INAN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires autochtones et du Nord
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 2 juin 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Il est 15 h 30. La séance est ouverte.
Bienvenue à tous.
Je tiens à souligner que nous nous réunissons aujourd'hui sur un territoire non cédé du peuple algonquin et que nous sommes très reconnaissants de cela.
Avant d'entendre nos témoins de l’Association nationale des centres d’amitié, j'aimerais sonder l'opinion des membres du Comité. Comme nous ne recevons qu'un organisme aujourd'hui, il nous restera un peu de temps au programme. Pour l'ordre des questions, j'aimerais proposer de faire ce que nous avons fait mardi, c'est-à-dire de terminer la première série de questions et de recommencer, puis de faire le haut de la deuxième page, les questions de sept minutes. Nous arrêterons là. Nous pourrons ensuite passer aux deux sujets des travaux du Comité, soit l'ébauche du budget de l'étude sur le suicide et le plan de communication. Est-ce que tout le monde est d'accord?
Je crois qu'il y a consensus.
Très bien. Maintenant que nous avons réglé cette question, je suis très heureux de souhaiter la bienvenue au nom du Comité à nos deux témoins de l’Association nationale des centres d’amitié, Christopher Sheppard, vice-président, et Yancy Craig, directeur du développement stratégique.
Christopher a fait le voyage depuis St. John's, Terre-Neuve. Yancy Craig n'a eu qu'à traverser la rue pour être ici.
Nous vous souhaitons la bienvenue. Nous sommes heureux que vous soyez là.
Ensemble, vous disposez de 10 minutes que vous pouvez diviser comme bon vous semble. Au bout de neuf minutes, je vais brandir le carton jaune. À la marque des 10 minutes, je brandirai le carton rouge. À ce moment-là, je m'attends à ce que vous mettiez rapidement un terme à votre exposé pour que nous puissions passer aux questions.
Sans plus attendre, je vous cède la parole.
Merci, monsieur le président.
Distingués membres du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord, c'est un honneur pour moi de comparaître à nouveau devant vous aujourd'hui.
Je tiens à exprimer ma reconnaissance à la nation algonquine, puisque c'est sur son territoire traditionnel que nous sommes aujourd'hui réunis.
Je vous remercie de cette occasion qui nous est donnée de vous faire part du travail du mouvement des centres d'amitié et de l'Association nationale des centres d'amitié en ce qui concerne les problèmes de suicide au sein des peuples et des communautés autochtones.
Comme se souviendront peut-être certains d'entre vous qui étiez là lors de mon dernier passage devant le Comité, mon nom est Christopher Sheppard et je suis un Inuk du nord du Labrador. Je réside et travaille maintenant à St. John's, Terre-Neuve.
J'ai grandi avec le mouvement des centres d'amitié. Au fil du temps, je me suis engagé activement au sein de l'Aboriginal Youth Council, et je suis actuellement vice-président de l'Association nationale des centres d'amitié.
Durant toute ma carrière dans les centres d'amitié, la question du suicide et les préoccupations connexes ont toujours été présentes, même après que je sois parti de mon patelin du Nord pour m'installer dans le Sud.
M'accompagne aujourd'hui M. Yancy Craig, qui est le directeur du développement stratégique de l'association.
Durant le temps dont nous disposons, j'aimerais vous brosser un aperçu du mouvement des centres d'amitié, de l'Association nationale des centres d'amitié et de la population autochtone en milieu urbain au Canada. J'aimerais aussi vous parler de certains des programmes et du soutien qu'offrent les centres d'amitié et l'association pour prévenir le suicide dans les communautés autochtones des villes. Si nous avons le temps, je tenterai de répondre de mon mieux aux questions que vous pourriez avoir.
Pour vous donner une idée du contexte dans lequel s'inscrit le travail du mouvement des centres d'amitié, je vais commencer avec quelques faits.
Comme vous le savez peut-être, 75 % des Autochtones du Canada vivent à l'extérieur des réserves. Près de 60 % vivent en zone urbaine. De plus, la population autochtone augmente plus rapidement que la moyenne canadienne. Ainsi, environ 840 000 Autochtones vivent dans les villes canadiennes.
La population autochtone du Canada est jeune. Environ 50 % des gens qui la composent ont moins de 24 ans, ce qui offre des possibilités inestimables pour le développement social, culturel et économique futur du Canada.
Au sein de cette population grandissante, nous constatons que le besoin d'aide en santé mentale va croissant. Selon les évaluations actuelles, 15 % des Canadiens de 14 à 24 ans souffrent d'une forme ou une autre d'anxiété, de dépression, de toxicomanie ou de détresse sociale. Les mêmes évaluations pour les populations autochtones indiquent une moyenne nationale deux fois plus élevée, et de cinq à six fois plus élevée en ce qui concerne la toxicomanie et le suicide. Les centres d'amitié sont confrontés de près à ces phénomènes, et ce sont eux qui ont établi qu'il fallait plus de stratégies à cet égard et qu'il était nécessaire d'améliorer les capacités afin d'offrir des programmes de santé mentale aux communautés autochtones des villes, particulièrement chez les jeunes.
Comme je vous l'avais dit lors de ma première comparution, les centres d'amitié ont vu le jour durant les années 1950 pour répondre au besoin qu'avaient les Autochtones gravitant vers les grands centres d'avoir un endroit amical où ils pourraient se rencontrer et vivre leur culture. Pendant plus d'un demi-siècle, à la grandeur du pays, les centres d'amitié ont aidé les Autochtones des villes à accéder aux services essentiels dont ils avaient besoin pour réussir à s'épanouir en milieu urbain. Les centres d'amitié comprennent les problèmes auxquels nos communautés doivent faire face, et le modèle englobant de prestation de services qu'ils utilisent leur permet de surmonter ces problèmes.
À l'échelle du pays, les centres d'amitié offrent des services culturellement appropriés aux Autochtones qui vivent en milieu urbain. Avec le temps, ils sont devenus des endroits où Autochtones et non-Autochtones peuvent se rencontrer, partager leurs traditions et apprendre les uns des autres.
Les centres d'amitié occupent une place importante dans l'infrastructure sociale du Canada et ils joignent plus de deux millions de clients chaque année. Leurs services touchent les populations autochtones les plus vulnérables du pays. Dans cette optique, le mouvement des centres d'amitié est la plus importante infrastructure hors réserve du Canada pour la prestation de services aux populations autochtones.
L'Association nationale des centres d'amitié a été créée en 1972 pour donner une voix à ses membres tant sur la scène nationale qu'internationale. L'association actuelle compte dans ses rangs 7 associations nationales et territoriales, ainsi que 118 centres d'amitié répartis à l'échelle du pays, dans chacune de vos circonscriptions.
L'Association nationale des centres d'amitié entretient depuis longtemps une relation sans pareille avec le gouvernement du Canada. En effet, depuis maintenant 30 ans, l'association administre au nom de l'État la prestation de programmes nationaux à l'intention des centres d'amitié et d'autres organismes qui s'occupent des Autochtones en milieu urbain.
Bien qu'elle soit un réseau sans but lucratif plutôt qu'une organisation politique à fonction représentative, l'Association nationale des centres d'amitié entretient des relations fécondes avec un certain nombre d'autres organisations autochtones.
Les répercussions de la colonisation et des pensionnats indiens ont engendré beaucoup de détresse psychologique dans les communautés autochtones, chez les aînés et chez les jeunes. Personne n'en est à l'abri.
C'est une préoccupation pour les Autochtones des réserves, certes, mais aussi pour ceux qui vivent dans les villes. Le rapport de Statistique Canada intitulé Pensées suicidaires au cours de la vie parmi les Premières Nations vivant hors réserve, les Métis et les Inuits âgés de 26 à 59 ans : prévalence et caractéristiques connexes indique que parmi les adultes autochtones vivant hors réserve, un sur cinq a envisagé le suicide, et des rapports plus récents indiquent que cette proportion ne cesse d'augmenter. Le programme de santé mentale d'un centre d'amitié particulier rapporte que plus de 50 % de sa clientèle a une propension au suicide.
De nombreux Autochtones préfèrent recevoir des services qui tiennent compte de leur culture et de leur patrimoine, et ils préfèrent les recevoir à l'extérieur du système de santé ordinaire. Ces services approchent souvent les problèmes de santé mentale et leur traitement d'une façon plus holistique que la médecine habituelle, et c'est exactement le type de services qu'offre la programmation des centres d'amitié.
Les centres d'amitié ont recours à des moyens innovateurs pour assurer la prestation de ces services bien adaptés sur le plan culturel. De nombreux centres ont des travailleurs de rue pour veiller à ce que les besoins en santé des membres de la communauté soient satisfaits en harmonie avec la culture et d'une façon holistique qui tiendra compte des aspects physiques, mentaux, émotionnels et spirituels de ces personnes. Ces services sont offerts sur une base individuelle ou dans le cadre de séances en groupe: des plans d'action sont élaborés pour aider les participants à atteindre des objectifs à court et à long terme.
Les centres d'amitié offrent aussi des programmes de guérison et de mieux-être pour aider les membres de la communauté qui voudraient avoir accès à des services et du soutien traditionnels. Des plans d'action sont aussi élaborés dans le cadre de ces programmes pour aider ces personnes à atteindre leurs objectifs.
Les centres d'amitié qui ont des programmes en matière de toxicomanie et de santé mentale offrent des espaces pour permettre à ceux qui ont des problèmes de cette nature de trouver l'aide qu'il leur faut pour assainir leur vie. Ces programmes travaillent aussi à créer des ponts entre les communautés autochtones urbaines et les services de santé non autochtones. Cela se fait grâce à l'enseignement prodigué aux intervenants non autochtones au sujet des besoins particuliers des Autochtones et en créant des partenariats qui permettront à ces intervenants de créer des liens avec les centres d'amitié.
De nombreux centres d'amitié ont aussi des programmes qui s'adressent à la fois aux aînés et aux jeunes et qui leur fournissent l'occasion d'avoir des discussions ouvertes et franches sur différents sujets relatifs aux modes de vie sains. Les aînés peuvent y faire part de leur expérience en tant que survivants du système de pensionnats indiens et donner des renseignements sur d'autres sujets que les jeunes pourraient craindre d'aborder.
