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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 048 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 23 février 2017

[Enregistrement électronique]

(1605)

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, nous avons la chance de recevoir un représentant du Conseil national des musulmans canadiens. C’est M. Ihsaan Gardee, son directeur exécutif, qui s’adressera au Comité.
    Monsieur Gardee, je vous en prie.
    Je suis heureux d’avoir la possibilité de présenter le point de vue du Conseil national des musulmans canadiens sur le projet de loi C-305.
    En bref, le CNMC est un organisme indépendant, non partisan, sans but lucratif et communautaire de défense des droits des musulmans canadiens. Nous avons pour mandat de protéger les droits et libertés, de dénoncer la discrimination et l’islamophobie, de favoriser la compréhension mutuelle entre les Canadiens et de promouvoir les intérêts des collectivités de musulmans canadiens. Depuis plus de 16 ans, nous nous efforçons de concrétiser cette mission par notre travail d’éducation et de sensibilisation de la population, nos interventions dans les médias, notre action contre la discrimination, nos actions militantes et nos efforts pour créer une coalition. Le CNMC a participé à d’importantes enquêtes publiques, a comparu devant la Cour suprême du Canada au sujet d’enjeux d’importance nationale et a fourni des conseils à des organismes de sécurité sur la participation des collectivités et la promotion de la sécurité.
    J’aimerais aujourd’hui vous proposer quelques observations générales du CNMC sur l’importance du projet de loi C-305 et vous parler du contexte dans lequel vivent les membres de notre organisation, c’est-à-dire les musulmans canadiens qui ont fait l’expérience de crimes de haine dirigés contre leurs institutions communautaires.
    Je vais commencer par vous parler de l’importance des lieux sacrés. Un lieu sacré est un endroit où les gens espèrent trouver la paix intérieure et renouer avec leur sentiment du divin, avec leur collectivité et, plus généralement, avec la fraternité humaine. Qu’il s’agisse d’édifices officiels comme les églises, les temples, les synagogues, les mosquées ou les gurdwaras, ce qui les distingue n’est pas simplement l’endroit où ils se trouvent, leur histoire, leur sainteté ou la beauté de leur architecture, mais la place centrale qu’ils occupent dans le coeur, l’esprit et la cosmologie de ceux à qui ils inspirent de la vénération. Nous devons malheureusement reconnaître et affronter le fait qu’il existe des gens, animés d’une intention criminelle ou haineuse, qui sont prêts à attaquer, violer et profaner ces lieux et d’autres. Selon le CNMC, il ne saurait y avoir de raison valable justifiant ce genre d’actes. Nous nous tenons aux côtés de tous les Canadiens qui ont une conscience pour condamner ces actes vigoureusement et sans équivoque.
    Fidèle aux principes très canadiens d’acceptation de l’autre, de respect et d’inclusion qui sont au coeur de la Constitution canadienne et de la Charte des droits et libertés, et auxquels fait écho l’éthique musulmane, le CNMC continuera de dénoncer les actes sectaires et islamophobes. Nous nous engageons également à continuer de tendre la main et donner notre appui à d’autres groupes confessionnels dont les membres ou les institutions communautaires sont également des cibles de la haine.
    Pour ce qui est de l’application du projet de loi C-305 aux structures et lieux de rassemblement religieux, nous estimons qu’il contribue à régler l’important problème des méfaits motivés par les préjugés ou la haine fondés sur la religion, la race, la couleur, l’origine nationale ou ethnique, l’identité sexuelle ou l’orientation sexuelle et qu’il permet de protéger les valeurs qui font partie intégrante de l’identité canadienne. Il permettra de protéger non seulement les lieux de culte, mais aussi les lieux de rassemblement, où l’inclusion devrait être à l’honneur, par exemple les écoles, les universités, les garderies et les foyers pour personnes âgées. Le projet de loi constituerait également une forme de dissuasion pour ceux qui envisagent de commettre des crimes motivés par ces préjugés. Cet effet de dissuasion contribuerait à promouvoir une plus grande inclusion et une plus large acceptation parmi tous les Canadiens.
    Concernant la pertinence et l’importance de la multiplication inquiétante des incidents visant les musulmans, nous avons constaté que le nombre de cas d’atteintes aux droits de la personne dont nous nous occupons a beaucoup augmenté. Il s’agit entre autres de crimes et d’incidents haineux et d’allégations de discrimination. Tout récemment, hier en fait, on nous a signalé le cas d’une école secondaire de London, en Ontario, où sont apparus sur les murs des messages islamophobes et anti-LGBTQ.
    Le nombre d’incidents et de crimes haineux à lui seul indique également une tendance inquiétante. Les plus récentes données de Statistique Canada à cet égard, qui remontent à 2014, indiquent que les crimes haineux commis contre des musulmans sur une période de trois ans ont plus que doublé. Aucun autre groupe religieux au Canada n’a enregistré une telle augmentation du nombre de crimes commis contre lui.
    Les données nationales sur les crimes haineux ne sont publiées par Statistique Canada que deux ans après la perpétration de ces crimes. Les plus récentes remontent à 2014. Pour combler cet écart, le CNMC tient à jour une carte en ligne sur les crimes et incidents haineux, sur laquelle sont indiqués les endroits visés, avec une brève description des incidents allégués.
    Selon un sondage effectué par Environics en 2016, un musulman canadien sur trois aurait fait l’objet d’un traitement discriminatoire ou injuste dans les cinq dernières années, et 62 % des musulmans canadiens s’inquiètent de la discrimination.
(1610)
     Il est également important de rappeler que, selon l’enquête sociale générale sur la victimisation menée par Statistique Canada, près des deux tiers des crimes haineux ne sont pas signalés. Le CNMC a constaté que les membres de la collectivité et les représentants institutionnels hésitent souvent à signaler ces incidents, et ce pour toutes sortes de raisons, dont, par exemple, la crainte d’être encore plus marginalisés, la crainte de représailles et le sentiment qu’une dénonciation ne changera rien. Selon Justice Canada, les crimes haineux sont parmi les crimes les moins dénoncés au pays.
    Concernant la politique et l’extrémisme, nous devons également songer au contexte social et politique susceptible de contribuer à la multiplication des crimes haineux. Outre la législation, il faut prendre le temps de réfléchir aux meilleurs moyens d’employer notre temps, notre énergie et nos ressources pour obtenir les meilleurs résultats possibles dans nos efforts pour, au moins, éviter ce qui arrive aux États-Unis et dans d’autres endroits — à savoir les appels populistes au sentiment patriotique — et, au minimum, trouver des moyens d’atténuer les effets de ce phénomène.
    On pourrait être tenté de critiquer avec prétention ce qui s’est passé aux États-Unis et ailleurs comme la politique et la rhétorique vulgaires visant de nombreux groupes, dont, tout récemment, le décret exécutif bannissant les ressortissants de sept pays à majorité musulmane, mais nous devrions également nous rappeler que le discours public concernant les musulmans a parfois été très négatif aussi au Canada. Beaucoup de Canadiens se sont opposés aux politiques xénophobes et identitaires, mais soyons clairs: personne ne dit qu’il ne faut pas entamer un débat solide, et même passionné, sur les moyens de gérer notre diversité croissante, ni qu’il ne faut pas être attentif à notre précieux droit à la libre expression et le défendre vigoureusement.
    Mais, par ailleurs, ce qui inquiète ici, c’est que le discours politique problématique qui a cours et passe par des plateformes et des messages incendiaires pourrait servir de cri de ralliement à ceux qui craignent tout ce qui est différent et peu familier. Actuellement, ce qui est le plus différent et peu familier, et je le dis en tout respect, ce sont les musulmans et l’islam. Depuis quelques mois, les attaques racistes et xénophobes se sont multipliées au Canada, pour finir par cette affreuse tragédie à Québec. C’est la toute première fois, à notre connaissance, qu’un acte terroriste de ce genre est commis contre un lieu de culte au Canada.
    Les collectivités musulmanes du Canada ont très peur et ont été très secouées par cet événement. Une étude récente du California State University's Center for the Study of Hate and Extremism révèle que la rhétorique politique peut influencer le comportement et peut, en fait, constituer un facteur dans la multiplication des crimes haineux signalés en 2015 contre des musulmans américains, en coïncidence avec l’essor de Donald Trump. Autrement dit, ce que nos élus disent ou ne disent pas a de l’importance. Le CNMC a observé le même genre de tendance, à savoir que, lorsque l’islam ou des musulmans sont visés par un discours injuste et négatif dans les médias et ailleurs, le nombre de signalement de crimes ou d’incidents haineux augmente. En fin de compte, les mots, ça compte. Les responsables politiques et autres figures marquantes de tous horizons l’ont reconnu au Québec après l’attaque terroriste contre le centre culturel islamique de Québec.
