(au nom du ministre de la Justice)
propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, aujourd'hui, j'aimerais entretenir la Chambre du projet de loi .
Ce projet de loi a été examiné par le Sénat et adopté sans amendement. Il porte sur une technique rédactionnelle en matière de réglementation et vise essentiellement à préciser dans quelle mesure les autorités réglementaires peuvent avoir recours à la technique de l'« incorporation par renvoi ».
La technique de l'incorporation par renvoi est actuellement utilisée dans un vaste éventail de règlements fédéraux. En effet, peu nombreux sont les domaines réglementés où elle n'apparaît pas. Avec ce projet de loi, le gouvernement veut s'assurer qu'il peut avoir recours à cette technique rédactionnelle, qui est devenue essentielle dans la façon dont il réglemente. Il veut également être un chef de file sur le plan international pour ce qui est de la modernisation de la réglementation.
Plus précisément, le projet de loi donne suite aux préoccupations que le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation a exprimées sur l'utilisation de cette technique. Le projet de loi créerait la sécurité juridique requise pour répondre à ces préoccupations.
L'incorporation par renvoi est déjà devenue un outil essentiel largement utilisé pour atteindre les objectifs du gouvernement. En effet, l'incorporation par renvoi est une façon efficace d'atteindre un grand nombre des objectifs de la Directive du Cabinet sur la gestion de la réglementation, une directive qui vise à améliorer l'efficacité et le rendement des règlements.
Par exemple, les règlements qui utilisent cette technique favorisent la coopération et l'harmonisation intergouvernementale, un objectif clé du Conseil de coopération en matière de réglementation, établi par notre et le président Obama.
L'incorporation par renvoi de textes législatifs d'autres administrations aux fins d'harmonisation, ou de normes élaborées à l'échelle internationale, permet de réduire les chevauchements, un important objectif de la Commission sur la réduction de la paperasse, qui a déposé son rapport plus tôt cette année.
L'incorporation par renvoi est aussi un important outil à la disposition du gouvernement afin de permettre au Canada de s'acquitter de ses obligations internationales. L'incorporation de documents internationalement acceptés, plutôt que leur reproduction dans les règlements, permet aussi de réduire les différences techniques qui nuisent au commerce, qui est par ailleurs une obligation du Canada aux termes de l'Accord sur les obstacles techniques au commerce, adopté dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.
L'incorporation par renvoi est également un moyen efficace de bénéficier du savoir-faire des organismes de normalisation canadiens. Le Canada a un Système national de normes qui est reconnu mondialement. L'incorporation dans la réglementation de normes, élaborées au Canada ou à l'échelle internationale, permet de tenir compte des meilleures données scientifiques et de l'approche la plus acceptée dans les domaines touchant la vie courante. En fait, il est primordial qu'on puisse se fier à cette expertise technique afin de pouvoir avoir accès aux connaissances techniques au Canada et à l'étranger.
Les témoignages des représentants du Conseil canadien des normes devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ont clairement fait ressortir le fait que les normes nationales et internationales sont très largement utilisées au Canada. En s'assurant que les autorités réglementaires peuvent continuer d'utiliser l'incorporation par renvoi pour réaliser leurs objectifs réglementaires, on contribue ainsi à protéger les Canadiens par l'accès aux technologies les plus récentes.
L'incorporation par renvoi permet d'intégrer à la réglementation l'expertise qu'offrent le Système national de normes du Canada et les normes internationales. Cette technique fait partie des choix qui s'offrent aux autorités réglementaires en matière de réglementation.
[Traduction]
Un autre aspect important du projet de loi est le fait qu'il permettra l'incorporation par renvoi de taux et d'indices, comme l'indice des prix à la consommation ou les taux fixés par la Banque du Canada, qui sont des éléments importants de nombreux règlements. Pour toutes ces raisons et bien d'autres encore, l'incorporation par renvoi à caractère dynamique constitue un instrument important dont peuvent se servir les organismes de réglementation lorsqu'ils désignent leurs initiatives réglementaires.
Le projet de loi établit un équilibre important en limitant les types de documents qui peuvent être incorporés par renvoi lorsque ceux-ci sont produits par l'autorité réglementaire elle-même. En effet, l'incorporation de ces documents ne peut être que statique. Il s'agit d'une protection importante contre toute tentative visant à contourner le processus réglementaire.
Le Parlement pourra continuer à contrôler la délégation des pouvoirs réglementaires, et le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation pourra continuer d'exercer une surveillance à cet égard. Nous prévoyons que ce comité continuera d'examiner attentivement les textes réglementaires lors de leur rédaction initiale et par la suite. Nous prévoyons que le comité mixte permanent jouera, en effet, un rôle important en veillant à ce que cette technique continue d'être utilisée de la façon autorisée par le Parlement.
[Français]
Un autre point saillant du projet de loi concerne l'accessibilité. Le projet de loi reconnaît non seulement que le recours à la technique de l'incorporation par renvoi doit reposer sur un fondement juridique solide, mais il prévoit également que les autorités réglementaires doivent veiller à ce que les documents incorporés soient accessibles au public.
Bien que l'exigence en matière d'accessibilité ait toujours fait partie du droit, elle sera formellement consacrée dans ce projet de loi. Il ne fait aucun doute que le projet de loi doit prévoir l'accessibilité. Il est essentiel que les documents incorporés par renvoi soient accessibles à ceux qui doivent s'y conformer.
Cette reconnaissance formelle dans le projet de loi est une étape importante en matière d'accessibilité. À cet égard, l'approche générale du projet de loi est de donner aux autorités réglementaires la souplesse voulue en leur permettant de prendre les mesures qu'ils jugeront nécessaires pour veiller à ce que les documents, dont la nature et la source varient considérablement, soient dans les faits accessibles.
Les documents qui sont incorporés par renvoi sont généralement déjà accessibles. Par conséquent, dans certains cas, aucune mesure particulière ne sera nécessaire. Par exemple, les lois provinciales sont déjà généralement accessibles. Si des règlements fédéraux incorporent par renvoi des textes législatifs provinciaux, l'obligation qui incombe à l'autorité réglementaire en matière d'accessibilité devrait être relativement facile à respecter.
Dans certains cas, il conviendra d'offrir un accès au document par l'intermédiaire de l'organisme de normalisation. L'énoncé, clair dans le projet de loi, signifiera que les administrés auront accès aux documents incorporés s'ils font un effort raisonnable en ce sens.
Il est également important de souligner que les organismes de normalisation, telle l'Association canadienne de normalisation, sont conscients du besoin de rendre accessibles les normes incorporées par renvoi. Compte tenu de la constante évolution d'Internet, le projet de loi impose aux autorités réglementaires l'obligation réelle de veiller à l'accessibilité, tout en laissant place à l'innovation, à la souplesse et à la créativité.
[Traduction]
Le projet de loi vise à renforcer l'accès, par le gouvernement, à une technique de rédaction qui est essentielle pour que la réglementation soit moderne et pour qu'elle puisse être adaptée aux circonstances. Il reconnaît également les obligations en conséquence que les organismes de réglementation doivent assumer lorsqu'ils utilisent cet outil. Le projet de loi établit un équilibre important, qui tient compte de la réalité de la réglementation moderne, tout en veillant à ce que les mécanismes de protection appropriés soient inscrits dans la loi. Personne ne pourra se voir infliger une peine ou une sanction s'il lui était impossible d'avoir accès aux documents pertinents.
Le projet de loi établira en toutes lettres le cadre juridique de l'utilisation de cette technique et confirmera la validité des règlements existants où des documents sont incorporés par renvoi, si tant est que ce cadre soit respecté. Tout indique que l'utilisation de cette technique sera essentielle à la mise en oeuvre d'initiatives de modernisation de la réglementation au Canada, en collaboration avec nos partenaires, soit les organismes de réglementation aux États-Unis et ailleurs dans le monde.
En terminant, je dirais que l'adoption de cette mesure législative est la prochaine étape logique et nécessaire pour assurer l'accès, de manière responsable, à l'incorporation par renvoi dans les règlements. J'invite tous les députés à appuyer ce projet de loi et à reconnaître le grand pas en avant qu'il nous permettra de réaliser.
:
Monsieur le Président, comme je le disais lorsque je questionnais mon collège, le , pour plusieurs, il peut sembler que la Chambre est en train de traiter un
housekeeping bill. Je cherche la traduction française; donnez-la moi si vous la connaissez. J'ai d'ailleurs lu cela dans un article de journal aujourd'hui. Or, à mon avis, le projet de loi est tout sauf un
housekeeping bill. Il a une importance capitale sur notre rôle en tant que législateurs. Ce n'est pas nécessairement mauvais, mais il entraîne beaucoup de ramifications.
À mon arrivée, ici, lors du début de cette législature, j'ai coprésidé le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation. À l'époque, lorsque le chef du parti, Jack Layton, m'avait appelée pour me dire que j'allais coprésider ce comité, je me suis demandé ce que ça mangeait en hiver. Pendant ce trop court passage à ce comité — moi qui me pensais bien smart dans ce domaine — j'ai côtoyé les grands esprits législatifs de cette enceinte, les esprits brillants du droit. Et j'ai beaucoup appris sur l'importance du rôle de ce comité mixte, qui regroupe des membres du Sénat et la Chambre des communes. Ce comité s'assure que notre réglementation est conforme aux lois, à l'ordre de délégation et qu'elle est conçue d'une certaine façon.
