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Bonjour. Merci de l'invitation.
Je suis Angélique Bernard, présidente de l'Association franco-yukonnaise. Je suis accompagnée d'Isabelle Salesse, directrice générale de l'Association franco-yukonnaise.
L'Association franco-yukonnaise est l'organisme porte-parole officiel des francophones du Yukon et le pilier du développement de la communauté franco-yukonnaise depuis 1982.
Notre mandat est d'améliorer la qualité de la vie en français des francophones du Yukon. Nous offrons des services dans plusieurs domaines, dont les arts et la culture, la santé, la formation, le développement économique et l'immigration.
Nous sommes d'ailleurs un modèle unique dans la francophonie canadienne. Étant donné la taille de notre communauté, nous avons préféré regrouper la majorité des services sous un même toit, au lieu de créer plusieurs organismes différents. Ce modèle permet une meilleure intégration et une plus grande efficacité des services, en plus de favoriser une économie d'échelle.Tous les services de l'AFY partagent les mêmes services de comptabilité, d'informatique, de communication et de réception. Nous pouvons ainsi optimiser l'argent que nous investissons dans des projets utiles à notre communauté.
Il est à noter que le Yukon se situe au troisième rang des provinces et territoires quant au bilinguisme, avec un taux de 13 %, après le Québec et le Nouveau-Brunswick.
Selon le Recensement de 2006, plus de 35 % des francophones sont présents dans l'administration publique, en éducation et en santé et services sociaux, et plus de 10 % travaillent dans le domaine de l'hébergement et de la restauration.
Encore plus intéressant, le profil a déterminé que plus de 15 % des francophones possèdent leurs propres entreprises ou sont des travailleurs autonomes. Ce fort pourcentage a une incidence sur la capacité de travailler en français au Yukon.
Nous avons une entente de contribution avec le gouvernement du Yukon afin d'offrir des services d'aide à l'emploi en français, de même qu'une entente de collaboration pour offrir des cours de français langue seconde. Nous offrons également les services en établissement pour les immigrants francophones grâce à une entente avec Citoyenneté et Immigration Canada.
Notre service de formation a entamé un virage qui permet de répondre encore mieux aux besoins du marché du travail. Nous travaillons également sur le dossier des compétences essentielles. Présentement, nous effectuons une étude sur les besoins des employeurs en matière de compétences des employés et sur les besoins de formation des individus pour intégrer le marché du travail. Aussi, nous évaluons quels modèles gagnants de formation il sera possible de mettre sur pied.
Au Yukon, nous avons à la fois des personnes extrêmement scolarisées et des gens qui n'ont pas les compétences essentielles leur permettant de fonctionner sur le marché du travail. Le Yukon ne compte aucune institution postsecondaire en français. Toutefois, l'AFY a le mandat d'offrir des services de formation afin d'améliorer la qualité de vie des francophones et de les accompagner dans leur perfectionnement pour qu'ils contribuent pleinement à l'économie du Yukon.
Nous sommes très actifs dans le domaine du tourisme également, puisque plusieurs de nos entrepreneurs francophones sont spécialisés dans ce secteur. Avec le soutien de l'Agence canadienne de développement économique du Nord, CanNor, nous avons pu adapter en français la campagne promotionnelle Canada's North. Ce projet s'est fait conjointement avec le Conseil de développement économique des Territoires du Nord-Ouest et Carrefour Nunavut.
Nous avons organisé des tours de familiarisation avec des médias et des agences de tourisme afin de faire la promotion du Yukon comme destination touristique de choix dans les marchés francophones. Nous produisons le cahier touristique qui dresse le portrait des entreprises touristiques francophones au Yukon. En 2012, nous avons également distribué 22 000 guides touristiques en français.
Au cours de la dernière année, toujours grâce au financement de CanNor, nous avons administré un fonds afin d'augmenter l'offre de produits bilingues dans le secteur touristique.
Finalement, l'AFY reçoit aussi du financement du Fonds d'habilitation pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire d'Emploi et Développement social Canada. Ce fonds a permis de mettre sur pied les services décrits plus haut et nous a offert une très grande flexibilité pour les projets que nous avons entrepris.