    Selon une récente analyse du comportement des internautes du Canada, commandée par l’émission Marketplace de Radio-Canada et dont les résultats ont été publiés à la fin du mois de janvier dernier, la fréquence à laquelle des internautes canadiens emploient un vocabulaire raciste, islamophobique, sexiste ou généralement intolérant aurait grimpé de 600 % depuis un an. Voilà une augmentation vertigineuse du nombre de gens qui ne se gênent pas pour faire ce genre de commentaires.
    La société de marketing médiatique Cision a procédé à une analyse des réseaux sociaux, des blogues et des fils de discussion entre novembre 2015 et novembre 2016 pour y repérer des insultes et formulations intolérantes comme « Non aux musulmans », « Sieg Heil » ou « Génocide des Blancs ». Les résultats révèlent que les termes associés à la notion de suprématie de Blancs se sont multipliés par 300 % et que les termes associés à l’islamophobie ont grimpé de 200 %. Ce que cela indique, c’est que ceux qui font la promotion d’idées intolérantes et sectaires se sentent de plus en plus enhardis, et peut-être est-ce dû, au moins en partie, aux sentiments racistes qui se répandent aux États-Unis et ailleurs.
    La Commission ontarienne des droits de la personne s’est exprimée clairement: « De nos jours en Ontario, la discrimination à l’égard des musulmans constitue une forme prédominante de discrimination fondée sur la croyance. Les stéréotypes à l’endroit de la menace que représentent les musulmans pour la sécurité du Canada et les valeurs et les modes de vie canadiens sont particulièrement prononcés… »
    Ces tendances inquiétantes ont été confirmées par un sondage effectué le 8 décembre par Forum Research, dont les résultats révèlent que quatre Canadiens sur dix ont exprimé un certain degré de préjugé ou de sentiment défavorable à l’égard de groupes raciaux identifiables, et le groupe le plus souvent visé était les musulmans. Suivaient, par ordre croissant, les Premières Nations, les Asiatiques du Sud, les Asiatiques en général, les personnes de confession juive et, enfin, les Noirs.
    Un sondage effectué en décembre par Abacus Data a donné des résultats semblables, révélant notamment qu’une majorité de Canadiens estiment que les musulmans font l’objet d’une certaine discrimination ou de beaucoup de discrimination au Canada et que les deux tiers pensent la même chose concernant les Autochtones.
(1615)
     L’essentiel du sentiment islamophobique découle d’un manque de connaissances ou d’une crainte de l’inconnu, mais il faut aussi comprendre que c’est aussi toute une industrie, très bien financée et organisée, dont le seul but est de calomnier, de marginaliser et de viser les musulmans ici au Canada, aux États-Unis et dans le monde entier.
    Aux États-Unis seulement, entre 2001 et 2009, on a dépensé plus de 40 millions de dollars pour perpétuer des stéréotypes et répandre de fausses informations sur l’islam et sur les musulmans. C’est ce que révèle un rapport du Centre for American Progress intitulé Fear, Inc.. Selon des études plus récentes, ces dépenses s’élèveraient actuellement à plus de 200 millions de dollars. Cela veut dire que notre lutte pour défendre les droits et libertés des collectivités musulmanes est plus difficile à mener lorsqu’on fait de réels efforts pour empoisonner les esprits à leur sujet.
    En conclusion, je voudrais parler d’un forum de haut niveau auquel j’ai participé le mois dernier aux Nations unies sur la lutte contre la discrimination à l’égard des musulmans et sur l’islamophobie. Le forum était organisé par les missions permanentes du Canada, des États-Unis, de l’OCI et de l’Union européenne.
    Pour s’attaquer à ce phénomène croissant, les participants ont circonscrit une stratégie à trois volets, dont voici les éléments sans ordre particulier.
    Premièrement, on a besoin de coalitions de la société civile, aussi bien traditionnelles que non conventionnelles, pour développer et protéger la résilience sociale à l’égard des préjugés et de l’intolérance. Ce pourrait être par exemple une coalition appelée « Côte à côte », qui regroupe 32 organisations non musulmanes se portant à la défense des musulmans aux États-Unis. Tout récemment, il s’est créé un conseil consultatif mixte juif/musulman, le MJAC, qui est un produit de l’American Jewish Committee et de l’Islamic Society of North America.
    Deuxièmement, on a besoin de récits positifs pour promouvoir l’importance du pluralisme et de l’inclusion et l’importance du rôle joué par les médias dans l’idée qu’on se fait des musulmans et des groupes minoritaires en général dans la société. Selon un proverbe africain, « tant que le lion n’aura pas voix au chapitre, le chasseur aura toujours raison ».
    Le CNMC est très actif à ces deux égards. Durant la période de questions, je me ferai un plaisir de vous donner des exemples concrets de programmes et de ressources élaborés avec nos partenaires.
    Le dernier objet de discussion a été le rôle de la politique et des programmes gouvernementaux dans la lutte contre l’islamophobie et contre toutes les formes de discrimination systémique et de racisme. On ne peut pas imposer la tolérance par une loi, mais il faut que le gouvernement soit le premier à examiner et à étudier des solutions, puis à élaborer et mettre en oeuvre des politiques visant explicitement à lutter contre l’islamophobie et la discrimination contre les musulmans, et à s’appuyer sur des politiques et des programmes favorisant la diversité, l’équité et l’inclusion en tenant compte de la transformation croissante de la démographie du pays. Les musulmans sont de plus en plus visés de nos jours. Mais, demain, ce sera un autre groupe.
    La sécurité, le bien-être et le sentiment d’appartenance de toutes les collectivités confessionnelles ou minoritaires sont associés à leur possibilité de participer à la vie communautaire et aux activités des institutions. C’est pourquoi nous invitons tous les partis à appuyer le projet de loi C-305.
    C’est ce que je tenais à vous dire, sous réserve de vos questions.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Passons maintenant aux questions.
    Monsieur Cooper.
    Merci beaucoup de votre témoignage.
    Vous avez beaucoup parlé des différents problèmes qui importent aux Canadiens musulmans, mais je voudrais revenir à ce dont nous sommes chargés de discuter ici, à savoir le projet de loi C-305.
     Vous avez parlé du projet de loi, mais je n’ai pas bien compris si vous l’appuyez dans sa forme actuelle ou si vous avez des modifications à proposer compte tenu des problèmes dont vous nous avez parlé.
(1620)
    Merci beaucoup de cette question.
    Comme je l’ai dit à la fin de mon exposé, nous invitons tous les partis à appuyer le projet de loi C-305.
    Pour ce qui est d’éventuelles modifications ou améliorations, j’inviterais le Comité à s’assurer qu’il entend des témoins de différents horizons, dont des juristes et d’autres, afin que le vocabulaire employé pour modifier notre droit pénal soit conforme aux valeurs de la Charte et à la Constitution.
    Vous n’avez pas de modifications précises à proposer?
    Non, pas pour l’instant, mais nous déposerons aussi un mémoire.
    D’accord. Donc, sans en dire plus, votre organisme appuie le projet de loi en principe.
    C’est bien cela.
    Très bien.
    Une série d’incidents de l’ordre des méfaits survenus à Ottawa il y a quelques mois visaient les collectivités juive, noire et musulmane. Avez-vous des données sur l’accélération du nombre de ces incidents? Je sais que vous avez parlé des sentiments antimusulmans et de la façon dont cela s’exprime sous diverses formes, mais je parle ici d’incidents qui pourraient entrer dans le champ d’application du projet de loi.
    Je veux être sûr de comprendre la question. Vous voudriez des données précises que nous aurions recueillies…
    Exact.
    … sur des incidents de l’ordre de méfaits perpétrés contre des institutions.
    Et visant des musulmans.
    Et visant des musulmans, d’accord.
    Comme je l’ai dit, nous avons effectivement des données à cet égard. On peut les trouver sur notre site Web. Nous tenons à jour une carte interactive en ligne sur les crimes haineux et l’incidence de la haine, par catégorie d’incidents, par exemple le harcèlement verbal, le harcèlement physique, le vandalisme, etc. Je peux certainement vous fournir ces données, mais je ne les ai pas ici même.
