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Merci beaucoup, madame la présidente et membres du comité.
Je tiens à mentionner le fait que les délibérations se déroulent sur le territoire traditionnel algonquin non cédé.
Je désire aussi saluer les autres groupes qui témoignent ce matin, ainsi que le grand chef Norton de la nation Mohawk de Kahnawake.
Vous avez entendu, plus tôt cette semaine, le chef Rick O'Bomsawin, de la nation abénaquise et de la communauté d'Odanak, qui a présenté son point de vue au nom de sa communauté d'où émane le cas qui nous intéresse, l'affaire Descheneaux. Ce matin, vous entendrez le point de vue d'une autre communauté de notre région et nous savons qu'il s'agit d'une question très délicate, qui préoccupe la majorité de nos nations et cela depuis un certain temps.
Le plus triste dans tout cela, et c'est certainement le cas en ce qui concerne l'identification, l'appartenance à la bande et les divers problèmes des communautés, c'est que souvent, le gouvernement agit sur l'ordre des tribunaux. Il est vraiment triste que nous en soyons là et cela montre que trop souvent, les manquements du processus politique nous forcent à nous adresser aux tribunaux en dernier recours.
Comme je l'ai dit, c'est une question très délicate. Dans notre région, nous avons essayé d'animer des réunions à ce sujet compte tenu de la décision du tribunal, et en tant qu'entité ou organisme régional, nous avons essayé de fournir aux communautés tout le temps et l'espace nécessaires pour exprimer leur point de vue afin de le transmettre au gouvernement dans toute la mesure du possible. C'est ce que nous avons fait après les consultations qui ont eu lieu à Montréal, en septembre 2016, et nous avons ensuite envoyé une lettre au premier ministre, en octobre de l'année dernière. La lettre dit clairement quelle est la position de notre région qui s'efforce toujours de refléter et de respecter la position des différentes communautés.
La dernière chose que je dirais avant de céder la parole au grand chef Norton est que malgré les divergences d'opinions, nous pouvons tous convenir — et telle est notre position — que nos communautés et nos dirigeants sont les seuls à pouvoir établir la liste de leurs membres et c'est une position que nous appuyons tous.
Nous allons présenter au comité, avant la fin de la journée de demain, une déclaration écrite qui complétera nos observations de ce matin.
Encore une fois, veuillez m'excuser de ne pas être présent en personne. Je crois important que le grand chef Norton témoigne en personne au nom de sa communauté et de sa nation.
Merci beaucoup, madame la présidente.
Madame la présidente, vous devez avoir reçu la copie d'une lettre que nous vous avons envoyée. Elle devrait vous être arrivée hier. Elle décrit notre situation, notre position et notre mécontentement très sincère à l'égard de la façon dont les choses ont progressé. Quoi qu'il en soit, notre position… si je suis ici aujourd'hui, c'est juste pour préciser et bien faire comprendre que quoi qu'il puisse se passer ici ou devant les tribunaux, personne ne décidera pour nous ce que nous allons faire.
Cela réitère ce qui a été dit, la dernière fois que nous sommes venus ici, quand le chef Kahsennenhawe Sky et moi-même avons témoigné.
La communauté a l'intention et la détermination de faire ce qu'elle doit faire. Il y a chez nous des gens qui, je peux vous le dire, s'ils étaient ici, diraient: « Peu nous importe ce que vous faites. Faites ce que vous voulez. Nous savons ce que nous devons faire et c'est ce que nous sommes en train de faire. »
En toute sincérité, il vaut la peine de se rappeler que Kahnawake a toujours été confrontée à une situation telle que nous avons dû régler cette question. Il y a eu des moments de notre histoire où nous avons cherché à envoyer un message à tout le monde pour faire connaître notre situation. Ce n'est pas ce que je cherche à faire maintenant. Je vous dis simplement que nous avons entamé un processus, que ce processus va dans une direction et que celui du gouvernement fédéral va dans le sens opposé. J'ignore si les deux finiront par se rencontrer. Il n'y a pas grand-chose que nous puissions dire, voir ou faire pour vous rallier à nous. Nous allons devoir poursuivre notre route, cela ne fait aucun doute.
Nous le faisons, car nous nous soucions de l'avenir de nos enfants, de l'avenir de notre nation et de l'avenir de nos langues et de nos cultures. Vous avez ici, à Ottawa, une liste fédérale qui compte environ 5 000 noms ne répondant pas aux critères que nous avons établis dans notre communauté. Un grand nombre des personnes sur cette liste ne savent rien de nous et ne se soucient probablement pas de nous. La seule chose qui les intéresse, ce sont les avantages qu'elles gagneront une fois qu'elles seront reconnues, une fois qu'elles viendront à Kahnawake pour exercer leurs droits.
Pour le moment, simplement parce qu'elles possèdent une carte de bande, ces personnes peuvent acheter des terrains. Elles n'ont même pas à nous en faire la demande; elles peuvent le faire par l'entremise d'AINC. Elles s'adressent au ministère des Affaires indiennes. Du moment que quelqu'un est prêt à leur vendre un terrain à Kahnawake, elles peuvent l'acheter. Je cite cet exemple pour montrer qu'actuellement nous n'avons aucune autorité dans certains secteurs. Nous en avons dans d'autres secteurs.
La pression du public: telle est notre intention. Nous sommes confrontés à des poursuites devant les tribunaux, à des contestations fondées sur la Constitution ou la Charte à cause de la position que nous avons adoptée, mais nous sommes déterminés. La plupart de ces contestations viennent de l'intérieur et non pas de l'extérieur. Il y a, au sein de notre communauté, des gens qui disent: « Vous avez tort, votre loi est illégale. Ce que vous faites est illégal. » Néanmoins, nous continuons de faire ce que nous devons faire.
Nous perdrons peut-être des causes devant les tribunaux, mais qu'y gagneront-ils — quelques dollars? Leur reconnaîtra-t-on le droit de revenir dans la communauté, de résider parmi nous, de nous agiter notre loi sous le nez en disant que nous n'avons aucune autorité, que l'autorité est ici, à Ottawa, entre les mains du gouvernement fédéral, en vertu de la Loi sur les Indiens et ce genre de choses?
Voilà ce qui nous irrite. Voilà ce à quoi nous nous opposons. C'est ce qui nous rend plus déterminés que jamais à nous réorganiser avec des programmes, des activités culturelles, toutes les choses dont nous avons besoin pour assurer la survie de notre culture dans le monde moderne.
C'est à peu près tout ce que je dirai pour le moment étant donné le peu de temps disponible. Je crois que vous avez sous les yeux une lettre décrivant notre position. Elle est fraîchement imprimée.
Nia:wen ko:wa.
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Le témoin s'exprime en anishinabe.]
Merci de m'avoir invitée ici aujourd'hui. Bienvenue dans le territoire algonquin anishinabe. Ce territoire est le mien et je suis donc heureuse d'être ici.
Je travaille sur le dossier de la discrimination sexuelle dans la Loi sur les Indiens depuis plus de 32 ans. En 1945, l'agent des Indiens, H.P. Ruddy, a informé mon arrière-grand-mère, Annie Menesse, qu'elle était devenue une femme blanche en épousant Joseph Gagné qui était seulement Indien par sa mère, Angeline Jocko. C'était il y a 72 ans, mais la discrimination sexuelle dont mon arrière-grand-mère a été victime continue de priver mes nièces et neveux de leurs droits.
Quand on a modifié la Loi sur les Indiens en 1985, pour la rendre conforme à la Charte des droits, les dispositions qui protégeaient les enfants nés de pères inconnus ou non déclarés ont été, pour des raisons douteuses, supprimées de la Loi sur les Indiens qui n'en a plus fait mention.
AINC a ensuite commencé à faire preuve de discrimination à l'endroit de ces enfants, au niveau du ministère, en suivant une politique à l'égard des preuves de paternité qui partait du principe que dans tous les cas où la paternité était inconnue ou non déclarée, les pères n'étaient pas Indiens.
AINC a fait du tort aux mères et aux enfants autochtones avec cette politique en prétendant qu'ils n'avaient pas la capacité de raisonner et de porter un jugement moral. Pour défendre AINC, le ministère de la Justice a également fait valoir que les femmes autochtones profiteraient du droit d'inscription au Registre des Indiens si la politique présentait une lacune.
Il m'a fallu 22 ans pour gagner ma cause devant les tribunaux du Canada. J'ai été confrontée à de nombreux obstacles tels qu'une mère qui ne voulait pas que j'examine la question de la paternité d'un oeil critique, le manque de fonds pour défendre ma cause devant les tribunaux, les vastes moyens financiers dont AINC disposait grâce à son accès unilatéral aux terres et aux ressources autochtones et le refus total d'AINC de divulguer la preuve afin que la cour puisse trancher.
Quelles que soient les difficultés qui m'ont été imposées, en avril dernier, la Cour d'appel de l'Ontario a rendu son jugement en ma faveur. En quelques mots, la cour a jugé déraisonnable la politique d'AINC à l'égard des preuves de paternité à fournir qui partait du principe que, dans tous les cas de paternité inconnue ou non déclarée, le père n'était pas Indien.
Pour se défendre contre la quête que j'ai entreprise pour obtenir le statut d'Indien, le Canada a dépensé plus de trois quarts de millions de dollars et pourtant, c'est moi qu'on a accusée de malveillance.
