:
Merci, monsieur le président. Je suis ravi d'être ici. C'est un honneur pour moi qu'un groupe de gens accomplis et d'expérience me consulte.
Je vais vous parler brièvement de mon parcours. L'an dernier, je suis retourné à Vancouver avec ma famille après avoir vécu à Boston pendant près de 20 ans. J'y ai fait mes études en économie, à Harvard, et j'ai passé presque une décennie à la Harvard Business School. Mes recherches portent surtout sur l'aide extérieure, mais j'étudie un certain nombre d'autres aspects du développement économique. Une partie de mes recherches sur l'aide extérieure porte sur les décisions sur l'allocation de l'aide que prennent les pays donateurs. Il est donc d'autant plus intéressant pour moi de comparaître devant votre comité.
J'ai également gardé un pied dans le monde concret, en travaillant, pendant mes études supérieures, aux questions relatives aux réfugiés en Ouganda et, pendant une courte période, pour la Millennium Challenge Corporation, un organisme d'aide gouvernementale américain, pendant l'année où elle commençait ses activités, et j'ai agi à titre de conseiller du gouvernement du Libéria sur la politique économique. Depuis mon retour à Vancouver, je contribue au travail de l'Université Simon Fraser dans le cadre de l'ICIRD, l'Institut canadien international des ressources et du développement; j'étudie des questions liées à la gouvernance des ressources.
Je veux dire que je serai à la disposition du Comité — de ses membres et des analystes — dans la mesure où ce sera utile.
Le Canada est la 10e puissance économique dans le monde. Sa contribution concernant le PIB des économies avancées est légèrement supérieure à 3 %, ce qui veut dire que lorsque les choses vont bien, nous pourrions consacrer plus de 5 % des dépenses au bien public mondial. Cependant, 5 %, c'est une donnée un peu bizarre. Si nous faisons bien les choses, nous pouvons cibler une poignée de problèmes, travailler dans un petit nombre d'endroits et vraiment aller plus loin et produire des changements. Si le travail est effectué sans objectif précis, c'est comme si l'on essayait de faire bouillir l'océan.
Qu'en est-il de l'aide extérieure que le Canada a fournie jusqu'à maintenant? Je ne sais pas si vous avez reçu le document que j'ai envoyé. Oui? D'accord. Je peux y faire référence.
J'ai examiné la liste des 10 principaux pays bénéficiaires de l'aide de la dernière année sur lesquels l'OCDE a fourni les données. Le premier pays sur la liste, c'est l'Ukraine, qui a reçu environ 130 millions de dollars américains. La Jordanie et la Cisjordanie et la bande de Gaza sont respectivement au 9e et 10e rang sur la liste. Par la suite, j'ai fait une comparaison entre leur PIB et l'aide totale que d'autres donateurs fournissent à ces pays. En examinant le document, vous constaterez qu'il n'y a qu'un seul pays pour lequel nous donnons l'équivalent de 1 % du PIB, et il s'agit d'Haïti. Pour la plupart des autres, on parle de moins de 0,5 % de leur PIB.
Si l'on examine la part de l'aide que reçoivent tous nos pays bénéficiaires, on remarque que l'Ukraine et les Philippines sont en tête de liste; nous leur donnons près de 10 % de l'aide qu'ils reçoivent, et ce ne sont pas des pays qui dépendent beaucoup de l'aide. Ce sont des pays à revenu intermédiaire qui ne dépendent pas vraiment beaucoup de l'aide au développement. Si l'on examinait les pays auxquels nous donnons au moins l'équivalent de 0,5 % de leur PIB, et nous contribuons pour au moins 5 % de l'aide totale que reçoivent ces pays, on constaterait qu'il n'y a que deux pays sur la liste: le Mali et Haïti. C'est un seuil assez bas, si l'on veut avoir vraiment une influence sur le développement de ces pays.
C'est ce qu'indique l'illustration A. La deuxième dont je voulais vous parler, l'illustration B, qui correspond au tableau 2, c'est la possibilité de fonctionner par priorités thématiques, d'axer les efforts sur une question de fond.
Dans mon milieu, celui du développement économique et de la gouvernance des ressources, il y a un petit nombre de programmes bilatéraux que j'admire. La Norvège en compte deux ou trois.
Il y a entre autres l'aide qu'elle fournit aux pays sur le plan de la gouvernance relative au pétrole. Ses dépenses annuelles à cet égard sont d'environ 50 millions de dollars canadiens. C'est une question assez précise, mais ce montant est bien en deçà de l'enveloppe budgétaire d'un pays comme le Canada concernant le leadership mondial dont il peut faire preuve.
Il y a ensuite son initiative pour le climat et les forêts. La Norvège est de loin le chef de file mondial parmi les pays donateurs pour ce qui est d'essayer de résoudre le problème des changements climatiques causé par la déforestation. Elle agissait depuis un certain nombre d'années au moment où tous les autres pays traînassaient et essayaient de comprendre le problème. Ses dépenses à cet égard sont de près de 500 millions de dollars canadiens. C'est beaucoup plus, mais c'est toujours tout à fait à la hauteur des possibilités du Canada si nous devions voir grand pour un enjeu comme celui-là.
Le Royaume-Uni qui, comme vous le savez, consacre 0,7 % de son PIB aux dépenses d'aide, est le chef de file mondial en tant que donateur intelligent. Il consacre environ 600 millions de dollars canadiens à la recherche. Bien entendu, l'aide est consacrée à toute la gamme des questions relatives au développement.
Ce n'est peut-être pas une coïncidence: je travaille à deux projets présentement, un à la LSE et l'autre à l'Université de Manchester. Ce sont essentiellement des projets de recherche appliquée. Nous collaborons étroitement avec des conseillers du DFID, le Department for International Development, pour amener la recherche sur l'économie à apporter un éclairage sur les problèmes.
Encore une fois, c'est 600 millions de dollars pour toute la gamme. Le Canada pourrait renforcer son leadership avec une fraction de cela pour un groupe d'enjeux choisis.
L'initiative d'Obama, du gouvernement des États-Unis, Power Africa, donne 390 millions de dollars canadiens par année. Encore une fois, c'est tout à fait à la hauteur de nos ambitions.
Même dans le cas de la Millennium Challenge Corporation, qui est considérée comme le meilleur organisme d'aide bilatérale qui soutient des pays qui ont une bonne croissance, on ne parle que d'environ 1,6 milliard de dollars canadiens.
Les thèmes de fonds correspondent également à la façon dont les connaissances sont organisées. À quelques exceptions près, il y a très peu de spécialistes de secteurs et il y a plus de spécialistes qui ont des connaissances en génie des eaux ou en réglementation financière. Les objectifs de développement durable sont organisés selon des questions de fond.
Cela ne signifie pas qu'il ne sert à rien d'assurer une forte présence dans un seul pays ou dans un petit nombre de pays.
