CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 19 avril 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Conformément à l'ordre de renvoi du 21 mars 2016, le Comité passe à l'étude du projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et une autre loi en conséquence.
Nous avons trois témoins avec nous. Je tiens à leur rappeler qu'ils disposent de sept minutes pour leur déclaration liminaire. Nous suivrons l'ordre figurant dans l'avis de convocation.
Par conséquent, monsieur Farber, vous avez sept minutes.
Je vous remercie énormément de m'avoir invité à venir vous entretenir de citoyenneté canadienne et du projet de loi C-6. C'est un honneur pour moi d'être ici en ma qualité de directeur exécutif du Mosaic Institute.
Le Mosaic Institute est un groupe de réflexion et d'action fondé en 2007 dont le mandat est de créer des plateformes d'apprentissage et de dialogue destinées aux diverses communautés du Canada dans le but de promouvoir la justice et la paix. Nos initiatives combinent dialogue, recherche, éducation et action, et toutes nos activités sont ancrées dans les communautés et reposent sur une méthode empirique.
Nos travaux renforcent la société civile canadienne, car ils mettent en valeur le respect d'autrui, le respect des droits de la personne, le civisme mondial et le développement communautaire.
Aujourd'hui, mesdames et messieurs, je me propose de déboulonner certains mythes entourant les demandeurs de la citoyenneté canadienne et ce que cela signifie d'être Canadien.
Tout d'abord, je veux vous raconter brièvement mon histoire familiale, car elle sert de toile de fond à mon travail dans le domaine depuis 30 ans. J'ai une compréhension viscérale de l'expérience des réfugiés et des immigrants, car ce vécu a baigné mon enfance. Je comprends au plus profond de mon coeur la valeur et la puissance de la citoyenneté canadienne. Mes deux parents ont quitté leur patrie, non parce qu'ils en avaient envie, mais parce qu'ils étaient victimes d'antisémitisme et de persécution.
Ma défunte mère, Gertrude, est arrivée au Canada alors qu'elle n'était qu'une enfant, les violents pogroms l'ayant chassée de son village, Zaslav, en Ukraine. Le Canada d'alors était une terre accueillante. Arriver au quai 21 à Halifax a dû être une expérience intimidante pour une enfant de six ans fuyant la violence, qui ne parlait pas un mot d'anglais et ne savait rien du Canada.
Ma mère s'est bien adaptée à son nouveau chez-soi. Ottawa, vers la fin des années 1920, se caractérisait par une grande diversité. Le foyer juif que la famille de ma mère s'est créé dans la Côte-de-Sable, non loin d'ici, n'était pas inhabituel dans ce quartier où vivaient bon nombre de réfugiés et d'immigrants arrivés récemment. À la maison, on parlait yiddish. Ma mère n'a jamais vraiment perdu son accent, car elle parlait yiddish chez elle et elle n'a appris l'anglais qu'une fois à l'école publique. Ma mère et les autres membres de sa famille ont prospéré à Ottawa, travaillant au petit stand de légumes que mon grand-père avait ouvert dans le marché By.
Mon père, Max, et sa famille n'ont pas eu autant de chance. Juste avant le début de la Seconde Guerre mondiale, un jeune habitant d'un petit village polonais a vu ce que bien d'autres personnes refusaient de voir, c'est-à-dire la possibilité réelle d'une guerre où les Juifs seraient ciblés par le régime nazi. Animé d'une soif de vivre, il a pris les choses en main et, la chance aidant, il a réussi à s'embarquer clandestinement, à la dérobée, dans un bateau à destination des États-Unis.
Velvel Farber, frère aîné de mon père, a donc traversé l'Atlantique, mais, comme bien d'autres avant lui, il a été appréhendé à son arrivée et renvoyé en Pologne. Velvel fut tué dans le camp de la mort de Treblinka. Mon défunt père a subi les brutalités de l'Holocauste. Au terme de cette tragédie, il a dû se rendre à la tragique évidence qu'il était le seul survivant juif de son petit village polonais. Sa première femme, ses deux jeunes enfants et ses sept frères et soeurs ont aussi été assassinés à Treblinka.
Après avoir appliqué une politique cruelle visant à fermer la porte à l'immigration, politique rendue célèbre par Harold Troper et Irving Abella dans leur livre None is Too Many, le Canada a finalement rouvert ses frontières aux réfugiés apatrides en provenance de l'Europe, parmi lesquels des milliers de survivants juifs comme mon père.
L'expérience de mes deux parents comme immigrants de même que le travail que j'accomplis au Mosaic Institute guident ma vie. J'ai appris beaucoup de choses qui peuvent être utiles pour le Comité.
Premièremement, les gens adorent le fait d'être Canadiens. Ils se sentent inspirés par notre pays, et ce, qu'ils soient arrivés hier ou qu'ils soient ici depuis des générations. Notre travail nous a montré que la diversité fait partie des facteurs qui expliquent pourquoi les gens adoptent rapidement le mode vie canadien.
En 2014, le Mosaic Institute a reçu une subvention dans le cadre du projet Kanishka, de Sécurité publique Canada, afin de réaliser une étude intitulée « Perception et réalité des “conflits importés” au Canada ». Cette recherche s'inscrivait dans les efforts de Sécurité publique Canada pour faire la lumière sur le terrorisme et sur les meilleures façons de l'enrayer au Canada.
Voici la question que nous nous sommes posée: dans quelle mesure, le cas échéant, les Canadiens qui entretiennent des liens avec des pays secoués par des conflits importent-ils ces conflits au Canada? Après avoir demandé à 5 000 Canadiens des quatre coins du pays de remplir un questionnaire et après avoir parlé à plus de 220 personnes ayant des liens avec des pays en conflit, nous avons conclu que, de façon générale, les Canadiens n'importent pas leurs conflits ici.
En réalité, un cinquième des répondants au questionnaire ont déclaré ne plus pencher autant qu'avant pour un seul camp dans le conflit qui les intéressait et affirmé que le fait d'être au Canada les avait aidés à faire preuve d'empathie et à reconnaître les facteurs d'ensemble qui motivent le conflit.
L'une des raisons données pour expliquer ce changement d'attitude est que les gens ont pu tisser des liens avec d'autres personnes qui ont vécu des conflits. En gros, ils se sont rendu compte qu'ils n'étaient pas seuls. Le fait d'être des Canadiens est le point commun qui leur permet de bâtir leur avenir.
Nous avons également constaté que la citoyenneté est vue comme un outil extrêmement précieux. Je parle d'outil parce que la citoyenneté devient un mécanisme permettant aux gens d'améliorer leur sort, de voir leur travail récompensé, d'être en sécurité et d'avoir accès à l'éducation et aux autres services sociaux.
Les Canadiens sont privilégiés, et les nouveaux Canadiens sont les premiers à le reconnaître: 94 % des gens qui ont répondu à notre sondage ont dit sentir un attachement au Canada, et 78 % ont dit se considérer d'abord et avant tout comme des Canadiens. Cela donne presque 8 répondants sur 10. Plus de néo-Canadiens sont de cet avis que de Canadiens de deuxième et de troisième génération. Cela donne donc une solide indication du fait que la majorité des gens qui cherchent à obtenir la citoyenneté canadienne deviennent personnellement connectés au Canada et décident d'enrichir la société canadienne.
Certaines personnes rejetteront ces déclarations du revers de la main en raison des événements tragiques qui se sont produits récemment au Canada. Pour ces personnes, le fait que les gestes posés par les auteurs de ces événements ont un lien avec d'autres actes commis ailleurs dans le monde signifie nécessairement que lesdits auteurs sont venus ici dans le but de causer du tort au Canada. Je me permets d'être respectueusement en désaccord avec ceux qui défendent ce point de vue. Nos recherches montrent que les gens n'importent pas leurs conflits, mais qu'ils importent leurs traumatismes. Les traumatismes qui ne sont pas traités peuvent entraîner l'isolement social et une dissociation du Canada, surtout lorsque d'autres obstacles s'ajoutent, comme la discrimination ou l'exclusion économique.
Lorsque les néo-Canadiens sont en mesure de contribuer pleinement à la société, non seulement ils améliorent leur propre vie, mais ils contribuent également à l'épanouissement de la société canadienne dans son ensemble.
Historiquement, les immigrants et les réfugiés qui adoptent le Canada comme pays d'accueil contribuent au renforcement du tissu social, économique et civique. Aujourd'hui, nous sommes leurs héritiers.
Je dirais en terminant que mon travail avec le Mosaic Institute a confirmé ce que je croyais, soit que la citoyenneté canadienne est estimée et respectée et que notre diversité est une des sources de notre grande force. Pour ces raisons, nous appuyons le projet de loi C-6 et les changements qu'il propose.
Merci beaucoup.
Merci.
Je laisse maintenant la parole à Mme Sheryl Saperia, directrice des politiques pour le Canada, Foundation for Defense of Democracies. Vous avez sept minutes.
Bonjour, distingués membres du Comité.
Au nom de la Foundation for Defense of Democracies, un groupe de réflexion sur la sécurité nationale et les politiques étrangères, je vous remercie de m'avoir invitée aujourd'hui.
Mes commentaires porteront uniquement sur les dispositions de la Loi sur la citoyenneté qui visent à retirer la citoyenneté aux auteurs d'infractions de trahison ou de terrorisme et aux personnes ayant participé à un conflit armé contre le Canada, que le projet de loi C-6 vise à abroger.
Comme je l'ai expliqué lors de mon témoignage sur le projet de loi C-24, je crois qu'il est raisonnable que les citoyens canadiens prennent l'engagement fondamental envers l'État de s'abstenir de commettre ces infractions, qui sont considérées comme étant les plus préjudiciables pour la sécurité nationale du Canada. La trahison et la participation à un conflit armé contre le Canada sont des gestes qui visent clairement à porter atteinte au pays en tant qu'entité nationale et communauté politique. La perte de la citoyenneté du pays auquel les auteurs de ces crimes tentent de porter atteinte semble être une conséquence appropriée.
Toutefois, la loi actuelle pourrait être améliorée à certains égards. Au lieu de simplement abroger les dispositions qui concernent la révocation de la citoyenneté pour des motifs de sécurité nationale, je proposerais une série de modifications. Par exemple, dans mon témoignage précédent et dans plusieurs articles parus dans les journaux, j'ai proposé que la loi soit modifiée afin que le lien entre l'infraction de terrorisme et la perte de la citoyenneté soit resserré. Plus précisément, je propose que la révocation de la citoyenneté pour terrorisme ne soit imposée que pour les actes de terrorisme commis au Canada contre une cible canadienne ou commis en lien avec une entité faisant partie de la liste des organisations terroristes considérées comme des ennemies de l'État établie publiquement par le gouvernement du Canada. La commission d'un acte de terrorisme qui satisfait à un de ces trois critères constitue, à mon avis, une tentative évidente de causer du tort au Canada, et la perte de la citoyenneté est une conséquence appropriée. Si l'acte terroriste n'a rien à voir avec le Canada, il ne devrait pas entraîner comme conséquence la révocation de la citoyenneté de l'auteur.
Je proposerais également une modification concernant les peines imposées aux terroristes étrangers. Je comprends que le Canada accorde de la valeur à une déclaration de culpabilité pour terrorisme faite par un pays aux vues similaires et doté de normes juridiques semblables aux nôtres. Toutefois, même si, au départ, la loi indiquait clairement qu'un examen de la nature de l'acte terroriste devait avoir lieu pour vérifier s'il correspond à la définition d'acte terroriste dans le Code criminel canadien, elle n'exigeait pas d'examen du caractère équitable du processus ayant mené à cette déclaration de culpabilité.
J'aimerais prendre un instant pour revenir sur l'objection la plus forte du ministre McCallum par rapport à la loi actuelle, soit qu'elle crée deux catégories de citoyens: ceux qui ont une double ou une multiple citoyenneté et qui risquent de se faire retirer leur citoyenneté canadienne, et ceux qui n'ont que la citoyenneté canadienne et qui peuvent être punis de différentes façons, mais ne peuvent pas perdre leur citoyenneté.
Premièrement, cette distinction n'est pas arbitraire. Elle n'existe que parce que la loi interdit de rendre une personne apatride. Deuxièmement, pour ceux qui ont choisi d'avoir plus d'une citoyenneté, en raison d'une connexion personnelle avec un autre pays ou pour jouir de certains autres avantages, cet argument n'est pas très solide. Personne ne leur a imposé la double citoyenneté; ils ne sont donc pas victimes de discrimination en raison d'une caractéristique inhérente. C'est un choix qu'ils ont fait, tout comme ils peuvent choisir de renoncer à leurs autres citoyennetés pour être exclusivement des Canadiens et ne pas être visés par ces dispositions.
Dans les cas où un citoyen canadien est aussi citoyen d'un pays qui ne permet pas la renonciation à sa citoyenneté, c'est différent. Le ministre ou le ministère doit alors utiliser son pouvoir discrétionnaire pour évaluer l'importance de ce que j'appelle la « relation active » de la personne avec sa deuxième citoyenneté. La personne a-t-elle des liens profonds avec l'autre pays? A-t-elle invoqué des droits qui lui sont conférés par cette autre citoyenneté? A-t-elle voyagé en utilisant le passeport de ce pays ou occupé un poste ouvert seulement aux citoyens? Moins la deuxième citoyenneté est active, plus l'argument selon lequel la citoyenneté canadienne devrait être révoquée est faible.
Bref, la formule « un Canadien est un Canadien, un point c'est tout » n'est pas toujours vraie. La catégorisation n'est pas absolue. Les citoyens canadiens naturalisés sont des Canadiens tant et aussi longtemps qu'on ne découvre pas qu'ils ont menti dans leur demande de citoyenneté. Ceux qui ont commis des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et des génocides se font retirer leur citoyenneté. Il faut aussi tenir compte du fait que les citoyens naturalisés doivent prêter le serment d'allégeance à la reine en tant que personnification du Canada. En commettant des actes de trahison ou de terrorisme ou en prenant part à des conflits armés contre le Canada, ne brisent-ils pas ce serment?
Les Canadiens qui détiennent plus d'une nationalité ont un moyen très facile de conserver leur citoyenneté canadienne en vertu de cette loi: ne pas commettre d'actes criminels de trahison, de conflit armé ou de terrorisme à l'endroit du Canada en tant que pays.
