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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 042 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 6 décembre 2016

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Je crois que nous avons le quorum; nous pouvons donc commencer.
    Comme vous le savez, nous recevons aujourd'hui une seule invitée. Linda Solomon Wood, de l'Observer Media Group, est ici pour nous faire un exposé. Elle nous parlera sûrement de son organisation, mais je pense qu'il s'agit d'un des groupes qui essaient de trouver un nouveau mode de fonctionnement dans le milieu de la presse. En somme, ce sont des groupes communautaires sans but lucratif.
    Vous nous en direz davantage, et c'est un sujet qui nous intéresse vraiment parce que nous avons entendu parler de différentes façons de financer les journaux. Vous disposerez de 10 minutes pour faire vos observations préliminaires. Nous passerons ensuite à une série d'interventions, de sept minutes chacune, ce qui comprend à la fois les questions et les réponses. Je vous ferai signe lorsqu’il vous restera deux minutes pour votre exposé.
     Nous vous écoutons.
    Madame la présidente, distingués membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invitée à venir m'entretenir avec vous aujourd'hui.
    D'abord, un petit mot sur moi. Vous aurez sans doute deviné, étant donné mon accent, que je suis née aux États-Unis. J'ai immigré au Canada en 2001, et je suis devenue citoyenne canadienne quelques années plus tard. Comme vous le verrez dans mon mémoire, je suis directrice générale de l'Observer Media Group, mais ce qui n'est pas mentionné, c'est que je suis mère de quatre merveilleux enfants. Je m'estime très chanceuse de pouvoir les voir grandir et commencer à planifier leur avenir au Canada, où les perspectives sont des plus prometteuses. Le Canada m'a beaucoup apporté, et je trouve très important d'essayer, chaque jour, de donner quelque chose en retour au Canada. C'est pourquoi je me suis appliquée à bâtir une entreprise dont la mission de base est de créer un avenir positif grâce au journalisme d'influence.
    J'ai eu mon premier emploi en journalisme à l'âge de 16 ans. C'est un métier que j'ai exercé pendant une grande partie de ma carrière. Le journalisme, c'est mon domaine de formation, ma passion et ma spécialité. Cependant, comme vous ne le savez que trop bien, le modèle d'affaires lié au journalisme se porte si mal que bon nombre de mes collègues n'ont eu d'autre choix que d'abandonner la profession qu'ils aiment tant. Au lieu de les suivre dans cette voie, j'ai décidé de lancer ma propre entreprise.
    L'Observer Media Group est une organisation journalistique qui produit deux quotidiens numériques. Autrement dit, nos publications sont disponibles seulement en ligne: le National Observer et le Vancouver Observer. Notre mémoire au Comité contient des recommandations sur le rôle que le gouvernement fédéral peut jouer à l'égard du journalisme au Canada.
    Je vous épargnerai d'autres lamentations sur l'état du journalisme au Canada et dans le monde pour aller droit au but. Nous croyons que le journalisme doit être considéré comme une catégorie distincte des discussions sur le contenu canadien en culture et en divertissement. La présence d'un journalisme de qualité est indispensable au bon fonctionnement du processus démocratique. Il s'agit d'un bien public, à la base d'une action politique efficace, tout comme l'éducation. Par conséquent, la crise actuelle du journalisme canadien mérite l'attention directe des décideurs. Nous exhortons le gouvernement à ne pas confondre le soutien au journalisme avec les besoins d'autres secteurs.
    Voici, selon nous, certaines politiques que le gouvernement du Canada devrait adopter directement. Tout d'abord, nous aimerions beaucoup que le Canada crée une catégorie d'impôt hybride et un statut d'organisme sans but lucratif pour les organisations journalistiques. À cette fin, nous pressons le gouvernement d'établir une catégorie propre aux organisations journalistiques, un peu comme celle des universités. Les fondations philanthropiques devraient pouvoir subventionner les organisations ayant pour but le journalisme d'enquête et la collecte de nouvelles. Les particuliers, les philanthropes et les lecteurs devraient être en mesure de faire des dons déductibles d'impôt en tant que contributions financières distinctes ou issues d'un financement participatif. Il est à noter que les organisations de nouveaux médias au Canada sont généralement peu disposées à établir des structures innovatrices à cause du risque d'ingérence de l'Agence du revenu du Canada, ou ARC, à l'égard de la liberté de presse dès qu'il s'agit d'une structure autre qu'un organisme à but lucratif. Une autre idée serait d'instaurer des mesures qui encouragent les investisseurs à appuyer le journalisme numérique émergent et indépendant — par exemple, des incitatifs et des subventions pour la création d'emplois en journalisme, des incitatifs pour les dépenses en capital, notamment pour la mise au point d'applications numériques.