Je recommande une approche à deux volets: tout d'abord, profondeur et étendue.
Nous pourrions chercher un petit nombre de pays où le Canada pourrait jouer un rôle d'envergure. De loin l'un des plus grands donateurs bilatéraux, dont la contribution est du même ordre que celle de la Banque mondiale, le Canada peut participer à une approche globale des problèmes pour créer de la croissance inclusive. Ce serait bon autant pour nous que pour eux.
Ce serait bon pour nous, parce que nous serions exposés à des domaines dans lesquels nous n'avons peut-être pas choisi de nous spécialiser. Nous pourrions avoir une présence sur le terrain qui nous permettrait de voir les problèmes qui prennent de l'ampleur, de même que de faire participer l'ensemble de l'écosystème canadien ici, des organismes de réglementation aux urbanistes, en passant par les professeurs d'université et les enseignants du secondaire, ou peu importe la façon dont nous choisissons d'agir dans le pays.
Compte tenu des conclusions tirées du premier tableau, pour procéder de façon efficace, il faudrait que le Canada choisisse un nombre beaucoup plus restreint de pays que les 25 pays ciblés, surtout si nous devions prendre presque un montant équivalent de notre budget pour l'investir dans un petit nombre de secteurs dans lesquels le Canada pourrait espérer être le meilleur dans le monde et faire participer, encore une fois, son écosystème d'acteurs, soit des professeurs d'université, des dirigeants de la société civile, des dirigeants provinciaux et municipaux, le secteur privé et des investisseurs dans le cadre des changements dans ces domaines.
Dans le troisième tableau, j'ai inclus une liste de domaines d'intervention privilégiés hypothétiques du Canada. Les pays pourraient être...
Cela ne se fonde pas sur un processus empirique. C'est mon prochain point.
Imaginez si nous étions présents en Haïti, au Mali, en Syrie, au Pérou et en Mongolie, et que nous travaillions à des thèmes significatifs, comme la santé maternelle, l'exploitation minière responsable, la productivité agricole, la gestion de l'eau et le bien-être des réfugiés. Ce serait un portefeuille représentatif sur lequel le Canada pourrait avoir des ambitions dans un petit nombre de domaines essentiels et de régions. Cela ne se ferait pas à l'extérieur de notre stratégie d'engagement multilatéral.
Ici encore, il s'agirait d'investir grandement dans une poignée d'organisations internationales de grande portée, comme le Secrétariat de l'ONU ou le G20, de même que dans un petit nombre d'organisations internationales ayant une grande expertise, comme l'Organisation mondiale de la santé ou le HCR, où notre objectif serait d'être un chef de file, de faire partie des deux ou trois pays en tête de liste sur le plan des membres du personnel et des efforts de réforme, d'être le pays hôte de rencontres, de faire progresser des initiatives et, bien entendu, de fournir des fonds.
Comment les choisirions-nous? Je propose l'établissement d'un tableau indicateur. Il est évidemment important de faire participer des gens et d'écouter les Canadiens, mais l'examen d'un tableau indicateur pourrait également permettre de définir et d'évaluer le besoin, pour nous, de participer à cet égard et de déterminer s'il y a un besoin qui n'est pas comblé par d'autres donateurs.
Avec la capacité canadienne, pouvons-nous être les meilleurs au monde dans un domaine? Pouvons-nous fournir de l'aide à une échelle suffisante?
Ensuite, bien entendu, il y a l'intérêt national. Pouvons-nous faire participer un écosystème canadien à l'extérieur des groupes de développement international et pouvons-nous du même coup améliorer la vie des Canadiens?
J'ai serai ravi de répondre à vos questions.
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Bonjour. Je suis enchanté d'être ici aujourd'hui. Je vous remercie beaucoup de votre invitation.
[Traduction]
Pour ce qui est des informations générales et de mon parcours, il s'agit évidemment de mon point de vue personnel et non celui de Global Canada, dont je préside le conseil.
Je viens de l'Ouest canadien. J'ai été consultant à McKinsey and Company pendant un certain nombre d'années, et je suis devenu par la suite directeur de la stratégie chez Bombardier et président de Bombardier International group ensuite avant de travailler au CRDI en tant que spécialiste qui étudiait le rôle du Canada dans le monde. On m'a demandé de présider l'ACDI, ce que j'ai fait pendant trois ans sous les gouvernements libéral et conservateur; et pendant six ans, j'ai été directeur général du Forum économique mondial, qui a organisé le Forum de Davos, entre autres choses, et qui participe grandement à des mesures collectives sur les problèmes mondiaux.
C'est à partir de ce parcours que je vais maintenant vous donner mon point de vue.
Concernant le contexte stratégique, au cours des 15 dernières années environ, nous sommes passés d'un monde du G7 à un monde comptant 7 milliards de gens dans lequel une multitude d'acteurs étatiques et non étatiques peuvent avoir une influence sur notre sort collectif. Dans ce monde, les innovations et les améliorations peuvent se propager rapidement à travers les frontières. De la même façon, les événements négatifs, qu'il s'agisse de maladies infectieuses, de cybercrime ou de terrorisme, peuvent se propager tout aussi rapidement.
Ce monde est à la croisée des chemins. Il est possible qu'au cours des 15 prochaines années, nous puissions éradiquer la pauvreté. Nous pourrions voir se stabiliser certains des États les plus fragiles dans le monde. Un nombre sans précédent d'États et de gens pourraient accéder à la classe moyenne. Nous pourrions vivre dans un monde plus juste, stable et prospère dans lequel les frontières seraient tout de même respectées. C'est possible et ce serait sans précédent.
Malheureusement, je crois qu'il est plus probable que nous nous engagions plutôt dans une mauvaise voie: affaiblissement de la coopération internationale; effondrement d'un certain nombre d'États fragiles; groupes extrémistes ou groupes d'intérêts autoritaires qui s'emparent de pays à revenu intermédiaire; un certain nombre d'États occidentaux qui se désengagent; le monde qui entre dans une dégringolade — tensions, conflits, dégradation de l'environnement et, dans certaines régions, effondrement sur le plan écologique — ; et possible échec monumental du système international.
Ce n'est pas parce que nous ne l'avons pas encore vécu que nous devrions nous imaginer que cela ne se produira pas d'ici les 10 prochaines années. Dans une certaine mesure, nous sommes une situation qui ressemble en quelque sorte à celle des années 1928 et 1929 — sans les tensions du fascisme, mais avec des problèmes collectifs et des pressions qui s'exercent sur le système. Je crois qu'il nous faut comprendre que nous sommes vraiment à la croisée des chemins dans notre histoire.
Il est évident également que le scénario le plus probable, c'est celui qui est négatif, ce qui serait une catastrophe pour le Canada et un triste héritage à laisser à nos enfants. Je crois que c'est là la situation.