Enfin, si le gouvernement croit que la meilleure façon d'assurer notre sécurité nationale consiste à garder les terroristes dangereux au Canada, où nous pouvons les surveiller adéquatement, plutôt que de les laisser potentiellement libres dans un autre pays, je l'exhorte à respecter son engagement jusqu'au bout. La sécurité du public canadien exige que les personnes qui participent à des activités terroristes, si elles doivent rester au pays, soient surveillées de près pendant leur incarcération et après. Le Canada doit se doter d'une stratégie afin de prévenir la radicalisation et le recrutement par les terroristes condamnés parmi la population carcérale générale. La menace de radicalisation islamiste en prison est un aspect important de la lutte moderne contre le terrorisme, puisque la prison est un incubateur unique pour la radicalisation violente. Plus il y aura de terroristes incarcérés au Canada, plus la menace de radicalisation en détention augmentera. Cet enjeu est d'autant plus grave maintenant qu'il y a des Canadiens qui se sont rendus à l'étranger pour faire le djihad et qui peuvent avoir des arguments plus convaincants qu'un recruteur étranger.
Si nous décidons de garder au Canada des personnes qui ont fait la preuve de leur allégeance à un groupe qui souhaite la destruction du Canada, nous ne pouvons faillir à la tâche d'élaborer les stratégies nécessaires pour protéger le public des conséquences.
Merci encore une fois de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui. Je suis toute disposée à répondre à vos questions.
Merci, madame Saperia.
Madame Patti Tamara Lenard, professeure agrégée à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa, vous avez sept minutes.
Bonjour et merci de m'avoir invitée à revenir vous parler. Comme le président vient de le dire, je suis professeure agrégée à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa. Mon domaine de spécialité est la théorie et la pratique politique en matière d'immigration, de même que le multiculturalisme.
Depuis deux ans, j'ai concentré mes recherches sur le soi-disant pouvoir de révoquer la citoyenneté dans les États démocratiques de l'Europe, en Australie et bien sûr, au Canada. Le projet de loi C-6 propose d'annuler la modification la plus controversée, à mon avis, qui a été apportée à la Loi sur la citoyenneté pendant le règne du gouvernement conservateur. Je parle du pouvoir de révocation de la citoyenneté des personnes qui commettent une longue liste de crimes, incluant la trahison, l'espionnage et le terrorisme.
Quand les conservateurs ont lancé le débat sur le projet de loi C-24 à ce comité, j'ai été invitée à venir témoigner, et je me suis positionnée contre le projet de loi. J'ai dit que le pouvoir de révocation de la citoyenneté n'avait absolument pas sa place dans les États démocratiques. Je crois avoir utilisé l'expression que mon collègue a utilisée: « Un Canadien est un Canadien, point à la ligne ». J'y crois fermement. J'ai dit que les citoyens vivant dans un État démocratique ont le droit absolu de ne pas être expulsés contre leur volonté.
J'exagère à peine en disant que je retiens mon souffle depuis l'élection du Parti libéral et que j'attends qu'il respecte sa promesse de révoquer le projet de loi sur la révocation. Je me réjouis donc du contenu du projet de loi C-6.
J'aimerais aujourd'hui réagir brièvement à trois arguments que des députés conservateurs ont fait valoir à la Chambre en faveur du pouvoir de révocation au moment des discussions sur le projet de loi C-6. J'aimerais ensuite donner quelques conseils au Parti libéral sur la façon d'annoncer ce projet de loi lorsqu'il deviendra finalement loi.
Les trois arguments conservateurs que j'aimerais aborder sont les suivants: la révocation protège les démocraties et accroît la sécurité des citoyens; l'adoption d'une loi sur la révocation nous permet enfin de rattraper notre retard sur les États qui permettent déjà la révocation, principalement les États européens; enfin, cette position reçoit un vaste appui du public.
Premièrement, la révocation protège-t-elle la démocratie et accroît-elle la sécurité des citoyens? Il n'y a rien qui le prouve; il n'y a pas une once de preuve. Le système de justice pénale du Canada est excellent. Je pense que nous en convenons tous, et il possède les ressources nécessaires pour punir les personnes trouvées coupables de toutes sortes de crimes haineux.
De manière plus générale, et c'est important, rien ne prouve que les États qui possèdent déjà le pouvoir de révocation de la citoyenneté sont plus sûrs que ceux qui ne le possèdent pas. En effet, les événements récents survenus en Europe, notamment en Belgique, un pays qui possède le droit de révoquer la citoyenneté d'une personne et même de rendre ses citoyens apatrides, laissent croire le contraire. Le fait que la révocation ne vise que ceux qui ont une double citoyenneté ne fait que miner fondamentalement l'égalité que défend l'État démocratique canadien, de façons que je pourrai vous expliquer pendant nos discussions et qui, à mon avis, compromettent nécessairement la sécurité des Canadiens.
Deuxièmement, est-il vrai que l'adoption d'une loi sur la révocation nous permet de rattraper notre retard sur d'autres États? J'ai deux choses à dire à ce sujet. D'abord, il est extrêmement pertinent de mentionner que les États européens qui permettent la révocation se fondent sur des lois qui ont été adoptées il y a des dizaines d'années. Dans la plupart des cas, elles ont été adoptées avant ou après les deux grandes guerres mondiales.
Ensuite, elles ne sont pratiquement jamais utilisées, sauf au Royaume-Uni. La tendance est plutôt à l'abandon de ce type de lois qu'à leur adoption, malgré le discours public récent qui semble indiquer le contraire. Nous savons tous que la France vient de le reconnaître et qu'elle a décidé de ne pas adopter un projet de loi de révocation en raison de principes démocratiques fondamentaux. Bien sûr, elle réagissait alors à une attaque terroriste tragique sur son sol.
Vraiment, l'avantage du projet de loi libéral à l'étude actuellement, c'est qu'il peut occuper une place prépondérante dans notre engagement international, un renouvellement de notre engagement à protéger le droit des personnes d'avoir leur propre nationalité. Cet engagement s'est traduit par une convention internationale destinée à mettre un terme aux atteintes massives aux droits de la personne, et le terme est faible, qui ont suivi la dénationalisation imposée pendant la Deuxième Guerre mondiale, dont mon collègue vous a parlé.
Troisièmement, que faire de l'argument selon lequel il y aurait un vaste appui du public pour la révocation de la citoyenneté? Il n'est pas surprenant qu'un projet de loi comme celui-ci reçoive un vaste appui. L'idée de punir ceux qui sont perçus comme des criminels est très populaire, mais les États démocratiques ont pour particularité de ne pas assujettir les droits des minorités, particulièrement les plus impopulaires, au vote de la majorité. La force de la Constitution canadienne, de la Charte canadienne des droits et libertés, c'est qu'elles protègent les droits de tous les Canadiens, quoi que les autres en pensent.
Je l'enseigne dans mon cours d'introduction à la théorie démocratique. Les personnes visées ici sont des personnes qui ont commis des crimes haineux. Ce sont les Canadiens les plus détestés, mais ils ont tout de même droit de bénéficier de la protection de leurs droits. La force du système de justice pénale dans un État démocratique dépend justement de son aptitude à protéger les droits des criminels.
Voici maintenant le contexte dans lequel j'aimerais vous donner des conseils. Depuis trois ans, comme mon collègue et avec l'appui financier du projet Kanishka du ministère de la Sécurité publique, j'étudie les effets des politiques antiterroristes sur la communauté musulmane au Canada. J'évalue en particulier la réaction des musulmans à l'éventail des politiques qui ont été adoptées à l'ère de la lutte contre le terrorisme.
Nous avons interrogé plus de 100 musulmans bien en vue de cinq grandes villes canadiennes sur un éventail de politiques précises, notamment le recours récent aux certificats de sécurité, l'élargissement des pouvoirs d'enquête du SCRS, la liste de protection des passagers et, bien entendu, le projet de loi C-24 autorisant la révocation de la citoyenneté.
Nous leur avons également posé des questions sur ce qu'ils vivent actuellement à titre de musulmans au Canada dans cette ère de lutte au terrorisme. Nombre d'entre eux se sont dits consternés — et ce sont là leurs propres mots — par la manière dont l'application des politiques avait servi à miner la confiance des citoyens musulmans à l'égard de l'État canadien.
En outre, ces politiques et le discours entourant leur adoption leur semblent perpétuer l'idée que les musulmans sont des citoyens dangereux et déloyaux, qui devraient être traités avec suspicion et angoisse. Ils considèrent que ce discours a établi un climat où la discrimination à leur endroit est devenue légitime et reste impunie. Selon eux, leurs droits constitutionnels ne sont pas protégés.
Fondamentalement, les Canadiens musulmans pensent que le projet de loi C-24 avait pour objectif de permettre et d'encourager la discrimination à leur endroit. Ils croient qu'il serait utilisé seulement contre les musulmans, citant comme preuve le fait qu'il a été question publiquement de certaines personnes — toutes musulmanes — qui pourraient faire l'objet d'une révocation.
L'abrogation de ce qu'on appelle le projet de loi de révocation offre au gouvernement libéral une occasion de poursuivre sa mission visant à protéger et à rebâtir une identité canadienne inclusive qui peut de nouveau inspirer la confiance parmi les citoyens de toutes confessions, de toutes races et de toutes couleurs.
Le langage choisi pour annoncer ce projet de loi est aussi — sinon plus — important que le fait lui-même. Quand le gouvernement libéral explique pourquoi il va de l'avant dans ce dossier, il doit se tenir debout pour déclarer que les Canadiens musulmans sont des citoyens à part entière et loyaux. Il doit employer le noble langage d'inclusion utilisé tout au long de la campagne électorale libérale.
J'attends avec impatience le moment où le pouvoir de révocation sera aboli.
Merci.
Merci, madame Lenard.
Nous accordons maintenant la parole aux libéraux pour des interventions de sept minutes.
Monsieur Ehsassi.
Merci, monsieur le président. J'ai quelques questions à poser.
J'aimerais tout d'abord en poser quelques-unes à M. Farber. Permettez-moi de commencer en vous souhaitant la bienvenue à Ottawa. Nous sommes enchantés de vous recevoir, compte tenu de la riche expérience qui a, de toute évidence, inspiré vos travaux au Mosaic Institute.
J'ai lu le témoignage que vous avez livré — en 2014, il me semble — et dans lequel vous étiez très clair. À un moment donné, alors que vous traitiez du projet de loi C-24, vous avez indiqué que vous craigniez qu'il « ne fasse pas de la citoyenneté la fin réjouissante du long et difficile parcours des réfugiés, mais plutôt une destination impossible à atteindre à cause des obstacles et des diversions. »
Auriez-vous l'amabilité de nous expliquer si vous avez eu l'occasion d'examiner le projet de loi C-6 et si des points ont particulièrement attiré votre attention ou votre intérêt?
Merci de me poser la question. La déclaration que j'ai faite au sujet du projet de loi C-24 n'a pas changé.
J'aimerais reprendre les propos qu'a tenus ma collègue, Mme Tamara Lenard.
Quand des gens comme des immigrants, des réfugiés et des apatrides arrivent au Canada, ils ne cherchent pas de moyens pour ne pas en devenir citoyens. Ils ne s'évertuent pas à créer des obstacles et à participer à des activités terroristes criminelles. Cela ne veut pas dire que cela n'arrive pas à l'occasion, mais, sincèrement, il ne faudrait vraiment pas assommer une puce à coup de boulet de canon.
Le fait est que quiconque commet un acte criminel est assujetti au droit pénal et devrait être traité en vertu de ce droit, et ne vous y trompez pas: un acte terroriste est un acte criminel. Si tous les gens doivent obtenir la citoyenneté et qu'on dresse des obstacles sur leur chemin, nous devons faire marche arrière et revoir la question, particulièrement si ces obstacles visent un groupe précis. Mme Lenard a fait remarquer avec justesse que le groupe visé par le projet de loi C-24 est la population musulmane du Canada. Je n'ai vu aucune preuve qui laisse croire le contraire.
Je dois dire que j'ai été à la fois stupéfait et absolument enchanté quand le ministre a décidé de révoquer ce concept et de rétablir l'importance du pouvoir de la citoyenneté dans la loi.
Quand feu mon père est arrivé ici, il était apatride. Qu'est-ce que cela signifie d'être apatride? Il n'a pas abandonné sa citoyenneté polonaise; il ne souhaitait tout simplement pas continuer d'être citoyen polonais. Il est donc devenu citoyen canadien de manières étonnantes. Il avait installé un petit mat devant son épicerie, et à chaque fête du Dominion, comme il l'appelait, il hissait le drapeau. Il est devenu un loyal citoyen, et d'après ce que j'ai vu, tous les nouveaux immigrants venus ici, qu'ils soient musulmans, Somaliens ou originaires de l'Asie du Sud-Est, ont fait du Canada leur patrie. Voilà ce que nous devrions regarder, selon moi: le verre à moitié plein, pas le verre à moitié vide.
Merci beaucoup de vos propos.
Dans vos observations préliminaires aujourd'hui, vous avez indiqué que le Mosaic Institute mène des recherches de pointe. Vous avez notamment évoqué l'étude ou l'enquête intitulée « Perception et réalité des “conflits importés” au Canada ». Vous avez eu l'occasion d'effleurer quelques-unes de ses conclusions, mais auriez-vous l'amabilité de nous en dire plus sur celles-ci et sur ce qu'elles pourraient apporter aux travaux du Comité?
Comme vous le voyez, il s'agit d'un livre de 200 pages qui renferme environ 60 recommandations, mais en gros, la principale conclusion est la suivante. À mon avis, il est important de faire la distinction. Les communautés d'immigrants ou de réfugiés n'importent pas leur conflit en venant ici. En fait, Mosaic s'efforce principalement de fournir des plateformes aux communautés qui ont des conflits entre elles ici, au Canada, le plus souvent des communautés diasporiques.
Nous présentons des plateformes et encourageons les plateformes permettant de dialoguer poliment. Nous avons rassemblé des juifs et des musulmans, des Arméniens et des Turcs, des Grecs et des Chypriotes ainsi que des Chinois et des Tibétains afin qu'ils se parlent et échangent entre eux — surtout des jeunes.