Je vous fais une petite parenthèse. Présentement, au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, nous discutons d'une motion que j'ai déposée concernant l'obligation du ministère de la Justice, conformément à la Loi sur le ministère de la Justice, d'assurer à cette Chambre que lors de la présentation d'un projet de loi, provenant du gouvernement ou du Sénat, celui-ci soit conforme à la Charte et respecte le partage des pouvoirs en fonction de la Constitution.
Le même exercice existe au niveau de la réglementation. J'encourage les collègues de cette Chambre, qui auront à traiter du projet de loi et à décider si nous devrons l'envoyer au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, d'analyser le projet de loi et ce qu'il vient changer. Il est certain qu'il vient ajouter du texte à ce qu'on appelle « les lois réglementaires ». Les gens ne sont pas nécessairement au courant de cette Loi sur les textes réglementaires. Cette loi dit, à l'article 3:
(1) Sous réserve des règlements d’application de l’alinéa 20a), l’autorité réglementante envoie chacun de ses projets de règlement en trois exemplaires, dans les deux langues officielles, au greffier du Conseil privé.
(2) À la réception du projet de règlement, le greffier du Conseil privé procède, en consultation avec le sous-ministre de la Justice, à l’examen des points suivants:
a) le règlement est pris dans le cadre du pouvoir conféré par sa loi habilitante;
Il faut bien comprendre que pour avoir le droit de réglementer, il faut que l'organisme ou le sous-ministre soit habilité à adopter un règlement ou à en pondre un.
b) il ne constitue pas un usage inhabituel ou inattendu du pouvoir ainsi conféré;
c) il n’empiète pas indûment sur les droits et libertés existants et, en tout état de cause, n’est pas incompatible avec les fins et les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Déclaration canadienne des droits;
d) sa présentation et sa rédaction sont conformes aux normes établies.
Qu'est-ce que ça mange en hiver, le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation? C'est maintenant ma collègue de qui copréside le comité avec le sénateur Runciman de l'autre Chambre. Chaque semaine, ils reçoivent des piles de réglementations. Si vous pensez que nous étudions beaucoup de projet de loi en ces Chambres, ce n'est rien comparé à la réglementation. C'est facile de s'y perdre.
Je vous raconte ces détails parce que c'est souvent à l'intérieur de la réglementation qu'on voit l'extrême importance pour le justiciable, c'est-à-dire nos concitoyens et nos concitoyennes. C'est souvent par la réglementation que nous serons en mesure de dire, en fonction d'une loi habilitante, ce qu'une personne a le droit ou n'a pas le droit de faire.
De la réglementation, il y en a à la tonne. Dieu merci, parce que souvent les juristes, les grands esprits légaux qui sont en cette enceinte — je ne parle pas de la Chambre, mais bien du support au niveau du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation — ont déjà fait une bonne analyse. Ils communiquent, par exemple, avec le ou avec le sous-ministre pour lui dire qu'il y a un problème avec la réglementation, et qu'il doit le corriger. Parfois, le texte en anglais ne correspond pas au texte en français. C'est incroyable.
Je me rappelle être allée devant un comité de liaison pour faire adopter un budget. J'ai entendu des collègues de la Chambre, des législateurs, dire que ce Comité mixte permanent d'examen de la réglementation était une perte de temps, alors que c'est le bastion de la population canadienne qui permet de s'assurer que la réglementation se tient debout, qu'elle est légale et qu'elle n'est pas inconstitutionnelle ou contraire aux chartes. C'est toute une responsabilité.
Je voulais donner le contexte à mes collègues, pour ne pas qu'on pense que le projet de loi n'est que du housekeeping. Que fait le projet de loi? Il élargit certains pouvoirs des autorités habilitées à adopter la réglementation. Cela permet de faire ce que j'appelle la technique du et cetera ou des trois points de suspension.
Je ne dis pas cela pour réduire la portée du projet de loi S-12. Je comprends pourquoi il est parfois important de procéder à l'incorporation par renvoi, compte tenu du processus qui peut être long, coûteux, absolument pénible parfois et qui a souvent beaucoup de red tape et d'écueils qui peuvent sembler administratifs. On sait pourquoi. On tente, possiblement avec raison, de réduire les délais afin d'être efficace dans une société moderne, pour reprendre les termes de mon collègue le secrétaire parlementaire. La technologie a changé, et l'informatique existe. Je n'ai absolument pas l'intention de nuire au progrès. Encore faut-il que le progrès n'existe pas au détriment des droits des gens que l'on représente. Cela est extrêmement important.
J'encourage les collègues de la Chambre à lire. Ce sera drôle d'entendre une néo-démocrate parler du Sénat, mais c'est le gouvernement qui a décidé de passer par le Sénat pour un projet de loi aussi important. À mon avis, aucun projet de loi, surtout des projets de loi qui ont une incidence aussi profonde sur les gens que l'on représente, ne devrait commencer par le Sénat, parce que les sénateurs ne sont pas des représentants du peuple, mais plutôt des gens nommés par le gouvernement en place, peu importe lequel.
Dans ce contexte, quand on veut présenter des projet de loi de ce niveau, de cette profondeur, qui peuvent avoir des répercussions importantes sur les gens que l'on représente, on devrait les présenter ici.
Cela étant dit, à mon avis, le Sénat fait quand même son travail sérieusement. Le secrétaire parlementaire s'est fait fort de dire que le projet de loi a été adopté sans amendement. Personnellement, je ne m'en vanterais pas, parce que des objections solides et sérieuses ont été soulevées par certains sénateurs.
J'encourage mes collègues à lire ce qui s'est passé au Sénat et ce dont on a discuté. Différents témoins ont été entendus, dont des spécialistes en matière de réglementation. Les gens oeuvrant à la normalisation des règles sont en faveur d'une accélération du processus. Comme je l'ai dit plus tôt, je n'y vois pas d'inconvénient. Toutefois, cela ne doit pas se faire au détriment du pouvoir du législateur, ce pouvoir qu'on a encore, dans cette belle démocratie, Dieu merci, pour nous assurer que les choses sont faites correctement.
C'est un des problèmes majeurs. Ce projet de loi parle d'accessibilité. Autrement dit, une personne peut être reconnue en contravention à une réglementation. La partie qui a fait le règlement devra évidemment démontrer que son règlement était accessible. Ce qu'on entend par « accessible » n'est pas très clair. Comment cela sera-t-il accessible? Nous, nous sommes habitués de naviguer sur Internet, d'utiliser l'informatique, et nous sommes capables de pitonner, de retracer des choses.
L'autre jour, je disais à quelqu'un que ça fait presque 30 ans que je suis avocate. C'est hallucinant de voir comment les choses se sont améliorées et accélérées. On peut avoir des réponses en trois secondes et quart à des questions auxquelles on aurait réussi à répondre en deux semaines.
Je me demande comment j'ai fait pour répondre à toutes les questions et réussir à fournir des services en début de pratique. Je suis maintenant capable de faire ça en une fraction du temps que ça prenait. Les novices ne connaissent pas ce que c'est d'aller dans une bibliothèque de droit, de sortir des livres et de chercher la réglementation. Maintenant, ils n'ont qu'à pitonner « règlement en vertu de telle ou telle chose » et ça leur apparaît à l'écran.
Par contre, ce n'est pas tout le monde qui a cette capacité. Ce n'est pas tout le monde qui est Internet savvy. Certaines personnes plus âgées auront peut-être plus de difficulté.
L'accessibilité à cette réglementation que l'on dit incorporée par renvoi pourrait être difficile. Comment fait-on pour retracer un document? On le fait à partir de quoi? Où ça en est-il rendu dans l'incorporation par renvoi?
D'autres questions me viennent aussi à l'esprit. Si on fait une recherche en fonction de traités ou de normes internationales, par exemple, laquelle utilise-t-on pour savoir où ils en sont rendus dans ces pays?
Prenons une personne dans mon coin de pays, au Québec, qui demeure dans le fond de la province, qui ne connaît pas un mot d'anglais et qui reçoit un règlement rédigé uniquement en anglais.
En outre, dans la province de mon collègue du Nouveau-Brunswick, on a de fiers francophones qui insistent pour avoir les choses dans les deux langues officielles.
Tous ces éléments ont été discutés au Sénat. On a donné des précisions sur les types de documents par renvoi dont on parlait et de ce qui faisait partie de tout ça.
J'encourage mes collègues à lire les exposés des sénateurs, les questions qui ont été posées et les réponses, par exemple, que le ministre a pu donner. C'est plus qu'une simple modernisation du processus. Il faut également traiter du contenu et de ce vers quoi on veut tendre. Toutefois, notre droit fondamental comme législateur est de pouvoir prendre la réglementation et de l'analyser.