Il me semble maintenant évident que le Canada est déterminé à éliminer le statut d'Indien et les droits issus de traités qui y sont associés au moyen de la discrimination sexuelle, aux dépens des femmes autochtones et de leurs descendants.
Les avocats considèrent l'issue de ma cause comme une victoire, mais j'ai du mal à partager leur joie. Je me réjouis que la cour ait rejeté la politique d'AINC à l'égard des preuves de paternité, des clauses que mes conseillères juridiques, Emilie Lahaie et Mary Eberts ont fait valoir et de l'évolution de ces clauses dans le cadre des consultations avec le bureau de la . Une des clauses ordonne à AINC d'accepter des preuves circonstancielles et l'autre lui ordonne de ne pas supposer que le père est non-Indien dans le cas de viol.
Néanmoins, je déplore que les juges aient dit que j'avais seulement droit au statut en vertu du paragraphe 6(2). Ce n'est pas juste. Je suis née avant 1985 et je devrais donc avoir droit au statut en vertu de l'alinéa 6(1)a). Les descendants des frères de mon arrière-grand-mère ont tous le droit d'être inscrits en vertu de l'alinéa 6(1)a).
Ce correctif judiciaire qui m'accorde un statut aux termes du paragraphe 6(2) ne m'accorde pas les pleins droits en raison de ma filiation matrilinéaire.
Les femmes autochtones ont fait des gros efforts pour remédier à la discrimination sexuelle. Mary Two-Axe Earley, Jeannette Corbiere Lavell, Yvonne Bédard, Sandra Lovelace et Sharon McIvor; nous avons suivi ensemble la voie qui nous semblait la bonne.
Le gouvernement libéral est arrivé au pouvoir en promettant la réconciliation et le respect des relations de nation à nation. Si le gouvernement met en place, comme je l'espère, le correctif complet de l'alinéa 6(1)a) qui remédiera à toute la discrimination sexuelle dans la Loi sur les Indiens, le et la ainsi que le reste du Canada auront vraiment quelque chose à célébrer. Autrement, l'image du Canada restera entachée.
Comme je l'ai dit, il m'a fallu 22 ans pour défendre ma cause devant les tribunaux canadiens où finalement, le prétendu correctif qui m'a été offert n'est rien d'autre qu'une nouvelle forme de discrimination sexuelle. Ce n'est pas juste, ce n'est pas conforme à la Charte et le Canada peut faire mieux.
Je voudrais d'abord parler de la nécessité de tenir les consultations de nation à nation. Cela n'aura jamais lieu si les descendants matrilinéaires ne font pas partie des bandes des Premières Nations. Ce n'est donc pas le cas actuellement.
Même si AINC prétend qu'il ne peut pas appliquer le correctif complet de l'alinéa 6(1)a) et supprimer ainsi toute discrimination fondée sur le sexe suite au jugement, il doit tenir des consultations de nation à nation.
En même temps, AINC empêche les Premières Nations d'accueillir leurs membres en leur imposant des restrictions financières qui ne tiennent généralement pas compte de la valeur des relations de nation à nation, par exemple en faisant un partage équitable des terres ou des ressources qui permettrait aux nations autochtones d'accueillir les descendants matrilinéaires.
Le Canada dit ne pas pouvoir remédier à la totalité de la discrimination sexuelle, car il doit respecter la relation de nation à nation; d'un autre côté, il ne veut pas vraiment que les nations autochtones participent à des discussions qui seront vraiment de nation à nation.
La deuxième chose que je voudrais vraiment préciser est qu'effectivement, les Premières Nations, comme la bande de ma grand-mère, confondent le statut d'Indien et l'appartenance à la bande. C'est l'excuse qu'AINC invoque pour ne pas éliminer entièrement la discrimination sexuelle, sous prétexte qu'il est nécessaire de consulter les Premières Nations. N'oublions pas que c'est aux Premières Nations et non pas à AINC qu'il revient de gérer l'appartenance aux bandes. Cela dit, ce dont nous parlons aujourd'hui, c'est de la nécessité de résoudre le problème de la discrimination sexuelle dans la loi et non pas dans le code d'appartenance des bandes des Premières Nations.
Troisièmement, le fait que le Canada n'ait pas remédié à la discrimination sexuelle à l'endroit des descendants matrilinéaires donne un processus de revendications territoriales et d'autonomie gouvernementale colonial et matriarcal en ce sens que les descendants de femmes autochtones sont marginalisés et donc vulnérables. Un vrai respect des relations de nation à nation abolirait la discrimination sexuelle inhérente à la hiérarchie établie aux alinéas 6(1)a) et 6(1)c).
Quatrièmement, même s'il prétend qu'il faut respecter les relations de nation à nation, le Canada n'en fait rien. Dans le cadre du processus de revendications territoriales et d'autonomie gouvernementale algonquin, on nous a seulement offert 1,3 % de nos terres et 300 millions de dollars. Ce ne sont pas des rapports de nation à nation. C'est vraiment répréhensible.
La cinquième chose dont je voudrais parler est l'argument selon lequel il serait irresponsable de la part du Canada de mettre en oeuvre le correctif intégral de l'alinéa 6(1)a) sans effectuer une analyse plus poussée. J'estime que c'est en fait un prétexte invoqué depuis des décennies de tromperies et de manoeuvres stratégiques répondant à la nécessité pour le Canada d'éliminer les Indiens. Le gouvernement canadien était parfaitement au courant des efforts déployés par les Autochtones pour supprimer toute discrimination fondée sur le sexe. Cela n'a rien de nouveau. Le Canada a eu des décennies et beaucoup d'argent pour faire les recherches nécessaires en vue de rédiger une loi qui supprimerait toute discrimination sexuelle et serait conforme à la Charte.
Le Canada a plutôt consacré son temps, son argent et ses efforts à rédiger des modifications législatives qui ignorent, confondent et déguisent et constituent des formes silencieuses de discrimination sexuelle comme celles qui ressortent de la cause Gehl c. Canada. Dans le cadre de ce processus, AINC a, en fait, établi des nouvelles formes de discrimination sexuelle au lieu de veiller à ce que la Loi sur les Indiens soit conforme à la Charte. J'estime que si le Canada prétend qu'il serait irresponsable d'agir sans une analyse plus poussée, c'est plutôt pour ne pas vraiment respecter les relations de nation à nation et pour manipuler l'organisation des femmes autochtones, des femmes autochtones qui sont déjà accablées.
Je demande aux membres du comité d'appuyer la version modifiée du projet de loi . Il est crucial de défendre les droits humains des femmes autochtones et de leurs descendants et de placer enfin les femmes indiennes et leurs descendants nés avant 1985 sur le même pied que les hommes indiens et leurs descendants nés avant 1985. Je vous demande de bien vouloir entendre les femmes autochtones qui réclament l'application de la Charte et l'égalité.
Meegwetch.
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Le témoin s'exprime en innu.]
Madame la présidente, messieurs les vice-présidents, membres du Comité, kuei.
J'aimerais tout d'abord remercier la nation anishinabe de nous accueillir dans son vaste territoire non cédé.
Femmes autochtones du Québec, qui est membre de l'Association des femmes autochtones du Canada, a été fondée en 1974 en réponse à la discrimination basée sur le sexe de la Loi sur les Indiens. Depuis plus de 40 ans, les femmes autochtones au Québec unissent leurs forces pour dénoncer cette loi paternaliste, assimilatrice et coloniale.
Notre position a toujours été claire et nous restons fermes dans nos revendications. Nous exigeons que le gouvernement du Canada supprime de la Loi toute discrimination basée sur le sexe et toutes celles qui en découlent. Nous revendiquons le droit de grandir auprès des nôtres, de pratiquer nos cultures et nos traditions, de parler nos langues et de transmettre le tout à nos enfants ainsi qu'aux générations futures.
En 1982, le Canada s'est doté d'une loi dite constitutionnelle, qui comprend une charte des droits et libertés canadienne. Il n'existe pas de plus haute loi au pays que la Constitution. Celle-ci prévoit, pour tout citoyen canadien ou autochtone, des droits de base qui doivent être respectés et protégés. On retrouve parmi ceux-ci le droit à la non-discrimination basée sur le sexe et sur la race.
Lorsqu'on sait que de tels principes discriminatoires quant au sexe et à la race sont à la base de la Loi sur les Indiens, il est normal de se questionner sur la place d'une telle loi au Canada. Ce pays prétend fêter son 150e anniversaire cette année, mais qu'y a-t-il vraiment à fêter?
Femmes autochtones du Québec était présente lors de la 16e session de l’Instance permanente sur les questions autochtones des Nations unies. Nous déplorons le discours livré à cette occasion par le Canada, qui dit défendre les droits des Autochtones, plus particulièrement ceux des femmes, mais combien de femmes autochtones se sont vues déracinées, arrachées à leur famille, à leur communauté et à leur identité parce que le Canada a mis sur pied et se bat pour maintenir une loi des plus violentes en matière de discrimination basée sur le sexe et sur la race.
Nous déplorons le fait d'être encore réunis pour en discuter, en 2017, et de devoir lutter contre cette même loi qui nous infériorise et nous discrimine en tant que femmes et en tant qu'Autochtones. En effet, la discrimination à notre égard est double. Alors que nos sociétés autochtones nous considèrent traditionnellement comme un cadeau de la vie, le Canada a pour sa part introduit dans l'imaginaire des sociétés l'idée voulant que la vie d'une femme autochtone n'ait pas autant de valeur que celle d'un homme. Nos femmes disparaissent, sont assassinées, violentées et agressées sexuellement par les forces étatiques et par la population, et ce, en toute impunité.
Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes des Nations unies ainsi que la Commission interaméricaine des droits de l'homme ont tous deux conclu que la discrimination fondée sur le sexe de la Loi sur les Indiens était l'une des causes fondamentales de la violence subie par les femmes et les filles autochtones aujourd'hui.
Femmes autochtones du Québec exige donc que la Chambre des communes assure le respect de la Constitution à tout citoyen autochtone, en particulier à toute femme autochtone et à ses descendants qui se sont vus reniés, déniés, oubliés, enfouis par des gouvernements désireux de les assimiler et d'en finir une fois pour toutes avec la question indienne au Canada, et ce, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus un seul Indien.
Pour ce faire, Femmes autochtones du Québec exige, dans un premier temps, que le gouvernement accueille favorablement l'amendement connu sous le nom de « 6(1)a) jusqu'au bout ».
Femmes autochtones du Québec exige également qu'on mette fin à la discrimination découlant d'une paternité non déclarée ou inconnue. Les femmes ont le droit de ne pas indiquer le nom du père sur le certificat de naissance sans pour autant pénaliser leur enfant. Toute femme dite canadienne ne voit pas son enfant discriminé lorsque le nom du père n'apparaît pas dans les registres. L'enfant est tout aussi Canadien que la mère. Pourquoi en serait-il autrement pour les Premières Nations?
Femmes autochtones du Québec exige aussi que le gouvernement mette fin aux catégories de statut définies aux paragraphes 6(1) et 6(2) de la Loi. Depuis 1985, les catégories donnent lieu à de nombreux scénarios discriminatoires, notamment au sein d'une même famille. Pensez-y; aimeriez-vous qu'une partie de vos enfants soient considérés comme Canadiens et l'autre partie comme non-Canadiens parce qu'ils sont nés après le 17 avril 1985? C'est complètement ridicule.
Comme l'ont mentionné bien d'autres représentants avant nous, l'élimination complète de la discrimination basée sur le sexe est impossible sans ces modifications. Le projet de loi sans l'adoption des amendements suggérés par le Sénat et sans l'élimination des catégories définies aux paragraphes 6(1) et 6(2) maintient la discrimination envers nos femmes présente dans la Loi sur les Indiens.
Femmes autochtones du Québec a entendu le gouvernement à maintes reprises insister sur une seconde phase, qui serait plus vaste et qui permettrait que de plus amples discussions soient engagées sur ces revendications. Il nous appert aberrant que le gouvernement ait retardé de cinq mois les modifications à la Loi sur les Indiens sous prétexte d'un manque à son devoir de consultation et qu'il justifie, une fois de plus, son inaction en utilisant le même prétexte. Il faut bien nous comprendre: nous sommes favorables à la défense du devoir qu'a le gouvernement de consulter les peuples autochtones, mais pas dans les circonstances établies par le gouvernement entourant le projet de loi .
Femmes autochtones du Québec tient fortement à rappeler au gouvernement qu'il ne peut se cacher derrière cette obligation afin de justifier le maintien de dispositions discriminatoires ou contraires à la Constitution canadienne. Femmes autochtones du Québec est d'avis que le gouvernement n'a pas à consulter les communautés pour savoir s'il doit mettre fin à la discrimination qu'il exerce envers les femmes.
Soyons honnêtes: le gouvernement sait que la Loi sur les Indiens est discriminatoire. Il sait exactement où et quelles sont les solutions pour y mettre fin. Il ne s'agit pas de méconnaissance de la part du gouvernement, mais bien d'inertie et d'un manque de volonté politique.
Qu'ont fait Jeannette Vivian Corbiere Lavell, Sandra Lovelace Nicholas, Mary Two-Axe Early, Sharon McIvor, Lynn Gehl et d'autres, sinon de vous informer sur les réalités et les discriminations que les femmes et leurs descendants vivent?
En avril dernier, un rapport sur les séances d'information tenues par Femmes autochtones du Québec pendant la période de prolongation des travaux liés au projet de loi a été remis au ministère des Affaires autochtones et du Nord canadien. Ce rapport fait état des impressions des femmes sur le projet de loi S-3, et nous venons porter leurs voix devant vous aujourd'hui. Elles en ont assez et ne veulent pas attendre une deuxième phase pour que les choses bougent.
Le gouvernement prévoit environ deux ans pour la deuxième phase. Pouvez-vous nous dire ce que vous allez découvrir en deux ans qui ne vous a pas déjà été révélé au cours des quelque 30 dernières années? Les femmes autochtones sont patientes et résilientes, elles vous l'ont répété de nombreuses fois, et continuent de l'être aujourd'hui encore, mais il est de votre devoir de nous écouter et d'agir en conséquence.
Femmes autochtones du Québec rappelle que les fondements de la Loi sont paternalistes, patriarcaux, coloniaux et assimilateurs. Nous voulons vous faire part de nos craintes. Nous voyons les nôtres intégrer ces principes de loi et les utiliser contre les leurs. Nous ne pouvons nier les effets de la Loi sur les Indiens, des pensionnats et de la rafle des années 1960. Ils sont bien présents aujourd'hui, parfois même au sein des nôtres.
L'histoire de la colonisation et de l'assimilation a laissé ses marques, et de nombreuses plaies restent encore ouvertes et doivent être guéries au sein même de nos peuples et entre nos peuples. Cette guérison de nos peuples passera par la reconnaissance des nôtres qui ont été mis de côté par les gouvernements, afin que nous puissions imaginer ensemble l'avenir de nos peuples et de nos communautés.
Les femmes autochtones du Québec et du Canada rassemblent leurs voix pour exiger de vous que vous mettiez fin, une fois pour toutes, aux discriminations fondées sur le sexe, afin que nos jeunes et les sept générations futures puissent guérir des politiques assimilatrices et d'émancipation, des pensionnats et de ce génocide culturel.
Nous exigeons que vous acceptiez l'amendement « 6(1)a) jusqu'au bout » à compter des années 1800 et que vous éliminiez les catégories définies au paragraphe 6(2). Vous parlez constamment de réconciliation avec nos peuples. Elle commence ici, cette réconciliation, en redonnant aux femmes et à leur descendance la place que le gouvernement leur a arrachée.
Femmes autochtones du Québec exige que vous pensiez aux générations futures et fassiez en sorte qu'elles n'aient pas à se battre pour leur identité et contre la discrimination. Bâtissons plutôt un monde où nos jeunes peuvent renouer avec ce que signifie être Anishinabe, Eeyou, Innu, Abénaquis, Atikamekw, Mohawk, Naskapi, Wendat, Malécite, Micmac, Inuit, plutôt que de leur laisser un monde où ils perdent l'essence de leur identité en perdant un petit peu plus d'eux-mêmes à se battre contre un système et une loi coloniale et assimilatrice comme la Loi sur les Indiens.
Vous n'êtes pas responsables de ce que les autres gouvernements ont fait avant vous, ou de ce que peut-être même vos ancêtres ont fait à nos peuples, mais vous êtes responsables aujourd'hui si vous décidez d'être complices de l'assimilation forcée de nos peuples en ne mettant pas en oeuvre les revendications qui vous ont été présentées.
Vous avez ce pouvoir de décider pour nous. Vous avez pris ce pouvoir. Nous ne vous l'avons jamais accordé. Allez-vous nous entendre une fois pour toutes?
Merci de prendre la décision que vous prendriez pour vos propres femmes, vos propres enfants et vos propres futures générations.
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Évidemment, nous pouvons voir la contradiction. Elle est visible. C'est vraiment le résultat de vos lois. On peut penser ici à l'expression « diviser pour mieux régner ». Nous-mêmes n'arrivons pas à nous entendre.
Je peux comprendre les enjeux des communautés autochtones: leur survivance économique, le manque d'accès au logement, le manque de financement, le sous-financement, et ainsi de suite. Je peux comprendre l'ensemble de leur situation. Je travaille avec mes confrères à l'Assemblée des Premières Nations et je comprends ces réalités. J'ai moi-même vécu dans une communauté autochtone. Je sais donc de quoi je parle quand il s'agit notamment de la langue et de la culture.
Cependant, nous parlons aujourd'hui des enjeux qui touchent directement les femmes. L'existence des femmes est importante. Pourquoi les femmes ont-elles été visées dans cette loi? C'est parce que c'est nous, en tant que femmes, qui avons la responsabilité de transmettre la langue et la culture.
Dans un contexte différent, avant 1985, une femme québécoise qui mariait un Autochtone était, quant à elle, considérée comme une pure Autochtone. Voyez-vous à quel point c'est aberrant?
Le but ultime de la Loi sur les Indiens était vraiment l'assimilation. Qui était pénalisé? C'était nous, les femmes, nous qui sommes porteuses des futures générations, nous qui sommes les gardiennes de la culture et de la langue.
Je sais qu'il peut y avoir des contradictions aujourd'hui, c'est évident. Cependant, nous parlerons pour les femmes, car cette loi est vraiment basée sur une discrimination fondée sur le sexe, et nous, les femmes, sommes visées. Je sais néanmoins qu'il y a d'autres enjeux liés à la vie au sein des communautés autochtones.
Dans le cadre du projet de loi , j'ai marché de Québec à Ottawa et j'ai compris pourquoi mes confrères étaient réticents à nous appuyer. En effet, même si les 40 000 Autochtones étaient inscrits, les budgets dans les communautés étaient inchangés. C'est le côté économique.
