:
Monsieur le Président, je voulais attendre que nous en ayons fini avec les formalités procédurales avant d'invoquer le Règlement comme je souhaite le faire maintenant. Mon explication prendra un certain temps, et je voulais attendre le départ des députés devant vaquer à d'autres occupations.
Mon recours au Règlement concerne le projet de loi , plus particulièrement le travail qui a été fait par les comités, les pouvoirs des comités et le pouvoir que la Chambre conserve puisque c'est elle qui crée les comités.
On dit souvent que les comités sont maîtres de leurs délibérations. C'est un concept important, et c'est aussi un point important concernant l'autonomie dont peut jouir un comité. Vous serez peut-être d'accord avec moi pour dire que les comités abusent parfois de ce concept.
Cela veut dire que chacun des comités permanents s'occupe de ses propres affaires. Lorsque le comité est formé sur ordre de la Chambre, et lorsque cette dernière lui confie un dossier, c'est en grande partie au comité de décider quand et comment faire son travail. Cependant, il est faux de prétendre, comme le font certains, que les comités peuvent faire tout ce qu'ils veulent, quand ils le veulent, et de la façon qui leur convient. La procédure, le Règlement et les précédents observés dans notre assemblée législative établissent les règles à suivre. Les comités ne peuvent tout simplement rejeter ces règles quand bon leur semble. Chaque comité est peut-être maître de ses propres affaires à bien des égards, mais les travaux des comités sont assujettis à des limites claires et précises que les comités doivent respecter, même si elles déplaisent à certains députés de l'organisation dirigeante majoritaire.
En présentant pour la deuxième fois un imposant projet de loi omnibus, le projet de loi , le gouvernement a repoussé les limites de ce qu'on peut et devrait tolérer de la part d'un gouvernement majoritaire. Les règles de procédure du Parlement indiquent clairement qu'en dépit du droit de l'opposition de retarder l'étude des mesures qu'elle considère comme inacceptables, le gouvernement doit avoir le droit de faire avancer son programme législatif de façon raisonnable.
Cependant, en entassant dans un projet de loi ou deux le programme législatif de toute une session parlementaire, et en faisant passer de façon cynique ces mesures pour des mesures d'exécution du budget, le gouvernement a déjà mis à l'épreuve, voire dépassé, à notre avis, les limites démocratiques de notre assemblée législative.
Monsieur le Président, la dernière mesure de ce genre présentée par le gouvernement, le projet de loi , a fait dire à plusieurs députés de l'opposition que le gouvernement avait tout simplement dépassé les limites de ce qu'il pouvait réellement inclure dans son projet de loi d'exécution du budget. Dans ce cas, vous n'étiez pas d'accord avec l'opposition, mais après cette intervention, j'espère que vous déterminerez que le gouvernement a tout simplement interprété avec trop d'empressement et trop librement les règles qui doivent régir l'étude de toutes les mesures législatives, quels qu'en soient la forme et le titre, et que de telles mesures nuisent à la capacité du Parlement de faire un travail essentiel pour les Canadiens, c'est-à-dire demander des comptes au gouvernement.
[Français]
Je ne vais pas discuter aujourd'hui de la légitimité ni même de la valeur des projets de loi omnibus. C'est ironique que ce gouvernement, dans sa grande sagesse, soit en train, à lui seul, d'apprendre aux Canadiens des termes et des phrases qui leur seraient demeurés inconnus sans l'aide des conservateurs.
Il y a quelques années, le gouvernement a ressorti le mot « prorogation » des livres procéduraux et en a fait le sujet de discussion autour des tables à manger et, finalement, le sujet de nombreuses manifestations à travers le pays. Grâce aux conservateurs, les Canadiens ont dû revoir leur définition de « responsabilité ministérielle », puisque malheureusement, sous la gouverne de ce , les ministres ne semblent être aucunement responsables. Et ils ont fait du mot « omnibus » un gros mot, en évitant systématiquement la surveillance du Parlement en utilisant cet outil législatif et en abusant du pouvoir de leur gouvernement faiblement majoritaire.