Ce ne sont là que quelques exemples de ce que les centres d'amitié font pour aider nos communautés à guérir, mais il y a encore des choses à faire. Nombre de nos centres n'ont pas les ressources financières ou les capacités pour offrir des services cliniques de santé mentale. Comme nous l'avons vu lors des événements tragiques qui se sont produits à La Loche, à Cross Lake et dans de trop nombreuses communautés autochtones, les attentes sont énormes à l'égard des centres d'amitié et de leurs programmes de soutien particuliers.
L'Association nationale des centres d'amitié a entrepris des démarches pour promouvoir la santé et le mieux-être dans nos communautés. En 2012, le Conseil des jeunes autochtones de l'association a proposé un projet de prévention du suicide et de sensibilisation à l'intention des Autochtones de 10 à 24 ans vivant en milieu urbain. Le projet comprenait un appel à produire une trousse de prévention du suicide et s'est soldé par une recherche sur la jeunesse autochtone et la santé mentale dont on avait grandement besoin. Plus récemment, l'Association nationale des centres d'amitié a lancé NouveauxDébuts.ca, une ressource en ligne. Le site héberge une base de données interrogeable qui recense les programmes et les services offerts aux Autochtones à l'échelle du pays. Le site donne aussi accès à des récits intéressants, à des articles et à des blogues écrits en grande partie par de jeunes autochtones.
Lors de l'élaboration de NouveauxDébuts.ca, l'association s'est associée au service « Jeunesse, J'écoute ». Ce partenariat a bien sûr permis à l'association d'aiguiller des enfants et des jeunes autochtones sur ce service d'urgence névralgique, mais il a aussi incité Jeunesse, J'écoute à mieux répondre aux besoins particuliers des appelants autochtones.
Le mouvement des centres d'amitié continuera d'appuyer les personnes et les communautés, et il est disposé à créer des partenariats en matière de santé mentale et de prévention du suicide. Le mouvement des centres d'amitié et l'Association nationale des centres d'amitié sont impatients de travailler avec le gouvernement et les partis d'opposition afin d'améliorer la vie des Autochtones au Canada. Cela pourra se faire en garantissant un financement de base aux centres d'amitié afin qu'ils puissent continuer à fonctionner et à répondre aux besoins des communautés, ainsi qu'en examinant comment les centres d'amitié pourraient élargir leurs programmes efficaces actuels pour fournir un soutien accru aux personnes que les suicides touchent.
En terminant, je tiens à réaffirmer qu'il y a des solutions à des problèmes complexes comme celui du suicide, et que ces solutions doivent être axées sur la communauté. Les centres d'amitié travaillent sans relâche pour harnacher la créativité, l'énergie et la connaissance qui peuvent faire naître de nouvelles idées susceptibles de mener à des changements sociaux durables et de contribuer à la guérison des Autochtones ainsi qu'à leur inclusion à part entière au tissu économique, culturel et social du Canada.
Merci de m'avoir donné l'occasion de vous parler. M. Craig et moi avons bien hâte de répondre à toutes vos questions.
Merci beaucoup, monsieur Sheppard. Je suis très fier du travail que fait aussi le Centre d'amitié de Halifax dans ma propre communauté.
Nous allons tout de suite commencer la première série de questions de sept minutes, et c'est Michael McLeod qui brisera la glace.
Merci, monsieur le président.
Merci à nos présentateurs d'aujourd'hui.
Voilà un exposé intéressant. C'est une chose à laquelle je me suis grandement intéressé et à laquelle j'ai beaucoup participé, d'un point de vue historique. Je suis l'un des membres fondateurs d'au moins un centre d'amitié des Territoires du Nord-Ouest, mais j'ai aussi travaillé sur plusieurs projets qui ont mené à la création de certains autres de ces centres. J'ai passé beaucoup de temps à l'échelon national pour tenter de convaincre les gens qu'il fallait multiplier le nombre de centres d'amitié dans le Nord.
Si j'ai fait cela, c'est parce que j'ai vu l'utilité de ces centres. J'ai travaillé comme administrateur de bande. J'ai dirigé des conseils de bande. J'ai travaillé avec les Métis. J'ai eu beaucoup affaire avec les organisations politiques, et j'ai toujours trouvé que l'obligation de ne servir que les membres était trop contraignante. Il nous fallait un organisme au sein de la communauté qui était en mesure de traiter tout le monde sur un pied d'égalité, et les centres d'amitié étaient exactement ce que nous recherchions.
J'ai vu la communauté profiter des programmes offerts dans une foule de différents domaines, comme l'apprentissage linguistique. Nous avons vu des programmes culturels qui ont mené à la création de programmes de confection de tambours. Des aînés sont venus et nous ont parlé de l'histoire. Nous avons vu l'aménagement de jardins communautaires qui ont permis de produire de la nourriture pour la communauté. Nous avons vu les services qui ont été offerts à partir du centre lui-même, ce centre qui a été construit en bois rond. Les gens se demandent encore pourquoi nous l'avons bâti en bois rond, mais il faut savoir que c'était la seule ressource dont nous disposions. La bâtisse n'est pas très éconergétique, mais elle remplit quand même sa fonction.
Nous avons aussi vu beaucoup de bons programmes, comme les programmes mères-enfants. On pourrait croire que tout le monde sait comment agir avec les enfants et les bébés, et que tout le monde sait comment réagir dans toutes sortes de situations, mais maintenant, à cause du syndrome des pensionnats indiens, ce sont des choses qui doivent être enseignées dans les communautés. Beaucoup de gens n'ont pas ces compétences.
Nous avons vu la prestation de cours sur les troubles causés par l'alcoolisation foetale. Certains programmes de soutien ont été offerts par l'intermédiaire de ce centre, comme ceux concernant la consommation d'alcool et de drogues, et tant d'autres. Le centre a servi de lieu de rencontre pendant toutes ces années. Il a aussi servi de refuge pour sans-abri, car les gens n'ont aucun autre endroit où aller.
J'ai plusieurs questions, mais j'aurais voulu parler un peu du manque de financement, et de problèmes que vous avez laissés de côté faute de ressources. Je sais que les compressions imposées dernièrement aux centres d'amitié ont été plutôt radicales. Je sais que les centres ont dû modérer tous les programmes qui étaient nécessaires, et je sais aussi que rien n'a été prévu dans le financement des infrastructures pour la mise en place de nouvelles installations.
Vous avez parlé des personnes qui vivent hors réserve, mais dans les Territoires du Nord-Ouest, nous n'avons pas de réserves, alors les centres d'amitié sont tout à fait indiqués pour nous. Ils sont là pour tout le monde.
Vous pourriez peut-être commencer par nous parler du manque de financement. Ensuite, j'aurai une ou deux questions additionnelles à vous poser.
Merci.
Au cours des dernières années, le programme de financement qui appuie les centres d’amitié a été transformé en profondeur. Il fut un temps où les centres d’amitié recevaient leur argent du ministre d’État. Ensuite, l’argent est venu du Programme des centres d’amitié autochtones et, plus récemment du programme Développement des capacités communautaires offert dans le cadre de la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain.
Le défunt Programme des centres d’amitié autochtones avait été conçu pour les centres d’amitié et il tenait compte de la relation qui existe depuis 40 ou 50 ans entre ces centres et le gouvernement du Canada. Ceci a donné lieu à une transformation fondamentale du financement. Les centres avaient l’habitude de recevoir un financement de base. Cette transformation a vraiment changé la façon de fonctionner des centres d’amitié.
Des questions sur nos dépenses admissibles, comme l’embauche de réceptionnistes et... J’essaie d’expliquer aux gens à quoi ressemble le travail de réceptionniste dans un centre d’amitié, alors je vais vous parler de la façon dont les choses se passent dans le centre d’amitié d’où je viens.
Nous avons une équipe en santé mentale composée d’un travailleur social, d’un psychologue clinicien, de travailleurs culturels de soutien, etc. La personne qui répond au téléphone ne se contente pas de dire « Allô, ici le centre d’amitié, comment puis-je vous servir? » Parfois, l’interlocuteur sera en état de détresse grave, alors il faut savoir comment aiguiller l'appel. S’agit-il de quelqu’un qui doit parler à quelqu’un immédiatement? Peut-il attendre une heure? Les réceptionnistes ne sont pas des personnes qui se contentent de décrocher et de dire « Allô? » Ils pourraient être les premiers à faire face à une situation d’urgence de grande envergure. Ils pourraient être les premiers à intervenir pour s’assurer que la personne en difficulté reçoit l’aide dont elle a besoin. Par conséquent, pour nous, la raison pour laquelle il est important d’avoir un réceptionniste, ce n’est pas seulement parce qu’il faut répondre au téléphone, mais c'est aussi parce que c’est ce qui déterminera si une personne en difficulté pourra recevoir l’aide dont elle a besoin au moment où elle en a besoin.
La transformation en profondeur du financement des centres d’amitié a eu d’importantes répercussions. Nous en avons parlé la dernière fois que nous sommes passés ici, et nous serions très heureux d'en discuter avec n’importe lequel d’entre vous. Quoi qu’il en soit, la façon de financer les centres d’amitié a subi une transformation en profondeur et cela a créé d’énormes problèmes.
Nous avons entendu dire que le financement des centres d’amitié dans le Nord est très différent de celui d’un centre comme celui de St. John's. Je viens du Nord. Je sais exactement de quoi il retourne. Les coûts associés avec le fait d’avoir un immeuble ouvert et disponible…
Je crois que nous avons compris votre propos. Je veux vous poser une autre question avant que l’on nous coupe.
Selon moi, chaque communauté qui a une population autochtone ou qui a de sérieux problèmes sociaux devrait avoir un centre d’amitié. Je crois que ces centres remplissent une fonction très importante. J’aimerais savoir si vous êtes d’accord avec ce raisonnement.
Il y a quelques années, en travaillant avec Statistique Canada, nous avons recueilli des données afin d’évaluer dans quelles communautés des centres d’amitié devraient être créés. Les choses étaient très différentes de ce qu’elles sont maintenant. Par exemple, dans ma province, il devrait y en avoir neuf. Il y en a deux.
Aujourd'hui, il faut envisager la chose en fonction du nombre d’Autochtones dans la communauté et de certains autres facteurs, mais c’était très différent auparavant. Dans les années 1970 et 1980, si vous vouliez fonder un centre d’amitié, il y avait du financement pour cela.
Merci, monsieur le président.
Je veux remercier les témoins de leur présence. Je m'intéresse vivement aux centres d'amitié. Je ne sais pas ce que les communautés feraient sans eux. Il y en a trois dans ma circonscription.