Il y a une chose que je peux vous dire. Oui, lorsqu'ils sont ensemble, ils parlent de leur traumatisme. Ils parlent de leur arrivée dans ce pays, après avoir vécu des situations extrêmement traumatisantes dans leur propre pays. Mais ils ne s'attardent pas au conflit, à la colère et à l'angoisse qu'ils ont vécus. Ils cherchent plutôt à composer avec ces traumatismes, et ils le font dans un contexte canadien. Ils se parlent poliment et tranquillement, même s'ils sont à couteaux tirés.
Quelle leçon pouvons-nous en retirer? Nous apprenons qu'en réunissant autour d'une table des personnes en situation de conflit, aux prises avec des conflits historiques — d'ailleurs, il me semble que le président peut aussi en témoigner, car lui et moi avons étroitement collaboré pour réunir des juifs et des Ukrainiens, et notre entreprise a donné d'excellents résultats. Parfois, il faut une génération ou deux. Perdrons-nous quelques personnes chemin faisant? Eh bien, oui. Malheureusement, oui. Faut-il pour autant jeter le bébé avec l'eau du bain? Bien sûr que non.
Je pense qu'il faut se tourner vers l'avenir. Il me semble que nous devrions être fiers de qui nous sommes en tant que Canadiens. S'il faut parfois édicter des lois — littéralement, édicter des lois —, nous le faisons.
Notre prochaine recherche, soit dit en passant, portera justement sur la question de la perception et de la réalité concernant la radicalisation dans les mosquées au Canada. Ce n'est pas moi qui ferai la recherche, mais j'ai l'impression que nous allons découvrir que l'existence de la radicalisation dans les mosquées tient davantage du mythe que de la réalité.
Mais nous n'en sommes qu'aux premiers stades de l'étude. J'espère que dans un avenir assez rapproché, nous pourrons vous présenter nos conclusions à cet égard également.
Je vous remercie.
Merci, monsieur le président.
Mardi matin, Mme Saperia et un autre témoin ont soulevé la question du serment qui stipule:
Je jure (ou j’affirme solennellement) que je serai fidèle et porterai sincère allégeance à Sa Majesté la Reine Elizabeth Deux, reine du Canada, à ses héritiers et successeurs, que j’observerai fidèlement les lois du Canada et que je remplirai loyalement mes obligations de citoyen canadien.
Il est important d’examiner la déclaration selon laquelle un Canadien est un Canadien, point final, car si vous êtes né au Canada, vous n’avez pas à faire ce serment. En tant que néo-Canadien, vous avez un choix. Or, malgré le projet de loi C-6, la loi permet la révocation pour fraude ou fausse représentation.
J’aimerais avoir les commentaires de vous trois à ce sujet. Mme Saperia pourrait commencer, même si presque tout ce que j’ai dit se retrouve dans sa déclaration.
J’irai même plus loin. Convient-il vraiment d’abroger l’article du projet de loi C-24, ou bien devrait-on l’amender?
Vous avez la parole, madame Saperia.
Merci.
Je ne pense pas que les dispositions devraient être abrogées. Je crois qu’elles devraient être modifiées afin que le libellé de la loi soit le plus rigoureux possible, car la révocation de la citoyenneté est une sanction vraiment très grave. Mes remarques portaient sur les moyens de renforcer la loi. Par rapport au terrorisme, par exemple, il me semblait que le libellé était trop général. Il pourrait en effet y avoir des cas où un acte terroriste qui n’a absolument aucun lien avec le Canada ne soit donc pas considéré comme un crime contre le Canada, en tant que pays. En conséquence, la révocation de citoyenneté pourrait ne pas constituer une sanction convenable.
Mais dans les cas où le crime n’est pas seulement un crime en vertu du Code criminel canadien, mais un crime contre le Canada à titre d’identité nationale, il me semblait que certains actes pouvaient faire perdre le droit à la citoyenneté canadienne. Cela n’a rien à voir avec la discrimination ou avec des obstacles que l’on pourrait dresser, surtout à l’endroit de certaines communautés. Il s’agit d’actes que l’on pose. Les choix que l’on fait ont des conséquences, notamment la révocation de la citoyenneté.
La citoyenneté n’est tout simplement pas une catégorie absolue. Elle est — et a toujours été — un concept juridique. Il y a donc déjà des cas, comme vous le soulignez, où elle peut être révoquée. La loi ne crée pas, pour la première fois, un mécanisme permettant la révocation de la citoyenneté. Des catégories sont déjà établies. Il s’agit simplement d’en créer une autre adaptée à la nature du crime.
Je suppose que vous n’êtes pas d’accord à ce sujet, madame Lenard. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
J’ai trois choses à dire. Premièrement, que la double nationalité ne découle pas uniquement du fait de prêter serment. Certaines personnes ont la double nationalité à la naissance. Si j’ai bien compris ce que vous dites, vous ne voyez pas d’inconvénient à faire preuve de discrimination envers les seuls Canadiens naturalisés.
La discrimination au sens où... Vous êtes animé d'une attitude négative à cet égard, mais vous faites de la discrimination en adoptant des mesures discriminatoires qui divisent les Canadiens en deux catégories: les Canadiens qui ont tous les droits qui sont protégés par l'État canadien et ceux qui ne les ont pas. Je trouve cela offensant.
Deuxièmement, si nous mettons seulement l'accent sur les citoyens naturalisés, il est pertinent de nous tourner vers les États-Unis. La Cour suprême des États-Unis a une jurisprudence de longue date qui prévoit que les Américains naturalisés et les Américains de naissance doivent être traités entièrement de la même façon lorsqu'ils deviennent citoyens. À cet égard, un Canadien, c'est un Canadien, ou un Américain, c'est un Américain. Voilà pour mon premier point.
Par ailleurs, je crois qu'il est utile de tenir compte des risques de dérapage que pose ce type d'arguments, à savoir bien entendu que certaines personnes ne voient pas de problème à révoquer la citoyenneté en cas de fraude. À mon avis, il faut que ce soit très soigneusement encadré même dans de tels cas, mais ce n'est pas de cela qu'il m'a été demandé de parler.
Le danger ici, c'est que, si vous permettez la révocation en cas de fraude, certains se diront que c'est déjà possible pour de telles infractions et que cela pourrait s'appliquer dans d'autres cas. Nous permettrons la révocation de la citoyenneté dans le cas de certaines infractions. Vous pouvez voir exactement où cela nous mènera. Ce sont des arguments qui nous entraînent sur un terrain glissant. Nous aurions toutes les raisons de croire que nous suivrions l'exemple du Royaume-Uni, à savoir de nous demander si l'apatridie est vraiment une mauvaise chose. Nous les garderons au Canada, et ces personnes pourront être protégées au Canada, même si elles n'ont pas la citoyenneté canadienne.
Nous devons refuser de permettre la révocation parce que c'est inacceptable en principe et qu'il faut tenir compte des dangers pratiques de s'engager sur un terrain glissant.
Je suis partiellement d'accord avec ce qu'elle a dit. Cependant, permettez-moi de très brièvement parler de la question de la fraude et de la révocation de la citoyenneté et de vous expliquer clairement la différence.
Par exemple, une personne arrive au pays après la Deuxième Guerre mondiale et se fait demander si elle a été impliquée dans quelque chose qui ferait en sorte qu'elle ne pourrait pas obtenir la citoyenneté canadienne ou que les autorités ne devraient pas lui permettre d'entrer au Canada. Cette personne répond: « Non. J'ai été une bonne personne. » Les autorités découvrent des années plus tard, comme nous en avons été témoins au pays, que des personnes ont été impliquées dans certains des plus odieux crimes de guerre nazis.
Il y a le cas d'un homme à Kitchener qui faisait partie d'un escadron de la mort mobile qui a assassiné plus de 100 000 juifs. Il était interprète au sein de l'escadron de la mort. Il n'en a jamais fait mention lorsqu'il est venu au Canada. Il a obtenu sa citoyenneté en commettant une fraude. Il a menti. Si vous obtenez votre citoyenneté en faisant de fausses déclarations ou en commettant tout type de fraude, il ne fait absolument aucun doute que la révocation de la citoyenneté et la dénationalisation devraient être permises. Pratiquement tous les grands pays et toutes les grandes démocraties dans le monde permettent la dénationalisation et la révocation de la citoyenneté, comme le font les États-Unis.
Peut-être qu'au prochain tour, je pourrai revenir sur la révocation et expliquer à quel point elle n'est pas bien gérée dans ce pays.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leurs exposés.
J'aimerais concentrer mon attention sur le processus, une fois que les raisons ont été établies, ou peut-être sur les catégories de personnes dont la citoyenneté devrait être révoquée.
Les autres témoins que nous avons entendus ont souligné dans leurs exposés l'importance du processus et de l'application régulière de la loi. Aucun d'entre vous n'a vraiment parlé de cela, alors j'aimerais savoir si les modifications apportées par le projet de loi C-24 ont pour effet d'altérer le processus. Le projet de loi C-6 ne ramène pas le processus antérieur au projet de loi C-24, qui voulait que les personnes dont la citoyenneté était révoquée comparaissent devant la Cour fédérale en vue d'une décision, d'une évaluation au cas par cas, selon l'application régulière de la loi.
J'aimerais que vous répondiez à cela, madame Lenard, et que vous nous disiez ce que vous pensez de cet aspect.
Je n'ai qu'un bref commentaire à faire.
Si je comprends bien, il y a toujours le contrôle judiciaire qui demeure, en cas de révocation de la citoyenneté. Par exemple, je parlais plus tôt de quelqu'un dont la citoyenneté a été révoquée il y a 20 ans parce qu'il avait travaillé comme traducteur dans un escadron de la mort nazi. Tout a commencé en 1998, et il est toujours un citoyen du Canada parce qu'il a pu se prévaloir d'examens et de contrôles judiciaires et se rendre ainsi jusqu'à la Cour suprême du Canada.
Je ne sais pas exactement ce qu'il en est concernant le projet de loi C-6 et le projet de loi C-24 sur la question de la protection, mais il est clair que les contrôles judiciaires sont permis, parce qu'ils sont permis dans le cas de l'obtention frauduleuse de la citoyenneté. Il y a toujours moyen de s'assurer que justice est faite et qu'on perçoit que justice a été faite.
Je me demande si vous avez quelque chose à dire à propos de l'apatridie et des solutions à mettre en place pour résoudre ce problème.
Madame Lenard.
Je vous remercie de cette question.
Je n'ai en fait pas vraiment pensé à cela, pour ce projet de loi. Les documents qui traitent d'apatridie disent effectivement que les personnes ont — et c'est dans la Déclaration universelle des droits de l'homme — le droit à une nationalité et le droit aussi de ne pas être arbitrairement privées d'une nationalité. On comprend par cela en général qu'il existe une obligation légale d'éviter l'apatridie. Je pense qu'il est probablement utile de discuter des obligations légales du gouvernement du Canada envers les apatrides qui se trouvent sur son territoire.
En général, du moins dans les États européens, on évalue cela en fonction de l'ensemble des liens dont mon collègue a parlé, soit les liens avec le pays. Il est habituellement entendu que si une personne est née ici ou a principalement grandi ici, mais qu'elle semble apatride malgré cela, pour une raison ou une autre... Je suppose que Deepan est le principal porte-étendard dans ce genre de cas. Le gouvernement précédent a affirmé qu'il était apatride. En fait, il a passé toutes ses années de formation au Canada. Il est né ici, mais n'a pas joui d'une protection diplomatique.
Dans ce genre de cas, il serait utile de faire ressortir clairement que le Canada a l'obligation d'éviter l'apatridie en accordant la citoyenneté à toutes les personnes qui sont nées sur son territoire ou qui ont vécu leurs années de formation ici.
Je ne connais pas suffisamment les lois en matière d'apatridie pour exprimer une opinion raisonnée, mais je peux donner une opinion personnelle.
Comme je l'ai dit, quand feu mon père est arrivé ici, il était apatride. C'était à la fin des années 1940. À l'époque, il a travaillé en vue d'obtenir la citoyenneté canadienne. Je ne sais pas si les choses sont différentes aujourd'hui. Je ne suis pas certain.
Il me semble que Mme Lenard a raison: il doit y avoir une obligation. J'imagine que le Canada accepte cette obligation. Si cela doit être codifié, alors on devrait le faire, car personne ne devrait être apatride.
Merci beaucoup.
Il y a des gens qui, pour toutes sortes de raisons, ne sont pas en mesure d'établir leur pays de naissance et qui sont donc incapables de présenter une demande de citoyenneté canadienne. Par conséquent, ils sont apatrides, n'est-ce pas? C'est une situation très difficile pour ces personnes, car sans citoyenneté, elles n'ont pas accès à de nombreux droits. J'étais particulièrement intéressée d'entendre votre point de vue sur la façon de régler ce problème et de savoir si nous devrions trouver une façon de le régler dans le projet de loi C-6 au moyen d'amendements, car dans sa forme actuelle, le projet de loi ne prévoit rien à ce sujet.
D'autres dispositions du projet de loi C-6 portent sur la question de la citoyenneté, en particulier les obstacles à l'accès à la citoyenneté. Il y a deux aspects relatifs à cette question. L'un est le test linguistique pour la citoyenneté, et l'autre, bien sûr, ce sont les frais. J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'aspect relatif à la langue. Il y a une évaluation à deux niveaux, actuellement, qui crée des obstacles à l'accès à la citoyenneté.
Je vais poser la question à Mme Lenard.
Tel que je comprends le projet de loi C-6, on revient au statu quo antérieur au sujet des exigences linguistiques. Est-ce que je me trompe?
Il y a un changement en ce qui concerne l'âge. C'est l'un des aspects, mais il reste certaines préoccupations. Par exemple, aux séances de l'autre comité, des personnes ont parlé de la question de faire la preuve de sa capacité linguistique. On doit avoir un certificat pour prouver qu'on a une compétence linguistique de niveau 4. Cela n'existait pas avant le projet de loi C-24, et le projet de loi C-6 n'aborde pas cette question. C'est un exemple.
Je ne me suis pas penchée expressément sur cette question. En général, je suis en faveur d'un seuil très bas en ce qui concerne l'acquisition des compétences linguistiques.
J'ai été naturalisée aux États-Unis, et je crois que l'examen d'anglais consistait à lire la phrase suivante: « George Washington was at some point President of the United States ». C'était là l'examen d'anglais. J'ai été capable de lire la phrase et j'ai réussi l'examen. Je pense que ce modèle est généralement le bon.