Le meilleur exemple est que les projets de CanNor ont été gérés par notre gestionnaire en tourisme, qui est payé à 100 % par le fonds d'habilitation. Nous avons donc utilisé le financement de base d'Emploi et Développement social Canada pour mettre sur pied des projets et nous sommes allés chercher le financement pour le faire.
Nous avons également dû le faire parce que CanNor ne paie pas de salaire dans ses ententes de contribution. Jusqu'à maintenant, nous avons pu nous en accommoder, mais cela pourrait causer des problèmes dans l'avenir. J'y reviendrai plus loin.
Nous travaillons également de concert avec nos partenaires anglophones. Nous sommes conscients que le développement de la communauté ne peut se faire dans l'isolement. Nous contribuons à améliorer la visibilité et le bilinguisme de la foire d'emploi et du bénévolat de Whitehorse en collaboration avec Volunteer Bénévoles Yukon, YuWIN, la référence yukonnaise en matière d'affichage d'emploi, et la Chambre de commerce de Whitehorse. Nous sommes également en train de déterminer comment nous pourrons être impliqués dans une proposition visant l'établissement du bureau de services aux entreprises Canada-Yukon.
Malgré tous ces succès, nous faisons face aujourd'hui à certains défis pour ce qui est d'assurer l'offre et la qualité de nos services. Nous voulons améliorer nos services et offrir un appui direct à nos entrepreneurs. Jusqu'à maintenant, nous ne pouvions pas le faire, puisque le fonds d'habilitation ne nous le permettait pas. À partir du 1er avril prochain, nous serons toutefois en mesure de le faire, et nous en sommes très heureux.
Nous voulons aussi assurer des services en région. Pour le moment, nous sommes surtout présents à Whitehorse, étant donné que notre principale clientèle s'y trouve, mais nous souhaitons répondre aux besoins des francophones en région, par exemple à Dawson ou à Haines Junction. Cependant, notre niveau de financement ne nous permet pas de les appuyer pleinement.
Il y également d'autres enjeux majeurs, notamment la nouvelle orientation du fonds d'habilitation dans le cadre de la feuille de route. Nous avons reçu la semaine dernière l'appel d'offres pour le renouvellement de notre entente de contribution. Parmi les objectifs à atteindre, il est prévu de diminuer la proportion de notre financement de fonctionnement à 58 %. Cette mesure nous inquiète pour deux raisons. Premièrement, nous ne contrôlons pas l'ensemble de la cible, étant donné qu'elle représente une moyenne de tous les organismes concernés. Nous ne contrôlons donc que partiellement l'atteinte de l'objectif. Deuxièmement, nous constatons un manque de coordination dans les politiques du gouvernement. Nous savons également qu'Emploi et Développement social Canada a averti les autres ministères fédéraux de ce changement de cap.
Or, les politiques des autres ministères n'ont pas été ajustées en conséquence. Par exemple, CanNor ne finance toujours pas les salaires et autres coûts de fonctionnement que l'agence approuve, même s'ils sont inhérents aux projets. Nous risquons donc d'être pris dans une situation problématique qui, à notre avis, n'a pas été envisagée par le gouvernement du Canada lorsqu'il a renouvelé la feuille de route. Il s'agit aussi d'une question d'équité, à notre avis, puisque les autres agences de développement économique régionales acceptent de rembourser ces frais. Ce n'est pas le cas dans le Nord et cela nous pose un défi supplémentaire.
Le gouvernement du Canada a effectué un virage vers la finance sociale. Cette approche est inquiétante pour les communautés de langue officielle, car le bassin de population est limité. Cette inquiétude est encore plus importante dans des endroits comme le Yukon, étant donné que l'économie de ce dernier est basée sur les petites entreprises, les travailleurs autonomes et le gouvernement. La possibilité d'obtenir du financement du secteur privé est donc très limitée. Notre bassin diminue encore plus si l'on considère uniquement la communauté francophone.