On nous dit que ça n'enlèvera rien au rôle du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation. J'ai mes doutes là-dessus. Il pourra étudier la réglementation initiale, cependant, tout ce qui concerne le renvoi et où c'en est rendu n'ira nulle part.
Je ne pense pas que nos légistes se servent de cette réglementation qui a été renvoyée pour savoir où elle en est rendue à un moment précis. Ils vont l'examiner sur le plan de l'adoption et de la rédaction du règlement comme tel.
C'est pourtant clair dans la Loi sur les textes réglementaires: un règlement doit avoir été publié. Or cela va court-circuiter une bonne partie de la réglementation à laquelle on est habitué.
Je le répète le NDP n'est pas contre le progrès. D'ailleurs, on est prêts à appuyer le gouvernement et envoyer le projet de loi en comité.
Cependant, j'aimerais qu'il y ait une ouverture du côté gouvernemental. C'est mon cri du coeur chaque fois: quand il y a des doléances, ce n'est pas pour mettre des bâtons dans les roues, c'est pour s'assurer que ces bâtons ne nous arriveront pas en plein front à un moment donné, parce qu'on aura mis en oeuvre ce type de réglementation.
Dans certains cas, des gens n'y auront pas eu accès et ne comprendront pas parce que ce ne sera pas dans la bonne langue. On retournera à la case départ.
Le NPD tente souvent d'éviter au gouvernement qu'il se mette les pieds dans les plats. Je ne pense pas que les conservateurs le fassent volontairement. Ça vaut donc peut-être la peine d'écouter ce que l'opposition officielle a à dire.
On ira en comité avec beaucoup de réserve et d'inquiétude. On espère recevoir des réponses qu'on n'a pas encore entendues et qui ont été données au Sénat. La Chambre et le Comité permanent de la justice et des droits de la personne espèrent obtenir ces réponses. Sinon, on aura beaucoup de difficulté à appuyer ce projet de loi lors des prochaines étapes.
Si on a certains amendements à proposer, j'espère que tous mes collègues au Comité permanent de la justice et des droits de la personne auront l'esprit ouvert et ne diront pas que, parce que ça vient de l'opposition, c'est nécessairement mauvais. Dans le fond, on essaie d'aider les Canadiens et les Canadiennes à s'y retrouver.
Des milliers de statistiques en matière de réglementation sont adoptées chaque année. Or il faut s'y retrouver et y ajouter l'incorporation par renvoi. Je vais laisser le soin à mes collègues néo-démocrates très savants professeurs de droit expliquer la nuance entre l'incorporation par renvoi statique et l'incorporation par renvoi dynamique. Comme je ne veux pas endormir les gens à la Chambre, je vais laisser cela à de vrais professeurs qui sauront rendre le tout extrêmement intéressant.
Néanmoins, avec toutes ces méthodes, on ne voit pas clair. Ce n'est pas comme lire un document qui indique clairement ce qu'est le règlement. Il y a une suite accessible, mais on ne la voit pas nécessairement. On ne sait pas où, car les réponses du Sénat ne sont pas toujours claires, mais j'espère que nous pourrons en obtenir davantage.
Parfois, j'entends des députés dire que le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation ne sert à rien. Même si je n'y suis plus, pour l'avoir vécu, je peux affirmer que c'est l'un des comités les plus importants en cette enceinte, car c'est un gardien, et il n'est pas partisan.
Mon discours n'aura peut-être servi qu'à convaincre les députés de la Chambre de la non-partisanerie de ce comité, et Dieu sait qu'il n'y a pas grand-chose de non partisan par ici. De grâce, faisons en sorte que cela continue. C'est fondamental, parce que c'est notre garantie auprès des justiciables canadiens que le travail en matière de réglementation se fait dans leur intérêt, légalement et de façon à respecter la Constitution canadienne et la Charte canadienne des droits et libertés.
Sur ce, je suis prête à répondre aux questions.
:
Monsieur le Président, cela me fait plaisir de me lever aujourd'hui dans cette Chambre afin d'exposer la position du Parti libéral du Canada par rapport au projet de loi . Le titre abrégé représente mieux le but du projet de loi: Loi sur l'incorporation par renvoi dans les règlements. Avant de commenter le projet, je souhaite expliquer à la Chambre ce qu'est l'incorporation par renvoi.
Avec la mondialisation et l'environnement dans lequel nous vivons aujourd'hui, la réglementation devient de plus en plus complexe. Par exemple, nous devons nous plier à des normes internationales, tant pour des raisons commerciales que de sécurité. Cette réalité se reflète dans la réglementation canadienne. Afin de simplifier la rédaction de celle-ci, les autorités réglementaires ont de plus en plus recours à l'incorporation par renvoi. Il en existe deux types: l'incorporation par renvoi fermé — aussi nommée statique — et l'incorporation par renvoi ouvert — aussi dite dynamique ou évolutive.
L'incorporation par renvoi fermé n'est tout simplement qu'un style de rédaction. L'autorité réglementaire, plutôt que d'inclure, par exemple, une définition complexe de plusieurs paragraphes d'un autre document à même le texte réglementaire, simplifie la lecture et la rédaction en citant un autre document tel qu'il apparaissait à une date donnée. L'incorporation est dite fermée, puisque la version du document cité est celle de la date précisée dans le texte réglementaire. Si le document cité est par la suite modifié, la nouvelle version ne sera pas automatiquement incorporée au règlement.
D'un autre côté, l'incorporation par renvoi ouvert consiste, en quelque sorte, à une subdélégation du pouvoir de réglementer puisque les documents incorporés le sont dans leur version actuelle et dans leurs versions subséquentes. Si le document incorporé est modifié après l'adoption du règlement, ce dernier fera automatiquement partie du texte réglementaire. L'autorité réglementaire n'a donc plus le contrôle du règlement, puisqu'une autre entité peut changer le document incorporé par renvoi de manière totalement indépendante.
Selon les analystes du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation, l'incorporation par renvoi ouvert n'est pas légale, à moins que le Parlement autorise expressément l'autorité réglementaire à le faire. Ceci voudrait dire que, par exemple, le Parlement devrait voter des lois pour le permettre ou donner l'autorisation lors de la délégation du pouvoir de réglementer. L'incorporation par renvoi ouvert revient, selon le comité mixte, à subdéléguer le pouvoir de réglementer, ce qui est contraire à l'esprit de la Constitution et de nos lois.
Le gouvernement, notamment le ministère de la Justice, est de l'avis contraire et a utilisé l'incorporation par renvoi ouvert dans de nombreux textes réglementaires. Par exemple, depuis 2007, le gouvernement conservateur a eu recours à l'incorporation par renvoi ouvert à plus de 300 reprises. C'est donc en partie pour mettre fin au débat et légitimer leur façon de faire que les conservateurs ont présenté au Sénat le projet de loi qui autorisera les autorités réglementaires à subdéléguer le pouvoir de réglementer sans devoir obtenir préalablement l'autorisation du Parlement.
Vous comprendrez que ce projet de loi est fort complexe. Puisqu'il touche à l'ensemble de la réglementation fédérale, il est aussi extrêmement important. Les conservateurs ont discrètement présenté ce projet de loi au Sénat, mais ils n'ont vraisemblablement pas pris leur travail au sérieux. Ce projet de loi est rempli de failles, dont certaines auront un grave impact pour les citoyens et pour la dualité linguistique de notre pays. Ces failles, les conservateurs sont trop bornés pour les reconnaître et ce sera aux tribunaux de trancher.
De quel côté la Cour suprême penchera-t-elle, et quand? Je n'en ai aucune idée. D'ici ce temps, nous serons dans l'incertitude, ce qui nuira aux entreprises, aux droits des francophones et à l'accessibilité des lois pour les citoyens.
Selon les analystes du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation, la Constitution canadienne ne permet pas la subdélégation du pouvoir de prendre un règlement. Lorsque le Parlement délègue, par exemple, à un ministère un pouvoir de réglementer, celui-ci ne devrait pas déléguer à nouveau ce pouvoir à une autre entité en ayant recours à une incorporation par renvoi ouvert.
Ce type d'incorporation revient exactement à subdéléguer le pouvoir de prendre le règlement puisque toutes les modifications subséquentes réalisées par l'entité étrangère feront automatiquement partie de la réglementation canadienne.
Ce projet de loi vient légitimer cette subdélégation du pouvoir de réglementer. On peut comprendre qu'avec la mondialisation, il devient nécessaire de coordonner notre réglementation avec celle de nos partenaires. Pour les autorités réglementaires, c'est également avantageux puisque la situation actuelle est confuse pour ces dernières. On peut aussi comprendre qu'en subdéléguant le pouvoir de réglementer, les autorités réglementaires vont voir leur charge de travail diminuée, ce qui leur permettra de libérer des ressources pour d'autres tâches. Par exemple, en n'ayant pas à constamment mettre à jour les règlements pour les coordonner avec des documents incorporés, les autorités réglementaires gagneront énormément de temps. Le Parti libéral et moi comprenons donc que le projet de loi est satisfaisant pour ces dernières.