Je suis plutôt en faveur du principe voulant que la citoyenneté devrait être assez facile à obtenir, en particulier sur le plan linguistique.
Merci, madame Lenard.
Monsieur Tabbara, vous disposez de sept minutes.
Je crois comprendre que vous allez partager votre temps de parole avec M. Chen.
Oui, c'est exact.
Merci à tous les témoins d'être venus aujourd'hui.
Ma question s'adresse à Mme Saperia. Lors de vos nombreuses interventions, vous avez fait un parallèle intéressant entre la révocation de la citoyenneté et le contrat social, pacte entre l'État et ses citoyens. Les citoyens consentent à honorer certaines obligations à l'égard de l'État en échange d'autres avantages. Cependant, à ce propos, la Cour suprême du Canada a déclaré que le contrat social engage le citoyen à respecter les lois issues du processus démocratique, mais qu'il ne s’ensuit pas qu’un défaut à cet égard annule l’appartenance permanente du citoyen à la cité. D’ailleurs, le recours à l’emprisonnement pour une période déterminée plutôt qu’à l’exil définitif est le signe de notre acceptation de l’appartenance permanente à l’ordre social.
Comme vous pouvez voir, la Cour suprême du Canada n'estime pas que l'idée du contrat social soit un argument convaincant pour justifier la révocation de la citoyenneté. Que pensez-vous de la déclaration de la Cour suprême?
Je crois que lorsque les gens commettent un crime contre le pays en tant que tel, ils renoncent potentiellement à leur droit à cette citoyenneté. La trahison, l'espionnage, la participation à un conflit armé contre le Canada et le terrorisme sont des crimes pour lesquels le projet de loi chercherait à révoquer la citoyenneté. Je ne crois pas que ce soit déraisonnable.
Je ne crois pas que la citoyenneté canadienne devrait être aussi facile à obtenir. J'estime qu'il s'agit d'un véritable privilège et d'un cadeau. Le Canada est le plus merveilleux pays au monde dans lequel vivre. Je ne crois pas qu'il soit déraisonnable de créer des normes minimales pour pouvoir garder la citoyenneté canadienne. Je continue à défendre la capacité de révoquer la citoyenneté pour les crimes contre le Canada en tant que communauté politique.
Mais ne croyez-vous pas que si un crime est commis, les criminels devraient être envoyés en prison?
Je ne pense pas que nous devions exporter le terrorisme. Par exemple, nous pourrions envoyer un criminel ou un extrémiste vers un autre pays démocratique occidental. Si celui-ci a les mêmes règles et règlements, ne ferait-il pas la même chose, c'est-à-dire révoquer la citoyenneté du ressortissant en question et le ramener au Canada si ce dernier a la double citoyenneté?
L'argument voulant qu'on n'expédie pas ses problèmes à l'étranger est le plus convaincant que j'aie entendu contre la révocation de la citoyenneté. C'est un argument que je peux mieux comprendre.
Premièrement, je crois que la personne est censée toujours purger sa peine d'emprisonnement au Canada. Ce n'est qu'après coup qu'elle pourrait perdre sa citoyenneté. Je l'ai aussi mentionné dans mes remarques liminaires.
Si nous décidons de garder les Canadiens au Canada quelle que soit la nature du crime qu'ils ont commis, alors je pense que nous devons prendre des mesures plus efficaces pour protéger le public canadien. Pour ce faire, il faut notamment régler la question de la radicalisation dans les prisons, où...
Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse aussi à Mme Saperia.
Vous avez mentionné un certain nombre de critères, y compris la trahison et la participation à un conflit armé, comme motifs de révocation de la citoyenneté. Vous abordez réellement la question dans une optique de sécurité nationale. Cependant, d'autres témoins ont fait valoir que la révocation de la citoyenneté n'avait pas sa place dans une société libre et démocratique.
Dans votre réponse à une question précédente, vous avez dit que cela ne constituait nullement de la discrimination, mais une juste punition compte tenu de la nature du crime.
Que pensez-vous de la notion que des lois comme celle-là pourraient servir à faire preuve de discrimination à l'égard de certains groupes si elles sont appliquées injustement? Que pensez-vous des récits de résidants de ma propre collectivité de Scarborough-Nord, qui ont affirmé, par exemple, avoir été injustement placés sur une liste de personnes interdites de vol et qui, à cause de leur nom de famille, ont toujours du mal à prendre l'avion?
Quand certaines lois risquent d'être utilisées de façon injustifiée contre certains groupes, il s'agit de discrimination, vous en convenez?
Je ne conviens pas qu'il s'agit de discrimination. Je suis extrêmement sensible aux questions de discrimination. Je suis consternée par les récits de gens qui se retrouvent injustement sur des listes d'interdiction de vol.
Toutefois, n'oubliez pas qu'aux termes de cette loi, la révocation n'aurait lieu qu'à la suite d'une déclaration de culpabilité prononcée par un tribunal. À moins que nous soyons en train de dire maintenant que les tribunaux canadiens font de la discrimination contre certains groupes de citoyens canadiens...
Il ne s'agit pas de choisir certaines personnes de façon arbitraire et de révoquer leur citoyenneté. On parle ici de personnes reconnues coupables d'un crime par un tribunal. Je suppose que vous êtes d'avis, comme moi, que les tribunaux canadiens s'acquittent fort bien de leur mandat d'évaluer la culpabilité ou l'innocence d'une personne. C'est fondé sur une déclaration de culpabilité.
En ce qui concerne l'argument général selon lequel on s'engage sur une pente glissante, là encore, je pense que chaque loi doit être évaluée selon la valeur de son libellé. Si les dispositions sont suffisamment sévères, alors je ne crois pas qu'elles puissent être invoquées pour poursuivre des gens de façon arbitraire ou discriminatoire.
Si je n'appuie pas le libellé... J'estime que mon travail à la FDD consiste à appuyer quiconque est au pouvoir — nous sommes complètement non partisans — et à essayer d'élaborer les meilleures politiques possible sur des enjeux, quels qu'ils soient. Mon but est de m'assurer que tout projet de loi est bien conçu, autant que possible, pour pouvoir atteindre les objectifs de la loi sans entraîner de conséquences imprévues.
Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins. Nous avons entendu différents points de vue.
Monsieur Farber, vous avez dit que nous devrions être en mesure d'expulser les gens qui mentent dans leur demande. Eux devraient perdre leur citoyenneté, mais pas les personnes reconnues coupables de terrorisme.
Quelle est la différence entre ces deux groupes? Pourquoi les personnes ayant la double citoyenneté et pouvant être envoyées ailleurs devraient-elles être moins bien traitées que les personnes ayant menti dans leur demande?
En fait, je ne suis pas d'avis que les personnes ayant la double citoyenneté devraient être envoyées ailleurs. J'estime qu'un Canadien est un Canadien, point final. J'y crois fermement, mais je suis également d'avis — et je pense que le gouvernement l'a également soutenu — que si une personne ment pour obtenir sa citoyenneté, c'est-à-dire si elle fait une fausse déclaration, alors elle ne mérite pas la citoyenneté.
Pour ce qui est de commettre un crime... Je suppose que la seule façon de bien répondre, c'est de vous poser une question de pure forme. Pourquoi l'allégeance au Canada n'aurait-elle des conséquences que pour les citoyens canadiens? Comment se fait-il que seuls les citoyens canadiens n'aient pas à s'inquiéter de commettre un crime de terrorisme?
Je comprends que ces gens ne prêtent pas un serment d'allégeance à la Couronne, etc., mais le fait est que cette approche crée une double conception de ce qu'est un citoyen. Selon moi, la seule façon dont nous pouvons équilibrer le tout et prouver que nous sommes bel et bien le Canada, c'est de faire en sorte que même les mauvais éléments, même ceux qui commettent des crimes... Soit dit en passant, je trouve que c'est là une véritable pente glissante, et on devrait essayer de définir le concept de trahison. Quelles formes de trahison justifieraient-elles la révocation de la citoyenneté? Supposons que vous traduisez quelque chose. Communiquez-vous des renseignements à quelqu'un? Avez-vous une discussion quelconque sur Internet?
On s'aventure là sur un terrain très glissant. Voilà donc ce que j'en pense. Nous disposons d'une série de lois pénales canadiennes. Si des gens enfreignent une loi, qu'il s'agisse d'un vol de banque, d'un meurtre — soit le crime le plus odieux — ou d'une trahison, ces crimes sont déjà codifiés. Leurs auteurs doivent être jugés devant les tribunaux et, s'ils sont reconnus coupables, ils doivent être punis conformément à la loi. Autrement, à mon avis, on s'éloigne de la démocratie et de la jurisprudence pertinente.
Tout d'abord, je tiens à rectifier les faits: ce projet de loi cible les citoyens de naissance et les citoyens naturalisés qui commettent ces crimes. Ce ne sont que les citoyens, de naissance ou naturalisés, qui possèdent aussi la citoyenneté d'un autre pays qui risquent de perdre leur citoyenneté. Comme je pense que les gens risquent de mal comprendre cet enjeu, je tiens à préciser qu'on ne fait aucune distinction entre les citoyens de naissance et les citoyens naturalisés.
Il a été question du fait que nous nous engageons sur une pente glissante. Encore une fois, quand on examine le projet de loi, on constate que les actes criminels visés par celui-ci, qui sont prévus au Code criminel, y sont énoncés, notamment la trahison. On y énonce très précisément les crimes qui pourraient faire en sorte qu'une personne soit privée de sa citoyenneté canadienne. Je pense que lorsqu'on élabore un projet de loi adéquat, on peut éliminer les préoccupations associées au fait qu'on s'engage sur une pente glissante. Si les termes utilisés sont très généraux ou trop vagues, le projet de loi ne devrait pas être adopté; dans un tel cas, vous auriez de bonnes raisons de vous inquiéter.
Je tiens seulement à dire que si nous parlons de la différence entre les citoyens naturalisés et les citoyens de naissance qui ont la double citoyenneté, c'est parce que deux personnes qui participent à la discussion ont parlé du serment. Une seule catégorie de personnes ayant la double citoyenneté doit prêter serment.
Je tiens aussi à mentionner une dernière chose. La tradition du contrat social, dont vous avez parlé et qui a été mentionnée par la Cour suprême, est une tradition qui existe depuis environ 200 ans, et mis à part Hobbes, et peut-être Rousseau, tous s'entendent pour dire que le souverain, l'État, n'a pas le droit d'expulser des citoyens. La Cour suprême s'appuie sur la tradition du contrat social pour affirmer qu'il s'agit d'un contrat à sens unique: ainsi, les citoyens peuvent quitter l'État, mais l'État, lui, ne peut pas expulser les citoyens. Si vous voulez que je vous fournisse les documents indiquant que Hobbes avait sans doute des réserves à cet égard et que Rousseau, lui, en avait très certainement, je vous les remettrai avec plaisir.
Une partie du projet de loi C-6 porte aussi sur les exigences linguistiques. À quel point est-il important que les nouveaux Canadiens, ceux qui prêtent serment afin de devenir des citoyens canadiens, apprennent l'anglais et le français pour ne pas être victimes de discrimination ou exploités par des gens qui, eux, parlent l'une de ces langues?
Les exigences linguistiques sont importantes, certes, mais pas au point d'exclure délibérément quelqu'un.
Par contre, j'aimerais simplement ajouter que même s'il est essentiel de maîtriser la langue pour bien s'intégrer dans un nouveau pays, jamais je ne souhaiterais imposer des exigences aussi élevées. Par contre, il faut encourager les nouveaux citoyens à apprendre la langue pour qu'ils puissent réussir et mener la meilleure vie possible ici.
Je tiens à remercier les témoins d'avoir comparu devant le Comité aujourd'hui.
Avant que les témoins partent, j'aimerais qu'ils répondent tous très brièvement à une question. Ils peuvent probablement répondre par oui ou par non. L'un des principes fondamentaux de notre système judiciaire est que tous les citoyens sont traités également devant la loi. Ce n'est pas très compliqué. Êtes-vous d'accord avec ce principe fondamental?
Monsieur Farber, qu'en pensez-vous?
Avant de partir, j'aimerais ajouter que nous vous avons tous donné une clé USB sur laquelle nous avons mis tous nos rapports et tous nos documents pour que vous puissiez les consulter. Comme nous ne voulions pas contribuer à l'abattage d'arbres, nous avons choisi de procéder d'une façon digne du XXIe siècle.
Je tiens à remercier encore une fois les témoins d'avoir comparu aujourd'hui. Nous allons maintenant suspendre la séance pour deux ou trois minutes pour permettre au prochain groupe de s'installer.
Merci.
Reprenons. J'aimerais accueillir notre deuxième groupe de témoins d'aujourd'hui. Du Conseil canadien pour les réfugiés, nous accueillons la directrice, Mme Janet Dench, et Mme Jennifer Stone, qui est secrétaire de l'organisme. Nous entendons aussi M. Reis Pagtakhan, un avocat spécialisé en droit de l'immigration qui témoigne à titre personnel. Enfin, témoignant aussi à titre personnel, nous avons M. Martin Collacott, qui témoignera par vidéoconférence à partir de Surrey, en Colombie-Britannique.
J'aimerais rappeler aux témoins que nous avons réservé sept minutes pour chaque exposé. Je précise que les deux représentantes du Conseil canadien pour les réfugiés auront un total de sept minutes. Nous commençons par Mme Janet Dench et Mme Jennifer Stone, du Conseil canadien pour les réfugiés.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Au nom du Conseil canadien pour les réfugiés, je vous remercie de l'invitation à comparaître dans le cadre de votre étude du projet de loi C-6. Je vais partager le temps de présentation avec ma collègue Jennifer Stone, membre du comité exécutif du CCR.
Nous avons soumis un mémoire détaillé et nous attirons votre attention également sur une feuille qui résume nos préoccupations.
Le CCR est un organisme de regroupement composé d'environ 180 organisations de toutes les régions du Canada. La plupart de ces organisations oeuvrent auprès des réfugiés et d'autres nouveaux arrivants, et c'est à partir de leurs expériences sur le terrain que nous commentons le projet de loi.
[Traduction]
En guise de commentaire général, nous tenons à souligner l'importance de la citoyenneté pour la santé mentale des nouveaux arrivants, en particulier les réfugiés. Nos membres constatent quotidiennement l'incidence de l'obtention de la citoyenneté sur la vie des gens. Ils se sentent enfin en sécurité.
