvaient former des pilotes dont on pourra utiliser les services en cas d'urgence. Évidemment, ces avions pouvaient être soit fabriqués soit assemblés au Canada. Vous avez des entreprises comme de Havilland Aircraft of Canada, qui a été créée pour fournir des avions aux clubs de pilotage.
    De plus, vous aviez la poste aérienne. Cette dernière fonctionnait très bien. Vous aviez les trains qui pouvaient transporter le courrier d'un bout à l'autre du pays d'une façon très satisfaisante, mais des subventions ont été accordées aux exploitants d'avions de brousse en difficulté pour transporter le courrier dans les régions éloignées où il n'y avait pas de train et où le courrier pouvait mettre du temps à se rendre. Le gouvernement a utilisé ce moyen pour aider les exploitants — parce qu'ils avaient de la difficulté à survivre et qu'ils faisaient très peu des profits, si jamais ils en faisaient; les subventions postales leur ont été très utiles. Elles leur ont permis de survivre d'une année à l'autre, parce qu'à cette époque, et jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale, il était très difficile de boucler les fins de mois dans ce secteur d'activité au Canada. La fin de l'année était très difficile. Il y avait beaucoup de roulement et de va-et-vient au sein des entreprises.
    Vous avez ensuite le réarmement pour l'armée de l'air, comme je l'ai dit, surtout des appareils britanniques pour le service ici. Les Britanniques ont également offert des contrats aux fabricants canadiens pour aider à bâtir un potentiel au Canada pour la construction d'appareils de combat qui seraient utilisés par les Britanniques à l'extérieur du Canada.
    Telle était la situation en 1939; on parlait de moins de 4 000 employés dans environ huit entreprises. L'industrie était de petite taille, avec des commandes de 300 appareils sur une période, disons, de quatre ans, ce qui correspond à environ 75 appareils par année. Et vous avez environ huit fabricants d'avions.
(0855)
    Le nombre d'avions construits par année était infime. L'industrie avait du mal à arriver. C'est alors que la Deuxième Guerre mondiale a éclaté. Les contrats militaires se sont multipliés. Avec la chute de la France au printemps de 1940, l'enfer s'est déchaîné, si je peux utiliser l'expression.
    À ce moment-là, les budgets militaires ont connu une ascension vertigineuse. Il fallait faire quelque chose. Nous devions produire beaucoup plus d'avions. La situation était urgente. De 1939 jusqu'à la mi-1940, on a connu une période que l'on a appelé la drôle de guerre: c'était la guerre, mais cela ne changeait pas vraiment grand-chose. Toutefois, il y avait le plan de formation du Commonwealth britannique. Il s'agissait de l'une des grandes réalisations du Canada durant la Deuxième Guerre mondiale. En 1939, il y avait un noyau d'établissements d'entraînement pour l'armée de l'air. Au milieu de la guerre, on dénombrait une centaine de bases et plus de 100 écoles de pilotage, sans compter les terrains d'aviation additionnels pour les situations d'urgence ainsi que les routes, les réseaux, les tours de contrôle, l'équipement et les avions.
    À la fin de la guerre, le Canada avait assuré la formation de quelque chose comme 125 000 membres d'équipage. On parle de mitrailleurs, d'opérateurs radio, de pilotes, tout l'éventail. Il s'agissait autant de pilotes de chasse que de membres d'équipage de bombardiers destinés surtout à servir outre-mer, mais également pour la défense locale. C'est beaucoup de monde — 125 000 personnes. Mon calcul personnel, c'est qu'il s'agissait probablement d'un équipage aérien sur huit formé durant la guerre du côté allié.
    Cela a eu un effet énorme sur l'entraînement des pilotes. La fabrication d'avions a été assez modeste — environ 16 000 appareils. Vous pouvez penser que 16 000, c'est beaucoup, mais plus de 800 000 appareils ont été construits durant la Deuxième Guerre mondiale. Du point de vue de la construction d'avions, le Canada n'a pas joué un rôle si important. Par contre, du point de vue de la formation, le Canada a joué un rôle très important. Il s'agissait d'un effort de construction massif, un projet d'infrastructure. En 1939, lorsque cette entente a été conclue, il n'y avait rien. Quelques années plus tard, 100 écoles fonctionnaient sept jours par semaine. C'était une réalisation de très grande envergure.
    Vers la fin de la guerre, le gouvernement a pris conscience que la guerre prendrait fin et que nous pourrions la gagner. Les choses s'annonçaient très bien. Il a décidé de prendre des mesures pour éviter l'effondrement de l'industrie à la fin de la guerre, comme c'était arrivé en 1918-1919. En 1944, l'industrie comptait environ 120 000 employés dont environ 30 000 femmes. Leur nombre avait commencé à diminuer. Je pense que le gouvernement espérait que si la guerre se poursuivait jusqu'en 1946, leur nombre aurait diminué de manière importante, de sorte que le nombre de licenciements n'aurait pas été trop élevé. Il aurait été en mesure de gérer cette question et d'avoir une sorte de noyau d'industrie. Les grands fabricants survivraient et recevraient l'aide du gouvernement grâce à des contrats après la guerre. Mais la guerre a pris fin de manière inattendue au mois d'août 1945. Environ 80 000 emplois ont disparu, la plupart par suite de licenciements. Les contrats ont été annulés. Il n'y avait plus de contrats militaires; alors, ce n'était pas une période réjouissante pour l'industrie.
    Au cours des premières années de l'après-guerre, il y a eu la production d'avions de ligne comme le Canadair. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement voulait conserver les grands fabricants, du moins sous forme de noyau. L'un d'eux était Canadair, qui fait maintenant partie de Bombardier à Montréal. Vous aviez de Havilland Aircraft Company à Toronto, qui fait aussi partie maintenant de l'empire Bombardier. Vous aviez Avro. De ces trois entreprises, deux appartenaient à des intérêts britanniques — Avro et de Havilland. Le troisième est devenu une propriété américaine — Canadair.
    Au cours des premières années de l'après-guerre, il y a eu la production d'avions de ligne. La guerre était terminée et il nous fallait développer quelque chose. L'armée de l'air avait besoin de transport. La société aérienne TCA — Air Canada — avait besoin d'avions de transport. Il y avait des projets et des innovations de haute technologie. Le premier avion de ligne à réaction à voler en Amérique du Nord était canadien. Il a été fabriqué par Avro Canada. En fait, c'était le deuxième dans le monde. Il y avait certainement de l'innovation là. Quant à la production d'avions à réaction, il y avait peu d'expérience puisqu'on partait de zéro. On ne savait pas si le Canada serait en mesure de faire concurrence aux autres pays dans le développement de cette nouvelle technologie.
    Ensuite, ce fut la guerre de Corée. Les avions de lignes ont été mis de côté pour produire des avions de combat pour la guerre froide. Il y a eu de fortes augmentations des dépenses du gouvernement pour la défense. Canadair a reçu des commandes très importantes, tout comme de Havilland. Tous les fabricants produisaient à plein régime, en utilisant les usines qui avaient été construites durant la Deuxième Guerre mondiale par le gouvernement fédéral. Ils ont utilisé des machines-outils qui, dans certains cas, dataient de la Deuxième Guerre mondiale. Elles avaient été payées par Ottawa parce que l'industrie n'avait ni le temps, ni l'argent, ni les ressources pour construire des usines et obtenir des machines-outils. Le gouvernement fédéral est allé voir les fabricants américains et leur a fait part de ses besoins. Il a obtenu les outils et les a répartis dans toute l'industrie.
    Durant la guerre froide, il y a eu du développement et de la production à très grande échelle. La capacité de production était si élevée que le gouvernement a pu se permettre de faire don de quelques 900 appareils à des pays de l'OTAN plus petits qui avaient de la difficulté parce qu'ils avaient été ravagés durant la guerre.
(0900)
    Le Canada était un gros joueur dans le domaine de la fabrication d'avions, soit en fabriquant des avions étrangers sous licence, surtout des appareils américains, soit en concevant et en fabricant ses propres appareils. Il y en avait une grande variété, certains étant de technologie assez rudimentaire, comme les avions de brousse. De Havilland a continué de fabriquer des avions de brousse pendant les années 1940, 1950 et 1960, les exportant partout dans le monde. Parmi les trois grands fabricants, c'était probablement celui qui était le plus indépendant. Il exportait la plupart de ses avions.
    C'est un aspect très important de la fabrication d'avions canadienne. Grosso modo, le marché interne était trop petit. À moins d'un gros budget militaire, comme en temps de guerre ou la fin de la guerre froide, le marché national n'est pas suffisamment grand; vous devez exporter. Qu'il s'agisse de moteurs d'avions ou de composantes, vous devez exporter, ce qui veut dire que vous avez besoin de produits qui sont exportables.
     Les avions de brousse, comme le Beaver, en sont un exemple. Un avion de brousse est l'équivalent d'une camionnette avec des ailes. Tout le monde peut utiliser une camionnette. On les exportait comme des petits pains chauds partout dans le monde.
    L'avion de combat s'adresse à un marché plus spécialisé. Si vous concevez votre propre avion — encore une fois, le coût de conception était tel qu'à la fin des années 1950, le Canada avait un peu trop investi à ce chapitre. Nous tentions de construire et de concevoir une variété d'avions. Le coût de conception d'un avion était très élevé et les produire coûtait également très cher; alors, nous nous sommes heurtés à un mur.
    Le Canada devait prendre conscience que les réalités étaient telles que des avions à haute performance… Nous avons dû nous spécialiser. Nous avons dû réduire, diversifier, bâtir ce que nous pouvions sous licence ou concevoir ce que nous pouvions concevoir, de manière à exporter ces avions. Ce point tournant se situe à la fin des années 1950 et au début des années 1960, et je peux terminer cela très rapidement.
    Au début des années 1960, l'Avro Arrow a été annulé. Avro Canada a cessé de fabriquer des avions. La production de moteurs s'est poursuivie, sans que l'on continue de concevoir de nouveaux moteurs. L'entreprise fabriquait des moteurs pour d'autres. De Havilland Canada a perdu son principal client, qui était l'armée américaine. De Havilland exportait principalement à l'armée américaine et non aux forces armées canadiennes. Au milieu des années 1960, elle a perdu ce contrat, pour des raisons que je pourrai expliquer si vous avez des questions.
    Canadair se portait relativement bien. Mais encore une fois, le budget de la défense a diminué; alors, il y a eu un point tournant au milieu des années 1960. Cependant, Pratt & Whitney Canada commençait son ascension au firmament et, au milieu des années 1970, Canadair et de Havilland Canada étaient toutes les deux en difficulté. Le gouvernement fédéral a acheté les deux entreprises et a fini par les vendre à Bombardier.
    Nous avions une concentration de l'industrie aéronautique. Avro avait disparu. Alors, nous avions un fabricant d'avions, un fabricant principal de moteurs — Pratt & Whitney Canada — et beaucoup d'expertise dans d'autres domaines, comme les simulateurs, par exemple.
    J'ai probablement dépassé le temps qui m'était accordé. Je m'en excuse. Bref, il s'agit d'une des plus grandes industries d'aviation dans le monde et d'une des principales industries d'exportation au Canada. On parle de produits de haute technologie qui procurent des emplois bien rémunérés.
    C'est l'avenir, en ce sens qu'il y a de grandes possibilités en ce qui concerne de nouveaux appareils, de nouveaux moteurs, des simulateurs… Il se fait de la recherche sur les biocarburants et sur les carburants de remplacement. Il existe un bon potentiel ici, mais pour pouvoir continuer dans cette voie, l'industrie aura besoin de nouveaux produits.
    Il y a différentes façons d'aider l'industrie. Le gouvernement devrait faire partie de la solution et il en a fait partie depuis les premiers jours.
    Je vais maintenant me taire. Merci.
(0905)
    Merci beaucoup.
    Madame Chow.
    Quel rôle croyez-vous que le gouvernement devrait jouer à l'heure actuelle? Je sais que vous vous occupez d'histoire, mais quels sont certains des défis auxquels est confrontées l'industrie de l'aviation?
    Vous avez la recherche et l'éducation, par exemple. Il y a un certain nombre d'écoles au Canada qui enseignent le génie aérospatial. Vous devez aider la recherche; par conséquent, vous avez besoin de chercheurs — le CNRC, par exemple. Ils ont besoin d'équipement de manière à mener cette recherche de pointe; alors, il s'agit de renouveler l'équipement.
    Il y a l'idée également d'amener les divers paliers de gouvernement — municipal, provincial, national, international, également — à ramer dans la même direction, si vous me passez l'expression.
    Vous ne voulez pas de doublement. Vous ne voulez pas de conflit lorsque vous essayez d'aider l'industrie à exporter. C'est un objectif principal. Vous devez développer l'avion et le vendre, alors, avoir le gouvernement…
    Par exemple, si le gouvernement du Québec veut aider Bombardier à vendre ses avions, c'est bien. Est-ce que le gouvernement fédéral veut faire la même chose dans les mêmes endroits? Il pourrait vouloir aller ailleurs, de manière à couvrir le plus d'endroits possibles pour vendre l'avion.
    Par exemple, Bombardier travaille avec le gouvernement fédéral en Chine, à Shanghai, et ailleurs, où il tente de vendre l'avion, parce que le gouvernement chinois est en train de construire un grand nombre d'aéroports en ce moment et que l'industrie prend son envol là-bas.
    Mais au-delà de ce que nous faisons déjà, savez-vous quoi d'autre le gouvernement fédéral pourrait faire, surtout en lien avec Transports Canada, pas nécessairement avec Industrie et Commerce, parce qu'il s'agit ici du comité des transports. Y a-t-il des problèmes ou des obstacles législatifs qui empêchent les scientifiques d'amener un produit sur le marché ou existe-t-il des règlements qui rendent cela plus difficile?
(0910)
    Je dois dire qu'à titre d'historien, j'ai tendance à être un peu plus intéressé par le passé que par l'avenir, bien que notre société nous ait demandé d'être beaucoup plus ouverts sur la question du présent et de l'avenir. L'exposition que nous avons maintenant sur l'énergie porte sur de nouveaux matériaux, alors, j'en ai appris beaucoup sur la recherche qui se fait au CNRC, par exemple.