Les centres d'amitié ont évolué au fil des ans. Avant, c'était des endroits où les gens se rencontraient. Aujourd'hui, les gens y vont pour trouver un abri, du counseling. Je sais que certains d'entre eux agissent aussi comme banque alimentaire, alors ils sont très appréciés. Certaines municipalités les aident même à défrayer leurs coûts en leur donnant, par exemple, une subvention annuelle. Ces centres sont une nécessité et ils doivent être soutenus davantage. Pour de nombreux Autochtones, les centres d'amitié sont le premier point de contact, notamment en ce qui a trait aux programmes et services à fonction socioéconomique. Je sais que certains d'entre eux offrent des cours en matière d'emploi, des conseils sur la rédaction de CV et d'autres choses de ce type, alors ils sont vraiment très appréciés.
De quel financement les centres d'amitié auraient-ils besoin pour être en mesure d'accomplir leur mandat? Je suis convaincu que chaque centre a ses particularités propres. Je sais aussi que les problèmes de santé mentale prennent beaucoup de place dans toutes les communautés. Pouvez-vous nous donner une idée du financement qu'il leur faudrait pour être en mesure d'accomplir leur mandat?
Nous demandons constamment aux centres d'amitié de nous dire de combien ils ont vraiment besoin pour faire ce qu'ils font. Nombre d'entre eux sont très bons pour optimiser les ressources dont ils disposent. En moyenne, s'ils reçoivent un financement de base de l'ordre de 120 000 à 170 00 $, par exemple, ils vont quand même dépenser en moyenne plus de 300 000 $ pour s'assurer d'être en mesure d'engager les personnes dont ils ont besoin et d'avoir un endroit pour offrir leurs services. Il s'agit donc du double de ce qu'ils reçoivent présentement. Le problème actuel des centres d'amitié, c'est qu'il n'y a pas de programme de financement pour eux.
C'est un processus ouvert. Toute entité qui satisfait aux critères de sélection peut présenter une demande, et je n'ai rien contre cela. Cependant, pour reconnaître le travail attendu des centres d'amitié et financer ce travail en conséquence, le montant affecté actuellement est vraiment très loin du compte. C'est 43 millions de dollars au total, mais il en faudrait beaucoup plus. Il a été question de plus de deux millions de contacts avec les clients par année; c'est un chiffre important. À St. John's, il est question de 33 000 contacts par année, dans une foule de domaines.
C'est ce que j'essaie d'expliquer aux gens: le financement des centres d'amitié n'est pas une simple question de remettre l'argent en espérant que l'organisme continuera à faire ce qu'il fait et à s'acquitter de ses fonctions de base. Grâce à leurs pratiques d'optimisation des ressources, les centres d'amitié multiplient par sept chaque dollar que leur octroie le gouvernement fédéral pour leur financement de base. Il y a très peu d'organismes au pays qui atteignent un tel degré d'optimisation. L'argent donné ne devrait pas être perçu comme l'argent qu'ils reçoivent, mais bien comme celui qui permettra de générer des sommes additionnelles.
La dernière fois que j'étais ici, j'ai dit que les centres d'amitié ont besoin environ du double de ce qu'ils reçoivent maintenant pour faire le travail que l'on attend d'eux. Maintenant, ils poursuivent leur chemin; ils présentent des demandes pour toute forme de financement disponible, ils se créent leurs propres sources de revenus, car lorsqu'une personne franchit notre porte, quelle que soit son identité, quelles que soient ses origines — la plupart viennent des quartiers très animés de la ville —, nous l'aidons. Si c'est un ou une Autochtone, nous l'aidons; si c'est un ou une non-Autochtone, nous l'aidons, car en fin de compte, il ou elle a besoin de cette aide. Les centres d'amitié font tout ce travail, mais avec vraiment très peu d'argent.
La chose qui importe le plus à l'heure actuelle, c'est de s'attaquer au suicide chez les jeunes. Je constate dans ma circonscription que les programmes diffèrent d'un centre d'amitié à l'autre. Votre association nationale a-t-elle un programme qu'elle pourrait communiquer à tous les centres d'amitié? Avez-vous des lignes directrices de base? Avez-vous une stratégie ou êtes-vous en train de mettre au point une stratégie nationale que vous pourrez communiquer aux autres centres?
Comme il n'y a pas de financement central pour les programmes de prévention du suicide, ni même pour les besoins en santé mentale, la réponse de chaque centre dépend de ses capacités. Au centre d'amitié dont j'ai parlé, où 50 % des clients en santé mentale ont une propension au suicide, la moitié du financement vient de Santé Canada. L'autre moitié est assumée par le centre lui-même, car personne d'autre n'est en mesure de la financer.
Ils réalisent à quel point c'est important, mais il n'y a pas de financement, alors la réaction ou les programmes offerts diffèrent d'un centre à l'autre selon les ressources disponibles.
Je crois que ce qui s'est fait de plus central à cet égard appartient au Conseil des jeunes. C'est un sujet que nous avons abordé lorsque je faisais partie de ce conseil. Nous avons envisagé un plan stratégique, nous avons interrogé les jeunes d'un bout à l'autre du pays, et le suicide est ressorti comme étant un problème majeur. On nous a dit d'élaborer une proposition et d'essayer de la vendre; on nous a dit qu'il fallait faire quelque chose à ce sujet, mais nous n'avons jamais réussi à faire prendre la sauce. Malgré la gravité du problème, nous n'avons jamais réussi à créer une dynamique centralisée à cet égard, car les ressources disponibles varient selon les provinces, voire selon les villes. Dans bien des cas, les initiatives des organismes doivent être financées à même leur propre argent.
L'autre chose que j'ai remarquée, c'est que certains de ces centres d'amitié sont très débrouillards. Ils sollicitent de l'argent des industries. Ils organisent des jeux de hasard et d'autres activités pour amasser des fonds. Certains excellent dans la prestation de soins en santé mentale, mais, comme vous l'avez dit, tout dépend de leurs sources de revenus. Croyez-vous que le gouvernement fédéral devrait avoir un programme de financement particulier en matière de santé mentale?
Si nous voulons changer la façon dont les problèmes de santé mentale sont perçus et soignés au Canada, surtout dans les communautés autochtones, je crois qu'il n'y a pas vraiment d'autre choix.
Merci beaucoup d'être là aujourd'hui et merci de l'important travail que vous faites. Je suis très fière du travail accompli par les quatre centres d'amitié de notre circonscription du nord du Manitoba. Je suis surprise de voir que, bien souvent, les centres d'amitié sont vraiment la seule option offerte aux jeunes de nos communautés, de même qu'aux jeunes des Premières Nations avoisinantes qui viennent dans notre région pour rendre visite à leur parenté ou aller à l'école pendant quelques mois. À vrai dire, les centres d'amitié sont là pour eux.
Je sais que l'on discute sérieusement du besoin de soutenir les soins en santé mentale dans nos communautés. J'aimerais assurément vous entendre là-dessus, mais je veux d'abord vous faire part de ceci. L'un des sujets de discussion qui ont été abordés après les vagues de suicides qui ont touché la nation crie Pimicikamak ou Cross Lake, dans le nord du Manitoba, c'était le fait que les enfants voulaient avoir accès à des services de loisir. En fait, Amber Muskego, une jeune femme très éloquente et très courageuse, a fait une sortie pour parler de l'absence de tels services. Au cours d'un dialogue que nous avons eu, elle m'a demandé pourquoi ils n'avaient pas quelque chose comme un centre d'amitié — elle savait qu'un tel centre existait à Thompson.
Dans quelle mesure croyez-vous qu'il soit important que les Premières Nations aient des services de loisir? Comme il s'agit évidemment d'une compétence fédérale, dans quelle mesure croyez-vous qu'il soit important que le gouvernement fédéral appuie la prestation de services de loisir aux Premières Nations comme mesure de prévention du suicide?
Permettez-moi de vous faire part de mes origines. Je viens d'une communauté inuite isolée du Nord. J'y ai vécu pendant 17 ans. Cette communauté est très, très axée sur les loisirs. La plupart des communautés de ma région sont très axées sur les programmes de loisir et de sport, et sur les activités parascolaires. Lorsque j'ai déménagé, l'un de mes plus grands chocs a été de voir des communautés où rien de cela n'avait cours. La communauté d'où je viens n'est pas une réserve. Nous avons un gouvernement inuit. Notre gouvernement est autonome, alors nous n'avons pas à faire face à certains de ces problèmes.
L'une des choses que j'ai remarquées — et cela s'applique aussi aux villes —, c'est que lorsque les jeunes n'ont nulle part où aller, qu'ils n'ont pas d'endroit sécuritaire où se réfugier et que tous ces autres obstacles s'accumulent, il est facile de comprendre comment ils peuvent s'engager sur cette voie de... J'aime rappeler aux gens que le suicide... J'ai déjà donné de la formation en matière d'intervention face au suicide. Ce que je faisais était extrêmement important pour notre centre d'amitié. Je formais différentes personnes, y compris des jeunes, sur la façon de garder une personne en vie assez longtemps pour qu'elle puisse être confiée à quelqu'un qui sera vraiment en mesure de changer les conditions de son existence.
Les loisirs, l'accès à un lieu sécuritaire et un endroit où aller sont des éléments qui transforment la vie des jeunes. La plupart des centres d'amitié ont des programmes pour les jeunes, des programmes parascolaires qui peuvent les accueillir. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'obstacles. Lorsque ces petites choses s'accumulent, les jeunes peuvent se retrouver dans cet état d'esprit, mais s'ils n'ont nulle part où aller et personne à qui en parler... Nous avons fait des interventions pour prévenir des suicides par l'intermédiaire de Facebook Messenger. Nous en avons fait par courriel. Nous avons reçu des jeunes qui s'étaient présentés d'eux-mêmes. Il est extrêmement préoccupant de voir que certains problèmes persistent malgré cette programmation parascolaire, mais il reste que les loisirs changent la donne. Cela procure un milieu sécuritaire et une occasion pour ceux qui y viennent de faire quelque chose de formidable.
Ceux d'entre vous qui ont travaillé dans la communauté ou qui ont une expérience communautaire savent que les loisirs sont un autre domaine qu'il n'est pas facile de financer. Nous avons des centres d'amitié qui organisent des équipes de basket-ball autofinancées à l'intention des jeunes et qui offrent des activités sportives. L'accès à des loisirs peut être difficile à offrir, mais il peut être un facteur de changement déterminant, car il fournit un lieu sécuritaire où les jeunes peuvent aller et faire quelque chose, ces jeunes qui, parfois, n'ont même pas de foyer sécuritaire qui les attend. Nous envisageons toujours les loisirs comme étant quelque chose de beaucoup plus gros qu'une simple activité. Les loisirs forment l'esprit d'équipe, la confiance en soi. Les loisirs sont toutes ces choses en même temps. Il est très difficile de faire comprendre cela à bien des gens, car ils peinent à saisir le portrait d'ensemble ou parce qu'ils n'ont jamais travaillé dans ce domaine.