Je pense également qu'en cette période critique, le Canada peut jouer un rôle plus important que tous les rôles qu'il a joués au cours des 60 dernières années. Nous sommes probablement bien placés pour avoir le genre d'influence que nous avions à la fin des années 1940 et au début des années 1950, et ce, pour deux raisons.
La première, c'est notre capacité de faire bouger les choses. Nous avons, en fait, la marge de manoeuvre financière et le soutien national qu'il faut pour que les décideurs d'Ottawa prennent des mesures audacieuses à l'échelle internationale. L'appui national pour un Canada actif dans le monde existe.
La deuxième, c'est que nous avons l'attitude et l'ensemble de compétences requises pour faire face aux défis d'aujourd'hui, et nous avons de la crédibilité sur la scène internationale. On nous fait confiance, on croit que nous prendrons les mesures qui s'imposent pour les bonnes raisons, de sorte que nous pouvons changer la donne.
Ce qui est peut-être encore plus frappant — et, dans un sens, plus inquiétant —, c'est qu'à titre comparatif, nous nous démarquons vraiment, car bien que notre pays soit le plus petit membre du G7, c'est peut-être aussi celui qui a aujourd'hui la capacité inutilisée la plus importante d'influencer le cours des événements de façon positive, puisqu'une bonne partie des autres partenaires du G7 sont exaspérés. Les États-Unis vivent une période très difficile sur le plan politique. Le Royaume-Uni est exaspéré sur le plan de ses engagements financiers en matière de défense et de développement, qui dépassent grandement les nôtres et ceux de bien d'autres pays, et il est en train de traverser une crise existentielle. La France est dans une situation très difficile. L'Italie et le Japon sont dans un chaos financier. En regardant la situation des pays du G7, le Canada est le seul qui est encore capable de participer de façon importante s'il le décide ainsi.
Compte tenu de ce contexte, je crois que nous avons l'occasion et également l'obligation de participer de façon à ce qu'il y ait des conséquences: le Canada ne doit pas se contenter d'être présent; il doit vraiment changer la donne.
Comment le faire dans un monde aussi complexe? Je dirais qu'il nous faut être très déterminés.
Au cours des cinq prochaines minutes, je décrirai un plan de développement en quatre points.
Tout d'abord, il faut cibler les efforts. Comme Eric l'a mentionné, nous pouvons être très utiles dans plusieurs régions. Toutefois, je ferais valoir qu'il y a seulement un nombre limité de régions dans lesquelles nous pouvons réellement changer les choses.
Deux pays sont importants, à l'échelle régionale ou mondiale, pour la stabilité mondiale et ce sont également des pays où nous pouvons faire une différence sur le plan des résultats.
Il y a tout d'abord Haïti, comme Eric l'a mentionné. Il s'agit du seul État fragile en Amérique latine ou dans les Amériques — mais le Venezuela tente de le rattraper — et il a un énorme impact sur l'ensemble de la région des Caraïbes. Son développement politique et économique a atteint un point critique. Nous sommes l'un des trois principaux intervenants dans ce pays — avec la France et les États-Unis —, mais nous jouissons d'une réputation de crédibilité et d'objectivité que ne possèdent pas les deux autres. Si nous le souhaitons, nous pouvons apporter une contribution sans pareille là-bas.
Le deuxième endroit est l'Afghanistan. Il s'agit manifestement de l'un des pays les plus pauvres du monde. Ce pays fait face à des défis extrêmes. Il est très important, non seulement en soi, mais également en raison de l'impact qu'il a sur le Pakistan et sur la région. C'est un pays avec lequel nous avons une relation unique, non seulement en raison des sacrifices monétaires et humains auxquels nous avons collectivement consentis, mais également en raison de la capacité offerte par nos fonctionnaires, nos dirigeants et la société civile du Canada, et le très grand respect dont jouit le Canada en Afghanistan, de l'échelon le plus bas jusqu'au président. C'est un autre endroit où, si nous le souhaitons, nous pouvons faire une grande différence. Ce sont donc les deux endroits dont je voulais vous parler.
Permettez-moi de vous parler de l'autre volet sur lequel il faut cibler les efforts, à savoir la thématique. Vous pouvez vous représenter nos interventions à l'échelle mondiale sous la forme de la lettre T. Nous pouvons mener des interventions très approfondies dans un nombre limité de pays, et nous pouvons faire une différence dans quelques régions du monde grâce à une intervention d'ordre général.
Ces interventions ne sont pas exclusives. Nous mènerons aussi d'autres interventions, mais il y a deux secteurs qui présentent de grands besoins non comblés qui ont des conséquences à l'échelle mondiale, c'est-à-dire qu'il est non seulement souhaitable d'améliorer ces secteurs, mais que ces améliorations auront également des répercussions sur les résultats mondiaux. Nous pouvons donc apporter une contribution sans pareille dans ces deux secteurs.
Tout d'abord, il y a la santé génésique. Dans les programmes de développement international, les gens ont trop souvent tendance à protéger les filles, mais à abandonner ou à oublier les femmes. Dans certains pays en développement dans lesquels nous intervenons, les chances qu'une fille soit immunisée ou fréquente l'école sont de 80 à 90 %. Toutefois, les chances qu'elle ait accès à des moyens de contraception modernes lorsqu'elle devient une femme sont de 10 à 20 %.
Étant donné que 200 millions de femmes n'ont pas accès aux moyens de contraception qu'elles souhaitent souvent ardemment obtenir, 100 000 femmes et 600 000 enfants meurent chaque année. Les effets de cette situation sur le développement d'un pays sont encore plus importants.
Lorsque les femmes peuvent choisir le moment où elles auront des enfants et leur nombre, elles ont tendance à avoir des familles moins nombreuses. Ces familles moins nombreuses permettent d'augmenter le ratio de travailleurs par personne à charge, ce qui augmente la croissance économique par habitant de 30 % ou moins. Cela a également tendance à réduire le fardeau écologique sur le pays et, dans les États fragiles, le risque de conflits liés aux ressources. Ainsi, le renforcement de l'autonomie des femmes ne favorise pas seulement les droits de la personne, mais cela change également la destinée démographique de pays et de régions. Si nous pensons à des situations comme celle du Sahel, nous nous rendons compte que des pays comme le Mali et le Niger s'effondreront au cours des 30 prochaines années si on ne renforce pas entièrement l'autonomie des femmes dans ces pays.
Ainsi, il ne s'agit pas seulement d'un enjeu lié aux droits de la personne, mais d'un enjeu géopolitique. C'est un domaine dans lequel le Canada est dans une situation unique, car il jouit d'une grande crédibilité en matière de questions liées à la SMNE — le gouvernement actuel poursuit les efforts en ce sens —, et parce que le gouvernement actuel concentre aussi ses efforts sur les femmes et les filles et qu'en général, notre pays jouit d'une bonne crédibilité lorsqu'il s'agit de gérer des questions délicates. C'est donc l'un des thèmes.