    Mais en ce qui concerne Transports Canada, Nav Canada est certainement un aspect assez important. Elle a une grande expertise en gestion du trafic aérien et il faudrait lui donner un coup de pouce. En termes de matériel, le logiciel qu'elle utilise peut être exporté. Encore une fois, cela les aide à tabler sur ce succès, à concevoir plus de logiciels, à améliorer la gestion du trafic aérien, parce que c'est un aspect important.
    L'idée du transport dépasse largement l'avion. L'avion joue un rôle au niveau de l'efficacité, tout comme le font les aéroports. La gestion du trafic aérien est un élément crucial parce que si vous pouvez empiler plus d'avions dans le même volume parce que vous savez précisément où ils se trouvent, vous pouvez accroître l'efficacité et réduire la consommation. Alors, Nav Canada joue un rôle extraordinaire. Les aider autant que possible, étant donné les contraintes budgétaires, pourrait être difficile.
    Si une erreur a été commise par les gouvernements antérieurs, historiquement — soit qu'ils n'ont pas mis de barrières soit qu'ils ne sont pas intervenus au bon moment — quelle serait-elle? Quelle leçon particulière devrions nous tirer? Est-ce de ne pas intervenir ou de ne pas prendre la bonne décision?
    Il y a tellement de cas. Dans certains cas, la bonne décision… C'est difficile. Vous faites de votre mieux à ce moment-là.
    Mais, à mon avis, un des éléments principaux, c'est la continuité. Vous soulevez les difficultés, vous voulez offrir votre aide et vous consultez de manière aussi large que possible avec les provinces — et à l'échelle internationale, si vous devez le faire — et vous élaborez des politiques et des directives. Une fois que vous avez décidé ce qu'elles seront, respecter les autant que possible.
    Du point de vue de l'efficacité, assurer la continuité et le fait de ne pas changer d'idée seraient très utiles pour l'industrie.
    Alors, la cohérence, avoir un plan, avoir une politique qui est verrouillée pendant 10 ou 20 ans, c'est important.
    Un verrouillage partiel serait bon. L'idée, c'est d'avoir — et de pouvoir la changer au besoin — une ligne directrice quelconque et d'avoir une orientation de manière que tout le monde rame dans la même direction. Cela pourrait être difficile dans un État fédéral, surtout en ce qui a trait aux affaires internationales également qui entrent en conflit. Mais l'idée de continuité est très utile parce que de nos jours, développer un avion de la Série C, par exemple, demande des années. Développer quoi que ce soit demande des années; alors, si vous avez des changements de politique en cours de route, c'est très difficile.
    Si vous avez de gros changements, comme ce qui est arrivé dans le cas du Concorde, par exemple — c'est peut être en dehors du sujet, mais le Concorde était une idée merveilleuse, un avion de ligne supersonique. Tout le monde allait voyager à bord d'un avion supersonique dans les années 1970 et 1980. Vous avez eu la question de la pollution atmosphérique, du bang supersonique au-dessus des continents, du coût du carburant et la crise du pétrole. Cela semblait être une idée merveilleuse et elle s'est heurtée à un mur.
    Alors, vous ne pouvez dire d'avance ce qui arrivera, mais l'idée de flexibilité, avec l'idée d'avoir une orientation, c'est très important.
    À votre avis, au cours de la période, disons, des 30 ou 40 dernières années, est-ce que le gouvernement canadien a eu le genre de politique qui permettait d'orienter l'industrie?
    Certainement qu'il y a eu des efforts. Dans certains cas, c'étaient des efforts par réaction. Lorsque le gouvernement a pris le contrôle de Canadair et de de Havilland — dans un certain sens, il n'avait pas beaucoup le choix, les entreprises auraient fait faillite —, il s'agissait de politiques par réaction, qui ont été très bonnes dans ce cas. Cela a appuyé l'industrie et l'a aidée et, un jour, Bombardier a pris la relève et il s'agit maintenant d'une des plus grandes industries aérospatiales dans le monde.
    C'est un très bon exemple d'entreprise au bord du gouffre que vient appuyer pendant un certain temps le gouvernement fédéral. Ensuite, parce que ces entreprises ont pu poursuivre leurs activités, Bombardier peut arriver et…
    Mais vous devez avoir de bons produits. Appuyer une entreprise ou une industrie qui tourne en rond peut ne pas être très utile.
    Dans ce cas, l'industrie était forte, les gens étaient bien formés et les usines étaient bien équipées. Ils avaient un produit, le Challenger, et plus tard, le jet régional et de Havilland avait le Dash 8, et ces produits étaient de très haute qualité.
    Sauver ces avions, en permettant au travail de commencer, cela a été un grand succès. Mais vous devez avoir les produits pour pouvoir justifier le sauvetage d'une industrie. Si vous n'avez pas les produits, il n'y a pas beaucoup d'intérêt à le faire.
(0915)
    Merci.
    Madame Murray, soyez la bienvenue.
    Merci beaucoup de vos exposés. C'était un exploit extraordinaire: l'histoire de l'aviation du Canada en 10 minutes.
    Des voix: Oh, oh!
    Mme Joyce Murray: Monsieur Quick, vous avez dit que le mandat de votre organisme était l'éducation en sciences et en énergie, avec les thèmes clés de la technologie, de l'innovation et de la durabilité énergétique.
    J'ai participé à un petit déjeuner ce matin avec M. Steve Larter, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en géologie du pétrole à l'Université de Calgary et directeur scientifique des Réseaux de centres d'excellence du Canada pour la gestion de carbone. Il disait — cela ne concerne pas directement l'aviation, mais le transport et les carburants pour le transport — que notre industrie pétrolière et gazière présentait un faible taux d'innovation et d'investissement comparativement à d'autres secteurs. Il disait également qu'il n'y a pas vraiment eu d'innovation révolutionnaire depuis la méthode DGMV faisant appel à la vapeur pour séparer le pétrole. Son point de vue, c'est que la révolution biotechnologique sera une façon de pouvoir réduire les gaz à effet de serre et de réaliser certains des objectifs de durabilité — la réduction de moitié des gaz à effet de serre — dans nos carburants utilisés pour le transport.
    Ce qu'il disait, c'est que l'industrie ne fera pas ces investissements dans l'innovation à moins que la politique publique l'appuie. Je pense que l'élément clé, à son point de vue, c'est que nous n'avons pas de tarification du carbone pour pousser l'industrie à se tourner vers l'innovation pour décarboniser notre économie et nos carburants, y compris ceux qui sont utilisés pour le transport.
    Je me demandais simplement si vous aviez des observations à faire sur la notion de tarification du carbone en termes de moteur de l'innovation — mais je comprends que le carburant d'aviation est un carburant à indice d'octane plus élevé et qu'il ne se prête pas à des choses comme l'utilisation du gaz naturel. Mais vous avez vous-même parlé de bioénergie.
    Pouvez-vous faire des observations sur cette question?
    Encore une fois, tous les deux, nous sommes plus à l'aise avec des choses qui ont des ailes, mais en ce qui concerne le carburant qui est consommé, je sais que Porter et Bombardier ont fait voler un de leurs avions Q400 de Toronto à Ottawa avec un des moteurs alimenté exclusivement par un biocarburant. C'était la première fois qu'ils faisaient voler un avion de ligne commercial en service régulier avec un biocarburant.
    Un des facteurs clés pour les transporteurs aériens, c'est le coût du carburant. Ce facteur est une question de vie ou de mort pour eux, absolument. Parce qu'il s'agit d'un produit de consommation et que personne ne veut payer trop cher pour voler ou payer trop de taxes de carbone, le prix est fondé…
    Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]
    Des voix: Oh, oh!
    M. Stephen Quick: Encore une fois, une grande partie de l'industrie est fonction de la consommation, certainement en termes d'infrastructure de transport.
    Nous discutions l'autre jour de certains des nouveaux modèles qu'ils sont en train de développer. Il s'agit essentiellement d'une aile solide dans laquelle les passagers sont intégrés. Vous auriez un écran devant vous qui vous montrerait l'extérieur, mais il n'y aurait pas de fenêtres.
    Les consommateurs n'accepteraient pas cela. C'est une conception qui existe depuis environ 1910. C'est un concept extrêmement efficace, mais encore une fois, il s'agit d'une industrie de consommation. Mon seul commentaire serait que de toute évidence, pour les transporteurs, il serait très important que le prix soit bon pour eux.
    Ce qui est bien au sujet de l'industrie de l'aviation, c'est qu'il s'agit d'une sorte de circuit fermé. C'est un merveilleux endroit pour tester les biocarburants, parce qu'il s'agit d'un marché captif. L'infrastructure qui l'appui est également un marché captif. Vous ne partez pas, en fait, à la recherche du consommateur moyen en termes de consommation. Les compagnies aériennes savent ce qu'elles recherchent. Il s'agit d'un circuit fermé en termes d'infrastructures pour la prestation et la production.
    Alors, ce serait une bonne idée. Le problème, c'est qu'il s'agit d'un carburant à indice d'octane plus élevé et un carburant très spécialisé. Lorsqu'il est question de biocarburants, il sera intéressant de voir qui exactement fera la queue pour avoir des biocarburants. Il y en aura une quantité limitée et à l'heure actuelle, la plus grande partie de notre transport se fait par route et par rail, alors…
(0920)
    Merci, mais je voulais seulement…
    M. Rénald Fortier: Puis-je ajouter quelque chose?
    Mme Joyce Murray: Certainement.
    Il se fait une certaine recherche sur les biocarburants au Canada, parce que certaines des plantes qui seront utilisées à cette fin poussent ici. J'ai complètement oublié le nom de ces plantes, mais elles sont de la famille de la moutarde. Vous prenez les graines — Camelina et Brassica, je pense — qui peuvent servir à cette fin. Il se fait de la recherche au Canada. En fait, je crois que certains vols de Porter utilisent du carburant qui a été produit à partir de plantes qui ont poussé au Canada. On peut également utiliser des algues, alors, l'idée des biocarburants est certainement ancrée chez nous.
    Le coût sera énorme, mais c'est une planification en quelque sorte pour passer par dessus… L'idée n'est pas de produire 100 p. 100 du carburant nécessaire pour les avions en utilisant des plantes. L'idée est d'en augmenter graduellement le pourcentage. Il faudra vraisemblablement de l'argent du gouvernement en quelque part, soit au Canada soit aux États-Unis, si ce n'est ailleurs, pour mettre les choses en branle. Ensuite, vous pouvez également utiliser des carburants synthétiques, qui ne sont pas biologiques de nature, n'importe quel carburant tiré du charbon, du gaz naturel ou du méthane. Il existe une variété d'hydrocarbures qui peuvent être utilisés à cette fin.
    Excusez-moi, je suis désolé, mais je vais utiliser mon temps pour une autre question.
    Il y a d'autres pays qui tiennent compte du coût de la pollution et du carbone dans leur coût énergétique, alors, il y a dans ces pays une plus grande motivation au sein de l'industrie pour entreprendre ce genre d'innovation et consacrer les investissements importants afin de révolutionner leurs produits. Voyez-vous cela comme étant un obstacle possible au fait que le Canada continue d'avoir une industrie de pointe dans des domaines comme le transport, les carburants destinés au transport, l'innovation? L'aviation devra résoudre ses problèmes d'émission des gaz à effet de serre. Cela ferait-il en sorte qu'il sera plus difficile pour le Canada d'avoir un avantage concurrentiel dans ces domaines — que notre industrie pétrolière soit subventionnée et qu'il y ait très peu de tarification du carbone?
    Si vous le permettez, l'aviation commerciale a un effet relativement modeste à l'heure actuelle. Je pense qu'il se situe autour de 3 ou 4 p. 100 des émissions mondiales. Le problème, c'est que si vous augmentez le nombre d'avions, alors, les attentes, les espoirs, les prévisions sont que le nombre de transporteurs aériens doublera au cours des 20 prochaines années en raison du développement de marchés comme ceux de l'Inde et de la Chine, parce que vous avez une classe moyenne qui désire voyager, qui veut faire des choses. Le nombre d'avions augmentera; alors, la quantité potentielle de monoxyde de carbone et d'autres polluants doublera de 3 à 6 p. 100. Il s'agit d'une augmentation, mais elle reste relativement modeste. C'est une quantité énorme, mais c'est relativement peu comparativement au reste. Si cela aura un effet ou non… Eh bien, il y aura un certain effet.
    Pour ce qui est de nuire aux exportations, parce que nous exportons principalement nos avions; nous n'utilisons pas autant d'appareils que nous en fabriquons. Voilà la différence. C'est un assez faible pourcentage — c'est difficile à dire. J'ai le sentiment que cela n'aura probablement pas un effet trop important parce que si vous regardez le nouveau appareil de Bombardier de la série C, il a été conçu pour être peu énergivore, parce que c'est bon pour l'industrie.
    Il y a deux aspects ici. L'industrie est consciente qu'elle doit offrir des appareils peu énergivores pour pouvoir vendre les avions et les utiliser. C'est également très bon pour elle du point de vue des relations publiques, si je peux utiliser l'expression, d'avoir un appareil plus vert. Cela la fait bien paraître et tout le monde veut cela; alors, c'est une situation gagnant-gagnant. Elle veut des appareils moins énergivores parce qu'ils coûtent moins cher et elle veut des appareils plus verts parce que cela la fait bien paraître. Les appareils de la série C sortent gagnants sur les deux tableaux. C'est quelque chose que l'industrie essaie de mettre de l'avant — qu'il s'agit d'un appareil vert, d'un appareil moderne, d'un appareil économe en carburant, qu'il aura un impact moindre sur l'environnement — et le marché est en croissance. Par conséquent, achetez notre avion qui est beaucoup plus économique et de bien meilleure qualité que les vieux appareils que vous utilisez à l'heure actuelle.
    Merci.
    Avant de céder la parole à M. Adler, nous allons suspendre nos travaux pendant une minute. Nous avons eu certaines difficultés techniques et nous allons devoir réinitialiser le système; et nous reviendrons par la suite; alors, nous suspendons nos travaux pendant une minute.
(0920)