C'est particulièrement vrai dans le cas des réfugiés qui ont été forcés à fuir leur propre pays. Jusqu'à ce qu'ils deviennent citoyens canadiens, ces gens ne doivent pas seulement composer avec des problèmes d'ordre pratique parce qu'ils n'ont pas de passeport. Ils subissent également un stress psychologique parce qu'ils n'ont pas un véritable chez-soi, de sorte qu'ils craignent toujours d'être de nouveau forcés à quitter le pays. Faciliter l'accès à la citoyenneté joue un rôle essentiel dans la promotion d'une bonne santé mentale. À l'inverse, les obstacles à l'accès à la citoyenneté et les mesures qui rendent la citoyenneté précaire ont une incidence négative sur la santé mentale.
Nos observations au sujet du projet de loi C-6 peuvent être résumées en deux points. Premièrement, nous sommes favorables à l'octroi rapide de la citoyenneté aux nouveaux arrivants, sans discrimination. Deuxièmement, nous recommandons que l'égalité de tous les citoyens soit garantie par la loi.
Le Conseil canadien pour les réfugiés se réjouit de voir que le projet de loi C-6 contient plusieurs modifications qui favorisent un accès rapide à la citoyenneté, sans discrimination. Les réfugiés, notamment, peuvent compter le temps qu'ils ont passé au Canada avant de devenir résidents permanents dans le calcul de la durée de leur présence effective requise pour l'obtention de la citoyenneté.
Beaucoup de réfugiés vivent pendant des années au Canada avant de devenir résidents permanents. Or, ils n'y sont pour rien. Des milliers de personnes qui ont présenté une demande avant décembre 2012 n'ont pas encore obtenu une audience pour leur dossier — les prétendus « anciens dossiers » — et, jusqu'à tout récemment, le délai de traitement des demandes de résidence permanente pour les personnes qui ont été acceptées en tant que réfugiés était de deux ans. Pour les demandes visant les aides familiaux résidants, selon les données publiées, le délai de traitement des demandes de résidence permanente qui satisfont à toutes les exigences est de 49 mois.
Deuxièmement, nous appuyons la période proposée de résidence pour l'admissibilité à la citoyenneté correspondant à trois des cinq dernières années.
Troisièmement, le projet de loi C-6 propose de revenir à la limitation des examens de langue et de connaissances aux personnes de 18 à 54 ans. C'est à l'école que les jeunes de moins de 18 ans apprennent l'anglais ou le français et acquièrent des connaissances sur le Canada. Nous n'avons donc jamais compris la logique d'exiger que les jeunes passent des examens.
En ce qui concerne le groupe des personnes plus âgées, même si nous savons que beaucoup de personnes sont tout à fait capables de passer les examens, d'autres — notamment les réfugiés qui ont perdu de nombreux êtres chers et traversé bien des épreuves — auront de la difficulté à apprendre une nouvelle langue et à passer des examens.
Malgré ces changements, l'accès à la citoyenneté comporte toujours d'importantes lacunes. Nous vous demandons d'examiner les points suivants: la nécessité de créer un droit de demander la citoyenneté pour les jeunes de moins de 18 ans qui n'ont pas de parent ou de tuteur légal au Canada; prévenir les longs délais d'attente en exigeant que le gouvernement traite les demandes dans un délai raisonnable; prévoir pour les demandeurs une exception à la règle de la présence effective dans les cas où les faits le justifient; empêcher l'utilisation des demandes de citoyenneté comme motif au lancement d'un processus de révocation du statut de résident permanent en conséquence de la perte du statut de réfugié.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous.
Pour continuer sur le sujet de l'égalité d'accès à la citoyenneté, j'aimerais attirer votre attention sur trois autres recommandations du Conseil canadien pour les réfugiés, ou CCR.
Tout d'abord, personne ne doit être exclu de la participation démocratique à la vie communautaire — à la citoyenneté — à cause de l’incapacité de payer. L'augmentation du droit exigé pour la citoyenneté, qui est passé de 200 $ il y a quelques années à 630 $ aujourd'hui, et l'obligation de présenter d'emblée la preuve de compétence linguistique depuis 2012 représentent un fardeau démesuré pour les réfugiés, entre autres, qui sont surreprésentés chez les travailleurs à faible revenu et les personnes à faible revenu chronique.
Le CCR propose d'alléger ces fardeaux en introduisant, d'une part, un processus tel que celui qui existe aux États-Unis, selon lequel les bénéficiaires de l’aide sociale peuvent demander une dispense des droits de citoyenneté; et d'autre part, en rétablissant l’examen oral pour les demandeurs de citoyenneté qui ne sont pas par ailleurs en mesure de fournir la preuve documentaire de leurs compétences linguistiques.
En deuxième lieu, il faut offrir de meilleures mesures d’adaptation aux demandeurs handicapés légitimes. Les personnes handicapées, y compris celles qui ont des troubles cognitifs ou d'apprentissage, peuvent actuellement demander une dispense relative aux critères de compétence linguistique ou de connaissance uniquement pour des motifs d’ordre humanitaire. Il s'agit toutefois d'un cadre rétrograde qui va à l'encontre de nos principes bien établis de droits de la personne. Le CCR recommande donc que le projet de loi C-6 confirme le besoin de mesure d'adaptation sur le plan linguistique pour les personnes handicapées qui, sans leur handicap, répondraient aux critères d'admissibilité.
Troisièmement, le CCR croit qu'il faut rétablir les dispositions qui prévalaient avant le projet de loi C-24, selon lesquelles les demandeurs pouvaient contester directement le refus de leur demande de citoyenneté devant la Cour fédérale, sans devoir retenir les services d'un avocat pour demander une permission.
Aussi, le CCR soutient que tous les citoyens doivent être traités de façon égale et équitable. Nous sommes donc ravis de constater qu'en vertu du projet de loi C-6, les gens ne peuvent pas perdre leur citoyenneté s'ils commettent une infraction criminelle comme la trahison ou le terrorisme, et que les candidats à la citoyenneté n'ont pas besoin de démontrer leur intention de résider au Canada.
Nous sommes d'avis que le projet de loi C-6 pourrait aller encore plus loin dans le rétablissement de l'égalité de tous les citoyens au pays, ce pour quoi nous vous proposons deux autres recommandations.
La semaine dernière, plusieurs témoins vous ont expliqué à quel point le processus de révocation actuel de la citoyenneté pour fraude et fausse déclaration est préoccupant quant à l'équité procédurale. Nous sommes ravis que le ministre McCallum soit ouvert aux modifications. Le CCR recommande donc d'accorder tous les droits d'appel aux citoyens qui perdent leur statut.
Malgré les mesures tombant à point qui ont été introduites plus tôt pour les Canadiens dépossédés de leur citoyenneté, le CCR propose de restituer le droit à la citoyenneté de la deuxième génération née à l'étranger, comme c'était le cas avant 2009. Sinon, le gouvernement devrait au moins reconnaître le droit à la citoyenneté à ceux qui, autrement, seraient apatrides.
Pour terminer, nous félicitons le gouvernement d'avoir proposé cette mesure législative prioritaire aussi tôt dans son mandat.
Merci. Nous avons hâte de répondre à vos questions.
Merci, monsieur le président.
La première chose dont je veux parler aujourd'hui ne porte pas sur ce qui est dans le projet de loi C-6, mais bien sur un élément très important qui n'y est pas. Il s'agit de la modification du serment de citoyenneté qu'a recommandée la Commission de vérité et de réconciliation du Canada.
Vers la fin de l'an dernier, la Commission a publié son rapport sur les pensionnats indiens du Canada et a formulé 94 recommandations. La dernière au bas de la liste incitait le gouvernement à modifier le serment de citoyenneté pour qu'y soit inclus un engagement à observer les lois du Canada, y compris les traités conclus avec les peuples autochtones. Comme le premier ministre s'est engagé à mettre en oeuvre l'ensemble des recommandations de la Commission, il faut présumer que le défaut d'inclure une disposition à cet égard dans le projet de loi est un oubli. Cela dit, je suis d'avis que le temps d'agir, c'est maintenant.
Certains des changements proposés dans ce projet de loi, comme le fait de réduire de quatre à trois ans le temps de résidence exigé avant de pouvoir faire une demande de citoyenneté et le rétablissement du crédit de mi-temps pour certains résidents temporaires, provoqueront vraisemblablement une montée en flèche du nombre de demandes de citoyenneté une fois que le projet de loi deviendra une loi. Les nouveaux Canadiens pourront alors prendre connaissance de ce serment avant de s'engager à en respecter la teneur.
En tant que Canadien né et élevé sur un territoire revendiqué en vertu du Traité no 1, je recommande que le projet de loi soit amendé pour que soit adoptée dans son intégralité la recommandation 94 de la Commission avant l'avalanche de nouvelles demandes de citoyenneté.
En ce qui concerne la teneur du projet de loi, ma première recommandation est que le droit canadien devrait continuer d'être en mesure de priver les terroristes, les traîtres et les espions de leur citoyenneté. Je crois toutefois que des modifications doivent être apportées aux lois existantes pour veiller à ce que cela se fasse de manière équitable.
La raison pour laquelle je crois que la révocation de la citoyenneté devrait continuer à s'appliquer à ces circonstances très ténues, c'est que les Canadiens qui sont reconnus coupables à ces égards le sont pour des délits qui visent à saper notre société ou à renverser notre gouvernement. Il faut garder à l'esprit qu'avant qu'on la déclare coupable de tels délits, une personne est, premièrement, présumée innocente; deuxièmement, assurée d'une représentation juridique; troisièmement, protégée par tous les droits garantis par notre Charte des droits et libertés; quatrièmement, bénéficiaire de toutes les protections de nos systèmes de droit civil et de common law; cinquièmement, elle se voit donner la possibilité d'opposer une défense vigoureuse. Après tout cela, pour qu'un verdict de culpabilité soit prononcé, il faut que la culpabilité de cette personne soit établie hors de tout doute raisonnable.
Après avoir été reconnue coupable, cette personne a encore le droit de débattre de la façon dont sa peine peut être atténuée. En vertu des décisions de la Cour suprême, les juges qui prononceront la sentence doivent tenir compte des conséquences que cette sentence aura sur le dossier d'immigration de cette personne. Étant donné tout ce que l'on accorde à un citoyen, la révocation de l'immigration pour ce type de délits est assurément appropriée.
Cela dit, il est nécessaire de modifier la loi actuelle concernant la révocation de la citoyenneté.
Tout d'abord, la possibilité pour le gouvernement de révoquer la citoyenneté pour des condamnations prononcées dans un autre pays devrait être supprimée intégralement. Il suffit de jeter un coup d'oeil à l'affaire Mohamed Fahmy, ce journaliste canadien d'origine égyptienne qui a été arrêté en Égypte sous de fausses accusations de terrorisme, pour voir à quel point la loi actuelle est problématique en ce qui concerne les condamnations prononcées à l'étranger. Dans le cas de M. Fahmy, le gouvernement a décidé de ne pas révoquer sa citoyenneté. Malheureusement, le processus qui a mené à cette décision a semblé motivé par des considérations d'ordre politique, alors que la révocation de la citoyenneté est une chose sérieuse qui ne devrait pas découler d'une décision politique ou administrative. Étant donné que les Canadiens qui subissent des procès à étranger ne jouissent pas des protections de notre Charte, le fait de leur enlever leur citoyenneté dans ces circonstances est inapproprié.
En 2014, lorsqu'a été présenté le projet de loi qui a mené à la loi actuelle, j'ai souligné que la révocation de la citoyenneté des Canadiens condamnés à l'étranger pourrait être permise si une évaluation d'équivalence réaliste pouvait être effectuée. Après ce qui est arrivé à M. Fahmy, je n'ai plus aucun doute: la citoyenneté canadienne ne devrait être révoquée que pour des condamnations prononcées au Canada.
Deuxièmement, le seuil des peines actuel pour révoquer la citoyenneté dans le cas de délits terroristes est trop court. Bien qu'une condamnation pour terrorisme soit une affaire grave — et je crois que nous serons d'accord là-dessus —, la révocation ne devrait s'appliquer qu'aux personnes qui ont reçu de lourdes peines.
Troisièmement, la révocation ne devrait pas être automatique. Avant de se voir privés de leur citoyenneté, ces Canadiens devraient avoir le droit d'interjeter appel pour prouver qu'ils ont changé. Ce ne sont certes pas tous les terroristes qui vont se convertir aux idées de Nelson Mandela, mais le Canada devrait quand même laisser la porte ouverte à ceux qui le feront.
En ce qui concerne certains autres changements qu'il faudrait apporter à la loi, voilà ce que j'en dis.
La proposition d'éliminer l'intention de rester au Canada est une bonne idée. Bien qu'il n'y ait rien de mal à vouloir que les Canadiens vivent au Canada, les Canadiens ne devraient pas être dissuadés de jouer un rôle actif, mais plutôt encouragés à le faire sur la scène internationale.
Il est hypocrite de demander aux Canadiens de résider au Canada alors que notre gouvernement est en train de négocier des accords de libre-échange qui leur permettent de travailler à l'étranger. On ne peut pas promouvoir des accords de libre-échange qui permettent aux citoyens nés au Canada de travailler à l'étranger et exiger en même temps des citoyens naturalisés qu'ils vivent ici.
Je suis également en faveur d'autoriser certains résidents permanents à inclure, dans la période obligatoire avant de demander la citoyenneté, le nombre de jours où ils ont vécu au Canada avant de devenir résidents permanents. La contribution que les étudiants étrangers et les travailleurs étrangers temporaires font à la société avant de devenir résidents permanents devrait être reconnue. Je ne pense toutefois pas que la même reconnaissance devrait être accordée aux touristes. Bien qu'il soit important de promouvoir le tourisme, je ne pense pas que les étrangers qui viennent ici en vacances devraient bénéficier de cet avantage.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le président.
J'ai déjà comparu devant votre comité une bonne douzaine de fois, mais je crois que M. Tilson est le seul à m'avoir entendu avant. Je voulais juste vous le mentionner pour vous démontrer mon intérêt pour le domaine.
