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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 011 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 3 mai 2016

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    La séance du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous tenons une séance d'information avec le Centre national pour la vérité et réconciliation.
    Je remercie les témoins de leur présence. Je comprends qu'ils ont un emploi du temps très chargé et je suis certain que les renseignements qu'ils nous présenteront nous seront utiles. Durant la première heure, nous allons nous entretenir avec M. Ry Moran, directeur du Centre national pour la vérité et réconciliation, et Mme Cynthia Wesley-Esquimaux, vice-rectrice des Initiatives autochtones à l'Université Lakehead.
    Bienvenue. Vous avez environ 10 minutes pour présenter votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions des membres du Comité. Je vous avertirai lorsqu'il vous restera une minute pour conclure votre exposé.
    Vous pouvez commencer.
    Bonjour. Je m'appelle Ry Moran. Je suis directeur du Centre national pour la vérité et réconciliation, situé à l'Université du Manitoba.
    Je suis accompagné de Mme Wesley-Esquimaux, vice-rectrice des Initiatives autochtones à l'Université Lakehead. Cynthia est aussi membre du cercle de gouvernance du Centre et elle est une survivante intergénérationnelle. Le cercle de gouvernance veille à ce que nous travaillions de manière respectueuse et appropriée, et il donne d'excellents conseils au Centre.
    Au cours des 10 prochaines minutes, je vous parlerai des activités et du mandat du Centre, puis je conclurai en présentant des réflexions et des observations sur l'ensemble des efforts de réconciliation déployés partout au pays.

[Français]

     Je vais faire ma présentation en anglais, mais vous pouvez me poser vos questions en français.

[Traduction]