[Traduction]
Je crois que, pendant le processus d'examen en comité de ce véritable monstre qu'est le récent projet de loi omnibus d'exécution du budget, le gouvernement a tout simplement dépassé les bornes dans sa façon de se moquer des règles parlementaires qui gouvernent la Chambre et la démocratie canadienne. Je crois donc qu'on devrait jeter ce projet de loi et tout recommencer.
J'aimerais rappeler à la Chambre, aux Canadiens qui attendent mieux de leur Parlement, et à vous-même, monsieur le Président, comment s'est déroulée l'étude du projet de loi , le deuxième projet de loi omnibus de mise en oeuvre du budget 2012-2013 présenté par le gouvernement.
Le 18 octobre 2012, après l'adoption de la motion de voies et moyens no 13, le a proposé, au nom du , que le projet de loi soit lu pour la première fois et imprimé. Le 24 octobre, le a proposé que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois et renvoyé au comité.
Encore une fois, le gouvernement a eu recours à l'attribution du temps pour limiter les débats. Le 30 octobre 2012, la deuxième lecture du projet de loi s'est conclue par une motion portant:
[...] que le projet de loi C-45, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en oeuvre d'autres mesures, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé au [Comité permanent des finances].
En fait, voici ce qu'a dit exactement le Président, comme en fait foi le hansard du 30 octobre 2012: « Je déclare la motion adoptée. En conséquence, le projet de loi est renvoyé au Comité permanent des finances. »
Ce projet de loi ne devait être renvoyé qu'au Comité des finances et seulement à ce comité, comme l'indique la motion adoptée par la Chambre.
[Français]
Ce point est important. Comme la Chambre est aussi maîtresse de ses activités, et afin de protéger ses propres droits, elle doit être certaine que ses ordres de renvoi sont respectés. Comme vous le savez, monsieur le Président, en vertu du processus législatif que la Chambre a adopté, un projet de loi ne peut être renvoyé qu'à un seul comité, et ce comité doit être celui qu'a désigné la Chambre elle-même.
[Traduction]
C'est la Chambre des communes qui crée les comités et qui leur confère leurs pouvoirs. Plus particulièrement, l'article 104 du Règlement de la Chambre prévoit la création des comités, et l'article 106 établit comment ces derniers sont constitués et qui les dirige. De plus, l'article 108 précise le mandat de chacun des comités permanents.
Un excellent sommaire de ce système se trouve dans la deuxième édition de La procédure et les usages de la Chambre des communes — que j'appellerai l'O'Brien-Bosc —, aux pages 960 et 962. Il est écrit ce qui suit au sujet des comités permanents:
Ceux-ci sont autorisés à mener des études et à présenter des rapports à la Chambre sur toutes questions reliées au mandat, à l’organisation, à l’administration et au fonctionnement des ministères dont ils surveillent les activités. Plus spécifiquement, ils peuvent étudier:
les textes législatifs liés aux ministères qui leur sont confiés;
les objectifs des programmes et politiques desdits ministères et l’efficacité de leur mise en œuvre;
les plans de dépenses à court, moyen et long terme des ministères et l’efficacité de leur mise en œuvre par le ministre;
l’analyse de la réussite des ministères en fonction de leurs objectifs.
En sus de ce mandat général, d’autres questions sont régulièrement renvoyées pour examen par la Chambre à ses comités permanents: projets de loi, budgets des dépenses, nominations par décret, documents déposés à la Chambre en vertu d’une loi et questions particulières que la Chambre souhaite faire étudier. Pour chacun de ces éléments, la Chambre sélectionne le comité le plus approprié en fonction des mandats des comités permanents.
Je tiens à souligner que c'est la Chambre, et non un autre comité, qui accorde tous les pouvoirs mentionnés dans ce passage. C'est la Chambre des communes qui autorise ces pouvoirs. Je mets l'accent sur le fait que le projet de loi ne devait être renvoyé qu'au Comité des finances. La motion adoptée à la Chambre indiquait seulement ce comité.
[Français]
Autrement dit, cela n'empêche pas d'autres comités d'étudier le contenu des différentes parties d'un projet de loi omnibus. Les comités ont toujours ce droit, mais cette étude doit être séparée de l'étude réalisée en vertu de l'ordre de renvoi que la Chambre donne au comité responsable de l'étude officielle de la loi en question.