Par contre, pour les Canadiens et la démocratie, ce projet de loi apporte davantage de problèmes que de solutions. Le Parlement du Canada perdra une partie du contrôle de la réglementation, puisque des entités étrangères détermineront parfois le contenu de notre réglementation. Autrement dit, le Canada perdra une partie de sa souveraineté lorsque les documents incorporés par renvoi ouvert proviendront d'entités à l'extérieur du Canada. Cette souveraineté que nous perdrons, d'autres l'obtiendront, comme notre principal partenaire commercial, les États-Unis. Nous devons bien souvent coordonner notre réglementation avec ce partenaire, mais avec ce projet de loi, ce sera parfois notre voisin qui déterminera directement le contenu de notre réglementation sans que le gouvernement canadien n'intervienne.
Nous croyons que le Parlement, qui représente l'ensemble des Canadiens, ne peut accepter une subdélégation du pouvoir de réglementer telle que permise par le projet de loi , à moins qu'il l'ait expressément autorisée lors de la délégation de ce pouvoir de réglementer par une loi habilitante.
L'un des pires problèmes qu'apportera ce projet de loi est la diminution de l'accessibilité de la réglementation. Il est vrai que l'article 18.3 du projet de loi affirme bel et bien que l'accessibilité du document incorporé par renvoi doit être assurée par l'autorité réglementaire ou son ministre responsable devant le Parlement, mais c'est problématique, puisqu'il n'est nulle part mentionné quels sont les critères d'accessibilité ni comment ce document doit être accessible.
Autrement dit, on affirme que le règlement doit être accessible, mais on ne dit rien sur ce qu'est l'accessibilité. D'ailleurs, l'article 18.4 du projet de loi affirme:
18.4 [...] les documents, indices, taux et nombres qui sont incorporés par renvoi dans un règlement n’ont pas à être transmis pour enregistrement ni à être publiés dans la Gazette du Canada [...]
Si les documents incorporés n'ont pas à être enregistrés, comment seront-ils rendus accessibles à la population? Fournir simplement le nom du document incorporé pourra-t-il être suffisant? Le gouvernement doit-il fournir des copies du document incorporé à ceux qui le désirent?
Si l'accessibilité se limite à publier certaines informations, comme le nom du document et ses auteurs, il est fort probable qu'il survienne des situations où le document incorporé est protégé par un droit d'auteur.
Dans ce cas, ce serait au citoyen ou à l'entreprise de débourser de fortes sommes afin de se procurer le document. Le gouvernement pelletterait, une fois de plus, les coûts vers les citoyens. La loi est supposée être accessible à tous; pourtant, ce projet de loi pourrait restreindre son accessibilité. Bref, le projet de loi apporte davantage de questions que de réponses par rapport à l'accessibilité et les juges auront à trancher sur ces questions.
Comme je l'ai dit plus tôt, l'article 18.4, qui affirme que les documents incorporés n'ont pas à être enregistrés et publiés dans la Gazette du Canada, diminuera la transparence, mais surtout rendra l'examen de la réglementation impossible. L'équipe du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation n'a déjà pas les ressources nécessaires pour examiner l'ensemble de la réglementation fédérale. Pouvons-nous imaginer un instant ce que ce sera suite à l'adoption de ce projet de loi?
La multiplication du nombre d'incorporations par renvoi ouvert fera en sorte que la réglementation changera constamment. Il sera donc impossible de tout examiner. La transparence du gouvernement en sera grandement affectée, ce qui n'est évidemment pas souhaitable.
Selon un analyste à qui nous avons posé la question, le comité aurait probablement besoin de 10 fois plus de ressources que présentement afin de réaliser convenablement son travail après l'adoption du projet de loi . Les conservateurs sont-ils prêts à financer adéquatement le comité? Les connaissant, je me permets de prédire que ce ne sera pas le cas, ce qui ne laisse rien présager de bon pour la transparence et l'efficacité de notre réglementation.
Le flou qu'apporte ce projet de loi ne se limite malheureusement pas à l'accessibilité générale des documents ou à la transparence du gouvernement. La dualité linguistique du Canada pourrait bien être compromise. Puisque les documents incorporés n'ont pas à être enregistrés dans la Gazette du Canada et n'ont pas à être publiés, rien ne nous garanti qu'ils seront disponibles dans les deux langues officielles du pays.
Dans le Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba de 1992, la Cour suprême jugeait qu'un document incorporé dans un règlement fédéral était assujetti à l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et qu'il devrait être incorporé dans les deux langues officielles, sauf s'il existe une raison légitime de l'incorporer dans une seule langue. Cette exception pour cause de légitimité s'applique pour un document produit par un organisme international ou une autre entité étrangère.
Comme nous ne le savons tous, l'anglais est aujourd'hui la langue dominante sur la scène internationale. Le français est encore utilisé dans certaines grandes organisations, mais de manière générale, l'anglais domine. Les documents qui seront incorporés seront donc, plus souvent qu'autrement, des documents en anglais. C'est donc dire que les règlements fédéraux seront disponibles en anglais, mais pas en français.
Un document seulement disponible en anglais sera-t-il jugé accessible selon l'article 18.3 du projet de loi? Peut-être que oui, peut-être que non. Il faudra attendre que les tribunaux tranchent sur la question selon leur interprétation de l'article 18.3. Nous serons dans l'incertitude et la confusion pour plusieurs années à venir si ce projet de loi est adopté tel qu'il est présentement.
Peu importe l'interprétation des tribunaux, le problème demeurera entier. Il existe des précédents dans l'histoire canadienne où des documents incorporés par renvoi l'étaient seulement en anglais. Par exemple, si les juges décident que l'autorité règlementaire a le devoir de fournir une traduction française d'un document incorporé disponible uniquement en anglais, comment allons-nous juger les individus accusés d'avoir contrevenu d'une quelconque façon à la loi?
Je m'explique. Puisque l'incorporation par renvoi ouvert revient à incorporer automatiquement toutes les mises à jour d'un document donné à la réglementation canadienne, nous pouvons nous attendre à ce qu'il y ait un délai avant que la traduction soit disponible.
D'ailleurs, l'article 18.6 affirme que:
Aucune déclaration de culpabilité ni aucune sanction administrative ne peut découler d’une contravention faisant intervenir un document, indice, taux ou nombre — incorporé par renvoi dans un règlement — se rapportant au fait reproché, sauf si, au moment de ce fait, le document, l’indice, le taux ou le nombre était accessible en application de l’article 18.3 ou était autrement accessible à la personne en cause.
Dans le cas où la version originale est en anglais, allons-nous avoir un système de justice où un anglophone et un francophone seront jugés différemment? Puisque la traduction — si traduction il y a — n'est pas automatiquement disponible en français, est-ce qu'un unilingue francophone pourrait être acquitté à cause du délai de traduction? Que se passera-t-il dans le cas où un francophone comprend l'anglais?
Je reprend la dernière partie de l'article 18.6: « [...] ou était autrement accessible à la personne en cause. » C'est donc dire qu'indépendamment de comment les juges interpréteront l'article 18.3 sur l'accessibilité, une personne pourrait se voir accuser si elle avait accès à la loi d'une manière ou d'une autre. Comme nul n'est censé ignorer la loi, allons-nous avoir des cas où des francophones qui comprennent l'anglais seront accusés criminellement puisque le document était disponible en anglais mais pas en français? Si c'est le cas, le français sera encore une fois marginalisé et les francophones seront forcés de travailler en anglais étant donné que les documents seront disponibles en anglais bien avant d'être traduits en français — encore une fois, si traduction il y a.
Cela n'est pas un scénario catastrophique. La vérité est que le projet de loi est rempli de trous, et ce sont les juges qui devront les boucher. Il faudra de nombreuses années avant de tout corriger. D'ici là, ni moi ni les conservateurs ne savons ce qui se produira. Il n'y a rien dans ce projet de loi qui répond à ces questions, et le gouvernement ne pourra pas prétendre qu'il n'y a aucun problème. Il est, malgré tout, fort probable que les francophones se retrouvent, une fois de plus, perdants à cause de l'insouciance des conservateurs.
Comme nous connaissons ce gouvernement, nous savons qu'aucun amendement ne sera apporté. Toutefois, j'espère que les conservateurs y seront ouverts durant le processus en comité. J'exhorte donc tous mes collègues, indépendamment de leur parti, à voter contre ce projet de loi qui diminuera nos pouvoirs de parlementaires, nuira à notre dualité linguistique et réduira l'accessibilité de nos lois aux citoyens.
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Monsieur le Président, avant tout, j'annonce que, cet après-midi, j'aurai le plaisir de partager mon temps de parole avec le député de .
J'interviens aujourd'hui à propos du projet de loi .
Comme je l'ai dit plus tôt, les gens qui nous écoutent doivent être découragés qu'on ne débatte pas des vrais enjeux, comme la création d'emplois, l'assurance-emploi, la santé, les changements climatiques ou l'inégalité croissante des revenus au Canada — autant de dossiers qui font les manchettes ces jours-ci, et à juste titre.
