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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 056 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 23 mars 2015

[Enregistrement électronique]

(1855)

[Traduction]

    Chers collègues, je vous souhaite la bienvenue à la 56e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Nous continuons bien entendu aujourd'hui notre étude du projet de loi C-51.
    Nous commençons avec un peu de retard. Nous nous en excusons auprès des témoins qui sont ici aujourd'hui. Nous avons été retenus au Parlement, entre autres à cause des votes. J'ai tout de même l'intention de tenir une séance de deux heures. Si cela ne convient pas, j'aimerais le savoir. Autrement, nous allons continuer jusqu'à...
    Oui, madame Doré Lefebvre.

[Français]

     Monsieur le président, j'aimerais demander le consentement unanime du comité pour l'adoption de la motion suivante:
Que le Comité de la sécurité publique et nationale ajoute une heure à son étude du projet de loi C-51 et invite à comparaître la vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique du Québec, Mme Lise Thériault, la ministre de la Justice et Procureure générale du Québec, Madame Stéphanie Vallée, et le ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes et de la Francophonie canadienne, Monsieur Jean-Marc Fournier.

[Traduction]

    Il faut le consentement unanime pour pouvoir présenter une motion.
    Avons-nous le consentement unanime du comité?
    Une voix: Non.
    Le président: Nous ne l'avons pas.
    Comme je le disais, nous allons continuer jusqu'à 20 h 55.
    Nous allons débuter avec notre premier groupe de témoins. Nous recevons aujourd'hui, à titre personnel, M. Salim Mansur. Soyez le bienvenu, monsieur. Nous accueillons également M. Stephen Anderson, directeur exécutif d'OpenMedia, Mme Sukanya Pillay, directrice exécutive et avocate générale de l'Association canadienne des libertés civiles, et Mme Connie Fournier, fondatrice de Free Dominion. Ces trois personnes représentent la coalition Protect Our Privacy. Je vous remercie beaucoup d'être ici aujourd'hui. Nous accueillons aussi, à titre personnel, M. Garth Davies, professeur agrégé à l'Université Simon Fraser.
    Pour commencer, je vais accorder 10 minutes à trois témoins pour présenter des exposés. Vous pouvez partager votre temps comme vous le souhaitez, mais, bien entendu, je vais suivre les règles habituelles du comité.
    Monsieur Mansur, la parole est à vous, monsieur.
    Monsieur le président, je tiens d'abord à vous remercier, ainsi que les membres du comité, de m'avoir invité à vous présenter mon point de vue au sujet du projet de loi C-51 à titre d'expert indépendant. Je vais vous présenter mon opinion sous l'angle de la philosophie et de l'histoire politiques et en me fondant sur une longue étude, en tant que musulman, de l'islam ainsi que de l'histoire et de la société musulmanes et sur une étude comparative des religions. Je veux insister sur ce point puisque les critiques au sujet du projet de loi C-51 sont inutiles lorsque des notions abstraites de liberté et d'atteinte sont débattues exclusivement d'un point de vue juridique sans accorder suffisamment d'importance à la réalité d'aujourd'hui.
    Le préambule du projet de loi C-51 énonce l'objectif de cette mesure législative antiterroriste. Il faut donner au Canada les moyens nécessaires pour gérer adéquatement et efficacement les menaces à la sécurité provenant de djihadistes islamistes violents qui se sont accrues depuis les événements du 11 septembre. Le Canada n'est pas à l'abri de ces menaces.
    Le troisième paragraphe du préambule du projet de loi C-51 se lit comme suit: « qu'il n'est point de rôle plus fondamental pour un gouvernement que la protection de son pays et de sa population ». Cela résume ce qui a été amplement discuté dans le domaine de la philosophie politique libérale classique, notamment par Hobbes et Locke, Raymond Aron et Hans Morgenthau.
    Selon le libéralisme classique, la liberté dont nous bénéficions dans une société comme la nôtre est liée à la sécurité. Autrement dit, il n'y a pas de liberté en l'absence d'une faiblesse de la sécurité. Ce lien entre la sécurité et la liberté a été mis en évidence par les pères fondateurs des États-Unis en ce qui a trait à la vie, à la liberté et au bonheur, ainsi que par les pères fondateurs du Canada relativement à la paix, à l'ordre et à la bonne gouvernance. Maintenir un juste équilibre entre la sécurité et la liberté est au coeur de l'ordre démocratique libéral.
    Les auteurs du projet de loi C-51 comprennent bien cet antagonisme entre la sécurité et la liberté. Ils savent que des mesures comme la communication d'information au sein du gouvernement sur des activités qui portent atteinte à la sécurité du Canada ne doivent pas aller à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés. Selon moi, le projet de loi C-51 ne vise pas à transformer le Canada en une version du Léviathan de Hobbes ou de 1984 d'Orwell, malgré ce qu'en disent certains de ses détracteurs à l'imagination fébrile.
    Le projet de loi C-51 vise les djihadistes islamistes et a pour but de les empêcher de concrétiser leurs menaces terroristes contre les pays occidentaux, y compris le Canada. Les menaces sont bien réelles et elles se sont multipliées depuis que les événements du 11 septembre ont amené le terrorisme islamiste en Amérique du Nord.
    La plus récente évaluation des menaces mondiales effectuée par les services de renseignement américains, présentée par James Clapper, qui est directeur du renseignement national des États-Unis, fait état de l'augmentation des menaces à notre sécurité, dont la plus alarmante est la menace de violence qui provient du Moyen-Orient en raison de la montée de l'EI en plein coeur du conflit en Syrie qui a éclaté en 2011. Ce rapport américain indique que, depuis le début du conflit en 2011, plus de 20 000 combattants étrangers — dont au moins 3 400 sont des Occidentaux — provenant de plus de 90 pays se sont rendus en Syrie. D'après des sources gouvernementales canadiennes, en 2014, environ 130 personnes ayant des liens au Canada se trouvaient à l'étranger et étaient soupçonnées de participer à des activités terroristes. Ces chiffres ont fort probablement augmenté au cours des 12 derniers mois.
    On pourrait dire que le fait que 130 personnes ayant des liens au Canada participent à des activités terroristes associées au djihad ne justifie pas nécessairement que l'on adopte les mesures proposées dans le projet de loi C-51. À mon avis, cependant, ce chiffre va continuer d'augmenter à mesure que la situation au Moyen-Orient et dans la région environnante va s'aggraver puisque l'EI contrôle de plus en plus de territoires au Levant et attire davantage de musulmans occidentaux, qui contribuent à l'établissement du califat nouvellement proclamé.
    À mesure que le nombre de djihadistes augmentera, les menaces de terrorisme violent se multiplieront également et, malgré tous les efforts de nos services du renseignement de sécurité, les djihadistes réussiront à nous atteindre, comme lors de l'attentat au Marathon de Boston en avril 2013 ou du massacre à Charlie Hebdo, à Paris, en janvier 2015.
    Nous sommes en guerre, une guerre qui est considérablement et radicalement différente des guerres précédentes, et cette guerre a été déclarée aux démocraties libérales occidentales par les islamistes bien avant le 11 septembre 2001.
(1900)
    Ce qui explique que les États-Unis ont été pris par surprise le 11 septembre 2001, comme l'ont été ensuite l'Espagne, la Grande-Bretagne et la France, et comme les Canadiens l'ont été également en octobre dernier, c'est que nous n'avons pas pris au sérieux la déclaration de guerre à l'Occident des islamistes.
    D'un point de vue des islamistes, tant sunnites que chiites, il y a deux fronts, le proche et le lointain, et les deux sont liés. Par conséquent, les conflits au Moyen-Orient, ou dans le monde musulman, sont mondiaux, alors ils nous atteignent.
     Le Canada n'est pas à l'abri de la folie, du barbarisme et de la sauvagerie d'une guerre que les Canadiens ne comprennent peut-être pas ou qui d'après eux ne les concerne pas. Cependant, les Canadiens sont touchés par cette guerre, qu'ils le veuillent ou non, car la société canadienne est une société ouverte, qui accueille des immigrants du Moyen-Orient et du monde musulman en général. Il y a aussi l'historique de nos rapports avec cette région du monde.
    Nous serions naïfs de ne pas prendre au sérieux la présence au Canada de cellules dormantes djihadistes et d'une cinquième colonne islamiste. Bien avant les événements du 11 septembre, les islamistes des Frères musulmans ont placé leurs agents au sein des institutions publiques des pays occidentaux. Des documents expliquant le modus operandi des agents des Frères musulmans ont été trouvés par des services de renseignement et présentés comme éléments de preuve lors du procès de certains terroristes liés aux événements du 11 septembre.
    Je vais pour terminer aborder le conflit acrimonieux entre les sunnites et les chiites au Moyen-Orient, qui remonte à plus de 1 000 ans et qui s'aggravera. Le groupe État islamique vise l'extermination, et la haine envers les chiites suscitée par les sunnites incitera inévitablement les chiites à réagir, et cette riposte aura des conséquences profondes.
    Ce conflit atteindra l'Occident et provoquera des tensions sectaires au sein des démocraties occidentales, comme cela s'est produit à cause du conflit israélo-arabe. Dans la revue officielle de l'EI, Dabiq, le groupe ravive la nostalgie chez une partie des musulmans grâce à l'attrait que présente le califat, ce qui contribue à accentuer la nature de la guerre proclamée entre la version de l'EI de la maison de l'islam et le reste du monde.
    Les membres de l'EI ont une vision apocalyptique et leur fanatisme se retournera contre eux à un moment donné. Entre-temps, nous devons les prendre au sérieux, car l'histoire nous a montré que des politiques fondées sur des visions eschatologiques mènent au désastre.
    Dans ce contexte, je dirais que les mesures proposées dans le projet de loi C-51 pour gérer les types de menaces auxquelles le Canada est confronté sont tout à fait nécessaires pour protéger et garantir la liberté de nos citoyens. Il est urgent de les adopter.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Mansur.
    La parole est maintenant à M. Anderson, directeur exécutif d'OpenMedia.
    Bonsoir. Je m'appelle Steve Anderson et je représente OpenMedia, un organisme sans but lucratif qui s'occupe des droits numériques. L'an dernier, nous avons contribué à la mise sur pied de la coalition Protect Our Privacy, qui est la plus importante coalition vouée à la protection de la vie privée à voir le jour au Canada, dont font partie plus de 60 organisations. Nous savons que nous venons de toucher à une valeur canadienne commune lorsque toutes sortes d'entités, comme la Fédération canadienne des contribuables, des petites entreprises et des organisations syndicales, se regroupent.
    Je suis heureux d'être accompagné aujourd'hui par des représentantes de l'Association canadienne des libertés civiles et de la tribune conservatrice Free Dominion, qui prendront la parole au nom de ces organismes.
    Pour m'assurer que la majorité des Canadiens soient entendus, j'ai apporté une pétition signée par plus de 100 000 personnes qui n'approuvent pas ce projet de loi. Ces signatures ont été recueillies par OpenMedia et Leadnow. J'ai aussi consulté la population par l'entremise du Web pour obtenir des commentaires aux fins de mon témoignage, et je vais y faire référence de temps à autre.
(1905)
    Monsieur Anderson, je vais vous interrompre un instant.
    Selon la procédure, les comités ne peuvent pas recevoir de pétitions. Les pétitions doivent être présentées à la Chambre. C'est ce que précise le Règlement de la Chambre des communes dans la section qui porte sur les affaires courantes et qui traite des pétitions. Les pétitions ne peuvent pas être présentées au comité. Toutefois, vous pouvez la déposer auprès du greffier du comité. Elle pourrait alors être consultée à son bureau. Elle devra par contre être traduite.
    C'est ce que je voulais vous dire, monsieur. Si c'est ce que vous souhaitez, vous pouvez la déposer auprès du greffier à la fin de la réunion.
    Je serai ravi de le faire.
    L'appui au projet de loi C-51 est en chute libre, comme le démontrent les récents sondages. Plus les Canadiens en apprennent au sujet du projet de loi C-51, moins ils y sont en faveur. Ils commencent à être passablement informés à propos de cette mesure législative.