Nous avons été informés par CIC que nous ne devrions pas être touchés par cette mesure, mais nous n'avons pas l'assurance que d'autres ministères tiendront compte de notre réalité lorsque viendra le temps d'appliquer cette mesure. Le fait est que nous avons un double désavantage par rapport à un organisme situé à Vancouver, à Calgary, à Toronto ou à Moncton, par exemple: la taille du Yukon et la situation de communauté de langue officielle en situation minoritaire.
Comme mentionné, la contribution de l'AFY au développement du Yukon est tangible. Nous espérons que le gouvernement saura prendre en compte notre réalité et qu'il continuera à nous appuyer afin que notre communauté puisse poursuivre son développement et sa contribution à l'économie du Yukon. Il est également important que le gouvernement s'assure que les transferts du fédéral vers le territoire ou les ententes de contribution entre les deux ordres de gouvernement prennent en considération les répercussions des décisions sur les citoyens de nos communautés. Les ententes sur le marché du travail ou les ententes sur le développement du marché du travail sont deux exemples.
La réalité complexe des communautés francophones ne permet pas d'appliquer une seule et unique approche pancanadienne. Le développement économique d'une communauté passe par divers services: la formation, l'entreprenariat, l'aide à l'emploi, l'immigration, l'accueil, l'intégration, etc. Cela implique de nombreux partenaires, dont le gouvernement. Nous sommes fiers de ce que nous avons accompli à ce jour et nous remercions le gouvernement du Canada de sa contribution.
Nous vous remercions encore une fois de nous avoir invitées. Nous sommes prêtes à répondre à vos questions.
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Les défis sont toujours différents, du fait que les entrepreneurs francophones ont un moins grand accès à des ressources en français.
Cela étant dit, les défis au Yukon sont quand même mineurs comparativement à ceux d'autres régions. Le fait que nous soyons regroupés et que nous formions une petite communauté a aussi des avantages, et pas seulement des inconvénients.
En ce qui a trait à notre travail, nous dépendons essentiellement des fonds du gouvernement fédéral. Comme nous l'expliquons dans notre présentation, il très difficile au Yukon d'avoir accès à des fonds privés, en raison de la petite taille de notre communauté. Il est donc assez difficile d'aller chercher de l'investissement privé pour nous permettre d'offrir les services que nous offrons aujourd'hui.
On entend parler de finance sociale et on nous dit qu'il faut nous tourner vers les investissements privés, mais c'est problématique pour nous. Même si le Yukon se situe au troisième rang au Canada en matière de bilinguisme, il n'y a qu'entre 3 000 et 4 000 parlants français dans ce territoire, ce qui n'est pas beaucoup. Le secteur privé n'est donc pas très enclin à investir des fonds dans cette communauté.
Les autres défis qui se posent touchent l'accès des entrepreneurs à certains services en français. Par exemple, il est plus difficile pour les entrepreneurs de suivre une formation en français, parce qu'elle n'est pas nécessairement offerte en français.
Nous étions jusqu'à aujourd'hui confrontés à un autre défi, mais, à notre connaissance, les choses sont en train de changer. Jusqu'à maintenant, nous ne pouvions pas offrir de services directement aux entrepreneurs. Nos fonds ne nous permettaient pas, par exemple, d'aider un entrepreneur francophone qui nous demandait de l'aider à monter un plan d'affaires ou autre. La seule chose que nous pouvions faire était de diriger les entrepreneurs vers une agence anglophone. Or, ils venaient nous voir parce que notre agence était francophone. Ce qui cloche, c'est que nous nous présentons comme des intervenants en développement économique et aide aux entrepreneurs, mais nous devons leur répondre que nos fonds ne nous permettent pas vraiment de les aider à plusieurs égards.
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Je vais essayer de vous expliquer de façon claire et intelligente ma compréhension de la finance sociale. J'avoue que c'est encore assez trouble pour moi. Je vais vous donner un exemple. Ce sera la meilleure façon pour moi de vous l'expliquer.