La seule façon, pour d'autres comités, d'étudier des parties d'un projet de loi omnibus en toute légitimité est de le diviser en plusieurs mesures législatives et de demander à la Chambre d'émettre un ordre de référence pour le ou les nouveaux projets de loi de ces comités.
L'opposition officielle a toujours demandé que ce projet de loi soit divisé et étudié adéquatement par les différents comités. On s'en rappellera, l'opposition officielle a proposé une série de motions à la Chambre pour diviser ce projet de loi, en utilisant le même méthode qui a été utilisée pour diviser le projet de loi sur le budget et pour créer et adopter le projet de loi sur le régime de pensions des députés, bien que nous n'ayons eu le projet de loi C-46 qu'après que le NPD eut rejeté la proposition originale inconsidérée des libéraux qui était de contourner le processus législatif non seulement pour les pensions des députés, mais aussi pour celles des travailleurs de la fonction publique et des membres de la GRC.
[Traduction]
C'est précisément ce que la Chambre a fait: elle a pris le projet de loi et, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés, a retiré la partie qui portait sur les pensions des députés et des sénateurs.
La proposition initiale du troisième parti comportait une erreur. Cette erreur, à laquelle le gouvernement s'est joyeusement rallié, aurait donné lieu à des changements dont les répercussions se seraient fait sentir sur plus de 450 000 personnes — des fonctionnaires, des membres de la GRC et leurs proches — sans que la Chambre ou le moindre comité ne prenne une seule minute pour les étudier ou en débattre.
Heureusement, l'opposition officielle écoutait ce que disaient les libéraux, ce qu'eux-mêmes ne semblaient pas faire, et s'est insurgée à l'idée que 450 000 fonctionnaires et membres de la GRC soit sacrifiés sur l'autel de l'opportunisme politique.
Nous avons divisé cette partie du projet de loi et avons proposé au contraire de faire un projet de loi portant uniquement sur les pensions des députés et des sénateurs. Le gouvernement a acquiescé, car contrairement à ce que proposait le troisième parti, cette solution avait l'assentiment de l'ensemble de la Chambre.
C'est ici que l'on arrive au noeud du problème, à savoir l'attitude des conservateurs concernant le Parlement et le processus législatif. Les conservateurs sont convaincus que les règles ne s'appliquent pas à eux et que, parce qu'ils sont majoritaires, tous les coups leur sont permis, tant que les objectifs fixés par le Cabinet du premier ministre sont atteints.
J'en arrive à ce qui c'est passé au Comité permanent des finances. Voici ce que les conservateurs ont imaginé, en réaction à la pression intense qu'exerçaient l'opposition officielle et les Canadiens de partout au pays, pour donner l'illusion que l'étude du projet de loi avait été faite avec diligence.
Je vous lis un extrait du compte rendu, et reviendrai ensuite sur la partie qui risque d'intéresser le Président quand viendra le temps de rendre une décision. Le 31 octobre, le Comité permanent des finances a adopté la motion suivante, proposée par la secrétaire parlementaire du ministre des Finances:
Que, en ce qui a trait à l'ordre de renvoi du mardi 30 octobre 2012 relatif au projet de loi C-45, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en oeuvre d'autres mesures,
a) le président du comité permanent écrive dès que possible aux présidents des comités permanents suivants afin d'inviter ces comités permanents à étudier la teneur des dispositions indiquées dudit projet de loi [...]
Suivent alors tous les comités visés par la secrétaire parlementaire: le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord; le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire; le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration; le Comité permanent de l'environnement et du développement durable; le Comité permanent des pêches et des océans; le Comité permanent de la santé; le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées; le Comité permanent de la justice et des droits de la personne; le Comité permanent de la Sécurité publique et nationale; et le Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités.
Voilà qui montre à quel point le projet de loi du gouvernement ratisse large.
Voici les points importants des instructions données par le Comité des finances.
Ce que nous faisons valoir, c'est que le Comité des finances n'a pas ce pouvoir. Seule la Chambre des communes a ce pouvoir.