(0925)
    Nous sommes de retour et la technique se porte de nouveau bien; alors, c'est maintenant au tour de M. Adler.
    Merci, monsieur le président.
    Et merci aux témoins d'être venus.
    Monsieur Fortier, pourriez-vous, en tant qu'historien, nous faire un survol historique de l'industrie aérospatiale et aéronautique au Canada?
    Le sujet m'intéresse, car je représente la circonscription de York-Centre, où se trouve Bombardier, qui est le plus grand employeur du secteur privé dans la région du Grand Toronto. Comme vous le savez probablement, la société WestJet lui a accordé hier un contrat pour la production de 20 appareils Q400, avec possibilité d'achat de 25 appareils supplémentaires. Nous en sommes tous ravis et York-Centre apporte beaucoup d'emplois et d'investissement dans la collectivité.
    Monsieur Fortier, je veux juste vous demander comment l'industrie aérospatiale et aéronautique canadienne a mal tourné, si vous voulez, à cause de l'intervention du gouvernement, non pas en temps de guerre, mais en temps de paix?
    Permettez-moi de vous donner un exemple. Lorsque le contrat de maintenance des CF-18 a été accordé en 1986 à Montréal plutôt qu'à Winnipeg, cela a provoqué un grand scandale politique. Puis, au début des années 1990, lorsque Boeing a voulu vendre la société de Havilland dont il était propriétaire, un consortium européen s'est montré intéressé, mais le gouvernement néo-démocrate de l'Ontario voulait s'y associer et avoir des parts dans cette industrie. À la lumière de ces exemples, pourriez-vous nous parler brièvement des effets pervers que peut avoir l'intervention des gouvernements dans le développement, par le secteur privé, de l'industrie aéronautique et aérospatiale du Canada?
    Cela peut arriver, et non seulement au Canada, mais dans d'autres pays.
    Pourriez-vous me rappeler la première partie de la question?
    Quant à la seconde partie, l'achat par un consortium européen, je n'en connais pas bien tous les détails, mais l'intérêt était là, comme vous l'avez dit. Lorsque le gouvernement fédéral a approuvé toute la transaction, Boeing s'est finalement départie de de Havilland en vendant la société au gouvernement de l'Ontario et à Bombardier. Lorsque que le gouvernement de l'Ontario s'est finalement retiré, Bombardier en est resté le seul propriétaire.
    Ce que je sais de la vente globale, c'est que l'Ontario s'en souciait certainement. Mais Boeing avait de graves problèmes avec de Havilland parce qu'elle était habituée aux gros aéronefs long-courrier et aux appareils à réaction opérant sur son propre territoire, et ne savait que faire de cette petite entreprise qui avait sa propre culture. Les compagnies ont leur propre culture et les problèmes étaient énormes. On essayait donc de trouver un moyen de s'en débarrasser.
    Pourquoi le gouvernement de l'Ontario s'y est-il précisément opposé, c'est peut-être à cause des pertes d'emplois. C'est possible et je n'invente rien. Comme le consortium européen fabriquait des avions régionaux et qu'il entrait de ce fait en concurrence avec de Havilland, il a peut-être voulu transformer cette dernière en sous-traitant, en lui offrant de produire des pièces de rechange plutôt que les aéronefs au complet. C'est peut-être cette démarche qui inquiétait le gouvernement de l'Ontario.
(0930)
    Il voulait s'associer au consortium européen. Au tout début, le gouvernement de l'Ontario voulait être partenaire de ce consortium.
    D'accord, je me suis trompé. Je ne le savais pas, mais ils sont finalement devenus partenaires lorsque la société a été vendue à Bombardier. Il voulait peut-être exercer un contrôle.
    À l'usine de de Havilland, 90 p. 100 de ce que Bombardier produit est destiné à l'exportation. Il produit aussi tous les appareils utilisés par la compagnie Porter Airlines.
    Ils m'ont dit qu'ils ont bénéficié des accords de libre-échange que notre gouvernement et les gouvernements précédents ont négocié, mais surtout des neuf que nous avons négociés depuis que nous sommes au pouvoir.
    Pouvez-vous nous parler des avantages que le libre-échange procure historiquement à l'industrie aérospatiale et aéronautique canadienne?
    Pour parler de l'histoire, je vais vous donner un exemple étranger. Dans l'entre-deux-guerres en Europe, l'industrie aérienne appartenait très souvent à l'État, qui commandait des avions construits dans le pays.
    Ce n'était pas nécessairement les meilleurs avions disponibles, mais ils étaient construits dans le pays. En Amérique, à partir du milieu des années 1930 et jusqu'à l'arrivée d'Airbus, l'industrie était dominée, à quelques exceptions près, par les compagnies américaines d'avions de ligne. De leur côté, les transporteurs européens se voyaient imposer des avions de leur propre pays, qui n'étaient pas mauvais, mais qui étaient moins bons que les avions américains.
    Voilà donc un élément de la donne. Au Canada, la situation de la société TCA/Air Canada était assez différente. À la fin des années 1930, nous n'avions pas de constructeurs d'avions de ligne. Il y en a bien eu après la Seconde Guerre mondiale, Canadair et North Star par exemple, mais en gros, le mot ordre était — puisqu'il s'agissait d'une société de la Couronne appartenant à l'État —: « Ne nous attirez pas d'ennuis, ne nous faites pas honte, n'ayez pas de déficit et si vous voulez acheter des appareils américains ou britanniques, achetez les meilleurs. »
    La société North Star faisait parler d'elle. On était incitée à l'acheter, mais Transports Canada était associé à la mise au point d'un avion. On a eu ce qu'on voulait et le produit s'est finalement avéré être un bon appareil. Transports Canada s'est en outre associé au développement de l'avion de ligne à réaction d'Avro et cela n'a pas marché, mais on a certainement essayé de garder la compagnie aérienne… En tant que compagnie aérienne, vous faites ce que les compagnies aériennes font. En tant que gouvernement, nous vous payons, mais faites ce que vous avez à faire.
    Pourriez-vous revenir au contrat de maintenance des CF-18 et nous expliquer comment la décision politique prise à ce sujet a non seulement pourri le climat politique, mais aussi porté un dur coup à Winnipeg et à l'industrie?
    La politique joue certainement un rôle, surtout lorsque l'on a affaire à de gros joueurs comme Bombardier. C'est la même chose aux États-Unis où vous avez ceux que l'on appelle, probablement à leur insu, les « sénateurs de Boeing ». Dans certains cas même, certaines régions du pays viennent en seconde position.
    Mais toutes choses étant égales, laissons le marché décider de l'endroit où les emplois doivent être créés et, en l'occurrence, cela aurait dû être à Winnipeg, n'est-ce pas?
    Je dois dire que je ne connais pas assez bien le dossier pour me prononcer.
    Avec du recul, c'est possible.
    Je dois m'arrêter là, mais merci, monsieur Adler, de votre appui pour Winnipeg et ma province.
    Madame Rempel.
    Bonjour, et merci aux témoins de leur exposé.
    Nous sommes ici aujourd'hui pour parler d'innovation dans le secteur de l'aviation. J'aimerais tout d'abord parler de la différence qu'il y a entre l'invention et l'innovation. L'invention suppose habituellement la création, la création de quelque chose de nouveau. L'innovation en revanche découle souvent d'une demande du marché et prend la forme d'un avantage pour le public, que ce soit au plan social ou économique.
    Dans cette optique, il faut aussi examiner la différence qu'il y a entre la force de poussée et la force d'attraction des marchés. La force de poussée consiste à imposer une invention sur le marché afin de créer une demande alors que par la force d'attraction, il s'agit d'adopter une technologie qui répond à une demande. En regard de ces quatre principes, comment l'aviation canadienne pourrait-elle, à votre avis, faciliter l'adoption de technologies, sachant que cela découle habituellement de la force d'attraction?
(0935)
    Étant plus historien qu'économiste, j'aurai peut-être un peu de mal à vous répondre.
    Dans l'industrie, la société Pratt & Whitney Canada, par exemple, a des liens très étroits avec ses clients. Elle connaît très bien ce que veut son client, qui peut être le constructeur d'avions de ligne ou le constructeur d'aéronefs, car elle vend plutôt ses produits aux constructeurs d'aéronefs, qui les vendent ensuite aux compagnies aériennes. Les liens sont étroits entre eux.
    Ainsi, la compagnie est certainement très concernée par les forces de poussée et d'attraction, et les concepts dont vous parlez. Elle doit en effet trouver de nouvelles idées à partir de concepts existants et les améliorer, surtout par rapport au rendement du carburant, élément où le point primordial est la réduction des coûts. On veut un moteur qui fonctionne le mieux possible, qui soit le plus simple possible à réparer, qui dure le plus longtemps possible et qui coûte le moins cher possible. Bref, on veut tout et c'est la quadrature du cercle.
    Mais dans l'aviation, les produits, que ce soit un siège, un radar, un avion ou un moteur, sont tous le résultat d'un compromis. On ne peut pas tout avoir et, finalement, il faut choisir. Il est sûr cependant qu'au sein de l'industrie et à l'extérieur avec les organismes de réglementation — ou avec le CNRC pour ce qui est de la recherche —, on entretient des rapports étroits afin d'obtenir le meilleur produit possible.
    Par rapport au nouvelles idées et à l'innovation, ainsi qu'aux forces de poussée et d'attraction, qui sont axées sur les exportations, l'innovation suscite d'autant plus d'intérêt qu'il n'y a pas de marché interne. Si les députés — sans vouloir les insulter — voulaient inciter Air Canada à acheter un appareil canadien, cela aiderait, mais la plupart des avions sont de toute façon exportés et il n'y aurait donc pas beaucoup de force d'attraction en la matière.
    Les sociétés doivent être aussi ouvertes et aussi capables d'innovation que possible afin de produire quelque chose. En ce qui concerne les constructeurs d'avions, dans tout ce qu'ils font, depuis les simulateurs jusqu'aux aéronefs, ils se sont montrés extrêmement novateurs.
    À propos des idées révolutionnaires, nous n'avons pas inventé le moteur à réaction. Nous n'avons pas non plus inventé l'avion. Le Canada n'étant pas une superpuissance, on n'attend pas de lui qu'il invente. Mais nous avons quand même inventé certains concepts tels que l'avion de transport régional à réaction — celui de Canadair —, aujourd'hui celui de Bombardier. Il y avait déjà des avions régionaux, mais l'idée de les équiper d'un moteur à réaction — d'un vrai moteur à réaction et non pas de turbopropulseurs et d'hélices — était très novatrice. En un sens, c'était risqué. On n'a pas vraiment mis en péril la compagnie, mais on a certainement pris beaucoup de risques dans l'aventure.
    Cela s'est avéré une grande réussite, comme celle de Boeing avec son jumbo-jet. Cet appareil restait un avion de ligne, Il ressemblait toujours à un avion de ligne avec sa voilure en flèche, mais il était révolutionnaire de par sa taille. C'était le fruit de beaucoup d'innovation.
    Dans la même veine et à propos de la stratégie nationale dont nous avons brièvement parlé aujourd'hui, vous venez d'indiquer que pour arriver à trouver des innovations durables, il faut que la demande soit fondée sur le marché, n'est-ce pas?
    On a dit que le gouvernement devrait créer cette demande. Diriez-vous que la demande de technologies durables donne de meilleurs résultats lorsqu'elle est motivée par les forces du marché ou par la pression du gouvernement?
    Lorsque le Canada et Bombardier ont trouvé le concept, ils ont dû le vendre, mais les compagnies aériennes ont réalisé qu'il y avait un marché pour cela, que c'était une bonne idée et que grâce à ce concept, les avions voleraient beaucoup plus vite. Le marché était là, flottant, mais nébuleux. Puis l'appareil s'est imposé, le marché s'est matérialisé, a pris de la force et finalement…
    Quant au rôle du gouvernement, il peut faire connaître le concept à des salons aéronautiques, il peut faire passer le mot d'ambassadeur à ambassadeur ou d'attaché commercial à attaché commercial, mais il faut que le produit soit là et il faut le lancer. Quant à l'aide gouvernementale, elle peut se faire par le truchement des attachés commerciaux et autres, mais il faut avoir un produit — ou au moins une idée — à vendre.
    Dans le cas de l'avion de transport régional à réaction, le succès a été fulgurant. Il s'est vendu — et se vend toujours — comme des petits pains. D'autres appareils, comme le bombardier à eau, ont un plus petit créneau. Ces superbes appareils sont très bien adaptés à leurs fonctions, mais ils desservent un marché très modeste. On n'en construit pas des centaines, mais les gens qui les achètent… On en a peut-être vendu 200 au cours des 40 dernières années. Ce n'est pas beaucoup pour permettre à la compagnie de survivre, mais c'est l'une des caractéristiques de l'industrie.
    Une autre caractéristique de l'industrie de la construction des aéronefs — et que j'ai eu le tort de négliger pendant longtemps —, c'est la sous-traitance. Ce n'est peut-être pas un secteur séduisant où l'on mène de grands projets, mais il est très vaste et touche les voitures, les pièces de rechange…
(0940)
    Vous diriez donc que l'adoption de technologies est plus apte à répondre aux besoins du marché ou aux impératifs d'un cadre stratégique flexible, plutôt que verrouillé, selon l'expression utilisée ce matin.
    En outre, nous nous rendons compte qu'il y a un marché pour le turbopropulseur, l'avion à hélices, mais le moteur à réaction, personne n'y a pensé; essayons-le donc. On avait déjà le Challenger comme premier avion de transport régional à réaction. C'était déjà un marché, mais potentiel. On a en quelque sorte inventé le marché. On a réalisé qu'il y avait là quelque chose et ça a marché. Des fois, les projets ne marchent pas et c'est aussi le cas dans le secteur de l'aviation. C'est une industrie où les coûts sont très élevés et qui fait appel à des technologies de pointe. Tout est cher. Les mesures que l'on prend pour la favoriser ne fonctionnent pas toutes. Certaines donnent des résultats modestes, d'autres, des résultats moyens et d'autres enfin aboutissent à un succès éclatant, mais on ne le sait pas à l'avance.
    Le Concorde, par exemple, était une idée brillante, mais…
    Je dois vous interrompre et donner la parole à M. Sullivan.
    Merci, monsieur le président. Je suis vraiment content que vous soyez venu parce qu'il y a dans vos déclarations de riches leçons d'histoire dont nous pouvons profiter.
    Ma circonscription se trouve à Toronto et comprend en fait le premier terrain d'aviation de Toronto ou du Canada — je ne sais plus lequel. Il s'agit de la propriété Trethewey où se trouvait un terrain d'aviation en 1911, je crois.
    Et je porte bien sûr une épinglette de l'Avro Arrow, qui montre que l'histoire canadienne n'est pas toujours glorieuse. Je sais aussi qu'il y a un musée qui est fermé et une propriété historique que l'on est en train de détruire au 65, chemin Carl Hall, ce qui est attristant.
    Mais je reviens à l'exemple de Bombardier, dont nous parlions. Bombardier construit aujourd'hui en Irlande du Nord des voilures d'une technologie incroyablement avancée. Non pas ici au Canada, mais en Irlande du Nord. M. Holder et moi-même sommes allés la visiter et j'ai été absolument renversé par l'utilisation des nouvelles technologies. J'ai par contre été très surpris d'apprendre que la société se considérait non pas comme un constructeur, mais comme une firme d'ingénierie. Elle confie la fabrication à des filiales, comme si c'était secondaire. La dernière fois que quelqu'un m'a dit que sa compagnie n'était pas un fabricant mais une firme d'ingénierie, c'était le directeur des finances de Nortel, ce que je trouve extrêmement inquiétant.
    En outre, Bombardier est en voie d'implanter des usines dans des pays à bas salaires grâce aux accords de libre-échange qui lui permettent de fabriquer ses produits à l'étranger et de les vendre au Canada et ailleurs. Il n'y a donc pas lieu d'avoir une usine de Bombardier dans la circonscription de M. Adler.