L'existence, pour sa part, est un enjeu vraiment important. Pourquoi est-ce vous qui reconnaissez qui nous sommes, par l'entremise de vos lois? On ne nous donne pas l'occasion de nous reconnaître nous-mêmes. Cela atténuerait bien des choses. Je pense qu'il y aurait un meilleur équilibre entre nos nations.
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Bonjour. Merci de m'avoir invitée.
Je m'appelle Sharon McIvor. Je suis une Nlaka'pamux, de la région centre-sud de la Colombie-Britannique. J'ai travaillé à ce dossier et à bien d'autres, mais en tout cas à ce dossier pendant toute ma vie.
Je commencerai en disant qu'il est entendu que les opprimés et les victimes de discrimination n'ont jamais obtenu leur liberté ou l'égalité en la demandant à ceux qui les opprimaient ou les brimaient. Je me demande donc ce que je fais ici.
Comme vous le savez, ce problème existe depuis de nombreuses années, depuis bien plus longtemps que 30 ans. En ce qui nous concerne, l'immigration a porté gravement atteinte à notre identité depuis environ 525 ans. Comme vous le savez, depuis 150 ans, les immigrants ont la capacité de faire des lois qui nous paralysent. Je sais que les communautés en souffrent, mais ce n'est pas à cause des femmes. Elles souffrent à cause de l'absence de leurs femmes.
Je mentionnerais également que je suis inscrite au programme pour témoigner « à titre personnel ». Je tiens à préciser que je ne parle pas seulement au nom de Sharon McIvor. Je parle au nom de Mary Two-Axe Earley, Jenny Margetts, Nellie Carlson, Susan Blankenship et Edna Blankenship. Je pourrais vous citer une longue liste de noms. Je parle aussi pour Jeannette Corbiere, Helen Blankinship et toutes celles qui sont encore vivantes et dont la vie a été très perturbée par la Loi sur les Indiens et l'intervention du gouvernement colonial.
Je voudrais aussi parler un peu de ceux au nom de qui vous parlez. En principe, vous parlez au nom des Canadiens, car ils vous ont élus, mais si vous examinez la question dans son contexte historique, John A. Macdonald était raciste et sexiste. Lorsqu'il était premier ministre, un bon nombre de ces politiques ont été élaborées et ont commencé à toucher les communautés autochtones et plus particulièrement les femmes indiennes. Pour ce qui est des bureaucrates, Duncan Campbell Scott était un très célèbre bureaucrate qui a déployé de gros efforts pendant son mandat pour s'assurer que le maximum d'Indiens perd le droit d'être reconnu comme Indiens.
Nous parlons aujourd'hui d'un projet de loi. Comme certains d'entre vous le savent sans doute, je suis déjà venue ici à propos de cette question, pour le projet de loi C-31, le projet de loi C-3, le projet de loi et tous les changements que les tribunaux ont imposés. J'ai aussi été en contact avec des dizaines de ministres des Affaires indiennes. Par exemple, j'ai parlé au ministre Irwin du problème de la propriété matrimoniale dans les réserves et il m'a dit: « Sharon, en tant qu'avocat au tribunal de la famille, je connais bien le problème et je sais que la situation n'est pas bonne, mais je peux vous dire que je ne me risquerais pas à toucher à la Loi sur les Indiens, même avec des pincettes ».
Nous savons que vous êtes forcés d'être là à cause de l'arrêt Descheneaux. Vous avez été forcés d'être là à cause de l'arrêt McIvor. Vous avez été forcés d'être là à cause de l'article de la Charte sur le droit à l'égalité. Je pense que l'analogie des pincettes a bien fonctionné et je peux vous dire que vous ne reviendrez pas ici tant que les tribunaux ne rendront pas un nouveau jugement. Vous pouvez promettre mer et monde, car vous l'avez fait. Vous l'avez fait en 1985. Vous avez promis de consulter les communautés et apparemment, vous avez dans vos dossiers, dans vos archives, 20 000 documents qui prouvent que les communautés ont accepté que la discrimination soit maintenue.
Quand nous sommes allés au tribunal, ces documents ont servi à m'empêcher d'obtenir justice de juillet 1989 jusqu'à octobre 2006. Nous avons enfin pu aller en procès. Ces 20 000 documents ne nous ont jamais été divulgués. Nous n'avions aucune idée de ce qu'ils pouvaient contenir pour justifier le maintien de la discrimination contre les femmes autochtones.
Quand je suis allée au tribunal, le gouvernement du Canada a déclaré qu'il avait examiné toute mon histoire et décidé que j'avais droit au statut d'Indien et que je pouvais le transmettre à mon fils parce que nous défendions cette cause ensemble, lui et moi. Mon cas relevait du paragraphe 6(2), ce qui veut dire que je n'avais pas le droit de transmettre mon statut, que mon mari était un Blanc et que mon fils n'avait pas le statut parce que je l'avais obtenu en vertu du paragraphe 6(2). En juillet 2006, le gouvernement nous a dit qu'il avait examiné tous les dossiers et avait découvert que j'avais, en fait, droit à un meilleur statut et que mon fils pourrait obtenir le statut en vertu du paragraphe 6(2). Il a alors déclaré: « Puisque l'instance est sans objet, rentrez chez vous. »
Nous avons refusé de le faire et en septembre 2006, le gouvernement a présenté une motion pour que notre instance soit déclarée sans objet. Sa motion n'a pas abouti, mais en même temps, nous avons demandé à la cour de déclarer que mon fils avait droit au statut d'Indien, parce que c'était la raison pour laquelle le gouvernement voulait que l'instance soit déclarée sans objet. La Couronne a refusé de consentir à ce que mon fils obtienne le statut. Même si elle est s'est servie de ce prétexte pour faire déclarer l'instance sans objet, elle a refusé de lui accorder le statut d'Indien. Comme nous n'avions pas présenté de demande pour obtenir une déclaration, nous avions besoin du consentement des deux parties. Mon fils n'a donc pas obtenu le statut d'Indien en septembre 2006.
Lorsque nous sommes retournés au tribunal pour le procès, en octobre 2006, nous avons présenté la motion qui a d'abord été entendue par madame la juge Ross. Nous n'avions pas la moindre idée des raisons pour lesquelles la Couronne estimait que j'avais droit à un meilleur statut à transmettre à mon fils. Nous avons demandé au ministère de la Justice de nous fournir des explications, car nous ne savions pas comment il en était venu à cette conclusion. Il nous a dit que j'avais droit au statut d'Indien parce que ma grand-mère, qui avait toujours eu ce statut pendant toute sa vie, n'était pas mariée avec mon grand-père et que ma mère avait donc le statut d'Indien à sa naissance. Ma mère n'était pas mariée avec mon père et j'avais donc le statut d'Indien à ma naissance, mais je l'ai perdu en 1970 lorsque j'ai épousé un Blanc. Par conséquent, j'ai été réinscrite en vertu de l'alinéa 6(1)c). Les femmes mariées à un Blanc obtenaient le statut en vertu de l'alinéa 6(1)c) et mon fils avait droit au statut en vertu du paragraphe 6(2).
Cet élément est celui dont je voudrais vous parler aujourd'hui parce qu'en 2006, j'ai obtenu le statut d'Indien en vertu du paragraphe 6(1), mon fils en vertu du paragraphe 6(2), mon frère, qui n'a absolument rien fait à ce sujet, l'a obtenu en vertu de l'alinéa 6(1)a) et sa première femme, en 1972 et sa deuxième femme, en 1983, toutes les deux des femmes blanches, ont eu droit au statut en vertu de l'alinéa 6(1)a). En fait, ma belle-soeur a obtenu le statut en 2007, en vertu de l'alinéa 6(1)a). Une femme blanche a obtenu le statut aux termes de l'alinéa 6(1)a). C'était en 2006 et nous n'avons obtenu le nôtre qu'en 2010.
Je tenais à dire que l'application de la loi continue de conférer le statut à des femmes blanches aux termes de l'alinéa 6(1)a) alors que je ne peux pas l'obtenir moi-même.
[Le témoin s'exprime en micmac.]
Je suis de la nation souveraine micmaque, occupant un territoire micmaque non cédé. Je reconnais que nous sommes ici en territoire algonquin, également non cédé, ce qui implique une lourde responsabilité.
J'espère que chacun des membres du comité a conscience du moment historique que nous vivons. En effet, dans cette salle aujourd'hui se trouvent réunies Jeannette Corbiere Lavell, la sénatrice Sandra Lovelace Nicholas, Lynn Gehl et Sharon McIvor, qui, toutes, ont intenté avec succès une action en justice contre le Canada sur cette question. Malheureusement, Yvonne Bédard n'est pas ici, mais Stéphane Descheneaux ainsi que Susan et Tammy Yantha sont présents. Il y en a aussi beaucoup d'autres.
Combien de fois encore allez-vous obliger les femmes autochtones à consacrer toute leur vie à lutter pour l'égalité, dans ce pays où l'égalité est en fait un principe légal? Ici, vous n'avez pas à choisir. Ce comité ne devrait même pas exister.
Le message est très clair. Le fait que le gouvernement, ou n'importe quel comité, se pose des questions ou envisage de retarder d'un seul jour l'instauration de l'égalité montre précisément à quel point ce pays est imprégné de sexisme, auquel s'ajoute, pour les femmes autochtones, le racisme. La loi est là. Sur le plan légal, vous n'avez d'autre choix, mais vraiment aucun autre, que d'adopter ce projet de loi.