Le deuxième thème est lié aux éléments de notre propre structure de base, à savoir la paix, l'ordre et la bonne gouvernance. Lorsqu'il s'agit du développement mondial, nous constatons que l'élément clé demeure la gouvernance dans les États fragiles ou les États à revenus moyens à peu élevés ou les États plus développés comme le Brésil. Pour paraphraser James Carville, cela revient évidemment à l'État. C'est l'élément clé.
Le Canada a d'excellents antécédents en matière de gouvernance. C'est une notion que nous avons comprise dès la création de notre pays. Nous portons une attention particulière aux notions de la paix et de l'ordre, que nous favorisons par les services de police, le système judiciaire et le système pénitentiaire. Ce sont des domaines dans lesquels des pays ont besoin d'aide et ce sont également des domaines dans lesquels le Canada jouit d'une très grande crédibilité. Je ferais valoir que la paix, l'ordre et la bonne gouvernance représentent le principal avantage concurrentiel du Canada et le plus grand besoin à combler dans le monde.
Ce sont donc les priorités sur le plan géographique et sur le plan sectoriel.
Le troisième point concerne la façon dont nous concrétisons ces notions. Nous avons besoin des ressources appropriées, et elles doivent être suffisantes. Cela signifie que nous devons investir dans ces pays et ces régions avec l'intention de devenir le meilleur intervenant à l'échelle mondiale. Si nous souhaitons nous concentrer sur la bonne gouvernance, y compris la gouvernance des ressources mentionnées par Eric, nous devrions affirmer que le Canada et Ottawa deviendront des centres mondiaux de bonne gouvernance. L'ONU n'a aucune institution pour la bonne gouvernance comme dans le cas de l'OMS pour la santé. Nous pouvons donc assumer cette responsabilité.
Au-delà de l'idée d'investir des ressources dans un secteur précis, il y a la question des ressources en général. Pendant les deux dernières minutes dont je dispose, j'aimerais vous parler de nos engagements à veiller à ce que nos ressources soient suffisantes pour réaliser nos objectifs.
J'aimerais attirer votre attention sur les quatre prochaines diapositives.
La première montre où se situe le Canada comparativement à ses pairs, c'est-à-dire les autres pays du G7 et les économies moyennes ouvertes, par exemple la Norvège et la Suède. Notre contribution est inférieure à la moyenne de celles du reste des membres de ce groupe. En 2014, notre contribution représentait environ 0,24 % de notre RNB; en 2015, environ 0,28 %. Les contributions des autres membres de ce groupe atteignent presque le double de cette proportion, c'est-à-dire environ un demi-pour cent de leur RNB. Si vous examinez les pays que nous appelons « à intérêts communs » — les pays scandinaves et le Royaume-Uni —, vous pouvez constater que nous avons les mêmes intérêts, mais pas les mêmes portefeuilles. En général, notre contribution représente la moitié ou le tiers de celle de nos pairs.
Le deuxième point, comme vous pouvez le voir sur la troisième diapositive, c'est que non seulement nous dépensons moins que nos pairs, mais nous dépensons également beaucoup moins qu'auparavant. En effet, pendant 30 ans, sous des gouvernements conservateurs et libéraux, notre pays s'était fermement engagé envers le développement. Nous étions des chefs de file, et notre contribution s'élevait à environ un demi-pour cent de notre RNB. Au début des années 1990, à la suite des crises financière et constitutionnelle qu'a subies notre pays, ce montant a diminué en flèche, et il n'a encore pas remonté.
Si nous continuons ainsi, la situation actuelle sera la pire que nous avons connue. L'an dernier, en pourcentage de son RNB, le Canada a dépensé la deuxième somme la moins élevée de son histoire. Aujourd'hui, notre contribution représente environ 0,28 % du RNB; à l'époque du premier ministre Chrétien, elle était de 0,31 %, à l'époque du gouvernement Martin, elle était de 0,3 % et à l'époque du premier ministre Harper, elle était de 0,3 %.
Ces centièmes de pour cent ne représentent pas réellement une fraction d'un pour cent. En effet, chaque centième représente environ 200 millions de dollars — c'est-à-dire environ 25 000 vies, ce qui est encore plus important. Cela signifie donc environ 50 000 familles de réfugiés, 2 millions de filles qui peuvent fréquenter l'école et 1,5 million de femmes qui ont accès à des moyens de contraception. C'est ce qu'on peut accomplir avec un centième d'un pour cent. Il ne s'agit donc pas d'une fraction d'un pour cent, mais de millions de vies.
Si nous continuons dans cette voie, notre gouvernement offrira la contribution la moins élevée de tous les gouvernements canadiens des 50 dernières années. L'une des raisons pour lesquelles nous avons perdu notre campagne pour le Conseil de sécurité de l'ONU, c'est qu'on juge que nous ne nous engageons pas suffisamment à l'égard du développement international. À ce moment-là, notre contribution s'élevait à 0,34 %. Pour revenir à un niveau considéré trop bas il y a plusieurs années, il faudrait que nous nous engagions à verser 1 milliard de dollars supplémentaires par année.
Je n'essaie pas de revenir sur le passé, mais de faire valoir que nous devons prendre des résolutions pour l'avenir. Nous devons nous mobiliser et progresser.
Le Royaume-Uni est le seul pays du G7 dont la contribution a atteint 0,7 %. Il a atteint cette proportion sous trois gouvernements différents, c'est-à-dire le Parti travailliste, une coalition des partis social-démocrate et conservateur, et un gouvernement conservateur. Le pays y est parvenu après 15 ans d'engagements soutenus. Il a entamé ce parcours en 1997, et il a atteint ce résultat en 2013.
En 1997, la situation du Royaume-Uni était pratiquement identique à notre situation actuelle. Son taux de chômage était d'environ 7 %, comme le nôtre aujourd'hui. Il avait un déficit d'environ 2 %, et nous avons aussi un déficit de 2 %. Sa contribution à l'APD, l'Aide publique au développement, était d'environ un quart d'un pour cent du RNB, tout comme celle de notre pays aujourd'hui. À l'époque, la situation du Royaume-Uni était identique à notre situation actuelle. Il faut donc se demander si nous avons collectivement l'ambition d'être dans la même situation que le Royaume-Uni d'ici 15 ans, c'est-à-dire de devenir un vrai chef de file en matière de développement international.
Nous ne parlons pas d'aide et d'assistance. Nous parlons d'un investissement international dans notre bien-être collectif. Il s'agit d'investir dans l'entretien préventif de la planète. C'est ce qui résume la contribution au développement international au XXIe siècle. C'est la raison pour laquelle je crois que votre examen bilatéral de l'aide au développement est si important.