    Nous recommandons également que le Canada suive l'exemple des pays européens qui sévissent contre Facebook et Google en raison de leurs pratiques d'évitement fiscal. Ces deux sociétés siphonnent les revenus publicitaires, qui servaient jusqu'ici à soutenir les organismes d'information, tout en évitant d'apporter leur juste contribution économique à la société canadienne. Par ailleurs, Facebook et Google, qui figurent parmi les 10 principales sociétés cotées en bourse dans le monde, reçoivent des contrats publicitaires du gouvernement fédéral et d'autres paliers de gouvernement, ce qui permet essentiellement de subventionner des géants technologiques américains au détriment des organismes d'information canadiens. Remarquez bien que plusieurs études universitaires démontrent qu'une réduction des revenus publicitaires est liée à une dégradation de la qualité du journalisme.
(1105)
    Il y a beaucoup d'autres renseignements dans notre mémoire, que je vous invite à lire. Je n'en ferai pas une lecture complète ici parce que j'aimerais avoir l'occasion de discuter avec vous et de répondre à vos questions de façon plus spontanée. Toutefois, je tiens à dire que le modèle d'affaires de l'Observer Media Group s'appuie, depuis 10 ans, sur les changements en cours dans l'industrie d'aujourd'hui. Nous avons su grandir en trouvant de nouvelles façons de profiter des possibilités qui s'offrent à nous dans un environnement mouvementé. La création de ressources journalistiques subventionnées principalement par le financement participatif m'a enseigné que notre relation la plus importante est celle que nous entretenons avec nos lecteurs. J'ai appris qu'il y a des milliers de lecteurs au Canada qui valorisent des reportages de fond et qui sont prêts à payer pour lire des histoires empreintes d'un message universel, des récits qui décrivent un monde en mutation dans lequel les lecteurs se reconnaissent, des histoires racontées avec équité et compassion.
    Nous avons trouvé un petit groupe d'investisseurs qui appuient le National Observer parce qu'ils savent à quel point le journalisme critique est important dans une saine démocratie. Nos lecteurs l'ont affirmé à nouveau en acceptant un modèle d'accès au contenu payant, lancé en août dernier après une période de mise à l'essai. C'est la preuve qu'avec le temps, nous pouvons faire croître et soutenir le journalisme réfléchi et primé du National Observer. Il s'agit d'un journalisme qui améliore la vie des gens, qui appuie, au jour le jour, les fondements de la démocratie et qui, au mieux, se veut la voix du peuple. Notre équipe de journalistes est dévouée à assurer un avenir favorable à la vigueur et à l'indépendance du journalisme au Canada. Nous avons simplement besoin de quelques outils supplémentaires pour nous aider à y arriver.
    Merci.
    Merci.
    Je tiens à vous féliciter: votre exposé a duré moins de sept minutes. C'est fabuleux.
    Nous allons maintenant passer à la période de questions et réponses. Les interventions seront chacune d'une durée de sept minutes.
    La parole est à Mme Dabrusin, du Parti libéral. Vous avez sept minutes.
(1110)
    Merci de votre exposé. Il est très intéressant de commencer à examiner d'autres modèles en vigueur ailleurs dans le monde.
    Vous avez mentionné que vous venez des États-Unis et que vous avez de l'expérience là-bas aussi. Je me demande si vous pouvez nous expliquer un peu plus en détail ce que vous préconisez comme mesures de soutien au journalisme, selon le modèle des organismes sans but lucratif ou des fondations.
    Quand les gens contribuent au National Observer ou au Vancouver Observer, chose qu'ils font depuis des années grâce au financement participatif et, parfois, par l'entremise des campagnes de collecte de fonds que nous...
    Je ne sais jamais s'il faut appeler cela un don ou un cadeau, mais à vrai dire, il s'agit d'un cadeau puisque les gens n'obtiennent aucun crédit d'impôt. Ils font simplement un cadeau.