Ainsi, au paragraphe b), il est indiqué que « chacun des comités permanents nommés au paragraphe a) » — je viens d'ailleurs de dresser la liste de tous ces comités:
soit invité à faire part de recommandations, y compris toute proposition d'amendement, dans les deux langues officielles, concernant les dispositions qu'il a étudiées, par lettre, dans les deux langues officielles, au président du Comité permanent des finances, d'ici le mardi 20 novembre 2012 à 17 heures.
c) les amendements proposés par les autres comités permanents dans le cadre des recommandations faites conformément au paragraphe b) soient réputés être proposés au cours de l'étude article par article du projet de loi C-45, à condition que les recommandations soient reçues avant l'étude des articles visés, et sous réserve d'amendements proposés par les membres du Comité permanent [...]
Le paragraphe d) indique ceci:
le Comité amorce l'étude article par article du projet de loi C-45 d'ici le mercredi 21 novembre [...], sous réserve de décision, par le président, de limiter le débat sur chaque article à un maximum de cinq minutes...
Par conséquent, il s'agit d'une autre attribution de temps, cette fois-ci à l'étape de l'étude en comité. Une fois de plus, on met fin au débat. Le paragraphe e) indique que:
les amendements au projet de loi C-45, autres que ceux réputés être proposés conformément [...] soient présentés au greffier [...];
On trouve également d'autres instructions aux paragraphes e) et f).
[Français]
On remarque immédiatement plusieurs faits importants. Entre autres, le comité n'a pas présenté son rapport sur le projet de loi à la Chambre « le jeudi 22 novembre au plus tôt ». En effet, il l'a présenté cet après-midi. Pourquoi? Parce que le comité a enfreint ses propres règles procédurales lorsque le gouvernement s'est retrouvé dans un nouveau gâchis lié aux communications.
On note également que cet examen, effectué par d'autres comités que celui des finances, est la tactique employée par le troisième parti pour, d'après ce que j'en comprends, améliorer la surveillance parlementaire de ce projet de loi.
Les libéraux ont eu ce qu'ils voulaient, mais seulement parce que le gouvernement était tout à fait disposé à dire qu'il était coopératif, alors qu'en fait, tout le processus n'a été qu'une comédie procédurale dont la responsabilité revient au gouvernement et à ses alliés involontaires du Parti libéral, qui ont oublié le vieil adage qui dit de faire attention à ce que l'on souhaite.
[Traduction]
À l'opposé, les motions, légitimes, présentées par l'opposition officielle en vue de scinder le projet de loi de façon légitime, et qui ont été rejetées presque d'emblée par le gouvernement, auraient permis de renvoyer chaque partie du projet de loi au comité compétent afin qu'elle y soit étudiée comme il se doit. Ensuite, chaque comité aurait pu tenir des audiences, convoquer divers experts des sujets traités, puis, après avoir entendu les différents points de vue à l'égard de la mesure législative, aurait pu proposer des amendements raisonnables aux fins du débat et être acceptés ou rejetés lors d'une séance consacrée à l'étude article par article au sein de chaque comité.
Enfin, chaque comité aurait pu renvoyer le projet de loi à la Chambre des communes en temps et lieu. Cette façon de faire aurait permis d'améliorer considérablement un projet de loi très imparfait, de respecter les règles que le gouvernement a enfreintes et de confirmer de nouveau notre engagement collectif, qui consiste à respecter l'argent des contribuables et le Parlement. Ce projet de loi a des répercussions très importantes, non seulement en raison des objectifs qu'il poursuit, mais aussi à cause de ses implications pour cette enceinte et pour notre légitimité en tant que parlementaires, puisque nous devons exiger que le gouvernement rende des comptes à la population.
Puis, les conservateurs ont employé un processus bidon consistant à demander au Comité des finances, et non à la Chambre des communes, de charger divers comités d'étudier un projet de loi qui ne lui avait pas été renvoyé et de faire des propositions d'amendement. Il ne s'agissait pas seulement d'une catastrophe sur le plan de la procédure; en plus, à cause des échéances déraisonnables, cela ne permettait à aucun des comités en question de tenir un débat raisonné. Je reconnais que ce dernier point demeure matière à discussion, mais cela souligne néanmoins le fait que, en proposant cette façon de faire, le gouvernement a fait preuve d'un mépris total à l'égard du processus législatif. Les comités étaient saisis de grandes parties du projet de loi, avaient seulement le temps d'accueillir un ou deux témoins sans pouvoir les interroger et ont procédé à l'étude article par article à toute vitesse, sans discussion.