    Comme le font pressentir l'annonce sur Aveos et les autres qui ont été faites récemment à propos des pertes d'infrastructures dans l'aviation canadienne, est-ce que le laisser-faire du gouvernement va nous empêcher de rester un interlocuteur valable dans ce secteur. Je ne dirais pas que nous sommes une superpuissance, mais nous sommes au moins un des acteurs sur la scène de l'aviation mondiale.
    Dans toute histoire de l'industrie aérospatiale, il y avait des compagnies, n'importe quelle compagnie — comme Boeing, durant la Seconde Guerre mondiale —, mais il y avait aussi des constructeurs et nombre des composantes des avions — le train d'atterrissage, les moteurs, les instruments, l'équipement de navigation, les ordinateurs — venaient de l'extérieur. Ce n'est donc pas d'aujourd'hui que les constructeurs sont plutôt des assembleurs de composantes qui ont été fabriquées ailleurs. Ils fabriquent donc la cellule, à laquelle ils ajoutent toutes les pièces, et ils ont leur avion.
    Ce qui a changé ces dernières années, c'est que les cellules se trouvent en Europe. Il est possible qu'Airbus ait été un pionnier dans ce secteur. Je ne connais pas tout, mais il est certain qu'Airbus a fait beaucoup en implantant l'usine centrale d'assemblage, qui se trouve être en France. La cellule elle-même provient de morceaux, la queue venant d'Espagne, la section avant de France et d'autres parties d'ailleurs, puis on assemble le tout. Même au moment de la construction, on assemble des composantes telles que les moteurs, les systèmes électroniques et on les vend. Les Français vous diront qu'il s'agit d'un appareil français et Airbus, d'un appareil européen, car il y a un très fort sentiment nationaliste dans ce secteur. Mais l'internationalisation de l'industrie se poursuit et Bombardier a choisi cette voie.
    L'avion de série C en est un bon exemple. Comme vous l'avez dit, Bombardier a aujourd'hui des usines en Irlande du Nord, mais son expertise dans la production de matériaux composites remonte probablement à la mise au point dans les années 1980, si je me souviens bien, d'un aéronef fait entièrement de matériaux composites. Elle a acquis une expertise certaine dans le traitement de ces matériaux. Le procédé ne ressemble pas à la cuisson d'une tarte, mais consiste presque à chauffer les matériaux afin de créer le fuselage.
    Bombardier Toronto et Bombardier Montréal collaborent en outre avec la société Learjet aux États-Unis. Il y a donc une certaine intégration des procédés de construction, certaines pièces étant faites à un endroit donné, d'autres, ailleurs. Cela s'inscrit parfaitement dans le mode de fonctionnement actuel de l'industrie. À titre d'acteur de premier plan dans ce secteur, Bombardier doit se conformer à ces règles. La situation est comme cela. À l'usine, il se fait beaucoup plus d'assemblage — que de fabrication — de composantes. C'est la réalité et ça ne va pas changer. Cela va même s'amplifier.
(0945)
    Est-ce qu'il me reste du temps?
    Vous avez 20 secondes.
    D'accord.
    Le fait est que dans tous ces pays, à l'exception peut-être de la France, la politique à suivre n'est pas imposée. La France dit en effet à son industrie qu'il faut que l'assemblage final soit fait en France, parce qu'elle le finance…
    Je ne connais pas bien la situation, mais il se peut que certains pays aient ce genre de politiques. Au Canada, il y a peut-être un peu plus de laisser-faire puisque Bombardier s'en est très bien tiré en étant laissée à elle-même.
    Pratt & Whitney Canada est probablement dans la même situation. Elle a beaucoup de travail à faire ici, mais la situation concernant les moteurs pourrait être légèrement différente parce que les composantes sont beaucoup plus petites et la société a tendance à tout faire à l'interne. Pratt & Whitney Canada est une filiale d'une compagnie américaine et à ce titre, elle ne s'occupe pas de tout le travail. Elle en fait une certaine partie, comme la fabrication de petits moteurs.
    La division du travail est donc une réalité dans l'industrie aérospatiale.
    Merci.
    Monsieur Poilievre.
    Mme Rempel a posé une question sur le phénomène « tire-pousse ». La poussée, ou l'offre, vient du constructeur — du concepteur de la technologie —, alors que la traction, ou la demande, vient de l'acheteur.
    Notre analyste a préparé un tableau formidable qui présente tous les moyens de transport ayant été inventés et popularisés au cours des 200 dernières années. À quelques exceptions près, ces inventions ont été créées par le secteur privé. Autrement dit, la poussée vient de l'industrie privée ou des particuliers. Dans bien des cas, la traction provient des marchés publics, c'est-à-dire des gouvernements qui achètent, en quantités massives, le moyen de transport en question, et ce, presque toujours à des fins militaires. La seule exception que je constate ici, c'est l'espace et le transport public, notamment le métro.
    Le Silver Dart était le premier avion conçu au Canada, n'est-ce pas?
    Il a été mis à l'essai ici. C'était conçu, en partie, par des Canadiens, mais je crois qu'il a peut-être été fabriqué aux États-Unis. Chose certaine, il s'agit d'une collaboration canado-américaine. Oui, il y a une forte participation canadienne...
    C'était vers 1909?
    Oui...
    On en trouve une réplique dans votre musée. Cela ressemble un peu à un cerf-volant géant.
    Cinq ans plus tard, le Canada s'est mis à fabriquer massivement des avions de guerre. Croyez-vous qu'en l'occurrence, c'est la guerre mondiale qui a alimenté l'innovation et la productivité de l'industrie canadienne sur une aussi courte période?
(0950)
    Si vous me le permettez, j'aimerais faire un petit historique. Avant la Première Guerre mondiale, il y avait de petites fabriques d’avions, surtout en Europe et aux États-Unis, à cause du marché militaire. Des pilotes amateurs achetaient également ces avions, mais seulement un ou deux chacun. Ils étaient peut-être nombreux à le faire, mais le principal acheteur était le secteur militaire. C'est là une réalité incontournable, du moins pour les avions militaires. Beaucoup d’investissements ont été effectués dans ce secteur.
    En ce qui concerne le Canada, c'est la Première Guerre mondiale qui a tout changé. On fabriquait des avions en exemplaire unique dans une usine de la taille de cette salle, où il y avait peut-être seulement deux personnes munies d'un marteau et d'une scie. C'était, en gros, l'étendue de l'industrie au Canada parce qu'il n'y avait pas de marché ici.
    La Première Guerre mondiale a changé la donne. Le gouvernement de l'époque était très occupé parce que la défense reposait principalement sur l'armée. Les Britanniques ont construit une usine afin de produire des avions pour les écoles. Il s’agissait d’avions de conception américaine. Mis à part les travailleurs et quelques ingénieurs chargés d’apporter de légères modifications aux avions, la participation canadienne était plutôt minime à l'époque. N’empêche que cela a permis à un nombre limité d’ingénieurs d’acquérir de l'expérience et de s'en servir après la guerre.
    Au fond, le seul rôle que jouait le gouvernement à l'époque dans la conception d'avions et de technologies aéronautiques, c'était de les acheter en très grandes quantités.
    Si vous me le permettez, j’aimerais faire une observation à ce sujet. J’ai parlé tout à l'heure d’un environnement holistique. Il est important de comprendre que ces choses ne poussent pas de nulle part — eh bien, en quelque sorte, oui. La plupart des modèles sont faits en bois, mais c'est une autre paire de manches.
    L'industrie, en tant que telle, ne vient pas de nulle part; si elle existe, c'est certainement parce qu'il y a une demande sur le marché. Toutefois, quand on n'investit pas dans l'éducation, quand on n'attire pas d'ingénieurs...
    Si je puis me permettre, c'est ce que le gouvernement américain avait pris comme mesure. En effet, le département de la Guerre avait accordé à Samuel Pierpont Langley la plus importante subvention jamais versée jusque-là au titre de la R-D. Ce dernier a fini par construire un avion qui est tombé en panne en plein vol pour se retrouver dans le fleuve Potomac, enseveli dans la boue. À partir de là, il a abandonné le projet et a considéré sa vie comme un échec.
    Les frères Wright, en revanche, ont financé eux-mêmes toutes leurs activités de R-D grâce à l'argent provenant de leur atelier de réparation de bicyclettes. Ils n'ont eu aucune aide du gouvernement et, pourtant, ils ont réussi à produire, à un septième du coût, le premier engin piloté et motorisé plus lourd que l'air. Voilà qui semble contredire ce que vous dites.
    En passant, les frères Wright n'avaient même pas de diplôme collégial, alors que Pierpont Langley était le troisième secrétaire, je crois, de l'institut Smithsonian.
    Alors, parfois, ces choses viennent bel et bien de nulle part, ne diriez-vous pas?
    Si vous me le permettez, j’aimerais préciser qu’une foule de gens travaillaient sur les avions avant la Première Guerre mondiale. Il y en avait un certain nombre, peut-être de l’ordre de plusieurs centaines. Ce sont les frères Wright qui ont fini par réussir — et c'est très bien, n'empêche qu'il faut... Ils y sont arrivés grâce à leur grand sens de l’innovation, mais ils n'ont pas inventé l'avion; ils ont inventé un système de contrôle.
    Chose certaine, le secteur était en pleine effervescence. La plupart des concepteurs d'avions avant la Première Guerre mondiale ont fait de petits pas, un peu comme M. Langley. Certains ont réalisé des progrès modestes, alors que d'autres n'ont obtenu aucun bon résultat; déçus, ils ont fini par abandonner la partie. Alors, la plupart des modèles d'avion ne voient jamais le jour; ils restent sur papier. Donc, l’entreprise privée joue certainement un rôle.
    Pour ce qui est des États-Unis, il ne fait aucun doute que... Dans certains cas, le gouvernement offre de l’aide, par l’entremise de contrats ou par l’accès à des installations de recherche, l'équivalent de notre Conseil national de recherches pour les essais en souffleries... Toutefois, en ce qui concerne les autres pays, l'intervention gouvernementale est beaucoup plus importante.
    Je dois vous interrompre et céder la parole à M. Aubin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue à vous, messieurs Quick et Fortier. Merci de partager avec nous ce matin cette expertise tout à fait pertinente.
    Ma première question est davantage à portée historique. Nous allons profiter de votre expertise. Comme le veut l'adage, si le passé est garant de l'avenir, nous tirerons nous-mêmes nos conclusions; je ne vous demanderai pas de vous prononcer sur l'avenir.
    Vous me corrigerez si je fais erreur, mais au début de votre présentation, vous sembliez dire que les contributions du secteur public avaient été essentielles au développement des technologies. Pourriez-vous donner des chiffres approximatifs sur ces contributions au cours du dernier siècle, particulièrement dans le domaine de l'aviation? Quels ont été les investissements de fonds publics par rapport à ceux du secteur privé? Est-ce un ratio de 50-50, de 70-30?
    Je ne pourrais pas vous le dire. Il y a des investissements dans la recherche. Par exemple, le Conseil national de recherches du Canada fournit de l'équipement gouvernemental. Il y aussi des investissements dans l'outillage, c'est-à-dire qu'on aide une industrie à créer un potentiel. Il y a également des investissements en ce qui a trait aux contrats. Il y a différentes formes d'aide.
    Au Québec, l'industrie peut avoir de l'électricité à très bas prix. Le gouvernement peut intervenir à différents égards. Il peut aussi décider de ne pas intervenir, ou encore de nuire, d'agir négativement. C'est extrêmement vague. Il est très difficile d'évaluer les investissements en pourcentage ou d'en évaluer la valeur financière.
    J'ai l'impression que c'est énorme, ne serait-ce que pour les contrats d'achat des avions. Comparativement aux investissements gouvernementaux et aux sommes d'argent dépensées par les fabricants d'avions ou de moteurs canadiens, les investissements de l'industrie dans la recherche sont moins importants, probablement en raison tout simplement de la valeur des contrats. Par exemple, si on achète 1 000 avions...
(0955)
    Le geste me va. Ça vaut bien des chiffres.
    En fin de compte, il y a un investissement de l'industrie qui est réel et qui a tendance à augmenter avec le temps. Au début, il est de zéro. Puis, l'industrie reconnaît l'ampleur du projet et le temps qu'il faut compter pour développer un avion, et elle s'implique davantage, même si elle bénéficie d'une aide gouvernementale très variée.
    Permettez-moi de continuer à parler de la recherche. Serait-il exact de dire que l'entreprise privée va accepter d'investir massivement en recherche appliquée pour faire, par exemple, des avions qui seraient plus verts, même si on sait que les mots « plus verts » ne veulent pas nécessairement dire qu'ils seront bel et bien verts?
    Parlons aussi des biocarburants. La tâche de faire de la recherche fondamentale reviendrait davantage au secteur public. Les entreprises privées font-elles de la recherche fondamentale?
    Cela dépend des industries. Par exemple, dans le domaine de l'industrie aérospatiale, il y a les moteurs, l'électronique et les avions. On peut donc faire de la recherche fondamentale. Prenons l'exemple de Bombardier. En ce qui a trait à ses avions, la recherche fondamentale peut porter sur les matériaux. Si on parle de certains alliages, ou de métaux comme l'aluminium et le lithium, cela serait fait davantage par des compagnies comme Alcan ou Rio Tinto, qui produisent de l'aluminium et qui offrent le produit à diverses compagnies, comme Bombardier, Boeing ou d'autres.
    Si on parle de matériaux relatifs aux carburants, cela ne se fait pas non plus dans le domaine de l'industrie.
     La recherche dans le domaine de l'aérodynamique, c'est-à-dire ce qui concerne la forme de l'avion, peut être faite par l'industrie, mais cela pourrait se faire à l'extérieur. Très souvent, on utilise de l'information qui vient de l'extérieur, par exemple de la NASA.
    Autant que je sache, l'industrie n'a pas de souffleries, mais elle peut demander d'avoir accès à des souffleries. Par contre, aujourd'hui les travaux de recherche pour la forme des avions se font de plus en plus par ordinateur. Il n'est donc plus nécessaire d'aller au Conseil national de recherches du Canada ou aux grandes souffleries à Ottawa. Vous pouvez presser le bouton de votre ordinateur et il vous donnera le résultat.
    Vous avez également piqué ma curiosité lorsque vous avez parlé de biocarburants, car on sait que cela peut avoir beaucoup de répercussions sur le monde de l'agriculture et sur l'alimentation mondiale, alors qu'il y a du pétrole et des carburants synthétiques.
    La recherche sur les carburants synthétiques avance-t-elle?
    Je ne suis pas un expert dans ce domaine, par contre je sais que beaucoup de choses se font, mais pas nécessairement au Canada.
    En ce qui concerne les biocarburants, des travaux dans le domaine des algues se font en Nouvelle-Écosse, je crois, avec la participation du Conseil national de recherches du Canada.
    En ce qui a trait aux biocarburants terrestres, les plantes Camelina sativa et Brassica carinata ont été utilisées pour produire un biocarburant que Porter a utilisé pour un vol à l'aide d'un appareil Dash 8. Ce mélange se compose à 49 p. 100 du premier biocarburant, à 1 p. 100 de l'autre biocarburant et à 50 p. 100 de carburant ordinaire. Des recherches se font dans ce domaine, puisque ce sont des plantes qui peuvent être produites ici. L'idée est de développer des variétés pour le climat canadien, un peu comme on l'a déjà fait dans le cas des variétés de blé. Il s'agit de développer des variétés de ces plantes qui seraient résistantes au climat et aux parasites, et qui pourraient être produites dans des terres qui ne sont pas utilisées en ce moment pour la production de nourriture.
    En fait, quand on produit des biocarburants, il ne faut pas enlever le pain de la bouche des gens ni enlever le fourrage de la bouche des vaches. Il s'agit d'avoir quelque chose qui sera cultivé ailleurs que dans ces terres. Il en va de même pour les algues: on n'utiliserait pas de terres. C'est renouvelable et efficace. De la recherche se fait au Canada à ce sujet.
    Et qu'en est-il des carburants synthétiques?