    Nous estimons que bon nombre de nos reportages, à l'instar de ceux d'autres médias, constituent un bien public. C'est un service public qui est essentiel au bon fonctionnement d'une saine démocratie. Ce serait formidable si le gouvernement pouvait rendre cela possible, sans que nous ayons à déchiffrer des lois très difficiles qui nous placent dans une zone grise. Il s'agit de créer une catégorie pour le journalisme de manière à permettre à des fondations, par exemple, de subventionner des entreprises journalistiques, de collaborer avec ces dernières, de leur fournir du financement, disons, pour traiter des questions liées à la santé publique, des questions de vie ou de mort qui les préoccupent vraiment — des organismes de bienfaisance qui sont en harmonie avec leur mission. Tout cela est impossible à l'heure actuelle parce qu'on ne sait pas comment s'y prendre. Il n'y a pas de structure d'organisme de bienfaisance pour permettre de faire des dons.
    Je crois comprendre qu'il existe certains exemples remarquables à l'échelle internationale. Si je ne me trompe pas, le Guardian, au Royaume-Uni, repose sur le modèle des fondations. On trouve également des exemples aux États-Unis. Il y en a quelques-uns au Canada aussi. Les représentants du Tyee nous ont parlé de leur modèle il n'y a pas si longtemps, et je pense que la revue The Walrus est également appuyée par une fondation. Bref, les exemples sont là.
    Nous pouvons formuler des recommandations générales, mais selon vous, y a-t-il des mises en garde ou des paramètres dont nous devrions tenir compte au moment de faire ces suggestions?
    Oui. Je dis cela avec beaucoup de respect pour le Tyee et le Walrus, ainsi que pour tous ceux qui essaient de créer une structure d'organisme de bienfaisance qui leur convient, mais je crois que, dans l'état actuel des choses, ces structures limitent le type de journalisme qu'on peut faire. Selon moi, elles modifient la qualité du journalisme. Elles l'affaiblissent, parce qu'on doit prendre bien soin de rester à l'intérieur d'une structure conforme au discours actuel entourant l'activité politique.
    De plus, en raison du contexte canadien des cinq dernières années, dans la foulée des attaques contre des groupes environnementaux par l'entremise de l'ARC, je crois que ces structures ont vraiment bloqué la liberté d'expression en journalisme. C'est pourquoi nous avons maintenu une structure d'organisme sans but lucratif afin d'éviter le genre d'autocensure qui s'impose dans ces structures.
    Très bien. C'est en fait un point utile pour nous alors que nous essayons de déterminer nos paramètres.
    Je pense que vous avez déjà répondu à ma prochaine question, qui allait porter sur les problèmes liés à l'ARC. Vous en avez signalé quelques-uns. Y a-t-il d'autres problèmes dont nous devrions tenir compte dans le cadre de notre examen des nouveaux médias?
(1115)
    Si je peux me permettre, je voudrais ajouter qu'aux États-Unis, les structures sont différentes. On y impose moins d'exigences aux entreprises et aux projets journalistiques qui utilisent une structure d'organisme sans but lucratif ou de bienfaisance. Ils peuvent obtenir des déductions d'impôt pour les contributions versées, sans se faire imposer des contraintes aussi rigides dans le cadre de leur travail. Je tenais simplement à apporter cette précision aux fins du compte rendu.
    Pourquoi y a-t-il des contraintes moins rigides?
    Je pense que je vais devoir vous revenir là-dessus. Je serai heureuse de vous transmettre une déclaration écrite à ce sujet. À ma connaissance, cela tient aux lois fiscales. Nous avons tout simplement différentes [Note de la rédaction: difficultés techniques] de bienfaisance.
    Si vous voulez ajouter tout autre renseignement, nous en serons ravis. Vous pouvez soumettre l'information par écrit.
    Il vous reste une minute.
    D'accord.
    Une chose dont nous avons entendu parler un peu, surtout en marge, c'est l'idée de créer des chambres d'écho pour différents types de nouveaux médias. Les gens s'en remettent à une seule source de nouvelles, sans nécessairement adopter un point de vue très large à cet égard.
    Puisque nous examinons de nouvelles formules et de nouveaux modèles, avez-vous quelque chose à nous dire au sujet du phénomène des chambres d'écho?
    Je crois que le problème s'est aggravé de manière spectaculaire au cours de la dernière année aux États-Unis. Il existait peut-être depuis plus longtemps que nous le pensions. Nous n'en comprenions pas vraiment toutes les ramifications, du moins jusqu'à maintenant.
    À mon avis, une partie du problème réside dans le fait que les petites entreprises comme la nôtre, par exemple, n'ont pas la capacité de faire de la publicité en raison de leurs ressources limitées. Même si nos articles seraient susceptibles d'intéresser des gens bien au-delà des créneaux étroits auxquels on nous associe, il nous est très difficile d'atteindre ces groupes. Je dirais que cette situation est attribuable, en partie, aux fonds publicitaires qui vont à Facebook et Google.