    Les Canadiens estiment que le projet de loi C-51 est irréfléchi et dangereux. C'est ce que je vais faire valoir essentiellement, notamment parce que cette mesure témoigne d'un manque de respect flagrant à l'égard de notre droit à la vie privée. Le projet de loi C-51 accorde à cette agence d'espionnage qu'est le Centre de la sécurité des télécommunications un mandat offensif, qui lui donne la liberté d'espionner les Canadiens. En permettant au CST de prendre des mesures perturbatrices, cette mesure législative lui donne le pouvoir illimité d'agir contre des Canadiens dans notre propre pays. Le CST pourra désormais retirer des sites Web légitimes et installer des logiciels malveillants dans des appareils individuels. Étant donné que le projet de loi C-51 facilite la transmission de renseignements concernant des Canadiens à leur insu ou sans leur consentement à pas moins de 17 organismes et institutions, incluant des gouvernements étrangers, je crois que les Canadiens sont d'accord avec Allen Ramenberg, qui a écrit dans Facebook que, si nous renonçons à notre droit à la vie privée et à nos libertés au profit d'organismes centraux qui n'ont pas de comptes à rendre, alors les terroristes auront gagné.
    J'ai entendu un représentant du gouvernement expliquer que nos données délicates ne seront pas saisies dans une seule grande base de données, mais je me demande pourquoi le projet de loi précise que les données seront regroupées. Cela dit, même si les données sont consignées dans de multiples bases de données, cela rend peut-être les Canadiens davantage vulnérables à des atteintes à la sécurité des données et à la cybercriminalité. J'aimerais ajouter que plus de 200 Canadiens ont déclaré dans les derniers mois que leur vie personnelle ou professionnelle a été ruinée à cause de la divulgation de renseignements. La sécurité repose sur la protection de la vie privée.
    J'aimerais également souligner que le projet de loi C-51 est non seulement irréfléchi et dangereux, mais il est aussi, je dois le dire honnêtement, inefficace pour ce qui est d'atteindre son propre objectif.
    Comme le professeur Roach l'a souligné à l'intention du comité, le projet de loi C-51 inondera le gouvernement d'information plutôt que de lui fournir des données susceptibles de donner lieu à une action. En outre, puisque cette mesure ne prévoit aucune surveillance ou reddition de comptes supplémentaires, il n'y aura aucun moyen de savoir si ces pouvoirs sont utilisés à bon escient. Les experts sont d'avis qu'à l'ère numérique, il nous faut des outils ciblés, et non pas une divulgation massive de données personnelles. Ce qui est aussi préoccupant, c'est que de nombreuses dispositions du projet de loi ne concernent même pas les menaces terroristes. Elles visent plutôt à conférer de larges pouvoirs axés sur la sécurité pour des enjeux moins préoccupants.
    À cause d'une rédaction négligente, cette mesure législative brouillera les cartes lors des enquêtes, entachera le travail des responsables de la sécurité et nuira à la sécurité des Canadiens. On prétend que ce projet de loi s'attaque au terrorisme, mais, malheureusement, il ne contient pas de mesures qui permettent de s'attaquer aux causes fondamentales de la radicalisation.
    Le projet de loi C-51 est irréfléchi, dangereux et inefficace à la fois sur le plan du contenu et des procédures. Cette mesure comporte de graves lacunes et ne doit pas être adoptée.
    Je vais terminer en citant un commentaire formulé par un jeune Canadien dans Reddit. Il a écrit:
    En tant que citoyen canadien, j'estime que notre pays fait la promotion de valeurs qui encouragent les prochaines générations à exprimer leurs opinions sans craindre des répercussions ou des conséquences. Il s'agit de valeurs canadiennes qui, selon moi, devraient être maintenues...
    Je vous remercie. Je vais céder la parole à ma collègue.
    Monsieur le président, monsieur le greffier, chers membres du comité, je suis heureuse d'avoir l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
    Monsieur le président, combien de temps reste-t-il sur les 10 minutes?
    Il reste cinq minutes.
    Je vous remercie.
    Je remercie mes collègues et OpenMedia de partager leur temps. Je témoigne au nom de l'Association canadienne des libertés civiles. Nous sommes une organisation non gouvernementale nationale indépendante qui, depuis 50 ans, protège efficacement les libertés civiles des Canadiens. Vous avez reçu notre mémoire, et puisque le temps est restreint, je vais faire un exposé de seulement quatre minutes, durant lequel je vais aborder deux points.
    Permettez-moi d'abord de dire que l'ACLC comprend que le gouvernement doit disposer d'outils efficaces pour protéger le Canada et ses citoyens contre les menaces et les actes terroristes. Ce que nous ne comprenons pas, par contre, c'est la raison pour laquelle ce projet de loi est nécessaire, puisque nous avons déjà à notre disposition des outils efficaces et que les tribunaux et les forces de l'ordre ont un très bon bilan, comme l'a démontré récemment la condamnation des terroristes impliqués dans un complot visant VIA Rail. Il n'a pas été démontré que le projet de loi C-51 fournit de nouveaux outils nécessaires, et nous craignons que cette mesure va accroître les pouvoirs sans prévoir une augmentation en conséquence de la reddition de comptes. Je vais vous présenter les deux points que je veux aborder.
    Premièrement, je veux parler de la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada, que j'appellerai la LCISC. Cette loi permet la communication sans précédent d'information entre au moins 17 organismes gouvernementaux et des gouvernements étrangers ainsi que des organismes privés étrangers et canadiens sans l'application de mesures obligatoires de protection de la vie privée et sans préciser clairement que l'information doit être liée à des activités ou des menaces terroristes. Cette mesure législative est beaucoup trop vaste. Il ne fait aucun doute que l'objectif de la LCISC est de protéger le Canada contre la menace terroriste, mais, à cause de la façon dont elle est rédigée, elle n'atteint pas cet objectif. Sans mesures de protection obligatoires, la communication d'information mènera à des erreurs. Quand on pense à des noms comme Arar, Almalki, Nureddin, Elmaati, Abdelrazik, Benatta et Almrei, cela nous rappelle les effets dévastateurs des erreurs qui peuvent résulter de la communication d'information. On peut penser aussi à l'attentat à la bombe du vol 182 d'Air India, qui a tué les 329 personnes à bord et qu'on n'a pas été en mesure de prévenir parce que l'information n'avait pas été communiquée adéquatement.
    La LCISC ne tient compte d'aucune des recommandations formulées par la Commission Arar visant un examen intégré des activités des organismes et l'établissement de passerelles législatives afin de faciliter un tel examen. La loi ne tient pas compte non plus des enseignements tirés de l'étude en profondeur menée par la commission d'enquête sur l'affaire Air India. Les mécanismes existants des organismes de sécurité nationale sont tout simplement inadéquats dans le contexte de la LCISC. Les mises en garde dans les lignes directrices ont moins de poids puisque la loi contient d'autres dispositions qui permettent la communication d'information à toute personne pour quelque raison que ce soit et qui accordent une immunité aux civils dans les cas où l'information est communiquée par erreur en toute bonne foi. Dans le contexte de la sécurité nationale, la communication d'information exige des garanties juridiques adéquates liées à la nécessité, à la proportionnalité ainsi qu'à l'atteinte minimale et exige des ententes écrites et des mises en garde en ce qui a trait à la fiabilité, à l'utilisation, à la diffusion, au stockage, à la conservation et à la destruction. La LCISC reste complètement muette à cet égard.
    Je vais parler maintenant des modifications à la Loi sur le SCRS. J'ai trois points à faire valoir brièvement.
    Premièrement, les modifications transforment le SCRS, qui est un organisme chargé de recevoir, de recueillir et d'analyser le renseignement de sécurité, en une entité qui aura le pouvoir d'agir. Rien ne peut expliquer cette transformation radicale qui va à l'encontre des conclusions de la Commission McDonald, qui a fait l'éloge de la séparation entre les services de renseignement et les forces de l'ordre.
    En outre, aucune limite n'est prévue pour les pouvoirs du SCRS visant à perturber les activités, autre que l'interdiction de causer des lésions corporelles, d'entraver le cours de la justice et de porter atteinte à l'intégrité sexuelle d'un individu. Ce qui laisse une très grande marge de manoeuvre au SCRS. Ces nouveaux pouvoirs vont brouiller les limites entre les services de renseignement et les forces de l'ordre et pourraient accroître la tension entre le SCRS et la GRC, ce qui peut nuire à la sécurité. Brouiller les limites entre les renseignements et les éléments de preuve peut en fait nuire aux poursuites judiciaires contre les terroristes.
    Nous sommes également préoccupés par le fait qu'un mandat judiciaire peut permettre au SCRS de contrevenir à la Charte canadienne des droits et libertés. C'est une possibilité troublante aux yeux de notre association étant donné que le Canada reconnaît la primauté de la règle de droit tout comme l'indépendance du pouvoir judiciaire. En plus, il s'agira d'un processus ex parte à huis clos.
    Combiné au projet de loi C-44, le projet de loi C-51 permet au SCRS d'agir au Canada et à l'étranger sans égard aux lois nationales d'autres pays ni aux lois internationales. Selon nous, cela va à l'encontre de l'obligation juridique contraignante du Canada et envoie un message dangereux aux gouvernements et organismes étrangers.
    En terminant, nous rappelons respectueusement au comité que, de manière générale, les mécanismes de protection et de reddition des comptes ne se veulent pas des entraves à la sécurité nationale. Ils visent plutôt à nous assurer, même si c'est de façon non intentionnelle, qu'on ne viole pas les droits constitutionnels de personnes innocentes et respectueuses des lois au Canada, qu'on ne gaspille pas les ressources précieuses dont nous disposons pour assurer la sécurité nationale, qu'on ne ternit pas la réputation de personnes innocentes, qu'on ne leur porte pas préjudice ou qu'on ne ruine pas leur vie, et que les mesures que nous prenons pour assurer la sécurité nationale sont efficaces.
(1910)
    Comme la Cour suprême l'a indiqué dans l'arrêt Suresh, ce serait une victoire à la Pyrrhus que de vaincre le terrorisme au prix de notre adhésion aux valeurs qui sont au coeur de l'ordre constitutionnel canadien.
(1915)
    Je suis désolé, madame Pillay. Vous avez dépassé de beaucoup le temps imparti pour tous, comme vous l'avez souligné, donc...
    Merci. J'ai terminé.
    ... nous passons maintenant à notre troisième témoin, M. Davies, qui comparaît à titre personnel.
    La parole est à vous, monsieur.
    Merci beaucoup de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui. C'est un véritable honneur d'être ici. Par respect pour le travail du comité, je tâcherai d'être bref.
    Je ne suis pas avocat, mais chercheur. Je laisserai les spécialistes traiter des nuances du projet de loi C-51. J'étudie le terrorisme depuis maintenant 20 ans, et c'est à titre de chercheur que je témoigne aujourd'hui pour vous présenter mes observations.
    J'aimerais simplement souligner quelques points.
    Le premier — et le plus important —, c'est que le danger que représentent l'extrémisme violent et le terrorisme est réel. Les menaces à l'égard du Canada et de la vie des citoyens canadiens sont réelles. J'ai suivi les discussions à la Chambre, et on fait souvent mine de reconnaître leur existence, mais je ne suis pas certain que nous sommes pleinement conscients des réalités auxquelles nous sommes confrontés.
    Nous sommes aux prises avec des difficultés sans précédent. Cela pourrait inclure, par exemple, le monde hyperconnecté dans lequel nous vivons, où les frontières n'ont plus aucune importance pour les terroristes; le recours de plus en plus fréquent à Internet pour le recrutement et d'autres fins malveillantes; une augmentation des types de comportement qui n'atteignaient pas auparavant les niveaux actuels, comme le terrorisme intérieur, le terrorisme à auteur unique et la violence potentielle qui pourrait être causée par des combattants étrangers qui retournent dans leur pays.
    Ce sont tous des exemples du genre de choses qui ont modifié le contexte du terrorisme et nos discussions à ce sujet. La nature de ces menaces indique que nous devons moderniser notre perception de la lutte contre le terrorisme. Je dirais que le projet de loi C-51 est un élément essentiel d'un processus plus vaste adapté à la nouvelle dynamique de ce nouveau contexte; il s'ajoute, par exemple, au projet de loi C-44 et à d'autres projets de loi qui suivront inévitablement.