Je vous remercie de votre temps.
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Je crois que ce sont d'excellentes questions, et qu'elles soulignent le fait que ce sont des secteurs qui posent de grands défis.
Le développement d'Haïti ou de l'Afghanistan, des pays semblables à la Corée du Sud ou à Taïwan d'il y a 40 ans, n'est pas un processus qui prendra 5 ou 10 ans, mais plutôt 30 ou 40 ans.
En Haïti, pendant les années 1980 et 1990, le revenu par habitant était à la baisse, et la dévastation environnementale était à la hausse, ainsi que la violence politique. La situation se détériorait rapidement. Malgré le tremblement de terre et les autres défis auxquels le pays a fait face, Haïti s'est maintenant stabilisé. On observe certains signes que les jeunes ont accès à l'éducation, surtout les filles, et certains éléments de croissance par habitant commencent à être positifs, mais il faudra encore beaucoup de travail. Un grand nombre des meilleurs fonctionnaires sont morts dans l'effondrement des édifices pendant le tremblement de terre. Il faudra des décennies, plutôt que des années, pour rebâtir les capacités.
Que pouvons-nous faire? Je crois que le Canada a fait un excellent travail en Haïti et en Afghanistan. Que devons-nous faire? Il faut continuer de cibler les efforts. C'est une situation complexe et difficile, et ce n'est pas facile de travailler dans ces régions, mais c'est nécessaire, et il faut donc que tous les partis prennent la décision commune de poursuivre les efforts. Nous devons décider que nous continuerons d'avancer malgré les difficultés.
Que pouvons-nous faire pour poursuivre les efforts? Nous pouvons poursuivre la réforme du secteur de la sécurité en Haïti en effectuant des réformes dans la police, le système judiciaire et le système pénitentiaire, afin que les intervenants de la MINUSTAH puissent éventuellement quitter le pays. Nous pouvons continuer de bâtir certains des établissements clés et créer la primauté du droit qui permettra au secteur privé de prospérer et qui favorisera d'autres types de croissance. Nous pouvons confier le dossier d'Haïti à un sous-ministre adjoint, que ce soit l'ambassadeur ou un envoyé spécial. Nous pouvons également nous engager à aider Haïti et l'Afghanistan non seulement pendant deux ou trois ans, comme nous le faisons présentement, mais pendant une période de 15 ans.
Si nous voulons faire une différence en Afghanistan, nous devons signaler que nous sommes là-bas et que si certaines choses sont réalisées, nous y serons pendant 15 ans et nous verserons 300 millions de dollars par année — notre contribution au plus fort de l'engagement civil. C'est un engagement de 4,5 milliards de dollars. Il nous faudra envoyer un sous-ministre adjoint ou un sous-ministre à la retraite à titre d'envoyé spécial pour superviser le tout. Nous présenterons un rapport à ce groupe tous les trimestres, comme nous le faisions auparavant. Nous continuerons d'avancer. Nous ne le ferons pas pour des raisons partisanes ou politiques — ces raisons ne sont pas populaires —, mais parce que c'est important. Je crois que c'est le type d'engagement que nous devons prendre.
J'ai mentionné la Corée du Sud, car c'est un cas intéressant. En effet, dans les années 1960, 10 ans après la fin du conflit, la Banque mondiale et d'autres organismes étaient désespérés par la situation dans ce pays. C'était un gâchis épouvantable. C'était une dictature militaire. Pourquoi ont-ils poursuivi les efforts? Parce qu'il le fallait. Nous ne pouvions pas laisser la Corée du Sud s'effondrer. Si vous observez ce qui s'est produit dans les 20 années suivantes, vous constaterez que leurs efforts ont porté leurs fruits, et c'est en raison de la persévérance stratégique dont ils ont fait preuve. Je crois que c'est un autre élément que nous pouvons fournir.
Pour terminer, si on compare la situation à celle d'il y a 30 ans, l'une des différences en matière de développement, c'est que les États fragiles représentent toujours le défi principal en matière de développement. Ils présentent les problèmes les plus difficiles à régler. Si nous souhaitons faire une différence, nous devons être prêts à nous y prendre autrement.
Je m'appelle Wendy Harris, et je suis la présidente-directrice générale du Service d’assistance canadienne aux organismes.
Je viens du secteur privé. Je suis comptable professionnelle agréée. J'applique donc mes connaissances dans le contexte du développement international. Je me suis jointe à l'équipe du SACO il y a sept ans, et je crois au pouvoir de la sagesse, de l'expérience et des solides fondements économiques pour stimuler le changement.
Merci, monsieur le président.
Je remercie également les membres honorables du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. Nous sommes heureux de pouvoir apporter notre point de vue sur les pays ciblés par le gouvernement du Canada pour recevoir l'aide bilatérale au développement.
Le SACO est une organisation de développement économique internationale qui a pour mission de réduire la pauvreté de façon durable et de stimuler la croissance économique dans plusieurs pays dans le monde et au sein des communautés autochtones du Canada. Nos principaux secteurs d'activité sont le développement du secteur privé et le renforcement institutionnel.
Le 9 mai dernier, lançait à la communauté du développement le défi de faire le lien entre les efforts de développement déployés au Canada et ceux réalisés ailleurs dans le monde. De par son engagement tant au Canada qu'à l'étranger, le SACO est à même d'apporter cette perspective unique et de partager avec le Comité les apprentissages clés et les meilleures pratiques tirées d'une réalité que nous côtoyons chaque jour et que nous sommes enthousiastes de partager aujourd'hui.
Notre travail répond aux préoccupations locales, et notre principale responsabilité est envers nos clients et partenaires. Tout ce que nous faisons est dirigé par ce principe. Nos experts volontaires transfèrent leurs connaissances et compétences à nos clients, qui développent ainsi les outils nécessaires pour briser le cycle de la pauvreté afin de devenir non seulement les responsables, mais aussi les créateurs de leur prospérité à long terme. Cette approche favorise leur autonomie et leur résilience même après que notre travail soit terminé.
En tant qu'organisation vouée à la réduction durable de la pauvreté, nous appuyons entièrement le nouveau programme mondial et son principal objectif qui est d'enrayer la pauvreté d'ici 2030. Comme plusieurs de mes collègues l'ont mentionné précédemment lors de leurs témoignages, cet objectif, ainsi que chacun des 17 objectifs de développement durable en général, représente un engagement considérable de la part de la communauté internationale dans le but de s'attaquer aux plus gros problèmes et défis auxquels sont confrontées les populations les plus vulnérables dans tous les pays du monde, y compris le Canada. Cet objectif donne aussi l'occasion aux nombreux intervenants partout dans le monde, ainsi qu'aux partenaires locaux, de collaborer, de communiquer et d'innover dans les domaines du développement et du commerce comme jamais auparavant.