    Comme solution d'avenir, une des choses les plus merveilleuses que je puisse imaginer en tant que propriétaire d'une entreprise médiatique, c'est que le gouvernement consacre une partie de son budget à la publicité dans les médias canadiens et qu'il retire ses fonds destinés à Facebook et Google. Ce n'est qu'une question de ressources. Les entreprises doivent être en mesure de faire de la publicité pour attirer plus de lecteurs.
    D'accord.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    La parole est maintenant à M. Maguire du Parti conservateur.
    Merci, madame la présidente.
    Merci de votre présentation de ce matin, madame Woods.
    Vous venez de fonder votre société il y a un an?
    Non, je l'ai fondée en 2011, avec le Vancouver Observer. L'Observer Media Group existe depuis ce temps-là. À l'époque, je gérais le Vancouver Observer, qui est une publication locale. En avril 2015, j'ai fondé le National Observer en tant que publication nationale.
    Oui, en tant que site de nouvelles en ligne.
    Oui.
    Quelle a été votre expérience ou comment avez-vous réussi à générer des revenus en ligne?
    Au départ, lorsque j'ai commencé, je croyais vraiment que les revenus publicitaires passeraient de la presse écrite à la presse numérique. J'ai tenu la publication à bout de bras dans les premiers temps en pensant que ce jour viendrait, mais il n'est jamais venu. À ce stade, j'ai dû me rendre à l'évidence: nous gagnions des prix, nous faisions de l'excellent journalisme, nous étions reconnus par nos pairs, mais n'avions littéralement pas un sou en banque. J'ai pris conscience du fait que si je voulais continuer, je devrais trouver du financement. Je l'ai fait par l'intermédiaire du financement participatif.
    J'ai commencé par essayer une petite campagne à partir de la plateforme Indiegogo, ce qui a plus ou moins bien marché. L'année suivante, j'ai essayé une campagne Kickstarter. À l'époque, elle a très bien fonctionné pour nous. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à prendre conscience du fait que la seule façon de continuer pour une propriétaire de petite entreprise de médias comme moi était d'entretenir une relation avec les lecteurs et la collectivité qui accordaient de la valeur à ce journalisme. C'était le commencement. Ensuite, quand j'ai lancé le National Observer, j'ai aussi réussi à attirer des investisseurs. Cela dit, ce n'est pas la même chose que des revenus, bien entendu. Pour générer des revenus, nous vendons de la publicité; nous recevons des dons des lecteurs; et maintenant, nous obtenons vraiment du succès avec notre mur de péage, notre modèle d'abonnement. Nous venons de le commencer à la fin de mai. Nous avions un système technologique qui ne fonctionnait pas très bien, si bien que nous ne sommes pas allés bien loin au départ. Nous l'avons lancé à nouveau en nous servant d'une nouvelle technologie à compter de septembre, et je crois que nos trois premiers mois ont été de grandes réussites — suffisamment pour nous montrer que cette façon de faire peut nous convenir.
    Cependant, il faudra du temps. Notre but est d'avoir 10 000 abonnés, ce qui nous permettrait d'être pleinement autonomes. Tous les efforts que je déploie pour trouver des investisseurs ou du financement — tous mes efforts — visent à nous permettre d'avoir la latitude voulue pour arriver à ce nombre. C'est la qualité de notre journalisme qui décidera de notre survie. Si notre journal n'est pas bon, personne ne s'y abonnera.
(1120)
    Combien coûte votre abonnement?
    Notre abonnement coûte 12,99 $ par mois, mais nous offrons un rabais de 20 % sur l'abonnement annuel.
    D'accord. Donc c'est environ 150 $ par année, ou quelque chose du genre.
    Qui sont vos principaux concurrents dans votre domaine? Vous vous orientez entièrement vers le numérique. Nous avons eu des témoins d'associations de journaux qui ont offert des journaux gratuitement, car ils survivent grâce à la publicité. Ils n'ont plus de tarif d'abonnement.
    Pourriez-vous parler des différences entre les deux et nous dire qui sont vos principaux concurrents dans votre secteur?
    C'est une question tellement intéressante. Je pense que, honnêtement, nous sommes tous en compétition les uns avec les autres maintenant. Cela semble parfois fou, car notre budget est si minuscule, mais nous sommes en compétition avec Postmedia. Nous avions six millions de lecteurs au Canada seulement pendant notre première année avec le National Observer, donc ils trouvent des articles qui sont utiles dans ce journal. Alors oui, nous enlevons quelque chose à Postmedia.