    Deuxièmement, depuis que j'étudie le terrorisme, la rapidité à laquelle les terroristes s'adaptent aux méthodes de détection est, selon moi, l'un des aspects les plus marquants et les plus difficiles. Les terroristes modifient constamment leurs stratégies et nous confrontent toujours à de nouvelles façons de penser et d'agir.
    Beaucoup de méthodes que nous utilisons actuellement pour contrer ces menaces sont dépassées. À titre d'exemple, on constate de plus en plus qu'il n'y a aucun groupe à infiltrer; il n'y a aucune tête dirigeante à éliminer, personne avec qui négocier. Dans ce contexte, les outils sur lesquels nous comptions pour enrayer le terrorisme ne nous sont plus aussi utiles.
    Nous sommes actuellement confrontés à une version plutôt extrême du modèle de résistance sans chef décrit par Louis Beam: il ne s'agit plus de cellules autonomes, mais plutôt d'individus qui peuvent se manifester à tout moment et commettre des actes haineux. De plus, cela changera inévitablement. Par conséquent, nous sommes perpétuellement en mode rattrapage. Prévoir la suite des choses est difficile. Par exemple, on laisse entendre que la prochaine vague de terrorisme pourrait être plus axée sur la technologie. Nous sommes donc confrontés à des gens et à leur capacité d'utiliser la technologie, et il est possible qu'ils n'aient pas d'autre objectif de nature idéologique. Nous devons alors essayer de comprendre et de conceptualiser les difficultés que cela pourrait entraîner.
    Ce que nous savons, c'est que ces individus et ces groupes évoluent et que, selon toute vraisemblance, les prochaines attaques seront différentes. La prochaine attaque ne visera vraisemblablement pas le Parlement. Ce sera autre chose. Nous avons besoin d'outils adaptables qui nous permettront de moduler nos interventions, pas seulement aujourd'hui, mais aussi à l'avenir, comme ceux proposés dans le projet de loi C-51.
    Troisièmement, étant donné tous ces facteurs, nous devons obtenir le plus de renseignements possible. Nous avons besoin de renseignements précis et complets, en temps réel, pour nous tenir au fait des complots potentiels en évolution. Cela signifie que dans certaines circonstances, nous devrons utiliser les termes redoutés que sont « coalition » et « intégration de diverses sources », de façon à obtenir un portrait global de la situation, à combler les lacunes et à obtenir les renseignements dont nous avons besoin. Cela signifie également qu'à titre de partenaires internationaux, nous devrons respecter nos engagements en matière de partage des renseignements.
    Cela suscite évidemment des préoccupations. Je ne les ignore pas, et quiconque y porte un intérêt ne peut les ignorer. Elles ont été décrites en détail au comité, mais je ne crois pas qu'elles soient insurmontables ni qu'elles devraient l'être.
    On a laissé entendre qu'on ne peut avoir recours aux arrestations préventives pour éliminer le problème du terrorisme et qu'il serait préférable de dissuader les gens de continuer dans cette voie avant qu'ils ne soient rendus à l'extrémisme violent. C'est certainement vrai, mais encore une fois, nous sommes en mode rattrapage.
(1920)
    Nous n'avons pas de profils adéquats des personnes qui pourraient devenir violentes. Nous avons maintes théories et idées. Nous élaborons de nombreux modèles et nous menons beaucoup de projets, mais actuellement, nous ne savons tout simplement pas ce qu'il en est. Entre-temps, nous devons avoir la capacité d'agir rapidement, de manière décisive et perturbatrice, au besoin, du moins pour nous adapter aux conditions changeantes sur le terrain.
    Il n'est pas question d'agir n'importe comment, de façon aléatoire. Nous sommes d'avis qu'avec un peu de chance, nos outils évolueront de façon à permettre une cueillette de renseignements plus ciblée. À titre d'exemple, à l'Université Simon Fraser, mes collègues et moi travaillons à l'élaboration d'une série d'algorithmes qui nous permettent d'analyser de façon beaucoup plus efficace les informations qu'on trouve sur Internet. Notre objectif n'est pas simplement de cibler ces informations, mais d'avoir recours à une série de mots et phrases clés et d'utiliser une méthode de recherche de renseignements plus précise. Il est à espérer que la même technologie qu'utilisent les terroristes pour recruter nos jeunes pourra aussi être utilisée pour minimiser les atteintes à la vie privée.
    Nous devons établir un cadre pour l'avenir, un cadre qui aura la souplesse nécessaire pour nous permettre de lutter contre une menace dont nous ne connaissons peut-être pas encore la nature. À mon avis, le projet de loi reflète l'époque dans laquelle nous vivons et tient compte de menaces qui ne sont peut-être pas si éloignées qu'on le pense.
    Je vous remercie de votre temps.
    Merci beaucoup, monsieur Davies.
    Nous passons maintenant au premier tour de questions. Les interventions seront de sept minutes.
    Madame James, c'est à vous de commencer.
    Bienvenue et merci à tous les témoins.
    Je remarque que les témoignages de M. Davies et de M. Mansur ont un thème commun, en ce sens qu'ils ont tous deux indiqué que le terrorisme est réel et que les gens ne semblent pas tous avoir la même perception du danger, et je pense que c'est vous, monsieur Mansur, qui aviez indiqué que c'est inutile, en fait.
    La semaine dernière, j'ai participé à deux ou trois tribunes téléphoniques dans des stations de radio. Je trouve qu'il est extrêmement malheureux qu'il y ait tant de fausses idées qui circulent au sujet du projet de loi, particulièrement en ce qui concerne la Loi sur la communication d'information, qui est une mesure législative nouvelle et autonome. Elle n'est aucunement liée à d'autres parties de ce projet précis, qui en comporte cinq. Certains affirment qu'il s'agit en quelque sorte d'une atteinte contre les libertés individuelles et aux droits liés à l'échange d'informations et que le projet de loi portera atteinte aux droits des Canadiens. Si vous lisez le projet de loi, vous constaterez que ce n'est tout simplement pas le cas.
    Nous avons entendu précédemment le témoignage de la British Columbia Civil Liberties Association, un groupe dont les préoccupations remontent à 30 ans, je crois, lorsque le projet de loi initial sur la création du SCRS a été présenté. Certaines affirmations que nous entendons aujourd'hui sont les mêmes que celles que nous avons entendues au moment de la présentation initiale de la Loi antiterroriste de 2001. Honnêtement, cela n'est pas utile, parce qu'il est actuellement question de la sécurité nationale du pays et de la protection des citoyens canadiens.
    Je tiens simplement à souligner que vous avez indiqué que certains d'entre nous n'ont pas compris. Je comprends l'enjeu, et c'est une des raisons pour lesquelles le gouvernement conservateur a fait de l'adoption d'une mesure législative pour améliorer la sécurité des Canadiens sa principale priorité.
    J'aimerais parler de la Loi sur la communication d'information, qui est clairement définie dans le projet de loi. On y trouve un autre article, l'article 5 proposé, qui traite de la communication d'information, dans lequel on indique que l'information ne peut être communiquée que si elle se rapporte à la compétence de l'institution destinataire à l'égard d'activités portant atteinte à la sécurité nationale. De nombreuses parties de ce projet de loi visent à protéger les libertés civiles des Canadiens. Il est aussi intéressant de souligner que je n'ai entendu personne indiquer lequel des articles du projet de loi aurait une incidence sur les Canadiens respectueux des lois. On mentionne des cas précis, on indique que quelqu'un a été déclaré coupable à tort, mais c'est à cela que sert notre système judiciaire: les gens peuvent intenter des poursuites et obtenir justice. C'est ainsi que cela fonctionne dans une société libre et démocratique.
    Je me demande si vous pourriez nous présenter vos observations sur les informations inutiles qui circulent et du fait que cela détourne l'attention de ce qui importe réellement: la sécurité nationale du Canada.
    Nous commencerons par M. Davies.
    Je vous remercie de la question.
    Madame, je répondrais que les cas individuels et tragiques que nous avons vus ne mènent pas nécessairement à l'adoption de bonnes politiques. Certes, nous ne voulons pas minimiser le danger qui en est à l'origine, mais je pense qu'il est tout aussi dangereux d'élaborer une politique en fonction d'un, de deux ou de trois cas malheureux. Comme vous le soutenez, il est de loin préférable, à mon avis, de réfléchir à l'applicabilité de ces choses dans une optique plus large et d'essayer de composer avec les cas d'exception qui en découlent au fur et à mesure. C'est ce que je pense.
(1925)
    Monsieur Mansur, d'autres témoins ont parlé de la nécessité de moderniser les outils et les capacités que nous offrons aux organismes responsables de la sécurité nationale.
    Je vais citer les propos d'un procureur au criminel du ministère du Procureur général de l'Ontario, qui ont été publiés dans le National Post. Il parle de la séparation entre le SCRS et la GRC, qui remonte à une époque à laquelle les téléphones cellulaires étaient un luxe, Internet n'existait pas et le Canada n'avait jamais été la cible d'une attaque terroriste. À cette époque, cette séparation était logique. Il a dit ce qui suit:
Cela n'a plus aucun sens. Presque tous les pays alliés du Canada ont accordé à leurs organismes de renseignement les pouvoirs nécessaires pour prévenir les attaques terroristes. Exiger que le SCRS transmette les renseignements qu'il recueille aux services de police pour qu'ils examinent les preuves et décident de la marche à suivre ajoute des étapes bureaucratiques inutiles à leurs enquêtes. Pire encore, cela entraîne des retards, et à une époque où les présumés terroristes peuvent coordonner en quelques secondes leurs actions sur les divers continents, cela peut faire toute la différence entre l'échec ou la réussite d'une attaque contre le Canada.
    Êtes-vous d'accord sur les préoccupations soulevées par ce procureur dans sa lettre au rédacteur du quotidien?
    Oui, plus ou moins.
    En ce qui concerne le projet de loi lui-même, lors de notre toute première réunion, les représentants des organismes responsables de la sécurité nationale ont fait état des lacunes de la loi canadienne. Ce projet de loi se rapporte directement aux lacunes décelées par nos organismes de sécurité nationale.
    De toute évidence, nous devons reconnaître que les personnes qui ont besoin de ces outils sont les mieux placées pour nous dire ce qu'il faut faire. Je souligne encore une fois que les fausses informations qui circulent sont très nuisibles. Fait intéressant, des manifestations ont eu lieu récemment et, étrangement, aucune de ces manifestations ne serait visée par le projet de loi.
    Malheureusement, les manifestants n'étaient pas au courant de ce fait. Ils pensent que manifester sera illégal et qu'ils pourraient être emprisonnés ou considérés comme des terroristes. Ces manifestations sont l'exemple parfait de situations qui ne seraient pas visées par le projet de loi.
    J'espère que ce message sera entendu.
    Nous avons aussi entendu, par rapport à l'absence de signification des frontières — je crois que c'est vous, monsieur Davies, qui en avez parlé... Je pense que c'est là la différence entre la situation actuelle et celle qui prévalait il y a 30 ans, lorsque la Loi sur le SCRS a été adoptée.
    Des témoins précédents ont parlé de modernisation et de l'évolution constante de la menace terroriste. Je suis heureuse que vous ayez mentionné qu'il n'y a aucun groupe à infiltrer ni aucune tête dirigeante à éliminer, et que nous devons faire preuve de souplesse et avoir la capacité de nous adapter. Je crois que vous avez parlé d'une mesure législative « adaptable ». Ainsi, à mesure que les choses évolueront, nous n'aurons pas à revenir ici le mois prochain ou l'an prochain pour revoir cette mesure législative.
    Est-ce à cela que vous faisiez allusion?
    Oui, tout à fait. Nous ne savons pas ce que l'avenir nous réserve. Nous savons que la situation a changé et qu'elle est différente de ce qu'elle était il y a 30 ans, mais elle évolue à un rythme sans précédent. Il y a eu une période d'accalmie, en quelque sorte, et il semble maintenant y avoir une recrudescence considérable. Je pense donc que nous devons prendre conscience de l'ampleur des changements qui ont eu lieu.
    Dernièrement, j'ai entendu beaucoup de discussions sur la situation d'il y a 30 ans. Tous ceux qui sont ici savent pourquoi le SCRS a été créé et connaissent les facteurs qui ont mené à sa création. Je ne sais pas pourquoi nous y revenons toujours, pourquoi nous regardons derrière plutôt qu'en avant.
    Merci beaucoup. Le temps est écoulé.