J'ai travaillé à la programmation destinée aux jeunes dans un centre d'amitié. J'ai fait cela pendant trois ans. J'ai vu la différence que cela peut faire lorsque les jeunes ont de quoi s'occuper. L'accès est un problème partout. Je trouve consternant que certaines communautés n'aient pas d'espace récréatif sécuritaire à offrir à leurs jeunes.
Merci de nous avoir fait part de cela. Merci également d'avoir mêlé votre expérience personnelle à vos propos, car cela leur donne assurément un poids particulier.
Je voulais parler d'un communiqué de presse qui a été publié au début du mois de mai par l'Association des centres d'amitié de la Colombie-Britannique. On y apprenait que la situation frôlait la crise, notamment en raison des retards constants et de l'incertitude au sujet du financement que le ministère doit accorder à la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain. Je me demandais si vous pouviez nous parler de cela. Quelle est la situation actuelle? Que faut-il faire maintenant?
Comme vous le savez, une partie du financement de la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain a pris fin le 31 mars de l'an dernier. Elle a été renouvelée aux termes du budget actuel, mais le financement n'a pas encore était libéré, et cela s'applique aussi à l'Association nationale des centres d'amitié et aux centres d'amitié eux-mêmes. À l'heure actuelle, aucun centre d'amitié n'a reçu son financement de base. Les centres d'amitié qui sont ouverts présentement fonctionnent avec d'autres revenus ou d'autres ressources. Ce sont ces revenus et ces ressources qui leur permettent de garder leur personnel et de rester ouverts.
Nous travaillons en étroite collaboration avec les fonctionnaires du ministère pour que ce financement soit libéré et transféré. Mais cela ne s'est pas encore produit.
Oui, le ministère nous a demandé de modifier notre soumission pour conclure notre accord de contribution, qui était nécessaire en raison du changement de pouvoir découlant du budget, et nous avons présenté notre soumission à nouveau hier. Nous espérons vivement recevoir de la rétroaction et du financement très rapidement, mais nous n'avons pas encore reçu de réponse.
C'est tout le temps que nous avions. Merci pour ce commentaire.
La prochaine question sera celle de Mike Bossio.
Merci beaucoup à vous deux d'être venus encore une fois.
Christopher, je suis ravi de vous revoir. Il est clair que vous éclairez notre lanterne. Nous entendons beaucoup parler de la vie des peuples autochtones dans les réserves, alors que la plupart des Autochtones vivent hors réserve, en milieu urbain. J'essaie de comprendre un certain nombre de choses. Les centres d'amitié sont principalement urbains, n'est-ce pas? Je représente une circonscription rurale où il n'y a pas de centres d'amitié. Il y a bien quelques villes, mais aucune qui ait un centre d'amitié, bien que je présume qu'elles en auraient probablement besoin.
Combien de centres d'amitié y a-t-il à la grandeur du pays?
La plupart d'entre eux se trouvent dans des centres urbains importants comme St. John's, Ottawa et Toronto, n'est-ce pas? Quel est le financement total qui leur est accordé?
Je pensais vous avoir entendu le dire plus tôt, mais je voulais vérifier. C'est 43 millions de dollars. Si je vous ai bien compris, chaque dollar de financement se traduit par sept dollars de services.
C'est le calcul que nous avons fait pour l'exercice 2014-2015. Je crois que le montant s'est même élevé à 12 $ de services. Certains services offerts par les centres d'amitié sont financés par les gouvernements provinciaux. Bien sûr, une partie de ce financement varie en fonction des priorités qui changent aussi pour différents gouvernements provinciaux.
Lorsque vous calculez ce modèle, vous tenez compte d'un important bassin de bénévoles, je suppose. À part les gouvernements provinciaux, de quelles sources recevez-vous du financement?
À titre d'exemple, pour un centre d'amitié, la base est de 160 000 $. Le budget annuel total de ce centre est d'environ 2 millions de dollars, et 450 000 $ proviennent de revenus autonomes, de l'économie sociale, de l'entreprise sociale. Une autre partie du financement serait privée. Bien des centres d'amitié bénéficient de l'appui d'entreprises du secteur privé. Une autre partie du financement est versée par les municipalités et les fondations. Si vous entrez dans un centre d'amitié, vous verrez littéralement son personnel préparer une demande de subvention pour quelque chose.
Vous avez donc aussi une armée de personnes qui rédigent des demandes de subventions. Bien entendu, si vous pouviez utiliser ces ressources à meilleur escient, vous pourriez sûrement accroître le nombre de services que vous offrez. C'est en partie là où je veux en venir. Encore une fois, nous entendons parler du suicide et de la crise qui sévit dans le Nord, et j'ai énormément d'empathie pour les gens qui vivent cette situation. Est-ce aussi dramatique dans les centres d'amitié hors réserve? Je vous ai entendu dire qu'une personne sur cinq songeait à mettre fin à ses jours.
Pour nous, j'essaie d'utiliser des exemples concrets. Je vais parler d'une expérience que j'ai vécue. Si vous êtes un Autochtone en milieu urbain et que vous emmenez quelqu'un, disons, à l'urgence d'un hôpital de santé mentale — chose que j'ai faite — la première question que vous pose le psychiatre est celle de savoir si votre gouvernement vous prend en charge. Je suis avec un jeune Autochtone qui vient de faire une tentative de suicide, et on me demande si le gouvernement paie quelque chose au lieu de me dire ce qu'il nous faut faire dans l'immédiat; ce que nous devons faire aujourd'hui; comment faire pour nous inscrire à un service ou à un programme.
C'est exactement là où je veux en venir. Vous avez trouvé des façons d'offrir des services de manière beaucoup plus rentable que les gouvernements fédéral et provinciaux réunis. Dans bien des cas, c'est la nécessité qui vous a motivés, et même le désespoir. Vous avez parlé plus tôt de former des gens pour gérer des situations de crise en cas de suicide. Combien de temps vous faut-il pour ce faire?
Dans mon cas, il m'a fallu une semaine entière pour devenir formateur. Vous vivez sur place pendant la semaine. Il y a différents niveaux. Comme il s'agit d'une question importante pour nous, notre centre d'amitié est aussi doté d'un refuge pour sans-abri. Nous essayons de nous assurer que chaque employé est formé. Il faut environ deux jours et demi pour offrir la formation complète, c'est ainsi que vous... Nous essayons surtout de dire aux gens que l'important est de garder la personne en vie jusqu'à ce qu'on puisse lui trouver un programme ou un service ou bien l'emmener à l'hôpital ou chez quelqu'un.
Bien souvent, les gens ne savent pas comment réagir lorsqu'une personne se présente à leur porte, les appelle ou leur dit qu'elle est suicidaire, que c'est ce qui se passe.
Avez-vous déjà travaillé avec des organisations dans les réserves pour transférer ces types de compétences, pour qu'elles soient encore une fois... Pour moi, une grande partie du problème est que nous n'offrons pas les services où ils ont besoin d'être offerts, c'est-à-dire dans la collectivité en tant que telle. Il arrive souvent qu'ils ne soient pas offerts par des Autochtones de ces communautés, mais par des personnes de l'extérieur qui ne comprennent pas les questions culturelles et historiques qui entrent en jeu, comme les pensionnats.
Êtes-vous en mesure de le faire, ou faut-il que ce soit dans les réserves ou hors réserve?
C'est dans les réserves et hors réserve. Je n'offre plus la formation, car c'est difficile de le faire chaque jour, mais nous avons d'autres employés qui s'en chargent. Si nous avons fait former nos propres employés, qui sont autochtones, c'est pour qu'ils comprennent mieux les circonstances des clients autochtones. Nous pourrions le faire pour l'ensemble de notre personnel, pour que tous nos clients aient au moins accès à quelqu'un qui comprenne leur situation. Il nous importait de ne pas toujours devoir faire appel à des gens de l'extérieur pour former notre personnel. Pourquoi ne pouvions-nous pas le faire nous-mêmes? Cela fait toute une différence. C'est comme les programmes d'emploi ou autres.
Vous avez décrit bien des difficultés avec lesquelles vous essayez de composer. Dans bien des cas, il s'agit de difficultés de financement. Dans un monde idéal, du point de vue du financement, mais surtout des outils, quelles seraient les trois principales questions que vous aimeriez régler immédiatement?
Premièrement, il y aurait un processus normalisé pour les organisations ou la possibilité d'en élaborer un. Les situations diffèrent grandement dans les réserves et hors réserve, mais le processus pour y arriver est le même. Vous voulez travailler avec les gens de la communauté et les amener là. Nous avons besoin d'un outil, ou de la capacité d'en créer un, que les gens peuvent utiliser et dont ils peuvent comprendre l'utilisation.
Deuxièmement, on aurait une bonne idée de l'endroit où se rendre pour obtenir ce soutien. On le dirait aux gens; on leur présenterait un bout de papier ou quelque chose du genre.
Troisièmement, on aurait besoin de sensibiliser davantage les gens au fait qu'il s'agit d'un problème.
Excellent. Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à la série de questions de cinq minutes, en commençant par Arnold Viersen.
Merci, monsieur le président.
Merci d'être venus encore une fois aujourd'hui.
J'ai besoin d'une clarification. Les centres d'amitié sont-ils des organismes de bienfaisance?
C'est juste. L'association nationale, notre bureau à l'Association nationale des centres d'amitié, est constitué en vertu d’une loi fédérale, alors nous sommes régis par la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif. Par contre, les centres individuels sont généralement constitués en vertu de lois provinciales ou territoriales, et la plupart d'entre eux sont des organismes de bienfaisance enregistrés.
Oui, car il y a trois centres d'amitié dans ma circonscription, et ils semblent être enregistrés en Alberta. Il s'agit de centres d'amitié albertains, alors votre explication rend les choses plus claires pour moi.
À titre de précision, ce qui explique en partie les choses est que nous avons une structure fédérée. Il y a sept associations provinciales et territoriales, d'où la situation en Alberta.
D'accord.