[Traduction]

    Je dois vous arrêter là et passer à M. Holder.
    M. Adler aimerait d'abord faire une observation, et je vais partager mon temps avec lui.
    J'ai seulement une petite question à vous poser, monsieur Fortier. Je suis très préoccupé par ce qu'a dit M. Sullivan tout à l'heure, à savoir que les accords de libre-échange que le Canada a conclus avec d'autres pays vont mener à la dissolution et à l'éviscération de Bombardier dans la circonscription de York-Centre et à la perte de 4 000 emplois directs et de 9 000 emplois indirects.
    Monsieur Sullivan, je suis très choqué d'entendre ces propos de la bouche même d'un ancien patron syndical. Vous affichez là un mépris flagrant pour les travailleurs.
    Qu'en pensez-vous, monsieur Fortier? Bombardier risque-t-elle, oui ou non, de fermer son usine à Downsview Park à cause du libre-échange?
(1000)
    J'avoue que je ne sais pas, mais l'idée de...
    D'après vous, le bilan actuel de Bombardier donne-t-il à penser qu'elle va bientôt fermer ses portes et congédier 4 000 travailleurs directs et 9 000 travailleurs indirects? Diriez-vous que le député a tenu là des propos irresponsables et irréfléchis et qu'il devrait les corriger aux fins du compte rendu?
    Je n'en sais rien. Il faut dire que l'industrie... je suis désolé.
    Aux fins du compte rendu, monsieur le président, puis-je soulever une question de privilège?
    M. Sullivan invoque le Règlement.
    Je n'ai jamais été patron syndical et je déplore les commentaires dégradants faits par M. Adler à ce sujet.
    Une voix: En bien, 4 000 travailleurs...
    Silence, s'il vous plaît.
    Je vais laisser M. Holder poursuivre son intervention.
    Monsieur le président, nos invités sont des historiens, et on essaie de les transformer en économistes. J'aimerais m'en tenir à l'aspect historique, si vous me le permettez.
    Ma circonscription, London, en Ontario, a une histoire remarquable. En fait, Stanley Deluce, dont le nom vous dit peut-être quelque chose, était un des pilotes d'avion de brousse classique. Il a été un des pionniers dans le nord de l'Ontario et il est devenu président de Porter Airlines. Sa famille lui a succédé à la direction de la compagnie.
    Alors, j'ai eu peur, monsieur Fortier, quand vous avez comparé les avions de brousse à des camionnettes avec des ailes. Cela m'a rendu un peu nerveux.
    Ce n'est qu'un terme d'affection.
    Je ne dirai rien à la famille Deluce, mais je suis sûr que c'est vrai.
    Vous avez mentionné que les biocarburants étaient une des solutions à envisager dans l'avenir. En fait, à certains égards, on les utilise déjà. Dans ma circonscription, à London, on trouve l'Institute for Chemicals and Fuels from Alternative Resources qui fait partie de l'Université Western Ontario. Les chercheurs utilisent des feuilles, des écorces et divers autres matériaux pour produire deux bioproduits: un engrais et un carburant aviation. Qui l'aurait su? Ces recherches sont en cours, et c'est assez extraordinaire.
    Quand les représentants de l'industrie des transports sont venus témoigner devant nous, surtout en ce qui concerne les divers carburants et le secteur automobile, ils nous ont dit entre autres qu'il y a deux moyens d'économiser de l'argent à l'avenir. L'un est lié au type de carburant et l'autre, au poids du véhicule. Je suis sûr que, du point de vue historique, vous avez vu l'évolution de ces facteurs au fil du temps.
    Si je peux vous demander de jouer le rôle d'un futurologue plutôt que d'un économiste, qu'est-ce qui permettra de réaliser la plus grande économie associée à ces développements dans l'avenir?
    L'industrie aéronautique, en ce qui concerne les avions de ligne — laissons de côté l'aviation militaire — est une industrie en pleine maturité. Il est difficile d'accepter l'idée qu'on peut avoir des augmentations ou des diminutions massives de la consommation de carburant. Si c'était une nouvelle industrie, ce ne serait pas difficile. Lorsqu'on compare un avion de ligne des années 1960, comme un DC-8, à un Airbus A380, sur le plan de leur capacité de vol et de leur structure, on se rend compte qu'ils n'ont pas beaucoup changé.
    Tout ingénieur vous dira que les moteurs consomment beaucoup moins de carburant, que l'électronique et l'aérodynamique se situent à des années-lumières de ce qu'elles étaient avant, mais il s'agit d'une industrie très conservatrice dans un certain sens. Pour ce qui est de l'avenir, ce sont les petits changements qui auront de grands effets. On parle de petites choses — 1 p. 100 ici, 1 p. 100 là, et un peu d'ajustement ici et là — pour s'assurer que l'amélioration du rendement du carburant ne double pas le coût de l'avion, parce que tous les facteurs doivent être pris en considération.
    C'est une évolution progressive. Nous essayons d'améliorer les avions et de maintenir leur facilité d'entretien.
    Par exemple, ce qui pourrait grandement améliorer le rendement du carburant... C'est le genre de choses qui nécessitera du temps, parfois même beaucoup de temps, et qui pourrait s'avérer coûteux. Il y a des types de moteurs qui ont... Il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Bon nombre des idées que nous considérons comme des nouveautés aujourd'hui ont été conçues il y a environ 25 ans.
(1005)
    Dans ma ville, à London, on a créé assez récemment un musée dédié aux avions à réaction. D'ailleurs, nous invitons tous les membres du comité à y aller s'ils n'ont pas encore eu l'occasion de le faire. On y apprend des choses sur l'histoire des avions à réaction. C'est donc, à mon avis, très comparable à ce que vous faites.
    Ce qui est dommage, c'est que je ne vous ai pas entendu parler de l'autre élément lié à l'innovation qui figure dans le nom même de votre organisation, à savoir le Musée de l'aviation et de l'espace du Canada. Rien n'a été dit au sujet de l'espace. Ce sera mon dernier point, je vous assure, monsieur le président.
    Je me demande si vous pourriez faire quelques observations là-dessus.
    Le transport spatial... Il y a certes eu des projets d'avions aérospatiaux, mais l'idée du transport dans le domaine de l'espace est plutôt nébuleuse, et je crains qu'on risque d'attendre encore longtemps avant d'en arriver là.
    Merci.
     Madame Morin.