[Français]

     Madame Borg, vous avez la parole. Vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Anderson, j'aimerais vous remercier de votre témoignage. Tout le monde autour de cette table reconnaît que le terrorisme est une menace et qu'il faut disposer des ressources nécessaires pour le combattre. Toutefois, nous croyons aussi que les droits et les libertés ne sont pas négociables. L'un ne va pas sans l'autre et, à cet égard, il est donc essentiel de respecter les deux.
    Monsieur Anderson, je suis heureuse que vous soyez présent parmi nous. En effet, vous êtes le seul témoin à pouvoir parler des répercussions que ce projet de loi aurait sur la vie numérique des citoyens respectueux de la loi. J'aimerais vous donner l'occasion de formuler des commentaires à ce sujet.

[Traduction]

    Je vais demander à ma collègue Connie de répondre à la question, mais j'aimerais d'abord dire que les propos tenus par Mme James il y a quelques instants laissaient entendre que les Canadiens ne sont pas informés et qu'ils sont stupides. Venant d'une titulaire d'une charge publique, je trouve que c'est particulièrement odieux.
(1930)
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je tiens à faire une mise au point, aux fins du compte rendu.
    Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que je suis préoccupée par les fausses informations qui circulent au sujet du projet de loi. C'est toute autre chose.
    Merci beaucoup.
    Je pense que le commentaire était limite et je vous saurais gré de vous en tenir à votre sujet.
    D'accord.
    Je pense que nous devrions encourager les Canadiens à prendre part à ces débats. Les Canadiens sont incroyablement informés et engagés, qualités que nous voulons honorer et encourager, plutôt que mépriser.
    Je donne maintenant la parole à Connie.
    Il y a quelques années, tous les députés conservateurs du comité ont voté l’abrogation de l’article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ils l’ont fait à la demande pressante des membres de la base. Nous vous avons demandé de l’abroger parce que son libellé était large et vague, contraire à la procédure établie et qu'il pouvait être invoqué à mauvais escient contre des gens qui, comme nous, ne faisaient pas de discours haineux.
    Le projet de loi C-51 est lui aussi rédigé de façon générale et vague. Même le terme de « terroriste » n’est pas défini. Contrairement au système de tribunaux boiteux prévu à l’article 13, il va totalement à l’encontre de la règle établie en permettant des délibérations secrètes au cours desquelles l’accusé ne peut pas présenter de défense ou même faire face à celui qui l’accuse. Avec encore moins de contrôle que celui dont faisait l’objet l’article 13, il est inévitable qu’on l’utilise à mauvais escient et qu’on l’applique à des gens qui ne sont pas des terroristes.
    Si vous avez voté l’abrogation de l’article 13 pour protéger les droits des Canadiens, le seul choix de principe qui vous reste serait de voter également contre le projet de loi C-51.

[Français]

     Madame Fournier, je vous remercie.
    Votre réponse à ma question n'est pas très pertinente. Je comprends que vous n'aviez pas la chance de dire ce que vous aviez à dire. Je suis très consciente de cela. Mais, si vous me le permettez, je vais vous poser une autre question.

[Traduction]