La question ici n'est pas de savoir si le projet de loi est accueilli favorablement ou non par telle ou telle personne, par les organismes masculins ou par quelqu'un d'autre.
Nous avons instauré l'égalité pour les partenaires de même sexe dans ce pays. Pour cela, il n'y a pas eu d'études démographiques, ni de projections de coûts. Vous n'avez pas fait comparaître ici des gens homophobes. C'était une question d'égalité. Vous l'avez fait parce que la loi l'imposait et que vous deviez le faire. Étant des démocrates dans une société juste qui valorise l'égalité, vous vous êtes réunis pour dire: « Nous en assumerons les coûts, quelles que soient les conséquences des mesures prises pour assurer l'égalité. »
Dans le cas des femmes autochtones, cependant, c'est un peu différent. Pour elles, c'est une question de vie ou de mort. Voilà la différence. Il ne s'agit pas simplement d'une question d'administration, d'étapes à prévoir ou du genre d'accord financier à conclure avec l'APN; il s'agit d'une question de vie ou de mort. La question devrait être tranchée depuis longtemps.
Le projet de loi a un autre aspect historique, que voici. M'est-il déjà arrivé de me présenter devant un comité ou écrire au sujet d'une proposition législative fédérale pour dire: « Je suis en faveur de ce projet de loi »? Cela n'est arrivé qu'une seule fois, et pour cause. Personne ne veut de la Loi sur les Indiens. Personne ne veut plus qu'un gouvernement paternaliste, raciste et sexiste nous dise quoi faire. Cela se produit souvent sans notre consentement ou sans consultation. Toutefois, il s'agit d'un texte législatif fédéral qui est assujetti aux lois garantissant l'égalité. Dans ce domaine, vous n'avez pas de choix.
Le projet de loi a une importance historique pour une autre raison. Il est le fruit d'un consensus, d'un consensus non partisan, au Sénat. Combien souvent est-ce que cela survient dans l'arène politique de ce pays? Pas très souvent, il me semble.
Il y a aussi le sénateur Murray Sinclair, qui préside la Commission de vérité et de réconciliation, qui est celui qui connaît le mieux les moyens d'en arriver à une réconciliation au Canada. Je l'ai rencontré hier et il m'a priée de rappeler au comité qu'il était en faveur du projet de loi. En fait, il estime qu'il ne va pas assez loin, mais il est quand même en faveur et cela est important.
Il n'y a pas eu d'opposition véhémente. Ce fait est aussi d'une grande importance parce qu'AANC travaille très fort depuis six mois à susciter la dissension. L'argent est une arme puissante. Vous pouvez approcher n'importe quel organisme autochtone et lui proposer, en échange de son soutien, de lui verser des millions de dollars à l'étape suivante pour discuter et discuter, ce que nous avons fait des centaines de fois. Eh bien, voici le point qui importe: aucun des organismes nationaux ou régionaux n'est un détenteur de droits. Aucun ne constitue un gouvernement. Ils n'ont pas voix au chapitre. Ce sont les gens qui sont touchés qui ont leur mot à dire.
Ils peuvent nous laisser tomber pour obtenir l'argent nécessaire aux consultations, mais cela n'est pas pertinent. La loi s'applique toujours et la question judiciaire demeure l'égalité.
Ce n'est pas seulement l'article 15 de la Charte qui consacre l'égalité entre les hommes et les femmes ou l'article 3 de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui interdit expressément au gouvernement fédéral de faire des distinctions illicites entre les sexes. Le paragraphe 35(4) de la Loi constitutionnelle est très important, parce que vous dites souvent aux Premières Nations: « Bon, quel est votre point de vue? Votre droit ancestral vous permet de déterminer la citoyenneté. Voulez-vous exercer une discrimination contre les femmes autochtones? » Eh bien, le paragraphe 35(4) dit que si vous prévoyez exercer un droit ancestral, sachez qu'il est garanti également aux personnes des deux sexes. Au cas où cela ne serait pas clair, le consensus international, exprimé à l'article 44 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, que le Canada accepte sans réserve, prévoit que chacun des droits qui y sont énoncés sont assujettis au principe de l'égalité entre les sexes. Plus important encore, il n'existe pas un seul régime juridique ou légal dans l'île de la Tortue qui justifie ou maintient l'inégalité entre les humains, hommes et femmes.
Nos traités garantissent, et à tout jamais, ces droits aux héritiers, pas seulement aux héritiers mâles. Ce n'est pas parce que les organismes masculins ont failli à la tâche, qu'ils ne sont pas ici pour défendre nos intérêts que nous n'avons pas droit à l'égalité.
Voici une difficulté qui se présente à vous. Si vous voulez, si vous y tenez vraiment, continuer d'être aussi racistes et sexistes que le gouvernement, votre tâche sera lourde parce que vous aurez à prendre un ensemble complexe de mécanismes d'inscription des Indiens et le rendre encore plus complexe afin de vous assurer d'inscrire un nombre de personnes aussi minimal que possible et maintenir dates d'extinction légale pour chaque Première Nation du pays. Si tel est votre but, vous n'êtes pas habilités à parler de réconciliation, de nation à nation, ni de quoi que ce soit.
Si vous n'adoptez pas ce projet de loi, si vous n'êtes pas solidaires des femmes autochtones qui réclament l'égalité, le message que vous enverrez est que les femmes autochtones ne méritent pas l'égalité. Vous devrez cependant en accepter les conséquences. Cela signifie que vous aurez une part de responsabilité dans l'assassinat et la disparition des femmes autochtones, puisque les Nations unies ont déjà fait savoir au Canada que l'inégalité est l'une des causes premières de ces assassinats et disparitions. Vous direz que c'est bien que le Canada continue d'enlever leurs enfants aux femmes autochtones à une fréquence qui dépasse de loin celle de tout autre pays au monde. La surreprésentation dans les prisons… Vous serez en train de dire aux tueurs en série et aux violeurs qu'ils peuvent continuer de cibler les femmes autochtones à un taux sept fois supérieur à la moyenne nationale, puisqu'ils commettent leurs crimes avec impunité. Personne ne s'en soucie, sinon nous aurions déjà pris les mesures qui s'imposent. Vous maintiendrez aussi les dates d'extinction légale, que rien ne justifie. Assez, c'est assez.
En 2017, a promis une nouvelle relation, de nation à nation, fondée sur l'égalité et le respect des droits ancestraux et issus de traités, qui mettrait fin à la violence dont les femmes autochtones sont victimes. Le gouvernement devait abandonner son approche conflictuelle et renoncer à tout jamais à ses pouvoirs décisionnels paternalistes, exercés du haut vers le bas, et même abroger les lois adoptées sous le régime Harper, qui comprennent, je le rappelle, le très discriminatoire projet de loi C-3 qui faisait suite à l'arrêt McIvor.
Les paroles sont du vent. Les propos ou les engagements des ministres ne riment à rien. Seule l'action compte, et il n'y a rien dans l'arrêt McIvor, l'arrêt Lovelace, l'affaire Gehl ou l'arrêt Descheneaux qui vous empêche d'agir pour de résoudre le problème de l'inégalité des sexes. En fait, comme l'a dit Masse, il ne faudrait pas faire comme vous faites ordinairement. Je vous exhorte à résoudre le problème une fois pour toutes et à ne pas accorder foi à la campagne de peur du gouvernement fédéral au sujet des millions et millions de personnes qui seront inscrites. Il s'agit d'un mensonge éhonté, destiné à susciter la peur parmi les Premières Nations, et ce n'est pas vrai.
À l'heure actuelle, il y a moins de 900 000 Indiens inscrits, parmi lesquels 50 % sont des femmes et 50 % sont des enfants. Moins de 100 000 personnes ne peuvent pas en engendrer deux millions. Nous sommes peut-être prolifiques, mais quand même pas à ce point.
Je demande au comité d'entériner les modifications apportées par le Sénat et d'accorder sans plus tarder l'égalité aux femmes autochtones.
Merci de votre attention.
:
À tous je souhaite le bonjour.
Je suis accompagnée aujourd'hui de ma belle-fille, Deborah Serafinchon. J'ai préparé son arbre généalogique et j'ai aussi rédigé le texte de mon exposé, que j'ai malheureusement oublié d'apporter. Je le ferai parvenir au greffier.
Je ferai cependant circuler la généalogie de Deborah Serafinchon pour montrer pourquoi Deborah n'est pas une Indienne inscrite, ni membre de la bande de Sawridge.
Elle est descendante, des côtés paternel et maternel, du signataire de traité Charles Nisoteesis. Son ascendance ne pose pas le moindre problème quant à son statut d'Indien, post-traité. Je vous invite à comparer sa situation à celle d'une femme non autochtone qui aurait, par son mariage avant l'adoption du projet de loi C-31 en 1985, obtenu la reconnaissance du statut d'Indien et de l'appartenance à une bande, puis divorcé depuis longtemps sont mari indien, lui-même émancipé avant l'adoption du projet de loi C-31; elle et son enfant ont le statut d'Indien inscrit et sont membres de la bande en vertu de l'alinéa 6(1)a).
Bien que Deborah ne soit pas inscrite, ce n'est pas parce qu'elle n'a pas essayé. En 2001, Deborah a présenté une demande au ministère des Affaires indiennes et a été informée qu'il y avait un arriéré dans le traitement des demandes; la sienne a été retardée.