    À la dernière réunion du Comité, on nous a dit que, en vertu de cette disposition du Code criminel, on n’a enregistré qu’un seul cas de poursuite, c’est-à-dire un seul signalement. Cela dit, et quelles que soient les dispositions employées, je me dis que votre collectivité peut trouver réconfortant qu’il existe une disposition spéciale traitant des actes visant un groupe religieux ou autre. Ces incidents, plus que d’autres actes haineux, visent un groupe entier de personnes dans le but de créer un climat de terreur.
    Qu’en pensez-vous?
    Le ministère de la Justice a récemment publié une étude où il est question des effets des crimes haineux sur une collectivité. On y cite David Matas: « Les gens vivent en collectivité. Les droits sont exercés dans la collectivité. » Et on y rappelle que « les crimes haineux sont des crimes perpétrés non seulement contre la personne, mais contre l'ensemble de la collectivité ».
    Il est important de mesurer ces répercussions et de comprendre à quel point elles sont dévastatrices, parce que ces crimes sont aussi des messages. Le responsable du crime envoie un message aux membres d’un certain groupe pour leur signaler qu’ils sont méprisés, dépréciés ou jugés indésirables dans un quartier ou une collectivité. Il faut aussi tenir compte des répercussions sur les victimes individuelles, qui peuvent être enclines à rejeter les aspects d’elles-mêmes qui ont été visés par l’attaque ou des éléments de leur identité qui sont associés à la peur, la perte ou la vulnérabilité.
    Je peux certainement vous dire que les réactions dont on m’a fait part après les incidents dont vous parlez parmi nos partenaires interconfessionnels des collectivités juive, noire et chrétienne indiquent que ces attaques ont engendré une peur très réelle. C’est une onde de choc. Ces endroits sont des lieux où se rassemblent des familles, avec leurs enfants. Ils se présentent un jour de culte et sont témoins de ces choses. C’est extrêmement bouleversant.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Cooper.
    Monsieur McKinnon, c’est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous, monsieur Gardee.
    Dans votre témoignage, vous avez parlé de l’importance du projet de loi C-305. Vous avez parlé de lieux sacrés, notamment des bâtiments. Je me demandais si vous aviez d’autres espaces à l’esprit, comme des parcs ou des espaces ouverts?
(1625)
    Je pense qu’il est important de reconnaître que la haine peut viser n’importe quoi. Et je comprends bien que vous voulez éviter d’avoir à dresser une liste de plus en plus longue d’endroits. Je pense que les lieux identifiés sont ceux qui sont le plus fréquemment visés, et je pense qu’ils doivent en effet être identifiés. Et cela évoluera en fonction de la situation, notamment du type de crimes commis. J’invite le Comité et le gouvernement à continuer de surveiller la situation, et, s’il faut y réfléchir à nouveau, de le faire.
    Il y a une préoccupation qui a été souvent exprimée, c’est que la description des bâtiments et des environnements connexes est assez large. Cela pourrait couvrir tous les espaces publics et tous les bâtiments publics du pays. Certains craignent que cela transforme toutes sortes de méfaits en crimes haineux, ce qui ferait grimper les statistiques des crimes haineux, mais ne ferait pas nécessairement grand-chose pour atténuer la fréquence de ces crimes.
    Qu’en pensez-vous?
    Je veux être sûr de comprendre. Est-ce que vous vous inquiétez que la définition soit trop large et soit applicable à toutes sortes d’espaces?
    À l’heure actuelle, ce serait applicable, semble-t-il en tout cas, aux hôtels de ville, aux aires publiques de tous ordres, utilisées de toutes les façons possibles, et aux parcs publics associés à ces activités, aux gymnases, aux écoles, bref tout ce qui est public.
    D’après ma lecture du projet de loi, les espaces qui seraient ajoutés à la définition sont clairs. Il s’agirait de lieux comme les centres communautaires, les foyers de personnes âgées, etc. Je n’y ai rien vu de ce que vous décrivez. Si ces espaces sont inclus, je pense qu’il faudrait effectivement en discuter. On ne veut pas dresser une liste trop importante qu’il faudra passer son temps à modifier, mais plutôt circonscrire les lieux où ces types de crimes sont le plus souvent commis.
    Je pense à l’alinéa 430(4.101)c), qui se lit comme suit:
de tout ou partie d’un bâtiment ou d’une structure servant principalement à la tenue d’activités ou d’événements à caractère administratif, social, culturel ou sportif — notamment un hôtel de ville, un centre communautaire, un terrain de jeu ou un aréna —, ou d’un objet lié à une telle activité…
    Et cela continue avec l’alinéa d), où il est question de résidences pour personnes âgées. Ces bâtiments et structures ou parties de structures ne sont nulle part associés à un organisme religieux de quelque confession que ce soit ni à un groupe ethnique ou racial quel qu’il soit. C’est donc très large d’après moi.
    Comprenez-vous ce que je veux dire et est-ce un problème d’après vous?
    Pour ce qui est des événements proprement dits, je crois qu’il faut tenir compte de différentes choses. Il faut tenir compte de l’endroit, mais aussi de la question de savoir si l’acte a été motivé par la haine.
    Supposons, par exemple, qu’un groupe de musulmans organise parfois des prières dans des endroits publics parce qu’il n’y a pas assez d’espace à la mosquée. Si un crime haineux est commis dans ce genre d’endroit et que quelqu’un a badigeonné « À bas les musulmans » ou quelque chose comme ça sur un mur d’un bâtiment non destiné à des activités religieuses, il faudra conclure qu’il y a là un lien s’il y a une relation explicite entre le crime, la motivation et le fait qu’un événement récent ait rassemblé dans cet endroit un grand nombre de membres d’un certain groupe.
    Je pense que la loi actuelle fait état des motivations. On y parle de crimes motivés par les préjugés, la haine, etc. Une sanction supplémentaire est prévue pour les cas où le crime vise un édifice religieux. Je pense qu’on estime donc que c’est beaucoup plus grave quand il s’agit d’un lieu de culte. C’est un méfait, c’est haineux, mais ce n’est pas nécessairement considéré comme un crime haineux tant que cela ne vise pas un certain type d’édifice. Cela élargirait considérablement la définition. D’après moi, ce qu’on veut vraiment dire, c’est que l’endroit importe peu du moment que le crime est publiquement visible au point qu’on peut en reconnaître la motivation, qu’il s’agisse de haine, de sectarisme, de préjugés, etc.
    Qu’en pensez-vous?
(1630)
    J’aurais tendance à être d’accord avec vous, à savoir qu’il faut pouvoir identifier les indicateurs de motivation d’un méfait pour tirer ce genre de conclusion. Je pense qu’il faut examiner les circonstances de l’incident pour, comme je l’ai dit, analyser le contexte et décider selon le cas.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Allez-y, monsieur MacGregor.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie d’être parmi nous aujourd’hui et j’apprécie que vous nous donniez votre point de vue éclairé, compte tenu de votre expérience de certains crimes haineux visant les musulmans, etc.
    Je voudrais parler d’une autre disposition du Code criminel. L’article 718.2 confère au juge une certaine latitude en lui permettant d’ajouter à la peine s’il estime que le crime est motivé par les préjugés ou la haine, compte tenu d’un certain nombre de facteurs identifiables, dont la religion.
    Est-ce que vous avez des exemples de jugements discrétionnaires de ce genre? Pouvez-vous nous donner certains renseignements à ce sujet? Est-ce que cette disposition accordant ce genre de latitude aux juges s’est révélée utile? Qu’en pensez-vous?
    D’accord.
    Pour préciser les choses, je suis venu ici aujourd’hui pour vous donner le point de vue d’une collectivité et non pas en tant que témoin versé en droit. Nous avons des avocats et des membres de notre personnel qui seraient en mesure de vous fournir une réponse plus approfondie concernant le Code criminel et la disposition dont vous parlez.
    Encore une fois, je crois qu’il est important, compte tenu des raisons pour lesquelles je suis venu vous parler au nom du CNMC, de rappeler que le projet de loi, cette modification au Code, est quelque chose que la majorité des musulmans canadiens seraient enclins à appuyer et à soutenir, en y trouvant un réconfort et en sachant que le gouvernement et le système judiciaire prennent des mesures concrètes pour enrayer ce phénomène croissant.