    Pour ce qui est des entreprises médiatiques qui sont plutôt de la même taille que la nôtre, il y a, bien sûr, The Tyee, mais cette entreprise et le Vancouver Observer ont toujours été dans un genre de « coopétition », comme nous nous plaisons à le dire. Nous sommes des concurrents amicaux.
    Oui, dans le même secteur.
    Oui.
    Avez-vous...
    Il y a aussi The Globe and Mail. Nous essayons de lui voler des scoops. Ils n'aiment pas cela quand nous arrivons à le faire.
    Vous avez parlé de la concurrence, notamment de Postmedia. Un représentant de Postmedia est venu témoigner et nous a dit que leur principal concurrent était la SRC — en raison des subventions, je suppose...
    Bien sûr.
    ... et ce serait une chose si la SRC faisait le travail qu'elle faisait au départ, mais elle donne maintenant aussi dans le numérique et toutes les autres plateformes. Qu'en pensez-vous?
    Honnêtement, j'ai du mal à faire abstraction de mes sentiments personnels à cet égard. En tant qu'Étatsunienne qui a émigré au Canada, je suis vraiment reconnaissante de tout ce que le Canada m'a donné et qu'il continue de me donner. La SRC représente une institution si fondamentale au Canada que j'hésite à la critiquer.
    Cependant, ils ont raison de dire que sa présence complique le concurrence, et je pense qu'on pourrait faire plein d'innovations pour changer les choses. J'en mentionne un certain nombre dans notre mémoire, et je suis certaine que d'autres personnes vous en ont aussi parlé. À titre d'exemple, on pourrait rehausser la collaboration. La SRC pourrait rendre son contenu accessible gratuitement aux autres publications pour qu'elles s'en servent, car elle offre un service public et est financée par le gouvernement. Pourquoi ne pas tous nous laisser utiliser son contenu?
    Je ne pense vraiment pas que la SRC aurait dû entrer dans le jeu des opinions. Ne serait-il pas merveilleux d'avoir seulement un service de presse qui ne donne pas dans la mesquinerie et les critiques un peu douteuses? Je pense qu'on en vient au point où les gens donnent simplement leur opinion, parfois discutable. Je pense qu'il faudra beaucoup d'efforts de leur part pour bien tempérer ces opinions, et je ne les ai pas vus le faire.
(1125)
    Merci.
    J'aimerais qu'ils ne le fassent pas.
    Mon temps est-il écoulé?
    Oui, votre temps est écoulé. Merci.
    Avant de céder la parole au prochain député, vous avez parlé à quelques reprises d'un mémoire. Nous n'avons rien reçu de vous.
    Vraiment? Nous l'avons présenté il y a assez longtemps.
    Nous allons le chercher et ensuite, bien sûr, le remettre aux membres du Comité, mais le greffier n'en a pas entendu parler. Cependant, il va se renseigner pour savoir ce qui lui est arrivé.
    Nous l'avons présenté à la fois en anglais et en français.
    D'accord. Nous ne pouvons donc pas dire qu'il est coincé à la traduction.
    Non. Nous allons vous le renvoyer.
    Nous allons le chercher, mais si vous pouviez nous le renvoyer, cela nous serait très utile.
    Absolument.
    Merci beaucoup.
    Je cède maintenant la parole à M. Nantel, du Nouveau parti démocratique, pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vais m'adresser à vous dans votre langue pour simplifier les choses.
    Merci de votre perspective très intéressante et merci de votre vertu journalistique. Je pense que c'est incroyable. J'ai parcouru le site du National Observer et constaté que le Vancouver Observer, comme vous dites, est un dérivé du National Observer, si j'ai bien compris.
    Est-il juste de dire que votre journal en ligne a commencé en étant volontairement partial en réponse à la sympathie médiatique volontairement partiale à l'égard de l'industrie pétrolière et que vous avez fini par représenter les gens qui s'opposaient à cette situation? Est-il juste de le dire?
    Il y a quelques années, Al Jazeera a réalisé un documentaire sur les médias canadiens, documentaire dans lequel nous figurions comme un des rares médias critiques face à l'industrie au Canada. Je pense qu'il est juste de dire que nous nous sommes montrés critiques à l'égard de l'industrie dans un pays où l'importante chaîne de quotidiens s'y est montrée très favorable. Le fait que cette chaîne — ainsi que d'autres sources médiatiques — soit très favorable à l'industrie a vraiment créé un débouché que nous avons saisi.
    Merci d'avoir su trouver les mots justes pour illustrer ce que j'essayais de décrire.