Elle s'est ensuite adressée, en 2002, au Lesser Slave Lake Indian Regional Council, qui administre le programme d'inscription des Indiens pour le compte d'AANC et qui est régi par un conseil de chefs. Elle a présenté sa demande, accompagnée d'échantillons d'ADN fournis par moi-même et mes enfants pour qu'elle puisse prouver son ascendance paternelle, puisque mon mari, son père, est décédé en 1997. Deborah l'avait retrouvé tout juste avant son décès, comme elle avait retrouvé sa mère tout juste avant son décès. Elle ne connaissait pas sa généalogie parce qu'elle avait été prise en charge par le système de protection de l'enfance.
En réponse à sa demande, Deborah a été informée qu'elle devait retrouver certains membres de la Première Nation de Sawridge, les soeurs et frères survivants de Walter et obtenir d'eux une déclaration sous serment attestant qu'elle était sa fille. C'est ridicule. Elle avait déjà fourni une preuve par ADN. Les soeurs et frères survivants n'avaient aucune idée avec qui Walter avait couché, ni quand. Sur ce point, il n'y avait aucune façon de prouver quoi que ce soit. Ils étaient tous étudiants dans un pensionnat indien, ce qui avait contribué à la rupture des relations. Certains avaient déménagé longtemps auparavant.
Imposer de telles démarches constitue de l'oppression. C'est une forme de violence administrative. Les responsables étaient réticents par crainte d'incidences majeures.
En mars 1985, j'ai comparu devant le comité prédécesseur de celui-ci au nom de Premières Nations signataires du Traité no 8. Leur mémoire, qui a été remis au greffier, discutait longuement de ces incidences majeures et a soulevé de réelles préoccupations à l'époque.
Sharon McIvor a tout à fait raison de dire que l'assurance: « Faites-nous confiance, nous ferons le suivi » n'a jamais abouti à autre chose qu'une succession de promesses rompues. Ils ne font pas le suivi. Cela s'est produit trois fois. Trois fois, vous n'êtes plus dans le jeu.
J'ai lu, le 2 juin, que la ministre s'oppose aux modifications apportées par le Sénat en raison de préoccupations quant à leurs incidences. Je tiens à vous dire que cela est fallacieux et déshonorant. La Couronne, le Canada, les parlementaires du Canada — vous-mêmes — ont l'obligation de traiter honorablement avec notre peuple. C'est la Cour suprême du Canada qui le dit.
Cela est fallacieux parce qu'à la suite du mémoire présenté par les Premières Nations signataires du Traité no 8, ma communauté, tenue pour le gardien vigilant… L'émission The Fifth Estate de la CBC a produit un documentaire qui faisait de mon regretté époux le gardien vigilant. Ce documentaire a été diffusé en juin 1997, tout juste avant que nous nous présentions en appel d'une décision rendue par la Cour fédérale en première instance. L'un des motifs de l'appel était une crainte raisonnable de partialité de la part du juge de première instance, qui avait tenu des propos indiquant que les Indiens étaient comme des enfants comparés aux Blancs, qui eux agissant en adultes, que les hommes indiens étaient des types vêtus de peau de chevreuil ornée de perlage ne cherchant qu'à soutirer de l'argent de la Couronne et que l'histoire orale se réduisait à un culte des ancêtres, voire à de la mauvaise propagande.
Nous avons obtenu gain de cause en appel, mais avons dû subir un deuxième procès pendant lequel la Couronne s'est défendue avec vigueur, avec agressivité, et a manifesté beaucoup d'hostilité à notre endroit. Elle a fait venir quatre groupes d'intérêt particulier et a payé les frais de leur participation. Les incidences étaient au coeur du litige, ainsi que les lois de la nature, les lois autochtones. Quels sont les principes en vertu desquels nous nous gouvernons? Quelles sont les normes légales qui régissent nos comportements les uns envers les autres et envers toutes les formes de vie? Tout cela est documenté.
Je me souviens d'un avocat de la Couronne qui disait: « Où est votre recueil de lois? Vos lois n'existent pas. Nous, nous avons des codes de lois. » Vous voyez l'état d'esprit.
Quoi qu'il en soit, nous n'avons jamais pu traiter de ces questions parce qu'il y a eu une attaque en règle contre les avocats des plaignants, dont j'étais. Pendant cinq ans, j'ai vécu l'enfer. Je puis vous assurer que, si je m'assoyais avec Sharon McIvor et certaines des autres femmes pour comparer nos histoires, nous ne manquerions pas de conclure qu'il s'agissait d'une querelle entretenue par l'État qui dure depuis beaucoup trop longtemps et qu'elle doit cesser.
À mon sens, il est fallacieux que la ministre dise aujourd'hui: « Oh, nous sommes préoccupés par les incidences. » Vous n'y avez pas donné suite en 1985 pour répondre au mémoire des signataires du Traité no 8. Vous auriez pu traiter de cette question avec nous au moment de notre action en justice, mais vous avez refusé de le faire. Vos avez préféré pointer votre artillerie ailleurs.
C'est d'autant plus fallacieux aujourd'hui, puisque les Métis sont désormais, en vertu de l'arrêt Daniels, visés par le paragraphe 91(24). Nous sommes tous sous la même tente, et je vous demande alors ce que nous faisons ici. Sommes-nous en train de déplacer les chaises sur le pont du Titanic? Les fédéraux sont responsables de cette situation. Le paragraphe 91(24) s'applique à tous les peuples autochtones. Il faut donc cesser ce jeu de whack-a-mole.
Quant à la position d'AANC sur les services et les programmes…
Mon temps est-il écoulé?
:
Je vous remercie de nouveau de votre présence ici. Merci aussi de la patience dont vous faites preuve depuis des décennies en reprenant sans cesse ce dossier. L'une de mes amies, Marlene Brant Castellano, que vous connaissez peut-être, a été traitée de la même manière, quoique sa situation ait été rectifiée en vertu d'une loi antérieure. Peu importe, j'ai toujours trouvé épouvantable que de telles situations puissent exister.
J'ai assisté en 2014 à un symposium sur la justice réparatrice pour les femmes. Je ne savais rien de la situation avant que Marlene… Memee Dawn Harvard y était, de même que Waneek Horn-Miller et Jeannette Corbiere Lavell, dont nous avons également entendu le témoignage ici. J'ai pu la rencontrer de nouveau ce jour-là et discuter avec elle.
J'ai été estomaqué d'apprendre que cette situation existait. La plupart des gens n'en savent rien. Je demeure ébranlé par toutes les discussions et par les allers-retours du projet de loi , qui a d'abord été ici, puis a été envoyé au Sénat avant de revenir ici dans sa forme modifiée. Il m'a été très difficile de comprendre tous les tenants et aboutissants de cet imbroglio, n'étant qu'un humble député qui n'a pas passé des décennies dans ce dossier, contrairement à vous qui le connaissez de fond en comble et qui en êtes révoltée de tout votre être. La passion que vous manifestez laisse transparaître le sentiment de révolte qui vous habite.
Je connais aussi l'autre côté de la médaille. J'ai été informé par mon propre chef des préoccupations profondes qui existent quant à la possibilité que la communauté soit submergée. Il s'agit d'une des réserves en croissance, et une bonne part de cette croissance est attribuable à l'arrivée de gens de l'extérieur. Il s'inquiète non seulement de la disponibilité de fonds, quoique cela soit certainement une source d'inquiétude, mais aussi de la disponibilité de ressources humaines pour composer avec vague, éventuellement très importante, de nouveaux arrivants. Dans notre étude sur le suicide, nous avons également constaté que l'un des aspects clés influant sur les déterminants sociaux de la santé était justement la disponibilité de ressources humaines et d'éléments d'infrastructure en place pour composer avec les problèmes existants dans beaucoup de communautés autochtones.
Puis, il y a le sénateur Sinclair, qui a exprimé des préoccupations au sujet de l'application « mur à mur » de l'alinéa 6(1)a) en raison de certaines conséquences non voulues qui pourraient résulter de la formulation actuelle de cette disposition.
Nous avons entendu les témoignages de l'Association du Barreau Autochtone et de l'AFAC, qui ont également exprimé des préoccupations. Je ne cherche pas du tout à les monter l'un contre l'autre. Je tente simplement de signaler que la réalité de la situation pourrait nécessiter une mise en oeuvre par étapes. Environ 35 000 personnes ont déjà été identifiées.
Je sais que vous n'allez pas aimer ce que je vais dire — je le vois à votre expression, et vous en avez déjà des frissons —, mais si le processus est en place, c'est que l'engagement a été pris et que cet engagement est inscrit dans le texte de loi. Il ne s'agit pas ici de nier le caractère tout à fait inacceptable de la discrimination et du racisme qui existent dans le système actuel. Nous sommes devant un nouveau texte de loi, et le devoir de consulter, le devoir de préparer, le devoir de s'assurer que les ressources sont disponibles pour composer de manière à… pour même s'y attaquer tout simplement parce que, concrètement, les ressources ne sont pas disponibles en ce moment…
Voyez-vous une certaine validité au fait d'organiser un processus consultatif, non tellement pour justifier la nécessité de résoudre la situation une fois pour toutes, mais pour établir un cadre nous permettant de mettre en oeuvre ces changements de manière responsable?
Je termine là-dessus, parce que je vois bien que vous êtes tous prêts à me sauter à la figure. Alors, ne vous gênez surtout pas.