    J’en reviens au projet de loi C-305. Je pense que les questions de M. McKinnon résument très bien ce qui préoccupe le Comité.
    Un témoin antérieur a dit qu’il aimerait que ce projet de loi soit à la fois élargi et précisé, si cela veut dire quelque chose pour vous. L’une des questions soulevées à l’égard du vocabulaire de ce projet de loi a trait à l’expression « servant principalement », employée aux alinéas a) à d).
    J’aimerais avoir votre avis. Supposons qu’un bâtiment ne servant pas principalement à un certain groupe identifiable soit le lieu d’un rassemblement régulier de ce groupe une fois par mois. Le bâtiment sert également à d’autres activités. Souhaiteriez-vous que la formulation du projet de loi soit telle qu’elle saisisse également ce genre de situation? Est-ce que vous y seriez favorable? J’aimerais avoir votre avis, parce que nous essayons de faire avancer ce projet de loi.
    Je vous suis reconnaissant de comprendre le dilemme devant lequel nous nous trouvons. Comme je l’ai dit tout à l’heure, ce qui inquiète, c’est la multiplication et la propagation et la nécessité d’allonger la liste des endroits inclus dans la loi.
    Je voudrais rappeler encore une fois que la haine ne connaît généralement pas de limites et qu’elle vise tous les groupes. Les crimes haineux ne visent pas seulement les lieux de culte. Ils peuvent viser d’autres endroits, et c’est pour cette raison que je crois qu’il faut absolument tenir compte des marqueurs qui attestent une motivation de haine et s’en servir pour évaluer chaque situation.
    Même si un bâtiment ne sert pas principalement aux activités décrites dans le projet de loi, mais qu’il y sert occasionnellement, il est alors possible que le crime ait visé directement une certaine collectivité. Il faudrait donc, me semble-t-il, examiner sérieusement la situation dans ce cas.
(1635)
    Des témoins antérieurs, comme des représentants des LGBTQ, nous ont dit qu’ils n’ont jamais trouvé d’endroits sûrs pour se réunir et qu’ils se servent de locaux d’entreprises alliées, voire de certaines rues, lesquels ne sont pas vraiment prévus dans cette loi.
    Je pense que cela fait partie de notre dilemme. Ces endroits sont identifiables et associés à un groupe identifiable. Si quelqu’un décide de peindre des graffitis haineux visant précisément ce groupe, est-ce que cela devient un simple méfait contre les biens de la municipalité plutôt qu’un crime passible d’une peine plus lourde en vertu du projet de loi? Je m’interroge. Y a-t-il, selon vous et selon votre groupe, des espaces qui sont exclus de la loi et que nous devrions inclure tout en employant un vocabulaire plus précis? Vous comprenez ce qui nous préoccupe.
    Oui.
    Je pense que la situation des LGBTQ est un excellent exemple. Ils peuvent en effet être parfois associés à divers autres organismes, à des entreprises alliées, etc. et, par conséquent, être exposés plus largement. Je ne serais pas surpris de trouver le même genre d’arrangements dans d’autres collectivités confessionnelles ayant des relations avec d’autres types d’organisations et employant d’autres espaces susceptibles d’être visés eux aussi compte tenu de leur affiliation avec tel ou tel groupe.
    D’accord, merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Bittle...
    Sinon, puis-je poser quelques questions?
    Je vous en prie.
    Je veux d’abord vous remercier d’être venu nous voir aujourd’hui. Nous sommes heureux de vous avoir parmi nous. Je voudrais revenir à la question d’élargir ou de préciser les choses. L’un des problèmes soulevés par M. McKinnon et M. MacGregor est le champ d’application du projet de loi.
    Commençons donc par là. Êtes-vous d’accord avec l’intention du projet de loi, à savoir que l’on traite de la même façon une institution religieuse, un bâtiment communautaire destiné aux Noirs ou une institution de la collectivité gaie?
    Oui, nous sommes d’accord.
    Très bien.
    Êtes-vous d’accord si je vous dis qu’un événement survenu dans une mosquée, un centre communautaire musulman, un centre communautaire noir ou un centre communautaire gai — manifestement lié au groupe visé — est différent d’une attaque contre un hôtel de ville ou une aréna où il n’y…? Je ne parle pas des cas où une prière est organisée par des musulmans à l’hôtel de ville ou dans une aréna. Ces groupes n’ont pas acheté d’espace à ces endroits. Il s’agit d’une attaque contre un hôtel de ville ou une aréna. Voyez-vous une différence dans la façon dont des musulmans, des juifs ou d’autres groupes visés réagiraient à la représentation d’un swastika sur les murs d’un temple par opposition à sa représentation sur les murs d’un hôtel de ville?
    Il est évident que les lieux sacrés, comme je l’ai dit, ont une importance particulière dans le cœur et l’esprit de ceux qui les fréquentent. Mais je pense aussi que l’acte de haine — et c’est ce qu’est un swastika dessiné n’importe où — heurterait tout le monde. C’est choquant quel que soit l’endroit où ce symbole est peint. Je crois que nous devons surtout tenir compte de la haine et de la motivation de l’acte et que ce n’est pas nécessairement l’endroit en tant que tel qui importe.
    Je comprends bien, mais cette loi prévoit une peine de prison plus longue pour un méfait, ou une amende plus lourde pour un méfait, comparativement à d’autres. Comme l’a dit M. MacGregor, si un swastika est peint sur un mur de l’hôtel de ville, est-ce que cela ne devrait pas être considéré comme un facteur aggravant dans la détermination de la peine? Certains estiment qu’il faut limiter le nombre de bâtiments et de lieux dans la loi pour faire comprendre qu’on prend au sérieux le caractère sacré de ces lieux et qu’ils sont protégés. C’est pour cette raison que la loi actuelle ne prévoit de peine supplémentaire que pour les attaques contre des églises, des mosquées, des synagogues et autres lieux de culte. Mais vous semblez penser qu’on devrait élargir la définition de ces lieux, n’est-ce pas?
    Je pense qu’il faut y réfléchir et, comme je l’ai dit, tenir compte du contexte. Même s’il n’y a pas de lien direct avec une collectivité confessionnelle quelconque, beaucoup des employés de l’endroit peuvent appartenir à un certain groupe religieux. Le personnel de l’école de London dont j’ai parlé, en Ontario, compte beaucoup de gens d’horizons religieux divers, mais aussi beaucoup de nouveau-venus d’origine syrienne. Le message est troublant. Je pense qu’il faut tenir compte du contexte et du message et en tirer les conclusions qui conviennent.
(1640)
    Je comprends ce que vous dites: si, dans une école, un fort pourcentage d’employés appartient à une certaine religion, il peut y avoir un problème. Je comprends bien, mais, par ailleurs, il y a un nombre considérable de crimes qui seront désignés comme crimes haineux. Je me demande si vous pensez que c’est vraiment nécessaire. Encore une fois, je comprends bien, et je ne minimise pas les actes de vandalisme ou les méfaits perpétrés contre une école publique. Si j’essaie de circonscrire les choses en disant que, si un bâtiment, une propriété ou un endroit appartenant à l’un des groupes énumérés ou loué ou occupé par lui, il devrait être protégé, est-ce que ce ne serait pas suffisant?
    Est-ce que ce ne serait pas suffisant d’avoir ce seul facteur de limitation, mais que l’endroit devrait avoir un lien formel avec le groupe?
    Oui.
    Je dirais, là encore, que même si un bâtiment ou un endroit n’a pas de lien formel avec un groupe, cela n’empêchera pas des gens d’adhérer à ces idées et idéologies haineuses ni d’essayer de marginaliser et calomnier des groupes en fonction de l’idée qu’ils se font du lien qu’un endroit pourrait avoir avec l’un de ces groupes.
    D’accord, je vois.
    Passons à des questions courtes, si quelqu’un le souhaite.
    Monsieur Cooper.
    Simplement pour donner suite aux questions de M. Housefather et compte tenu de ce que vous nous avez dit, vous seriez donc en faveur d’une protection de tous les types de bâtiments. Vous ne faites pas de distinction du tout entre une école, une synagogue et une mosquée. Si le méfait est motivé par la haine et exprime de la haine, votre position est que, peu importe l’endroit visé, la loi devrait englober toute cette catégorie de méfaits. Est-ce bien votre position en gros?