    Avant de commencer, toutefois, pour contextualiser, je vais vous en dire un peu plus à mon sujet. Je suis un Métis de la rivière Rouge. J'ai grandi à Victoria, en Colombie-Britannique, et j'ai déménagé à Winnipeg en 2010 pour travailler pour la Commission de vérité et de réconciliation.
    Maintenant, je vais vous parler du mandat du Centre. Le mandat du Centre tire son origine de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens. Il s'agit de la convention générale qui a établi le Paiement d'expérience commune, le Processus d'évaluation indépendant, la Commission de vérité et de réconciliation, ainsi que, maintenant, notre organisme.
    La Commission a confié le Centre à l'Université du Manitoba et à ses partenaires à l'occasion de la Journée nationale des Autochtones, en 2013, après un long processus de consultation et d'appel de propositions. Nous conservons toutes les déclarations, tous les documents et tous les autres matériaux recueillis par la Commission.
    En outre, nous avons beaucoup de responsabilités liées à l'éducation — nous veillons à ce que les éducateurs et les élèves de partout au pays prennent connaissance des documents et des déclarations des survivants, en plus de mener des activités continues d'éducation publique —, à la recherche — nous jetons une lumière nouvelle sur notre histoire au moyen de la collection, tout en continuant à faire progresser la compréhension de la réconciliation —, et enfin, à la mobilisation des collectivités et des survivants.
    Bien que les archives constituent la base de notre travail, notre mandat pour l'avenir nous place au centre de nombreuses conversations sur la réconciliation. Nous gardons le bâton à exploits de la CVR, le hochet cérémoniel pour les enfants disparus et le récipient dans lequel les cendres sacrées ont été transportées d'un feu à l'autre dans tout le Canada.
    Indubitablement, le démarrage du Centre a été difficile. Tout en assumant les responsabilités que je viens de présenter, nous avons connu la conclusion de la CVR; le transfert des documents et des tâches entre la CVR et notre organisme; et, enfin, les mesures de départ, l'embauche et les activités connexes nécessaires à la création d'une nouvelle institution nationale. Cela dit, je suis ravi de souligner quelques réalisations importantes du Centre.
    En novembre 2014, nous avons emménagé dans un édifice nouvellement rénové du campus de l'Université du Manitoba. Cet édifice du patrimoine bien connu, situé sur la rive de la rivière Rouge, représente l'engagement profond de l'université envers le Centre. Ancienne demeure de nombreux présidents de l'université, elle nous rappelle aussi que le travail de réconciliation demande à tous de faire en sorte que chacun se sente chez soi. Nous devons aider à rebâtir les foyers et les familles attaqués et blessés par le système de pensionnats, tout en fournissant les efforts nécessaires pour veiller à ce que le Canada soit un endroit sûr pour les peuples autochtones.
    En novembre 2015, nous avons officiellement ouvert nos portes et lancé les bases de données publiques du Centre. Ces bases de données permettent, pour la première fois, d'obtenir de l'information précise sur chacun des pensionnats à un seul endroit. Aux renseignements sur les pensionnats s'ajoutent près de 20 000 photos et des milliers d'heures de déclarations de survivants.
    Nous avons lancé la base de données à l'occasion d'une cérémonie d'ouverture de deux jours tenue à l'université et au Centre des congrès de Winnipeg. Nous étions ravis de faire le lancement auprès de presque 2 000 élèves des niveaux intermédiaire et secondaire et de plus de 350 éducateurs de partout au Manitoba, dans le cadre d'une journée provinciale consacrée à l'éducation sur les pensionnats.
    Nous avons convié des élèves au lancement parce que c'est ce que les survivants nous ont demandé de faire: de communiquer leurs déclarations et leurs histoires aux jeunes afin que notre pays ne refasse jamais les erreurs désastreuses des pensionnats. Depuis, nous avons organisé une autre journée consacrée à l'éducation à Regina; des milliers d'élèves y ont aussi participé.
    De plus, je suis ravi de dire que nous avons organisé récemment une initiative très inspirante intitulée « Imagine un Canada ». Cette initiative nationale a permis aux élèves autochtones et non autochtones de la maternelle au postsecondaire de rédiger des textes ou de créer des œuvres d'art pour présenter leur vision de l'avenir du Canada dans une perspective de réconciliation. Son Excellence le gouverneur général David Johnson a accueilli les 10 meilleurs élèves à Rideau Hall, dans le cadre d'une cérémonie à laquelle ont participé de nombreux témoins d'honneur de la Commission et d'autres dignitaires de partout au pays.
    En outre, nous avons réussi à réunir des représentants des ministères de l'Éducation et des fédérations d'enseignants des quatre coins du pays pour un atelier ciblé au sujet de la mise en oeuvre de l'appel à la mobilisation sur l'éducation. Le but de la rencontre était de jeter les bases d'un cadre national sur l'éducation en matière de réconciliation. Les participants comptaient des personnes comme l'ancien premier ministre Paul Martin et des partenaires du milieu de l'éducation comme la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, ainsi que le Conseil des ministres de l’Éducation (Canada).
(1535)
    Il faut absolument travailler en étroite collaboration avec de nombreux partenaires du milieu de l'éducation de partout au pays, car, comme l'a si souvent dit le sénateur Murray Sinclair: « L'éducation est à l'origine du problème et elle doit en être la solution. »
    Le partenariat et la collaboration se trouvent au cœur même du Centre. Aujourd'hui, nous comptons plus de 20 partenaires nationaux, qui comprennent des organismes comme le Musée canadien pour les droits de la personne et l'Association nationale des centres d'amitié autochtones. Nous collaborons directement avec de nombreuses grandes universités canadiennes, y compris l'Université de la Colombie-Britannique et l'Université Dalhousie, ce qui permet au Centre d'étendre ses activités d'un océan à l'autre. De plus, nous travaillons activement à l'établissement d'un réseau de chercheurs du domaine de la réconciliation qui contribueront à la compréhension collective et au chemin à suivre pour arriver à la réconciliation. De nouvelles institutions se joignent au Centre presque tous les jours.
    L'établissement et le renforcement de ces relations forment la base d'un cadre national de réconciliation. En accomplissant tous ces travaux excitants, nous ne devons jamais oublier l'origine du mandat premier du Centre. Ce mandat vient des survivants qui se sont battus pour se faire entendre et pour informer le pays de tout ce qu'ils ont vécu et enduré dans les pensionnats. L'accès aux dossiers pour les collectivités, les survivants et les survivants intergénérationnels est un élément essentiel du processus de réconciliation.
    Afin que nous ayons les moyens d'accomplir notre mandat ardu de protéger l'information tout en la rendant accessible, nous avons collaboré de près avec la province du Manitoba pour créer la Loi sur le Centre national pour la vérité et la réconciliation. La Loi nous fournit les outils nécessaires pour faire en sorte que les survivants et leurs familles puissent accéder à la collection au besoin.
    Nous avons également tenu une série de 18 séances de mobilisation communautaire partout au pays. Nous avons rendu visite aux survivants et aux survivants intergénérationnels dans des régions éloignées et urbaines pour parler de leurs espoirs et de leurs rêves concernant le Centre. Au cœur de ces discussions, il y avait une conversation substantielle sur la protection des renseignements personnels et sur l'accès à la collection.
    De ces discussions et d'autres émane un désir grandissant chez les collectivités, les organismes et les personnes de confier d'autres dossiers au Centre. Bien que ce soit ambitieux, il n'est pas impossible que le Centre devienne les archives autochtones du Canada et l'organisme qui conserve les documents dans le respect des peuples autochtones, conformément aux principes et aux protocoles autochtones.
    Quelques questions fondamentales occupent le centre des travaux que nous avons à faire. Où allons-nous? Où en sommes-nous? Si nous arrivons à destination, le saurons-nous? Ces questions sont au cœur d'un congrès important auquel nous collaborons, intitulé Pathways to Reconciliation. Le congrès, qui aura lieu à Winnipeg en juin, réunira divers participants pour examiner trois sujets clés: comprendre la réconciliation, mesurer la réconciliation et lancer la réconciliation.
    Le congrès vise certainement à établir une approche coordonnée relative aux futures mesures d'action nationale en matière de réconciliation. On y examinera un sondage public national décrivant les perceptions des peuples non autochtones envers les peuples autochtones, qui paraîtra bientôt. Le rapport n'a pas encore été publié, mais il souligne à la fois de nombreux progrès et tout le travail qui reste à faire au Canada.
    Je vais employer le temps qu'il me reste pour présenter mes conclusions à ce sujet.
    Chers amis, le chemin de la réconciliation que nous avons devant nous n'est pas une ligne droite et il ne sera pas facile. Il faudra beaucoup de soins et d'attention pour arriver à destination. La CVR a formulé 94 appels à l'action, en plus d'établir 10 principes de réconciliation. Certains, comme l'appel à l'action 78, demandent de donner du financement de base au Centre. J'espère que cette recommandation sera suivie immédiatement. Les appels à l'action 72 et 76 parlent du besoin de continuer à déployer des efforts pour identifier et nommer les enfants qui ne sont jamais revenus des pensionnats et qui sont enterrés dans des endroits inconnus partout au pays. Le Centre doit participer à ce travail. Il a commencé à suivre les activités entreprises en réponse à chaque appel à l'action, en plus de jeter les bases d'un rapport national présentant la situation actuelle relative à la réconciliation au Canada.
    Assurément, il reste beaucoup de travail à faire sur ce plan. Grâce au travail de la Commission, nous avons constaté le pouvoir des voix des survivants. Le Canada a maintenant une nouvelle compréhension de son identité, mais même aujourd'hui, on parle activement de détruire les preuves des abus commis dans les pensionnats. Dans une décision récente, la Cour d'appel a établi que toutes les déclarations des survivants présentées dans le cadre du PEI seront détruites dans 15 ans, à la suite d'un programme d'avis amélioré. Il est possible d'interjeter appel de la décision devant la Cour suprême avant le 3 juin. Le Canada a appuyé la conservation aux deux premières étapes, et je vous demande de songer sérieusement à interjeter appel devant la Cour suprême.
(1540)
    La réconciliation est le plus grand projet national que le Canada a jamais entrepris. Il exige de voir différemment notre histoire et notre avenir. Nous devons nous demander quels renseignements il faut recueillir et suivre aujourd'hui pour nous mettre sur la voie du succès. Nombre d'appels à l'action précis nous orientent en ce sens.
    Si nous tenons réellement à la réconciliation, nous devons prendre des mesures concrètes pour établir des cadres qui nous permettront de réussir. Personne ne peut y arriver seul, mais j'espère sincèrement qu'un jour, nous repenserons à l'époque actuelle et nous serons fiers de tout ce que nous aurons accompli grâce à des mesures coordonnées et engagées.
    Je tiens à déclarer que nous sommes prêts à aider à établir le cadre national, et nous avons les moyens de le faire. Nous avons les partenaires, nous avons le potentiel, nous avons la direction d'un cercle de gouvernance fantastique et nous avons la vérité sur laquelle le Centre est fondé. Le Centre peut apporter une contribution importante, mais nous avons besoin de votre aide pour mener le projet à terme.
    Thank you.Meegwetch. Merci.
    Merci beaucoup de vos observations, monsieur Moran. Je sais qu'elles seront très utiles au Comité.
    Nous allons passer aux questions des membres du Comité. Durant la première série de questions, cinq personnes auront un temps de parole de sept minutes. Je vous interromprai pour vous avertir lorsqu'il vous restera une minute et encore une fois lorsque votre temps sera écoulé.
    Le premier intervenant est M. Michael McLeod.
    Merci de votre exposé. C'est un dossier très important.
    Je représente les Territoires du Nord-Ouest et je viens d'une famille de huit enfants, qui ont tous fréquenté un pensionnat. Pour nous, le dossier n'est pas nouveau. La moitié de la population des Territoires du Nord-Ouest est autochtone, et presque toute la population est liée d'une façon quelconque aux pensionnats, qui attirent beaucoup l'attention depuis quelque temps. Les Territoires du Nord-Ouest ont probablement la plus grande proportion d'habitants ayant fréquenté les pensionnats. Cette page de notre histoire, ce volet de notre société sont encore très récents. Beaucoup de gens qui ont fréquenté les pensionnats, comme moi, sont toujours vivants et présents, et les enfants de ces personnes luttent également contre les problèmes, les conséquences et les dilemmes qui découlent des pensionnats.
    Nous regardons avec beaucoup d'intérêt les recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation. Nous espérons qu'elles nous permettront d'avancer, ainsi que d'améliorer la qualité de vie dans nos collectivités, en rétablissant la santé des collectivités et des personnes, et en guérissant les nombreux maux sociaux qui nous affligent. Je suis heureux que nous envisagions un centre qui servirait de ressource permanente pour l'ensemble des Canadiens.
    Je ne comprends pas bien comment on a décidé où il serait situé et que le cercle de gouvernance serait formé de sept personnes. Vous avez mentionné que vous auriez des partenaires. Je ne connais pas vos partenaires et je ne sais pas comment on a décidé que le centre national serait situé à Winnipeg.
(1545)
    Ce sont là des questions très importantes et tout à fait légitimes.
    La Commission de vérité et réconciliation, qui a été établie dans la foulée de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, a reçu le mandat de créer ce qu'on appelait à ce moment-là le centre national de recherche. En 2011, la Commission a tenu une grande conférence internationale réunissant des chercheurs et des praticiens d'un peu partout dans le monde afin d'explorer quelle forme le centre pourrait et devrait prendre, de même que des pratiques exemplaires internationales.