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Merci, madame la présidente.
Bienvenue et merci à vous toutes. Je suis très sensible à ce que vous dites.
Je voudrais commencer par quelque chose que vous avez demandé, Sharon. Dans votre lettre aux sénateurs, vous parliez des préoccupations soulevées par les collectivités au sujet des répercussions du futur alinéa 6(1)a). Dans l'un des paragraphes, vous écrivez ceci:
Comme je l'ai déjà expliqué auparavant, je récuse radicalement cet argument. Les bandes et les collectivités indiennes n'ont aucun droit légitime de se prononcer sur la question de savoir si le gouvernement du Canada devrait continuer à exercer une discrimination à mon égard et à l'égard des autres Indiennes en raison de notre sexe. Le gouvernement du Canada a l'obligation juridique, en vertu de la Constitution et du droit international, et l'obligation fiduciaire de ne pas exercer de discrimination en raison du sexe, que les bandes et les collectivités autochtones soient d'accord ou non. À l'heure qu'il est, la plupart des bandes et des collectivités autochtones ne souhaitent pas que la discrimination en raison du sexe perdure.
Dans vos remarques préliminaires, vous avez parlé des gens que vous représentez et dit que vous n'êtes pas simplement ici à titre personnel. Vous avez parlé des femmes que vous représentez ici, et cela me semble tout à fait légitime.
Puis, toujours dans vos remarques, vous nous avez demandé qui nous représentions, pour qui nous parlions, et c'est, je crois, la question fondamentale ici. Bien entendu, comme député, je représente les électeurs de ma circonscription, mais comme membre du Parlement et législateur, je parle aussi au nom de la primauté du droit. J'ai l'obligation fondamentale, à ce titre, de faire valoir la primauté du droit. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire respecter la Constitution. Dans notre Constitution, il y a la Charte des droits et libertés et il y a l'article 35 sur les droits inhérents. C'est pour cela que nous sommes ici. Donc, je vous remercie d'avoir posé cette question.
Pam, vous avez raison de dire que nous ne devrions même pas être ici à discuter de cette question. Je suis absolument d'accord. C'est la raison de mon profond et absolu sentiment de mépris pour la Loi sur les Indiens. Elle est contraire aux droits humains fondamentaux des Autochtones de ce pays, et elle ne devrait pas exister. Je l'ai déjà dit. Qu'on invoque notre Constitution ou le droit international, par exemple la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, ces droits sont inhérents. Ils existent parce que nous existons comme Autochtones. Je pense que ce devrait toujours être le point de départ, qu'on discute d'une politique ou d'une loi.
Ma question est plutôt simple. Vous recommandez au Comité d'appuyer le projet de loi et au Parlement de l'adopter. Je suis également d'accord avec cela. J'ai posé une question au sujet de l'article 10 à la représentante de l'AFAC mardi dernier; je l'ai également posée à la représentante de l'Association des femmes autochtones du Québec. Il s'agit de la disposition de « non-responsabilité » du projet de loi, qui, selon moi, est problématique. Par cette disposition, nous demandons essentiellement au Comité et au Parlement de justifier la discrimination historique et la violation historique des droits de la personne.
Je voudrais entendre chacune d'entre vous à ce sujet. Que nous recommandez-vous concernant l'article 10 en particulier?
Merci aux témoins. Je suis très sensible à votre passion et à votre dévouement à l'égard de cet enjeu.
Catherine Twinn, il y a quelque temps, j'ai suivi l'une de vos séances sur la violence latérale, et j'y ai beaucoup appris.
Je n'ai pas beaucoup de temps, et c'est un gros problème pour moi. Dans les Territoires du Nord-Ouest, j'ai cinq grands gouvernements autochtones qui voudraient avoir leur mot à dire à ce sujet.
Je me demande vraiment, et je trouve cela inquiétant, pourquoi nous parlons de tout cela ici. Pourquoi est-ce qu'Affaires indiennes se conduit comme un ministère de l'immigration pour les Indiens? Je pense que Romeo l'a bien exprimé hier en disant qu'il y a beaucoup plus de gens qui sont accueillis dans ce pays qu'il n'y en a qui subiraient les conséquences de cette décision.
Par ailleurs, les Autochtones et les gouvernements autochtones de ma circonscription s'attendent à être consultés. Ils y tiennent absolument, quel que soit l'enjeu, et cela inclut celui-ci.
Pam, je crois que vous avez dit qu'aucune organisation autochtone ne devrait être consultée. Elles ne sont pas titulaires des droits.
J'ai deux questions.
Tout d'abord, dans cet ordre d'idées, qui devrait-on consulter d'après vous et s'il y a lieu dans le cadre de la deuxième étape? La question s'adresse à vous toutes: y a-t-il des titulaires de droits qu'il y aurait lieu de consulter?
Catherine Twinn, vous avez dit que la consultation sur les répercussions devrait être dirigée par les deux chambres. Pourriez-vous expliquer votre point de vue? Selon vous, comment cela fonctionnerait-il?
:
Merci, madame la présidente. C'est un bonheur d'être de retour parmi vous. Merci de me recevoir aujourd'hui pour parler du projet de loi . Je veux tout d'abord souligner que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel du peuple algonquin.
Je vous remercie d'avoir compris l'urgence de ce projet de loi. Je vous remercie aussi pour le travail que vous avez accompli durant l'étude préliminaire du projet de loi.
Comme vous le savez, en réponse aux recommandations du comité sénatorial permanent, le gouvernement a obtenu une prolongation de cinq mois pour examiner le projet de loi . Grâce à cette prolongation, de nombreuses améliorations ont été apportées à la version originale du projet de loi S-3, lesquelles ont été bien accueillies et soutenues par le gouvernement. Le projet de loi traite maintenant de manière proactive d'autres groupes touchés par des iniquités fondées sur le sexe, qui ont été identifiées par l'Association du Barreau Autochtone. La décision récente de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Gehl a également permis au gouvernement de traiter la question de la paternité non déclarée en enchâssant des protections procédurales additionnelles dans la loi aux termes de ce projet de loi.
De plus, je suis consciente du scepticisme compréhensible des Premières Nations, des personnes touchées et des parlementaires quant aux changements véritables qui pourront découler de la deuxième étape de la réforme touchant l'inscription et l'appartenance. C'est pourquoi le gouvernement a proposé une série de modifications aux termes desquelles le gouvernement devra faire rapport au Parlement un certain nombre de fois et de diverses manières, afin de vous tenir au courant, ainsi que tous les Canadiens, de nos progrès relatifs à une réforme plus étendue. La législation prévoit désormais trois rapports distincts au Parlement.
Dans le cadre du processus de la deuxième étape, je veux que vous sachiez que je m'engage, au nom du gouvernement et à titre personnel, à concevoir le processus de concert avec les Premières Nations, y compris les collectivités, les personnes touchées, les organismes et les experts, pour mettre en oeuvre des réformes significatives sur le plan de l'inscription, y compris d'éventuels changements législatifs à l'avenir. Ce processus intégrera toute la gamme des personnes touchées et s'appuiera sur une perspective des droits de la personne.
Je veux souligner clairement qu'à la deuxième étape, la conformité à la Charte constituera le seuil, et non la limite maximale, et il se peut très bien que dans certains secteurs de réforme nécessaire, le consensus ne soit pas atteint. Le gouvernement a établi clairement que le consensus ne sera pas une condition essentielle à l'action. Toutefois, pour les cas où le gouvernement devrait agir en l'absence d'un consensus, cette absence ne fera qu'accroître la nécessité de prendre des décisions sur la base de consultations véritables et d'éléments de preuve crédibles concernant les répercussions possibles de la réforme.
La nécessité d'équilibrer les besoins liés à la mobilisation des personnes concernées et ceux du processus parlementaire n'a donné que deux périodes écourtées de trois mois, même compte tenu de la prolongation accordée par le tribunal.
[Français]
Je pense que, étant donné le contexte de la mobilisation limitée à l'intérieur des délais imposés par la Cour, il est important d'aborder la portée prévue du projet de loi .
[Traduction]
Le projet de loi doit remédier aux iniquités connues fondées sur le sexe qui sont associées à l'inscription des Indiens dans la Loi sur les Indiens, qui n'est pas conforme à la Charte.
Cette mesure ne se limite pas aux situations pour lesquelles un tribunal a déjà rendu un jugement. Elle s'étend également aux jugements futurs des tribunaux où l'on pense trouver une violation des dispositions de la Charte fondée sur le sexe. Cependant, le gouvernement a indiqué clairement que, dans les circonstances où les tribunaux ont établi que des politiques étaient conformes à la Charte, où dans les situations plus complexes que celles concernant simplement les iniquités alléguées fondées sur le sexe, l'action gouvernementale doit être basée sur des consultations véritables, comme le prévoit la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Même s'il a appuyé de nombreuses modifications proposées et adoptées par le comité sénatorial, le gouvernement a établi clairement qu'il ne peut soutenir un amendement proposé par la sénatrice McPhedran et accepté par le Sénat. L'intention de l'amendement proposé par la sénatrice McPhedran concernant l'article premier du projet de loi semble d'être d'accorder l'admissibilité à l'inscription à tous les descendants directs nés avant le 17 avril 1985, de personnes ayant déjà été inscrites comme Indien en vertu de toutes les versions de la Loi sur les Indiens, y compris les versions antérieures allant jusqu'à 1876. En termes simples, cette disposition vise à mettre en oeuvre une approche communément appelée l'application universelle de l'alinéa 6(1)a).