[Français]

    Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui.
    Je vais continuer sur la lancée de mes collègues, au sujet des emplois.
    Comme on a pu le voir il y a quelques semaines dans le cas d'Aveos ou dans le domaine aérospatial en général, des pertes d'emplois peuvent se produire. Beaucoup d'emplois ont été abolis, particulièrement dans ma circonscription, où 2 800 travailleurs ont perdu le leur. Or on sait que ce travail va désormais être effectué au Brésil.
    Dans le passé au Canada, des lois protégeaient nos emplois. À notre avis, la même chose devrait s'appliquer dans le cas de ces emplois. Quoi qu'il en soit, j'aimerais savoir ce que vous pensez de la protection au moyen des lois et du désengagement de l'État dans ce domaine. Je ne sais pas si, à votre avis ou selon vos études, vous croyez que cette protection devrait être maintenue, renforcée davantage ou abolie.

[Traduction]

    Comme les avions semblent être le sujet fétiche de notre clientèle, nous devons nous en tenir à cela.
    Personnellement, je m'intéresse davantage aux personnes et à l'histoire — non pas à l'histoire des avions proprement dits, mais à l'histoire sociale et au contexte qui l'entoure. Pour ce qui est des aspects juridiques ou, en tout cas, des efforts de syndicalisation — parce que le militantisme a toujours fait partie de l'histoire de l'industrie aéronautique —, je ne suis pas très au fait des questions comme les types de lois en vigueur, ce qui s'impose, ce qui manque et ce qui devrait être aboli. Je ne m'y connais pas suffisamment pour faire une... .

[Français]

    Toutes mes excuses, je vous ai répondu en anglais.
    Bref, je ne suis pas en mesure d'exprimer un jugement efficace à ce sujet, car je ne m'y connais pas suffisamment. Je le regrette beaucoup.
    Dans un autre ordre d'idées, l'aspect de l'éducation a été effleuré un peu plus tôt, et je pense que d'avoir une bonne éducation est super important dans l'industrie. Je voulais savoir un peu, d'un point de vue historique, quel est votre engagement dans l'éducation des gens, des employés. De quelle façon pensez-vous que le gouvernement devrait s'investir dans l'éducation?
    Peut-être M. Quick pourra-t-il vous répondre en ce qui a trait à l'éducation et aux musées, parce que nous avons des programmes éducatifs en place.
    Relativement à l'éducation au sein des universités, différents aspects existent. Il y a l'ingénieur et il y a le technicien: l'ingénieur conçoit les appareils et le technicien doit les réparer. Pour cela, il existe des écoles comme l'École nationale d'aérotechnique de Saint-Hubert, par exemple. Nous recevons assez souvent des groupes de cette école. C'est très important, car il faut quand même des gens pour préparer les avions. Il faut avoir une expertise pour réparer et pour fabriquer les avions ici; ces deux aspects sont à considérer.
    En ce qui a trait aux ingénieurs, de nombreuses écoles, entre autres à Sherbrooke, ma ville natale, offrent des programmes en ingénierie. C'est un secteur provincial à cet égard. Il est bien d'avoir des mesures incitatives pour ce type d'éducation, car, sauf erreur, ces ingénieurs peuvent trouver des emplois sans trop de difficulté. C'est plus difficile présentement à cause de la conjoncture économique, mais, en fin de compte, très souvent l'industrie fait face à des pénuries de personnel. Il y a des postes à pourvoir, mais pas assez de monde. Le gouvernement peut donc être très utile pour encourager le secteur de la haute technologie, un secteur de pointe.

[Traduction]

    Voulez-vous faire des observations sur le même point?

[Français]

    Oui, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est très important. Si on prend en exemple juste la chaîne de production de Bombardier, la compagnie aura besoin de 500 ingénieurs pour la série C. Alors c'est très important. Cette demande vient de nulle part. On doit avoir une chaîne d'approvisionnement qui va nourrir ces industries. Il s'agit d'un investissement dès le commencement. Pour notre part, nous faisons partie de cette chaîne d'approvisionnement. Nous voulons sensibiliser les enfants de 1re, 2e ou 6e année à devenir des ingénieurs parce qu'on a une très grand manque dans ce domaine. La chaîne d'approvisionnement est très importante pour assurer le soutien de l'industrie et la continuité des usines et pour favoriser le secteur de la haute technologie au Canada.
(1010)
    Je vais laisser mes 30 dernières secondes à M. Sullivan.

[Traduction]