J'ai travaillé comme conseiller en matière de citoyenneté pour le ministère de l'Éducation au début de ma carrière. J'ai ensuite été chef de mission, ambassadeur et haut-commissaire en Syrie, au Liban, au Cambodge et à Sri Lanka, des endroits dont, à une époque ou à une autre, nous parvenait un nombre considérable de réfugiés ou d'immigrants. Depuis ma retraite de la fonction publique, je me suis concentré sur les réformes nécessaires en matière de politique sur l'immigration, les réfugiés et la citoyenneté. C'est donc en cette qualité que je comparais devant votre comité, ainsi que devant les comités sénatoriaux et les comités du Congrès américain.
En ce qui concerne le projet de loi, j'ai relevé un problème lié à l'assouplissement des exigences visant la période de résidence ouvrant droit à la citoyenneté. La période exigée sera parmi les plus courtes au monde. En Australie, on exige quatre années, mais aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande et en Irlande, c'est cinq ans. La Norvège, l'Allemagne et la Suisse exigent sept ans. De toute évidence, tous ces autres pays prévoient une période plus longue afin de déterminer si quelqu'un sera un bon citoyen. Parfois, les gens qui cherchent à obtenir la citoyenneté rapidement vont seulement installer leurs familles ici et aller travailler à l'étranger, en payant leurs impôts à l'étranger. Ce n'est pas le cas de la plupart des immigrants, mais certains le font.
D'autres dispositions du projet de loi C-6 qui gêneront davantage la création d'attaches des nouveaux arrivants avec notre pays, mis à part la réduction du nombre d'années de résidence permanente exigées pour obtenir la citoyenneté, sont celles qui prévoient un séjour moins long au Canada pendant chacune de ces années. De plus, les gens n'auront plus à déclarer leur intention de rester au pays après avoir obtenu la citoyenneté. Je crois que tous ces facteurs nuisent à l'engagement.
La disposition visant à réduire la tranche d'âge pour laquelle la compétence dans l'une des langues officielles est exigée est particulièrement mal fondée, à mon avis. Même si la plupart des Canadiens seraient d'accord pour dire que l'on n'exigera pas de la part des personnes ayant 65 ans et plus d'avoir des connaissances pratiques de l'anglais ou du français, les personnes se situant dans la fourchette de 55 à 64 ans travailleront pour la plupart, et l'absence de compétences dans au moins une de nos langues officielles limitera gravement leur employabilité et leur revenu potentiel.
L'absence de compétences linguistiques a en fait été repérée comme l'une des principales raisons pour lesquelles les immigrants qui sont arrivés ici au cours des dernières décennies coûtent très cher aux contribuables canadiens. Puisque les revenus de ces gens sont considérablement inférieurs à ceux des immigrants qui sont venus plus tôt au Canada ou aux gens nés au pays, ces personnes ont touché beaucoup plus d'avantages qu'ils n'en ont payés en impôt. On nous parle toujours des avantages économiques de l'immigration pour le Canada, mais la recherche montre bien que les immigrants qui sont arrivés au cours des dernières années nous coûtent environ 30 milliards de dollars par année.
Je ne m'oppose pas à toutes les dispositions du projet de loi C-6, mais celles que je viens de décrire réduisent considérablement la valeur de la citoyenneté canadienne, à mon avis.
Je trouve particulièrement inacceptable qu'il ne sera plus possible de révoquer la citoyenneté des gens ayant la double nationalité et ayant été condamnés pour trahison ou terrorisme. Nous avons un des plus généreux systèmes au monde pour ce qui est d'attribuer la citoyenneté. Je ne crois pas qu'il soit le moindrement déraisonnable, lorsque nous accueillons les nouveaux arrivants dans notre famille canadienne de citoyens, de leur faire savoir qu'ils peuvent perdre ce statut s'ils commettent par la suite des actes de trahison ou de terrorisme. La plupart des Canadiens ne seront pas convaincus par le prétexte qui veut que la déchéance de la citoyenneté établirait une citoyenneté à deux vitesses, ni par le mantra qui veut qu'un « Canadien est un Canadien ». Les Canadiens ont indiqué dans un sondage il n'y a pas très longtemps qu'ils appuient à 80 % la déchéance de la citoyenneté dans le cas de personnes condamnées pour trahison ou terrorisme.
J'aimerais ajouter que le fait d'assouplir les exigences pour l'obtention de la citoyenneté peut être utilisé à des fins politiques. On l'a bien vu lors de l'élection présidentielle de 1996 aux États-Unis, lorsque l'administration Clinton a accordé la citoyenneté de façon accélérée à plus d'un million de personnes afin de récolter ces votes pour le Parti démocrate. Le cas a été très bien documenté. Bon nombre de ces gens ne répondaient pas aux exigences.
Monsieur le président, pour terminer, j'aimerais vous faire une recommandation. Il faut effectuer au Canada un examen en profondeur de nos besoins en matière d'immigration et des gens qui en profitent. Nous avons certainement profité de l'immigration à des moments donnés dans notre histoire, lorsqu'il nous fallait plus d'habitants et lorsque c'était généralement avantageux pour des raisons économiques. Notre société est certainement plus riche en raison de la diversité apportée par l'immigration qu'il n'y a à peine quelques décennies.
Or, il ressort clairement que les niveaux d'immigration actuels et les politiques sur lesquelles ils se fondent ne servent pas l'intérêt de la plupart des Canadiens et subissent au contraire l'influence de groupes d'intérêts spéciaux — qui gagnent à ce que le bassin de main-d'œuvre soit le plus imposant possible, car cela leur permet de maintenir les salaires à un niveau peu élevé —, de secteurs de l'économie qui ont avantage à ce que la population n'arrête jamais de croître et de partis politiques qui y voient le moyen d'élargir leur base électorale. Les niveaux actuels d'immigration font peut-être croître l'économie et la population, mais ils ne font rien pour hausser le niveau de vie des Canadiens en général.
En fait, comme je l'ai dit plus tôt, l'immigration coûte 30 milliards de dollars aux contribuables par année, en plus d'avoir une incidence négative sur la qualité de vie des habitants des grandes villes comme Vancouver et Toronto, à cause de son effet sur la circulation et la distance à parcourir entre la maison et le bureau. Et c'est sans parler du prix des maisons, qui sont devenues carrément hors de prix pour la plupart des jeunes Canadiens, surtout dans des endroits comme Vancouver et Toronto.
Merci beaucoup, monsieur le président. C'est tout ce que j'avais à dire.
Merci à vous, monsieur Collacott.
La première série de questions sera divisée en blocs de sept minutes, et nous allons commencer avec Mme Zahid.
Vous disposez de sept minutes; on vous écoute.
Merci, monsieur le président. Avec votre permission, je vais profiter de cette occasion pour remercier tous les témoins de leur apport inestimable.
Ma première question s'adresse à M. Martin Collacott. En fait, j'aimerais tirer une chose au clair avant de poser ma question. Avez-vous encore des liens avec l'Institut Fraser?
J'en suis toujours un des collaborateurs émérites, mais je ne suis pas ici au nom de l'Institut, puisque je ne suis pas son employé. Je peux donc parler librement sans avoir à me justifier constamment.
D'accord.
En ce qui concerne les modifications que le projet de loi C-6 apporterait aux exigences linguistiques et aux tests de connaissances, vous auriez dit, selon ce qu'on peut lire dans le Vancouver Sun du 10 février, que ces changements visent à élargir la base électorale des libéraux. Vous auriez ajouté ceci : « Ils cherchent d'abord et avant tout à obtenir des votes, et non à aider [les néo-Canadiens] à s'intégrer socialement et économiquement. »
Pourriez-vous indiquer au comité sur quelles données et recherches vous vous êtes appuyé pour étayer votre théorie? Elle me semble en effet peu vraisemblable, puisque le projet de loi C-6 revient au système qui était en vigueur lorsque le gouvernement qui nous a précédés a obtenu un gouvernement majoritaire.
J'aimerais aussi savoir si vous détenez des données prouvant ce que vous avancez lorsque vous prétendez que les jeunes de 14 ans s'intègrent plus facilement à la société canadienne depuis que le projet de loi C-24 est en vigueur.
Premièrement, je dois dire qu'il s'agit d'une bonne question, et je vous en remercie.
Je me suis davantage intéressé aux gens de 55 à 64 ans. Selon moi, les jeunes réussiront probablement à apprendre assez de français pour se débrouiller. Je me suis donc concentré sur leurs aînés.
Il est évident que les personnes qui ne parlent pas assez bien le français auront du mal à trouver leur place, économiquement parlant, et à trouver un bon emploi. Il y a plein de recherches qui le prouvent, et c'est sur ces recherches que se fondaient mes commentaires.
Ma prochaine question s'adresse à M. Pagtakhan.
Dans un article paru le 4 mars sur cbc.ca, vous avez écrit que, pour les immigrants et réfugiés de la catégorie du regroupement familial, « les compétences linguistiques et le niveau de scolarité importent peu », puisque « ces catégories visent à réunir les familles ou à protéger les gens contre la persécution ». Dans la mesure où les immigrants les plus jeunes et les plus âgés qui, en vertu du projet de loi C-6, n'auront pas à subir d'examens de langues et de connaissances font justement partie de cette catégorie, estimez-vous que la modification des critères liés à l'âge pourrait empêcher les nouveaux citoyens de s'intégrer à la société canadienne?
Je conviens que revenir à la tranche d'âge qui est proposée dans le projet de loi... Franchement, si nous devons nous demander si une personne peut occuper un emploi, alors réglons la question au cours du processus d'immigration. Ces gens vivent ici depuis quatre ans dans le cadre de la loi actuelle, trois ans dans le cadre de l'ancienne loi, voire depuis plus longtemps.
Parfois, je me demande pourquoi ils doivent passer un test de connaissance linguistique lorsqu'ils présentent leur demande de citoyenneté. Si nous voulons que ces gens travaillent, étudient et vivent ici, nous devrions évaluer leurs connaissances à cet égard au point d'entrée. Si nous décidons que les immigrants de la catégorie du regroupement familial n'ont pas à confirmer leurs compétences linguistiques, ce qui, à mon avis, serait la bonne chose, pourquoi leur faire passer le test et dépenser de l'argent? Je trouve que cela n'a aucun sens.
Honnêtement, je crois qu'il ne devrait pas y avoir de test de connaissance linguistique, mais si vous voulez que cela s'applique aux adultes de 18 à 54 ans, allez-y. Faciliter les choses pour une partie des gens.
Ma prochaine question s'adresse aux représentantes du Conseil canadien pour les réfugiés.
J'aimerais revenir sur votre recommandation visant à modifier la Loi sur la citoyenneté pour que les jeunes de moins de 18 ans sans parent ou tuteur légal au Canada aient le droit de demander la citoyenneté.
À votre avis, dans quel type de situation cette disposition s'appliquerait-elle? Ne devrait-il pas y avoir un lien important avec le pays, si nous devions accorder la citoyenneté à un mineur sans parent ou tuteur légal?
Je vous remercie de la question.
Par exemple, supposons que des enfants de mêmes parents s'enfuient au Canada, et que l'un est un peu plus vieux que l'autre. Ce sont des mineurs non accompagnés. Ils sont reconnus en tant que réfugiés au Canada. Ils présentent une demande de résidence permanente puisqu'ils peuvent le faire.
L'aîné, qui a plus de 18 ans, après avoir répondu à toutes les exigences prescrites par la loi, peut faire une demande de citoyenneté, mais l'autre, qui est plus jeune, n'a pas le droit de le faire parce que selon les dispositions sur l'obtention de la citoyenneté, il faut avoir plus de 18 ans ou être accompagné de son parent qui est citoyen ou qui fait une demande de citoyenneté.
La personne mineure qui peut avoir vécu... Dans certains cas, les gens ont passé la majeure partie de leur enfance au Canada, mais ils n'ont pas ce parent qui leur permettrait de présenter une demande de citoyenneté. À l'heure actuelle, le seul choix qu'ont ces personnes, c'est de demander une exemption d'ordre humanitaire, mais certains aspects ne sont pas clairs du tout. Quelle est la façon de procéder? Est-ce que quelqu'un le fera en leur nom ou devront-ils trouver comment le faire? Nous avons l'impression qu'il existe une discrimination assez sérieuse à l'égard des jeunes.
Vous avez parlé d'une autre question concernant l'appel. Pour ce qui est de l'établissement de meilleurs droits pour la perte de citoyenneté fondée sur des actes frauduleux ou de fausses déclarations, pourriez-vous en dire davantage sur les éléments que vous intégreriez dans le processus de décision et d'appel à cet égard dans le projet de loi C-6?
Actuellement, si le ministre a des motifs raisonnables de croire qu'une personne s'est, par exemple, livrée à des actes frauduleux ou a fait des fausses représentations lorsqu'elle a demandé sa citoyenneté, il avise la personne en question que sa citoyenneté pourrait être révoquée, et cette dernière peut seulement faire valoir ses arguments par écrit. C'est le ministre qui décide s'il y aura une audience ou non.
Sur réception des arguments écrits, le ministre décide s'il y a lieu de révoquer la citoyenneté du citoyen visé. Dans l'affirmative, le citoyen, qui devient dès lors un étranger habitant au Canada, peut seulement demander à la Cour fédérale d'autoriser le contrôle judiciaire de cette décision. Aucun nouvel élément de preuve ne peut être présenté à la Cour fédérale.
Autrement dit, le processus associé à la perte de la citoyenneté pour cause de fausse représentation ou de fraude est assorti de garanties procédurales moindres que celui associé, par exemple, à la perte de la résidence permanente pour fausse représentation, parce que la personne visée pourrait alors s'adresser au tribunal d'appel.
Merci, monsieur le président. Premièrement, j'aimerais remercier tous les témoins qui se sont déplacés aujourd'hui, et plus particulièrement ceux qui nous viennent d'une autre province.
Je tiens tout d'abord à dire qu'à notre avis, les néo-Canadiens enrichissent et renforcent notre pays. Leur expérience et leur point de vue nous rendent plus forts. L'immigration constitue un pan important de notre identité canadienne et de l'avenir de notre nation. Nous voulons que les nouveaux arrivants aient toutes les chances de réussir, de connaître la prospérité économique, de jouir des nombreuses libertés dont nous jouissons et de vivre à l'abri du danger.
Ma première question porte sur l'intention de résidence. Il ne s'agit pas ici de restreindre la mobilité des nouveaux citoyens.
Ma question s'adresse à M. Collacott. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez du fait que le projet de loi C-6 fera disparaître l'intention de résidence?