    Nous avons extrait une série de questions de cette conférence et nous les avons présentées au pays. Nous avons fait circuler 10 questions dans le cadre d'un processus de mobilisation assez vaste. Nous avons ainsi demandé aux soumissionnaires de nous faire part de leur vision du centre, de nous parler de leurs partenaires, et de nous dire comment ils allaient financer le tout, car les modalités de financement n'étaient pas encore absolument certaines ni très claires. Nous voulions aussi connaître leur expérience dans la gestion de collections de documents de nature très délicate, et où ils allaient entreposer tout cela. Nous avons reçu de très bonnes soumissions à la suite de cet appel de propositions, et c'est celle de l'Université du Manitoba et de son partenaire qui a été retenue.
    Cependant, il ne s'agit absolument pas du centre national de l'Université du Manitoba; c'est le Centre national de vérité et réconciliation du Canada. C'est seulement que nous avons un excellent partenaire qui croit à la mission du centre et qui nous a fourni du financement, un emplacement, du personnel et des ressources, de l'aide juridique, et de l'aide avec les demandes d'accès à l'information et aux renseignements personnels. Tout cela nous a permis de démarrer rapidement.
    Il est primordial de continuer à étendre notre réseau de partenaires, et les partenariats que nous avons établis découlent d'une série de discussions. Nous avons une entente juridique conclue entre les partenaires. J'ai nommé une vingtaine de partenaires, mais nous travaillons aussi avec différents organismes de façon régulière, dont l'Inuit Tapiriit Kanatami, l'Assemblée des Premières Nations, les églises nationales, et bien d'autres organisations avec lesquelles nous collaborons activement. Grâce à ces partenariats, à cette collaboration, le centre sera en mesure de réaliser pleinement son mandat.
    Le cercle de gouvernance est composé de sept membres choisis à l'échelle du pays; trois membres représentant les Premières Nations, les Inuits, les Métis, les survivants ou leur famille; deux membres représentant les partenaires du centre; et deux membres de l'Université du Manitoba en tant que telle afin de soutenir les discussions de nature administrative et tout ce qui touche aux activités du centre.
    Nous sommes également sur le point de former un cercle de survivants, et c'est un autre cercle consultatif que nous avions le mandat de créer.
    Il y aura certainement d'autres cercles et d'autres forums de discussion. Certains seront établis par l'entremise des processus de la Commission, et d'autres par le rassemblement de gens aux idées semblables à l'égard de questions d'importance nationale.
(1550)
    Dans l'éventualité où on perdrait tout financement pour l'organisation nationale, vous avez toute cette information que vous avez recueillie et que vous continuez à recueillir, et nous voulons conserver tout cela dans un lieu sûr, où les gens pourraient consulter ces renseignements. J'ai deux questions à ce sujet. J'ai déjà été témoin d'une telle situation, alors c'est pourquoi je soulève la question.
    Aux Territoires du Nord-Ouest, deux établissements avaient été établis: l'Institut culturel déné et l'Institut culturel métis. Ces instituts logeaient toutes les archives, des documents et des vêtements, et toutes sortes de choses y étaient exposées. Un institut a perdu son financement et l'équipe a déserté. Tout le matériel a été laissé derrière, dans une pièce, puis des déménageurs sont venus tout balancer dehors.
    Je crains qu'à un moment donné, si jamais on perdait le financement, dans 10 ou 20 ans, qu'il n'y ait pas de plan pour protéger toute cette information. Comment allons-nous nous assurer d'avoir un plan B en place au cas où...
    C'est une excellente question.
    C'est effectivement une crainte que j'ai moi aussi. En tant que directeur du centre, je me donne entre autres la mission de créer le plus de stabilité qui m'est humainement possible pour le centre.
    Cette crainte a été abordée directement dans l'accord de fiducie, c'est-à-dire l'accord administratif conclu entre la Commission de vérité et réconciliation et l'Université du Manitoba, qui engage l'université à abriter le tout pendant une certaine période.
    Le temps est écoulé. Si vous le voulez, vous pouvez y aller d'une dernière phrase.
    L'appel à l'action numéro 76, dont j'ai parlé, sera très utile à cet égard. La stabilité avant tout.
    Cathy McLeod, je vous en prie.
    Merci pour votre exposé et pour les renseignements très importants que vous nous avez communiqués.
    J'ai d'abord été abasourdie d'entendre le premier ministre et son gouvernement affirmer qu'ils avaient pris l'engagement solennel de mettre en oeuvre les 94 recommandations. Par contre, vous avez mentionné que vous n'étiez pas certain d'avoir le budget nécessaire. Vous avez dit que c'était une recommandation et que vous ne saviez pas si vous aviez des fonds pour remplir l'important mandat qu'on vous a confié, malgré la promesse du premier ministre.
    Est-ce bien cela?
    Jusqu'à maintenant, nos relations de travail avec le gouvernement du Canada ont été très fructueuses, et nous avons reçu des fonds du gouvernement fédéral pour plusieurs projets. On a annoncé un financement de 1 million de dollars l'an dernier lors des cérémonies de clôture de la Commission de vérité et réconciliation, et des fonds supplémentaires nous ont été versés à la fin de l'année.
    Comme l'organisation en est à ses débuts, il serait très utile pour nous d'avoir le budget à l'avance pour être en mesure de savoir exactement ce qui nous sera possible de faire avec les moyens que nous avons.
    Le budget ne prévoyait donc rien pour vous permettre de dresser un plan de cinq ans, pour savoir où vous vous dirigez. C'est un très grand manque, dans ce cas.
    C'est toujours incertain à ce stade-ci. Je pense que les intentions sont bonnes en général, mais un peu de certitude m'aiderait sans doute à mieux dormir la nuit, pour être bien honnête avec vous.
    Merci.
    Ma prochaine question porte sur l'accès aux renseignements personnels, que vous avez mentionné rapidement. Certains de ces renseignements sont de nature hautement délicate et confidentielle. J'ai travaillé dans le domaine de la santé; dans ce secteur, il est absolument primordial de préserver la confidentialité des gens qui se confient à nous. J'aimerais que vous nous parliez un peu plus en détail de la manière dont vous assurez la protection des renseignements personnels des gens qui ne veulent peut-être pas que leur histoire soit connue.
    Nous faisons preuve d'une grande prudence à chacune des étapes de la divulgation des documents issus du centre. À l'heure actuelle, les renseignements contenus dans la base de données du centre sont généralement accessibles à partir d'autres sources publiques. Nous en avons facilité l'accès et soigné la présentation; l'information est simplement plus facile à trouver. Toutes les déclarations publiées sur le site Web du centre appartiennent également au domaine public et sont extraites d'événements nationaux ou d'autres audiences publiques diffusées sur le Web, et les survivants ont été bien avisés qu'il s'agissait d'événements publics et qu'il y avait des caméras partout.
    Nous prenons extrêmement au sérieux la question de la confidentialité, et c'est en fait au coeur d'absolument tout ce que nous faisons au centre. Nous ne voyons pas cela comme une collection de documents; nous croyons qu'on nous a confié l'obligation vénérable de préserver ce que nous considérons comme un lot sacré. C'est une tâche qui doit reposer sur des principes de confiance.
    Nous avons des bases de données hautement sécurisées. Nous ne permettons que des accès très limités aux documents. Nous travaillons en étroite collaboration avec le bureau de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels de l'Université du Manitoba, et ce quotidiennement, afin de nous assurer que tous nos protocoles et nos lignes directrices en matière d'accès sont au point. Nous faisons les choses avec prudence. Nous nous assurons d'apprendre à marcher avant de courir.
    Je dirais finalement que nous sommes face à une dualité intéressante. Il y a le droit collectif de savoir, l'obligation collective de renseigner le public et d'exposer la vérité entourant les pensionnats. Les survivants veulent vraiment crever l'abcès. D'après les séances de mobilisation communautaire que nous avons tenues, nous savons que les survivants ne veulent pas que la vérité soit dissimulée. Cependant, nous ne pouvons pas négliger le droit individuel à la confidentialité dans tout cela. Tous les documents qui sont affichés sur le site Web du centre en ce moment sont ainsi publics, mais les personnes concernées peuvent cliquer sur un bouton pour demander qu'on retire le document du domaine public, et nous pouvons le mettre hors ligne immédiatement.
    Nous tâchons d'instaurer des contrôles rigoureux, et c'est à ce niveau que le cercle de gouvernance et d'autres membres nous conseillent et nous aident vraiment à...
(1555)
    Nous travaillons de très près avec les survivants eux-mêmes. Des aînés siègent au conseil avec nous, et ils savent parfaitement ce qui s'y trouve, ce qui est publié, ce qui ne devrait pas être publié et comment nous devrions aborder les choses. C'est aussi pourquoi nous allons former un cercle des survivants, de façon à ce qu'ils puissent faire valoir leurs points de vue directement. Nous avons eu des discussions avec des intervenants de partout au pays sur la meilleure façon de traiter ces documents.
    Nous savons qu'il y a beaucoup d'information sur les survivants, et très peu sur les auteurs des gestes qui ont été posés. Et c'est une partie de l'équation qui a été négligée: les autres s'en tirent assez bien, car aucun document n'est consigné à leur sujet, et c'est s'il existe des documents sur eux.
    Selon nous, et selon l'avis des aînés, cela ne concerne pas que les collectivités autochtones; il est question du Canada, de ce qui est arrivé au cours de cette période et de la façon dont tout cela doit être représenté.
    Je crois que ce sera très difficile de trouver l'équilibre. Bien des questions méritent une profonde réflexion, à mon avis. Par curiosité, quelle taille a le centre? Combien compte-t-il de pieds carrés? Vous avez dit que c'était la demeure de l'ancien président.
    Notre centre occupe de superbes locaux d'environ 8 600 pieds carrés. C'est une vieille maison. Nous prévoyons manquer d'espace avant longtemps. Nous avons d'ailleurs lancé une campagne de financement, par le biais de la campagne principale de l'Université du Manitoba, afin de construire de nouveaux locaux voués aux collections du centre. Nous avons déjà un terrain, et nous voulons entreprendre la construction dès que nous aurons terminé notre phase de démarrage, c'est-à-dire le plus tôt possible.
    À l'heure actuelle, nous avons un effectif de 15 à 17 personnes, selon la façon dont on le calcule, des employés à temps plein et à temps partiel. Nous prévoyons accroître notre effectif au cours de l'année à venir. À mesure que nous arrivons à stabiliser le budget, nous savons mieux de combien de capitaux et de revenus nous disposons. C'est une des difficultés que nous avons à surmonter pendant la période de démarrage, simplement de connaître notre budget de fonctionnement. J'essaie absolument de stabiliser tout cela dans les plus brefs délais.
    La prochaine question appartient à Charlie Angus.
    Merci d'être ici et merci pour votre excellent travail.
    Je veux d'abord parler du pensionnat St. Anne. Edmund Metatawabin, un des porte-parole des survivants, affirme que la vague de suicides chez les jeunes est une conséquente directe des traumatismes infligés dans cet établissement. La semaine prochaine, les survivants de St. Anne vont se présenter de nouveau devant la Cour supérieure de justice de l'Ontario pour contester la suppression par le gouvernement du Canada de milliers de pages de témoignages de policiers; le gouvernement fédéral a aussi tu les noms de plus de 180 agresseurs, a menti lors des audiences et a bafoué le droit à la justice de nombre de personnes.
     Le juge Perell a ordonné la remise de ces documents. Ont-ils été remis à votre centre? Avez-vous tous les documents liés à l'enquête policière sur le pensionnat St. Anne?
    C'est délicat et c'est toujours ainsi, mais nous ne sommes au courant que de ce que nous recevons et de ce qu'on nous a permis de voir. Nous avons reçu une quantité assez importante de documents relatifs aux enquêtes de la Police provinciale de l'Ontario. De mémoire, et je vais faire des chiffres ronds, je pense que nous avons reçu quelque 13 000 documents non censurés. Ce sont évidemment des documents de nature hautement délicate qui doivent être manipulés avec le plus grand soin. Mais à dire vrai, s'il y a d'autres documents, je ne le sais pas.
(1600)
    Sont-ils censurés?
    Ils ne sont pas censurés.
    Comme c'est intéressant. Le gouvernement fédéral m'empêche depuis trois ans de trouver des documents internes — rien à voir avec St. Anne — et pourtant, il m'a donné tout un lot de documents non censurés, y compris des documents qu'il refusait de remettre aux plaignants. Ils m'ont envoyé le nom de témoins, d'agresseurs, de personnes impliquées dans les cas de violence, et pendant ce temps, les survivants doivent faire appel aux tribunaux dans l'espoir de connaître ces noms que le gouvernement fédéral refuse de divulguer. Je ne comprends tout simplement pas qu'on vous donne accès à ces noms, alors que ceux qui ont intenté des poursuites contre le gouvernement fédéral se font répondre qu'ils n'ont pas le droit de les connaître. C'est à croire que le gouvernement protège les agresseurs.
    Vous avez reçu des versions non censurées.
    C'est exact. Nous avons reçu des versions non censurées. Tous les documents remis à la Commission de vérité et de réconciliation l'ont été en version non censurée. Honnêtement, c'est toute une responsabilité pour nous de gérer ces renseignements personnels de nature hautement délicate. Nous avions besoin de documents non censurés afin de comprendre la vérité et de pouvoir ainsi aider les survivants, et de pouvoir assurer tout ce que cela implique.