[Français]
Je crois que cet amendement a été proposé avec la meilleure intention du monde, mais la manière dont il est rédigé crée une ambiguïté quant à savoir s'il aurait l'effet visé.
[Traduction]
Cette ambiguïté a été soulignée par le sénateur Sinclair pendant l'examen article par article en comité et par l'Association du Barreau Autochtone lors de son témoignage devant ce comité. Et si cette clause est interprétée de façon à appliquer de façon générale l'alinéa 6(1)a), elle pourrait étendre le statut à un large éventail de personnes touchées par une gamme imposante d'iniquités alléguées — bien au-delà des iniquités fondées sur le sexe.
Le gouvernement est disposé à examiner cette approche lors du processus de la deuxième étape, mais nous n'avons pas consulté adéquatement ceux qui pourraient être touchés et nous ne disposons pas actuellement des données démographiques requises pour comprendre les implications pratiques d'une telle approche. Le gouvernement amorce actuellement ces travaux, mais les estimations préliminaires ne sont pas fondées sur des données fiables et concernent de larges éventails de personnes potentiellement admissibles au statut d'Indien — entre 80 000 et 2 millions de personnes. Le fait de souligner ces chiffres ne signifie pas que ces deux pôles représentent l'impact de la mesure. Nous souhaitons plutôt faire ressortir la vaste étendue des estimations actuelles et la nécessité d'avoir de meilleures données.
[Français]
Non seulement y a-t-il un manque de compréhension des implications pratiques de cette approche, mais il est clair que la consultation nécessaire n'a pas eu lieu.
[Traduction]
Cette clause peut avoir des incidences profondes sur les collectivités, qui pourraient se retrouver avec un très grand nombre de nouveaux membres ayant peu de relation avec elles, voire aucune, et ce sans véritables consultations préalables. Je veux comprendre les perspectives et les préoccupations du grand nombre de personnes potentiellement touchées qui n'ont pas été consultées à propos de l'application générale de l'alinéa 6(1)a). Cette disposition n'a pas fait l'objet de consultations antérieures.
Je veux l'affirmer clairement: j'exprime ma solidarité envers les femmes autochtones qui se battent sur ces questions depuis des décennies. Je suis consciente de la douleur qu'elles ont vécue en recevant une lettre annonçant qu'elles étaient dorénavant une « femme blanche » en raison de leur mariage. Que les problèmes qui subsistent soient liés ou non à la Charte, je veux contribuer à les régler. Mais nous devons prendre garde de ne pas répéter les erreurs du passé où, parfois même avec des intentions admirables, des politiques ont été mises en application en l'absence de consultations ou de données probantes et ont entraîné de terribles conséquences inattendues. Je veux collaborer avec les collectivités, les personnes touchées et les experts pour veiller à ce que ces problèmes soient finalement réglés.
Les préoccupations soulevées par de nombreuses personnes au sujet du libellé de cette clause démontrent à quel point il est facile de se tromper sur cette question quand le travail est réalisé trop vite. Comme vous le savez sans doute, nous avons une échéance fixée par la Cour pour cette législation, soit le 3 juillet.
[Français]
Si le projet de loi, qui répond aux éléments de conformité à la Charte soulignés dans l'arrêt Descheneaux, n'est pas adopté avant le 3 juillet, les articles annulés par la Cour seront inopérants au Québec.
[Traduction]
Pratiquement parlant, il s'ensuit que ces dispositions deviendraient inopérantes au Canada: 90 % des Indiens sont inscrits par le gouvernement fédéral en vertu des dispositions qui deviendraient inopérantes. Outre les quelque 35 000 personnes attendant que leurs droits soient reconnus grâce au projet de loi , nous devons prendre en considération les milliers d'autres qui ne pourront pas être inscrites si l'échéance de la Cour est dépassée et que les dispositions susmentionnées deviennent inopérantes.
En conclusion, je vous demande de voter contre l'alinéa 6(1)a) et son application générale et de renvoyer au Sénat une version de ce projet de loi qui respecte notre obligation de consulter et qui nous donne le temps nécessaire, à travers la deuxième étape, de faire enfin les choses comme il faut.
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Merci, madame la présidente.
Merci, madame la ministre, d'être venue nous voir aujourd'hui pour discuter de cet important texte législatif.
Je voudrais d'abord faire remarquer que c'est un processus très bizarre. En général, à la Chambre des communes, on examine un projet de loi une fois qu'il a été référé par la Chambre. Or, dans ce cas-ci, dès le mois de novembre, nous l'avons appuyé pour faire preuve de diligence raisonnable, compte tenu du délai imposé par la Cour suprême du Canada, et nous avons procédé à une étude préalable pendant que le comité l'examinait. Nous faisons en ce moment une autre étude préalable, et je crois savoir qu'on est en train de faire une analyse article par article accélérée. De plus, il n'y a pas eu un seul moment de débat à la Chambre. Je tiens à signaler que voilà certainement une situation très inusitée compte tenu de mon expérience de parlementaire depuis 2008.
Cela dit, je suis très inquiète de certaines choses qui ont été dites en novembre et que nous entendons ici maintenant. Je voudrais retourner au 21 novembre. J'avais demandé aux représentants du ministère s'ils étaient convaincus que le projet de loi , dans la version d'alors, « éliminerait les iniquités fondées sur le sexe connues ». On m'a répondu officiellement: « Nous sommes confiants ».
La fonctionnaire avait déclaré:
Pour ce qui est de votre question sur la discrimination fondée sur le sexe, oui, le projet de loi corrige tous les problèmes.
C'est ce qu'on nous a dit à l'époque.
Aujourd'hui, on nous renvoie une sorte de version révisée. Il y a bien sûr l'affaire Gehl, ainsi que d'autres changements apportés entre-temps, et vous parlez d'en apporter en fonction de ce que l'Association du Barreau Autochtone vous a dit au sujet des inégalités fondées sur le sexe.
Mardi, j'ai dit:
La notion de « connu » dépend-elle de ce que les tribunaux ont déterminé ou de ce que l'on sait du problème aujourd'hui?
M. Reiher a alors répondu ceci:
En fait, comme nous l'avons dit, cela dépend de ce que les tribunaux ont déterminé, plus ce qui est évident.
Je pense que, en novembre dernier, vous étiez au courant de l'affaire judiciaire en cours. Vous étiez au courant de ces questions. Quand je pense que j'ai de nouveau demandé, mardi, si on traitait de toutes les inégalités fondées sur le sexe, comment avoir confiance dans la réponse qu'on m'a donnée, alors que c'est exactement la même qu'en novembre et que nous discutons de changements? En fait, pour moi, il est inconcevable que vous ayez été au courant d'une affaire judiciaire en cours et qu'on n'en ait pas tenu compte.
Peut-être pourriez-vous m'expliquer comment nous pouvons vous faire confiance aujourd'hui, alors que, en novembre dernier, on nous a donné la même réponse et que c'était manifestement faux.
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Je vous suis très reconnaissant de votre présence ici aujourd'hui, madame la ministre.
Comme je l'ai indiqué à des témoins précédents, je ne savais pas même que cette question représentait un enjeu avant 2014, quand j'ai participé à un symposium de justice réparatrice pour les femmes autochtones. Mme Marlene Brant Castellano est une amie et je ne savais même pas à ce moment-là qu'elle était touchée par cet enjeu. Les participants étaient nombreux. Jeannette, qui a témoigné précédemment, était ici également et je l'ai rencontré ce jour-là, et j'ai écouté les récits de ces personnes au sujet de leur lutte pour demander réparation.
Pour moi, cette question est consternante et je dois me rallier à l'opinion de Romeo: cette injustice sévit encore de nos jours au Canada. C'est incroyable.
Je dois dire que je suis consterné par la passion et la frustration suscitées par plusieurs décennies de règne des gouvernements qui se sont succédé en déclarant: « Oui, nous allons régler ce problème. Nous allons mener des consultations et nous allons nous en occuper une fois pour toutes et régler le tout ». Voilà encore le gouvernement qui s'évertue à dire, « Eh bien, vous savez quoi? On va faire un bout de chemin afin de régler un perpétuel problème, et le problème ne sera pas entièrement résolu, en vue d'y faire face une fois pour toutes ».
Oui, des engagements sont pris pour la deuxième phase afin de pouvoir déclarer que nous avons adopté un processus, que nous allons y adhérer et que nous nous sommes fixé des échéanciers. Mais rien ne garantit que la deuxième phase permettra de résoudre le problème, que le gouvernement sera en mesure, dans le cadre de ce mandat, de mettre un terme une fois pour toutes à la discrimination sexuelle dont sont victimes les femmes et les jeunes filles autochtones et les générations de frères et soeurs.
La Carolyn Bennett que je connais souhaite, dans son âme et conscience, mettre fin définitivement à cette discrimination, mais, pour reprendre vos propos, nous devons redoubler d'efforts pour tenter de rectifier le tir et de nous engager dans la voie qui nous semble la plus appropriée. Si nous ne mettons pas un terme, une fois pour toutes, à la discrimination sexuelle dès aujourd'hui, grâce à ce projet de loi modifié et que la deuxième phase du processus porte seulement sur la question de discrimination autre que sexuelle et sur la façon de mettre en oeuvre ce projet de loi... Comment pouvez-vous leur donner cette garantie, si aucune mesure n'est prévue dans le projet de loi dans sa forme actuelle?