    J’aimerais revenir au point concernant l’échange de renseignements entre les diverses agences gouvernementales, car on craint que cette mesure soit appliquée à mauvais escient, entraînant de graves conséquences pour la vie privée des Canadiens.
    Auriez-vous des commentaires à ce sujet, monsieur Anderson?
    Le projet de loi C-51 facilite clairement l’échange d’informations avec pas moins de 17 agences ainsi qu’avec des gouvernements étrangers, sur des Canadiens respectueux de la loi et innocents, sans mandat et sans que ces derniers le sachent ou y consentent. C’est ce qui est prévu dans cette mesure législative et c’est la raison pour laquelle les Canadiens sont aussi inquiets.
    Le fait que les informations personnelles soient stockées dans ces bases de données inquiète naturellement n’importe quel citoyen respectueux de la loi. Les gens qui vaquent à leurs occupations quotidiennes vont être entraînés dans ce système naturellement, puisqu’ils ont des rapports avec le gouvernement. Le nier et prétendre que si vous respectez la loi, vous ne serez pas entraîné dans ce système est à mon avis malhonnête.
    Si vous ajoutez à cela les dispositions qui permettraient au Centre de la sécurité des télécommunications de surveiller la vie des Canadiens, on en arrive à une combinaison dangereuse.
    Voilà pourquoi les Canadiens pensent que ce projet de loi est irresponsable et dangereux. Les gens continueront d’être contrariés, jusqu’à ce que des garanties soient mises en place.
    Merci.
    Nous sommes saisis de ce projet de loi. En même temps, il y a des manifestations dans les rues et une pétition de 100 000 signatures, ou probablement plus, et dont le nombre augmente certainement en ce moment même. Vous qui avez travaillé beaucoup au niveau de la base pour protéger les droits numériques — vous avez à ce sujet un dialogue avec les Canadiens — pourquoi, d’après vous, le revirement de l’opinion publique a été si rapide? Quel en a été le facteur déclencheur?
    Selon les statistiques, 80 % des gens ont appuyé le projet de loi et maintenant, 50 % ne l’appuient plus. Qu’en pensez-vous?
    Je pense que c’est la combinaison de divers facteurs: l’érosion des droits entourant la protection de la vie privée, la surveillance de citoyens respectueux de la loi et la nature irresponsable de cette approche par laquelle on risque de transformer le SCRS en force de police secrète, en dépit des recommandations visant à renforcer la surveillance de l’organisme et à limiter certaines de ses activités.
    Quand on ajoute à cela le fait que ce projet de loi est vague, qu’il est adopté dans la précipitation et qu’il est irresponsable, dangereux et inefficace, tout cela déçoit vraiment les Canadiens au point de les faire descendre dans la rue, de signer des pétitions et de sensibiliser leur entourage. C’est ce que nous voyons. Nous assistons à une sensibilisation de la base à une échelle jamais vue, du moins de ma part, depuis le temps que je travaille sur ces enjeux.
(1935)
    Merci.
    J’ai une dernière question pour vous, pour laquelle vos collègues peuvent également intervenir.
    Dans vos remarques liminaires, vous avez dit que les nouvelles activités de perturbation numérique que pourrait mener le Centre de la sécurité des télécommunications pourraient porter entre autres sur de fausses attributions, la suppression de sites Web légitimes ou l’installation de logiciels malveillants. Pourriez-vous élaborer à ce sujet?
    Nous sommes très inquiets des pouvoirs du Centre de la sécurité des télécommunications et du fait qu’il n’y a, à notre avis, aucun examen convenable de ses activités. Le National Post vient d’ailleurs de publier un excellent article de Christopher Parsons qui répond à bien des questions que vous vous posez. La capacité de surveillance de masse, de surveillance numérique de masse qui existe aujourd’hui permet d’obtenir des données sur les Canadiens moyens, innocents et respectueux des lois et de les communiquer, non seulement au Canada, mais aussi à l’étranger. Il n’y a pas de limite et c’est cela qui nous inquiète.
    Nous connaissons des gens dont les renseignements personnels ont été communiqués à l’étranger et qui en ont pâti. Ce sont des cas réels qui nous inquiètent.
    Très bien, merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Payne, qui a sept minutes.
    Merci aux témoins d’être venus.
    C’est un projet de loi vraiment important dont nous parlons, qui touche la sécurité des citoyens et du pays. Il importe évidemment au plus haut point au gouvernement du Canada de faire en sorte que, dans les faits, les citoyens canadiens soient protégés et que nos frontières soient sûres.
    Monsieur Mansur, vous avez dit qu’il n’y a pas de liberté sans sécurité, c’est bien cela.
    C’est bien cela, merci, monsieur.
    D'accord, merci.
    Je sais que c’est un aspect important de ce qui arrive et je crois que M. Davies et vous avez parlé des changements qui surviennent rapidement par rapport à ces djihadistes, ces terroristes.
    Monsieur Mansur, vous êtes musulman et partisan notoire de ceux qui veulent s’attaquer au radicalisme et empêcher qu’il ne pénètre au Canada. Bien que des adeptes de ce radicalisme, nous le savons, soient déjà là, nous savons aussi que les radicaux de l’étranger ont des moyens d’influencer des Canadiens et de les convaincre de se radicaliser. Nous sommes désormais à l’époque de Twitter qui permet de propager dans le monde entier de la propagande pernicieuse.
    Pourriez-vous nous dire pourquoi le SCRS est nécessaire pour contrer ces réalités auxquels nous faisons face dans notre monde globalisé?
    Eh bien, monsieur, si je comprends bien, le SCRS est une agence de sécurité et donc, par définition et en tant qu’agence chargée du renseignement de sécurité, elle doit pouvoir surveiller et pénétrer dans la société ou dans la collectivité ce que j’appelle des cellules dormantes ou des cinquièmes colonnes.
    De mon point de vue, cela fait des années que nous sommes infiltrés. Il y a des organisations et des États tels que les Frères musulmans, le Jamaat-e-Islami, la République islamique d’Iran, qui ont à leur disposition des organismes de musulmans dans la communauté, des organisations religieuses, des mosquées, des organismes quasi religieux et des associations communautaires au sein desquels ils recrutent ou essaient de recruter des gens pour faire avancer leur cause. Nous savons cela. Nous avons donc besoin d’une agence comme le SCRS pour pouvoir les appréhender, les court-circuiter, les interdire, les surveiller et ainsi de suite.
    À votre avis, le projet de loi C-51 peut-il donc aider le SCRS à protéger le Canada?
    Si je comprends bien, oui, absolument. Nous faisons face à un problème qui a pris une immense ampleur depuis le 11 septembre. Mais il était déjà là bien avant et il est toujours là. Nous devons y faire face en faisant en sorte que nos agences soient bien équipées pour le contrer.
    Merci.
    Monsieur Davies, je sais qu’à titre de chercheur, vous avez dit que les terroristes sont réels et que nous ne faisons pas face à cette réalité. Je ne suis pas sûr si vous parliez de Canadiens ou du monde en général. Vous avez parlé de frontières poreuses. Vous avez parlé de l’Internet, des loups solitaires et autres, et des terroristes étrangers qui rentrent dans leur pays. Compte tenu de tout cela, croyez-vous que le SCRS ou la GRC auraient le temps ou la volonté que les agences gouvernementales leur fournissent des informations sur les manifestants, informations auxquelles ils donneraient suite, s’il n’y avait pas de motif raisonnable d’enquêter.
(1940)
    Non, je ne le crois pas. Cela me fait penser à l’expression « se noyer dans les informations » que l’on a utilisée. Je pense qu’on essaie de filtrer l’information pour ne garder que celle qui est pertinente. Évidemment, nous courons toujours le risque de passer outre au système et j’ose espérer que certains de ces filtres sont en place. Je pense que l’image que l’on se fait du SCRS courant dans tous les sens pour obtenir tous les renseignements possibles est fausse. En tout cas, cela ne correspond pas aux expériences que j’ai eues avec les divers membres de cette agence et avec ceux de la GRC, s’agissant de l’approche qu’ils adoptent pour obtenir de l’information. Selon l’expérience que j’en ai, ils ont une connaissance extrêmement pointue des limites juridiques qui leur sont imposées sur ce qu’ils peuvent faire ou ne pas faire. En fait, ils vous diraient que cela fait partie de leur quotidien mais, que de la même façon, ils essaient d’obtenir le plus d’informations possible sur ce qui est important afin de combler les lacunes.
    Je ne crois donc pas qu’ils souhaiteraient se charger de fonctions autres que celles qu’ils ont déjà.
    Merci.
    Vous avez également parlé de la technologie qu’utilisent les terroristes et de leur apprentissage. Nous devons pouvoir agir de façon décisive et les outils continuent d’évoluer. Vous avez dit travailler sur un certain programme.
    Oui.
    Je ne sais pas si vous êtes bien avancé dans ce programme, mais dans quelle mesure pensez-vous qu’il va pouvoir être utile aux Canadiens, au SCRS et à la GRC? Je ne sais pas non plus si ce programme dont vous parlez serait mis à la disposition des autres organismes d’application de la loi.
    Le programme n’en est qu’à ses balbutiements. Il consisterait essentiellement à pouvoir décoder de larges ensembles d’informations provenant d’Internet et de les découper en parties pertinentes. Pour répondre à votre question sur son utilité, nous en avons discuté avec l’Équipe intégrée de la sécurité nationale. Je viens de Vancouver, à l’autre bout du monde. Nous avons pris langue. Les membres de l’équipe souhaitent vraiment, toujours pour les raisons que vous pouvez imaginer, optimiser les informations qu’ils peuvent capter. Nous n’allons pas parler de la question des ressources — je ne pense pas que cela soit nécessaire — mais leur accès aux ressources informatiques n’est pas illimité. Ils souhaitent obtenir une information qui soit la plus pertinente possible. Ils s’intéressent vivement à une approche qui leur permettrait d’obtenir cette information sans avoir à ratisser au point de susciter des inquiétudes sur la protection des renseignements personnels de ceux que l’on a appelés les citoyens canadiens ordinaires.
    Il vous reste 30 secondes, monsieur Payne.
    Très rapidement, on parle dans la partie 4 des opérations que pourrait mener le SCRS pour perturber des menaces. Pourriez-vous nous dire l’importance de cette mesure par rapport aux autorisations judiciaires.
    C’est absolument essentiel dans les autorisations judiciaires, mais on pourrait aussi imaginer certaines exigences. On cite sans cesse l’exemple de pouvoir dire à des parents que leur fils ou leur fille a été radicalisé afin de les mettre au courant de la situation. Est-ce que cela serait ou non un exemple de perturbation? Nous pourrions penser à des cas beaucoup plus graves pour lesquels la perturbation s’avérerait nécessaire, et nous voudrions certainement avoir dans ces cas-là une autorisation judiciaire.
    Très bien, merci beaucoup.
    Merci, monsieur Payne.
    Vous avez la parole, monsieur Easter.
    Merci à tous les témoins d’être venus.
    Les délibérations, surtout celles de ce soir, font ressortir les deux solitudes, si je puis m’exprimer ainsi. Vous avez dit, monsieur Davies, que le danger et les menaces à la vie sont réels. Je suis d’accord avec vous. Je sais que les menaces sont réelles. Je sais qu’elles ont beaucoup augmenté depuis le 11 septembre, quoique dans un contexte différent. Je dois par ailleurs dire à M. Anderson, à Mme Pillay et à Mme Fournier que les inquiétudes que suscitent chez vous la direction que prennent certaines parties de ce projet de loi sont également réelles. Comment concilier les deux? C’est la question que je vous pose à tous.
    J’ai dit que nous avons besoin de surveillance, nous avons besoin de dispositions de caducité et nous avons besoin d’un examen obligatoire de la loi dans trois ans. Les menaces fluctuent. Mais nous avons certainement besoin d’amendements. Toutes les inquiétudes exprimées ici sont réelles. Le secrétaire parlementaire peut bien dire que certaines des choses que disent les manifestants sont exagérées. Elles le sont peut-être. J’ai moi-même été dans des manifestations. Dans les fonctions que j’occupais à l’île-du-Prince-Édouard, j’ai fait face à des manifestations. Je crois fermement que dans une démocratie, la dissidence légitime est saine. C’est une bonne chose.
    Je demande donc à chacun des porte-parole comment rompre les deux solitudes. Je pense que nous avons besoin de certains aspects du projet de loi, mais je crois qu’il peut être corrigé et être un projet de loi qui satisfera tous les Canadiens si le comité peut fonctionner de la façon dont les pères fondateurs voulaient que le Parlement fonctionne, c’est-à-dire en amendant un projet de loi pour le rendre meilleur.
    Puis-je avoir une réponse de chacun d’entre vous?
(1945)
    Monsieur Easter, de mon point de vue, je ne vois pas le gouvernement comme ceux qui occupent les banquettes ministérielles d’une part et ceux qui sont de l’autre côté, d’autre part. Je vois le gouvernement dans son ensemble. D’où je viens, je m’attends, en tant que citoyen ordinaire, à ce que le gouvernement fasse le nécessaire dès lors qu’il perçoit une menace. De mon point de vue, la menace est immense et elle grandit, et, compte tenu des enjeux et du mal qui peut être fait, le laxisme n’est pas permis.
    Oui, le gouvernement a reconnu — vous tous avez reconnu — qu’il y a une nécessité, représentée par le projet de loi C-51. La question est maintenant de savoir comment faire pour l’améliorer. Je suis d’accord avec vous qu’il faut s’efforcer d’en voir les lacunes et de les combler. Si vous convenez que cet instrument est nécessaire, cela nous encourage, car nous avons le sentiment que la menace est immense.
    Je vais vous laisser répondre aux autres dans un instant, mais permettez-moi de vous donner un exemple. Le projet de loi stipule:
    Il est entendu que sont exclues les activités licites de défense d’une cause, de protestation, de manifestation d’un désaccord ou d’expression artistique.
    Cette même disposition se trouvait déjà dans le projet de loi de 2001. Et, au sein du caucus, je suis l’un de ceux qui s’y sont opposés et nous l’avons faite retirer.
    Est-ce que l’un d’entre vous qui défendez le projet de loi, M. Mansur ou M. Davies avez le sentiment que si l’on retirait le mot « licites », cela l’empêcherait d’une façon ou d’une autre d’atteindre son but?
    Non.
    Non. D'accord, merci.
    Quelqu’un d’autre veut-il faire un commentaire sur ma première question?
    Oui, je suis d’accord sur tous les amendements dont vous avez parlé et je crois qu’il y a un consensus quasi national sur ces points. Je pense que c’est l’une des raisons pour lesquelles les gens sont si contrariés. Pourquoi ne pas étudier à tout le moins ces amendements raisonnables? Je n’ai pas encore entendu de réponse satisfaisante à cette question et j’aimerais bien en avoir une à un moment donné.
    À OpenMedia, nous sommes d’avis que le projet est tellement boiteux qu’il faut repartir à zéro.
    C'est parfait.
    Madame Pillay.
    Merci de la question. Je réponds que le libellé de la loi est imprécis et trop général. Nous ne contestons pas l’objectif de la loi, mais sa portée dépasse son objectif. Voilà où est le problème.
    Je tiens à préciser que nous ne contestons pas qu’il y ait une menace terroriste. Nous nous demandons simplement pourquoi le projet de loi est nécessaire et nous sommes très inquiets de sa portée, qui est bien trop vaste. Il n’y a pas de lien rationnel avec certaines des conséquences qu’aura la loi dans son libellé actuel.
    Dernier point, on ne peut pas simplement espérer qu’elle sera appliquée de façon raisonnable quand on en lit les dispositions.
    Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Fournier?
    Oui. Je pense que c’est très important, quand on étudie une loi, d’imaginer son pire scénario d’application de façon à pouvoir éliminer les échappatoires. À mon avis, il est tout à fait raisonnable d’examiner ce projet de loi, d’en voir les lacunes et d’essayer de les corriger. Et moi non plus, je ne remets pas en question la menace terroriste. Je pense que nous sommes tous sur la même longueur d’onde à ce sujet.
    D'accord, merci.
    Monsieur Mansur, j’ai lu l’exposé que vous avez fait au Sénat et je m’interroge sur ce que vous avez dit à propos du programme de sensibilisation du public. Vous remettez essentiellement en question son utilité pour lutter contre la radicalisation au Canada.
    Est-ce que c’est toujours votre avis? Je crois fermement que la GRC et les agences de sécurité doivent mener une action de sensibilisation auprès de ceux qui sont radicalisés par le biais d’Internet ou par d’autres moyens. Il s’agit d’une action que la loi ne peut pas prévoir.
    Qu’en pensez-vous aujourd’hui?
(1950)
    Mon souci, monsieur, ce n’est pas la sensibilisation du public mais avec qui elle est menée. La GRC ou d’autres agences policières ou de sécurité travailleraient avec des organisations à propos desquelles nous avons de graves inquiétudes.
    Ce à quoi je faisais allusion à l’occasion de cette audience, c’est que la GRC travaillerait par exemple en coopération avec le Conseil national des musulmans canadiens qui, à notre avis, est une organisation on ne peut plus suspecte. C’est une organisation… C’est l’équivalent du Conseil des relations américano-islamiques.
    L'hon. Wayne Easter: [Note de la rédaction: inaudible]
    M. Salim Mansur: Non, mais c'était l'inquiétude...
    Votre temps est écoulé, monsieur Easter.
    Cela a été réfuté au comité.
    Je suis désolé monsieur Easter, mais votre temps est largement dépassé. Merci quand même.
    Nous allons conclure notre première heure. Je suis désolé qu’on n’ait pas eu le temps d’entendre la réponse. N’hésitez pas cependant à en discuter avec l’un des membres du comité pendant la brève suspension des travaux. Nous sommes toujours heureux de prendre connaissance de vos opinions.
    Au nom du comité, je tiens à vous remercier tous de nous avoir fait part de vos idées et de vos opinions. Comme on dit, elles sont toutes importantes. Je vous remercie de tout cœur.
    Nous allons suspendre les travaux cinq minutes en attendant l’arrivée des nouveaux témoins.
(1950)