    Nous éprouvons encore certaines difficultés, car le démarrage n'est pas tout à fait terminé et nous tâchons encore de bâtir notre capacité et de former notre effectif. J'aimerais vraiment pouvoir aider les survivants de St. Anne dans leur quête de justice. Nous sommes tellement préoccupés par la protection des renseignements personnels que nous craignons de faire des bévues, mais nous devons aussi nous demander si nous ne ratons pas certaines occasions de réellement contribuer au processus global de justice et de guérison qui doit absolument s'opérer au pays.
    Merci.
    Je m'inquiète de la destruction des documents. J'entends souvent dire que les poursuites sont rejetées pour des détails techniques. J'ai peur que si les preuves ne sont pas là, les plaignants ne pourront pas porter la décision en appel.
    En ce qui concerne la destruction des documents du PEI, est-ce qu'ils appartiennent selon vous à la catégorie des documents historiques et des exposés narratifs relatifs aux pensionnats? Qu'en est-il des documents d'information ministériels ou des notes au ministre? Sont-ils considérés comme des documents du PEI? Où devons-nous tirer la ligne?
    Aux fins de la création de dossiers historiques, la question dont le tribunal est saisi en ce moment vise à restreindre la conservation des documents du PEI à trois grandes catégories: les déclarations/transcriptions des survivants, les demandes, puis les décisions des adjudicateurs. Il y a une foule de documents qui ne tombent pas dans ces catégories, et ce pour diverses raisons, que je n'exposerai pas en détail aujourd'hui.
    Je n'en ai pas eu la confirmation directe, mais j'espère que les autorisations pluri-institutionnelles de disposer des documents qui s'appliquent aux organismes gouvernementaux, de Bibliothèque et Archives Canada, permettraient de veiller à ce que les documents d'information et les dossiers internes du Secrétariat du PEI soient conservés, de la même manière que tous les autres dossiers gouvernementaux.
    La même chose est valable pour la Commission de vérité et de réconciliation. Nous avons aussi dû conserver nos documents internes.
    D'accord. Vous dites, par exemple, que le gouvernement ne pourrait affirmer que les notes d'information ministérielles doivent être protégées et ensuite détruites?
    Cela ne devrait pas... en vertu de cette décision... Ces documents devraient être assujettis à d'autres lignes directrices en matière de conservation, soit aux processus standards du gouvernement en matière de tenue des dossiers.
    J'aimerais vous poser une question sur le partage administratif, qui a engendré le rejet de 1 000 demandes. Dans le cas de l'école anglicane Fort George à Chisasibi, très semblable au pensionnat St. Anne, le gouvernement a obtenu de nouveaux documents sur cet établissement, du temps qu'il s'agissait d'un pensionnat indien. Cependant, ces nouveaux documents n'ont pas été remis aux plaignants, alors c'est dire qu'on a bafoué leur droit à la tenue d'une audience en bonne et due forme.
    Je comprends que les représentants d'Affaires autochtones ont récemment dit au comité de surveillance du PEI qu'ils avaient déjà remis ces documents, il y a longtemps. Avez-vous reçu de nouveaux exposés des faits sur ce qui s'est produit à l'école anglicane Fort George à Chisasibi?
    Non, nous n'avons pas reçu de mises à jour récentes des exposés des faits relatifs aux pensionnats.
    D'accord. Merci beaucoup.
    Vous avez dit que le gouvernement fédéral avait gardé le silence sur cet appel à la Cour suprême pour la protection des documents. Moi, je reconnais l'importance de la protection de la vie privée et je pense que vous en avez parlé comme d'une marque de confiance sacrée. La question nous préoccupe tous profondément, mais pouvez-vous expliquer ce que vous craignez de la destruction de ces dossiers et de ses conséquences sur la capacité, dans l'avenir, de découvrir si, en fait, justice a été faite grâce aux audiences du PEI? On a peut-être obligé certaines personnes à agir sans leur donner le temps de réfléchir.
    C'est une question fondamentale. Nous devons d'abord réfléchir à certains aspects simplement dans l'intérêt public. Le Processus d'évaluation indépendant a coûté cher à l'État, tout en étant, dans notre pays, un processus nouveau et à grande échelle de justice et de résolution des différends. Ça suffirait pour en justifier l'examen plus tard, ici et à l'étranger. Soyons réalistes, nous ne serons pas le seul pays à connaître de telles violations des droits de la personne, et il y a tellement à apprendre, seulement sur le plan de l'administration du processus.
    De plus, bien que les dossiers du PEI soient incroyablement délicats — et il faut respecter au plus haut point les craintes des survivants à ce sujet — ils donnent sur les pensionnats un aperçu incomparable, plus qu'aucun autre ensemble de données. Ils témoignent des agressions commises. Tous les témoignages des survivants que j'en ai tirés sont absolument atroces. En fait, je pense que la société ne peut pas comprendre tout à fait la gravité de ce qui s'est passé dans ces établissements.
    Voici le scénario à venir. Cette décision particulière garantit la conservation des dossiers pendant 15 ans, alors que, en vertu d'un programme d'avis, on demandera aux survivants s'ils choisissent de les conserver après. C'est un processus assez exigeant, qui exige de retrouver les victimes et des les convaincre. Maintenant dispersés partout au pays, beaucoup de survivants vivent dans des régions éloignées. Il y a l'obstacle de la langue. De plus, ils vieillissent rapidement.
    Les dossiers seront en gros conservés 15 ans, ce qui nous amène autour de 2031-2032. Ils auront été conservés intacts dans le silence, dans un serveur, quelque part, peut-être au Centre, peut-être au secrétariat du PEI, et quelqu'un devra y aller et appuyer sur le bouton « supprimer » de tout cet ensemble de dossiers.
    À quoi ce jour-là ressemblera-t-il? J'y ai réfléchi. En notre qualité de parlementaires ou de protecteurs des peuples autochtones, voudrions-nous être celui qui, ce jour-là, prononcera le discours fatidique? Je sais que je serais déchiré par le choix du genre de discours que je prononcerais ce jour-là. Est-ce que je dirais que justice a été rendue?
(1605)
    Il faut terminer. Je suis désolé.
    Oui. Désolé, mais c'est le scénario que nous contemplons.
    Monsieur Rusnak.
    Ancien de l'Université du Manitoba, je suis heureux de voir que les dossiers sont conservés dans cette grande université. Je connais les lieux. L'endroit convient très bien. La présence, à Winnipeg, du Musée canadien des droits de la personne, me semble favorable à la collaboration.
    Tout d'abord, cette collaboration avec le Musée canadien des droits de la personne a-t-elle eu lieu? Y a-t-il eu des discussions? Dans un cas comme dans l'autre, quels projets de collaboration entrevoyez-vous avec des organisations telles que ce musée?
    Merci. C'est une excellente question.
    C'est vraiment pour nous une chance d'être situés à Winnipeg. On y trouve des organisations hors pair, comme le Musée. Nous avons noué avec lui des relations de travail très étroites et très saines. Jusqu'ici, nous avons collaboré à un certain nombre d'initiatives, notamment l'exposition de la Boîte de bois cintré, qui, bien qu'elle fasse partie de notre collection, est gardée au Musée. Nous lui avons communiqué un certain nombre de fichiers vidéo de la collection du Centre, et nous sommes partenaires dans la conférence Pathways to Reconciliation et dans toute une série d'initiatives éducatives qui visent à amener les écoliers au Centre et au Musée.
    Ce musée a monté un processus très semblable à celui auquel nous collaborons aussi avec le Musée canadien de l'histoire pour l'obtention de témoignages de ces survivants et l'exposition, dans des espaces publics, de pièces qui permettront aux visiteurs d'apprendre et de comprendre. Cette histoire, on nous a demandé à nous et au pays de la raconter.
    Ces types de partenariats sont extraordinairement stimulants pour nous. Plus nous pouvons en réaliser et plus nos liens de collaboration sont étroits, mieux nous nous portons collectivement et plus forts nous nous retrouvons.
    Je ne comprends pas bien votre financement à l'heure actuelle. Vos fonds proviennent-ils partiellement du gouvernement canadien, et partiellement du règlement?
    Jusqu'à maintenant, notre financement provient principalement de quatre sources de revenus. Nous avons reçu les fonds excédentaires de la Commission de vérité et réconciliation, ou CVR, qui sont évidemment épuisés étant donné que la CVR n'est plus.
    Nous obtenons aussi un financement de base de l'Université du Manitoba. Je dois d'ailleurs souligner la contribution de l'établissement étant donné qu'il est intervenu alors que nous n'avions aucune autre source de financement. Nous lui devons sincèrement une fière chandelle. C'était un projet d'envergure pour l'université.
    Nous avons aussi reçu des fonds du gouvernement canadien. Le ministre Valcourt, qui s'occupait à l'époque des affaires autochtones, en avait fait l'annonce l'année dernière, et l'aide a été bonifiée cette année des fonds de fin d'exercice.
    Nous avons également commencé à amasser d'autres fonds. La province du Manitoba nous a versé un peu d'argent, et nous avons réussi à obtenir de l'argent pour le centre auprès de sociétés.
    Tout cela signifie toutefois qu'à l'exception du financement de base de l'université, nous n'aurons pas beaucoup de chèques à déposer à la banque. Voilà qui demeure une préoccupation pour nous.
(1610)
    Venez-vous essentiellement de démarrer vos activités, ou y a-t-il encore des dépenses en immobilisations et d'autres dépenses? Vous dites être encore en train d'augmenter les effectifs; j'imagine donc qu'il y a encore du pain sur la planche sur le plan du démarrage et des choses à faire. De combien d'argent avez-vous essentiellement besoin pour arriver là où vous devez être?
    Il y a les activités principales du centre, puis les activités supplémentaires. D'ici le milieu de l'année, nous aurons le personnel de base dont nous avons besoin. Il est essentiel d'embaucher un personnel compétent, et nous sommes en train de pourvoir les derniers postes.
    Voilà qui nous permettra de poursuivre les activités principales. Nous devrons ensuite nous attaquer à tous les autres travaux à réaliser aussi. Nous devrons alors discuter sérieusement avec divers partenaires et organismes, notamment avec le gouvernement du Canada, afin de véritablement planifier le cadre de la réconciliation et la façon dont nous allons collectivement répondre à ces appels à l'action dont nous sommes tous saisis.
    Nous continuons à édifier le centre. Nous achevons la phase de démarrage, et nous sommes dans la bonne direction.
    J'imagine que le cercle de gouvernance a participé à l'orientation actuelle du centre. Comment le cercle noue-t-il le dialogue avec les communautés des Premières Nations, les communautés métisses, les communautés inuites et les autres peuples autochtones au pays?
    Les différents membres du cercle possèdent évidemment diverses compétences. Nous nous sommes attardés aux normes en matière d'éthique, à la documentation, en ce qui a trait bien sûr à la façon de la diffuser, et à ce que nous établirons au fil du temps.
    Les membres du cercle de gouvernance ont aussi des responsabilités dans leur collectivité d'origine. On s'attend à ce que nous fassions une bonne partie de la sensibilisation communautaire, et c'est ce qui se passe.
    Nous recrutons nous-mêmes les membres du cercle et veillons à ce que les choses progressent. Je suis un témoin honoraire du cercle de gouvernance, et il y a au moins une centaine de témoins honoraires semblables au [Note de la rédaction: inaudible]. Nous avons aussi la responsabilité de veiller à ce que les gens participent à l'effort de réconciliation. Notre travail consiste non seulement à être à la disposition de Ry, à le conseiller et à collaborer avec lui, mais aussi à discuter de la suite des choses, du genre de services que nous devrions mettre en place immédiatement, et de la façon dont nous pouvons maintenir l'effort bien vivant sur le terrain. Comment pouvons-nous faire en sorte que les gens continuent à porter attention au processus de réconciliation à l'avenir?
    Je ne comprends pas bien la structure du cercle de gouvernance. Je crois savoir qu'il regroupe un représentant des Métis, un des Premières Nations et un du peuple inuit. Vous parlez ensuite des survivants. Font-ils partie du cercle? Combien de survivants en sont membres, et comment sont-ils sélectionnés, s'ils y participent?
    Nous avons beaucoup de chance à l'heure actuelle étant donné que la majeure partie des membres du cercle sont des Autochtones. Nous avons un mélange de survivants, de descendants et d'anciens élèves des pensionnats, ce qui est essentiel à l'ensemble de la discussion.
    Encore une fois, il y a eu une demande de proposition nationale, et un certain nombre de nos partenaires ont participé à la sélection de ce conseil d'administration initial — je pense que nous avions un comité de sélection de 13 membres comprenant des représentants de nos partenaires, y compris l'Association nationale des centres d’amitié, ou ANCA, et le Ralliement national des Métis. Le cercle de gouvernance initial devait travailler assez fort, étant donné qu'au fil de sa création et de l'exploration des questions et des conversations, nous devons aussi échanger et demander conseil aux gens de confiance qui nous entourent.
    Nous allons entamer un tour d'interventions de cinq minutes. Les choses iront un peu plus vite. Le premier intervenant est Arnold Viersen. Allez-y, s'il vous plaît.
    Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui. Il est fascinant de vous entendre parler de l'excellent travail que vous réalisez.
    Je m'interroge peut-être sur les modèles. Savez-vous si qui que ce soit au monde fait la même chose que vous?
    Il y a assurément des parallèles à établir avec l'Australie. Le pays a engagé une procédure à ce chapitre. Il s'agit bien sûr d'une société coloniale membre du Commonwealth, et qui est aux prises avec un certain nombre d'enjeux qui nous posent problème à nous aussi, au Canada.
    Le pays s'est doté d'un conseil de réconciliation, qui a été en fonction pendant un certain nombre d'années et qui ressemblait beaucoup à notre CVR, après quoi il a créé un organisme appelé Reconciliation Australia, qui s'occupe de surveiller la situation. L'organisme publie un rapport annuel sur l'état de la réconciliation au pays. Il réalise aussi un baromètre de la réconciliation qui fait le suivi des perceptions du public et des relations entre les peuples autochtones et non autochtones, en plus de collaborer sérieusement avec le secteur privé à la conception de plans d'action en matière de réconciliation; c'est donc un modèle plutôt intéressant.