On nous a imposé un processus illégitime qui va à l'encontre de nos procédures et pratiques établies et dont les conséquences sont bien résumées dans le passage de l'ouvrage d'O'Brien et Bosc sur les rapports de comité qui dit, à la page 985:
Dans le passé, dans les cas où un comité avait outrepassé son ordre de renvoi ou abordé des questions non comprises dans celui-ci, le Président de la Chambre a déclaré le rapport, ou une partie spécifique de celui-ci, irrecevable.
Lorsque les comités ont outrepassé leur ordre de renvoi par le passé, le Président a jugé bon de déclarer le rapport, ou certaines parties de celui-ci, irrecevable.
[Français]
Monsieur le Président, vous avez vous-même renvoyé ce projet de loi à un comité spécifique. Or j'estime que le Comité permanent des finances n'avait tout simplement pas l'autorité de renvoyer des sections du projet de loi à un autre comité permanent. Le droit et le devoir du comité étaient d'étudier ce projet de loi et d'en faire rapport à la Chambre, avec ou sans amendement.
[Traduction]
J'aimerais récapituler, pour la gouverne de ceux qui suivent le déroulement de ce cauchemar procédural créé par un gouvernement qui semble ne pas vouloir ou ne pas pouvoir respecter les règles en vigueur à la Chambre depuis de nombreuses décennies, comment un comité doit traiter un projet de loi complexe que lui a renvoyé la Chambre, après l'étape de la deuxième lecture.
Normalement, après l'adoption d'un projet de loi à l'étape de la deuxième lecture, le comité qui reçoit le projet de loi organise son horaire, invite divers témoins en fonction des listes présentées par les partis reconnus, proportionnellement à leur représentation au comité, entend les témoins, formule des amendements, organise une réunion pour l'étude article par article, étudie chaque article, examine les amendements aux articles, vote sur les amendements et les articles et, enfin, met aux voix le projet de loi. Monsieur le Président, vous et moi connaissons bien ce processus. Ce n'est pas ce qui s'est passé en l'occurrence.
Normalement, les résultats de ces décisions sont ensuite présentés à la Chambre, qui confère à l'étude du comité toute sa légitimité. C'est une pratique de longue date respectée par les gouvernements de toutes les allégeances politiques, quelle que soit la teneur du projet de loi en question, l'intensité du débat ou la profondeur des clivages politiques.
La Chambre, dans sa grande sagesse, a même prévu un mécanisme qui permet de modifier les étapes normales de l'étude d'un projet de loi en comité. La procédure s'appelle « motion d'instruction ». Je cite de nouveau les propos éclairés que l'on trouve à la page 752 de l'O'Brien-Bosc, dans le chapitre sur le processus législatif:
Une fois qu’un projet de loi a été renvoyé à un comité, la Chambre peut adopter une motion d’instruction autorisant ce dernier à faire une chose qu’il n’aurait autrement pas le pouvoir de faire, par exemple: examiner une partie d’un projet de loi et en faire rapport séparément; examiner certains points en particulier; diviser un projet de loi en plusieurs mesures; regrouper plusieurs projets de loi en une seule mesure ou encore élargir ou resserrer la portée ou l’application d’un projet de loi. Un comité peut aussi solliciter des instructions de la Chambre.
Voilà le pouvoir que détient la Chambre des communes: elle peut renvoyer cette motion d'instruction à tout comité pour diviser un projet de loi ou pour regrouper des projets de loi afin que la mesure législative soit étudiée comme il se doit. Ce pouvoir repose uniquement entre les mains de la Chambre des communes. Aucun comité ne peut prendre de telles mesures. Les comités ne sont pas maîtres de ce choix.