C'est formidable de pouvoir examiner ces problématiques complexes avec un regard neuf, de nouvelles approches et de nouveaux partenariats. Nous sommes ravis que le gouvernement ait décidé d'accorder la priorité aux plus démunis, aux États fragiles, ainsi qu'aux femmes et aux filles.
Du point de vue du développement économique, aider à briser le cycle de la pauvreté et réduire l'écart entre les riches et les pauvres sont des défis qui vont au-delà de l'individu. Les systèmes et les institutions, que ce soit dans les pays à faible ou à moyen revenu, doivent avoir la capacité de fournir et de gérer des programmes sociaux et économiques adéquats pour veiller à ce que des ressources et des solutions efficaces et équitables soient accessibles à tous les individus.
Fort de près de 50 ans d'expérience dans ce domaine, le SACO estime que la création d'une valeur économique et le développement de solides infrastructures économiques sont au coeur du changement et de la croissance durable, y compris de l'éradication de la pauvreté. Nous saluons la reconnaissance du gouvernement précédent et du gouvernement actuel du rôle que le développement économique joue dans l'atteinte de ces objectifs, et nous prônons un engagement solide pour l'approfondissement de cette thématique dans le cadre de l'approche révisée de l'aide internationale. Toutefois, il est important de reconnaître l'interconnectivité entre le développement économique et le développement social ainsi que le besoin criant de considérer ces deux domaines comme faisant partie d'une même réalité.
Ce lien n'est pas toujours évident. Souvent, les efforts sociaux et économiques sont considérés, et même abordés, séparément ou comme étant des priorités concurrentes. Grâce à son travail de longue date autant à l'échelle nationale qu'internationale, le SACO sait à quel point les deux sont étroitement liés. Ce lien est peut-être plus visible et évident dans notre travail avec les communautés autochtones du Canada.
Dans plusieurs de ces communautés, le seul fait de réaliser une « activité de développement économique A » ou une « activité de développement social B » n'est pas suffisant. Une approche plus holistique dirigée vers plusieurs problématiques est souvent nécessaire. Au niveau de la stimulation économique, plus les infrastructures économiques sont solides — notamment les institutions et les structures de gouvernance transparentes et fonctionnelles, les possibilités d'emploi, une économie diversifiée, etc. —, plus grande sera la capacité d'un individu, d'une communauté, d'un pays ou d'une région d'investir et de réinvestir dans des initiatives autant sociales qu'économiques.
En fait, la ministre Bibeau a récemment émis un commentaire dans ce sens:
La croissance économique ne consiste pas uniquement à créer des emplois pour les personnes. Elle peut aussi générer des revenus pour les gouvernements qui leur permettent ainsi d'offrir à leurs citoyens des programmes sociaux inclusifs comme l'éducation et les soins de santé.
Le travail du SACO au Guyana en renforcement de l'administration et de la vérification fiscale est un bon exemple de cette capacité à générer des revenus qui peuvent par la suite servir à créer et soutenir des programmes sociaux et économiques additionnels.
Au niveau individuel, la possibilité de planifier et d'aller au-delà de la survie quotidienne est primordiale. Lorsqu'une personne ou une famille possède un revenu stable et prévisible, elle peut commencer à investir dans d'autres domaines importants tels que l'éducation des enfants, la nourriture et l'alimentation, la santé préventive et un logement fiable.
L'autre conséquence, qui est souvent négligée, c'est que ces individus commencent à se livrer à des activités axées sur les consommateurs telles que l'achat de biens et de services chez les micros, petites et moyennes entreprises locales, stimulant ainsi l'économie locale. Ces individus peuvent à leur tour utiliser leurs revenus garantis pour améliorer la santé et le bien-être de leur famille et l'économie de leur communauté. Ceci est l'effet multiplicateur, et les recherches démontrent que ce réinvestissement au niveau individuel et communautaire se produit à un taux plus élevé lorsque les femmes sont autonomes sur le plan économique.
Les bénéficiaires les plus directs de ces investissements sont les enfants et les jeunes, non seulement parce que leur qualité de vie s'améliore, mais aussi parce qu'il y aura de plus en plus de possibilités qui s'offriront à eux à l'avenir. La stabilité et la prévisibilité contribuent à la résilience, à l'adaptabilité et à la capacité d'un individu ou d'une institution de se remettre rapidement d'un choc ou d'un désastre, qu'il soit naturel, économique, politique ou social.
Au niveau du développement social, plus les infrastructures sociales sont solides, notamment la santé, l'éducation et les mesures favorisant l'égalité, plus les personnes, les communautés et les institutions seront en mesure de prendre part activement aux activités économiques qui se déroulent autour d'elles.
Comme mes collègues avant moi l'ont souligné, plus de 70 % des plus démunis au monde vivent dans des pays à moyen revenu. Cette statistique troublante renvoie à une variété de causes et de problématiques complexes qui se présentent souvent de manière simultanée, soit des perspectives économiques limitées, de hauts niveaux d'inégalités et une myriade de conséquences liées aux changements climatiques pour n'en nommer que quelques-unes. Cela renvoie aussi à des faiblesses autant au niveau institutionnel que systémique. D'où l'importance de l'interconnectivité entre le développement social et économique. Ces deux domaines d'intervention doivent être traités conjointement pour éradiquer la pauvreté de manière durable.
Compte tenu des connaissances et de l'expérience que nous avons acquises dans ces domaines au cours de notre existence, nous demandons au gouvernement canadien de tenir compte de nos trois recommandations à l'égard de l'aide internationale.
Tout d'abord, nous recommandons fortement que les points de vue locaux jouent un plus grand rôle dans l'établissement et l'orientation des priorités canadiennes en matière de développement. En accordant plus d'importance à la participation locale, nous veillons à ce que les efforts en matière de développement soient réellement orientés vers les besoins locaux et ce, indépendamment du cadre de priorisation ou de mise en oeuvre. Ceci est d'autant plus vrai et nécessaire pour le travail effectué avec les communautés autochtones au Canada. Nous ne pourrons donc jamais trop insister sur la valeur de la collaboration locale. Afin qu'il y ait une réelle durabilité, les idées, processus et approches locales doivent être intégrés de manière organique et ce, à chaque étape de l'intervention canadienne, afin que les bénéficiaires soient créateurs et responsables des impacts engendrés, et pas seulement les destinataires.
Ensuite, nous assumons souvent que l'innovation se limite à trouver de nouvelles idées et de nouvelles façons de faire. Toutefois, l'innovation surgit parfois simplement de l'application de succès antérieurs dans de nouveaux contextes de façon à ce qu'en découle un changement positif. Dans le contexte du développement, on devrait miser autant que possible sur les succès obtenus afin d'en reproduire les impacts lorsque cela est pertinent. Nous aimerions donc aussi recommander que le gouvernement canadien considère d'octroyer du financement afin de répliquer des modèles probants fondés sur une orientation thématique, et ce, même à l'extérieur des pays ciblés.