    D'autres organismes dans le monde s'attardent aux lieux de commémoration et surveillent aussi l'état de la réconciliation. En Afrique du Sud, une équipe de recherche spécialisée s'occupe du baromètre de la réconciliation au pays, qui est en place depuis une vingtaine d'années et qui fournit des données de référence uniformes sur les relations au sein du pays. Nous avons beaucoup étudié ce modèle.
    Des mesures similaires ont été prises au Rwanda en matière de réconciliation. De façon plus générale, il y a des organismes fort intéressants qui servent de lieux de commémoration, de centre de commémoration et d'institut national de commémoration. La Fondation de la Shoah en est un exemple: elle est associée à l’Université de la Californie à Berkeley et abrite d'ailleurs un très grand nombre de témoignages de survivants de l'Holocauste.
    Nous avons étudié ces modèles et avons rencontré assidûment les responsables lorsque nous cherchions où nous allions localiser le centre, et nous avons envisagé cette relation entre une université et un centre dans l'élaboration de notre plan.
(1615)
    Dans le cas de Berkeley, quelle est la structure du financement? Les fonds proviennent-ils du gouvernement ou de dons privés?
    Il y a eu un financement initial de Steven Spielberg, de sorte que la fondation a reçu une très grande quantité de fonds hollywoodiens, ce qui lui a donné une bonne longueur d'avance.
    Nous en avions d'ailleurs discuté au sein de la CVR. Où se trouve notre Hollywood nordique dans tout cela? Je doute que nous ayons quelque chose de similaire.
    Je crois que le financement vise surtout la fondation, et il comprend un énorme fonds de dotation.
    Dans nos discussions avec le gouvernement fédéral, nous avons justement exploré la création d'un fonds de dotation pour le centre. Vous constaterez que les appels à l'action qui portent plus particulièrement sur les cadres nationaux à long terme, visant à mesurer et à faire le suivi de la réconciliation, mentionnent la création d'un fonds de dotation qui permettrait à l'organisme de parer les revirements politiques, disons, ou les fluctuations de revenus, entre autres. La réconciliation est un processus qui nécessite une stabilité et des efforts à très long terme.
    Il est très important de favoriser ce genre d'ententes de financement stables qui nous permettront d'affronter les tempêtes.
     Dans quelle mesure les communautés des Premières Nations participent-elles au financement, disons, ou même les survivants eux-mêmes? D'après mes observations personnelles, je sais qu'il y a des choses dont je veux qu'on se souvienne. J'investis donc directement dans des musées locaux et ce genre de choses. J'en suis membre. Est-il possible de devenir membre de votre organisation? Puis-je payer pour y adhérer? Les survivants sont-ils tous des membres honoraires? Comment tout cela fonctionne-t-il?
    Étant donné que nos gestes relèvent vraiment de la sphère publique, il nous incombe directement et intrinsèquement de transmettre l'information aux survivants, dans une initiative sincère de réconciliation qui ne devrait vraiment être associée à aucun coût, et qui ne peut pas l'être.
    N'oublions pas que les peuples autochtones demeurent plutôt marginalisés et défavorisés dans la société de façon générale, de sorte que ce ne sont pas vers eux que nous nous tournons d'emblée pour obtenir un financement communautaire.
    Cela dit, il existe des possibilités de sources de revenus provenant du recouvrement des coûts, que nous explorons assurément. Par exemple, lorsque nous permettons au Musée canadien de l'histoire d'avoir accès aux données, nous envisageons de mandater un chercheur pour qu'il déniche des documents dans le centre. Il y a alors un modèle basé sur le recouvrement de coûts à explorer dans une telle situation.
    Le prochain intervenant est Rémi Massé.
    À vrai dire, c'est plutôt au tour de Gary Anandasangaree. Allez-y, s'il vous plaît.
    Je vous remercie tous les deux de votre excellent travail ayant permis de mettre sur pied et de démarrer le centre.
    Je sais que nous avons beaucoup parlé de la CVR et de ses appels à l'action. Que faites-vous pour assurer le suivi des 94 recommandations, pour que les intervenants touchés participent à leur mise en oeuvre, et pour rendre compte des progrès réalisés à tout le monde?
(1620)
    J'ai parlé dans mon exposé de certains travaux préliminaires que nous réalisons à ce chapitre afin de lancer les activités de surveillance. Bien sûr, nous avons beaucoup de pain sur la planche tandis que nous achevons la phase de démarrage. Nous voulons accroître nos activités à ce chapitre, mais nous ne sommes peut-être pas encore en mesure de déployer complètement nos ailes.
    La réconciliation, c'est un de ces enjeux qui nécessitent un effort diversifié et vaste. Le processus doit suivre son cours naturellement, et dans l'ensemble des secteurs. Nous avons tous la responsabilité de participer à la réconciliation à l'échelle personnelle, organisationnelle et nationale aussi, bien sûr. Mais il est absolument essentiel de discuter soigneusement de notre situation actuelle, de notre objectif et de la façon dont nous allons l'atteindre. Il faut donc recueillir des données importantes, puis les comprendre. C'est ce que vous constaterez dans les appels à l'action, ce pour quoi nous jetons les assises au moyen du centre.
    La surreprésentation des Autochtones dans les prisons est vraiment un indice important que la relation est encore brisée, bien franchement. Il est à espérer que nous pourrons commencer à parler de réconciliation lorsque les écarts et les chiffres commenceront à descendre. Mais il reste bien des indicateurs importants au pays qui démontrent que nous n'avons pas encore atteint notre objectif. Le taux de diplomation de l'école secondaire, de même que les inscriptions à l'université et l'espérance de vie demeurent des questions sérieuses.
    Nous estimons qu'il nous appartient de garder la situation à l'oeil, mais nous devrons augmenter progressivement nos activités à ce chapitre. Bien franchement, nous sommes prêts à aller de l'avant tandis que le fer est chaud. Mais nous avons besoin d'un petit coup de pouce pour y arriver, après quoi le tour sera joué.
    Lorsque nous parlons du cercle de gouvernance, voilà une partie de ce que nous faisons. Nous devons évidemment surveiller un certain nombre de secteurs différents.
    Je m'occupe la plupart du temps de l'éducation, et je surveille l'ensemble des commissions scolaires et des recteurs. Je leur parle régulièrement. J'essaie de veiller à ce que les 17 principes qu'ils ont énoncés soient appliqués. Je rencontre les doyens de différentes universités, et je discute d'adapter le programme des universités à la réalité autochtone.
    C'est nous qui devons faire une bonne partie du travail sur le terrain. Le centre doit notamment réunir les documents et assurer leur sécurité. Il ne pourra pas assumer toutes les autres responsabilités sans ressources humaines et financières supplémentaires. Lorsque nous affirmons que le processus de réconciliation touche l'ensemble du Canada, nous le pensons vraiment. Les Autochtones du Canada ne pourront pas y arriver seuls.
    Nous assumons de nombreuses responsabilités pour que ce soit possible.
    Pour ce qui est des recommandations et des appels à l'action, il me semble qu'aucun organisme n'a pour tâche d'évaluer indépendamment l'efficacité des mesures et les progrès réalisés. Je sais que les travaux ont commencé il y a quelques mois seulement, mais je pense que cette tâche devrait être confiée à une organisation non gouvernementale. Je suis persuadé que le gouvernement a prévu sa propre procédure, mais un organisme indépendant pourrait être plus objectif.
    Vous avez probablement répondu à la question, mais pouvez-vous vous en occuper? De quelles ressources aurez-vous besoin à cette fin?
    Il ne vous reste qu'une minute. Allez-y, s'il vous plaît.
    Nous croyons être parfaitement capables d'entreprendre cette tâche. Nous repensons actuellement la présence sur Internet du CNVR. Dans un proche avenir, vous verrez que nous ferons un premier examen des appels à l'action et des efforts de surveillance connexes.
    À propos des ressources qui seront nécessaires, il faudra sans aucun doute plus de personnel que ce que nous avons maintenant, et il faudra certainement déployer beaucoup d'efforts de coordination. Nous avons besoin de mettre sur pied un certain nombre de groupes de travail qui fournissent la bonne information.
    Pour ce genre de chose, nous avons besoin de réunir certaines personnes au bon endroit. Nous devons faire un examen complet des coûts et rassembler des gens compétents pour en parler, mais nous pensons être parfaitement prêts à mener ces discussions.
    David Yurdiga sera le dernier à poser une question ce tour-ci.
    La Commission de vérité et réconciliation se concentre non seulement sur les survivants, mais aussi sur les enfants disparus qui n'ont pas survécu aux pensionnats. Pouvez-vous décrire le projet Enfants disparus et certaines des difficultés que présente la collecte de ces renseignements?
(1625)
    Je suis heureux de dire que nous avons réuni, la semaine dernière à Ottawa, des chercheurs associés à toutes les étapes du projet Enfants disparus de la Commission de vérité et réconciliation dans le cadre d'une séance intense d'une journée consacrée à la suite des choses.
    Nous pensons qu'il est nécessaire de développer trois aspects importants du projet. Nous devons effectuer certains travaux dans notre propre organisation, à savoir la création d'une base de données sur les enfants disparus et d'un registre en ligne, et l'identification ininterrompue d'enfants qui ne sont pas retournés chez eux après avoir été placés un pensionnat. Le processus d'identification nécessite la consultation de la collection ainsi qu'un dialogue avec la collectivité. C'est un processus itératif et cyclique qui nécessite un engagement, une rétroaction, des conseils et la diffusion d'information.
    En même temps, un problème important auquel nous faisons face en tant que nation est le manque de recherches menées pour trouver des lieux de sépulture d'un bout à l'autre du pays. Selon notre estimation préliminaire — et ce n'est que préliminaire; il ne faut donc pas nécessairement s'y fier —, il y a entre 300 et 400 endroits où des enfants autochtones ont été enterrés à cause des pensionnats. Beaucoup de ces lieux de sépulture ne sont pas marqués et risquent d'être dégradés par la construction d'égouts, ou le développement ou le réaménagement urbains. C'est très préoccupant.
    Les communautés doivent être en mesure de commémorer ces événements, de procéder à une cérémonie ou d'entamer un processus de guérison — selon ce qu'elles jugent approprié — aux lieux de sépulture. Elles peuvent le faire, et il faut que ce soit mené par elles.
    Une sorte de programme doit être mis en place pour les aider à effectuer cette guérison. Cela pourrait être très simple dans certaines communautés — peut-être en érigeant un monument —, tandis que dans d'autres cas, nous devons être parfaitement prêts à réfléchir à des moyens de rapatrier les dépouilles, pour ramener certains de ces enfants chez eux. Dans le cas de Charlie Hunter, ou de beaucoup d'enfants de collectivités inuites qui ont été conduits des milliers de kilomètres plus au sud, c'est une question importante et urgente.
    Jusqu'à maintenant, combien d'enfants disparus la commission a-t-elle identifiés?
    Je n'ai pas le nombre exact en main, mais il s'agit de plus de 3 000 enfants.
    En toute honnêteté, nous avons beaucoup de travail à faire pour mettre au jour et examiner la documentation. Compte tenu de la façon dont le centre a reçu les documents, de l'énorme quantité de documents et du moment où ils ont été mis au jour, le centre était tout simplement débordé et n'a pas pu en examiner autant qu'il le voulait.
    Pour illustrer différemment la situation, nous en recevons encore. Nous en avons reçu un million en décembre 2015 lorsque la Commission de vérité et réconciliation publiait son rapport final. Il y a beaucoup de renseignements que nous n'avons pas examinés, et nous savons que nous trouverons d'autres enfants grâce à ces documents.
    Je sais que la plupart des familles veulent savoir comment les enfants sont morts. Y a-t-il des documents qui indiquent qu'ils sont morts d'une maladie, d'accidents ou peu importe la cause du décès? Si j'étais membre de la famille, j'aimerais avoir cette information.
    Cette information existe dans certains cas. Dans son rapport initial sur les enfants disparus, la Commission de vérité et réconciliation a indiqué les causes de décès, mais on ne les connaît pas toujours. Nous constatons également que nous n'avons pas nécessairement toujours le nom des élèves. Il y a un certain nombre d'enfants nommés que nous pouvons identifier, mais également beaucoup d'enfants dont nous n'avons pas le nom même si nous savons qu'ils sont morts dans les pensionnats. Les documents y font un peu mention, par exemple en disant que trois enfants sont morts au pensionnat. C'est déchirant.
    Pour situer le contexte, cela témoigne de la gravité de cette période de notre histoire. Nous avons demandé à un membre de notre Cercle de gouvernance, Eugene Arcand, de nous rencontrer, et il a donné des exemples concrets. Je dois dire que la question des enfants disparus est un sujet extrêmement difficile à aborder.
    Les aînés parlent de donner à ces enfants l'occasion de rentrer chez eux parce que leur esprit continue littéralement de parcourir notre monde dans un état agité lorsqu'ils n'ont pas de famille à proximité. C'est vraiment terrible. Nous devons aborder la question non seulement d'un point de vue neutre, mais aussi en tenant compte pleinement de la gravité de cette période de notre histoire et du besoin constant de guérison que nous avons au pays.
(1630)
    Au nom du Comité, je vous remercie tous les deux d'être venus à Ottawa pour nous faire part de ces observations extrêmement importantes et émouvantes. Ce que vous nous avez dit sera directement intégré à notre plan de travail, et nous sommes impatients que des mesures concrètes soient prises à l'avenir.
    Nous allons suspendre la séance une minute ou deux pour permettre aux nouveaux témoins de s'installer.
(1630)