D'accord, il faut que les gens qui viennent d'obtenir leur citoyenneté puissent avoir une certaine marge de manoeuvre se rendre à l'étranger. Mais on commet une grave erreur en leur disant qu'on n'attend pas d'eux qu'ils restent au Canada. Selon moi, il devrait à tout le moins y avoir une forme d'engagement général. L'abrogation de cette disposition soulève des questions dans mon esprit quant au sérieux des liens que nous nous attendons à ce que les nouveaux arrivants tissent avec le Canada.
Pourquoi est-il important que les néo-Canadiens connaissent leur futur pays et parlent l'une de ses deux langues officielles?
Je m'adresse à M. Pagtakhan.
Je crois que la connaissance d'une des deux langues est importante, mais de là à tester les connaissances des gens lorsqu'ils présentent leur demande de citoyenneté... selon moi, on devrait le faire dès qu'ils arrivent en sol canadien.
En fait, ce qu'il faut se demander c'est: cette personne peut-elle occuper un emploi? Peut-elle s'intégrer? Peut-elle cadrer dans la société? Si la personne en question est au Canada depuis trois ans et qu'elle ne parle pas assez français ou anglais pour répondre oui à ces questions, pourquoi l'a-t-on autorisée à venir s'installer ici?
Si on autorise une personne à immigrer au Canada parce qu'elle a qualité de réfugié ou de personne à protéger sans lui demander de faire un examen de langue, pourquoi irait-on la pénaliser plus tard en lui refusant sa citoyenneté sous prétexte qu'elle n'a pas appris le français assez rapidement?
Les examens de français et d'anglais ont leur raison d'être lorsqu'on en a établi la valeur au préalable, dès le point d'entrée. Si on n'impose aucune exigence linguistique aux gens à ce moment-là, pourquoi leur ferait-on subir un examen plus tard? Ce n'est pas trois ou quatre ans après leur arrivée qu'il faut penser à l'employabilité des nouveaux arrivants.
En effet. En tant qu'ancienne professeure de langues pour adultes, je dirais que l'obligation de posséder certaines connaissances tombe sous le sens. Il est très important de pouvoir tenir une conversation courante pour s'intégrer à la société. Très souvent, il existe des tensions dans les collectivités où il y a plusieurs groupes culturels à cause de l'incompréhension due à la barrière de la langue.
J'aimerais vous poser une question, monsieur Collacott, au sujet de l’exigence relative à la compétence linguistique et au besoin d'intégration.
Ce sont là deux questions. Merci, madame Wong.
Tout d'abord, le simple fait d'admettre des gens au Canada en tant que résidents permanents ne signifie pas qu'ils doivent parler couramment anglais. Ils doivent effectivement posséder une certaine maîtrise de la langue s'il s'agit de migrants économiques qui devront intégrer immédiatement le marché du travail.
Les Australiens, par exemple, s'assurent que les gens parlent suffisamment l'anglais pour pouvoir poursuivre la carrière escomptée, mais ils exigent également que les membres de la famille de ces immigrants apprennent l'anglais, à leurs frais. Je crois qu'il ne s'agit pas seulement d'avoir obtenu le droit de s'établir. Il faut pouvoir parler la langue couramment.
En toute honnêteté, bien des gens de la communauté de ma femme, qui est vietnamienne, n'ont pas encore appris l'anglais après plus de 20 ans au Canada. Ils sont coincés dans des enclaves ethniques où ils ne peuvent que travailler en vietnamien. C'est un véritable problème. Il faut faire en sorte que les gens parlent un anglais acceptable s'ils sont encore assez jeunes pour faire partie de la main-d'oeuvre, sinon cela va nous coûter très cher.
Vous avez aussi parlé du besoin d'immigration en général. J'en ai parlé brièvement. Nous avons eu besoin de nombreux immigrants à certaines périodes de notre histoire. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Nous ne sommes pas aux prises avec d'importantes pénuries de main-d'oeuvre, malgré ce qu'en disent régulièrement les employeurs. Des études menées par les banques et le directeur parlementaire du budget le démontrent. On ne manque pas vraiment de travailleurs canadiens qualifiés, et on dispose de l'infrastructure d'enseignement nécessaire pour répondre à nos besoins, alors nous n'avons pas vraiment besoin de beaucoup d'immigrants. Cette immigration n'est pas motivée par nos besoins, mais par des groupes de pression.
J'aimerais qu'on procède à un examen complet de ces questions et qu'on discute des deux côtés de la médaille.
Merci.
En tant qu'ancienne professeure de langues, j'ai demandé à un aîné pourquoi il apprenait l'anglais. Il m'a répondu qu'il voulait pouvoir parler avec ses petits-enfants, qui ne s'exprimaient qu'en anglais. J'admire beaucoup les personnes âgées. Il me semble que c'est faire preuve de discrimination que d'affirmer qu'ils sont incapables d'apprendre l'anglais. Ma question porte donc encore sur la capacité ou le besoin d'apprendre l'anglais.
J'ai une autre anecdote à vous raconter. J'ai été très impressionnée lorsqu'une nouvelle arrivante, qui venait peut-être d'un autre pays non européen, posait des questions dans la cafétéria d'une université. J'ai été très impressionnée de voir les jeunes essayer de l'aider à apprendre l'anglais. Autrement dit, ce n'est pas seulement une question de loi si nous exigeons que ces gens possèdent une certaine connaissance de l'anglais lorsqu'ils arrivent dans le giron canadien. C'est aussi parce que nous voulons les encourager à prendre les moyens...
Je crois que c'est là le défi. Le gouvernement devrait permettre à ces nouveaux réfugiés ou immigrants d'être réunis avec leur famille afin qu'ils puissent vraiment appendre l'anglais et avoir cet incitatif important.
J'aimerais poser cette question à Mme Stone.
Malheureusement, madame Wong, il ne vous reste plus de temps. Vos sept minutes sont écoulées.
Madame Kwan, vous avez sept minutes, s'il vous plaît.
Merci beaucoup.
Merci à tous nos témoins. J'aimerais revenir sur la question de la langue et des obstacles, pour ainsi dire, à l'obtention de la citoyenneté.
Madame Dench ou madame Stone, en ce qui concerne la langue, d'après vos expériences de travail avec les gens de votre organisation, quels sont ces obstacles? Comment se fait-il, par exemple, que des gens n'arrivent pas à atteindre le niveau de maîtrise de la langue requis pour obtenir la citoyenneté? D'après vous, quelles mesures devraient être en place pour corriger la situation?
Merci de la question.
Je pense qu'il y a plusieurs niveaux d'obstacles.
Il y a l'apprentissage des langues. Je pense que l'expérience de nos membres, c'est que les gens qui s'adressent à nous, dont bon nombre sont des réfugiés et des immigrants de la catégorie du regroupement familial, veulent apprendre l'anglais ou le français. Ils sont parfois soumis à des pressions qui font en sorte qu'il leur est difficile de suivre des cours de langue à temps plein. Par exemple, les réfugiés qui doivent payer le prêt de transport jugent qu'ils doivent trouver un emploi pour gagner de l'argent et manquent donc des cours de langue.
Bon nombre d'entre eux finissent par apprendre l'anglais ou le français, mais n'en ont pas nécessairement la preuve. Maintenant, avec les changements apportés au programme de citoyenneté, vous devez passer un examen. Selon l'endroit où vous vivez, vous pourriez devoir vous déplacer pour faire l'examen. Vous devez payer des centaines de dollars pour faire l'examen.
De plus, un examen peut être difficile pour les gens qui, par exemple, ont subi des actes de torture ou qui sont faciles à traumatiser. De plus, les personnes âgées peuvent être nerveuses, et c'est l'une des situations dont on a entendu parler. Par exemple, quelqu'un qui a passé sa vie dans un camp de réfugiés a eu un accès très limité à l'éducation. Les gens viennent au Canada et sont en mesure de faire leurs courses en anglais ou en français, mais un examen officiel peut être très stressant et difficile pour eux.
Par conséquent, dites-vous que nous devrions éliminer l'exigence préalable visant à prouver son niveau de compétence linguistique? Ensuite, en ce qui concerne les connaissances, les connaissances sur le Canada, pour passer l'examen, êtes-vous en faveur de l'approche adoptée avant le projet de loi C-24, où des interprètes étaient mis à la disposition des gens pour prouver qu'ils possèdent des connaissances sur le Canada, et où l'on mettait moins l'accent sur les compétences linguistiques?
Depuis l'adoption du projet de loi C-24, il faut effectivement que l'examen de citoyenneté soit réussi en anglais ou en français, sans l'aide d'un interprète.
Le CCR tire des enseignements des expériences vécues sur le terrain par chacune de ces 180 organisations membres. Je fais partie de l'une de ces organisations, l'Inter Clinic Immigration Working Group. Nous sommes les spécialistes en immigration dans les cliniques d'aide juridique partout en Ontario.
Depuis 2012, c'est-à-dire depuis que l'on exige une preuve de compétence linguistique dès le dépôt de la demande de citoyenneté sans quoi celle-ci est retournée, et depuis que l'on a refait le test de connaissances pour l'obtention de la citoyenneté afin de le rendre considérablement plus difficile, ce qui a entraîné une augmentation de 30 % des taux d'échec, l'accès à la citoyenneté est vraiment devenu un secteur de croissance pour les cliniques d'aide juridique. Il semble désormais pratiquement normal de recourir aux services d'un avocat pour obtenir la citoyenneté. C'est donc devenu un problème d'accès à la justice.
Merci.
Vous avez aussi abordé dans votre exposé la question des contraintes financières. Pouvez-vous prendre un instant pour nous en dire plus long à ce propos? J'aurai ensuite une question sur un autre sujet.
Oui, les obstacles financiers ne sont pas à négliger, surtout pour les grandes familles. Bon nombre de réfugiés syriens sont arrivés ici accompagnés de nombreux enfants, et nous nous demandons déjà comment ils vont s'y prendre pour payer les droits exigés, sans compter les sommes que certains devront aussi verser pour les test visant à confirmer leurs compétences linguistiques.
Il va de soi que bien des gens en font une priorité et vont parvenir à rassembler les sommes requises, mais il en restera toujours qui ne pourront pas payer ces droits qui ont augmenté de façon très significative. C'est donc effectivement devenu un obstacle. Nous ne croyons pas que l'on devrait empêcher les gens incapables de travailler pour économiser l'argent nécessaire — notamment en raison de problèmes de santé — d'avoir accès à la citoyenneté.
Le projet de loi C-24 a aussi apporté une modification suivant laquelle l'accès à la citoyenneté canadienne est impossible pour un individu ayant commis un acte criminel à l'étranger.
M. Pagtakhan en a d'ailleurs traité dans sa déclaration préliminaire.
J'aimerais bien savoir, mesdames Dench et Stone, si vous êtes d'accord avec l'idée d'empêcher les personnes inculpées d'un acte criminel à l'étranger d'avoir accès à la citoyenneté, ou si vous croyez plutôt que chaque cas devrait être évalué selon ses circonstances particulières, compte tenu par exemple de ce qui est arrivé avec M. Fahmy?
Je crois que tous les membres du CCR conviendraient qu'il vaut mieux procéder au cas par cas, si cela est vraiment nécessaire. Il peut y avoir inculpation à l'étranger dans toutes sortes de situations. Un témoin a soulevé la semaine dernière l'hypothèse qu'un gouvernement étranger pourrait profiter de l'occasion pour déposer des accusations contre un dissident venu au Canada dans le but de l'empêcher d'avoir accès à la citoyenneté canadienne, ce qui est assurément injuste.
Je vous remercie.
Si j'ai encore du temps, j'aurais une question concernant l'accès à la citoyenneté pour les personnes de moins de 18 ans.
Vous nous avez très bien expliqué pourquoi cela posait problème, mais j'aimerais savoir quelles solutions vous proposez?
Nous voudrions que la loi soit modifiée pour empêcher toute discrimination en fonction de l'âge de telle sorte qu'une personne de moins de 18 ans satisfaisant à tous les autres critères applicables puisse faire une demande de citoyenneté.
Il est possible que le consentement des parents soit nécessaire dans certains cas, mais un enfant qui n'a ni parent ni tuteur légal devrait pouvoir demander la citoyenneté.
C'est une question qui préoccupe beaucoup le CCR, et nous exhortons le Canada à signer la Convention de 1954 relative au statut des apatrides.
Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps de parole avec M. Tabbara.
Monsieur Collacott, vous avez acquis une expérience considérable dans le domaine de l'éducation, étant donné votre travail au ministère de l'Éducation de l'Ontario et vos projets de mise en oeuvre de programmes d'enseignement de l'anglais, langue seconde, et de formation d'enseignants. Comme vous le savez peut-être, on enseigne aux écoliers canadiens que, pour effectuer un projet ou une recherche scientifique, il faut établir une hypothèse, procéder à une étude et à une cueillette de données, pour ensuite en tirer des conclusions.
Pour faire suite à la question de ma collègue, sur quoi fondez-vous votre déclaration publique selon laquelle les libéraux proposent des modifications au projet de loi C-24 dans le but de recueillir des votes?
De nombreux éléments, dont certains remontent loin dans le temps, indiquent que les politiques des libéraux visent à favoriser certaines communautés culturelles en particulier. Assurément, les conservateurs ont eux aussi courtisé les communautés immigrantes durant la campagne électorale de 2011, mais ils l'ont fait en se basant sur des politiques conservatrices. Selon moi, les libéraux ont une longue tradition consistant à favoriser certains groupes d'immigrants afin de gagner leur faveur.
Par exemple, le gouvernement libéral a joui d'un appui très fort de la part de la communauté pendjabie et voilà que le Cabinet compte quatre ministres pendjabies. Aucun ministre d'origine chinoise ou hindoue n'a été nommé, bien que ces communautés représentent une partie beaucoup plus grande de la population.
D'aucuns pourraient faire valoir que les libéraux — les libéraux surtout, car ils ne sont pas les seuls — ont courtisé certains groupes ethniques dans le but de gagner leur appui électoral. On pourrait écrire tout un livre sur la question.
Je le répète, je n'exclus pas complètement les autres partis...
Vous venez de reconnaître que le Parti conservateur a lui aussi ciblé le vote ethnique.
En ce qui concerne le projet de loi qui nous occupe, une professeure de l'Université d'Ottawa entendue plus tôt aujourd'hui a souligné qu'il est très commode de rédiger une loi qui punit ceux que l'on perçoit comme des criminels.