Un élément transparaît toutefois dans une bonne partie de la couverture médiatique ces derniers temps: la tendance du à faire obstacle au processus démocratique, laquelle représente une menace pour l'institution qu'est le Parlement. Le projet de loi n'en est qu'une preuve de plus. Son titre aride cache une mesure qui habilitera les gouvernements à procéder par voie réglementaire, sans l'autorisation expresse du Parlement. Sans vouloir être alarmiste, je dirais que le projet de loi portera atteinte à nos valeurs démocratiques. Il risque aussi de faire de citoyens honnêtes, des criminels.
Mais permettez-moi d'abord d'essayer de dresser l'historique de ce projet de loi. Ce qui est en cause, ici, c'est le processus adéquat permettant de légiférer par l'entremise de règlements. Les règlements sont une forme déléguée d'élaboration de lois découlant du pouvoir législatif suprême du Parlement et autorisée par celui-ci. En conséquence, il est particulièrement important que les règlements soient rédigés et communiqués de façon à ce que le public comprenne clairement ses droits et ses obligations. Pour cela, les règlements doivent subir un examen juridique, être enregistrés, publiés dans la Gazette du Canada, puis renvoyés au Comité mixte permanent d'examen de la réglementation pour un contrôle parlementaire.
Il arrive que d'autres documents soient simplement incorporés par renvoi dans un règlement. Cela a le même effet juridique que si on citait textuellement les documents en question. Lorsque le document incorporé par renvoi est statique, ce renvoi ne pose aucun problème parce que le règlement a suivi le processus d'approbation approprié. Les choses se compliquent lorsque le document incorporé par renvoi est mis à jour. Ce document pourrait par exemple contenir une disposition permettant sa modification de temps à autre. Dans les faits, toute modification ultérieure fait automatiquement partie du règlement, sans qu'il n'y ait de contrôle.
De telles incorporations par renvoi sont des incorporations dynamiques car leur contenu n'est pas statique. C'est ce genre d'incorporation qui constitue un casse-tête juridique. Est-il approprié de permettre l'imposition de règles sans que ces règles n'aient été soumises au processus réglementaire approprié?
Compte tenu de la prolifération des règlements, ces dernières années, cette question n'est pas simplement théorique. Il existe, uniquement au sein de l'administration fédérale, quelque 3 000 règlements qui forment plus de 30 000 pages. Par comparaison, on compte environ 450 lois, qui représentent environ 13 000 pages. Mais ce n'est pas tout. Les divers ministères et organismes présentent en moyenne à la Section de la réglementation environ 1 000 projets de règlements par année, alors que le Parlement promulgue environ 80 projets de loi pendant la même période. Les règlements jouent donc un rôle majeur dans l'établissement des règles de droit qui régissent les citoyens canadiens.
Les Canadiens doivent pouvoir avoir l'assurance que les règlements qui les gouvernent ont été dûment autorisés par le Parlement. C'est pourquoi le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation a adopté à l'unanimité, en 2007, un rapport dans lequel il demandait au gouvernement de cesser d'avoir recours à l'incorporation par renvoi sans la permission du Parlement.
Le comité mixte était, et est encore, d'avis qu’en l’absence d’une délégation expresse de pouvoir ou d’indication claire du contraire dans la loi habilitante, l’incorporation par renvoi d’un document externe est justifiée seulement lorsque c’est la version à une date donnée du document qui est incorporée, par opposition à la version avec ses modifications successives. En fait, l'incorporation par renvoi d'un document externe avec ses modifications successives a été qualifiée d'erronée et d'illégale, parce que les règlements ainsi établis n'ont pas obtenu l'autorisation expresse du Parlement. Et le gouvernement le sait, ça.
À l'autre endroit, la sénatrice conservatrice Linda Frum a souligné dans son intervention sur ce projet de loi que: « L'incorporation par renvoi est une technique de rédaction très utilisée de nos jours, mais ce projet de loi rendrait son recours légitime [...] ». Voilà des mots qui sont très importants: « [...] ce projet de loi rendrait son recours légitime [...] ». En utilisant ces mots, la sénatrice confirme que le gouvernement a agi illégalement chaque fois qu'il a utilisé cette technique sans autorisation explicite du Parlement. Ne nous faisons pas d'illusions; cela ne s'est pas produit une ou deux fois seulement.
Depuis 2006, le conservateurs ont utilisé l'incorporation par renvoi dynamique à 170 reprises. Le projet de loi est essentiellement conçu pour donner au gouvernement une protection juridique a posteriori pour ses activités illégales passées et présentes. Dit autrement et de façon plus précise, l'article 18.7 proposé validerait rétroactivement un grand nombre de dispositions qui ont été incorporées sans autorisation légitime.
Cela touche au coeur même de l'autorité du Parlement de déléguer ses pouvoirs et de choisir qui peut créer des règles en son nom. Il est ahurissant que tous les députés ne soient pas troublés par cette perspective. Cependant, il est presque certain que la discipline de parti, telle qu'elle la conçoit l'exécutif, fera en sorte que le projet de loi soit adopté sans amendement.
Outre mes préoccupations liées à la répartition des pouvoirs qu'entraîne l'incorporation par renvoi dynamique, j'aimerais aussi aborder le problème de l'accessibilité. Si nul n'est censé ignorer la loi, encore faut-il que la loi soit accessible. Le problème que posent les incorporations par renvoi, c'est que le texte du document incorporé ne figure pas dans le règlement comme tel.
À qui les Canadiens doivent-ils s'adresser pour connaître leurs droits et leurs obligations? Les documents incorporés par renvoi peuvent être difficiles à comprendre ou à trouver. S'il s'agit de normes créées par des organismes privés, il peut même y avoir des frais associés à leur consultation. Dans le projet de loi, rien n'indique que les ministères sont tenus de rendre les documents disponibles, ni même de donner des renseignements sur l'endroit où les trouver. Si les documents incorporés par renvoi peuvent être modifiés par la suite, comment les citoyens peuvent-ils savoir qu'un changement est entré en vigueur? Les versions antérieures des textes seront-elles toujours disponibles? Enfin, que se passera-t-il quand on voudra incorporer par renvoi une loi, une norme ou un accord provenant d'un État, d'une province ou d'un organisme unilingue? Le gouvernement se servira-t-il de cette échappatoire pour contourner la Loi sur les langues officielles?
Le paragraphe 18.3(1) proposé dans le projet de loi dit: « L’autorité réglementaire veille à ce que le document, l’indice, le taux ou le nombre incorporé par renvoi soit accessible. » Mais, qu'entend-on exactement par « accessible »? Ces éléments seront-ils aussi facilement accessibles aux Autochtones et aux Canadiens des régions rurales? Les gens devront-ils se déplacer pour se procurer le texte ou le trouvera-t-on uniquement sur Internet? Ces façons de faire seraient-elles conformes à la définition de l'accessibilité?
Ces questions m'amènent à penser qu'on laisserait aux tribunaux le soin de définir la notion d'accessibilité en ce qui concerne le matériel incorporé. Mais, la responsabilité de préciser ce terme ne devrait-elle pas nous incomber à nous, à titre de législateurs? J'estime simplement que les citoyens ne devraient pas avoir à consacrer du temps et de l'argent à des procédures judiciaires pour connaître leurs droits et leurs obligations. Nous pouvons, et nous devons, certainement clarifier ce point ici même, à la Chambre.
À ce stade-ci, je pense qu'il faille tout reprendre à zéro. J'éprouve néanmoins de sérieuses réserves au sujet du projet de loi et j'en ai exprimées un grand nombre durant le bref temps de parole qui m'est accordé ici aujourd'hui. Toutefois, en qualité de co-présidente du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation, je sais qu'un grand nombre des questions que j'ai soulevées aujourd'hui préoccupent d'autres députés de tous les partis de la Chambre et que nous pourrions tenir compte de ces points de vue dans le cadre d'une étude plus approfondie de ce projet de loi au comité.
Le principe de la subdélégation de pouvoirs intéressera tous mes collègues élus. En qualité de parlementaires, il a des répercussions fondamentales sur notre fonction et notre pouvoir. De même, les questions d'accessibilité sont capitales pour les électeurs que nous sommes chargés représenter ici. Compte tenu du volume considérable de règlements qui sont présentés chaque année, il est essentiel que nous maintenions l'intégrité du processus de réglementation.
Si nous arrivons à trouver un terrain d'entente à l'égard de chacune de ces questions générales, je suis certaine que nous pourrons amender le projet de loi pour le rendre plus acceptable aux yeux de tous les parlementaires, à défaut de quoi, je devrai voter contre le projet de loi lorsqu'il reviendra ici pour la troisième et dernière lecture. D'ici là, toutefois, je demeure pleine d'espoir et d'optimisme.
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Monsieur le Président, je tiens à remercier la députée d' de sa formidable introduction. Je vais être en mesure de poursuivre sur cette lancée, j'espère, et laisser tomber quelques parties de ma propre allocution.