Si le gouvernement souhaitait respecter les règles de la Chambre et voulait que plusieurs comités étudient le projet de loi, il aurait alors pu présenter une motion d'instruction ordonnant au comité de procéder de la sorte, sans quoi le comité n'aurait pas eu ce pouvoir. Dans l'affaire qui nous intéresse, la motion aurait porté que d'autres comités mènent un examen sur les parties du projet de loi relevant de leurs domaines — les transports, les affaires autochtones, l'environnement et les pêches et les océans —, que des amendements peuvent être apportés au projet de loi et que des rapports distincts doivent être produits. Le comité, s'il estimait être incapable de se pencher sur des parties du projet de loi qui avaient si peu à voir avec les finances et le budget, aurait aussi pu demander des instructions à la Chambre.
Le pouvoir de modifier ainsi le processus législatif appartient toutefois uniquement à la Chambre des communes; le comité des Finances ne peut se l'arroger.
Dans votre examen du recours au Règlement et dans votre décision, monsieur le Président, il ne faudra pas vous limiter à la présente affaire, soit le processus lié au projet de loi , qui a complètement déraillé, il faudra aussi tenir compte du fait que, si nous autorisons les comités à prendre ce type de décisions sans autorisation expresse de la Chambre, le principe selon lequel les comités sont maîtres de leurs délibérations se trouvera alors dénaturé au profit de la joute politique, ce que les gouvernements de toutes allégeances abhorreraient.
J'en arrive à ma conclusion dans une minute.
[Français]
Parce qu'aucun autre comité n'a reçu un ordre de renvoi de la Chambre afin d'étudier le projet de loi , et parce qu'il n'y a pas eu d'instruction de la Chambre qui serait venue compléter l'ordre de renvoi, j'estime inacceptable qu'un comité autre que le Comité permanent des finances ait tenu des votes concernant des amendements au projet de loi , ce qui est exactement ce que le Comité permanent des finances a fait. Des votes ont donc eu lieu, et comme la motion du secrétaire parlementaire du l'indique clairement, la décision de ces autres comités a un effet contraignant sur le travail du Comité permanent des finances. Légitimement, il s'agit pourtant d'un droit que seule la Chambre possède.
[Traduction]
Par souci de clarté, je précise que tout comité a le droit d'amorcer l'étude d'une question qui s'inscrit dans son champ de compétence, y compris les éléments du projet de loi , que le gouvernement aurait dû présenter dans un projet de loi distinct, quoique, même là, le comité ne peut faire rapport à un autre comité. Monsieur le Président, vous savez bien cela. Un comité ne peut simplement choisir de faire rapport de ses amendements et des articles qu'il a étudiés à un autre comité. Il doit faire rapport à la Chambre des communes, dont ses pouvoirs relèvent et à laquelle il est tenu de rendre des comptes, et non à un autre comité.
Les comités ont aussi le pouvoir de tenir des réunions conjointes, mais encore là, le rapport d'un comité conjoint ne peut être présenté qu'à la Chambre des communes et non à un autre comité. Cette question est traitée à la page 983 de l'O'Brien-Bosc. Au sujet des réunions conjointes de comités, il y est indiqué:
Si un rapport est adopté lors de ces séances, chaque comité peut présenter un rapport distinct à la Chambre, même s’ils sont tous deux identiques.
Je renvoie également au passage du même chapitre qui, aux pages 984 et 985, traite des rapports présentés par les comités à la Chambre des communes. Je cite:
Pour jouer efficacement leur rôle, les comités doivent pouvoir faire part de leurs constatations à la Chambre. Le Règlement habilite les comités permanents du pouvoir de faire rapport à l’occasion à la Chambre, ce qui est généralement compris comme aussi souvent qu’ils le désirent. Un comité permanent use de cette prérogative lorsque ses membres s’entendent sur l’objet et le libellé d’un rapport et mandatent son président d’en faire rapport à la Chambre, ce qui est fait par la suite.
Comme tous les autres pouvoirs des comités permanents, la faculté de faire rapport ne s’utilise uniquement que pour des questions relevant de leur mandat ou que la Chambre leur a confiées expressément. Chaque rapport doit d’ailleurs préciser l’autorité en vertu de laquelle il est présenté. Dans le passé, dans les cas où un comité avait outrepassé son ordre de renvoi ou abordé des questions non comprises dans celui-ci, le Président de la Chambre a déclaré le rapport, ou une partie spécifique de celui-ci, irrecevable.