Dans ma propre recherche sur le suicide, surtout en ce qui concerne les communautés autochtones mais seulement en général, il arrive souvent que le suicide ne devienne qu'un identifiant et qu'on ne fasse pas nécessairement la distinction entre non autochtone et autochtone. Je n'aime pas traiter la question de cette façon. Je la traite en général en me penchant sur les causes sous-jacentes des tentatives de suicide et des choses du genre. Elles sont liées. Un facteur important semble être la violence — celle qui est faite aux enfants, la violence sexuelle ou une combinaison des deux.
Cela caractériserait-il votre expérience des tentatives de suicide? Il semble que dans 25 à 30 % des cas de suicides ou de tentatives de suicide, des questions de violence sexuelle ou de violence faite aux enfants soient entrées en ligne de compte. Est-ce conforme à votre expérience?
Toutes les personnes avec lesquelles j'ai travaillé ou auprès desquelles j'ai fait une intervention sont très différentes. Une personne pourrait bien s'en sortir malgré ces expériences, tandis qu'une autre aura du mal à trouver un travail, souffrira de toxicomanie, n'arrivera pas à se loger ou ne bénéficiera pas de beaucoup de soutien. Il y a aussi les gens pour qui un événement catastrophique survient. Je n'ai jamais été capable de les caractériser sauf pour dire que chaque personne a géré ces situations différemment dans la mesure où elle était capable de le faire.
Une chose qui, selon moi, est très difficile à comprendre pour les Canadiens non autochtones est que lorsqu'un non-Autochtone met fin à ses jours, toute la communauté est en état de choc; c'est quelque chose d'important. En revanche, lorsqu'un Autochtone, jeune ou moins jeune, se suicide, c'est simplement un parmi tant d'autres. Cela m'a toujours posé problème, car c'est arrivé si souvent.
Dans ma région du pays, nous avions un des taux de suicide les plus élevés au monde lorsque j'étais adolescent. Je vivais dans une communauté où il y avait trois suicides par semaine. Lorsque vous travaillez avec une jeune femme dont 20 membres de la famille ont mis fin à leurs jours, la réaction n'est pas la même que celle de la population générale.
Les gens demandent comment nous avons normalisé le suicide et pourquoi nous l'avons fait. Vous n'avez vraiment pas d'autre choix si vous voulez rester sain d'esprit. Ces situations sont vraiment très difficiles à traverser. C'est dur pour les Canadiens non autochtones, car ils n'ont pas eu à le vivre encore et encore. Ce n'est pas comme si nous faisions venir des conseillers en santé mentale par avion et qu'ils partaient au bout de cinq jours; ou que nous étions capables de faire hospitaliser quelqu'un parce que nous avons eu une série de suicides en ville, mais ensuite, il n'y a rien, aucun autre soutien; ou on vous dit que vous êtes autochtone et que quelqu'un d'autre devrait vous envoyer un psychiatre au lieu de vous faire venir au centre d'aide principal.
Les Canadiens non autochtones ont énormément de mal à comprendre la réalité du suicide chez les peuples autochtones. Pourquoi cela est-il si mystérieux? Vous prenez tous les facteurs sous-jacents et toutes les barrières auxquelles les gens font face chaque jour, et il n'est pas si difficile de commencer à comprendre pourquoi ils pourraient ne plus vouloir vivre. Ils n'ont nulle part où dormir. Ils n'ont rien à manger. Personne ne semble se préoccuper de les aider à trouver un emploi. C'est leur vie. C'est leur lot quotidien.
Je suis désolé, Arnold, c'est tout le temps que vous aviez.
La prochaine question sera pour Gary Anandasangaree.
Merci, monsieur Sheppard, d'être revenu nous voir.
J'ai deux questions. Premièrement, si vous vous fiez à votre expérience en milieu urbain, quelles seraient, selon vous, les trois principales choses que le gouvernement et les organisations comme la vôtre devraient faire pour traiter cette question de façon sérieuse?
Je dirais que la première est d'appuyer les organisations de façon réaliste pour qu'elles puissent offrir les services nécessaires. Certains ministères fédéraux font un travail vraiment remarquable dans certains de ces secteurs. Nous avons des centres d'amitié qui entretiennent d'excellentes relations avec Santé Canada, et d'autres secteurs desquels ils réussissent à obtenir une partie de leur financement ou des fonds à l'appui de projets pour faire ce type de travail. C'est juste que les ressources sont limitées.
Deuxièmement, je penserais que le financement de l'infrastructure est incroyable. Ce type de financement qui améliore grandement la situation des personnes en milieu urbain est encore plus incroyable, par exemple en ce qui concerne le logement. Nous savons que le logement dans les réserves et le Nord est une question de taille. Vous pouvez imaginer à quel point il est difficile pour un Autochtone en milieu urbain de trouver un logement. Nous avons un refuge pour sans-abri, car c'est une nécessité. Nous avons des Autochtones qui n'ont nulle part où aller, et à moins de gagner un certain salaire, vous pourriez ne jamais trouver d'endroit adéquat où habiter. Le financement de l'infrastructure peut être affecté au logement, au logement provisoire ou à quelque chose du genre. Nous offrons des logements d'urgence. Nous aimerions offrir des logements de transition pour aider les gens. Nous faisons plein d'autres choses, mais la question du logement est primordiale pour nous.
Troisièmement, il faudrait offrir un soutien réel aux jeunes Autochtones en milieu urbain. Par le passé, nous avons été en mesure d'offrir un autre programme fédéral qui n'existe plus et qui visait cette population; certains des indicateurs sont stupéfiants. Si vous cherchez « liens culturels pour les jeunes Autochtones » ou « CUPJA », centres urbains polyvalents pour jeunes Autochtones, vous verrez une partie du travail extraordinaire qui a été fait au Canada dans les centres d'amitié et à partir de ces centres, car le programme a été offert à la grandeur du pays par diverses organisations et même par le truchement des ministères en tant que tels. Ce programme a été une réussite remarquable: il a formé, partout au pays, beaucoup de jeunes Autochtones épatants qui ont participé à un programme de centre d'amitié qui les a aidés à réussir. Je suis une des personnes issues de ce programme qui n'existe plus. Lorsque des programmes qui fonctionnent cessent d'exister, c'est décevant.
Vous avez mentionné une partie du travail que font nos ministères et dit qu'il y avait de bons programmes. Pourriez-vous en nommer quelques-uns à l'échelle régionale qui sont directement liés au suicide et qui pourraient s'étendre à d'autres régions du pays?
On mène certains projets grâce à une partie des indemnités versées aux survivants des pensionnats, par le truchement de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, et par l'intermédiaire d'autres sources de financement. Une de nos plus grandes réussites à part les indemnités versées aux survivants des pensionnats indiens et la capacité d'aider ces personnes dans la collectivité en général a été au plan du transport. Une partie du travail est menée en collaboration avec la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits de Santé Canada. Il est primordial de faciliter le transport vers les activités de programme. Les transports représentent une énorme barrière dans à peu près toutes les collectivités, si bien que lorsque les personnes sont capables de se déplacer, cela fait une différence énorme.
Il sera important de se pencher sur les différents secteurs qui financent les Autochtones en milieu urbain et de constater qu'il y a des exemples de réussites extraordinaires avec des gens extraordinaires. Bien des centres d'amitié entretiennent des relations géniales avec les Affaires autochtones à l'échelon régional. Cependant, il semble parfois que les choses ne se passent pas si bien aux échelons supérieurs. On dirait parfois que les intervenants comprennent ce qui se passe aux échelons communautaires et régionaux, mais que ce ne soit plus le cas à l'échelon national. Les relations n'existent pas à ce niveau.
C'est la cohérence qui est en cause, alors.
Je vais passer à l'éducation. Quels types de soutien offrez-vous pour favoriser la réussite scolaire? C'est une question très complexe, mais...
Cela dépend du centre d'amitié où vous allez. À Halifax, on offre des mises à niveau, des programmes de formation générale, des équivalents de certificat d'études secondaires, de la préparation à la formation, tandis que d'autres centres d'amitié ont des écoles alternatives. Ce qu'il est possible de faire dépend vraiment de la relation qu'un centre a à l'échelon provincial en ce qui concerne l'éducation.
En premier lieu, je sais que nous sommes ici pour discuter de la prévention du suicide et cette situation horrible avec laquelle vous devez constamment composer, mais je dois revenir en arrière parce que je suis complètement abasourdie. Un point qui a fait l'unanimité autour de cette table est le travail remarquable qu'accomplissent les centres d'amitié. J'en ai un dans ma circonscription. Le bâtiment n'est pas génial, mais il est géré par des gens passionnés qui font un travail absolument phénoménal à peu de frais, je l'avoue.
La question du financement me dérange, cela dit. Lors de son passage au Comité le 5 mai, la ministre a affirmé qu'il y avait du financement pour les « centres d'amitié, qui est garanti... au cours des deux dernières années, les centres ont administré l'ensemble de la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain... ». Maintenant, je pense que vous n'utilisez que 43 millions des 50 millions de dollars prévus, mais ce n'est pas tout. Elle a dit que l'Association nationale des centres d'amitié avait réservé l'argent et qu'elle n'avait qu'à signer son accord de contribution pour que le financement se mette à circuler.
Je me rappelle que dans le centre d'amitié où je suis allée il y a de nombreuses années, on distribuait des avis de congédiement en avril, car on ignorait si on obtiendrait ou non du financement. On n'avait pas l'argent nécessaire. Je crois comprendre qu'il n'y a pas de financement. Premièrement, peut-être que vous pourriez nous donner une clarification: est-ce parce que vous n'avez pas signé l'accord de contribution? C'est ce que la ministre a dit le 5 mai. L'exercice a commencé il y a deux mois. Distribue-t-on des avis de congédiement dans vos centres d'amitié?
Je crois que la ministre a raison, car le ministère a le pouvoir d'accorder le financement après le budget. Nous sommes en pourparlers avec les fonctionnaires qui gèrent le programme, et ils nous ont demandé de remanier notre accord de contribution. Nous avons dû produire un nouveau plan de travail en raison de la façon dont les autorisations pour le renouvellement du financement annoncées dans le budget se sont faites. Nous avons dû colliger bien des renseignements supplémentaires pour présenter cette demande.
Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons présenté notre soumission hier. Nous croyons comprendre qu'une fois que nous aurons fourni les renseignements nécessaires, nous passerons rapidement à l'accord de contribution. Ensuite, nous pourrons affecter le financement depuis le bureau national dans le cadre de notre gestion du volet de 43 millions de dollars.