(1955)
    Je demanderais aux médias de respecter l’horaire du comité.
    Nous passons à la deuxième heure des témoignages, et des questions et réponses.
    Nous avons avec nous trois témoins: l’honorable Hugh Segal, maître au Massey College, Louise Vincent et Christian Leuprecht, doyen associé et professeur agrégé à la Faculté des arts du Collège militaire royal du Canada.
    Merci à tous d’être venus partager vos idées sur ce qui est manifestement une très importante mesure législative dont nous sommes saisis. Nous sommes certainement très heureux d’avoir vos commentaires.
    Nous allons commencer par M. Segal.
    On a pu constater, dans l’histoire récente d’après-guerre, que les nouvelles lois conçues à la hâte ou les anciennes lois appliquées à la hâte en période d’urgence apparente ou potentielle comportaient souvent des lacunes. Telle n’était pas l’intention du gouvernement en place, bien entendu: c’est l’empressement à réagir à un risque appréhendé, qu’il s’agisse de terrorisme ou d’insurrection, qui est à blâmer. Cette approche suscite souvent de vives contestations devant les tribunaux.
    Le pire exemple dans le passé récent est la proclamation de la Loi sur les mesures de guerre par l’administration Trudeau en octobre 1970. Des centaines de Québécois sont alors arrêtés et détenus pendant plusieurs jours; les principes fondamentaux de la Magna Carta et de l’habeas corpus sont suspendus. Il s’agit de la pire violation des libertés civiles canadiennes dans l’époque d’après-guerre. Rien de ce que nous avons vu depuis ne s’y compare. Aucun des risques associés à ce projet de loi ne peut être comparé de quelque façon que ce soit à ce qui est arrivé en 1970.
    Mes appréhensions, et celles du Comité sénatorial spécial sur l’antiterrorisme, quant à l’absence au Canada — contrairement à ce que l’on retrouve chez nos principaux alliés de l’OTAN: États-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Pays-Bas, Belgique et Italie — d’une quelconque fonction de surveillance législative précèdent de plusieurs années la naissance du projet de loi dont vous êtes saisis.
    Rien dans le projet de loi C-51 ne m’a fait changer d’avis sur la nécessité d’une surveillance et rien dans ce projet de loi ne rend cette exigence plus pressante.
    En démocratie, l’obligation, de la part des services de sécurité, de rendre compte à l’ensemble du Parlement n’est pas qu’une simple formalité bureaucratique. Au contraire, c’est ce qui permet de faire échec au type de bureaucratie tatillonne pouvant, à son insu, perdre de vue la mission de sécurité dont est investie la démocratie parlementaire, là où le droit et les garanties constitutionnelles, comme la présomption d’innocence et l’application régulière de la loi, doivent protéger tous les habitants, sans égard à leur ethnicité ou origine nationale.
    Par souci d’éliminer le cloisonnement et de maximiser l’efficacité du partage prophylactique des données visant à tuer dans l’oeuf tout dessein malveillant, et dans la foulée du rapport du juge Major sur la tragédie d’Air India, le Comité sénatorial spécial a recommandé que le gouvernement autorise le Service canadien du renseignement de sécurité à avoir recours à des activités légitimes de perturbation pour déjouer les projets ou complots terroristes. Il s’agissait d’une recommandation bipartite.
    Le choix du terme « légitimes » ne signifiait nullement que le Comité spécial était d’avis que les « perturbations » pouvaient avoir lieu en dehors de l’application et de la protection offerte par la Charte des droits et libertés. Toute disposition qui chercherait à rendre la Charte inutile serait de toute façon probablement invalidée par les tribunaux.
    Quand le gouvernement de M. Chrétien a déposé un projet de loi antiterroriste aux lendemains des horribles attaques du 11 septembre, ses promoteurs, dont des ministres et de hauts fonctionnaires, étaient convaincus qu’il était conforme à la Charte. Lorsque la loi a été renouvelée, les membres du Comité sénatorial spécial sur l’antiterrorisme ont consacré un grand nombre de réunions à examiner les modifications qu’il fallait y apporter, suite à des décisions judiciaires, pour qu’elle respecte la Constitution canadienne, étant donné qu’elle était loin d’être conforme à la Charte.
    Je ne doute pas que peu importent les décisions que ce distingué comité pourrait prendre ou non pour modifier la loi à courte échéance, un autre comité se prêtera au même type d’exercice de remise en état constitutionnelle à la suite de décisions judiciaires.
    En gros, malgré certains excès et certaines dispositions légèrement exagérées, j’estime que cette mesure législative est utile et bien fondée, étant donné les nouvelles technologies, les stratégies de recrutement et l’asymétrie qui caractérisent maintenant les nouvelles menaces à la sécurité nationale de notre pays et d’autres démocraties non policières à société ouverte.
    En terminant, j’aimerais, respectueusement, faire une mise en garde sur l’importante tâche qui est la vôtre: les mesures visant à assurer la sécurité des Canadiens — objectif premier du gouvernement — ne devraient pas comprendre de dispositions nous faisant ressembler à ceux que nous tentons de défaire.
(2000)
    Merci de votre exposé, monsieur Segal. Nous aurons un peu plus de temps pour les questions et réponses.
    Vous avez la parole, madame Vincent.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie le comité de m'offrir cette occasion de venir partager mon point de vue et celui de mon frère, de mes soeurs et de ma mère.
    Pourquoi suis-je ici devant vous? Je m'appelle Louise Vincent et je suis la soeur aînée de l'adjudant Patrice Vincent qui a été tué le 20 octobre 2014, soit il y a cinq mois, par Martin Couture-Rouleau. Ce dernier, sous prétexte d'une religion qu'il n'a absolument pas comprise, a décidé d'utiliser son auto pour frapper mon frère de dos, sans qu'il n'ait eu aucune chance de se défendre.
    Je suis ici pour parler de ce que je vois de positif dans le projet de loi C-51. Ce que je remarque et ce que tout le monde a dû remarquer, c'est que l'information circule désormais à une vitesse extraordinaire. Cela ne veut pas dire que c'est positif. C'est probablement trop rapide, de sorte que les risques de radicalisation sont immenses. Des gens ont probablement une propension ou une sensibilité à quelque chose qu'on n'a pas encore compris. Pour le moment, je pense qu'une initiative comme le projet de loi C-51 est nécessaire si l'on veut maintenir les valeurs démocratiques de notre pays.
    Il y a un autre problème important qu'il faut souligner. Les différents organismes du gouvernement doivent cesser d'agir en silo. Les grandes entreprises l'ont compris. Celles qui réussissent ont cessé de travailler en silo. Ce concept de gestion est important. Selon moi, la circulation de l'information est importante.
    D'après ce que j'en comprends, le projet de loi C-51 faciliterait la collaboration entre les différents corps policiers et permettrait de trouver plus rapidement quelqu'un qui essaierait de nuire à notre pays. De plus, le seuil de la preuve doit être modifié. Le projet de loi C-51 stipule qu'il faudrait passer de « commettra » à « pourrait commettre », ce qui est très important à mes yeux. C'est à cause de cela que la GRC n'a pas été en mesure d'obtenir un mandat du procureur général, malgré toute l'information qu'elle avait recueillie et tous les témoignages des proches de Martin Couture-Rouleau. La GRC avait fait ses devoirs et monté un dossier, mais malheureusement, la preuve à ce sujet n'était pas assez élevée. Ce n'est pas acceptable.
    Les outils de surveillance, notamment les bracelets électroniques, devraient être beaucoup plus faciles à obtenir. Il faudrait également pouvoir geler les avoirs financiers. De cette façon, on pourrait bloquer quelqu'un qui s'apprêterait à financer des activités terroristes.
    Si le projet de loi C-51 avait existé le 19 octobre, les proches de Martin Couture-Rouleau auraient quand même avisé la GRC, mais cette dernière aurait eu plus d'informations. La GRC a reçu les informations beaucoup trop tard. Elle aurait su que des imams radicaux s'étaient rendus à la mosquée que fréquentait Martin Couture-Rouleau. Elle aurait probablement pu préparer encore plus de matériel pour le procureur général qui, avec un fardeau de la preuve moins élevé, aurait accepté d'accorder un mandat. Le 20 octobre dernier, Martin Couture-Rouleau aurait fort probablement été en prison et mon frère ne serait pas mort.
    J'entends beaucoup de gens dire qu'ils sont inquiets au sujet de la liberté d'expression. Moi aussi, je veux garder ma liberté d'expression. Je ne serais absolument pas favorable à quelque chose qui enlèverait la liberté d'expression. Considérant le fait qu'il y a 40 millions de Canadiens, est-il logique de dire que chacun d'eux se fera épier?
    J'ai parlé à des gens en poste et ils m'ont informée qu'en octobre dernier, on avait retiré le passeport à 90 personnes radicalisées. Elles étaient supposément sous surveillance, tout comme 130 autres personnes qui avaient encore leur passeport. On parle de 220 personnes. Or quand j'ai demandé pourquoi Martin Couture-Rouleau avait échappé au système, on m'a répondu qu'on ne pouvait pas surveiller tout le monde 24 heures par jour.
    Je dirais aux gens qui craignent qu'une telle loi augmente la surveillance que c'est impossible, sans quoi il y aurait un petit problème de mathématiques. Si les corps policiers, soit la GRC et la SQ, pouvaient à tout le moins surveiller ces gens-là, je n'en demanderais pas plus. C'est ce qu'il serait logique de faire.
(2005)
     J'ai noté quelques points. J'ai l'impression que lorsque les gens lisent un texte comme le projet de loi C-51, qui est volumineux, ils laissent souvent tomber les « Attendu que ». Cela peut sembler un peu ennuyant, mais c'est important.
    Les activités de défense d'une cause, de protestation, de manifestation d'un désaccord ou d'expression ne sont pas touchées. En effet, il est clairement écrit ce qui suit aux lignes 36 à 39 de la page  3, et je cite: « Il est entendu que sont exclues les activités licites de défense d’une cause, de protestation, de manifestation d’un désaccord ou d’expression artistique. »
     Le projet de loi C-51 ne crée pas d'entrave à la liberté d'expression. C'est un droit écrit et protégé par la Constitution du Canada. Je n'ai aucune inquiétude quant au fait que la Charte québécoise s'appliquerait toujours et protégerait ma vie privée. Je suis moi-même une Québécoise.
    Je vais sauter quelques lignes du projet de loi. À la page 6, on mentionne que le projet de loi C-51 ne porte pas atteinte à d'autres lois existantes concernant la communication. Pour moi, la communication et la liberté sont là. C'est clair. Je ne pense pas que nos dirigeants nous imposeraient une chose qu'eux-mêmes ne voudraient pas qu'elle leur soit imposée. Je suis sûre que tous nos dirigeants et tous nos ministres tiennent à la liberté d'expression et veulent un Canada qui a des valeurs à cet égard. Je pense qu'ils sont les premiers à vouloir défendre cela. S'ils l'enlevaient, ils seraient les premiers pénalisés.
    Pour ceux qui expriment des craintes, j'ai aussi remarqué autre chose. En ce qui a trait à tout ce qui concerne ce qui se passe après l'enquête, à partir du moment où un corps policier arrive avec une information donnée, rien n'est changé. Le juge doit être certain que les mesures recommandées sont proportionnelles à ce qui est reproché à la personne.
     À la page 49, on voit qu'il y a des chiens de garde partout. Il n'y a rien de facile ou d'automatique. Si on constate une situation, il faut demander la permission au ministre et ensuite demander un mandat à un juge. Il va toujours y avoir une ordonnance.
    À la page 50, il est précisé que le juge doit évaluer la menace avant d'émettre un mandat.
     Il n'y a rien de facile. Il faut préparer et présenter un dossier. Je trouve qu'il y a encore beaucoup de lourdeur à cet égard, mais je suis prête à accepter cette situation.
    Pour terminer, je vais rapidement vous montrer certains documents pour vous indiquer ce que peut faire un crime haineux issu de la radicalisation. Je n'ai pas apporté tous les documents, parce qu'il y en a une grande quantité. Il y a beaucoup de plaques, de tableaux et de mémentos partout dans la province de Québec. Je n'en ai apporté qu'un petit nombre.
     On a reçu des lettres écrites à la main et d'autres dans un format différent. La Légion royale canadienne nous a écrit, la paroisse de Saint-Jude nous a écrit en français et en anglais — ces gens doivent absolument être bilingues —, le président de RTO/ERO nous a écrit, des écoles et des élèves nous ont écrit.
    On a beaucoup de cartes qui ont été faites à la main. J'ai ici une carte qui provient d'une école. Des écoles nous ont écrit, mais je n'ai pas tout apporté. Il y a des étudiants et des professeurs. Il y a de petites écritures. Des mères nous ont écrit. On a des livres. On a 22 livres comme celui-ci, faits à la main.
     Il y a des listes de gens comprenant des centaines de noms. Des policiers et des pompiers nous ont écrit. On a reçu des invitations pour participer à différents événements organisés par les pompiers. Des gens de la Saskatchewan, du Québec et du Manitoba nous ont écrit.
     Ma mère a exigé que je fasse très attention à ce document-ci et vous verrez pourquoi. Le prince Charles lui a écrit. J'ai sa signature. Il l'a écrit en français. Il lui a aussi envoyé des fleurs. Son adjoint lui a aussi écrit. Il y a des gens de l'Abbaye de Westminster, de l'Association nationale des femmes de militaires, de la United States Army National Guard, de la U.S. Army Reserve, de la Michigan American Legion et des AMVETS of Michigan qui nous ont écrit. C'est tout simple, mais c'est là.
(2010)
     Il y a aussi M. Al Cameron, qui s'occupe des vétérans par l'entremise de l'organisme Veterans Voices of Canada qui nous a envoyé un drapeau. Il appelle cela Flag of Remembrance. Il va toujours se souvenir de Patrice.