Prenons la formation d'employés en entreprise. Disons que l'Association franco-yukonnaise serait capable de former 100 personnes pour un emploi donné. Ce programme pourrait être financé, par exemple, par un investisseur privé qui déciderait de courir un risque et d'investir, admettons, 200 000 $ dans ce programme. Si l'Association franco-yukonnaise réussissait à prouver qu'elle a atteint les résultats visés, c'est-à-dire former ces 100 personnes, si tel était l'objectif, alors le gouvernement investirait un montant d'argent, c'est-à-dire qu'il rembourserait à cet investisseur une partie de son investissement et un pourcentage supplémentaire. Bref, l'investisseur court un risque, mais il est supposé récupérer de l'argent.
Selon ce que j'ai compris, il y a différents modèles, mais essentiellement, le gouvernement n'investirait plus tout seul dans certains dossiers. Il voudrait que des investisseurs privés embarquent dans ce qui serait un genre de collaboration. Puis, il y aurait un intermédiaire qui, lui, livrerait le service.
Qu'est-ce que cela veut dire pour la communauté franco-yukonnaise? Cela veut dire qu'il ne se passera pas grand-chose concrètement sur le terrain, parce qu'il n'y a pas beaucoup d'investisseurs.
De toute façon, le gouvernement est en train d'en parler, mais il n'est pas encore sûr du fonctionnement. Il se base sur des modèles qui ont été élaborés en Angleterre et en Australie, où il n'y a justement pas cette dimension de langues officielles. Le gouvernement est quand même bien conscient que ce n'est pas aussi simple. Il est donc en train d'évaluer les possibilités. Il parle aussi avec des investisseurs privés pour voir quel serait leur intérêt.
Au territoire du Yukon, nonobstant les francophones, ce sera très difficile d'adhérer à un tel système. Les investisseurs privés ne voient pas pourquoi ils investiraient dans une communauté de 4 000 personnes. Qu'est-ce que cela va leur rapporter? C'est assez inquiétant. Toutefois, ce n'est pas encore mis en place.
Deux projets pilotes sont en cours avec Emploi et Développement social Canada, l'un au Manitoba et l'autre je ne sais plus où. Ils portent essentiellement sur le dossier des compétences des adultes. En ce moment, le gouvernement s'intéresse surtout à l'acquisition de compétences chez les adultes et à la formation des adultes.
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Au Yukon, on ne fait que travailler.
Des voix: Ah, ah!
Mme Isabelle Salesse: Non, non. En fait, le Yukon, surtout à Whitehorse, a une grande vie culturelle, aussi étonnant que ça puisse paraître. Pour une petite communauté de 25 000 ou 26 000 personnes comme la nôtre, il y a énormément d'activités culturelles.
Dans notre centre des arts, il y a tout le temps des spectacles, qu'il s'agisse de spectacles locaux ou d'artistes de l'extérieur. La communauté francophone offre également des spectacles. Souvent, elle collabore avec d'autres organismes anglophones, étant donné que nous n'avons pas nécessairement les moyens de faire venir des gens de l'extérieur. Par contre, nous collaborons à la promotion ou au recrutement de groupes ou de spectacles de l'extérieur.
Nous avons aussi des cinémas, qui sont extrêmement inconfortables, mais nous en avons quand même.
Il y a toute la vie de plein air. Nous avons un centre de ski de fond au centre-ville, ce qui est extraordinaire.
Nous avons le Canada Games Centre, qui est un legs des Jeux du Canada de 2007, dans lequel vous pouvez faire toutes les activités sportives imaginables. C'est vraiment un très beau centre et il est abordable.
Nous avons aussi un centre de ski alpin. C'est un petit centre situé à 15 minutes du centre-ville.
Nous avons beaucoup de groupes sportifs également, qu'il s'agisse de soccer, de football, ou de tout autre sport. Il y a beaucoup de clubs de ski de fond. Une jeune fille du Yukon vient d'ailleurs de participer aux Jeux olympiques de Sotchi, qui viennent de se terminer.
Il y a certainement moins de culture qu'ailleurs, mais il y en a énormément pour une petite communauté comme la nôtre.