Dans l'intérim, vous a-t-on donné du financement d'urgence? Les centres d'amitié ont-ils reçu quelque chose ou ont-ils dû congédier du personnel?
Nous croyons comprendre que des centres d'amitié dans certaines régions ont perdu du personnel ou risquent d'en perdre.
Je pense que l'élimination graduelle d'une bonne partie du financement a suscité de nombreuses préoccupations. En conséquence, tout le monde avait très hâte au budget. Bien sûr, cela s'est passé plus tard, et le cycle normal aurait alors suivi son cours. Normalement, vers la fin de l'année civile, nous serions en train de suivre les processus de présentation de demandes et d'appels d'offres afin d'assurer la continuité du financement pour le nouvel exercice débutant le 1er avril. Bien entendu, puisqu'il a fallu attendre l'annonce du budget concernant le confirmation du financement, nous avons accusé des retards.
À l'époque, la ministre a dit que vous étiez responsables du financement complet vu que les centres d'amitié n'étaient pas les seules organisations à offrir des services aux Autochtones en milieu urbain. Dans quelle mesure le financement qui devait passer par vos centres d'amitié a-t-il été réduit, et cela aura-t-il une incidence sur un quelconque de vos programmes, comme ceux qui portent sur la prévention du suicide?
Nous croyons comprendre que nous allons recevoir le plein montant de 43 millions de dollars, alors il n'y aura pas de réduction de financement. Le problème réside dans les retards que nous avons accusés pour devoir nous habituer aux nouvelles exigences mais, comme je le dis, nous avons espoir que le problème soit bientôt réglé. Et oui, cela a une incidence.
Chris peut parler de l'incidence peut-être encore plus directement que moi.
Bien des centres d'amitié n'ont pas seulement des programmes de fonctionnement ou quelque chose du genre; ils offrent aussi bien d'autres programmes et services. Il arrive souvent qu'il ne s'agisse pas du seul retard en ce qui touche le financement. Beaucoup de centres d'amitié ont d'autres programmes qui sont aussi retardés. C'est très difficile d'essayer de garder des employés lorsque vous ignorez si vous allez recevoir du financement.
Par le passé, nombre de centres d'amitié ont gardé leur personnel parce qu'ils s'attendaient à recevoir du financement, mais quand on en arrive à ce point, on ne sait pas à quoi s'en tenir.
Merci beaucoup de votre présentation. Elle a été très utile.
Une des choses que la Commission de vérité et de réconciliation a suggérées a été que nous reconnaissions la valeur des pratiques de guérison autochtones. Je suppose que c'est difficile dans une situation hors réserve. Pouvez-vous nous donner une idée de...
Je ne trouve pas cela difficile. Le fait est que bien des Canadiens, même dans ma propre province, ont dans l'idée que les Autochtones vivent tous dans des réserves. Ils ne pensent pas que j'ai accès à un ancien qui a vécu à St. John's pendant 40 ans, qui parle Inuktitut, et qui est capable de communiquer selon les traditions. Ils ne savent pas que j'ai accès à ces gens. La plupart des centres d'amitié ont des anciens. Bien des centres d'amitié sont des carrefours de revitalisation culturelle pour les gens qui ont quitté leurs communautés, dotés de programmes de langue et de culture. À la plupart de ces centres, lorsqu'on élabore les programmes et services culturels à partir de zéro, on détermine s'ils sont appropriés au plan culturel. À titre d'exemple, quand la plupart des gens pensent à une équipe de santé mentale, ils imaginent un psychiatre et un psychologue clinicien, alors que les nôtres consistent en un travailleur social clinicien, un psychologue, des travailleurs de soutien culturel et un ancien.
Je ne trouve pas cela difficile, et je sais que bien des centres d'amitié ne trouvent pas cela difficile non plus. Bien des Autochtones vivent en milieu urbain, tout comme bien des anciens autochtones. On peut leur téléphoner et leur demander de venir pour participer à une cérémonie, par exemple. Ce n'est pas difficile. Je crois que la partie ardue est parfois de trouver des façons novatrices de le faire en ville, mais c'est tout à fait possible. Nombre d'entre nous sommes des fondateurs ou des anciens. C'est assez courant que l'on croit que c'est difficile. Nous avons des jeunes de troisième génération qui n'ont jamais vécu dans une réserve ou une communauté autochtone. Une jeune personne d'Halifax m'a regardé et m'a dit: « Ne me demandez pas où se trouve ma communauté, car ma communauté, c'est Halifax. C'est de là que je viens. Je suis autochtone, mais je vis à Halifax ». J'ai répondu: « D'accord, j'en prends bonne note ».
C'est une question simple, mais elle pourrait être assez vaste. Dans le cadre de la présente étude, y a-t-il une chose que vous diriez au gouvernement fédéral de ne pas faire?
Ne partez pas du principe que quelque chose va fonctionner pour tout le monde. Une chose que j'aime dire aux gens est que je suis ravi d'être ici. Je suis ravi de pouvoir parler au nom de l'Association nationale des centres d'amitié, car le programme urbain est vraiment important. Il est aussi important de comprendre les différences entre les communautés. Il faudra différentes choses en fonction de l'endroit où les gens vivent et de leur contexte culturel. Il existe des pratiques et des croyances culturelles pour presque tout. À titre d'exemple, il y a des croyances culturelles concernant le point où votre vie se termine.
Il y a tous ces facteurs. Il est important de ne pas penser que vous allez trouver une solution qui convienne à chaque Autochtone au pays. Certaines des meilleures ressources à votre disposition sont les personnes des régions dans vos ministères qui connaissent les communautés et entretiennent des relations extraordinaires avec elles. C'est génial que je sois ici pour pouvoir parler de certaines expériences des centres d'amitié, mais vous devriez vous rappeler qu'elles seront différentes en fonction de l'endroit où vous êtes et de vos antécédents culturels. Il y a des collectivités où l'itinérance pourrait ne pas être un facteur. Il faut aborder le suicide comme une combinaison de questions complexes. Les centres d'amitié essaient de tenir compte du plus grand nombre de facteurs possible. Le centre de St. John's n'offre pas de services d'emploi, par exemple. Nous n'offrons pas ce programme, alors c'est un domaine qui est très préoccupant. Il est vraiment important d'utiliser le plus de ressources régionales possible.
La flexibilité est importante. Nous savons tous que les programmes sont conçus par les gouvernements à des fins précises, mais il est très important que le centre qui offre le service à la communauté soit flexible. Les centres d'amitié comptent 60 ans d'expérience pour ce qui est de répondre aux besoins directement et d'adapter nos services, alors il est relativement peu risqué d'accorder cette latitude.
Merci.
Avant que nous passions à la série de questions de trois minutes avec Niki Ashton, je voulais dire aux membres que nous avons convenu au début de la réunion qu'une fois que Mme Ashton aura terminé ses trois minutes de questions, nous aurions une série de questions de sept minutes avec Don Rusnak, David Yurdiga et Niki Ashton, respectivement, et que nous terminerions la séance avec l'association.
Madame Ashton, s'il vous plaît.
C'est génial. Merci beaucoup.
Je veux en revenir au fait que votre financement n'a pas encore été renouvelé. Je trouve cela très alarmant. Encore une fois, il y a quatre centres d'amitié dans notre circonscription. Dans bien des cas, c'est le seul endroit qu'ont les jeunes. On y offre des programmes très importants et, bien que je comprenne que vous ayez présenté les documents qu'on vous a demandé de présenter, cela fait deux mois. Nous avons parlé de suicide et de l'excellent travail que vous faites et tout mais, au bout du compte, si les centres d'amitié ne bénéficient pas de financement adéquat pour offrir les programmes nécessaires, nous sommes aux prises avec un véritable problème.
Puisque cette série de questions est si courte, pourriez-vous nous dire les échos que vous recevez des centres d'amitié? Estime-t-on que cette situation doit être réglée de toute urgence?
Je travaille avec tous les centres d'amitié en Atlantique, alors j'en entends parler tous les jours. À l'occasion d'un appel technique hier, nombre de personnes des régions disaient qu'elles entendaient bien des commentaires à cet égard de la part du personnel des centres d'amitié. Cela remonte au moment où le financement des centres d'amitié a changé. C'était simple auparavant. Les centres d'amitié bénéficiaient de financement dans le cadre d'un programme permanent du gouvernement, et c'était tout. Il y a eu des retards modestes à l'époque, mais pas autant que lorsqu'on remanie le financement, qu'il faut réécrire la demande et que le financement est éliminé graduellement. C'est la différence majeure entre les programmes précédents et les programmes actuels. Le renouvellement n'est pas la seule question. Il y a aussi toutes les autres complexités d'un nouveau programme qui n'était pas seulement destiné aux centres d'amitié et qui ne visait pas seulement le financement de base, et ce sont les choses que vous êtes capables de faire.
En raison du changement fondamental, le financement est beaucoup plus complexe, et il influe négativement sur les centres d'amitié d'aujourd'hui et d'hier. Combien connaissez-vous d'organismes capables de payer 30 ou même 5 employés sans financement de base? Peu d'organisations ont la capacité de continuer à fonctionner dans ces conditions, et plus cela dure, plus c'est ardu, et vous devez prendre des décisions difficiles. Comme vous êtes lié par le droit du travail et d'autres lois, le licenciement de quelqu'un implique plus que le seul fait de fermer vos portes.
C'est difficile, et nous en entendons parler.
Je pense que c'est tout le temps que vous aviez, Niki. Merci.
Nous allons revenir à la série de questions de sept minutes, et le premier des trois intervenants sera Don Rusnak.
Merci d'être revenu témoigner devant le Comité. Je sais que vous êtes déjà venus, et les centres d'amitié dans mes collectivités font un travail remarquable. J'en ai trois dans mes collectivités, mais seulement deux dans ma circonscription.
J'ai collaboré avec des travailleurs dans le cadre du programme d’assistance parajudiciaire aux Autochtones à Thunder Bay, mais je ne suis pas au courant... Nous avons un centre d'amitié à Thunder Bay. C'est le seul dans ma collectivité, mais pas dans ma circonscription. Nous en avons un à Atikokan et un à Fort Frances dans le Nord-Ouest ontarien. Je suis certain que vous le connaissez. Je ne suis pas au courant d'un quelconque effort de prévention du suicide de leur part en ce moment. Bien sûr, je connais les gens des centres d'amitié de Thunder Bay et d'Atikokan, mais je n'ai pas encore rencontré le personnel de celui de Fort Frances.