Les conservateurs prétendent qu'il s'agit seulement d'un projet de loi d'ordre administratif. Ils affirment que le projet de loi consiste tout simplement à codifier une pratique qui existe déjà dans l'élaboration de règlements, soit l'incorporation par renvoi. À l'heure actuelle, certains journalistes jugent bien ordinaire ce projet de loi de nature administrative. Je me demande même, pour cette raison, s'il y a des journalistes qui suivent le débat en cours.
En vérité, le projet de loi est loin d'être anodin. Je parle non seulement à titre de député de Toronto—Danforth, mais aussi à titre de porte-parole officiel en matière de réforme démocratique, quand j'affirme que ce projet de loi représente en fait une réforme antidémocratique. Il s'agit d'un recul énorme en ce qui concerne la transparence et la reddition de comptes de la part du gouvernement.
Je tiens à être clair: mes remarques portent sur le fait que le projet de loi préconise une technique de rédaction appelée « l'incorporation par renvoi », et en particulier l'incorporation par renvoi dynamique, selon laquelle la mention « tel que modifié » serait insérée de temps en temps pour signaler qu'un changement apporté par une entité externe à des documents, ou à d'autres matériels, incorporés par renvoi serait automatiquement inclus dans la réglementation et aurait force de loi, et ce, sans l'intervention du Parlement. Cette technique de rédaction tranche avec les incorporations par renvoi statique ou figé, où le Parlement et le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation sauraient au juste quel document est incorporé par renvoi, seraient en mesure de juger s'il est approprié d'inclure ledit document, en plus de savoir quand celui-ci est incorporé au règlement pertinent.
Depuis des années, le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation se dit préoccupé par le recours à l'incorporation par renvoi dynamique, et ce, pour des raisons que j'aborderai tout à l'heure. En 2000, le comité mixte a recommandé qu'on modifie la Loi sur les textes réglementaires afin d'inclure, dans les dispositions sur l'autorisation des règlements, l'exigence voulant que l'utilisation de l'incorporation par renvoi dynamique ou évolutif soit expressément autorisée dans chaque loi adoptée par le Parlement. Sans cette autorisation expresse dans chaque loi, peut-on lire dans le rapport du comité, le recours à la technique de l'incorporation par renvoi dynamique dans un règlement ne serait pas permis. Seule l'incorporation par renvoi statique, qui renvoie à un document tel qu'il existe à une date donnée, serait permise.
Le projet de loi donnerait carte blanche à l'exécutif pour utiliser sans aucune contrainte l'incorporation par renvoi dynamique. Ainsi, un règlement qui incorpore par renvoi un document se trouverait modifié lorsque l'organisme externe à qui appartient le document déciderait de le réviser. Tout cela sans que le Parlement n'exerce un droit de regard. Les modifications externes entreraient automatiquement en vigueur sans que l'État canadien ou le Parlement n'ait à faire quoi que ce soit, sauf, comme l'indique le projet de loi S-12, s'acquitter d'une obligation extrêmement vague et mal définie qui consiste à garantir l'accessibilité du document avec ses modifications.
Il s'ensuit donc que toute modification apportée par un organisme non gouvernemental, un organisme de l'industrie, une organisation internationale ou un gouvernement étranger à son propre document, incorporé par renvoi dans un de nos règlements, aurait automatiquement force de loi au Canada sans qu'on puisse l'examiner. Le Parlement a le pouvoir d'annuler les règlements. Il est possible d'annuler une disposition d'un règlement au moyen d'une motion présentée à la Chambre, mais il faut au préalable que le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation en fasse la recommandation à la Chambre et au Sénat. Dans le cas d'un document incorporé par renvoi dynamique, le comité n'aurait même pas la possibilité de formuler pareille recommandation, car les modifications, qui sont l'oeuvre d'un organisme externe, entreraient en vigueur automatiquement. Le comité mixte n'en serait pas saisi.
La description même des tenants et aboutissants du projet de loi révèle à l'auditeur moyen les dangers que présente l'incorporation par renvoi dynamique ou évolutif pour la responsabilité démocratique et la primauté du droit. En effet, si le projet de loi est adopté, l'exécutif non seulement pourra incorporer dans un règlement un document produit par un organisme externe — tel code, telle résolution, telle ligne directrice, telle règle —, mais permettra à cet organisme externe d'apporter à son document des modifications qui deviendront exécutoires au Canada.
Nous sommes à une époque où 3 000 règlements occupent plus de 30 000 pages, alors qu'environ 350 lois tiennent en 13 000 pages. Si le pouvoir exécutif n'était pas étroitement surveillé par le Parlement, la démocratie perdrait tout son sens. Nous assistons à ce que certains spécialistes appellent la nouvelle gouvernance politique, dans laquelle la concentration des pouvoirs au sein de l'exécutif finit par l'emporter sur le pouvoir législatif. Au Canada, le , son Cabinet et une poignée de ministres sont parvenus, au cours des dernières années, à tourner à son avantage le régime parlementaire fondé sur le modèle de Westminster.
En outre, il y a lieu de s'inquiéter sérieusement du fait que, sous prétexte d'améliorer l'efficience économique, de réduire le fardeau des organismes de réglementation ou d'assurer une plus grande souplesse, l'exécutif s'accorde de plus en plus de pouvoirs en incorporant par renvoi des textes rédigés par des organismes qui ne rendent aucun compte au Parlement, et encore moins à la population canadienne, ce qui aggrave le problème de la domination exercée par le pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif.
Avant d'expliquer davantage en quoi le projet de loi influence la démocratie et la primauté du droit, j'aimerais parler d'un autre problème concernant le processus par lequel nous avons été saisis du projet de loi S-12. Je ne parle pas du fait que le projet de loi vienne du Sénat; mettons cet aspect de côté. Je parle plutôt du fait que le gouvernement se présente à la Chambre, comme si de rien n'était, et a le culot de prétendre que le projet de loi S-12 a été renvoyé par le Sénat sans amendement, comme s'il s'agissait vraiment d'un projet de loi ordinaire concernant des façons de rédiger des textes réglementaires que le Sénat a adoptées à l'unanimité.
En réalité, le projet de loi a été grandement débattu au Sénat. Les sénateurs se sont rapportés aux débats du milieu des années 2000 qui ont donné lieu au rapport dont j'ai parlé, publié par le comité mixte en 2007. Ils ont fait valoir que le projet de loi fait fi des questions de transparence et de responsabilité, et de manière plus générale, du principe fondamental voulant que le pouvoir exécutif soit subordonné au pouvoir législatif.
Des amendements raisonnables ont été proposés, mais qu'est-il arrivé? Le Sénat a révélé au grand jour sa véritable nature lorsque les sénateurs conservateurs ont rejeté chacun des amendements. Cette institution, établie en 1867, a été créée pour deux raisons: être la voix de la raison au Parlement fédéral ainsi que la Chambre de second examen objectif. Le Sénat est simplement devenu une Chambre où se prolonge la ligne de parti. Les arguments rationnels avancés par certains sénateurs au sujet du projet de loi ont été tout simplement démolis par les sénateurs conservateurs, qui agissaient selon les instructions du Cabinet du premier ministre.
Le gouvernement a répondu au rapport de 2007 que je viens de mentionner. Il s'est concentré sur un argument hautement technique soulevé par le comité mixte, à savoir que le fait de permettre à l'exécutif de confier à un autre organe le pouvoir d'apporter des modifications à un texte ayant été incorporé par renvoi, modifications qui sont ainsi automatiquement intégrées à la loi, équivaut à ce qu'on appelle une subdélégation, ce qui est interdit et illégitime.
Le gouvernement s'est essentiellement attardé à cet argument, faisant toutes sortes de comparaisons avec ce qu'on appelle l'interdélégation, c'est-à-dire le fait pour le Parlement de déléguer des pouvoirs législatifs aux provinces. Il a soutenu que cette situation était analogue à celle-ci et qu'il n'y avait aucun problème à ce que les provinces puissent continuer de modifier leurs lois ou leurs règlements, et que ces modifications soient incorporées par renvoi. Cependant, deux caractéristiques fondamentalement propres à cette situation ont échappé au gouvernement: primo, les provinces sont gouvernées de façon démocratique et, secundo, et elles font partie du Canada. La réponse au rapport du comité occulte complètement la question de la soumission aux règles extérieures émanant d'acteurs étrangers dont la procédure législative n'est soumise à aucun processus démocratique.
Le gouvernement a aussi fait fi d'un grave problème de primauté du droit: que se passerait-il si un organe externe modifiait un texte de manière peut-être imprévue, peut-être radicale, peut-être douteuse? Le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation n'aurait pas la possibilité de s'assurer que ces changements n'excèdent pas le champ d'application de la loi. C'est déjà là un problème sur le plan de la primauté du droit.
Vous voulez un mégaproblème de primauté du droit? Le processus d'incorporation par renvoi dynamique court-circuite complètement la Charte des droits et libertés. En effet, l'article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice oblige le Parlement a contrevérifier, après que l'exécutif eut fait la même chose, qu'un règlement ne contrevient pas à la Charte, ce qui devient impossible lorsque les modifications sont apportées à un règlement incorporé par renvoi.