Notre travail en gouvernance électronique aux Philippines, par exemple, est hautement recherché chez plusieurs de nos pays de concentration tels que la Tanzanie, l'Équateur et le Sénégal.
En bref, le programme de gouvernance électronique utilise la technologie pour entraîner des bénéfices tels que la simplification des systèmes gouvernementaux, l'amélioration de la transparence et de l'efficacité, la réduction de la corruption au sein du gouvernement, l'augmentation des recettes fiscales et plusieurs autres. En faisant les modifications nécessaires selon les contextes locaux ou régionaux, ce genre de programmes novateurs pourrait facilement être répliqué dans plusieurs pays et régions.
Enfin, le monde s'ouvre et, de nombreuses manières, les frontières se dissolvent. Beaucoup de défis complexes dont nous avons discuté aujourd'hui ne sont pas délimités par des frontières territoriales. De même, considérer ces problématiques seulement en termes d'impacts sur des pays individuels limite le potentiel de solutions innovatrices générées par de multiples collaborateurs avec des perspectives et des expériences différentes. Je serai heureuse de pouvoir approfondir ce sujet à l'aide d'un exemple du travail que nous faisons en Afrique de l'Ouest en lien avec la sécurité alimentaire régionale et l'agriculture.
Nous encourageons vivement le gouvernement canadien à songer à s'attaquer aux questions thématiques régionales de manière plus large qu'un pays à la fois.
Je vous remercie de l'opportunité qui nous a été donnée de participer au processus de revue de l'aide et je serai heureuse de répondre à vos questions.
:
Je me nomme Evelyne Guindon.
[Français]
En premier lieu, je veux souhaiter un bon après-midi à tout le monde.
Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant le Comité.
[Traduction]
Après mon exposé, n'hésitez pas à me questionner dans la langue de votre choix.
Je possède 25 années d'expérience comme spécialiste du développement. J'ai entrepris ma carrière dans l'hygiène sexuelle et la santé génésique. J'ai travaillé dans des secteurs de l'environnement. J'ai commencé dans le bénévolat. Mon travail pour Cuso a constitué une partie très significative de ma carrière. Très important aussi, pendant ma carrière, je me suis accrochée à la croyance tenace dans le pouvoir du partenariat. J'ai travaillé dans tous les secteurs qui se trouvent aux premières loges du développement. Au fil des années, j'ai appris que le partenariat et le dialogue sont importants et complexes et qu'ils sont indispensables pour s'attaquer à la pauvreté et aux inégalités. C'est ce que j'essaierai d'exprimer dans mon exposé.
Cuso International, pour ceux qui l'ignoreraient, est un vieil organisme canadien de développement international qui travaille à l'éradication de la pauvreté et à la réduction des inégalités dans le monde. Depuis ses débuts, en 1961, il a mobilisé plus de 16 000 bénévoles hautement qualifiés pour développer les capacités de partenaires locaux, de gouvernements, de la société civile et de partenaires du secteur privé. Il l'a fait dans plus de 80 pays.
Actuellement, nous sommes présents dans 19 pays d'Asie, d'Afrique, d'Amérique latine, des Caraïbes et, maintenant, ici, au Canada, en partenariat avec les communautés autochtones. Nous accueillons avec beaucoup de satisfaction l'engagement actuel du gouvernement de revoir et d'affiner l'aide bilatérale au développement pour qu'elle profite à ceux qui en ont le plus besoin.
Aujourd'hui, nous avons six éléments importants de réponses à proposer aux questions pertinentes que vous avez soumises à notre examen.
Premièrement, je crois que l'aide bilatérale au développement devrait viser les personnes et les collectivités pauvres et marginalisées plutôt que simplement les pays pauvres. Nous croyons que le modèle actuel des pays de concentration comporte des avantages et des limites. Se soucier de certains pays signifie que les programmes sont limités par la géographie et qu'ils permettent moins bien de répondre aux crises ou de profiter des occasions qui peuvent se présenter. Les pays à revenu moyen rassemblent cinq milliards des sept milliards d'humains de la planète et 73 % des personnes les plus pauvres de la planète.
Par exemple, la Colombie est considérée comme un pays à revenu moyen-supérieur, mais c'est aussi un pays où les inégalités sont les plus fortes. Plus de 13 millions de Colombiens vivent dans la pauvreté tandis que plus de 6 millions sont déplacés à l'intérieur du pays. À ce titre, la Colombie occupe le deuxième rang mondial, après la Syrie. Nous croyons donc que la pauvreté, l'inégalité et l'exclusion sont les facteurs qui devraient orienter nos efforts et dont nous devrions tenir compte malgré la catégorisation excessivement simpliste des pays pauvres, qui ignore l'existence d'îlots de pauvreté extrême et d'exclusion.
Deuxièmement, l'élaboration de programmes efficaces de développement exige une vision et un engagement à long terme. Les initiatives qui produisent des résultats et qui sont utiles prennent du temps. L'appui en aide technique et en bénévoles que nous avons fourni a permis à nos partenaires de devenir autonomes, au lieu de demeurer simplement des bénéficiaires, et de réaliser des missions et des projets fructueux, ce dont ma collègue a parlé.
Notre recommandation au comité est de modifier le moins possible la liste des pays prioritaires, à court terme, ce qui assurera la stabilité des programmes et des partenariats dans les pays où collectivement nous travaillons.
Corrélativement, nous encourageons les possibilités et les mécanismes de financement qui favorisent l'accompagnement à long terme. L'obtention de résultats durables grâce à l'aide internationale exige une action à long terme, et il importe que les cycles de financement reflètent cette réalité. Il faut donc honorer des cycles prévisibles quinquennaux de financement, rendre accessible le financement des étapes ultérieures de programmes évolutifs et couronnés de réussite et, idéalement, fournir un financement à plus long terme que le cycle quinquennal.
Nous devons créer des synergies entre l'aide, la diplomatie et les échanges commerciaux, mais en évitant d'inféoder les priorités de l'aide aux échanges. De même, nous devons créer des synergies entre les filières du financement multilatéral, bilatéral et les autres filières de financement, comme le Secteur des partenariats pour l'innovation dans le développement.
Troisièmement, le gouvernement canadien devrait aligner son programme de développement sur les objectifs de développement durable, en s'inspirant des domaines thématiques antérieurs d'intervention tels que la sécurité alimentaire, la croissance économique durable, les enfants et les jeunes, mais plus holistiquement, en ratissant plus large.