    En effet. Il faut se rappeler, comme je l’ai dit, que ces crimes sont des messages et que le message est très bien entendu même si l’endroit visé n’est pas habituellement fréquenté par un certain groupe religieux. Il est très bien entendu par les gens visés, ainsi que par le reste de la société. Et ce message consolide l’ostracisation de certains groupes tout en créant un sentiment d’aliénation et de marginalisation dans ces groupes, même s’il n’y a pas de lien direct et formel avec l’endroit en question.
    Merci, je pense que c’est très clair pour tout le monde.
    Y a-t-il d’autres questions?
    Est-ce que tout le monde est d’accord pour que M. Mendicino pose une question?
    Je vous en prie, monsieur Mendicino.
    Merci, monsieur le président.
    Pour donner suite aux questions du président et de M. Cooper, les deux catégories qui semblent activer cette disposition de la loi sont le discours haineux et les bâtiments et structures.
    Selon ce que vous dites et compte tenu de ma compréhension de vos réponses aux questions du président et de M. Cooper, si nous ne définissons pas les catégories de structures, est-ce que cela ne risque pas de rendre la deuxième catégorie essentiellement inopérante? Quel intérêt y a-t-il à prévoir une quelconque catégorie dans ce cas?
    Je pose la question parce que, si on en revient à l’intention initiale du Parlement à l’égard de cette disposition, elle visait d’abord et précisément les bâtiments et structures qui sont manifestement et publiquement identifiables comme servant principalement à des fins religieuses, eh bien, des structures qui sont déjà là dans ces catégories explicites. Si on élimine cela, comment donner suite, selon vous, à l’intention initiale du législateur?
    Cela semblerait l’élargir et, à coup sûr, tenter de saisir plus que ce qui se passe effectivement. Si on garde les choses en l’état, il pourrait se produire des incidents ayant pour effet d’accroître le sentiment d’aliénation et de marginalisation de certains groupes, alors qu’il n’y a ni attention ni ressources accordées par le gouvernement, sous la forme de politiques, comme je l’ai dit dans mon exposé, pour lutter spécifiquement contre l’islamophobie, l’antisémitisme, le racisme, l’homophobie ou d’autres formes de xénophobie.
    J’ajoute que les politiques actuelles de promotion du multiculturalisme, de l’inclusion, etc., me semblent importantes à faire également entrer en ligne de compte.
(1645)
    Pour en revenir au début de ma question, est-ce qu’il serait opportun, selon vous, que les bâtiments et structures constituent un deuxième critère activant la disposition aux fins de la condamnation spécifique du discours haineux exprimé dans certains endroits liés à des groupes protégés identifiables à caractère religieux?
    Je pense que, effectivement, cela contribue à une certaine continuité, mais il faut aussi reconnaître que ces endroits ne sont pas les seuls visés et qu’il existe une tendance croissante à la xénophobie à l’égard de divers groupes. Actuellement, ce sont les musulmans qui sont visés, comme je l’ai dit. Mais, demain, ce sera un autre groupe. Si on ne tient pas compte de cela, on ne comprend pas ce qui se passe vraiment.
    En ce qui a trait aux autres groupes protégés, je ne sais pas si vous connaissez le Code criminel ou non, mais en vertu de l'article 718.2, un juge de première instance peut envisager d'autres principes de détermination de la peine, y compris à savoir si l'infraction est motivée ou non par la haine, en se fondant sur tous les autres groupes.
    Connaissez-vous cette disposition?
    Comme je l'ai dit, je ne viens pas du milieu juridique, mais je suis entouré d'avocats. Je pourrais sûrement revenir devant vous avec une meilleure réponse à votre question.
    D’accord.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Y a-t-il d'autres commentaires?
    Sinon, je vous remercie beaucoup d'être venus ici aujourd'hui. Nous vous en savons gré.
    Nous allons faire une courte pause en attendant le prochain témoin.

(1650)
    Mesdames et messieurs, nous allons reprendre nos travaux.
    Nous avons la chance de pouvoir accueillir M. Glenn Gilmour, avocat de la Section de la politique en matière de droit pénal au ministère de la Justice, qui est ici pour répondre aux questions du Comité concernant ce projet de loi.
    Monsieur Gilmour, nous vous souhaitons la bienvenue.
    Avez-vous une déclaration à faire avant de répondre à nos questions?
    J’ai quelques déclarations à faire pour mémoire.
    Je vous en prie.
    J’aurais pu d’abord faire une brève leçon d'histoire pour les gens autour de la table, mais j’ai pensé plutôt commencer en discutant de la disposition traitant de la détermination de la peine, au sous-alinéa 718.2a)(i) du Code criminel.
    Cette disposition a été élaborée en 1995 sous le gouvernement libéral de Jean Chrétien. Je crois qu’elle remplissait une promesse électorale de 1993. J’aimerais citer un extrait d’une déclaration d’Allan Rock datant de cette période. De passage devant le Comité permanent de la justice et des questions juridiques en 1994, il a discuté de la disposition sur la détermination de la peine relativement aux crimes haineux proposée dans le projet de loi à l'époque, qui a par la suite abouti au sous-alinéa 718.2a)(i). Il a dit:
Pourquoi existe-t-elle? Nous sommes tous conscients de l'augmentation effroyable de l'incidence des crimes haineux dans notre société dans les dernières années. Tous les partis ayant présenté des candidats aux dernières élections ont exprimé leur inquiétude face à ce phénomène. Nous sommes tous d’accord, tous partis confondus, pour dire que les crimes haineux ne peuvent être tolérés dans la société canadienne.

Elle représente certains engagements que le gouvernement dont je fais partie a pris pendant la campagne électorale et depuis ce temps. Elle existe parce que B'nai Brith, par exemple, a signalé au ministère de la Justice qu'il existe actuellement une quarantaine de groupes haineux organisés au Canada qui travaillent activement tous les jours de la semaine.
    Il poursuit ainsi:
Quand quelqu'un, sur ma propriété, peint des graffitis sur le côté de ma maison, il commet un crime qui doit être considéré comme tel. Je suis la victime. Mais si, sur le terrain d'une synagogue, il peint une croix gammée sur le côté du mur, son attaque n'est pas seulement dirigée contre ce bien et ce propriétaire; elle vise la religion juive dans son ensemble. Toutes les personnes de religion juive sont ainsi intimidées et deviennent plus vulnérables par le fait même. C'est ce qui distingue les crimes motivés par la haine…
    … vraisemblablement d'autres crimes ordinaires qui ne sont pas motivés de cette façon.
    J'aimerais verser cette déclaration pour mémoire afin d’indiquer que la disposition sur la détermination de la peine a été promulguée en 1995 puisque, de l’opinion générale, le Canada devait adopter une loi spéciale pour lutter contre les crimes motivés par la haine et dénoncer plus vigoureusement la gravité de ces crimes.
    En conséquence, le sous-alinéa 718.2a)(i) se lit comme suit:
Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants:

a) la peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du délinquant; sont notamment considérées comme des circonstances aggravantes des éléments de preuve établissant:

(i) que l’infraction est motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur des facteurs tels que la race, l’origine nationale ou ethnique, la langue, la couleur, la religion, le sexe, l’âge, la déficience mentale ou physique ou l’orientation sexuelle,
    Voici donc une très solide disposition de détermination de la peine qui a été ajoutée d’abord en 1995 au Code criminel. Les préoccupations à l’origine de cet ajout reflètent très fidèlement les préoccupations exprimées par certains témoins qui ont comparu devant le Comité.
    La modification suivante a été la création du paragraphe 430(4.1) du Code criminel, l’actuelle disposition relative aux crimes haineux de méfaits dirigés contre des biens « servant principalement au culte religieux ». Ces crimes sont motivés par la haine fondée sur divers critères.
    Cette infraction a été restreinte à la notion de protection des biens servant principalement au culte religieux, étant donné que l'on estimait que ce genre de méfait en particulier créerait un effet dissuasif sur ceux qui voulaient pratiquer leur religion. En conséquence, la disposition a été conçue expressément pour protéger ce genre de biens, et non pas tout autre type de bien même si, au moment où le projet de loi, qui faisait partie de la Loi antiterroriste de 2001, était débattu au Parlement, certaines organisations qui ont comparu devant la Chambre des communes et le Sénat ont fait valoir qu'elle devrait être élargie pour inclure d'autres types de biens.