Les règles qui régissent les comités montrent que les pouvoirs de ceux-ci leur sont impartis par la Chambre des communes. En outre, elles disent que les comités font rapport de leurs travaux à la Chambre et à nulle autre entité.
[Français]
En conclusion, jamais on n'aurait dû accepter la demande présentée par le Comité permanent des finances à d'autres comités de la Chambre afin qu'ils deviennent en quelque sorte des sous-traitants de ce qui ne peut être décrit que comme un travail bâclé par le et son secrétaire parlementaire.
J'estime que d'autres comités auraient pu aisément étudier certaines parties du projet de loi .
Ces comités auraient pu recevoir des témoins et faire rapport de leurs conclusions à la Chambre.
Cependant, parce que la Chambre a renvoyé la question uniquement au Comité permanent des finances, et que le gouvernement a rabaissé nos règles de procédure afin de servir ses objectifs de communication et de « paraître démocratique » même en présentant un projet de loi omnibus, j'estime, monsieur le Président, qu'en tant que gardien des règles qui protègent l'intégrité de cette vénérable institution, vous devez rejeter le rapport du comité et le retirer du Feuilleton.
[Traduction]
Monsieur le Président, j'attends votre décision à ce sujet.
Pour finir, je sais pertinemment qu'une décision en faveur de cette thèse constituerait un acte d'accusation virulent contre le gouvernement. Cependant, comme les conservateurs ne se sont pas trop embarrassés de détails législatifs et procéduraux depuis qu'ils ont obtenu leur majorité très mince et très convoitée aux dernières élections fédérales, ce serait peut-être un rappel utile à tous ceux qui sont concernés que leur pouvoir demeure limité par les règles de la démocratie parlementaire. Ils pourraient peut-être considérer cela comme un avertissement. Ce ne sont pas des rois qui règnent sur le pays, ce sont des serviteurs du peuple.
:
Monsieur le Président, la pratique qui a été suivie au Comité des finances, à savoir celle qui consiste à inviter d'autres comités à examiner le sujet à l'étude et à fournir de la rétroaction sur le travail relevant de la compétence du Comité des finances, est en fait une pratique établie. Ce n'est pas la première fois qu'on y a recours. On l'a fait par le passé, et cela démontre que c'est une pratique acceptée.
Tout au long du processus, le Comité des finances a conservé sa compétence. C'était le comité qui avait été chargé par la Chambre des communes de faire ce travail, et c'est ce qu'il a fait. Toutefois, cela ne devrait pas l'empêcher de demander l'avis d'autres intervenants, que ce soit d'autres comités, des membres du public ou des organismes canadiens. C'est une chose qu'il fait régulièrement depuis des années.
Dans ce monde complexe où nous vivons, les questions se recoupent parfois. Par exemple, si nous parlons de la contribution des musiciens au pays, cette dernière n'est pas seulement culturelle, mais aussi économique. Les musiciens contribuent à l'économie. Est-ce que cela signifie que cette question ne pourrait pas être étudiée entièrement par le Comité du patrimoine?
De toute évidence, certaines questions touchent l'ensemble de l'économie canadienne, comme c'était le cas pour le budget. L'économie canadienne englobe les secteurs des ressources naturelles, de la fabrication et des soins de santé, ainsi que les industries culturelles. De par sa nature même, le Comité des finances peut convoquer des témoins issus de presque tous les secteurs de la société qui pourraient tout aussi bien comparaître devant d'autres comités. On peut constater cela en examinant les consultations qu'il mène, notamment celles précédant le budget qu'il a lancées de nouveau. Par conséquent, il est tout à fait pertinent d'examiner les enjeux en utilisant différents moyens.
La beauté de notre système, c'est qu'il est possible de trouver différentes façons de faire les choses. Nous disposons de la souplesse que nous confèrent les règles en vigueur. Parfois, des comités parlementaires s'unissent pour former un comité mixte officiel, chargé d'étudier une question particulière. Parfois, un comité législatif spécial est mis sur pied pour atteindre le même objectif en réunissant les experts en la matière. Il peut aussi arriver qu'un comité crée un sous-comité afin qu'il se penche sur une question précise.