    Pouvons-nous dire que cela crée, comme vous dites, un débouché pour rejoindre ce public de façon à ce qu'il s'agisse d'un marché potentiellement viable, bien qu'il n'y ait pas une tonne de publicités sur vos sites Web?
    Oui, absolument. Honnêtement, lorsque nous sommes apparus la première année, nous ne savions pas si le National Observer pouvait fonctionner. Il pourrait facilement avoir échoué, mais ce n'a pas été le cas. Ce fut vraiment un test. L'an prochain, nous pourrions décider de commencer à couvrir les questions relatives aux femmes, ou...
    Manifestement, vous ne vous limitez pas aux questions relatives aux oléoducs.
    C'est exact.
    Vous avez peut-être répondu à cette question, mais je vais vous la poser en termes plus simples. Comment vous en tirez-vous au plan financier? Respectez-vous votre budget?
    Ce fut vraiment difficile; vraiment. En août dernier, nous en sommes arrivés au point où je pensais que nous aurions à fermer nos portes. Je m'attendais à un investissement qui ne s'est pas concrétisé et je me suis dit que c'en était fait. À ce stade, j'ai rencontré les membres de mon comité consultatif qui m'ont dit que non, ils ne voulaient pas que j'abandonne. Ils ont investi un peu plus d'argent.
    En gros, j'ai choisi à ce moment-là d'écrire une lettre très sincère à nos lecteurs. Nous avons environ 20 000 noms sur notre liste, et les gens ont commencé à s'abonner, ce qui a généré pour nous le revenu dont nous avions besoin pour nous rendre où nous en sommes maintenant, et nous avons reçu d'autres investissements.
    Je dois dire que dans les années qui ont mené à l'élection aux États-Unis, j'essayais toujours d'expliquer aux gens pourquoi je pensais que le journalisme était aussi important. Je n'ai plus à le faire. John Oliver le fait, tout comme Trevor Noah. Nous le voyons. Nous le savons tous. En conséquence, les choses ont un peu changé pour nous maintenant.
(1130)
    C'est bien. Merci.
    Merci.
    Vous avez mentionné que la qualité du journalisme compte pour la société. S'il vous plaît, parlez-moi un peu de l'affaire sur la pizzeria Comet à Washington D.C. Des gens mal informés ont fait irruption dans une pizzeria avec une mitraillette, car ils pensaient qu'il se passait quelque chose dans ce restaurant. Ai-je raison?
    Vous avez raison. Je pense que vous et moi pouvons penser à d'autres scénarios au cours de l'histoire où la propagande a mené à des massacres, que ce soit au Rwanda ou au Cambodge. C'est une vérité historique et c'est très dangereux. Il est primordial que nous essayions d'avoir une idée convenue, un terrain d'entente sur ce que notre société accepte comme étant la vérité. Je pense que nous aimerions faire partie des gens qui s'assurent que cela se produise.
    Une de recommandations que nous formulons dans notre mémoire est que le gouvernement du Canada — et je sais que c'est compliqué — élabore une définition convenue de ce qu'est un « journaliste ». La France l'a fait au tournant du siècle. Ce pays est vraiment un chef de file en ce qui concerne la valorisation du journalisme et la création d'une structure qui l'appuie. Je pense que 12 % du financement des revenus des services de presse français viennent du gouvernement. Cela part du principe que tous les partis politiques devraient appuyer les médias pour favoriser le pluralisme de la société.
    D'accord.
    Pouvez-vous me donner vos impressions sur l'idée que la SRC a proposé d'éliminer toute la publicité en échange de 318 millions de dollars par année? Préféreriez-vous avoir l'argent? Préféreriez-vous avoir un marché libre dans lequel vous pourriez faire encore plus de publicité? Ou si vous avez de la publicité, mais pas la SRC, cela pourrait vous faire paraître moins concentrés aux yeux de votre public — et je suggère que ce pourrait être le cas.
    C'est une question intéressante.
    Je préférerais que nous survivions et croissions grâce aux abonnements plutôt qu'à la publicité, c'est clair. Je préférais répondre aux lecteurs. Je ne pense pas que vous ayez vraiment à répondre aux annonceurs, mais tout de même, je crois qu'il est important que le Comité se penche sur la question de savoir ce qu'on devrait faire de la publicité et des recettes que le gouvernement tire de la publicité car, oui, je préférerais de beaucoup qu'ils soient versés à la SRC ou que...
    Désolée, il me faudrait réfléchir plus longuement à cette question.