    J'aimerais rectifier ce qui me semble être une idée fausse qui a été exprimée dans le cadre du témoignage présenté l'autre jour par M. Arya. Une question a été posée au sujet d'un acte de vandalisme contre une maison de culte, et de la peine d’emprisonnement maximale de 10 ans dont cet acte est passible. Si une communauté juive a déclaré avoir été vandalisée, la peine maximale d’emprisonnement serait de deux ans. Afin de dissiper tout malentendu, j’aimerais préciser que c'est inexact. En vertu du Code criminel, l'infraction générale de méfait peut donner lieu à une poursuite par voie de mise en accusation assortie d’une peine maximale d’emprisonnement de 10 ans ou simplement par voie de déclaration de culpabilité par procédure sommaire, avec une peine d’emprisonnement maximale de deux ans.
(1655)
     Le choix de procéder par mise en accusation ou par procédure sommaire ne dépend pas de la valeur des dommages causés aux biens, mais plutôt de la valeur des biens proprement dite. En vertu de l'infraction générale de méfait, si je devais vandaliser une maison, en supposant que la plupart des logements coûtent actuellement plus de 5 000 $ ou moins, c’est l'infraction générale de méfait, qui est assortie d’une peine d’emprisonnement maximale de 10 ans, qui s’appliquerait. La même peine est proposée dans le projet de loi d'initiative parlementaire C-305. C'est aussi la même peine qui est imposée à l’heure actuelle relativement à l'infraction de méfait de crime haineux.
    Je tiens également à mentionner brièvement qu’il a été question de certaines statistiques publiées ces dernières années au sujet des crimes motivés par la haine. Selon mon analyse du témoignage, les statistiques les plus récentes citées pour le Comité dataient de 2013. En fait, Statistique Canada a publié l'année dernière un tableau de statistiques sur les crimes haineux pour l'année 2014. Ce n'était qu’un tableau, et non un rapport régulier avec analyse. Selon ces tableaux, en 2014, 1 295 crimes haineux en tout ont été déclarés à la police, suivant des rapports remis par la police à Statistique Canada. En ce qui concerne les violations du droit pénal, 1 170 infractions ont été classées parmi les crimes haineux par la police. De ce nombre, 523 ont été des méfaits, et 89 ont été des méfaits motivés par la haine à l’égard de biens religieux.
    Je tenais simplement à signaler ces faits particuliers au Comité.
    Merci beaucoup pour ces commentaires.
    J’aimerais seulement apporter une précision à votre correction. La différence, si je comprends bien, c'est que dans une déclaration de culpabilité par procédure sommaire, si le méfait est commis à l’égard de biens religieux, c'est une infraction passible de 18 mois d’emprisonnement, et une peine maximale de seulement six mois si c'est un bien évalué à plus de 5 000 $.
    Je crois que l’infraction de méfait motivé par la haine, dans son libellé actuel, donnerait lieu à une peine maximale de 10 ans de prison.
    Mais la peine minimale est de six mois dans un cas, et de 18 mois dans l’autre, n’est-ce pas?
    C'est cela.
    C’est la seule distinction, essentiellement…
    C’est la seule distinction.
     … la peine minimale est de six mois dans un cas et de 18 mois dans l’autre.
    Pour ce qui est de la peine minimale, c’est exact.
    D’accord. C'est la seule explication logique de la distinction parce que, comme vous l'avez dit, presque tous les biens sont évalués à plus de 5 000 $. La seule distinction concerne donc la peine minimale imposée sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
    C’est la peine maximale sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
    La peine maximale...? Je croyais que c’était la peine minimale.
    Non, c'est la peine maximale sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Il y a deux façons de voir les choses. Si vous faites l'objet d'une déclaration de culpabilité par procédure sommaire, vous aurez une peine de six mois, et si vous faites l’objet d’un acte d'accusation, cette peine sera de 10 ans.
    La distinction établit que la peine maximale à laquelle vous vous exposez si vous avez fait l'objet d'une déclaration de culpabilité par procédure sommaire est de deux ans. Il n'y a pas de peine minimale pour l'infraction poursuivie par voie de déclaration de culpabilité par procédure sommaire. C'est la peine maximale qui s'applique à une déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
    Il y a donc cette différence. Mais en ce qui concerne les dommages infligés à une structure comme un bâtiment, je tenais simplement à m’assurer que les gens comprennent qu’ils relèveraient de l'infraction générale de méfait passible d’une peine plus élevée.
    C'est compris.
    Pouvez-vous revenir à... parce que j’aimerais m’assurer de bien comprendre la distinction. Si j’ai bien compris, la distinction réside dans les 18 mois, plutôt que six mois, et c'est à peu près tout.
    Oui, c’est à peu près tout.
    D'accord.
    Merci beaucoup.
    Passons maintenant aux questions. Ceux qui ont des questions à poser au ministère de la Justice, veuillez lever la main.
    Allez-y, monsieur McKinnon.
(1700)
    Je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
    Le problème que nous débattons consiste à savoir si nous pouvons élargir la portée de manière à couvrir des espaces ou des lieux qui sont principalement associés à des groupes autres que des organisations religieuses, comme des groupes de défense des droits LGBT, des groupes raciaux, des groupes ethniques, et ainsi de suite. Je comprends que la restriction aux groupes religieux à ce stade vise à établir la limite entre un discours haineux, qui n'est qu’une forme de liberté d'expression, et un discours qui est élevé à un niveau supérieur en ciblant par exemple le symbole de base d'une religion.
    Nous aimerions trouver un moyen, un genre de libellé qui nous permettrait d'étendre ce genre de traitement aux groupes ethniques, aux groupes raciaux, aux groupes LGBT, et ainsi de suite. Pouvez-vous nous dire comment y arriver?
    Je ne peux pas vous préciser la position actuelle du gouvernement sur le projet de loi. Il ne m’appartient pas de le faire, mais je peux peut-être quand même vous éclairer au moyen de quelques observations.
    Comme je l'ai mentionné, le sous-alinéa 718.2a)(i) du Code criminel, la disposition sur la détermination de la peine, est très vaste. Même en vertu de la loi actuelle, sans l'entrée en vigueur du projet de loi C-305, si des méfaits étaient commis contre un espace de la communauté LGBTQ +, ils relèveraient de la disposition sur la détermination de la peine s’appliquant aux crimes haineux, en supposant que les personnes ayant commis les actes de vandalisme ont été capturées, accusées, poursuivies et reconnues coupables au-delà de tout doute raisonnable d'avoir commis le méfait motivé par la haine.
     Vous vous demandez peut-être quelles seraient les répercussions de l’élargissement de l’infraction de méfait motivée par la haine sur la disposition sur la détermination de la peine pour crime haineux prévue dans le Code criminel. Dans l’ensemble, les infractions criminelles sont conçues comme étant de nature très générale et de très large portée, comme dans le cas de voies de fait ou de voies de fait causant des lésions corporelles, et des facteurs particuliers qui entrent en jeu pour déterminer si la peine doit être relativement légère ou plus élevée doivent être pris en considération lors de la détermination de la peine par le juge. Ainsi, dans une certaine mesure, l'élargissement de la portée du projet de loi C-305 pour inclure tous les autres motifs ou biens s’éloigne de la façon dont les infractions criminelles sont habituellement conçues, à savoir un crime de nature très large et la prise en compte des facteurs au moment de la détermination de la peine.
    Le Parlement peut évidemment déterminer, en toute sagesse, ce qu'il souhaite faire, mais il est raisonnable de se demander quels effets un tel élargissement pourrait avoir sur la disposition du Code criminel relative à la détermination de la peine pour un crime motivé par la haine, à savoir la disposition du Code criminel initialement instaurée en 1995 pour les crimes motivés par la haine.
    J'espère avoir répondu à votre question.
    Êtes-vous en train de me dire, monsieur, que si nous élargissons la disposition comme nous l’envisageons, afin d'inclure d'autres bâtiments et d’autres genres de biens, cela nuira à notre capacité de déterminer les peines de crimes motivés par la haine?