[Traduction]

    Excusez-moi, madame Vincent, je vais vous demander de terminer, s’il vous plaît.
    J’avais fini, mais ce que je voulais vous dire, c’est que cela n’a pas seulement touché une famille. Cela n’a pas touché seulement une province. Cela a touché le Canada tout entier. Cela a touché le monde. Nous avons reçu des commentaires de Thaïlande, d’Australie, de partout. Le projet de loi C-51 est donc important.

[Français]

    Il ne faut pas que Patrice Vincent soit mort en vain.

[Traduction]

    Nous en avons besoin.
    Merci.
    Merci beaucoup d’être venue nous présenter ce témoignage personnel. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Nous passons maintenant à M. Leuprecht, qui a 10 minutes.
    La sécurité, c’est comme l’air que l’on respire: lorsqu’on se rend compte qu’il n’est plus là, c’est trop tard. Le débat sur les politiques de sécurité est très difficile. Je vais vous en expliquer la raison par une analogie. Comme nous sommes tous allés à l’école, nous croyons comprendre les politiques d’éducation. Comme nous avons tous été consulter un médecin, nous croyons comprendre les politiques de soins de santé. Pour la plupart d’entre nous, la pire chose qu'il nous est arrivé est d’avoir une contravention pour excès de vitesse. Je pense que les gens ont très peu de notions sur le mode de fonctionnement de nos agences de sécurité, sur le cadre législatif qui les régit et sur les structures de responsabilisation et d’examen qui sont en place. Il est important d’en discuter, parce que cela élève le débat.
    J’aimerais vous faire part d’une certaine hypocrisie de la part des critiques, vous faire part aussi peut-être de l’ignorance et du professionnalisme de nos agences de sécurité et de ceux qui travaillent au sein du système de sécurité nationale, et des responsabilités qui sont prévues. Par hypocrisie, je veux parler de ces gens qui se plaignent amèrement du projet de loi mais qui seront les premiers à demander à l’État pourquoi il n’a pas fait davantage pour empêcher que leur enfant s’en aille à l’étranger, pour empêcher que leur enfant soit blessé ou tué dans une attaque. Nous devons trouver un équilibre.
    Je pense qu’on fait également preuve d’une certaine naïveté à propos de l’environnement sécuritaire qui change rapidement, parce que pendant longtemps au Canada nous n’avons pas connu d’instabilité et de violence politique. Je pense que cela a profondément changé à la suite de la mondialisation et de deux révolutions. La première est celle des transports, la seconde, celle des communications qui nous apporte immédiatement cette instabilité. Les propositions qui ont été faites dans ce projet de loi ont déjà été intégrées sous une forme ou sous une autre par nombre de nos alliés. Nous pouvons montrer que les pays démocratiques peuvent maîtriser ces types de pouvoirs et réconcilier la liberté et la sécurité. Les États nordiques ne se sont pas transformés en États policiers en adoptant pour leurs services de sécurité des dispositions relatives à la perturbation, comme il les appelle.
    Les institutions de l’État moderne ne sont pas adaptées aux flux et aux déplacements, surtout illégaux, qui caractérisent un XXIe siècle mondialisé. Ces flux et ces déplacements sont mondiaux; or ils sont encore régis par un type de statut de Westminster qui remonte à 1648. L’un des défis est de concilier les institutions que nous avons au flux et aux difficultés auxquelles nous faisons face. Je pense que, par rapport à n’importe quel type d’environnement sécuritaire, il faut se poser trois grandes questions.
    Qu’est-ce qui menace notre existence ou que voulons-nous faire par rapport à ces lois?
    Quel est notre but? Voulons-nous éliminer le terrorisme? Voulons-nous le contenir? Voulons-nous détruire les groupes qui utilisent les tactiques du terrorisme ou bien voulons-nous réduire les vulnérabilités et les effets du terrorisme? Je pense que c’est ce dernier objectif que nous visons.
    Combien sommes-nous prêts à dépenser à cette fin?
    Je pense que nous avons là certaines réponses. Premièrement, nous célébrons cette année le 800e anniversaire de la Grande Charte. Nous sommes tous heureux de vivre dans un État où nous plaçons des contraintes précises sur l'intervention de celui-ci. En vertu du préambule de l’article 91, l’État a le devoir d’assurer la paix, l’ordre et le bon gouvernement. Nous devons concilier ces libertés avec la capacité de l’État de protéger ses citoyens. Nous devons aussi nous assurer que les crédits que nous y consacrons sont appropriés. À cet égard, je préfère de beaucoup s’assurer que nos agences de sécurité sont convenablement équipées plutôt que d’y consacrer plus d’argent sans leur donner ces outils appropriés pour traiter ce qui… Je pense que s’assurer que nos agences ont les outils appropriés est moins menaçant que de leur donner davantage d’argent, parce que ce sont finalement des agences puissantes. Je pense que nous devons trouver un juste équilibre.
    J’aimerais faire une distinction nette entre l’antiterrorisme et le contre-terrorisme, deux concepts que l’on confond dans ce débat. L’antiterrorisme est l’ensemble des actions menées pour prévenir, décourager ou réduire les conséquences du terrorisme et des actes commis par les terroristes. Le contre-terrorisme est l’action cinétique menée directement contre des actes terroristes. Concernant ce dernier, je pense que nous sommes en retard. Laissez-moi vous donner quelques exemples, que vous connaissez peut-être déjà. Nous avons d’une part des jeunes qui quittent ce pays pour lutter aux côtés de l’EIIS et d’autre part un service du renseignement de sécurité qui, même en se conformant strictement à la loi en vigueur, semble incapable de dire aux parents que leur enfant pourrait s’apprêter à faire quelque chose de mal. Comme on vient de l’entendre, des vies innocentes ont été perdues. Des individus peuvent monter dans un avion alors qu’ils sont fichés sur une liste de surveillance antiterroriste parce que, en vertu de la loi actuelle, ils ne constituent pas une menace immédiate et directe à la sécurité aérienne. Vous avez peut-être d’ailleurs voyagé avec un terroriste. On ne peut pas empêcher des terroristes étrangers de prendre des vols en direction du Canada. Ce projet de loi réglerait le problème en permettant à certains agents de sécurité d’être dans des avions avec eux et d’autres mesures.
(2015)
    S’agissant des agents consulaires, lorsque quelqu’un se présente à l’ambassade à Beyrouth en disant: « J’ai perdu mon passeport et j’ai besoin d’un titre de voyage pour rentrer au Canada », on se dit qu’il n'y a rien là d’anormal, les Canadiens peuvent perdre leur titre de voyage. Lorsqu’à la même ambassade se présente un Canadien blessé qui souhaite rentrer au Canada, cela non plus n’est pas suspect, il arrive de tomber malade en voyage. Mais lorsque la même personne a à la fois perdu son passeport et qu’elle est blessée à l’épaule et que l’agent consulaire doit lui fournir un titre de voyage d’urgence et qu’il ne peut même pas appeler le SCRS pour lui signaler qu’il pourrait s’agir d’un combattant terroriste étranger de retour au Canada, à mon avis il y a quelque chose qui ne va pas. Nous devons pouvoir communiquer ce type de renseignements.
    Nous devons protéger les Canadiens, mais nous devons aussi protéger les intérêts canadiens, et nous devons protéger les Canadiens d’eux-mêmes. Ces jeunes sont les personnes les plus vulnérables de la société. J’ai des enfants adolescents. Et je sais que les adolescents prennent quelquefois de mauvaises décisions. L’État a certaines obligations dont celle, je pense, de s’assurer que les gens ne se nuisent pas à eux-mêmes.
    Nous devons aussi nous assurer que nous n’exportons pas par inadvertance des terroristes ou que nous ne fournissons pas de financement terroriste ou du matériel à d’autres pays parce que nous n’avons pas les moyens appropriés de les contrôler.
    J’espère avoir fait valoir que les exigences opérationnelles doivent être plus diverses et notre trousse d’outils, plus souple, essentiellement au niveau de la surveillance d’une part et des pouvoirs d’arrestation d’autre part.
    Je pense également que le projet de loi C-51 contribuera beaucoup à respecter nos obligations en vertu des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies 1373, 1624, 2178 et 2195. Il s’agit de résolutions adoptées en vertu du chapitre VII de la charte des Nations unies et qui ont force de loi pour tous les États membres. Elles portent notamment sur la prévention de la radicalisation menant à l’extrémisme violent pour des motifs politiques, sur l’interdiction d’inciter à la violence terroriste et de recruter à de telles fins, sur la perturbation de l’appui financier destiné au terrorisme et aux combattants terroristes étrangers et sur l’interdiction de voyage des combattants terroristes étrangers. J’espère avoir démontré que nous sommes en retard sur au moins certains de ses aspects.
    Je tiens à faire deux très courtes propositions sur des changements qui pourraient être apportés au projet de loi.
    Je pense que nous devons élargir la compétence du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, le CSARS, pour pouvoir suivre le cheminement du renseignement une fois que le comité le communique à la quinzaine — ou autre nombre selon la manière de les compter — d’agences de sécurité. Ce qui est problématique, c’est que pour le moment, une fois que le renseignement a été communiqué, le CSARS peut appeler la GRC ou l’ASFC pour leur demander ce qui est advenu de ce renseignement. Malheureusement, le CSARS n’a pas cette compétence, ce qui fait que la GRC et l’ASFC lui diront qu’elles ne peuvent pas répondre à cette question.
    Je pense que le CSARS doit pouvoir suivre le cheminement du renseignement. Je ne propose pas un super CSARS qui se chargerait des enquêtes de sécurité nationale. Il doit pouvoir simplement s’assurer que la communication du renseignement à ces autres agences soit faite dans les limites de la loi qui en a autorisé la collecte et conformément aux mandats et conditions dans lesquels ce renseignement a été communiqué aux autres agences.
    Quant à l’examen, je ne pense pas qu’il présente un problème en soi. Le SCRS est l’agence de sécurité qui fait l’objet de l’examen le plus approfondi qui soit dans le monde occidental et, je pense pouvoir le dire sans me tromper, dans le monde tel qu’il est. Le problème vient du fait que les Canadiens demandent ce que le gouvernement peut faire pour leur garantir que leurs droits et libertés n’ont pas été violés. Le problème ne vient donc pas de l’examen, mais d’avoir à démontrer aux Canadiens que les mécanismes d’examen qui sont en place garantissent que les agences opèrent conformément à la loi et dans les limites que leur imposent la Constitution et la Charte.
    À cette fin, je proposerai au comité d’envisager de s’inspirer du modèle britannique, selon lequel les partis d’opposition peuvent remettre au premier ministre une liste de membres que celui-ci pourra choisir. Ces gens auraient une autorisation de sécurité très secrète et seraient assermentés à titre de conseillers privés. Un comité parlementaire distinct serait créé qui permettrait à ses membres de prendre connaissance du rapport du commissaire du CSTC, du rapport du CSARS et d’avoir un débreffage avec ce dernier et le commissaire.
    Je sais que certains membres du gouvernement diront que ce n’est pas une bonne idée en faisant valoir l’adage « L’indiscrétion fait couler des navires », mais je pense que nous avons des législateurs consommés et très expérimentés parmi les gens qui siègent au Parlement et par Parlement, je n’entends pas seulement la Chambre des communes, mais aussi le Sénat. Il faudrait donc élargir la liste pour qu’elle comprenne des membres des deux chambres du Parlement.
    Je pense que ce type de débreffage auprès du commissaire et du CSARS au sein d’un comité composé de membres de tous les partis est le type de mécanisme que souhaitent avoir les Canadiens pour être sûrs que leurs droits et libertés ne sont pas violés. En vertu de leur autorisation de sécurité et de leur assermentation en tant que conseillers privés, ces gens ne pourraient de toute façon rien dévoiler de ce qui se passe au sein du comité.
(2020)
    En conclusion, permettez-moi de dire que ces propositions ne sont pas coûteuses et qu’elles ne nécessiteraient que de légères modifications des lois.
    J’aimerais également rappeler au comité que nous n’instaurons pas des mesures législatives seulement pour aujourd’hui, parce que, fondamentalement, je vous ferais remarquer que notre cadre législatif et la façon dont nos organismes exercent leurs activités accusent déjà du retard, en raison de la dynamique de mondialisation que j’ai décrite. Les méchants sont toujours prêts à exploiter nos vulnérabilités. Nous l’avons constaté amplement pendant la fin des années 1980 et le début des années 1990, lorsque nous avons vu la façon dont les extrémistes sikhs ont exploité les vulnérabilités du système de sécurité du Canada.
    Je dirais qu’en ce moment, nous mettons également au point une mesure législative qui nous servira demain, en cas de circonstances catastrophiques. En effet, dans l’éventualité peu probable où le Canada ferait face à une catastrophe majeure, nous n’aurions pas besoin d’avoir recours à des décrets en conseil, car nos organismes bénéficieraient d’un cadre législatif robuste pour gérer la catastrophe.
    Permettez-moi de conclure par la citation suivante: la chance n’a qu’à sourire une fois au terroriste, alors qu’elle doit sourire à tout coup à l’antiterroriste.
(2025)
    Merci beaucoup, monsieur Leuprecht.
    Nous allons maintenant passer à nos séries de questions.
    Monsieur Norlock, vous avez la parole pendant sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Par votre entremise, j’aimerais également remercier les témoins d’être venus aujourd’hui.
    Monsieur Leuprecht, les pouvoirs que la mesure législative accorde au SCRS sont courants chez nos alliés. Je me demande si vous pourriez nous dire ce que vous pensez de l’importance pour le SCRS d’avoir accès à ces outils ou ces pouvoirs supplémentaires, sachant que son rôle principal continuera de consister à collecter des renseignements, mais qu’il aura aussi le pouvoir de perturber une menace, à condition d’avoir obtenu l’autorisation préalable d’un juge.
    Dans votre réponse à ma question, j’aimerais que vous compariez l’étendue actuelle des pouvoirs du SCRS à ce qui existe chez nos alliés — et je crois que vous avez fait allusion à cela au cours de votre déclaration préliminaire. Vous avez mentionné les nations nordiques. En d’autres termes, si le Canadien moyen écoute certains des témoins, il imaginera que cette loi, si elle est adoptée par le Parlement, mettra fin à la liberté au Canada, telle que nous la connaissons aujourd’hui. Par conséquent, j’aimerais que vous compariez cette loi à des lois européennes semblables, car je sais que vous connaissez bien les mesures législatives des pays de l’Europe de l’Ouest.
    Je pense que les Canadiens ont une idée fausse de ce en quoi consistent des mesures de perturbation. Le fait d’être en mesure de dire aux parents que leur enfant est mal intentionné est l’un des pouvoirs de perturbation que le SCRS pourra exercer. La tentative de faire annuler le billet d’avion de quelqu’un qui cherche à quitter le pays en est un autre. Ces pouvoirs ne nuiront pas fondamentalement aux libertés de l’ensemble des Canadiens.
    En ce qui a trait aux pouvoirs de perturbation qui suscitent la controverse, c’est-à-dire essentiellement ceux qui exigent une autorisation judiciaire, j’ai deux observations à formuler.
    Premièrement, je crois que, d’entrée de jeu, le SCRS hésitera à les utiliser, parce qu’il sait très bien qu’ils sont controversés et que l’attention nationale est la dernière chose qu’il souhaite attirer, sans parler d’une enquête nationale sur la façon dont il emploie ces pouvoirs particuliers. Je pense que le SCRS les utilisera tout à fait en dernier recours, lorsqu’il n’y aura aucun autre moyen de prévenir un incident.
    Je signalerais peut-être aussi qu’à mon avis, les Canadiens ont parfois une compréhension plutôt imparfaite des mécanismes déjà mis en place. Avant de demander un mandat, le SCRS doit d’abord faire approuver la demande par son personnel. La demande est ensuite transférée à un comité interministériel qui examine la demande en question. Puis le ministre doit approuver la demande, une étape qui est, bien entendu, importante en raison de la responsabilité ministérielle et gouvernementale. Enfin, la demande est acheminée au juge.
    Dans un grand nombre de cas, le juge renvoie la demande avant de l’approuver en déclarant, par exemple, qu’il souhaite apporter certains changements au mandat, qu’il a besoin d’autres preuves, etc. Le juge peut imposer certaines restrictions concernant la façon dont l’opération sera menée. Dans bon nombre de cas, le juge demande même que le SCRS fasse rapport de la façon dont les choses se sont déroulées, afin de l’assurer que tout a été accompli non seulement selon la loi, mais aussi selon ce qu’il a autorisé. Le Canada dispose maintenant de juges très bien renseignés sur le cadre de sécurité nationale instauré.
    En ce qui concerne nos alliés européens, tels que l’Allemagne, la France, l’Espagne ou le Royaume-Uni, je dirais également que l’un des problèmes que nous rencontrons au Canada, c’est que, par chance, nous n’avons pas eu à vivre auparavant avec les difficultés dont nous parlons en ce moment et que nous affrontons maintenant, alors que ces pays ont été forcés de gérer ces situations depuis des dizaines d’années. Je pense que, du point de l’analyse des politiques, nous avons des enseignements à tirer de l’expérience que nos alliés ont acquise au chapitre de la gestion de certains des pouvoirs que nous sommes en train d’adopter en ce moment. Les lois de ces nations autorisent déjà ces pouvoirs, et nos alliés ont déjà une grande expérience de leur exercice.
    Merci beaucoup.
    Les forces de l’ordre ont indiqué qu’en abaissant le seuil à respecter pour obtenir un engagement assorti de conditions, le gouvernement les aidera à prévenir des attaques terroristes.
    Vous avez mentionné l’autorisation judiciaire qui doit être obtenue. Pouvez-vous formuler des observations à propos de l’abaissement des critères à remplir avant de procéder à des arrestations préventives, en le comparant encore une fois à ce qui est prévu par d’autres mesures législatives que vous connaissez?
    Avant de répondre à votre question, permettez-moi de préciser que je ne suis ni avocat ni professeur de droit. Il y a une raison pour laquelle j’ai décidé de faire plutôt des études en science politique.
    La difficulté à laquelle nous faisons face en ce moment, c’est qu’entre la surveillance et l’arrestation, nous disposons de très peu de moyens, parce que, compte tenu de la façon dont la loi est formulée en ce moment, les pouvoirs de détention, d’engagement assorti de conditions ou d’engagement de ne pas troubler l’ordre public sont assujettis à un critère préliminaire de preuve semblable à celui des pouvoirs d’arrestations, ce qui signifie que la barre à respecter est très haute.
    Nous proposons maintenant de prendre les mêmes mesures que nos alliés européens, c’est-à-dire de fournir une trousse d’outils assujettie à un critère préliminaire de preuve moins stricte, qui nous permettra d’imposer des conditions, de limiter la mobilité des gens, leur capacité d’accéder à Internet et leur capacité de communiquer entre eux, et ce, sans avoir à porter des accusations contre ces gens, puis à espérer les voir reconnus coupables de ces infractions.
    Il y a une autre raison pour laquelle ces pouvoirs sont importants, selon moi. En effet, ils nous permettent de passer à un mode préventif. Je pense que, du point de vue de la prévention, nous ne devons pas nous contenter de porter des accusations, pour la raison supplémentaire qu’une enquête sur la sécurité nationale et le procès qui pourrait s’ensuivre sont très coûteux et exigent beaucoup de temps. Il nous en coûte de 40 000 à 100 000 $ par année pour mettre des gens derrière les barreaux.
    Ne serait-il pas préférable pour nous tous d’économiser une partie de l’argent des contribuables en imposant des conditions aux gens qui pourraient être mal intentionnés, sans être forcé de porter des accusations contre eux? Puis, après l’expiration de l’engagement assorti de conditions ou l’engagement de ne pas troubler l’ordre public, on pourrait leur permettre de regagner leur liberté, à condition qu’ils aient pris conscience de leur manque de prudence et en espérant qu’ils aient appris de leurs erreurs.
(2030)
    Merci beaucoup.
    Cela ressemble beaucoup aux mesures que nous prenons au Canada dans les cas de querelles conjugales. Des engagements de ne pas troubler l’ordre public sont imposés aux conjoints qui ne s’entendent pas très bien. Nous les forçons à ne pas troubler la paix et à bien se conduire.
    Je me demande si vous pourriez formuler des observations au sujet de la mesure législative par rapport à… Vous avez mentionné les dispositions de la loi ayant trait à la perturbation, mais elles indiquent clairement qu’elles interviennent seulement dans les cas « d’activités portant atteinte à la sécurité du Canada ».
    Nous avons entendu des organisations canadiennes dont les membres croient qu’en vertu de la loi, ils seront arrêtés et jetés en prison s’ils manifestent contre le déboisement d’une forêt vierge, la coupe d’un pin blanc ou quelque chose d’autre. Et nous entendrons d’autres organisations dire la même chose.
    Je suis désolé, mais votre temps de parole est écoulé. Vous pourriez, à un moment donné, adresser votre réponse à un autre membre du comité, mais il faudra voir où nos délibérations nous mènent.
    Nous allons maintenant passer à Mme Doré Lefebvre.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les trois témoins qui ont comparu devant nous au cours de la deuxième heure de cette séance. Leurs témoignages, dans le cadre du projet de loi C-51, étaient très importants.
    J'aimerais particulièrement remercier Mme Vincent de sa présence parmi nous aujourd'hui.
     Je suis certaine que, depuis les événements du 19 octobre, les choses ont été difficiles pour vous et votre famille. C'est la raison pour laquelle je tenais à vous offrir mes sympathies.
    Merci.
    Les événements qui se sont produits à Saint-Jean-sur-Richelieu nous ont tous touchés. On en a beaucoup parlé. Le fait que vous soyez ici et que nous puissions vous rencontrer me touche beaucoup. Soyez assurée que, peu importe nos opinions politiques à l'égard du projet de loi C-51, nous sommes tous conscients de la menace terroriste et nous essayons tous de trouver la meilleure réponse possible.
     Je vous remercie de nous avoir fait part de votre histoire et de votre point de vue à cet égard. Je crois que c'était vraiment important.
    Merci.
    Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais céder la parole à mon collègue M. Scott.