Lorsqu'un comité agit ainsi, ce n'est pas sur ordre de la Chambre des communes et il ne renonce pas à sa compétence. Il est tout à fait libre de mener des consultations et de tenir ses travaux de la manière qu'il estime la plus efficiente et la plus efficace possible, dans le but de recueillir des points de vue et de prendre les décisions les plus judicieuses possibles. Tout au long du processus, le comité qui décide de déléguer des pouvoirs et de recueillir des opinions ailleurs conserve sa compétence. Il est entièrement habilité à déléguer des pouvoirs parce qu'au bout du compte, il continue d'exercer pleinement toute sa compétence. Sur le plan de la procédure, un comité a tout à fait le droit d'agir comme le Comité des finances l'a fait. Comme je l'ai dit, on voit souvent ce genre de choses, et ce, à tous les niveaux.
Le chef de l'opposition à la Chambre dit que la seule façon de procéder lorsqu'on se retrouve dans une telle situation, c'est de retirer au Comité des finances sa compétence et de ne pas se contenter simplement de consulter les autres comités, comme le comité l'a fait, mais d'accorder à tous les autres comités le même pouvoir décisionnel. Si on faisait ce que suggère le chef de l'opposition, on créerait un chaos procédural qui aurait pour conséquence d'empêcher complètement la Chambre des communes, le Parlement actuel et tous les futurs gouvernements de se pencher vraiment sur des dossiers. Nous ne voulons pas nous retrouver comme aux États-Unis, où il peut se passer plusieurs années avant qu'on puisse adopter ne serait-ce qu'un budget à cause d'impasses et de chaos législatifs de ce genre.
Selon l'interprétation que fait le député, on créerait ainsi une situation qui s'élargirait à tous les autres projets de loi. Le Comité des finances aurait à étudier presque tous les projets de loi dont la Chambre a déjà été saisie sous prétexte que les Premières Nations et les ressources naturelles font partie de l'économie. Tous ces projets de loi devraient aussi être examinés par le Comité des finances. Je rejette tout simplement le fondement de ce raisonnement. À mon avis, ce ne serait pas du tout une sage décision, sur les plans procédural, historique, réglementaire et pratique, d'imposer cette façon de procéder.
Enfin, le député semble dire qu'il y a un problème lorsqu'on consulte d'autres comités et qu'on les invite, comme l'a fait le Comité des finances, à proposer des suggestions ou des amendements. Selon lui, c'était inapproprié d'une certaine façon parce qu'il ne s'agissait pas d'une délégation officielle, mais plutôt d'une invitation à formuler des suggestions. En fait, c'est une question hypothétique parce que ces comités n'ont pas proposé d'amendement au Comité des finances.
S'il y avait un problème à ce que nous procédions ainsi, il serait purement théorique, car il n'existe pas en pratique. Cela me fait penser au byzantinisme du NPD. Lorsqu'un néo-démocrate voit quelque chose qui, concrètement, fonctionne très bien, il dira qu'elle fonctionne en pratique, mais que l'important consiste à déterminer si elle fonctionne en théorie. Voilà l'approche du NPD, celle qui est visiblement à l'oeuvre actuellement.
En pratique et en réalité, les autres comités n'ont fait aucune proposition d'amendement. Il n'y a donc aucun tort à redresser, contrairement à ce que prétend le député, car ce qui le préoccupe ne s'est pas produit. Il s'agit peut-être d'une question théorique intéressante, et je peux comprendre l'importance pour le NPD de se pencher sur les questions théoriques intéressantes de ce genre. Toutefois, dans le cas précis du projet de loi , ces questions théoriques ne se sont jamais concrétisées puisque les comités n'ont proposé aucun amendement.
Le Comité des finances a conservé l'intégralité de sa compétence tout au long du processus, dans le traitement aussi bien des amendements que du projet de loi. Il a agi adéquatement et dans le respect du Règlement de la Chambre des communes ainsi que du mandat que celle-ci lui avait confié. Le rapport sur le projet de loi a été présenté plus tôt dans la journée, et il incombe maintenant à la Chambre des communes d'y donner suite.