(1635)
    Nous allons reprendre la séance. Merci beaucoup.
    C'est avec grand plaisir que je souhaite la bienvenue aux représentants du Tribunal des revendications particulières Canada. Nous accueillons à cette séance du Comité le juge Harry Slade, qui est président du tribunal; la juge Johanne Mainville, qui est membre du tribunal; et Alisa Lombard, qui est conseillère juridique.
    Vous avez 10 minutes pour faire votre déclaration. À la neuvième minute, je lèverai la main pour vous indiquer avec un doigt qu'il reste une minute, et à la dixième minute, je lèverai la main pour vous demander d'essayer de terminer. L'objectif est de demeurer équitable en permettant à tout le monde de...
    Tant que c'est ce doigt-là, monsieur Fillmore.
    Des voix: Oh, oh!
    En effet.
    Monsieur Slade, vous avez la parole.
    Merci de nous avoir invités à comparaître.
    Je vais vous parler un petit peu de mon expérience. J'ai pratiqué le droit des autochtones pendant environ 27 ans en Colombie-Britannique, un peu à l'échelle nationale. J'ai été nommé à la Cour suprême de la Colombie-Britannique en 2001, et au Tribunal pour la première fois en 2008.
    La Loi sur le Tribunal des revendications particulières est un peu le fruit de discussions entre l'Assemblée des Premières Nations et le gouvernement du Canada. La création d'un tribunal indépendant a mis beaucoup de temps à aboutir — les discussions ont duré au moins 30 ans. Les membres du Tribunal sont issus des cours supérieures des provinces, notamment de la Colombie-Britannique, de l'Ontario et du Québec. Ma collègue, la juge Mainville, vient de la cour du Québec. La nomination de vrais juges à titre de membres avait pour but d'assurer l'indépendance du Tribunal. Il était également important pour l'Assemblée des Premières Nations et d'autres intervenants autochtones qu'un ministère autonome offre toute la gamme des services administratifs.
    Nous avons commencé par consulter les intervenants afin d'élaborer notre processus et les règles de procédure. Nous avons rapidement fait face à des difficultés, dont un soutien administratif inefficace et des préoccupations liées à l'indépendance institutionnelle, mais nous avons réussi à ouvrir les portes en juin 2011. Heureusement, les difficultés concernant le soutien administratif direct ont été résolues à temps, grâce à l'administrateur général extrêmement talentueux de notre seul fournisseur de services, le Greffe du Tribunal des revendications particulières, un organisme qui relève de ce qui était auparavant appelé le ministère des Affaires autochtones.
    Le Tribunal est saisi de 76 revendications, dont 70 sont actives. Des décisions ont été rendues au sujet du bien-fondé de 11 de ces revendications, et 5 décisions supplémentaires seront rendues au cours de la prochaine ou des deux prochaines semaines. Je suis insatisfait du rythme avec lequel on exécute le mandat du Tribunal. On peut s'attendre à des retards lorsqu'on jette les bases du fonctionnement d'une nouvelle institution décisionnelle, mais nous sommes handicapés depuis le milieu de 2014 — à vrai dire, plus tôt — par un manque chronique de juges malgré deux rapports annuels dans lesquels j'ai indiqué que le Tribunal échouerait à défaut d'avoir un nombre adéquat de membres.
    Le nombre de revendications, c'est-à-dire 76, ne semble peut-être pas énorme lorsqu'on tient compte du volume des demandes dont les tribunaux sont saisis, mais nous ne tenons pas d'audiences consécutives dans un seul immeuble. Nous organisons les audiences dans la collectivité du revendicateur, et nous sommes tous d'avis que c'est extrêmement important étant donné qu'une partie de notre mandat porte sur la réconciliation. Il est important que les revendicateurs voient les décideurs et la procédure suivie, qui, soit dit en passant, est officieuse par rapport à celle des tribunaux.
    À l'heure actuelle, je suis le seul membre à temps plein, et nous avons un juge surnuméraire, le juge Larry Whalen, de la cour de l'Ontario, qui est membre à temps partiel. Il en fait plus que ce qui lui est demandé en tant que juge surnuméraire, et nous avons évidemment la juge Mainville qui partage son temps entre le Tribunal et la cour du Québec, à raison de six mois par institution.
    Le vérificateur général a déposé aujourd'hui un rapport sur les nominations du gouverneur en conseil, et nous avons participé aux travaux ayant mené à sa publication. J'ai énoncé certains extraits du rapport qui témoignent de la frustration que nous avons observée.
(1640)
    Nous avons également des volontaires des cours supérieures de la Colombie-Britannique, de l'Ontario et du Québec. Un juge se porte volontaire, et si sa candidature est acceptée par le juge en chef de sa province, il sera nommé par ce dernier. Le juge Grist, de la Colombie-Britannique, le juge MacDougall, de l'Ontario, et le juge Mayer, du Québec, attendent tous d'être nommés. Certains d'entre eux attendent depuis deux ans.
    Une des principales difficultés est que les juges en chef hésitent évidemment à nommer des membres de leurs tribunaux alors que leurs propres effectifs judiciaires sont loin de répondre aux besoins. Après ma nomination, il a fallu attendre quatre ans avant que le cabinet donne à la cour de la Colombie-Britannique un juge pour me remplacer. J'étais un des juges principaux de ce tribunal, et c'était donc un grave problème. La cour de la Colombie-Britannique a actuellement neuf sièges vacants. Je ne sais pas combien il y en a au Québec et en Ontario, mais on en peut que comprendre les préoccupations des juges en chef, dont la première responsabilité est de veiller à ce que le travail de leur cour respective soit fait. Pour avoir un effectif complet, je pense qu'il faut se pencher sur la question, qui n'est pas liée à tous ces retards dans la nomination de membres du Tribunal.
    J'ai finalement reçu hier soir un appel du chef de cabinet de Mme Carolyn Bennet. Je lui ai écrit le 15 avril pour lui signaler que j'avais été invité à comparaître ici pour parler précisément de ces choses-là. On me dit maintenant que les trois nominations seront promptement faites. C'est ce qu'on m'a dit hier, le 2 mai, la veille de ma comparution.
    Le fait est que seulement quelques juges sont nommés pour devenir membres du Tribunal, pour des raisons que j'essaie généralement d'examiner de près. Ils sont tous admissibles en tant que juges en exercice. À l'heure actuelle, ils constituent le bassin à partir duquel des juges seront nommés au Tribunal.
    Un juge qui accepte une nomination au Tribunal n'en retire aucun avantage personnel. Nous continuons de recevoir notre rémunération et nos avantages comme si nous étions encore juges à temps plein à la cour. Il n'y a donc aucune différence, à l'exception du fardeau que représentent les déplacements partout au pays et le temps passé à Ottawa, ce qui est une réalité qui rebute les juges qui habitent à Vancouver, pour de nombreuses raisons évidentes.
    Je vais demander à ma collègue, la juge Mainville, de parler des difficultés liées à la nomination de juges issus de la cour du Québec.
    Nous devrons en prendre partiellement connaissance pendant la période consacrée aux questions, car il reste seulement une minute.