Pouvez-vous donner des exemples d'efforts déployés pour prévenir le suicide dans cette région du pays?
Je suis allé à Kenora. Une de mes meilleures amies est originaire de Fort Frances. Elle présidait notre conseil jeunesse autochtone lorsque j'y siégeais. Elle a grandement participé à l'élaboration de notre plan stratégique, duquel la prévention du suicide est ressortie comme une question primordiale.
Nous n'arrivions pas à trouver un bailleur de fonds. Le plan que nous avions dressé au fil du temps était d'offrir de la formation à des jeunes dans chaque centre d'amitié pour qu'il y ait quelqu'un de formé dans chaque communauté à aider les jeunes qui traversaient cette épreuve. Lorsque nous avons demandé aux jeunes qui venaient aux centres d'amitié à la grandeur du pays quelles étaient leurs priorités, le suicide en faisait partie.
Nous avons fait tout ce que nous pouvions à l'époque. C'était en 2010-2011. Nous avons rédigé une proposition, lancé une trousse de prévention du suicide et d'autres outils, mais nous n'avons pas pu susciter d'intérêt. L'ennui c'est que, selon la communauté dans laquelle vous vous trouvez, si vous n'arrivez pas à obtenir du soutien... c'est très difficile, mais une bonne partie de cet effort a été mené par la présidente de l'époque qui était originaire du centre de Fort Frances.
Je n'en connais pas un en particulier. Je pourrais toujours m'informer, demander à la fédération ontarienne et voir ce qu'on me donne comme réponse. Il ne faut pas oublier que chaque région et chaque centre d'amitié est différent. Chaque centre d'amitié a un conseil d'administration indépendant, élu sur une base volontaire par sa collectivité. S'il ne s'agit pas d'un programme à la grandeur de la province, il vous faudrait communiquer avec chaque centre et leur demander ce qu'ils font.
Léger changement de sujet, je suis très en faveur de la collaboration. Je connais le centre de Thunder Bay. Je sais que les conseillers parajudiciaires collaborent avec d'autres conseillers au tribunal pour fournir les services extraordinaires qu'ils offrent à Thunder Bay. Connaissez-vous des exemples de coopération en vue de prévenir le suicide auxquels les centres d'amitié participent et qui pourraient être transmis au Comité comme pratiques exemplaires?
Je crois que le projet jeunesse est le meilleur exemple que je puisse vous donner. Des jeunes de toutes les régions du pays se sont réunis pour concevoir ce projet et aller voir dans l'ensemble du territoire quel objectif commun pouvait les rallier. En sondant ainsi d'autres jeunes, ils ont pu constater que le suicide était une préoccupation importante. Ils ont ensuite redoublé d'efforts pour élaborer des propositions, des trousses d'outils et tout ce qui vient avec. À ma connaissance, c'est le plus beau cas de collaboration entre des centres d'amitié comme en témoigne le grand nombre de jeunes de toutes les régions qui ont pris part à l'initiative.
Un réseau de centres d'amitié comporte de nombreux avantages. Dans bien des cas où l'on est aux prises avec un problème grave ou une situation particulièrement pénible, un tel réseau permet notamment de s'adresser à un autre centre dont c'est la spécialité. Je peux vous dire par exemple que certains centres ont fait appel à celui où je travaille pour savoir comment composer avec ce problème, quelle formation doit être dispensée et des choses du genre. J'ai d'ailleurs suivi ma formation en même temps que des gens de la Saskatchewan. Les centres d'amitié peuvent ainsi s'entraider pour une raison ou une autre à n'importe quel moment.
Cela dit, vous arriverez difficilement à trouver un programme ou un projet quelconque qui est mis en oeuvre de la même manière dans tous les centres au pays. L'offre est plutôt fragmentée.
Le travail de coordination effectué au bureau national consiste notamment à mettre en commun l'information et les pratiques les plus efficaces en assurant la communication entre les différents centres d'amitié du réseau. Cela fait partie de nos activités courantes. Nous dressons le profil de différentes interventions qui ont produit de bons résultats. Chris vous a parlé des relations établies entre nos gens dans les provinces et les territoires et les ministères et gouvernements locaux, et le soutien est également variable à ce niveau.
Selon vous, comment les centres d'amitié peuvent-ils appuyer le mouvement vers l'adoption d'approches et de stratégies communautaires à l'égard de la conception et de la prestation de services de santé mentale et de prévention du suicide?
Si le gouvernement adoptait une approche stratégique en matière de santé mentale et de suicide faisant intervenir les différentes provinces et territoires ou les différents ministères, et que l'on sollicitait la contribution de l'ANCA ou de certains centres d'amitié, nous aurions les moyens de tous les mobiliser.
S'il y avait une stratégie ou un effort concerté dans un certain secteur, ne serait-ce que pour recueillir de l'information, nous pourrions communiquer très rapidement avec les 118 centres d'amitié pour leur demander ce qu'ils font exactement et savoir qu'est-ce qui fonctionne. Dans le cas d'autres programmes très fructueux que nous offrions, nous avons procédé à une analyse pour déterminer s'il était possible d'en étendre l'application à l'ensemble du pays. Selon moi, il serait sans doute préférable d'entrer en contact avec des gens ayant établi des liens au sein des différentes communautés pour déterminer s'il existe des programmes de prévention du suicide qui ont vraiment permis d'améliorer les choses.
Nous jugeons particulièrement important de former tous les intervenants afin qu'ils sachent vraiment comment réagir. Quand une personne qui entre dans votre bureau présente un risque de suicide, que devez-vous faire? Qui devez-vous appeler? Il pourrait être bon par exemple de faire appel à l'ANCA pour voir à quel centre s'adresser.
Merci, monsieur le président. Je vais laisser une partie de mon temps, une petite portion seulement, à Cathy McLeod.
Je note la participation des jeunes à un grand nombre de programmes dans différentes communautés. Dans le contexte des programmes culturels, j'ai l'impression que les jeunes souhaitent reprendre contact avec le passé. Savez-vous s'il existe des programmes en rapport avec les thérapies et les remèdes traditionnels?
Si vous considérez la plupart des programmes jeunesse offerts dans les centres d'amitié... Si ces programmes sont aussi efficaces — et nous avons tenté de le faire savoir de toutes les manières possibles — c'est parce que les jeunes Autochtones qui y participent apprennent à connaître leur culture et à prendre confiance en leur capacité de réussir en tant que personne autochtone. Si vous prenez un jeune qui n'est pas à l'aise avec son identité d'Autochtone, une particularité qui ressort dans les conversations ou lorsqu'il fréquente l'école, la pente risque d'être dure à remonter. Pour bien des centres d'amitié, c'est un élément clé des initiatives s'adressant aux jeunes. Il faut qu'ils soient sensibilisés aux pratiques et aux récits traditionnels.
Nous pouvons compter dans les centres d'amitié sur des jeunes qui donnent des conférences dans les écoles secondaires, les entreprises ou les groupes communautaires pour parler de leur réalité d'Autochtone, autant dans une perspective historique que contemporaine. Je pense qu'il nous arrive tous à l'occasion de voir les Autochtones uniquement comme un peuple du passé. Nous ne parlons guère de la réalité des Autochtones d'aujourd'hui. Il est donc vraiment important de mettre l'accent sur l'aspect culturel et de veiller à ce qu'il soit intégré à toutes les activités visant les jeunes dans les centres d'amitié.
Si je me suis engagé au sein de l'Association nationale des centres d'amitié, c'est notamment dû au fait que les jeunes ont le tiers des votes. Les jeunes détiennent ainsi le tiers du pouvoir décisionnel à notre assemblée générale annuelle. Le vote d'un jeune ne peut pas être transféré par procuration. Il faut que ce soit un jeune qui vote. C'est une condition primordiale pour nous. Nous savons qu'il y a un lien direct. Lorsqu'un jeune Autochtone voit d'un oeil favorable son identité et sa culture, cela fait une énorme différence.
Je pourrais vous citer de nombreux exemples en ce sens. Lorsque des jeunes participent à une entreprise sociale, ils ont tendance à y intégrer une composante culturelle. C'est notamment le cas d'une chocolaterie en Colombie-Britannique. Si vous achetez leurs chocolats, vous allez pouvoir lire sur la boîte des légendes du folklore traditionnel qui revêtent une grande importance à leurs yeux. D'autres jeunes vendent des chandelles que l'on peut utiliser avec des remèdes traditionnels. C'est une optique adoptée par bon nombre de ces entreprises, car plusieurs de ces jeunes ont multiplié les efforts pour reprendre contact avec le passé.
Oh, très bien.
Existe-t-il des solutions et des pratiques exemplaires visant à intégrer une approche axée sur la culture aux programmes de santé mentale et de prévention du suicide?
Je pense qu'il convient de reconnaître qu'il y a de la place pour un volet clinique, mais aussi de la place pour un volet traditionnel et culturel, et qu'il n'est pas nécessaire de séparer les deux.
Nous avons des exemples de cas où les programmes offerts par les centres d'amitié, notamment en matière de santé mentale, sont privilégiés par rapport à une option clinique. Il est déjà assez difficile pour un Autochtone de se présenter à l'hôpital. Je vous laisse imaginer les obstacles auxquels cette personne peut être confrontée en se présentant aux services d'urgence d'un établissement de soins en santé mentale. En raison du manque de confiance, du malaise ou de l'incompréhension, ces gens-là vont plus facilement visiter un centre d'amitié pour discuter des problèmes de ce genre.
Il y a donc un volet clinique et un volet culturel qui devraient aller de pair. C'est l'approche adoptée par bon nombre de centres d'amitié dans le cadre de toutes sortes de programmes. Il faut qu'il y ait du respect et de la compréhension de part et d'autre, et on peut y parvenir sur les deux plans à la fois. Ils ne s'excluent pas l'un l'autre.
Dans le cadre de certains programmes, des patients autochtones ont été traités dans des hôpitaux où travaillait du personnel du centre d'amitié. En d'autres occasions, des cliniques étaient installées directement dans le centre d'amitié. L'aspect culturel est compris et respecté, que ce soit pour une cérémonie de purification ou une autre manifestation. Il faut toutefois reconnaître que la situation peut se prêter également à une intervention clinique et que ces deux composantes peuvent cohabiter en donnant d'excellents résultats.