    Mon collègue d'en face a parlé de l'objectif de réduire la consommation de carburant. Bombardier travaille en ce sens par la fabrication d'ailes en matériaux composites, et il y a eu de grandes améliorations... Toutefois, les représentants de Bombardier nous ont dit qu'ils sont conscients que les Chinois finiront par s'en emparer et nous emboîter le pas dans quelques années. Bombardier se penche donc déjà sur la prochaine génération.
    Entrevoyez-vous une « prochaine génération » pour ce qui est de la fabrication d'avions plus légers?
    Puis-je y aller d’une critique? Si vous comparez Bombardier à Airbus, vous verrez que sur le site Web d’Airbus, il y a des pages qui portent sur les avions où, lorsqu'on clique sur un bouton, le revêtement de l’avion devient translucide, et on donne des renseignements sur les nouveaux moteurs. La société a mis toutes sortes de choses intéressantes en ligne.
    Essayez de demander aux gens de Bombardier ce qu’ils font, et ils vous répondront qu’ils ne vous le diront pas. Donc, dans certains cas, c'est très difficile. Ils peuvent avoir des projets insensés — des aéronefs extrêmement efficaces, peut-être l'utilisation de l’hydrogène comme combustible, des configurations tout à fait révolutionnaires qui sont mises au point par Boeing, Airbus et d’autres entreprises —, mais essayer de leur soutirer des informations peut être légèrement compliqué. Nous souhaiterions pouvoir vous donner des exemples, mais encore une fois, dans leur cas, on a choisi non pas d'entretenir le secret, mais d'être très discret.
    D’autres sociétés, comme Boeing et Airbus ont choisi d’être plus ouvertes, ce qui ne veut pas dire qu’elles vont construire un avion avec un revêtement translucide ou un avion qui ressemble à une mante atlantique. Je ne sais pas si c'est leur intention ou non, mais elles ont probablement des projets de ce genre. Il le faut. J’ai le sentiment qu’elles ont probablement plusieurs équipes qui se penchent sur certaines idées. Donc, on développe un certain nombre d’idées, de la pompe carburant munie d'ailes à quelque chose d’un peu plus fantaisiste, voire quelque chose de complètement surréaliste. Elles avancent des idées, elles étudient comment on pourrait la commercialiser; un appareil qui ressemble à un avion de ligne ordinaire pourrait être très facile à vendre. Une chose qui aurait des allures complètement fantaisistes et surréalistes rendrait-elle les passagers nerveux?
    On fait probablement beaucoup d'études de marché en secret pour lancer des projets de ce genre. Les sociétés ont des projets. Elles doivent en avoir; elles oeuvrent dans le secteur des projets. Même par rapport à la Série C, elles peuvent très bien avoir dans leurs ordinateurs les plans de la série qui suivra. C’est très préliminaire, parce que dans 15 à 20 ou 25 ans, lorsque l’avion sera construit, l'utilisation de l’hydrogène comme combustible pourrait être une réalité. On pourrait avoir des moteurs qui sont développés aux États-Unis ou ailleurs, ou il est possible que la conception soit faite en collaboration avec Pratt & Whitney, au Canada et aux États-Unis.
    On ne nous tiendra pas informés, et cela se comprend. C’est une industrie très concurrentielle. L’idée des Chinois... Je ne dirais pas que tout le monde copie les autres, mais les gens assistent aux spectacles aériens et regardent ce que les autres font. Il y a d’excellents moyens de concevoir des avions, mais actuellement il n’existe en quelque sorte qu’un modèle d’avion de ligne, et il y a certainement des théories sur l’aérodynamique. On ne peut pas faire des choses audacieuses et extravagantes et s’attendre à construire un avion facile à entretenir et à réparer, qui pourra entrer dans un hangar, pour lequel on pourra utiliser les installations actuelles. C’est peut-être une industrie très prudente en ce sens, ce qui est un peu étrange. Donc, les sociétés peuvent être osées et inventives et, dans certains cas, elles peuvent être très prudentes et centrées, parce que d’énormes sommes sont en jeu.
    Prenons le 747, par exemple. Boeing a tout misé sur cet appareil. En cas d’échec, Boeing aurait connu de graves difficultés. Lorsque vous avez des problèmes de ce genre, c’est une très grande industrie et il y a beaucoup d’argent en jeu.
    Merci.
    Monsieur Watson.
    Merci, monsieur le président. Merci des exposés et témoignages très intéressants que nous avons entendus aujourd’hui.
    Dans l’exposé d’aujourd’hui, par rapport au rôle du gouvernement ou de la nécessité de la participation du gouvernement, on n’a pas beaucoup parlé de la distinction qu’il faut faire entre l’utilisation à des fins militaires et non militaires. On a semblé les lier, et j’espère que nous pourrons séparer ces deux aspects.
    En ce qui concerne l’application non militaire — le côté commercial de l’aviation, si vous voulez — et le développement de l’innovation, pouvez-vous faire l’historique de l’accès au capital de risque, par exemple? Traditionnellement, de quelle façon l’industrie a-t-elle financé l’innovation? À qui s’adresse-t-on? En quoi cela consiste-t-il, à l’exception des subventions du gouvernement?
(1015)
    D’abord, très fréquemment, beaucoup d’innovations qui sont utilisées dans les avions de ligne — les moteurs à réaction, les matériaux composites, les ordinateurs, notamment — proviennent du secteur militaire, qui assume les coûts. Pour les moteurs du Challenger et du premier avion de transport régional à réaction, le moteur de base a été développé pour les programmes militaires. Ainsi, une bonne partie de la R-D a été payée par le secteur militaire; l’aviation commerciale en a beaucoup bénéficié.
    Pour ce qui est des matériaux composites, par exemple, je crois comprendre qu’il y a certains types d’alliage pour lesquels les militaires ont été des pionniers, comme l’alliage aluminium-lithium que Bombardier utilise pour la Série C. Les militaires cherchaient des façons de réduire le poids des avions de combat. Ils ont donc fait beaucoup de recherches et payé les entreprises pour qu’elles mettent au point des alliages spéciaux qui sont finalement devenus assez abordables et assez fiables pour être utilisés par l’aviation civile. Quand vous devez ouvrir les panneaux… Les exigences militaires ne sont pas du même ordre.
    Beaucoup de choses — mais pas toutes — viennent du secteur militaire. Ce n’est pas comparable à l’industrie automobile. Les militaires sont beaucoup plus actifs dans ce domaine, du moins en ce qui a trait à la R-D de nouveaux produits, de nouvelles idées comme les moteurs à réaction, le radar, la technologie furtive — non, pas la technologie furtive —, les matériaux composites. Après, ces produits sont offerts sur le marché et peuvent être utilisés pour les avions de ligne parce que la baisse du prix le permet. Les militaires ont tendance à être plus intéressés par les performances que par les économies de bouts de chandelle.
    Je pense que ma collègue, Mme Rempel, a très adéquatement établi la différence qu'il y a entre la force de poussée et la force d'attraction des marchés par rapport à l’adoption viable de la technologie. J’aimerais en examiner l’aspect lié à la recherche. On observe aussi cette dualité dans le secteur de la recherche. Si vous regardez la façon dont la R-D se fait dans d’autres pays, par exemple, vous verrez que ce sont des modèles très différents.
    L’aspect de la force d’attraction, je crois, comprend tout ce qui découle des directives gouvernementales qui, en quelque sorte, modifient l’environnement, les besoins de l’industrie, et la recherche que l’on désire entreprendre. Quant à l’autre aspect — le système canadien —, je pense qu’en général, lorsqu’on regarde le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, le CRSNG, notamment — quand on en arrive aux conseils subventionnaires —, on pourrait dire qu’il s’agit d’un modèle mû par la recherche plutôt que par l’industrie.
    On cherche à étudier quelque chose, parfois par curiosité, et je ne parle pas seulement de la recherche fondamentale, mais de ses applications. Parfois, cela correspond à d’autres paramètres, aux besoins de l’industrie ou du gouvernement. En conséquence, je pense que comparativement à d’autres pays, nous avons l’un des taux d’investissement les plus élevés au monde en R-D d’intérêt public, mais au chapitre de la commercialisation du produit, nous sommes en retard par rapport à d’autres pays. Cela dit, l’avantage net de notre système, c’est que nous formons beaucoup de personnes du côté de la recherche. C’est peut-être là le côté positif.
    Si on examine cela d’un point de vue historique, quels sont les résultats de la recherche universitaire, tant en innovation qu’en commercialisation de l’innovation? Le modèle est-il efficace? Pouvez-vous donner des exemples, d’un point de vue historique, des résultats obtenus grâce à ce modèle? Quelles sont vos réflexions à ce sujet?
    En ce qui concerne le génie aérospatial, si c’est la direction que vous désirez emprunter, le pionnier à cet égard était... C’est peut-être encore l’Université de Toronto, que l’on appelle l’Institute of Aerospace Studies de l’Université de Toronto, que l’on prononce UTIAS, je pense. Pour ce qui est du développement, l’institut fait certainement de la recherche. Il aide les petites entreprises. Il s’agit très souvent de recherche fondamentale; les étudiants s’orientent vers leur spécialité et veulent devenir ingénieurs afin d’être embauchés par des entreprises. Il y a sans doute une bonne partie de la recherche qui est faite simplement dans l’intérêt de la recherche, même si cela a tendance à changer.
    Au CNRC, par exemple, je crois comprendre que l’on insiste davantage pour que la recherche soit plus axée sur l’industrie, ou pour qu’on rende accessible à l’industrie, même si dans le passé, divers dispositifs ont été mis en marché — par exemple, ce qu’on appelle le système indicateur de lieu d'accident, je crois —, après avoir été conçus, du moins en partie, par le CNRC.
    Cela vaut aussi pour le dégivrage électrique des avions. Le CNRC a beaucoup participé à la recherche et les résultats de la recherche ont été rendus publics. De nos jours, pratiquement tout le monde utilise le dégivrage électrique sur les avions de ligne.
    Je dois vous interrompre ici.
    Monsieur Toet.
    Merci, monsieur le président.
    Je pourrais reprendre là où M. Watson s’est arrêté.
    L’un des commentaires qui ont été faits lors de l'exposé, c’est que pour les inventions, les conditions étaient à peu près les mêmes pour tout le monde; donc, aucune des parties n’avait de l’expérience sur laquelle s’appuyer. Historiquement, ceux qui ont gagné — à défaut d’un meilleur terme — la course à l’innovation... Pouvez-vous nous donner un survol historique des raisons pour lesquelles certains ont gagné la course à l’innovation?
(1020)
    Chaque cas est différent. Dans certains cas, ce serait peut-être la chance, tandis que pour d’autres, cela peut être attribuable aux circonstances. Dans certains cas, il s’agit peut-être de pays riches. Cela varie beaucoup. Encore là, on pouvait jouer ce rôle de chef de file pendant une longue période, ou non, parce que parfois... Prenez le Japon, par exemple…
    Je préférerais que vous brossiez un tableau historique dans le contexte canadien, par rapport aux entreprises canadiennes qui ont innové. Dans quelles circonstances ont-elles eu un avantage?
    En ce qui a trait à la société de Havilland Canada, elle a tendance à être plutôt prudente. Elle a innové dans le domaine de la conception des avions, mais pour ce qui est de nouvelles idées, d’idées révolutionnaires, en raison du genre de produit qu’elle construisait — les avions de brousse, les avions polyvalents, les avions de transport — la société avait tendance à utiliser une technologie plutôt simple.
    Vous devriez regarder du côté de sociétés comme Avro Canada. L’avion de ligne à réaction était très novateur. On parle du deuxième avion de ligne au monde. Les Lignes aériennes Trans-Canada étaient très intéressées. Je ne dirais pas que cette entreprise s’est investie, mais elle a certainement aidé à élaborer les caractéristiques techniques. Une partie de la recherche a été faite par le CNRC.
    Les circonstances ont changé en raison de la guerre de Corée. De plus, Trans-Canada avait des réserves par rapport à l’appareil et elle s’est retirée, ce qui a nui au projet, en quelque sorte. Si vous voulez vendre un appareil et que votre transporteur national n’est pas intéressé, cela n’aide pas. La guerre de Corée a sonné le glas du projet. Pour ce qui est de l’avion Avro Arrow, ou CF-100, il répondait à un besoin du gouvernement; l’Aviation royale du Canada avait besoin d’un appareil canadien conçu en fonction du territoire canadien. On l’a conçu et produit. Il y a eu quelques problèmes mineurs, mais il s’est avéré un succès, un énorme succès. Donc, l’aide gouvernementale liée aux contrats et à la recherche a été fructueuse.
    La constance est essentielle, mais les circonstances peuvent changer. Cela fluctue considérablement.
    Vous avez également parlé de certaines innovations de Bombardier, du succès qu’elles ont connu et du marché d’exportation. Vous avez indiqué que l’industrie aérospatiale était surtout concentrée au Canada et que le marché de l’exportation est tout simplement lié à la demande, n’est-ce pas?