    C'est une autre histoire.
    Oui, merci.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Samson, du Parti libéral.
    Merci beaucoup de votre présentation. C'est toujours intéressant, pour les membres du Comité, d'entendre toutes sortes de suggestions sur ce qui fonctionne et sur le comment et le pourquoi de la chose.
    Vous êtes dans cette situation depuis maintenant plus d'un an. Vous avez appris certaines choses dont vous n'étiez pas certaine ainsi que relevé certains défis. Quels sont vos plans d'avenir? Qu'aimeriez-vous accomplir au cours des trois prochaines années et de quoi auriez-vous besoin pour y arriver?
    Je travaille dans l'industrie à temps plein depuis dix ans. J'ai lancé le Vancouver Observer il y a une décennie. Je suis très déterminée à ce que cela fonctionne et je n'ai pas l'intention d'abandonner.
    Encore une fois, je vois notre avenir plutôt en termes de relation avec les lecteurs, et pour cela, nous devons élargir notre public. Il nous faudra offrir du journalisme de très haute qualité qui est incontestable et que les gens estiment ne pas pouvoir trouver ailleurs. Lorsque nous voyons les grands médias réduire leur personnel dans la salle de nouvelles et leurs équipes d'enquête, nous savons que c'est la voie à suivre. Nous renforçons notre équipe d'enquête. Je nous vois le faire davantage.
(1135)
    Merci.
    Parlons de développement professionnel dans les écoles de journalisme. Que pouvons-nous faire pour améliorer la situation? C'est de plus en plus clair, au fil du temps, que cela représente la pierre angulaire d'un journalisme de qualité. Quel conseil donneriez-vous pour aider dans ce domaine?
    Pour aider dans le domaine de l'éducation?
    M. Darrell Samson: Oui.
    Mme Linda Solomon Wood: Le conseil que j'ai à vous donner est de vous assurer que les écoles de journalisme enseignent les compétences qui comptent vraiment dans le milieu journalistique d'aujourd'hui. Je crois qu'à King's College, on offre un programme d'entrepreneuriat en journalisme. J'estime que c'est vraiment important, car selon moi, les journalistes de demain doivent être des entrepreneurs. Dans notre cas, nous ne pouvons pas vraiment embaucher des gens qui ne sont pas disposés à participer à l'édification de notre entreprise et à être plus que des reporters de la vieille école. C'est vraiment important.
    Une autre compétence — et je ne sais pas encore comment l'enseigner — porte sur la façon d'enseigner aux gens à penser de façon critique, mais aussi à repérer les fausses informations. Je lisais justement un article dans The Guardian ce matin qui parlait de la façon dont les frères Koch aux États-Unis ont versé des montants d'argent exorbitants à divers sites Web pour attaquer Elon Musk et pour diffuser des histoires inventées sur son entreprise. Maintenant, bien de gens croient à sa fusée tombée de l'espace. En gros, ils essaient d'attaquer l'industrie de l'énergie solaire, de la discréditer et de l'anéantir.
    Comme un autre membre du Comité l'a mentionné, comment les journalistes peuvent-ils sortir de leur isolement et parler aux gens? Je pense qu'une partie de l'éducation — honnêtement, j'y ai beaucoup pensé — doit se faire dans les écoles publiques. C'est n'est pas tant une question d'instruire les journalistes que d'instruire les enfants, de leur enseigner à repérer les histoires fausses ou juste à penser qu'ils pourraient être victimes de propagande.
    Je suis entièrement d'accord avec vous. J'ai été enseignant durant 30 ans, et je considère ce domaine et l'entrepreneuriat comme des aspects clés de l'apprentissage au sujet de la société. C'est fondamental d'apprendre comment y contribuer à certains égards.
    En nous fondant sur ce que nous constatons aujourd'hui, que pouvons-nous dire aux jeunes qui montrent de l'intérêt pour le journalisme? Il n'y a pas beaucoup de débouchés. Donc, pouvons-nous modifier ce message? Comment pouvons-nous faire fonctionner le tout?
    En toute honnêteté, cela me brise parfois le coeur de voir des jeunes affluer dans les programmes de journalisme. La majorité de ces programmes préviennent très bien les jeunes qu'ils n'auront peut-être pas d'emploi dans le domaine à la fin de leurs études, mais qu'ils posséderont des compétences très recherchées. Je crois que c'est vrai. Les compétences que nous apprenons en journalisme sont transférables dans un grand nombre de domaines, mais je crois qu'il faudra trouver des solutions à de nombreux problèmes. Nous devons faire preuve d'innovation. Si nous innovons de nouveau l'industrie, je crois que les gens peuvent revenir. Notre équipe compte actuellement sept membres, et nous en engagerons d'autres l'année prochaine, tout simplement parce que nous voulons nous accrocher et innover.