Ne convenez-vous pas que le projet de loi C-6 vise à faire ce qui est juste plutôt que ce qui est commode? Seriez-vous prêt à revenir sur votre affirmation selon laquelle le projet de loi ne vise qu'à gagner des voix?
Je ne dirais pas que c'est son seul objectif. Il facilite assurément l'accès à la citoyenneté — trop même, selon moi.
On a de solides raisons de penser qu'il s'agit d'acquérir des appuis politiques. Je ne crois pas que ce soit le moment, mais je serais ravi de prendre part à un débat en bonne et due forme sur cette question dans le futur. Je crois pouvoir présenter des éléments prouvant que j'ai raison.
Merci.
Merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
Ma question est pour vous, monsieur Pagtakhan.
La dernière fois que vous avez comparu devant le Comité au sujet du projet de loi C-24, vous l'avez généralement appuyé. Vous avez toutefois désapprouvé le rejet d'une mesure voulant que certaines périodes passées à l'extérieur du Canada soient prises en compte dans le calcul de la durée de résidence. Vous avez dit que vous pensiez que le temps qu'un résident permanent passe à l'étranger pour occuper un emploi à temps plein au sein d'une entreprise canadienne devrait compter comme du temps passé au Canada.
Je sais que vous êtes un avocat spécialisé en immigration et que vous travaillez entre autres avec des gens d'affaires qui sont venus au Canada en tant que résidents permanents et qui se sont établis ici. La citoyenneté peut avoir été accordée aux membres de leur famille, mais pas à vos clients compte tenu de leur travail à l'étranger.
Pouvez-vous nous faire part de votre expérience et peut-être nous donner certains exemples? Pouvez-vous également nous faire part de certaines de vos propositions en vue de régler cette question?
Ma proposition est que tous les jours pouvant servir à satisfaire aux conditions de maintien de la résidence permanente devraient compter dans le calcul de la durée de résidence en vue de l'obtention de la citoyenneté.
Nous avons vu la situation de nos clients dont toute la famille vit ici alors qu'ils travaillent à l'étranger pour une entreprise canadienne qui crée des emplois canadiens et qui y vend des produits canadiens, et qui rapatrie ensuite l'argent au pays. Ces clients ne sont pas admissibles à la citoyenneté parce qu'ils doivent travailler à l'étranger dans le cadre de leurs fonctions. On peut soutenir qu'ils en font davantage pour le Canada que certaines personnes qui sont au pays ou qui y sont nées. Je crois que ces personnes devraient pouvoir calculer les jours qu'ils ont passés à l'étranger en vue de l'obtention de la citoyenneté.
Vous avez parlé d'une entreprise canadienne. Il y a peut-être aussi des personnes qui occupent un poste, par exemple, dans un établissement d'enseignement postsecondaire ou une université, ou des personnes qui n'ont pas un emploi canadien. Pouvez-vous décrire, le cas échéant, si nous devrions faire preuve de souplesse à leur endroit? Vous avez seulement donné l'exemple de ceux qui travaillent pour une entreprise canadienne.
Leur situation serait beaucoup plus compliquée. S'ils accompagnent un conjoint canadien à l'étranger, leur séjour devrait selon moi servir au calcul en vue de l'obtention de la citoyenneté, car cela respecte les règles relatives à la résidence permanente.
Monsieur Tabbara, vous laissez entendre qu'un résident permanent canadien qui travaille dans une université étrangère depuis un certain nombre d'années risque de perdre son statut de résident permanent parce qu'il travaille à l'extérieur du pays, mais pas pour une entreprise canadienne. Dans cette situation, le résident ne serait même pas admissible et risquerait de perdre son statut de résident permanent. Faites une croix sur sa citoyenneté. Il ne pourrait même pas conserver son statut de résident permanent.
Alors vous êtes toujours d'avis que lorsqu'il s'agit d'un emploi canadien, il faudrait tenir compte de cette période en vue de l'obtention de la citoyenneté.
Oui, et il y a des précédents qui établissent précisément ce que signifie un emploi canadien à l'étranger. Il ne s'agit donc pas d'une sorte d'arnaque où quelqu'un crée une société de portefeuille et déménage ensuite à la Barbade ou à un endroit similaire. Lorsque les précédents servent à déterminer si les conditions de maintien de la résidence sont respectées, je pense que c'est encore une fois la bonne façon de procéder.
... mais je peux vous parler d'une demande que je viens tout juste de recevoir concernant le cas d'un vendeur qui travaille à l'étranger pour un grand fabricant canadien.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Collacott, vous avez soulevé la question de l'âge et parlé de la situation des demandeurs qui ont entre 14 et 18 ans, ou entre 55 et 65 ans, qui ne seraient plus assujettis aux exigences linguistiques. J'ai beaucoup de difficulté à comprendre la logique.
Pour le groupe des 14 à 18 ans, on semble dire que ces jeunes vont apprendre les langues à l'école. Par contre, même si la plupart de nos écoles — pas toutes, mais la grande majorité — sont francophones ou anglophones, si on ne parle ni français ni anglais, cela pose problème.
C'est la même chose pour le groupe des 55 à 65 ans. Il y a beaucoup de gens qui travaillent au-delà de 65 ans, sans compter les 55 à 65 ans, et la plupart des emplois au pays exigent qu'on parle français ou anglais. Non seulement cela, mais ces deux groupes doivent maîtriser l'anglais ou le français pour bien comprendre les lois canadiennes. Comme on l'a dit tout à l'heure, les personnes appartenant à ce groupe d'âge ont souvent vécu un traumatisme, et je suppose que c'est le cas de certains d'entre eux.
En gros, j'ai l'impression qu'on nivelle par le bas les exigences relatives à la citoyenneté canadienne, qui est si précieuse pour nous. Nous sommes prêts à accueillir parmi nous de nouveaux citoyens canadiens, pourvu qu'ils se conforment à nos règles. Avez-vous quelque chose à dire là-dessus, monsieur?
La question des langues me préoccupe grandement, monsieur Tilson, surtout pour les personnes se situant dans la fourchette de 55 à 64 ans.
J'ai mentionné avoir été conseiller en citoyenneté au gouvernement de l'Ontario pendant un certain temps. J'étais responsable des cours d'anglais offerts aux immigrants, puis j'ai passé cinq ans sur l'île de Bornéo, avec l'Agence canadienne de développement international, à mettre sur pied un programme de cours d'anglais pour les écoles chinoises. J'ai donc huit ans d'expérience dans le domaine.
Nous savons qu'il est essentiel d'apprendre et de maîtriser l'anglais pour bien fonctionner sur le marché du travail. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles cela nous coûte 30 milliards de dollars par année, parce que les immigrants ne réussissent pas aussi bien et ne gagnent pas autant d'argent que par le passé.
Honnêtement, je crois qu'on fait fausse route en assouplissant les exigences linguistiques. Je pense que nous pourrions en discuter plus longuement. J'ai travaillé pendant huit ans dans le domaine de la formation linguistique, alors j'en ai beaucoup à dire sur le sujet.
Mis à part ce que vous nous avez dit, je n'ai pas entendu d'autres arguments en faveur de l'élimination de cette exigence linguistique pour les groupes de 14 à 18 ans et de 55 à 65 ans. Avez-vous entendu parler des études ou des raisons évoquées par le gouvernement? À ma connaissance, le gouvernement n'a pas justifié sa décision. Il veut simplement défaire ce que nous, les conservateurs, avons fait.
Je présume qu'il a une raison d'agir ainsi. Il a certainement mené des études pour justifier ce changement. En avez-vous entendu parler?
Non. Lorsqu'il est arrivé au pouvoir, le gouvernement a indiqué qu'il souhaitait mettre en place des politiques fondées sur des données probantes. Toutefois, il n'y a aucune donnée probante qui justifie un tel changement. Je crois que c'est une erreur.
Quelqu'un m'a demandé s'il y avait des raisons pour lesquelles le gouvernement faisait appel au vote ethnique. Je pense qu'il s'agit d'un bon exemple. Il y a beaucoup de gens qui veulent acquérir la citoyenneté, mais qui ne sont pas prêts, parce qu'ils ne parlent pas suffisamment anglais. Pour diverses raisons, je considère que c'est une mauvaise décision. Il n'y a pas de preuves à l'appui.
Évidemment, si les gens ne peuvent parler ni français ni anglais, que ce soit des réfugiés ou des citoyens, ils ne peuvent pas travailler. En fait, ce n'est pas vrai. Il y a certains emplois où ce n'est pas nécessaire. Mais qu'est-ce qui va arriver à ces immigrants? Je crois que je connais la réponse, mais je vais tout de même m'en remettre à vous, monsieur Collacott.
Essentiellement, ils devront se contenter d'un emploi au sein de leurs communautés ethniques, où ils n'ont pas besoin de parler une autre langue que leur langue maternelle et où ils ne participeront pas à l'économie en général. Leurs possibilités seront très limitées, et la plupart d'entre eux vivront probablement dans la pauvreté pour le reste de leur vie au Canada.
Merci, monsieur le président.
D'abord, j'aimerais remercier tous les témoins. Tous les témoignages ont été très utiles.
Je me demandais si je pouvais poser des questions à Mme Dench à propos de ses commentaires sur la prise en compte du temps passé au Canada avant de devenir un résident permanent. En passant, c'est incroyable à quel point vos observations sont fouillées. Elles sont très utiles.
Je remarque, dans les recommandations que vous faites ici, tout d'abord, que vous dites: « Nous appuyons la période proposée de résidence pour l'admissibilité correspondant à trois des cinq dernières années », ce qui est fantastique, puisque cela correspond à ce que prévoit le projet de loi C-6. Il y a aussi une autre recommandation où vous affirmez souscrire en principe à l'idée de prendre en compte le temps passé par les gens ici auparavant. Vous dites: « Nous sommes en faveur de permettre aux demandeurs de prendre en compte au moins une année au Canada avant d'obtenir la résidence permanente. »
À votre avis, serait-il sensé de prendre en compte plus qu'une année? Y aurait-il des avantages à cela?
Nous n'avons pas étudié cette question précise. Auparavant, la règle était que la moitié du temps passé au Canada vous était accordée, jusqu'à concurrence d'un an. Malheureusement, la réalité est que beaucoup de réfugiés, d'aides familiaux résidants et d'autres personnes en attente de la résidence permanente mettent trop longtemps à devenir résidents permanents. Notre priorité consiste davantage à veiller à ce que ces gens obtiennent leur statut de résident permanent dès que possible, parce que cette incertitude est très éprouvante pour ces gens.
Une partie de cela — dans les cas des réfugiés et des aides familiaux résidants — tient au fait que ces personnes sont forcément séparées de leur famille. Dans l'intervalle, pendant qu'elles attendent d'obtenir leur résidence permanente, elles sont souvent séparées de leur époux et de leurs enfants. Nous vous demandons instamment de leur donner la priorité et d'accélérer le traitement de leur dossier. Le gouvernement a dit qu'il souhaite accélérer le traitement des demandes d'immigration présentées au titre de la catégorie du regroupement familial, mais nous voudrions souligner qu'il y a des personnes, soit les réfugiés et les aides familiaux résidants, qui n'appartiennent pas à la catégorie du regroupement familial et qui doivent attendre encore plus longtemps.
Je crois comprendre que vous êtes d'accord avec l'idée de prendre en compte le temps passé, mais que vous ne croyez pas que cela aiderait les gens dont vous venez de parler si davantage de temps passé était pris en compte pour l'obtention de leur résidence permanente.
Je réponds en m'appuyant sur les positions prises par notre organisme. Nous n'avons pas de position précise là-dessus, mais nos membres nous disent constamment à quel point il est important pour les réfugiés et les autres migrants vulnérables d'obtenir leur citoyenneté dès que possible. C'est un enjeu majeur en pratique, mais il est aussi question de se sentir en sécurité au Canada.
Merci.
Maintenant, j'aimerais poser une question à M. Pagtakhan.
Monsieur Pagtakhan, j'ai examiné le témoignage que vous avez présenté il y a deux ans, et aujourd'hui je remarque des changements dans ce que vous considérez comme des priorités. Je suis quelque peu surpris que vous pensiez encore que la révocation de la citoyenneté devrait être permise pour toutes sortes de cas où des actes de trahison ou de terrorisme ont été commis.
Est-ce que j'ai raison de penser que vous êtes en faveur de cela?
Tout à fait.
Vous savez sans doute que cette question en particulier fait l'objet de plusieurs contestations judiciaires. Avez-vous des commentaires à cet égard?
Les tribunaux vont rendre les décisions qu'ils vont rendre. Le Parlement a pour rôle, et je crois que tous les députés ont pour rôle, de mettre de l'avant ce qu'ils croient être une loi juste. Si les tribunaux l'invalident ou la maintiennent, c'est leur décision, et c'est leur rôle dans le processus.
Je n'ai aucune objection à ce que les gens contestent des lois devant les tribunaux. Je crois que c'est tout à fait convenable dans notre démocratie.
J'ai vu certains des arguments, et les arguments sont bons. Les bons avocats font de bons arguments. Janet formule des arguments spectaculaires. Je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'elle a dit aujourd'hui, mais elle s'exprime très bien.
Dans une situation où une personne a été déclarée coupable au Canada, hors de tout doute raisonnable, et qu'elle a déjà bénéficié de toutes les protections prévues dans la Charte, si le Parlement disait qu'il devrait y avoir une procédure pour révoquer leur citoyenneté, je crois que ce serait approprié.
Si la Cour suprême n'est pas d'accord avec moi, je crois que sa position compte plus que la mienne. Mais tant que la Cour suprême n'est pas en désaccord avec moi, cela demeure ma position. En fait, je pourrais bien rester de cet avis même si elle n'était pas d'accord avec moi.
Permettez-moi de poser la question suivante, parce qu'elle a fait l'objet d'un débat animé également avec les témoins précédents.
Pourquoi avez-vous l'impression que...
Merci, monsieur Ehsassi, mais le temps est écoulé.
J'aimerais remercier tous les témoins de leur présence aujourd'hui.
Je veux rappeler rapidement à tous les membres du Comité que nous passons la semaine prochaine dans nos circonscriptions, mais que le vendredi 29 avril à 17 heures est l'échéance pour soumettre des mémoires à la greffière du Comité.
Merci. La séance est levée.
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