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Monsieur le Président, le projet de loi qu'on étudie aujourd'hui est très important et relativement complexe. Ma collègue de a mentionné que le débat peut être très sec, mais il reste qu'il est au coeur d'enjeux qui touchent les Canadiens et Canadiennes quant au respect des réglementations qui sont en place. Cela, c'est malgré l'apparente simplicité de sa finalité: faire des renvois à un document et l'incorporer dans un règlement sans en reproduire le texte. Ainsi, ce document a la même autorité, la même force que le reste du texte réglementaire, sans y être de façon littéraire.
Ce débat date de quelques années déjà et la réponse n'est pas toujours claire, même s'il s'agit d'une technique utilisée dans la réglementation fédérale depuis longtemps, du moins, selon le premier conseiller législatif au ministère de la Justice du Canada, M. John Mark Keyes. Dans un discours précédent, ma collègue mentionnait que cela avait déjà été utilisé 170 fois par ce gouvernement depuis 2006.
Le projet de loi semble complexe, en effet, puisqu'il traite de questions de droit administratif et de réglementations, mais il est néanmoins très important et son adoption peut avoir des conséquences très directes sur la vie des citoyens. Nous allons voir cela un peu plus tard.
Je disais donc que ce projet de loi est très important puisqu'il servira de précédent afin de trancher une fois pour toutes la question de la légitimité, voire de la légalité d'utiliser cette technique de rédaction et de conception de textes réglementaires.
Le problème est que ce projet de loi permettrait d'utiliser cette technique de façon « statique » ou « dynamique » selon le type de référence, mais la différence entre les deux est centrale. L'autorité administrative en question pourra donc faire référence à un document — comme une loi, un traité, une norme ou des documents de nature technique — dont les modifications successives ou antérieures à son incorporation dans le règlement en feront partie automatiquement. On parle ici d'incorporation dynamique.
Il va sans dire que, dans certains cas, l'intégration par renvoi semble la solution logique. Dans le cas des taux d'intérêt, par exemple, ou d'autres indices semblables, comme l'indice des prix à la consommation ou le taux de chômage, il semble bien évident de pouvoir incorporer dans la réglementation des nombres, des taux ou des indices sans chaque fois devoir passer par la voie législative. Or si on creuse on peut, deux problèmes s'imposent. D'abord, je vais citer le paragraphe 18.1(3) du projet de loi:
Le pouvoir de prendre un règlement comporte aussi celui d’y incorporer par renvoi des indices, taux ou nombres — considérés à une date donnée ou fixés au besoin — [c'est-à-dire, et leurs modifications postérieures éventuelles] établis par Statistique Canada, par la Banque du Canada ou par une personne ou un organisme autre que l’autorité réglementaire.
Pour ainsi dire, le gouvernement sera libre d'incorporer dans la réglementation les définitions, les taux et les indices d'à peu près tout le monde, incluant des groupes de la société civile, des gouvernements étrangers, des organisations non gouvernementales et ainsi de suite. Rien ne définit ces deux termes dans le projet de loi et on ne fait référence à aucune définition d'une autre loi. C'est un grave problème que l'étude en comité sénatorial a permis de relever.
« “Faites-nous confiance”, c'est bien ce que vous me dites », répondait le sénateur Fraser lors du comité sénatorial, lorsqu'il a demandé des précisions quant aux définitions de ces deux termes et à la portée ridiculement trop large de ce pouvoir.
Le second problème a trait à l'accessibilité de la réglementation, à la fois par les citoyens et par le Parlement. En effet, les règlements sont des textes assez arides, parfois très complexes, et l'ajout d'indices et de chiffres sans référence directe pourrait potentiellement rendre encore plus difficiles la compréhension et l'objectif du règlement. Il faudra s'assurer de la clarté absolue du contexte dans lequel sont incorporés ces chiffres et indices, et je ne suis pas certain que ce projet de loi le fasse.
D'autre part, un autre type d'accessibilité est en cause ici, celui du pouvoir de surveillance parlementaire. En ce sens, le projet de loi ne répond pas du tout aux préoccupations du comité mixte concernant l'usage de l'incorporation par renvoi. En fait, le projet de loi fait le contraire. Le comité mixte a pourtant travaillé fort afin de respecter le principe du pouvoir législatif du Parlement.
Ces deux mêmes problèmes sont d'ailleurs évoquées dans la dernière édition de L'action gouvernementale -- Précis de droit des institutions administratives de Lemieux et Issalys. Je cite:
La fréquence de tels renvois fait craindre à certains une érosion de la souveraineté des États au profit d'appareils de pouvoir sur lesquels ils n'ont guère de prise. Elle inspire aussi des préoccupations plus concrètes quant à l'accès des citoyens aux textes porteurs des normes qui les régissent.
Cela est au coeur du débat que nous avons ici. Les auteurs parlent ni plus ni moins d'une « dénaturation du pouvoir réglementaire », puisque le renvoi risque d'être un obstacle à la connaissance de la règle par ses destinataires, surtout dans le cas d'un renvoi dit dynamique, puisqu'on renvoie non seulement à un texte extérieur, mais encore au contexte particulier de création ou de modification de ce texte, auquel le destinataire n'a pas nécessairement accès.
Ainsi, l'utilisation de renvoi à des textes réglementaires hors du contexte juridique canadien pose davantage problème et c'est pourtant dans ce contexte qu'il est de plus en plus utilisé.
Permettez-moi de lire un autre article du projet de loi, le paragraphe 18.3(1):
L'autorité réglementaire veille à ce que le document, l'indice, le taux ou le nombre incorporé par renvoi soit accessible.
Dans le contexte où l'idée expresse du renvoi est d'éviter d'avoir à publier de nouveau les documents incorporés pour le motif que les documents sont habituellement publiés et accessibles sous une autre forme, que signifie le mot « accessible »? J'ai entendu la plupart des discours ici, depuis le début de l'après-midi. Or cette définition, son absence ou encore le flou dans cette définition est encore un obstacle à avoir un projet de loi exhaustif et adéquat visant à protéger les Canadiens et les Canadiennes contre l'ignorance de règlements ou de dispositions dans les règlements qui pourraient les affecter.
Selon le conseiller législatif du ministre de la Justice, l'accessibilité à ces documents tient au fait que la personne touchée par le règlement doit être en mesure d'obtenir une copie du document en question et de comprendre, grâce à lui, ce qu'elle doit comprendre. Il n'est pas obligatoire d'envoyer une copie du document à cette personne. Il faut simplement que le document lui soit accessible si elle déploie un effort raisonnable.
C'est ainsi que l'article 18.7 prend tout son sens puisque si l'accessibilité n'est pas démontrée, cet article ouvrirait la porte à des sanctions ou déclarations de culpabilité fondées sur le document incorporé. Il faut, donc interpréter le paragraphe 18.3(1) comme imposant la responsabilité de l'accessibilité à l'autorité réglementaire et non aux gens assujettis au règlement.
Or qui va déterminer ce qu'est un effort raisonnable? On s'entend tous pour dire que de faire référence à une loi canadienne ou à une loi québécoise, par exemple, ne nécessite pas nécessairement beaucoup d'efforts pour le citoyen. Encore faut-il avoir un accès à Internet, mais cela est un autre débat qu'on aura dans cette Chambre, éventuellement.
Cependant, si on parle de normes phytosanitaires précises d'un gouvernement étranger, par exemple, la personne doit être capable de se rendre jusqu'à l'information. Advenant que le Canada n'ait pas encore harmonisé ses normes avec le pays en question, on devra naviguer sur le site Internet d'un gouvernement étranger, en espérant que la page sera dans l'une des deux langues officielles de ce pays.
Finalement, ce que je veux dire, c'est qu'il y a des limites au fait que nul ne peut ignorer la loi. Nous-mêmes, en tant que législateurs parlementaires, nous vivons dans cet univers législatif et nous avons parfois de la difficulté à nous y retrouver. Je n'ose même pas imaginer le Canadien ou la Canadienne moyenne qui cherche à comprendre une loi habilitante et ses multiples règlements, encore plus si cette réglementation est fragmentée entre le texte existant et les renvois.
M. Keyes, qui avait d'ailleurs témoigné au comité du Sénat, affirmait ce qui suit dans son témoignage:
[...] le projet de loi constitue une amélioration importante dans la mesure où il énonce pour la première fois de façon générale cette obligation, et dans l'ensemble, il reprend cette obligation telle qu'elle existe à l'heure actuelle selon la common law et telle que les tribunaux ont abordé ces questions dans les quelques affaires, très peu nombreuses, qui ont porté sur des documents incorporés.
Or, il oublie peut-être de mentionner que cette amélioration est la conséquence du projet de loi et que le débat fait encore rage à savoir quelle est la meilleure orientation à adopter en matière de réglementation par renvoi.
Cette technique est loin de faire l'unanimité. D'ailleurs, dans les recommandations du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation, il est écrit très clairement ceci:
[...] l'incorporation par renvoi soulève aussi des préoccupations en matière d'accès au droit; en effet bien que le document incorporé fasse partie du règlement, le texte comme tel n'est pas reproduit dans le règlement.