    En fait, la disposition sur la détermination de la peine liée aux crimes haineux s'applique à tous les crimes visés par le Code criminel, y compris les crimes de violence et les crimes contre la propriété. Sur le plan conceptuel, plus on élargit un crime en particulier dans un domaine déjà couvert par une disposition en vigueur du Code criminel, plus il y a lieu de se demander quels seront les effets. Je ne sais pas quel serait l'effet, mais l’élargissement pourrait-il avoir pour effet d'assouplir la disposition sur la détermination de la peine pour crime haineux? Je n’en suis pas tout à fait sûr, mais je sais qu’en 2014, et vous devriez en tenir compte, la Law Commission du Royaume-Uni a publié un rapport intitulé Hate Crime: Should the Current Offences be Extended?.
     Ils ont là-bas certains crimes haineux en particulier mais ils ont aussi, comme nous, une disposition portant sur la détermination de la peine. L'une des questions soulevées dans le rapport visait à déterminer si l'élargissement des facteurs aggravants aurait des effets dissuasifs potentiels. Je crois que selon l'un des arguments qui ont été parfois soulevés autour de cette table, l’élargissement de la portée des crimes haineux dans ce domaine pourrait avoir un effet dissuasif positif. Cette commission a donc cherché à déterminer si l'élargissement des infractions aurait un effet dissuasif plus important que les formes d'infraction sans facteurs aggravants équivalentes déjà en place. Dans la discussion à ce sujet, on trouve le passage suivant:

Il existe un doute important quant aux effets directs et aux effets dissuasifs généraux des infractions criminelles, à leur création, aux poursuites ou aux sanctions auxquelles elles donnent lieu. Nous considérons que l'attribution d’un effet dissuasif direct à l'élargissement des infractions avec facteurs aggravants pourrait soulever un doute encore plus grand du fait que la conduite en question est déjà criminelle. Les personnes qui ont tendance, pour des raisons d'hostilité à l'égard du handicap, de l'orientation sexuelle ou de l'identité transgenre d’une victime, à commettre une des infractions susceptibles d'être assorties de facteurs aggravants ne seraient probablement pas dissuadées simplement parce qu'une nouvelle infraction a été créée et est passible d’une peine plus élevée ou est accompagnée de « facteurs aggravants ».
    On fournit ensuite un peu plus de détails, en comparant la création d'un crime haineux avec facteurs aggravants et en examinant les dispositions générales en matière de détermination de la peine prévues dans les lois britanniques ou du Royaume-Uni.
    Vous pourriez donc jeter un coup d'oeil à ce rapport en vue de vos délibérations. Il est disponible sur Internet; il suffit de taper « Law Commission hate crime » dans un moteur de recherche.
(1705)
    Merci beaucoup.
    M. MacGregor est le prochain, et il sera suivi de M. Bittle.
    Monsieur Gilmour, je vous remercie d'être venu aujourd'hui et d'avoir fourni cette analyse technique fort utile du projet de loi.
    Vous avez peut-être déjà un peu répondu à ma question dans votre réponse à M. McKinnon. Est-il préférable, du point de vue de la politique, de cibler un comportement ou l'endroit où ce comportement se produit? Vous avez déjà mentionné qu’en vertu de l'article 718.2, les juges ont le pouvoir discrétionnaire de majorer une peine pour tout type d'infraction, si elle est motivée par un préjugé ou par la haine contre un groupe identifiable.
    Si quelqu'un commet aujourd'hui des méfaits qui peuvent clairement être définis comme étant motivés par la haine contre un groupe identifiable, j’en déduis que l'article 718.2 permet à un juge d’imposer une peine beaucoup plus élevée que s’il n’y avait pas eu cette motivation.
    Si je comprends bien le sous-alinéa 718.2a)(i), il ne s'agit pas d'un pouvoir discrétionnaire du juge. On y précise que le tribunal détermine la peine « compte tenu également » de certains principes.
    D'accord.
    Cela ne modifie pas la peine maximale qui s'applique à ce crime en particulier. Cela signifie que le juge doit tenir compte de ce facteur lorsqu'il détermine, dans la fourchette inscrite en droit criminel jusqu'à la peine maximale déjà prévue, à quel niveau la peine doit s’établir. Si l’infraction est motivée par la haine, le juge en tiendrait compte en alourdissant la peine qu’il aurait autrement imposée si le méfait n'avait pas été motivé par la haine.
    C’est ainsi que la disposition doit être appliquée. Elle n’alourdit pas la peine maximale prévue pour le crime.
    Je vous remercie.
    En ce qui concerne le libellé actuel du projet de loi C-305, si vous examinez les alinéas a) à d) du paragraphe 430(4.101) proposé, des témoins ont parlé de l'utilisation de l'expression « servant principalement ». L'utilisation de cette expression risque-t-elle de poser problème en excluant certains types de biens, ou serait-il préférable selon vous de modifier ce libellé pour le rendre plus exhaustif?
    Une grande partie des débats de ce comité ont porté jusqu'ici sur le libellé, à savoir si nous devons l'élargir tout en le rendant plus précis. Si vous pouvez nous aider à réaliser notre objectif, nous vous en saurons gré.
(1710)
    Comme vous le dites, je ne suis pas en mesure pour l’instant de commenter la position du gouvernement sur le projet de loi, mais je peux parler de l'effet.
    Oui, de l’effet de cette formulation.
    Pour l’instant, vous avez raison de dire que le libellé de l'alinéa a) est fondamentalement le même que celui de l'infraction de méfait motivée par la haine dans sa forme actuelle, soit « servant principalement au culte religieux ». J'imagine qu'en rédigeant les alinéas b), c) et d), les rédacteurs de ce projet de loi ont décidé d'utiliser la même terminologie pour les parties restantes; ainsi, à l'alinéa b), il s'agirait d'un bâtiment servant principalement d’établissement d'enseignement, notamment une université ou un collège communautaire.
    Si l'on devait supprimer « principalement » et dire simplement « servant », cela élargirait considérablement la portée de la disposition, car l'utilisation principale du bâtiment importerait peu; il serait alors plus important de déterminer son utilisation au moment où le méfait a été commis.
    Il en va de même pour les autres alinéas. La suppression du terme « principalement » pour simplement utiliser le terme « servant » élargirait assurément les types de bâtiments qui seraient protégés par le projet de loi.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais poser des questions sur les fondements de l'argument que vous avez présenté. Vous avez commencé par la justification de 1995 qui sous-tend le projet de loi. Je comprends que c'était une promesse libérale à tenir.
    Ce n’était clairement pas le cas.
    Des députés: Oh, oh!
    Cela dit, cela fait maintenant 22 ans. Si nous tenons compte du point de vue du public et celui du Parlement, surtout en ce qui concerne la population LGBTQ, et comparons 1995 à maintenant, pourquoi nous arrimons-nous à l'opinion publique et à la position du Parlement de cette époque? Je vais vous donner un exemple. Vous avez mentionné qu'il s'agit d'une infraction unique et que le droit pénal a tendance à être plus général, mais un policier spécialisé dans les crimes motivés par la haine vient de nous apprendre qu’il y a eu, si je me souviens bien, 26 ou 28 homicides à Ottawa l'année dernière et que les gens en ont été bouleversés. Une série de crimes haineux ont cependant été commis pendant une période de deux semaines, et il y a eu des réunions publiques et les gens étaient terrifiés. Les crimes haineux semblent susceptibles d’ébranler une collectivité dans son coeur même, encore plus que les homicides, et même si cela semble irrationnel, c'est la réalité.
    Pourquoi devrions-nous continuer à nous ancrer dans cette logique, étant donné l’évolution de la société et la nature unique de cette infraction?
    Ma réponse à cette question serait, en partie, liée au projet de loi C-16, le projet de loi actuellement devant le Sénat visant à élargir non seulement la définition de « groupe identifiable » mais aussi à modifier la disposition du Code criminel sur la détermination de la peine afin d’y ajouter à la fois l'identité de genre et l'expression de genre. En ce sens, la disposition sur la détermination de la peine pour un crime motivé par la haine, une fois le projet de loi C-16 adopté, refléterait la réflexion actuelle du Parlement sur la nécessité de protéger des groupes qui ne l'étaient pas auparavant.
    J’aimerais aussi mentionner que le projet de loi C-305 ne porte que sur les méfaits motivés par la haine commis à l'égard de divers groupes. Il ne met pas l'accent sur la violence contre les personnes lorsque cette violence est motivée par la haine fondée sur divers critères, comme l'orientation sexuelle, l'identité de genre ou l'expression de genre. La loi actuelle prévoit que, pour ce genre d'incidents, comme des voies de fait ou des voies de fait causant des lésions corporelles, la disposition de détermination de la peine prévue au sous-alinéa 718.2a)(i) du Code criminel est invoquée pour dénoncer et punir ce comportement comme il se doit, mais ce n’est pas ce que fait le projet de loi C-305.