[Français]

    Bonjour à tous et merci de l'invitation.
    J'ai quitté le palais de justice où je siège aujourd'hui et je dois y retourner demain parce que je continue à siéger. C'était urgent et important pour moi de venir vous faire part de cet enjeu, qui n'est pas propre au Québec.
    Pour ce qui est du Tribunal des revendications particulières Canada, j'y siège avec le juge Slade depuis le tout début. Nous avons travaillé très fort pour mettre sur pied le Tribunal. Mon mandat se termine à la fin du mois de novembre. Je ne pourrai plus siéger au Tribunal, parce que la loi prévoit que notre mandat ne peut être renouvelé plus d'une fois. À moins que la loi ne soit modifiée, je ne pourrai rester membre du Tribunal.
    Il y a urgence d'agir parce que, si de nouveaux membres ne sont pas nommés, le Québec n'aura plus de représentant au Tribunal à compter de la fin novembre. Or, nous avons des dossiers en français et je suis actuellement la seule juge qui parle français et qui peut prendre ces dossiers en charge.
    Les juges du Québec traitent aussi des dossiers venant de l'Ouest, mais il faut un juge pour les dossiers en français, dont ceux du Québec.
    Mon temps est-il écoulé?
(1645)
     Oui.

[Traduction]

    Je suis très désolé, mais nous en apprendrons davantage pendant la période consacrée aux questions, je vous l'assure. Merci beaucoup de vos observations.
    Nous allons commencer sans tarder les interventions de sept minutes des membres du Comité. Comme je l'ai fait lors de la déclaration liminaire, je lèverai un doigt lorsqu'il reste une minute et une main lorsque le temps est écoulé.
    Une fois de plus, par souci d'équité, Michael McLeod sera le premier à intervenir.
    Merci, monsieur le président, et je remercie les témoins de leur exposé. Je vous suis reconnaissant d'avoir abordé ces questions.
    J'aimerais obtenir un peu plus d'information sur certaines des difficultés auxquelles vous êtes confrontés. Vous en avez signalé quelques-unes. J'allais dire que j'étais surpris par le nombre de postes vacants que doit pourvoir le gouverneur en conseil, mais je suppose que ce n'est pas le cas. C'est ce que nous voyons partout au pays. C'est que nous disent des Albertains au sujet de nominations traditionnelles. Je viens des Territories du Nord-Ouest, et la plupart de nos organismes de réglementation n'ont pas vu de nomination depuis... Dans certains cas, cela remonte jusqu'à deux ans. Nous avons un certain nombre de conseils qui n'ont plus le quorum et qui ne peuvent plus fonctionner, et cela fait en sorte qu'il est très difficile d'aller de l'avant. Nous essayons vraiment de prendre des mesures pour que ces postes vacants soient pourvus en peu de temps, rapidement.
    Le rapport annuel de 2015 de votre tribunal donne un nombre total de dossiers dans un certain nombre de domaines, dans l'ensemble des provinces et des territoires, et il indique également que la plupart, sinon la totalité, de ces revendications s'appuient sur ce qui constituerait un manquement aux obligations fiduciaires de la Couronne.
    Je veux parler un peu de la distribution des dossiers et de ce qu'il faudrait peut-être prendre en considération pour faire en sorte que les Autochtones du Canada puissent prendre part aux audiences.
    Mme Lombard est plus apte que moi à parler de la distribution des dossiers, mais, en général, 50 % des revendications proviennent de la Colombie-Britannique et de l'Alberta. Parmi ces 50 %, 75 % d'entre elles sont issues de la Colombie-Britannique, ce qui s'explique par l'histoire de la création des réserves, qui n'ont pas été créées en vertu de traités dans cette province. Il s'agit de revendications fondées sur des manquements aux obligations fiduciaires.
    Qu'en est-il des autres?
    Je dirais qu'environ 11 revendications proviennent du Québec, et que la plupart, sinon la totalité, de ces revendications sont en français. Les deux tiers tirent leur origine de l'Ouest de l'Ontario. Les revendications provenant de ces provinces sont fondées sur diverses allégations, qui se rapportent entre autres à des cessions illégales, à des promesses non tenues faites dans les traités, à des différends liés à l'équipement agricole et à des points de vue jurididique divergents. La plupart de ces revendications, sinon la totalité, font état d'un manquement aux obligations fiduciaires qui est conceptualisé d'une façon ou d'une autre.
    À votre avis, parmi les principales difficultés auxquelles font face les collectivités des Premières Nations, quelles sont celles qui pourraient les mener à parler d'un manquement aux obligations judiciaires de la Couronne?
    Je pense que le défi auquel les Premières Nations sont confrontées, en ce qui concerne le Tribunal, c'est d'abord et avant tout le manque de ressources adéquates pour faire valoir leurs revendications devant le Tribunal. Cela s'est avéré plus coûteux que ce que j'avais espéré. Ce n'est pas très surprenant, au début, étant donné qu'on a affaire, dans ces procédures, à de nombreux enjeux non jugés auparavant.
    Au Canada, le droit fiduciaire est un domaine du droit en évolution, en particulier pour les questions liées aux groupes autochtones et aux responsabilités de la Couronne découlant du précepte de l'honneur de la Couronne. Notre efficacité s'améliore au fil du temps, mais le délai entre le dépôt de la revendication et l'audience est beaucoup trop long. Cela résulte principalement des problèmes de ressources des Premières Nations revendicatrices. C'est partiellement lié à notre processus, car bien qu'elles aient suivi le processus de la Direction générale des revendications particulières, ces Premières Nations revendicatrices n'ont pas reçu les documents pertinents liés à leur revendication. Donc, le point de départ d'un processus quasi judiciaire — l'extrémité du continuum juridique d'un tribunal — est la divulgation de documents. Leurs revendications sont rejetées par le ministre sur recommandation de la Direction générale des revendications particulières et du ministère de la Justice. Bien qu'elles reçoivent un résumé des motifs, elles ne reçoivent pas les documents sur lesquels le ministre s'est fondé pour prendre la décision de rejeter la demande.
    L'équité procédurale exige que le demandeur — que les deux parties — ait accès à tous les documents pertinents. Lorsqu'elles entreprennent notre processus, ces Premières Nations commencent par réaliser des recherches historiques. En toute franchise, la Direction générale des revendications particulières et ses avocats refusent de divulguer aux demandeurs tous les documents liés à la revendication qui ont été préparés à la direction générale. Cela n'a aucun sens, à mon avis, mais c'est la position prise par la direction générale. Par conséquent, tout le monde doit tout reprendre du début.
    Je souligne au passage que nous perdons des aînés. Certaines procédures ont été suspendues; pour d'autres, nous n'avons pu tenir des audiences en temps opportun. Nous perdons ainsi les récits et l'histoire orale des aînés.
(1650)
    Votre temps est écoulé, Michael, malheureusement.
    La prochaine intervenante est Cathy McLeod.
    Je vous remercie de cet excellent survol. J'ai un bref commentaire.
    Je sais que le processus de nomination du gouverneur en conseil pose problème, mais cela n'aide pas lorsque le nouveau gouvernement envoie des lettres à beaucoup de personnes récemment nommées pour leur demander de démissionner de leur poste. Je pense que nous devons aussi reconnaître que parfois, certains processus sont nuisibles lorsqu'on tente de recruter des gens compétents. Je suis désolée, mais je ne pouvais passer cela sous silence.
    Selon vous, quel devrait être votre effectif complet? Est-ce prévu par la loi?
    La loi prévoit un maximum de six membres équivalents temps plein nommés à partir d'une liste comptant jusqu'à 18 juges, l'idée étant d'avoir un bassin relativement important de juges auxquels on pourra faire appel pour siéger au Tribunal à temps plein ou à temps partiel.
    La magistrature n'a pas été consultée avant l'entrée en vigueur de la loi. Un jour, le regretté Don Brenner, qui était mon juge en chef, m'a appelé à mon bureau pour me demander ce qu'était une revendication particulière. Cela a incité le Tribunal à offrir une formation judiciaire sur les revendications particulières et les processus existants. Quoi qu'il en soit, ce n'est que lorsqu'il a reçu le texte du projet de loi tout, juste avant la troisième lecture, que le juge Brenner a pris connaissance de la loi et de la modification complémentaire, modification qui visait à nommer des juges supplémentaires — trois en Colombie-Britannique, un en Ontario et un au Québec — pour compenser le temps que les juges consacrent au Tribunal.
    Donc, nous n'avons pas vraiment un effectif.
(1655)
    Je viens de la Colombie-Britannique et je suis très au fait des enjeux dans cette province et des revendications territoriales non résolues qui subsistent depuis longtemps. Évidemment, j'ai une meilleure connaissance du processus global, étant donné que j'y ai participé, mais je siège au Comité depuis relativement peu de temps.
    Il y a le dossier de Williams Lake ainsi que celui de Douglas Lake, dans ma circonscription. Dans un des cas, on s'est tourné vers les tribunaux et on pourrait chercher une façon de régler le dossier; je constate que dans le cas de Williams Lake, on s'est dirigé vers... Vous avez rendu une décision.
    Pouvez-vous me parler brièvement de la décision Williams et du fait qu'on a eu recours à votre processus? Je parle de la décision Williams qu'on trouve sur votre site Web.
    Cette décision visait à régler divers problèmes plus complexes concernant la responsabilité fiduciaire de la Couronne, en particulier en Colombie-Britannique.
    Je suppose qu'on a choisi de saisir le Tribunal de l'affaire parce que le délai de prescription était expiré. Il s'agit de revendications historiques; la quasi-totalité des revendications qui étaient devant les tribunaux était prescrite et nous en avons été saisis.
    Nous avons entendu les récits oraux et consulté beaucoup de documents historiques. Nous avons reçu des mémoires complets et étoffés des procureurs de la partie demanderesse et des procureurs du ministère public. À titre de président de l'audience, j'ai rendu un jugement extrêmement long, mais dans lequel on abordait tous ces enjeux complexes. L'affaire a fait l'objet d'un contrôle judiciaire devant la Cour d'appel fédérale. Je dirais, respectueusement, que la Cour fédérale a considéré l'affaire comme un appel plutôt qu'un contrôle judiciaire; elle a infirmé ma décision.
    Je peux vous dire que je suis aussi satisfait de la décision de la Cour d'appel fédérale qu'elle l'a été de la mienne; une requête en autorisation à la Cour suprême du Canada a été déposée.
    Il serait probablement important qu'une de ces décisions soit un jour portée en appel devant la Cour suprême du Canada. Cependant, du point de vue des Premières Nations revendicatrices, où trouveront-elles les fonds nécessaires pour demander un contrôle judiciaire devant la Cour d'appel fédérale ou, à plus forte raison, devant la Cour suprême du Canada? Elles ont déposé leurs requêtes en autorisation; nous surveillons la situation, évidemment. Voilà ce qu'il en est pour Williams Lake.
    Bien entendu, ces peuples autochtones ont obtenu une réserve quelque 30 ans après d'autres. Ils étaient pratiquement des sans-abri, puisque des colons les avaient dépossédés de leur village ancestral, des terres traditionnelles où ils s'étaient établis et où ils exploitaient les ressources.
    Voilà le genre de revendications qu'on nous présente.
    Il me reste seulement une minute, ce qui ne sera probablement pas suffisant.
    Vous dites avoir reçu 76 revendications; elles sont actuellement à l'étude. Y a-t-il des réclamations qui n'ont pas été soumises parce que vous n'avez pas la capacité de traiter ces dossiers? Toutes les revendications ont-elles été présentées?
(1700)
    Le traitement des revendications dont nous sommes saisis est retardé en raison du manque d'effectifs. Nous menons une gestion de cas serrée parce que nous voulons que toutes les parties soient prêtes lorsque nous aurons déterminé une date d'audience. Certains dossiers ne sont pas assignés; il serait totalement inutile d'assigner un dossier à un juge déjà surchargé. Ces dossiers sont donc en suspens. Le traitement des dossiers de revendication actifs est retardé en raison de notre manque de ressources.
    Le prochain intervenant est Charlie Angus.
    J'aimerais poser deux ou trois questions d'ordre général avant d'entrer dans les détails.
    D'une part, nous avons la Direction générale des revendications particulières et, d'autre part, le Tribunal. La Direction générale des revendications particulières décide-t-elle des dossiers qui seront renvoyés au Tribunal? La décision relève-t-elle de vous?
    Monsieur le député, cette décision relève de la partie revendicatrice. Premièrement, les revendications doivent être faites auprès de la ministre des Affaires autochtones et du Nord, qui détermine si la revendication est admissible aux fins de négociations. Les revendications sont examinées par la Direction des réclamations particulières, une direction de ce ministère. La Direction mène ses propres recherches, puis demande conseil auprès du ministère de la Justice. Une recommandation est faite à la ministre. Si la ministre rejette la revendication — on préfère la formule « n'accepte pas » —, la revendication peut alors être présentée devant le Tribunal. Si la revendication est acceptée, mais que le dossier n'est pas résolu dans les deux ans, la partie demanderesse peut en saisir le Tribunal.
    Voilà qui est intéressant.
    Dans une autre vie, j'ai examiné l'historique des revendications particulières d'une communauté du Québec. Des gens s'occupaient de ces revendications bien avant mon arrivée et ils y travaillent toujours. Il y avait une série de choses douteuses et fausses concernant la cession de terres, les expropriations et les ententes sur les fonds en fiducie. Tout cela est très technique. Pour faire valoir ses intérêts, à l'époque, il fallait faire confiance à l'agent des Indiens. Dans l'histoire de cette collectivité, un seul agent des Indiens a été congédié; il avait conseillé à la communauté de ne pas appuyer la cession de terres. Le ministère a alors jugé qu'il ne satisfaisait pas aux exigences du poste et il a été congédié.
    Pourtant, aujourd'hui — sans vouloir dénigrer qui que ce soit —, le ministère tient les cordons de la bourse. D'une certaine façon, le ministère dispose de pouvoirs considérables, étant donné qu'il est à la fois défendeur et arbitre dans ce processus; il joue un rôle de supervision. Les équipes de recherche qui nous permettaient de présenter des revendications ont été touchées par d'importantes compressions. Selon vous, pourrons-nous veiller au bien-fondé de revendications historiques, étoffées et crédibles si nous n'avons pas les fonds et le soutien à la recherche nécessaires pour y donner suite? Cela vous préoccupe-t-il?
    Je suis préoccupé, monsieur Angus. La durée moyenne des revendications renvoyées au Tribunal à la suite d'un refus — c'est-à-dire le temps que la revendication est examinée par la ministre — se situe probablement autour de 12 ans. J'ai vu des dossiers prendre jusqu'à 20 ans, et rares sont les dossiers qui franchissent le processus en moins de cinq ans. Naturellement, la composition des collectivités évolue. La composition des conseils des Premières Nations change. Les retards nuisent à la justice.
    Je pense que nous aurions beaucoup plus de revendications si... En fait, selon nos calculs, on compte au moins 450 revendications qui pourraient être admissibles à un renvoi au Tribunal, mais ce qui empêche probablement le renvoi de ces revendications, c'est une combinaison de facteurs: le manque de financement, la longueur des délais de traitement à la Direction des revendications particulières, la perte d'élan et les problèmes bien connus du Tribunal.
    Pour ceux qui présentent des revendications, d'une part, on a certainement été très préoccupé par le manque de ressources pour la recherche et la durée déraisonnable du processus. Comme vous l'avez indiqué, les équipes de recherche ne restent pas en poste et il est difficile de s'occuper d'un dossier pendant 12 ou 20 ans.
    De votre côté, d'autre part, les juges n'ont pu faire le travail, comme vous l'avez souligné. Si vous aviez un effectif complet, le Tribunal aurait-il les ressources nécessaires pour traiter adéquatement les dossiers dont vous pourriez être saisis?
(1705)
    C'est une bonne question.
    Nous fonctionnons avec des ressources minimales, et nous avons évité de recruter du personnel, étant donné que ces gens n'auraient rien à faire en raison de notre effectif judiciaire incomplet. Toutefois, nous aurons besoin de plus de personnel à mesure que nous augmenterons notre effectif judiciaire. De plus, je suis convaincu que notre directeur général, M. Stuart Campbell, qui est ici, prend toutes les mesures nécessaires pour accroître l'effectif. Évidemment, cela prend du temps.
    Nous relevons désormais du Service canadien d'appui aux tribunaux administratifs, qui offre des services à 11 tribunaux. Je souligne au passage que nous avons perdu notre seul fournisseur de services et que nous sommes maintenant...
    Je m'excuse de vous interrompre. L'Association du Barreau canadien s'est dite préoccupée que le Tribunal relève du Service canadien d'appui aux tribunaux administratifs et elle a laissé entendre que ces changements ont une incidence sur l'indépendance judiciaire, en particulier en exigeant qu'un administrateur en chef relève directement de la ministre de la Justice. Partagez-vous certaines de ces préoccupations?
    J'en suis à l'origine.
    Je me demande où j'ai pris tous ces excellents renseignements. Vous pourriez en parler davantage.
    Il vous reste une minute.
    Premièrement, nos trois conseillers juridiques, dont Mme Lombard, sont techniquement des employés du SCATA, qui relève du ministère de la Justice. On se trouve ainsi à placer les conseillers juridiques dans une situation très inconfortable. Heureusement, nos conseillers juridiques savent qu'ils relèvent du Tribunal et non du SCATA, et ils sont déterminés à ne pas se placer en situation de conflit.
    Le problème, cependant, c'est que si on invoque la partialité institutionnelle pour contester une de nos décisions, une cour pourrait très bien juger que le Tribunal n'a pas offert l'indépendance apparente à laquelle on s'attend d'un tribunal administratif quasi judiciaire. C'est un risque.
    Nous passons maintenant à M. Rémi Massé.

[Français]

     Tout d'abord, je vous remercie de participer aux activités du Comité.

[Traduction]

    J'ai besoin du service d'interprétation.

[Français]

    Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de participer aux activités du Comité. C'est fort apprécié.
    D'abord, je vous avoue que je ne suis pas un professionnel du milieu juridique. Vous avez soulevé un ensemble d'enjeux. J'essaie de comprendre quelle est l'origine de ces enjeux et, surtout, quelles sont les façons dont on peut les régler, afin de vous appuyer dans votre démarche.
    Éclairez-moi sur les enjeux ainsi que sur les pistes de solution possibles. Vous avez relevé quelques-uns des enjeux, mais j'aimerais que vous en parliez davantage.

[Traduction]

    Nous avons fourni un mémoire très complet au représentant spécial du ministre Valcourt concernant l'examen quinquennal prévu à l'article 40 de la Loi sur le Tribunal des revendications particulières.
    M. Pelletier, le représentant spécial, a eu la gentillesse de revenir nous voir après ses entretiens avec les intervenants pour nous présenter leurs préoccupations et leurs idées sur la façon d'améliorer notre processus. Nous avons été invités à présenter nos observations à cet égard. J'invite les membres du Comité à prendre connaissance de ces observations et du rapport de M. Pelletier, rapport que je n'ai jamais consulté.
    Nous y présentons des modifications au processus de règlement des revendications particulières qui auraient pour effet d'accroître le rôle du Tribunal quant à la validation préliminaire des revendications, mais tout en laissant à la ministre son pouvoir discrétionnaire d'accepter ou de rejeter les demandes.
    Nous proposons l'adoption d'une procédure sommaire pour la présentation des revendications, procédure qui serait fondée sur une divulgation complète des documents par la Direction des revendications particulières. Nous y abordons aussi la question de la nomination des protonotaires — comme ceux de la Cour fédérale — qui seraient autorisés à rendre des décisions procédurales de façon à alléger la tâche des magistrats.
    Les mémoires que le Tribunal et l'Assemblée des Premières Nations ont fournis au représentant spécial contiennent beaucoup d'autres idées.
    L'examen quinquennal devrait être terminé en octobre de cette année. Il incombe évidemment au gouvernement actuel de le faire. Les membres du Tribunal sont prêts à prêter main-forte à la ministre pour trouver des façons de rendre notre processus plus efficace, moins coûteux, et plus convivial.
(1710)

[Français]

     Dans vos notes et dans votre allocution, vous avez dit être « insatisfait du rythme avec lequel on exécute le mandat du Tribunal ». Vous avez aussi soulevé le fait que vous êtes « handicapés par un manque chronique de juges ».
    Pour le commun des mortels, dont je suis, pourriez-vous expliquer comment fonctionne le processus de nomination des juges? Je suis très content, évidemment, que la ministre ait répondu à votre demande et qu'on s'apprête à nommer sous peu trois juges. J'en suis très content, mais expliquez-moi un peu le processus de nomination et ce qui peut expliquer le retard et la lenteur de ce processus.