La méthode de Cuso a été d'accentuer son expertise et ses programmes dans les domaines thématiques particuliers où nous nous sentons le plus efficace, où nous pouvons rassembler un corpus robuste de connaissances et d'expertise et où les retours sur l'investissement sont considérables. Aujourd'hui, nous insistons sur la croissance économique durable qui profite à tous, sur l'accès à des services de santé de qualité, l'égalité des sexes et l'inclusion sociale.
Il est indispensable de centrer le programme de développement du Canada sur les femmes et les filles. Notre priorité est la promotion et la protection des droits des femmes et des filles et l'égalité des sexes. En notre qualité d'organisation animant des programmes innovants pour la santé mentale, la santé génésique et les sages-femmes et misant à cette fin sur l'expertise canadienne, il nous plairait vraiment de voir le gouvernement du Canada ne pas s'en tenir simplement au programme de santé maternelle, néonatale et infantile, mais qu'il appuie les droits des femmes et des filles d'une manière plus holistique.
Nous favorisons aussi l'affectation de ressources accrues et plus de programmes pour les jeunes. Le monde compte 1,8 milliard de jeunes, et beaucoup sont concentrés dans les pays où Cuso International oeuvre. Cela crée à la fois une demande et des occasions de collaboration avec eux pour améliorer les possibilités d'études, de santé et d'emploi et cela peut constituer une force dynamique de changement politique et de transformation sociale.
Même si le Canada peut ne pas se concentrer sur les 17 objectifs de développement durable, nous encourageons le Comité à examiner, à la loupe de l'inclusion sociale et de l'égalité entre les sexes, les principales priorités thématiques qui contribuent ensemble à réduire la pauvreté, les inégalités et l'exclusion.
Quatrièmement, notre organisme qui axe son action sur le renforcement des capacités croit que le renforcement et la construction des capacités existantes d'un pays sont la recette pour favoriser la mise en place d'un climat propice à l'efficacité de l'aide au développement. L'augmentation de la capacité des partenaires locaux et l'incitation à l'appropriation locale sont d'excellentes pratiques qui réduisent le risque de dépendance à l'égard de l'aide étrangère. Même quand il y a crise humanitaire et urgences prolongées et durables, le renforcement des capacités des partenaires locaux, y compris de la société civile, pour répondre aux besoins du développement à long terme, doit faire partie des plans, sinon on ne répond qu'aux besoins à court terme pendant que la pauvreté, l'instabilité et la fragilité se maintiennent.
Cuso International a fait ses preuves dans la création de partenariats utiles et dans le recrutement de bénévoles hautement qualifiés dans notre riche mosaïque canadienne, notamment dans la diaspora, et de « cyberbénévoles », qui, dans le confort de leur foyer, mettent des moyens électroniques à notre disposition. Nous encourageons l'établissement de priorités dans les initiatives qui visent le renforcement des capacités des agents locaux de changement pour concevoir et appliquer des solutions efficaces et innovantes aux problèmes de développement, compte tenu de leurs propres contextes et besoins.
Nous encourageons aussi le gouvernement du Canada à compléter ses interventions humanitaires par des initiatives à long terme qui visent l'augmentation de la résilience et le renforcement des capacités locales, grâce à l'établissement de partenariats stratégiques entre les organisations qui possèdent des types d'expertise différents mais complémentaires.
Cinquièmement, il s'agit de promouvoir des programmes innovants, flexibles, stables, qui reconnaissent les coûts de transaction et les avantages des partenariats. En passant de l'appui à des initiatives fondées sur des modèles ou des paramètres programmatiques fixes à des mécanismes de financement souples qui favorisent le pilotage, la mise à l'essai et l'extrapolation d'initiatives intersectorielles innovantes, les organisations canadiennes comme la nôtre occupent l'espace nécessaire pour collaborer, réfléchir et innover à l'intérieur de cycles de vie des projets. Le gouvernement du Canada devrait envisager de faciliter les partenariats pour assurer l'innovation et les apports intersectoriels.
Les ONG du Canada ont besoin de financement pour s'engager utilement dans ces types d'efforts de collaboration. L'expérience m'a appris que l'effet est maximal quand la collaboration entre les secteurs fait partie intrinsèque du programme, mais il faut du temps, de l'effort et du financement pour que ça porte fruit. Notre collaboration doit cesser d'être une action secondaire, comme elle l'est actuellement et l'a été, avec le concours d'organisations comme l'initiative Devonshire et d'autres merveilleuses initiatives dont on aura pu vous parler aujourd'hui, mais elle doit se situer au centre de notre démarche pour que l'aide soit efficace.
Sixièmement, nous encourageons le maintien de l'appui au bénévolat international comme moyen efficace d'éradication de la pauvreté, des inégalités et de l'exclusion. Le bénévolat est une valeur culturelle intégrale et de premier plan qui doit être reconnu comme faisant partie du tissu même d'une société civile saine et démocratique. C'est un moyen privilégié d'exprimer les citoyennetés locale, nationale et mondiale. Le Canada est reconnu dans le monde pour avoir élaboré les modèles les plus innovants et les plus perfectionnés de bénévolat en développement international. Nos deux organisations en sont des exemples, et c'est un reflet du rôle joué par Cuso International et beaucoup d'autres organisations.
Les bénévoles peuvent contribuer à l'atteinte, sous diverses formes, des objectifs du développement durable dans tous les secteurs thématiques, mais je tiens à attirer votre attention sur l'objectif 17, qui, explicitement, met en évidence l'indispensabilité des groupes de bénévoles à l'atteinte de tous les objectifs. Le bénévolat est une façon efficace et rentable de mobiliser l'expertise canadienne et, comme l'a dit Robert Greenhill, l'excellence canadienne pour renforcer les capacités des partenaires locaux et obtenir des résultats.
Les bénévoles hautement qualifiés canadiens symbolisent les valeurs canadiennes de citoyenneté mondiale, d'ouverture, de diversité et de respect. Nous recommandons de faire du programme de coopération volontaire la pièce centrale des programmes de développement international du Canada. Le bénévolat international ne devrait pas se limiter aux interventions Nord-Sud, mais il devrait encourager ses manifestations nationales, le bénévolat Sud-Sud, le bénévolat Sud-Nord, pour maximiser l'emploi des ressources humaines disponibles partout dans le monde.
Bref, nous recommandons la focalisation sur les pauvres et les collectivités pauvres, une vision et un engagement à long terme pour nouer des partenariats durables pour le développement; de s'inspirer de secteurs thématiques antérieurs et de viser certains objectifs de développement durable, mais en suivant une démarche plus holistique et en insistant sur les femmes et les jeunes; d'appuyer les initiatives qui renforcent les capacités locales; de privilégier les programmes stables, souples et innovants; de maintenir l'appui au leadership canadien dans le bénévolat international pour l'éradication de la pauvreté, des inégalités et de l'exclusion.
Merci beaucoup.
[Français]
Je vous remercie beaucoup de votre invitation.