(1715)
    Merci.
    Puis-je poursuivre, avant de passer à M. Cooper?
    Je voudrais revenir à la question de M. Bittle, parce que je trouve que c'est une bonne question. Selon ce que vous dites, il semble que toute cette notion de protection d’une certaine catégorie de bâtiments n'est probablement pas la meilleure idée, mais elle existe néanmoins. On prévoit une protection spéciale, qui entraîne une peine maximale de 18 mois au lieu de six mois, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, en ce qui concerne les dommages causés à ce type de biens. Nous ne traitons que des méfaits à l’heure actuelle. Nous ne traitons pas d'autres types de crimes haineux.
    Vous avez parlé de la justification initiale invoquée par le Parlement il y a de cela de nombreuses années. Les parlementaires croyaient qu'il y aurait un effet dissuasif sur la pratique religieuse, et c'est la raison pour laquelle ils ont ciblé les lieux de culte. Comment le ciblage de lieux de culte...? Par exemple, en tant que juif, je ne sais pas si je réagirais différemment, qu'il s'agisse d'une attaque contre une synagogue ou un temple, plutôt que contre un centre communautaire juif ou une école juive. Pour quelle raison exclurait-on un centre communautaire juif et une école juive, ou un centre communautaire mennonite et une école mennonite plutôt que l'église? Je ne comprends pas.
    Si j’ai bien compris, la disposition a été initialement limitée aux biens servant principalement au culte religieux parce qu’elle était, en particulier, susceptible de faire obstacle à la liberté de religion accordée par la Charte. En un sens, elle était liée à la liberté d'expression prévue dans la Charte. Vous avez entièrement raison, en ce qui concerne ce que ressent une communauté, de dire que si un centre communautaire juif est attaqué, de nombreux témoignages nous ont confirmé que l'impact sur cette collectivité est le même que si c’est une synagogue qui est attaquée. Je ne conteste pas du tout cela. Évidemment, en fin de compte, c'est à vous en tant que parlementaires qu'il appartient de décider s'il y a lieu de modifier la justification initiale de la loi que nous avons aujourd’hui en une disposition de plus large portée.
    Exactement.
     Je vais donner suite au commentaire de M. Bittle et ensuite céder la parole à M. Cooper. En 1995, les homosexuels ne pouvaient pas se marier dans ce pays, et les personnes transgenres n'avaient aucun droit. Peut-être considérons-nous aujourd'hui que les membres de la communauté gaie ont le droit de se sentir en sécurité dans leurs bâtiments, tout comme les membres d'une communauté religieuse ou d'une communauté raciale. La justification a peut-être changé parce que la façon dont les crimes de haine sont commis de nos jours a peut-être changé, et notre perception des droits de ces groupes a peut-être changé, et c'est pourquoi nous nous penchons sur le projet de loi C-16.
    Quoi qu'il en soit, ce n’est que mon opinion.
    Monsieur Cooper.
    Vous devez lire dans mes pensées, puisque c’est exactement la question que j’allais poser.
    Merci.
    Monsieur Bissonette.
    Monsieur Boissonnault, pardon. Je suis désolé.
    Ce n'est pas grave. Nous supprimerons le « o » pendant un moment et nous le ramènerons ensuite.
    Merci beaucoup. Je vous remercie d'avoir précisé nos intentions devant le Comité de la justice.
    J'ai quelques questions sur la façon dont nous allons procéder. Comment pourrions-nous nous assurer que l'expression de genre est protégée dans cette loi? Puisque je constate que cette protection n'est pas expressément incluse, j’aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Je vais vous donner deux exemples concrets. Chaque mois à Edmonton, un événement réunit les membres de la communauté LGBTQ2 dans un lieu toujours différent. Cela peut être au Citadel Theatre, au Yardbird Suite, et le week-end dernier, c'était au bar Needle Vinyl, sur l'avenue Jasper.
    Les gens apprennent les détails sur les réseaux sociaux; les gens de la communauté savent où nous trouver. Où dans la loi pourrions-nous prévoir une disposition précisant qu’en cas de méfait commis pendant un rassemblement de la communauté gaie, les forces policières peuvent arrêter et accuser les contrevenants, s’ils les attrapent?
    La même chose s'appliquerait à un bâtiment qu’une communauté juive ou musulmane utiliserait temporairement, mais régulièrement. Si des méfaits sont commis à ce moment-là, comment pouvons-nous veiller à ce qu’ils soient couverts, et faire en sorte que la disposition ne s’applique pas seulement aux bâtiments qui appartiennent à l'organisation, et qu’elle utilise toujours, mais aussi aux lieux utilisés temporairement, voire périodiquement, par des collectivités marginalisées ou ciblées?
    J'ai quelques commentaires.
     J’aimerais simplement rappeler que, même en vertu de la loi actuelle, sans le projet de loi C-305, ce genre d'incidents pourrait relever de la disposition sur la détermination de la peine prévue au sous-alinéa 718.2a)(i).
    Si les parlementaires veulent élargir la portée du projet de loi de sorte que l'utilisation temporaire, plutôt que l'utilisation à long terme ou principale d'un bâtiment, par exemple, par la communauté LGBTQ, soit englobée, il me semble qu'il faudrait modifier les dispositions « servant principalement au ». Le champ d'application est plus large. Disons que vous êtes dans un bar et qu’un méfait est commis contre ce bar parce qu'il s’y trouve des membres de la communauté gaie. À mon avis, dans sa forme actuelle, le projet de loi ne couvre pas ces situations.
    Comme je l'ai indiqué, ce cas relèverait de la disposition sur la détermination de la peine pour un crime motivé par la haine en vertu de l'infraction générale de méfait, puisqu’il est à supposer qu’un bar a une valeur supérieure à 5 000 $.
(1720)
    C'est intéressant.
    Je pense qu'il faut rappeler pour mémoire que la communauté se retrouve en difficulté, non seulement dans ma ville, mais partout au pays, puisque lorsqu'un tel incident se produit, la police n'est pas toujours bien placée pour considérer cet incident comme un méfait, par rapport à un crime haineux. Ce genre de situation n’atteint pas un seuil suffisant pour être considérée comme un crime haineux, de sorte que l’affaire reste sans suite.
    Si nous pouvions modifier la disposition « servant principalement au », cela élargirait les possibilités et permettrait à la police de déposer des accusations de méfait, et pas nécessairement de crime haineux
    C'est donc utile, et je le comprends.
    Pour ce qui est de l'expression de genre, ne suffit-il pas de l'ajouter après l'identité de genre?
     Comme vous le savez, le projet de loi C-16 renvoie à l'identité de genre et à l'expression de genre. Dans la mesure où ce projet de loi vise uniquement l'identité de genre, il ne correspond pas à la loi actuellement débattue au Sénat, qui a déjà été approuvée par la Chambre. Le gouvernement est sûrement conscient de cette incohérence.
    Merci beaucoup. J’apprécie cette précision.
    Merci.
    Y a-t-il d’autres questions?
    S’il n’y en a pas, je vous remercie tous d’être venus témoigner ici aujourd’hui.
    Merci.
    C'est très apprécié.
    J'aimerais que les membres du Comité restent ici un instant. Je veux simplement passer l’horaire en revue avec tout le monde.
    En gros, nous avons prévu faire l’examen article par article le mardi 7 mars, lorsque nous reviendrons, ce qui signifierait que la date limite pour les amendements serait le jeudi 2 mars à 17 heures. Tout le monde est toujours d’accord, ou voulons-nous reporter certains travaux? Vos horaires vous le permettent? Sinon, nous pourrions attendre au jeudi et nous donner plus de temps. C'est comme vous voulez.
    Le jeudi serait probablement préférable, n’est-ce pas?
    Nous allons donc reporter ces travaux au jeudi, et remettre la date limite au mardi?
    Exactement.
    Il n’y aura donc pas de réunion mardi, et nous procéderons à l’examen article par article jeudi. Tous sont d’accord? Nous aurons ainsi plus de temps.
    Des députés: D'accord.
    Le président: C’est donc ce que nous ferons.
    Je vous remercie tous.
    La séance est levée.
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