    Il vous reste une minute.
    D'accord.
    C'est le cercle vicieux au Comité. Nous voulons de la qualité et du contenu canadien et local. Les lecteurs migrent vers les plateformes numériques, et de l'incertitude plane autour des investissements et de la publicité. Vous avez parlé de mesures incitatives et de crédits d'impôt. Selon vous, sur quelle mesure devrions-nous mettre l'accent pour essayer de nous assurer d'atteindre la cible et d'avoir du contenu local, du contenu de qualité et du bon journalisme?
(1140)
    Le contenu local est un domaine difficile. Je ne peux pas dire que j'ai complètement réussi à le faire dans le Vancouver Observer. Voilà pourquoi je crois qu'il nous serait vraiment utile d'avoir le statut d'organisme de bienfaisance ou d'organisme sans but lucratif ou un statut spécial à des fins journalistiques. À Vancouver, cela permettrait, par exemple, à la Vancouver Foundation de soutenir des projets locaux en vue de couvrir les séances du conseil municipal et de donner aux citoyens des renseignements fondamentaux sur ce qui s'y passe. Je crois que c'est vraiment important.
    Pour nous, l'élimination de la taxe de vente sur les abonnements aurait un effet incroyable. Il y a plein de petites choses. De nos jours, nous traitons le journalisme comme s'il ne s'agissait que d'une autre banale entreprise. Il faut le voir comme un bien public.
    Oui. C'est une question de démocratie.
    C'est exact.
    Merci, monsieur Samson.
    Je tiens à vous remercier du fond du coeur, Linda. J'ai mentionné plus tôt que nous n'avions pas votre exposé. Le greffier a fait des vérifications et m'a souligné que votre exposé avait été envoyé à tous les membres du Comité le 2 novembre en anglais et en français. Nous l'avons. Vous n'avez donc pas besoin de nous l'envoyer de nouveau.
    J'ai une question, parce que je crois que M. Samson l'a très bien dit en qualifiant de cercle vicieux ce que nous essayons de faire au Comité, nos défis et nos travaux qui tournent en rond, mais le problème demeure entier.
    Vous avez notamment parlé de la définition de journalisme. Un témoin nous a dit l'autre jour que le bon journalisme est fait de manière responsable ou qu'une bonne nouvelle est vérifiable. Voilà un aspect important. Comment pouvez-vous y arriver lorsque des agrégateurs balancent tout le contenu aux gens? Personne ne sait ce qui est vérifiable et ce qui ne l'est pas. Par conséquent, personne n'en est responsable. Comment pouvez-vous remédier à la situation? Vous pouvez le voir comme une ligne directrice ou une norme dans le cas des gens qui se rendent compte que la nouvelle qu'ils viennent d'écrire n'en est pas vraiment une. Cela concerne tout la question des fausses nouvelles et de l'ère post-vérité.
    Eh bien, comme je l'ai déjà dit, je crois qu'il sera très audacieux pour un comité ou un gouvernement de le faire. Vous seriez la cible d'attaques de la part de gens en désaccord avec vous. Peu importe la définition que vous établiriez, je suis certaine que des attaques fuseraient de toutes parts. Cependant, vous pouvez encore une fois regarder ce que la France a fait à ce chapitre. Je crois qu'il est possible de mettre en place des lignes directrices pour que ce soit vérifiable, fondé sur des faits...
    Par ailleurs, nous pourrions déterminer ceux qui sont des journalistes et ce qu'est un journaliste, comme nous le faisons pour les avocats en leur demandant d'être agréés ou de réussir l'examen du barreau; nous pourrions mettre en place de telles structures pour le journalisme.
    Ce serait une sorte d'accréditation.
    Oui, une accréditation. Actuellement, nous nous trouvons en fait dans une situation plutôt dangereuse. N'importe qui peut se déclarer journaliste, arriver et faire du tort. Il peut commencer à utiliser Twitter, Facebook ou sa propre plateforme en ligne pour propager des faussetés, des mensonges.
    Merci beaucoup. Votre témoignage était mûrement réfléchi et donne vraiment matière à réflexion. Merci d'avoir accepté de témoigner à la dernière minute et de nous faire part de vos commentaires.
    Nous poursuivrons la réunion à huis clos pour discuter des travaux du Comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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