Il est nettement préférable de se retrouver en face d'une personne qui comprend votre réalité d'Autochtone tout en étant à même de saisir votre problématique de santé mentale ou de suicide, plutôt que de devoir se présenter à l'hôpital en espérant que quelqu'un ne va pas vous poser une question épouvantable. Certaines des pratiques qui ont fait leur preuve sont fondées sur une telle coexistence. Le travail clinique et le volet culturel peuvent cohabiter, ce qui est formidable.
Désolé de vous interrompre, mais il vous reste exactement deux minutes, si vous voulez laisser la parole à votre collègue.
Merci, monsieur le président. Ce sera un partage très équitable.
La Commission canadienne de la santé mentale s'est vu confier le mandat d'adapter le programme de formation sur les premiers soins en santé mentale de manière à tenir davantage compte des particularités culturelles. Je suis consciente du fait que chaque communauté est différente et qu'il faut trouver le juste équilibre entre la nécessité de répondre aux besoins de chacune d'elles et l'efficacité d'un programme normalisé pour appuyer ce travail.
Est-ce que vous participez d'une manière ou d'une autre à cette initiative?
J'ai une certaine expérience des premiers soins en santé mentale, mais je n'ai pas participé à ce processus d'adaptation. Je pense qu'il faut prévoir une certaine marge de manoeuvre, car bien que nous soyons tous conscients de la nécessité de normaliser certaines interventions, nous devons conserver notre capacité de faire les choses différemment. Comme le disait Yancy, il importe de ne pas imposer des limites qui nous empêcheraient de procéder à une certaine adaptation sur le terrain pour bien répondre aux besoins qui se présentent. C'est ce que nous avons pu constater avec d'autres programmes, et ce, même à l'égard de particularités culturelles. Il existe au Canada un nombre incroyable de cultures autochtones qui sont uniques. J'essaie de faire comprendre aux gens qu'il faut parfois s'interroger, lors de l'élaboration d'un programme, sur le sens qu'il aura pour un Inuit, un Micmac ou un Métis, par exemple. Il convient donc de prévoir la souplesse nécessaire pour pouvoir adapter le programme en fonction des besoins, mais la base demeure la même.
Lors d'un processus d'adaptation culturelle, je rappelle sans cesse aux gens l'importance de revenir aux sources. Pourquoi les premiers soins en santé mentale sont-ils importants? Qu'est-ce qui peut les rendre plus efficaces? Quels éléments fondamentaux de ces soins peuvent nécessiter une adaptation?
Nous avons pris part aux discussions nationales avec la Commission pour l'élaboration de la stratégie, mais cela ne s'est sans doute pas fait au niveau des différents centres.
Merci.
Comme vous le savez très bien, notre étude doit nous permettre de formuler des recommandations bien senties pour la prévention du suicide au sein des communautés autochtones.
Comme je suis à même de l'observer dans ma région, la lutte contre la pauvreté est un enjeu primordial que l'on aborde souvent de différentes manières ou que l'on a tendance à négliger du fait que les besoins à combler dans l'immédiat sont considérables et qu'il faut sans cesse réagir à différentes situations de crise.
Je me demandais donc si vous pouviez nous aider dans la formulation de nos recommandations. Dans quelle mesure est-il important de s'attaquer à la pauvreté si notre objectif final est de prévenir le suicide et de mettre fin à l'épidémie de suicides? Que pourrions-nous faire à ce chapitre, surtout dans le contexte des centres urbains et des Autochtones qui y vivent?
La pauvreté peut prendre de nombreuses formes différentes. Le problème des Autochtones en milieu urbain et, disons, de leur itinérance est à peu près invisible en dehors des refuges. Ces gens-là n'ont pas accès à un logement abordable et peuvent se retrouver sur le sofa d'un ami ou n'importe où ailleurs.
Il y a tellement de facettes à la problématique de la pauvreté et du suicide. On ne peut pas vraiment s'attaquer à la pauvreté en disant à quelqu'un d'aller se trouver un emploi. En fait, on peut toujours lui dire d'aller se chercher du travail, mais comment en trouver lorsqu'on doit composer avec d'aussi nombreux obstacles? Une personne peut avoir un casier judiciaire ou être très peu scolarisée. Tout cela témoigne des raisons pour lesquelles nous faisons certaines choses. Pourquoi offrons-nous du transport? Pourquoi tenons-nous un refuge pour les sans-abri? Pourquoi offrons-nous des programmes pour les jeunes, des services de garde ou toutes ces autres formes de soutien? C'est parce qu'il est tellement difficile pour un Autochtone de parvenir... Toute personne qui se présente dans un centre d'emploi, par exemple, n'a qu'à fournir les renseignements demandés pour avoir accès à de l'aide ou à de la formation. Un Autochtone ne va pas se présenter dans les bureaux d'une organisation où il ne se sent pas en sécurité et se mettre à révéler qu'il est sans-abri, qu'on lui a enlevé ses enfants, qu'il est toxicomane ou qu'il a un casier judiciaire. Ce n'est pas le genre de choses que l'on veut raconter à n'importe qui.
Lorsqu'une personne présente un risque immédiat de suicide, tout le monde sait qu'il faut réagir sans tarder. Il est toutefois aussi possible qu'une personne n'ait pas les lunettes qui lui permettraient de bien voir, qu'elle soit privée de ses médicaments ou qu'elle n'ait pas de quoi manger. Ce sont autant de problèmes auxquels nous essayons de nous attaquer dès qu'ils se manifestent afin d'atténuer les risques. Le problème de la pauvreté est bien réel.
La pauvreté fait partie de la réalité des Autochtones en milieu urbain. Nous en sommes témoins chaque jour. C'est la raison pour laquelle les centres d'amitié ont des banques alimentaires. C'est pour cela également que nous offrons des vêtements. C'est aussi la raison d'être des refuges pour sans-abri. C'est une réalité bien concrète.
Nous parlons de la difficulté à trouver un logement. C'est encore plus compliqué lorsqu'on considère tous les autres obstacles. Bonne chance si vous devez subir une vérification du crédit pour louer un appartement. Il y a certaines étapes qui risquent de vous causer problème. J'ai eu des gens qui se sont vu refuser un logement lorsqu'ils ont répondu par l'affirmative quand on leur a demandé s'ils étaient autochtones. On leur a alors indiqué que le dépôt en cas de dommages venait de doubler et qu'ils n'allaient pas échapper à ces conditions parce que l'on n'était pas sûr de pouvoir leur louer l'appartement.
Le problème de la pauvreté est si complexe qu'il faut trouver les moyens d'offrir le plus de soutien possible. C'est ainsi que les centres d'amitié se sont montrés particulièrement novateurs en offrant des services de garde, du transport, de l'aide à la recherche d'emploi et toutes les mesures nécessaires. Il arrive qu'il ne soit pas possible d'aiguiller un Autochtone vers un autre fournisseur de services, car il n'ira sans doute jamais le voir, sauf peut-être si vous l'accompagnez. C'est un peu comme de se présenter à l'hôpital parce qu'on envisage sérieusement le suicide. Dans le meilleur des cas, on vous remet un bout de papier en vous disant d'appeler aux numéros qui y sont inscrits.
La pauvreté ne se limite pas au manque d'argent. C'est une combinaison de ces éléments dont nous sommes témoins chaque jour.
Il est très difficile d'arriver à faire comprendre cela à bien des gens, car leur image de la pauvreté, c'est une personne assise sur un trottoir. Certains semblent avoir tout ce qui leur faut, mais ce n'est pas le cas. Ils sont incapables de subvenir aux besoins de leur famille; c'est la triste réalité.
D'accord, il nous faut la santé, un emploi, des ressources et un endroit où dormir. C'est un peu là où je veux en venir. Lorsqu'une personne doit sans cesse se demander où elle va dormir, qu'est-ce qu'elle va manger, si elle va pouvoir conserver une bonne vision... Il est tout de même insensé de penser que certains clients n'arrivent pas à voir correctement parce qu'ils ne peuvent pas s'acheter de lunettes. C'est un obstacle bien concret. Le suicide est donc un risque à considérer. Même chose pour le logement. Il faut tenir compte de tous ces facteurs.
L'infrastructure est primordiale, mais il ne suffit pas de dire: « Voici un logement ». Ce serait un peu comme dire « Voici un emploi ». Les centres d'amitié peuvent aider quelqu'un à trouver un emploi, ce qui est formidable. Il faut cependant pouvoir gérer ce qui risque d'arriver entre 17 heures ce jour-là et 9 heures le lendemain matin, notamment au sein de la famille ou à l'égard d'autres préoccupations. Nous devons être capables d'offrir des mesures de soutien à cette fin. Est-ce que la personne a quelqu'un qu'elle peut appeler 24 heures par jour? En effet, si elle n'est pas capable de se présenter au travail le lendemain, elle va perdre son emploi et son logement, et le cycle va se perpétuer.
Pour notre part, l'aide ne se limite pas à fournir de l'argent. C'est comme si l'on donnait à quelqu'un de l'argent pour s'acheter une voiture en sachant très bien qu'il ne pourra pas y mettre de l'essence, ou encore que l'on transfère à une organisation les fonds nécessaires pour ouvrir un centre jeunesse sans lui offrir du financement pour l'administrer. C'est la même chose avec la pauvreté.
Il serait effectivement formidable d'avoir les fonds suffisants pour mettre en place l'infrastructure, mais il faut également de l'argent pour offrir les services dont ces gens-là ont besoin pour pouvoir éventuellement se prendre en main.
D'un point de vue stratégique, il faudrait viser la mise en place dans les centres d'amitié de programmes de développement du marché du travail qui s'ajouteraient à ceux offerts pour les Autochtones par le gouvernement fédéral en Ontario. En outre, il faudrait que les organismes de bienfaisance, et plusieurs sont concernés, puissent gérer une entreprise visant à générer des profits. Plusieurs centres d'amitié administrent une entreprise sociale leur procurant des revenus autonomes tout en créant de l'emploi pour des clients aux prises avec de nombreux obstacles. Le tout se déroule à l'échelle nationale, et nous nous efforçons, de concert avec bon nombre de centres d'amitié et dans le cadre de notre sommet sur l'innovation autochtone, de développer ce secteur de l'entreprise sociale et de l'innovation sociale chez les Autochtones.
Nous en sommes rendus à la fin de notre séance.
Messieurs Sheppard et Craig, nous vous remercions beaucoup d'être venus d'aussi près et d'aussi loin pour nous rencontrer aujourd'hui et nous faire bénéficier de votre expérience et de vos connaissances tout à fait probantes. C'est une séance qui nous sera d'une grande utilité dans la poursuite de cette importante étude.
Merci beaucoup.
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