[Traduction]

    Bien sûr, le processus commence par la nomination des juges des cours supérieures, car c'est de là que proviennent les membres du Tribunal. Jusqu'ici, on a puisé dans trois cours seulement: la Colombie-Britannique, l'Ontario et le Québec.
    Pour être nommés au Tribunal, les juges doivent d'abord se porter volontaires. Bien entendu, les juges aiment savoir dans quoi ils s'embarquent. Je ne suis pas sûr que je me serais porté volontaire si j'avais su dans quoi je m'embarquais, mais ma conjointe, qui est Tsimshian, m'a dit que je devais le faire, alors il a fallu que je le fasse. À l'époque, j'étais l'un des rares juges au pays a posséder une longue expérience dans ce domaine.
    Quoi qu'il en soit, il faut d'abord qu'un juge se porte volontaire. Ensuite, son juge en chef décide de proposer ou non sa candidature en fonction des besoins de la cour, comme je l'ai déjà mentionné.
(1715)
    Il vous reste une minute.
    S'il y a mise en candidature — comme les volontaires sont rares, il n'y en a pas beaucoup, seulement trois —, la ministre de la Justice et la ministre des Affaires autochtones adressent une recommandation au Cabinet. Si le Cabinet l'estime indiqué, il approuve la candidature et le juge est nommé au Tribunal. C'est une nomination du gouverneur en conseil, mais depuis plus de deux ans, les candidatures proposées n'ont pas été transmises au Cabinet. Et sans cela, rien ne peut être fait.
    Nous allons maintenant passer à une série de questions de cinq minutes. Le rythme va s'accélérer un peu.
    Je donne la parole à David Yurdiga.
    De toute évidence, il y a un problème, et l'arriéré est probablement causé par un manque de ressources.
    Nous comprenons qu'il y a en ce moment une cinquantaine de revendications devant le Tribunal. Combien d'entre elles seront entendues cette année?
    Je ne veux pas trop m'avancer. Voulez-vous dire au cours de l'exercice ou de l'année civile?
    L'année civile.
    Depuis janvier, je dirais au moins une dizaine, et certaines de ces audiences peuvent durer jusqu'à trois semaines. Elles comprennent l'histoire orale, l'exposé de la preuve, l'audition de témoins experts et l'examen de la validité des revendications et des indemnités versées.
    Dans les circonstances actuelles, compte tenu de l'insuffisance des ressources financières, combien de temps serait nécessaire pour entendre toutes les revendications dont le Tribunal est saisi actuellement? Vous pouvez me donner une estimation approximative.
    Avec les revendications actuelles, s'il n'y a pas plus de juges, je dirais peut-être cinq ans? Bien entendu, nous recevons de nouvelles revendications et nous acheminons celles qui ont été jugées fondées à la phase d'indemnisation. Même avec les trois juges additionnels à temps partiel, éliminer l'arriéré prendra beaucoup de temps. Nous aurons besoin de plus de juges.
    L'autre difficulté, c'est qu'il est impossible d'établir un plan de relève, et nous avons besoin d'un autre membre à plein temps — au moins un — pour me remplacer un jour à titre de président. Je connais seulement un juge qui est prêt à s'engager pour cinq ans — le juge Todd Ducharme de la Cour supérieure de l'Ontario, qui serait à mon avis un excellent successeur. Soit dit en passant, il est Métis. Je pense que le Tribunal gagnerait à accroître la diversité au sein de ses membres. Je ne demande pas mieux que de laisser ma place au juge Ducharme, mais il doit d'abord être nommé. Pour qu'il puisse être nommé, sa juge en chef doit le libérer, et la juge en chef de la Cour supérieure de l'Ontario, Heather Forster Smith, n'est pas disposée à le faire. Bien entendu, c'est aux juges en chef de décider, car il doivent voir au bon fonctionnement de leur cour.
    J'aimerais beaucoup que je juge Ducharme siège au Tribunal. Il est jeune, très savant et très pragmatique, et sa présence parmi nous serait dans l'intérêt de la diversité. Il est le seul juge que je connaisse qui soit prêt à se joindre à nous à plein temps.
    Lorsqu'il n'y a pas vraiment de relève, il devient difficile de se faire remplacer à la présidence.
    Dans combien de temps seriez-vous prêt à passer le flambeau?
    Je suis au début de mon second et dernier mandat. Aux termes de la loi, un mandat ne peut être renouvelé qu'une seule fois. D'ailleurs, lorsque ce mandat sera fini, je serai à la fin de mon parcours, comme juge, du moins. J'aimerais que quelqu'un prenne la relève à mi-chemin dans mon mandat pour que je puisse continuer à siéger pendant les années restantes et passer un peu plus de temps dans l'Ouest, où je vis, et entendre des revendications surtout là-bas. Cela serait formidable pour moi, d'un point de vue personnel, et pour le Tribunal également.
(1720)
    Nous n'avons plus de temps.
    Gary Anandasangaree va poser la prochaine question.
    J'aimerais approfondir un peu ce qui a été dit. Vous avez souligné l'importance de la diversité au sein de la magistrature. Notre gouvernement y attache aussi une grande importance. Nous voulons faire en sorte que la diversité du Canada soit reflétée dans l'ensemble de la magistrature. C'est une chose à laquelle je travaille depuis longtemps.
    Y a-t-il en ce moment dans votre circuit des membres qui sont d'origine autochtone? Vous avez soulevé brièvement le sujet, mais vous pourriez peut-être nous en dire davantage sur l'importance de la diversité et sur la manière de garantir que les communautés dont les intérêts sont en jeu seront représentées dans les causes de grande importance?
    La première étape, honorable député, consiste à accroître la diversité parmi les juges nommés aux cours, car c'est d'elles que proviennent nos membres. Nous n'avons aucun membre d'origine autochtone — ou plutôt, les cours supérieures comptent très peu de juges d'origine autochtone.
    Ce n'est pas un endroit pour les juges inexpérimentés. Les membres du Tribunal doivent avoir de l'expérience comme juge, car il faut apprendre à ne pas se laisser mener par les tactiques des parties et des avocats, et le genre de chose que je faisais autrefois. Il faut quelqu'un qui puisse faire progresser le dossier avec fermeté. Il est très difficile de faire nommer une personne d'origine autochtone au Tribunal. D'abord, il faut être juge. Il faut ensuite se porter volontaire, puis être mis en candidature, et enfin être nommé.
    Je pense que si la composition du Tribunal était plus diversifiée, les communautés revendicatrices auraient l'impression d'être mieux écoutées. Je ne le dis pas pour me féliciter, mais nous avons acquis la réputation d'être ouverts, accessibles et extrêmement transparents. C'est en grande partie parce que nous tenons les audiences dans les communautés.

[Français]

     Je suis entièrement d'accord avec le juge Slade. Nous avons également tenté de déterminer qui pourrait être membre du Tribunal. Malheureusement, le problème est qu'il n'y a pas beaucoup d'Autochtones à la Cour supérieure. Il est déjà très difficile, au départ, de trouver des juges qui veulent être membres du Tribunal.
    Le juge Slade et moi-même avons tous deux une pratique, comme avocats, en droit autochtone. Nous connaissons bien ce domaine. C'est probablement aussi le cas de certains juges de la Colombie-Britannique, mais ce ne l'est pas pour la majorité des juges. Ils ne sont donc pas très chauds à l'idée d'aborder un tel sujet.
     Si un plus grand nombre de juges autochtones étaient nommés dans des cours supérieures, nous ne pourrions qu'encourager ce processus.
(1725)

[Traduction]

    En ce qui a trait aux délais procéduraux et aux délais liés à la communication de renseignements, avez-vous le pouvoir d'adjuger des dépens? Sinon, croyez-vous que cela pourrait aider à faire avancer les choses, en particulier du côté du gouvernement?
    Nous avons le pouvoir d'adjuger des dépens, mais nous ne l'avons jamais fait. Généralement, les avocats, dans les limites de leurs ressources, font avancer les dossiers aussi vite qu'ils le peuvent.
    Je regrette, mais le temps est écoulé.
    Il y a une autre réunion immédiatement après la nôtre. Il nous reste tout juste assez de temps pour une question d'Arnold Viersen, qui a accepté de prendre seulement quatre minutes pour que nous puissions laisser la salle à d'autres.
    Merci d'être venu aujourd'hui, je vous en suis très reconnaissant. Votre passion est certes très évidente.
    Je suis relativement nouveau ici, et j'essaie de comprendre certaines choses. Est-ce que le Tribunal a été constitué pour une durée limitée? Si vous aviez toutes les ressources dont vous avez besoin, si vous pouviez réduire le nombre de revendications à... ou si vous pouviez entendre toutes les causes en huit mois ou quelque chose du genre, est-ce que votre mandat prendrait fin? Ce que je demande, implicitement, c'est en quoi le Tribunal se distingue d'un tribunal ordinaire, essentiellement.
    Je ne pense pas qu'il soit réaliste de considérer le Tribunal comme ayant une durée limitée. La ministre reçoit toujours de nouvelles revendications. Leur nombre et leur fréquence n'ont pas diminué. Certaines seront accueillies, d'autres non. Ces dernières pourront être portées devant le Tribunal. Certaines seront accueillies et il n'y aura pas de règlement. Le Tribunal peut en être saisi également. Tant et aussi longtemps que la ministre recevra des revendications, le Tribunal aura un rôle à jouer.
    Je pense qu'on pourrait rendre tout le système beaucoup plus efficace et moins laborieux. J'ai indiqué que la moyenne était de 12 ans. Grâce aux changements apportés à la politique gouvernementale et à notre loi, la moyenne est passée à trois ans. Cependant, malgré tout le respect que je dois à la ministre, je n'arrive pas à concevoir pourquoi elle aurait besoin de trois ans pour se faire conseiller et décider d'accueillir ou non une revendication. Il en est question dans notre mémoire. Personnellement, je crois que six mois suffiraient. De plus, la décision devrait être confiée uniquement à une personne qui a le point de vue d'un magistrat. Certes, nos ressources ne devraient pas dépendre d'une organisation, aussi compétente soit-elle — et Marie-France Pelletier fait de l'excellent travail... Nous ne devrions pas dépendre d'une direction du ministère de la Justice où le défendeur dans les revendications dont nous sommes saisis est chaque fois la Couronne et chaque fois représenté par ce ministère.
    En quoi vous distinguez-vous, disons, d'un tribunal ordinaire? Généralement, ceux qui font ce genre de revendication prétendent que le gouvernement du Canada a enfreint un traité. Pourquoi ne pas simplement nous poursuivre en justice, essentiellement?
    Désolé, pourquoi ne pas...
    ... nous poursuivre en justice?
    C'est en grande partie parce que les délais de prescription sont expirés.
    D'accord.
    Bien entendu, la Couronne peut renoncer à plaider la prescription du recours. Mais j'ai plaidé ce type de causes pendant 27 ans et la Couronne n'a pas renoncé une seule fois à invoquer la prescription du recours. Je ne m'attends pas à ce que cela change radicalement.
    Je vous remercie, monsieur le juge Slade, madame la juge Mainville et madame Lombard d'être venus à Ottawa et de nous avoir livré vos précieux témoignages. Nous vous en sommes très reconnaissants. Ce que vous nous avez dit nous sera très utile.
(1730)
    Merci.
    La séance est levée.
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