On ajoute encore:
Ces préoccupations sont encore plus vives dans les cas où le document est incorporé « avec ses modifications successives », puisque les justiciables pourront trouver difficile de déterminer avec exactitude la version qui s’applique à une date donnée.
Les sénateurs libéraux ont tenté d'amender le projet de loi de façon à établir des lignes directrices qui établiraient des normes relatives au recours à la réglementation par renvoi selon qu'il est statique ou dynamique. Cette proposition a été refusée, malgré le fait que de telles dispositions existent présentement dans plusieurs autres pays, notamment en Australie et en Nouvelle-Zélande, de même que dans certaines législations provinciales, comme l'Ontario et le Manitoba.
De plus, il n'est pas nécessairement évident de faire la distinction entre les deux types de renvoi, ce qui peut porter à confusion lors de l'interprétation. Ma collègue de a mentionné que les projets de loi mammouths et contenaient des dispositions d'incorporation par renvoi. Dans le cas du projet de loi C-38, c'était l'article 89. Je ne lirai pas cet article, puisqu'il comporte six paragraphes. Dans le projet de loi C-45, il s'agissait de l'article 30.
Cette loi massive qu'on nous présente comporte déjà des éléments très importants entraînant une incorporation par renvoi de manière statique, et surtout de manière dynamique. Or cette mesure n'est pas encore enchâssée dans nos règlements, et comme on a pu le voir dans plusieurs allocutions, sa légitimité suscite des questions non seulement pour nous, en tant que parlementaires, afin de discuter et débattre de ces lois et peut-être les adopter, mais également pour le Canadien ou la Canadienne qui doit se retrouver dans ces méandres.
Encore une fois, les projets de loi et ont ajouté, amendé ou éliminé plus de 130 lois différentes au total. Si on peut y inclure un jour des habilités d'incorporation par renvoi, particulièrement des incorporations par renvoi dynamique, on risque de ne plus s'y retrouver, surtout si la pratique est généralisée avec la présence de termes dont la définition est imprécise ou absente.
Le Sénat a refusé de définir des termes tels que « accessibilité » et « effort raisonnable pour aller chercher le document ». De ce côté-ci de la Chambre, nous souhaitons pouvoir utiliser l'étude en comité pour procéder à ce travail essentiel, afin de s'assurer qu'on aura une loi adaptée à l'ensemble des Canadiens et Canadiennes.
Au bout du compte, ces éléments des projets de loi et laissent entendre que le ministre se donne passablement de pouvoirs. Souhaitons-nous vraiment prendre cette orientation dans la législation canadienne? Ce processus pourrait très bien servir à rendre la législation encore plus opaque et moins accessible aux citoyens.
Je ne crois pas que cette méthode soit à éviter complètement, puisqu'elle comporte aussi des avantages, notamment quant à l'efficacité de la loi et à l'allègement des textes règlementaires souvent lourds et complexes.
Ma collègue d' a donné plusieurs exemples et a mentionné un nombre. Je crois que c'était 30 000 pages de règlements divers pour 13 000 pages de lois dans ce pays. La modification de 30 000 pages d'un point de vue réglementaire est un exercice très périlleux. Si on veut s'assurer que ces règlements sont à jour de façon constante, cela exige un travail de moine.
En ce sens, l'utilisation de l'incorporation par renvoi peut être une méthode intéressante, mais encore faut-il pouvoir bien la définir et bien l'utiliser. C'est la raison pour laquelle on ne s'opposera pas à ce projet de loi en deuxième lecture, puisqu'il s'agira du travail du comité d'effectuer cette interprétation.
C'est particulièrement important, car il faut se méfier des utilisations abusives qui peuvent en être faites et les limiter le plus possible en établissant des balises claires. En vertu des échos venant des débats devant le comité sénatorial de la justice et des affaires constitutionnelles, de même que ceux émanant du comité mixte de la réglementation, cet aspect n'a pas encore été pris au sérieux. Le gouvernement doit écouter les experts et l'opposition lorsqu'il tente d'améliorer ce projet de loi.
On a encore un peu de travail à faire pour rendre ce projet de loi acceptable pour ce côté-ci de la Chambre, mais aussi pour l'ensemble des Canadiens et Canadiennes. J'espère que le gouvernement va coopérer avec nous pour y arriver. C'est dans un exemple comme celui-ci que les divisions partisanes doivent tomber, afin de pouvoir travailler pour les Canadiens et les Canadiennes qui nous ont envoyés les représenter à la Chambre.
J'aimerais revenir sur des exemples particuliers que j'ai déjà mentionnés à quelques reprises, qui peuvent toucher les Canadiens et les Canadiennes. Parlons de législations qui ont trait à l'assurance-emploi. Les dispositions qui concernent, par exemple, les différents projet-pilotes de l'assurance-emploi faisaient référence au taux de chômage. Ce taux peut représenter tout le Canada, mais généralement, il est régionalisé. Pour pouvoir le quantifier, on a besoin d'une base de données. On utilise davantage des tableaux pour ce qui est de la réglementation de l'assurance-emploi, mais une loi comme celle-ci, dans l'état actuel des choses, pourrait permettre à la ministre d'appliquer son règlement et son incorporation par renvoi dynamique. Elle pourrait ainsi simplement se reporter à des tableaux ou à des statistiques qui proviennent de Statistique Canada.
Jusqu'à tout récemment, c'est-à-dire depuis quelques mois, l'accès à Statistique Canada était payant. À moins de travailler dans une institution universitaire ou une institution de recherche qui lui fournit l'accès, le citoyen ou la citoyenne devait payer de sa poche pour avoir accès à ces statistiques et à ces données.
Si la ministre établit un règlement dans lequel il y a une incorporation par envoi dynamique à des taux de chômage régionaux qui ne sont accessibles qu'en défrayant de l'argent de sa poche, est-ce que cela constitue une accessibilité raisonnable pour la personne? La personne doit-elle contribuer de sa poche pour démontrer qu'elle a fait un effort raisonnable afin d'obtenir cet aspect de la réglementation qui la touche de près?
Une autre question se pose: à combien se fixe le montant que la personne peut avoir à payer pour démontrer qu'elle fournit un effort raisonnable? Est-ce 2,95 $, 10 $, 20 $, 100 $ ou 150 $? Présentement, il n'y a aucun moyen de le savoir, parce qu'aucune définition n'est imposée quant à l'accessibilité ou à la question d'effort raisonnable.
On a parlé d'éléments qui avaient trait à différentes législations qui pourraient être liées à des législations extraterritoriales, donc à l'extérieur du pays. Ce pourrait être le cas, par exemple, dans les lois qui touchent à l'arrêt Scott, qui avait trait à un parent qui avait mené l'enfant à l'extérieur du pays, alors qu'il y avait une garde partagée.
Une réglementation qui toucherait à une législation portant sur cet aspect pourrait référer aux lois du pays où se trouve l'enfant en question. Si la réglementation fait un renvoi dynamique, la personne qui est touchée directement pourrait avoir accès à ceci, pourrait avoir à consulter la législation d'un pays pour voir si des dispositions sont compatibles avec celles du Canada et pourraient permettre de mieux comprendre la situation. À ce moment-là, on devrait demander à la personne d'accéder à un site Web ou à la législation d'un autre pays, et ce pourrait être dans une autre langue.
Encore une fois, plusieurs questions se posent. Est-ce une preuve d'accessibilité? À quel niveau d'accessibilité, la personne doit-elle démontrer qu'elle a fait un effort raisonnable pour accéder à ces documents et à cette information? Devra-t-elle recourir aux services d'un traducteur ou d'une traductrice dans une langue étrangère?
En ce moment, c'est trop imprécis pour que nous puissions, en tant que parti, donner un appui indéfectible au projet de loi. Toutefois, on juge que c'est effectivement possible que l'incorporation par renvoi statique, et même dynamique, permette de favoriser une plus grande accessibilité.
La question de l'accessibilité est essentielle. La définition des notions comme de celle de l'effort raisonnable doit être mieux définie. En ce sens, nous invitons le gouvernement à travailler avec l'opposition officielle, à travailler avec l'ensemble des députés du Parlement, pour veiller à ce que, dans ce cas particulier qui touche vraiment à un aspect qui est au coeur de la vie des Canadiens et des Canadiennes, nous puissions arriver à les protéger. Au bout du compte, c'est pour qu'ils ne puissent pas se retrouver dans une situation périlleuse, dans l'eau chaude, où ils pourraient eux-mêmes ou elles-mêmes être reconnus coupables d'avoir ignoré la loi, d'avoir enfreint des règlements spécifiques pour lesquels ils n'ont eu aucun moyen d'avoir accès de façon raisonnable.
On dit que nul ne peut ignorer la loi, mais il est difficile de ne pas ignorer une loi dont on ignore la teneur.
Donc, le message que je lance au gouvernement est de définir ces notions vraiment importantes. Dans le projet de loi, on se doit de mieux définir les éléments qui s'y trouvent. C'est le message que je lance au comité qui se chargera d'étudier ce projet de loi qui nous vient du Sénat.