[Traduction]

    Madame Vincent, j’aimerais ajouter également qu’à mon avis, vos analyses du projet de loi coïncident exactement avec les mesures que devrait prendre ce genre de comité, et j’espère que cela se poursuivra à l’étape des amendements.
    Je tiens à revérifier rapidement quelques points avec M. Leuprecht.
    Vous avez soulevé des questions de surveillance et d’examen vers la fin. Au cours du témoignage que vous avez apporté en novembre à propos du projet de loi C-44, un projet de loi qui, sur le plan des nouveaux pouvoirs, va beaucoup moins loin que le projet de loi qui nous occupe en ce moment, vous avez déclaré que le projet de loi commettait « un péché d’omission ». Et voici les paroles que vous avez prononcées. « Une bonne partie des importants pouvoirs liés au renseignement de sécurité devrait être compensée par une solide responsabilité parlementaire… ».
    J’assistais avec vous à cette séance du comité. Certaines questions ont été posées à propos du modèle belge. Afin que les choses soient claires pour tous, je tiens à m’assurer que vous êtes aussi préoccupé par la nécessité de compenser par une solide responsabilité parlementaire les importants pouvoirs prévus par le projet de loi, que vous l’étiez au sujet du projet de loi C-44. Je m’attends plus ou moins à ce que vous répondiez par l’affirmative ou la négative.
    Oui, mais j’ai une réserve à formuler, à savoir que nous ne devrions pas confondre un examen avec une surveillance. La surveillance est une politisation du processus qui vient des États-Unis et qui entraîne sa participation active à des affaires en cours. Je crois que le Canada fait bien de ne pas s’engager dans cette voie.
    Oui, j’appuie effectivement l’idée de procéder à un examen plus approfondi.
(2035)
    Formidable, et les gens peuvent examiner le modèle belge, car vous l’avez très bien décrit à ce moment-là.
    Deuxièmement, au sujet des dispositions sur l’échange de renseignements de la nouvelle loi prévue par le projet de loi C-51, vous avez indiqué très clairement à quel point il était important que les agences d’examen ne soient pas isolées les unes des autres. Conjuguons, ici aussi, la surveillance et l’examen. Toutefois, j’ignore si vous êtes au courant, mais le commissaire du CST a écrit une lettre dans laquelle il indique ne pas comprendre pourquoi, parmi les 17 agences d’examen énumérées dans la nouvelle loi — que ce soit le CSARS, le commissaire du CST ou l’agence d’examen de la GRC —, son commissariat est le seul qui permet l’échange de renseignements, d’après la loi.
    Je me demande si vous partagez cette préoccupation. Y a-t-il une raison pour laquelle le commissaire du CST est le seul des quelque 17 agences mentionnées dans la loi — auxquelles s’ajoutent les agences précisées dans la réglementation par le ministre — à échanger des renseignements en vertu de cette loi? Donc, en fait, nous n’avons pas saisi l’occasion de prévoir l’échange de renseignements entre les agences d’examen.
    Cela vous préoccupe-t-il ?
    Cela me préoccupe, mais peut-être pour une raison légèrement différente de la vôtre.
    Nous envisageons toujours l’examen comme une simple tentative de nous assurer que tout est parfait et que tous les gens font tout leur travail correctement, mais, comme le commissaire et le CSARS vous l’indiqueront, c’est comme un examen par les pairs. On tente d’obtenir que les gens s’appliquent davantage à leur travail, et on examine leur méthodologie, leur professionnalisme et leur formation. Selon moi, c’est une question qu’on omet régulièrement de soulever au cours de la discussion.
    Je suis d’accord avec vous. J’ai fait valoir cet argument à de nombreuses reprises au cours des dernières semaines. Ce n’est pas simplement une question de protection des libertés civiles. Il faut, en fait, que nous améliorions l’efficacité des services que nous offrons. J’en conviens.
    Je présume que vous êtes préoccupé par le fait que toutes ces agences ne participent pas à l’échange d’information.
    Il y a certainement des améliorations à apporter.
    Formidable.
    Monsieur Segal, dans votre exposé, vous avez dit trouver que la mesure législative comportait des exagérations et des dispositions légèrement alambiquées. Je me demande si vous pourriez nous donner des exemples. Je vais en mentionner quelques-unes. L’une d’elles est le fait que la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada empêche qui que ce soit d’intenter des poursuites civiles si les renseignements qui ont causé des préjudices ont été communiqués de bonne foi. Les causes que nous connaissons, comme l’affaire Arar et la poursuite actuellement intentée contre le gouvernement, pourraient très bien être exclues en vertu de cette disposition.
    Considéreriez-vous cela comme une exagération?
    Ce ne serait pas la pire exagération que j’ai décelée dans le projet de loi.
    Cet honneur revient à la disposition qui permettrait à un juge de faire abstraction de la Charte des droits et libertés dans le cadre d’une perturbation légale. Voilà un principe exagéré selon moi. Il est excessif et peu constructif, sans compter qu’il viole une valeur canadienne fondamentale. Si cette disposition faisait l’objet d’un amendement, elle serait constructive. Sans un tel amendement, je crois que les tribunaux l’invalideront très bientôt en toute circonstance.
    L’idée que nous permettions à n’importe quel juge, dans un contexte qui n’a rien de public, de mettre de côté la Charte des droits et libertés afin d’aider une agence de sécurité à prendre des mesures de perturbation légales me paraît fondamentalement contradictoire et profondément problématique.
    Je vous remercie de votre réponse.
    Je conviens avec M. Leuprecht qu’aucune personne raisonnable ne s’opposera à des mesures de perturbation qui consistent, entre autres, à parler aux parents et à la communauté. Le problème, c’est que le projet de loi a été rédigé d’une manière très générale et que les seules exclusions absolues sont les mesures causant la mort ou des lésions corporelles, portant une sorte d’atteinte à l’intégrité sexuelle d’une personne ou faisant entrave à la justice. Toute autre mesure pourrait être acceptée par un juge.
    Lorsque nous avons demandé à quelques reprises à la Chambre si ces mesures pourraient comprendre la détention secrète — et il est important de noter que les dispositions s’appliquent également aux activités que le SCRS exerce à l’étranger —, le gouvernement a précisément refusé de le nier. Cela me fait craindre que ces mesures puissent effectivement aller jusque-là, la détention ne faisant pas partie des lésions corporelles.
    Est-ce une crainte raisonnable même si nous aimons croire que ce serait les mesures les plus draconiennes que le SCRS envisagerait jamais de prendre?
    Je suis désolé, mais comme cela a été le cas pour notre dernier témoin, la question a considérablement empiété sur le temps de réponse. Par conséquent, nous allons passer à Mme Ablonczy.
    Merci, chers témoins.
    Monsieur Leuprecht, mon collègue vous a demandé si les Canadiens devaient craindre d’être interrompus en vertu des dispositions du projet de loi s’ils manifestent contre un pipeline ou un projet de loi, ou s’ils participent à des manifestations.
(2040)
    Encore une fois, je ne suis pas avocat, mais je crois qu'on a prévu des seuils appropriés non seulement pour assurer la sécurité du Canada, mais également pour démontrer l'intention liée à la perpétration d'un acte politique violent. Je crois que la disposition sur l'intention est très importante. Je ne suis pas inquiet. Je peux comprendre les préoccupations de certaines personnes, mais je crois que nous devons également tenir compte des pratiques précédentes, et nous rappeler que le SCRS et la GRC ont des choses beaucoup plus importantes à faire.
    Je suis convaincu que la disposition n'accorderait pas à un service de renseignement de sécurité ou à un service de renseignements criminels la capacité ou la permission d'interrompre ou de criminaliser des manifestations légales.
    Merci.
    Madame Vincent, nous vous sommes reconnaissants d'être ici. Nous savons que vous avez vécu des semaines très difficiles. Comme vous l'avez mentionné, nos pensées et nos prières vous ont accompagnée.
    Je suis également impressionnée par votre compréhension technique du projet de loi. Manifestement, vous n'êtes pas ici uniquement pour nous parler de votre peine, mais également, je pense, pour nous communiquer une compréhension approfondie des éléments qui auraient pu prévenir cette tragédie et qui pourraient protéger d'autres personnes et d'autres membres de votre famille.
    Pourriez-vous nous dire pourquoi vous pensez que le projet de loi ne permettrait pas qu'on commette un acte de terrorisme comme celui qui a été commis contre un membre de votre famille? Comment le projet de loi pourrait-il avoir protégé M. Vincent?
    Ce que je comprends maintenant, c'est exactement ce que M. Leuprecht a dit, c'est-à-dire qu'on exercerait une surveillance. On serait en mesure de parler aux parents. On pourrait tout arrêter. On pourrait les mettre en détention préventive pendant sept jours, je crois, et il serait possible de les arrêter de cette façon.
    J'aimerais ajouter un point important. Après l'adoption du projet de loi C-51, à mon avis, on devra franchir une autre étape et tenter de comprendre la situation. Nous devons comprendre pourquoi ce genre de chose se produit. À mon avis, le projet de loi C-51 vise à contrôler les événements et à les empêcher de se produire dans la mesure du possible. Mais à un moment donné, nous aurons besoin de psychologues et de sociologues. Nous aurons besoin de gens qui tenteront de comprendre ce qui se passe, car cette situation n'est pas normale. Il y a quelque chose qui cloche. Pourquoi ces jeunes, même des jeunes filles...? Je suis abasourdie. Je suis mère. J'ai trois filles adultes, et je trouve cela incroyable. Nous devrons prendre des mesures appropriées.
    Le projet de loi C-51 doit donc servir à les arrêter, à les gérer et à contrôler la situation et ensuite, nous devrons réfléchir ensemble à la façon d'empêcher ces choses de se produire.
    Merci.
    Monsieur Segal, je tiens à offrir les mêmes chances à tous avec mes questions. Comme vous le savez, vous avez tout mon respect. Je vous ai demandé votre avis à l'occasion et je vous suis reconnaissante de votre aide. Je suis heureuse de voir qu'en général, vous êtes d'avis que le projet de loi est utile et approprié.
    Je dois dire que j'ai été un peu surprise par vos critiques à l'égard du projet de loi et j'aimerais vous donner l'occasion d'en parler. Vous avez dit que le projet de loi avait peut-être été rédigé rapidement pour une nouvelle loi. Je fais partie de ce comité depuis septembre dernier. À l'époque, on nous avait dit qu'on travaillait sur un projet de loi visant à fournir de meilleurs outils à nos organismes de sécurité pour assurer une protection contre les actes terroristes. Aujourd'hui, six mois plus tard, le comité étudie ce projet de loi. Il doit franchir l'étape de la troisième lecture à la Chambre des communes, et en tant qu'ancien sénateur, vous savez que le processus se répète au Sénat. Nous serons chanceux si le projet de loi est adopté d'ici l'été. À ce moment-là, un peu moins d'un an se sera écoulé, et il me semble qu'il ne s'agit donc pas d'une mesure impulsive.
    Vous avez également mentionné que les interruptions par les forces de sécurité pourraient être menées à l'écart des dispositions et des protections de la Charte canadienne des droits et libertés. Mais n'est-ce pas la fonction des mandats? Si vous souhaitez obtenir une autorisation d'écoute électronique, par exemple, vous devez obtenir un mandat, car habituellement, ce n'est pas une activité légale. Il est également juste de dire que les protections offertes par la Charte ne sont pas illimitées. Saviez-vous que l'article 51 parle des protections offertes par la Charte qui sont assujetties à des limites dont la justification peut se démontrer dans la société? Nous avons déjà des activités liées à la sécurité qui visent les droits de la Charte et la façon dont ils peuvent être équilibrés pour assurer la sécurité.
    Vous avez parlé des dispositions qui pourraient nous faire ressembler à ceux contre qui nous luttons. Nous nous efforçons de lutter contre une entité qui massacre des communautés entières en raison de leurs croyances religieuses, d'une entité qui vend les femmes comme du bétail, qui croit que l'esclavage est légitime, qui s'adonne à des centaines et même à des milliers de crucifixions, et qui taxe les survivants au point où ils perdent tous leurs biens personnels et leur capacité de subvenir à leurs besoins fondamentaux et à ceux de leur famille.
    J'aimerais savoir comment vous pouvez croire que les dispositions du projet de loi pourraient nous faire ressembler à ces entités contre lesquelles nous luttons. Il me semble que ce commentaire est tellement disproportionné que j'ai de la difficulté à comprendre sa pertinence.
(2045)
    Très brièvement, monsieur Segal.
    Très brièvement, après cette vicieuse attaque personnelle.
    Des voix: Oh, oh!
    L'hon. Hugh Segal: Permettez-moi de faire valoir trois points. Je ne vois pas cela comme une mesure législative ou une loi qui vise l'EIIL ou Al-Qaïda. Il s'agit de fournir à nos organismes de sécurité la capacité nécessaire d'accomplir leur travail. Je crois fermement que lorsque cela peut être effectué dans le contexte de la Charte canadienne des droits et libertés, on renforce et protège notre démocratie.
    Je suis d'accord avec le point de vue qui a été exposé par M. Churchill pendant la Deuxième Guerre mondiale dans son rapport sur l'état de l'effort de guerre — à une époque où l'on faisait face à un risque, si j'ose dire, plus important que celui auquel nous faisons face aujourd'hui — à tous les représentants du Parlement britannique au cours d'une séance secrète, car il croyait que le principe fondamental de la démocratie britannique devait être préservé, afin que son peuple ne devienne pas comme l'ennemi auquel il faisait face de l'autre côté de la mer, c'est-à-dire les nazis.
    Avec tout le respect que je vous dois, je vous dirais que chaque fois que nous écartons une liberté lorsque nous n'y sommes pas obligés, chaque fois que nous écartons un principe de protection constitutionnelle fondamental lorsque cela n'est pas absolument nécessaire, nous empruntons la mauvaise voie et nous devrions nous efforcer de ne pas agir de cette façon.
    Il est vrai que la Cour suprême du Canada et d'autres tribunaux ont décidé que la Charte n'était pas absolue. Il y a des circonstances raisonnables dans le cadre desquelles on doit la mettre de côté. Ce processus se déroule devant nos tribunaux, et c'est en partie ce qui fait de nous une société régie par des lois et non un peuple avec des points de vue individuels qui s'exercent à gauche et à droite.
    Je vous ai dit que la Loi sur les mesures de guerre représentait la pire violation à la sécurité individuelle et à la liberté de réunion et d'expression que nous avons vue. Aucune disposition législative ne me perturbe à ce point. Il est important de garder une perspective historique lorsque nous entreprenons ce genre d'initiative.
    Merci beaucoup, monsieur Segal.
    La parole est maintenant à M. Easter.
    Merci, monsieur le président. C'était une discussion intéressante.
    J'aimerais remercier les trois témoins d'être ici et de présenter leur point de vue. J'aimerais d'abord m'adresser au sénateur Segal.
    Tout d'abord, j'aimerais vous féliciter de vos années de service au Sénat. Comme nous l'avons vu pendant votre discussion avec Diane, vous n'avez pas peur de dire ce que vous pensez. Je crois que cela vous a bien servi et que le Sénat a pu en profiter.
    Dans votre sixième point, vous affirmez qu'à votre avis, le projet de loi dont nous sommes saisis, malgré quelques excès et quelques dispositions un peu excessives, est une loi utile et appropriée, etc. Pourriez-vous énumérer ces excès et ces dispositions un peu excessives?
    Nous organisons tous nos préoccupations selon un certain ordre. Celle qui me préoccupe le plus, c'est celle qui permet à un juge d'écarter les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés. Je crois que c'est le type d'excès fondamental qui peut engendrer d'autres difficultés.
    Je ne suis pas troublé par le fait que l'organisme peut partager des renseignements avec d'autres, car le juge John Major, dans son rapport sur la tragédie d'Air India, a expliqué que malgré les efforts du SCRS pour identifier des extrémistes sikhs qui faisaient sauter des bombes pour vérifier si elles fonctionnaient, à l'époque, ces renseignements n'ont jamais été communiqués assez rapidement à la GRC par le SCRS. Lorsque la GRC les a reçus, le processus avait été tellement léthargique que des centaines de nos compatriotes canadiens ont péri dans l'explosion d'un avion.
    À mon avis, la notion de décloisonnement des activités, comme Mme Vincent l'a laissé entendre, est absolument essentielle. Je crois que nous agirions vraiment dans l'intérêt national si nous adoptions, à l'égard du projet de loi, une approche équilibrée dans le cadre de laquelle nous examinerions certains de ces excès pour, je l'espère, les corriger, tout en mettant en oeuvre les processus constructifs le plus rapidement possible.
(2050)
    Merci.
    Je sais que lorsque vous étiez au Sénat, vous insistiez vraiment sur la nécessité d'exercer une surveillance. Vous le mentionnez également dans votre mémoire. M. Leuprecht en a aussi parlé.
    J'aimerais dire à Mme Vincent que je tiens également à communiquer ma sollicitude au nom de mon parti. Je sais que vous avez lu de nombreuses notes de soutien et de sympathie de partout dans le monde. J'ai assisté aux funérailles, ou à la célébration de vie, et c'était toute une expérience grâce à la communauté qui s'est manifestée partout au Canada, et le premier ministre Harper a fait un discours un jour vraiment très froid. Je tenais seulement à vous en faire part.
    Merci.
    Le comité de surveillance est lié à l'adjudant Vincent dans une certaine mesure, et à ce qui s'est produit là-bas et à la façon dont nous faisons les choses au Canada.
    Je présume que j'aimerais tout d'abord préciser que je n'arrive absolument pas à comprendre la résistance du gouvernement à l'égard de la surveillance. En fait, le ministre de la Justice n'a pas fait de très bons commentaires au sujet du service de renseignement britannique et du comité parlementaire sur le renseignement et la sécurité lorsqu'il a comparu, et pourtant, il a fait partie d'un comité composé de tous les partis de la Chambre et du Sénat qui a recommandé une surveillance semblable à celle exercée par les Britanniques.
    Lorsque nous pensons à la surveillance, nous pensons simplement aux mesures prises par les organismes de sécurité, mais j'ai en main le rapport sur la mort du fusilier Lee Rigby, et je ne m'étais pas rendu compte que le comité de surveillance l'avait produit. Bien avant la fin du procès, le comité parlementaire examinait les mesures mises en oeuvre pendant l'événement. J'aimerais lire un extrait:
    Les membres du comité sont conscients qu'il s'agit du seul organisme qui peut enquêter sur des questions relatives aux renseignements au nom du Parlement et de la population. C'est une énorme responsabilité, et dans chaque cas, nous avons veillé à être en mesure de divulguer le plus de faits possible.
    Ce qui est important, c'est que lors d'une fusillade ou d'un décès, ils peuvent rencontrer les organismes de sécurité, examiner des renseignements classifiés et tenter de déterminer ce qui a mal fonctionné à l'interne. Ils ne peuvent pas rendre ces renseignements publics, mais ils peuvent certainement recommander certains changements, afin que les organismes de sécurité puissent faire un meilleur travail à l'avenir.
    Ce préambule a pour but de vous de demander si, à votre avis, il est important que nous exercions une surveillance semblable à celle exercée par les pays du Groupe des cinq.
    J'aimerais d'abord entendre l'avis de M. Leuprecht à cet égard.
    Il est fondamentalement important, à mon avis, d'une certaine façon, d'assurer aux Canadiens que les systèmes en place fonctionnent comme ils le devraient.
    J'aimerais également préciser que nous devrions peut-être avoir une conversation un peu plus nuancée au sujet du type d'examen et du type de surveillance appropriés pour différents organismes. En ce qui concerne le SCRS et le CSTC, je crois qu'il nous faut un mécanisme d'examen beaucoup plus rigoureux en raison des activités auxquelles s'adonnent ces organismes comparativement aux organismes de renseignements — et nous oublions souvent qu'ils sont des organismes de renseignements —, notamment la GRC, l'ASFC et le ministère des Affaires étrangères. Ces organismes recueillent évidemment des renseignements, mais pas dans un contexte qui offre un grand potentiel de violations constitutionnelles ou légales comme le contexte dans lequel évoluent le CSTC et le SCRS.
    Je crois que nous devons avoir une discussion ou une conversation sur le SCRS et le CSTC qui est distincte de la discussion sur les cinq membres principaux de la sécurité nationale, une discussion distincte de celle sur les 15 organismes de sécurité qui s'occupent de la sécurité nationale et différente de la discussion que nous devons avoir avec les représentants du ministère de la Défense nationale.
(2055)
    Merci beaucoup, monsieur Leuprecht. Notre temps est écoulé.
    Au nom de tous les membres du comité, le président aimerait remercier les témoins d'avoir comparu aujourd'hui. Je peux vous assurer que vos avis et vos témoignages ne sont pas seulement appréciés, mais qu'ils sont également accueillis à bras ouverts et que nous les examinerons de façon approfondie. Nous vous remercions de votre temps.
    Mesdames et messieurs les membres du comité, je vous attends très tôt demain matin pour la prochaine séance de notre comité.
    La séance est levée.
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