    La demande n’est pas assez forte, ici.
    La demande n’est pas assez forte. Donc je suppose que c’est ce que je cherche à savoir. Si les entreprises innovent, cela résulte-t-il d’une directive du gouvernement ou du fait qu’elles regardent du côté de l’étranger? Si vous pouviez répondre de ce point de vue, c’est en quelque sorte ce qui m’intéresse.
    De façon générale, surtout en ce qui a trait aux aéronefs commerciaux, il faut regarder à l’étranger. Il faut créer un produit que l’on pourra vendre sur le marché libre à l’étranger, en particulier aux États-Unis. Si vous réussissez à vendre votre produit aux compagnies aériennes américaines, vous êtes à mi-chemin, parce qu’elles représentent le principal marché dans le secteur de l’aérospatiale et des avions. D’autres projets par rapport aux forces armées... C’était un problème dans les années 1950, en quelque sorte, alors que l’on pensait que si le gouvernement achetait des aéronefs, on n’avait qu’à s’occuper de leur conception; l’armée de l’air les achetait, et le travail était fait. Quant à l’exportation, on a essayé, mais très souvent les produits étaient si adaptés aux exigences canadiennes qu’on ne pouvait pas les vendre à l’étranger. C’est un problème. L’idée est d’exporter. Vous devez concevoir quelque chose qui est soit très simple — comme un avion polyvalent que tout le monde achète —, soit si nouveau et révolutionnaire, comme un jet régional, que tout le monde le veut aussi.
    Donc, regardons simplement vers l’avenir. Il y a un pays comme l’Inde qui a fait savoir que d’ici 2020, il aura besoin de 3 000 avions de plus. Est-ce le genre de pénétration du marché que l’on recherche? Voilà pourquoi les accords de libre-échange sont nécessaires.
    Oui.
    L’autre aspect, c’est que par rapport à toute innovation, il y a les forces de poussée et d'attraction. Les circonstances doivent être parfaites. Dans le cas de l’avion de ligne, la guerre de Corée a éclaté et le marché n’existait plus pour ce produit. Tandis que pour le jet régional... Avant le jet régional, la société de Havilland du Royaume-Uni a tenté le même genre de choses, mais il n’y avait pas de marché et ce fut un échec. Il s'agissait des pires conditions qui soient. Le CRJ est arrivé au bon moment. Prenons l’exemple des Q400, à Toronto. Il y a quelques années, l’avion à turbopropulseurs n’était pas la voie à suivre. Le consommateur veut de nouveau voyager rapidement. Les gens veulent arriver à destination rapidement, et ils veulent du confort. Donc, voyager en jet, grimper au-dessus de la turbulence, puis descendre, cela consomme beaucoup de carburant. Ce n’est pas aussi efficace. Les turboréacteurs sont efficaces là-haut, mais il y a moins de turbulence; donc, le consommateur aime cela.
(1025)
    Je suis désolé, je dois vous interrompre ici.
    Nous avons assez de temps pour permettre à chaque parti de poser une dernière question, si c’est ce qu’ils désirent. Chaque parti aura deux minutes.
    Je distribue un document pour lequel j’ai besoin de votre approbation avant la fin de la réunion.
    Y a-t-il des questions?
    Monsieur Sullivan, une dernière question.
    À votre dernière intervention, vous avez dit que le marché de l'exportation est clairement... Comme vous l'avez indiqué, depuis 1960, la conception et la structure des avions n’ont pas beaucoup changé. Elles sont à peu près les mêmes. S'il y a de nouveaux débouchés dans un marché, disons en Inde, les fabricants canadiens chercheront à déterminer où ils peuvent maintenant vendre leur produit.
    Cela ne concerne pas tellement l'innovation. On parle un peu d'innovation, mais pas vraiment de créer une nouvelle technologie. Peut-être qu'avec les piles à combustible ou le barbotage ou toute autre chose à laquelle Bombardier travaille en ce moment, on pourrait développer une technologie novatrice dans un avenir lointain, mais ce n'est pas pour aujourd'hui. Le gouvernement ne peut pas encourager la recherche et le développement pour qu'une nouvelle industrie canadienne puisse être créée; nous avons déjà une industrie canadienne.
    Le gouvernement doit-il encore encourager cette industrie afin de s'assurer qu'elle ne déménage pas ailleurs? Tout le monde veut aller là où les salaires sont les plus bas. Est-il nécessaire de la talonner pour qu'elle reste ici et poursuive ici sa fabrication pour ces marchés émergents?
    Il y a un certain nombre de problèmes. Les transporteurs ne s'intéressent pas vraiment à l'innovation en soi. Ce qui leur importe, c'est ce qui est le moins coûteux. Ils veulent transporter le plus de personnes possible et payer le moins cher possible, afin de faire leurs frais. Donc, lorsqu'on parle d'innovation, il ne s'agit pas de l'innovation en soi, mais de l'innovation en vue de faire des profits ou de survivre, dans certains cas. C'est la même chose en ce qui concerne les transporteurs aériens et l'avionneur.
    En ce qui concerne l'aide gouvernementale, on ne veut pas faire obstacle et on veut qu’il y ait le plus d’ordres de gouvernement possible — à l’échelle internationale, comme je l’ai mentionné tout à l’heure — qui travaillent dans le même sens. C’est très difficile. Nous considérons, par exemple, l’Inde et la Chine comme de grands marchés. Il est dans leur intérêt, parce qu’ils veulent s’industrialiser, d’avoir leur propre industrie aérospatiale. Ils ont un vaste marché national et peuvent donc vendre les appareils dans leur pays. Dans certains cas, la Chine pourrait en quelque sorte suggérer aux transporteurs d’acheter des appareils chinois. Une fois qu’elle aura comblé la demande du marché intérieur et si elle possède les avions — elle pourrait en fait déjà posséder des avions de qualité mondiale — elle pourra elle-même les exporter. Le Canada exporte déjà là-bas. Ce pourrait être plus difficile que nous le croyons. Ce marché devient extrêmement concurrentiel, on le comprendra. Ce sont des emplois bien rémunérés. Il y a beaucoup d’argent et de prestige en jeu également.
    Les gouvernements américains, chinois, indiens et européens... il y a assurément beaucoup de lobbying; on leur dit que ces appareils sont meilleurs que ceux de la concurrence. C’est un marché extrêmement compétitif. Il était impossible de prédire, il y a 30 ans, si Bombardier serait toujours ici aujourd’hui. Il est très difficile de dire comment Bombardier s’en sortira dans 15 ou 20 ans. Il ne fait aucun doute que l’avion de la Série C semble très prometteur, mais le Concorde semblait très prometteur, lui aussi. J’espère que l’on obtiendra de meilleurs résultats.
    Merci.
    Madame Murray, avez-vous un dernier commentaire ou une dernière question?
    Oui. Je n'ai cessé d'entendre dire que le gouvernement doit assurer la continuité et l'orientation afin que tout le monde aille dans la même direction. J'adresse ma question à M. Quick.
    À quoi cela ressemble-t-il? S'il y avait une chose qui pouvait mener à ce résultat — en partant du principe qu'elle doit être adaptée à la situation, notamment — de quoi s'agirait-il? Serait-ce une table interministérielle qui coordonnerait les ministères et les points de vue? Serait-ce un mécanisme de collaboration intergouvernemental permettant de travailler avec les gouvernements provinciaux et des partenaires internationaux? Serait-ce un document stratégique, aurait-on mené des consultations dans le cadre desquelles tous les partenaires auraient dit: « Voici la stratégie convenue. Voici le compas. Orientez-le vers le nord. Nous allons tous aller dans cette direction. » Ou s'agirait-il d'un ensemble de politiques gouvernementales et de recommandations? Serait-ce une vision?
    Je veux vraiment mettre l'accent sur la partie de votre objectif dont vous avez parlé, soit la technologie et l'innovation pour la durabilité. Donc, quel serait le mécanisme qui permettrait d'obtenir cette continuité et cette orientation?
(1030)
    Il est difficile de nommer une seule chose. Il faudrait assurément un dialogue avec l'industrie, mais comme je l'ai déjà dit — et Rénald y a fait allusion —, il ne s'agit pas seulement de l'innovation en soi. Il y a aussi un aspect de poussée et d'attraction.
    S'il y avait un nouveau mécanisme — si vous aviez une baguette magique et que c'est ce que nous allions faire — quel serait-il?
    Sur le plan interministériel ou provincial, par comparaison au fédéral, même d'un point de vue historique, il est vraiment difficile de dire s'il y a une solution miracle qui va faire...
    Je ne veux pas dire que cela va tout régler, mais s'il pouvait y avoir juste une nouvelle initiative ou un nouveau mécanisme qui, selon vous, serait le plus efficace pour assurer cette continuité et cette orientation claire, quel serait-il?
    Je crois que ce serait le soutien pour maintenir cette continuité; la création d'un environnement, comme je l'ai dit, qui soutient cette continuité.
    Je dois vous interrompre.
    Monsieur Poilievre, un dernier commentaire.
    Excusez-moi, mais je ne suis pas sûr d'avoir compris la question. Je vais devoir changer de sujet.
    Certains de nos collègues ont parlé de la nécessité pour le gouvernement d'offrir des subventions afin d'empêcher l'industrie de déménager à l'étranger. M. Sullivan a souligné l'écart salarial qui pourrait inciter l'industrie à s'en aller dans un autre pays. Si on offre ces subventions, on peut présumer que l'industrie devrait les payer par des impôts plus élevés, puisque l'argent ne pousse pas dans les arbres. Lorsqu'on va puiser dans l'économie pour financer des industries qui ne sont pas suffisamment productives pour se passer de subventions, quelles sont les conséquences possibles sur l'invention, l'innovation et les découvertes?
    Cela crée de graves problèmes. Lorsqu'on subventionne une industrie qui n'est plus productive, elle est en quelque sorte sous séquestre permanent. Je ne parle pas de la situation au Canada. Mais dans une situation théorique où une industrie est sous séquestre permanent, la seule façon de la sauver, c'est d'y injecter davantage de fonds. À un certain moment, on ne peut plus continuer. C'est impossible. Si l'économie est en expansion, on peut y arriver pendant un certain temps, mais tôt ou tard, quelque chose doit se produire.
    Ce n'est pas la situation qui existe au Canada. Très souvent, les sommes sont versées à l'industrie sous forme de prêts remboursables. Ce n'est donc pas la situation qui existe ici.
    À divers moments, l'industrie a été en difficulté. C'est vrai. Au milieu des années 1970, le gouvernement a pris en charge de Havilland et Canadair afin de les empêcher de disparaître complètement. Ce fut une bonne décision, mais durant cinq à dix ans, la gestion était très serrée. Cela aurait pu mal tourner, mais dans ce cas-ci, cela a fonctionné.
    Bien souvent, on ne sait pas à l'avance si les choses vont bien fonctionner. On pense que ce sera le cas. On en est assez certain. Mais quelque chose se produit, comme ce qui est arrivé dans le cas du Concorde, et le monde change. Ce doit être une décision stratégique, mais je ne pourrai malheureusement pas entrer dans les détails, car je ne suis pas économiste.
    D'accord, faites un dernier commentaire, mais soyez bref.
    J'ai une question au sujet des subventions gouvernementales visant à promouvoir la recherche et le développement. Si l'analyse de rentabilité d'une activité de R-D est bonne, pourquoi les contribuables doivent-ils la financer, et si l'analyse de rentabilité n'est pas bonne, pourquoi les contribuables voudraient-ils la financer?
(1035)
    Exactement. Parfois, on veut subventionner des idées farfelues. Quand on a beaucoup d'argent, on peut le faire. Mais tout ne fonctionne pas toujours. Il y a beaucoup de bons avions, et le Concorde en est un exemple. C'était une idée fantastique, mais sur le plan commercial, elle n'était pas si bonne. Sur le plan technologique, toutefois, cela a certainement eu un impact sur l'industrie. Certaines des idées qui ont été mises de l'avant pour ce projet, même si le projet en soi n'était pas une réussite sur le plan commercial, ont été utilisées ailleurs. Mais on ne sait jamais à l'avance. Cela devient une décision stratégique.
    Si l'on peut se permettre d'investir de l'argent, pas de grosses sommes, mais un financement de démarrage dans certains projets, cela devient un choix. C'est presque un choix d'entreprise. Le gouvernement doit le considérer comme tel. Un jour, on doit vendre ces produits. Si on ne peut entrevoir de marché pour ces produits et que le gouvernement ne peut justifier leur achat, alors il vaut mieux laisser tomber.
    Sur ce, je vous remercie de votre présence aujourd'hui. Ce fut très instructif. Je suis sûr que nous allons réfléchir à ce que vous nous avez présenté aujourd'hui.
    Je voudrais dire aux membres du comité, avant la levée de la séance, que j'ai fait distribuer un document sur le budget qui nous permettra de fonctionner jusqu'à ce que nous ayons atteint la fin de la liste actuelle de nos témoins. Je vous demande de l'approuver pour que nous l'obtenions.
    M. Holder l'a proposé. Tous ceux qui sont pour, veuillez l'indiquer. Ceux qui sont contre?
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Merci.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU