JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la justice et des droits de la personne
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 21 février 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bienvenue à tous. Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne au cours de laquelle nous poursuivrons notre étude du projet de loi C-305, Loi modifiant le Code criminel (méfait).
Je veux profiter de l'occasion pour souhaiter la bienvenue à M. Arnold et Mme Sgro qui en sont à leur première participation aux activités de notre comité.
C'est un plaisir de vous avoir tous les deux parmi nous.
C'est également un plaisir d'accueillir nos deux témoins d'aujourd'hui. Nous recevons ainsi M. Michael Mostyn, directeur général de B'nai Brith Canada.
Bienvenue, monsieur Mostyn.
Nous souhaitons également la bienvenue à M. Richard Marceau, avocat-conseil et conseiller politique principal du Centre consultatif des relations juives et israéliennes.
[Français]
Monsieur Marceau, c'est un grand plaisir de vous accueillir.
[Traduction]
Tel que convenu tout à l'heure, nous allons débuter par M. Mostyn.
Vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
Fondée en 1875, B'nai Brith est la plus ancienne organisation juive composée de membres au Canada.
Par le truchement de sa ligue pour les droits de la personne, B'nai Brith est le principal regroupement défendant les droits de la communauté juive au pays.
L'organisation offre un service téléphonique d'aide aux victimes d'antisémitisme et de racisme au quotidien.
Nous sommes ici aujourd'hui pour discuter du projet de loi C-305 qui vise à combler une lacune dans le Code criminel en étendant la protection juridique dont jouissent les lieux de culte relativement aux méfaits à un large éventail d'autres structures essentielles à notre vie communautaire.
Il est très difficile de trouver des statistiques pertinentes à ce sujet, et la jurisprudence concernant le traitement juridique des méfaits motivés par la haine n'est pas très claire. J'y reviendrai d'ailleurs tout à l'heure.
Il ne fait aucun doute que c'est un projet de loi rempli de bonnes intentions. Il est d'ailleurs fort réconfortant de constater qu'il a obtenu le soutien de tous les partis qui se liguent ainsi contre le sectarisme haineux qui fait de plus en plus la manchette depuis quelques mois. En outre, la variété des origines des groupes qui se sont prononcés en faveur de ce projet de loi est un reflet fidèle de la nature multiculturelle de notre grand pays.
Dans le même ordre d'idées, la communauté juive a toujours réclamé des lois très strictes afin de protéger les Canadiens de toute origine contre les propagandistes de la haine. Bien que cela puisse sembler difficile à croire compte tenu de notre présence relativement réduite au Canada, la communauté juive demeure celle qui est la plus ciblée par des crimes haineux dans notre pays. Selon les données de Statistique Canada pour 2013, les corps policiers ont signalé 180 crimes haineux ciblant des juifs, ce qui correspond à un taux de 54,9 crimes par tranche de 100 000 personnes. En comparaison, la police a signalé 65 crimes haineux à l'encontre de musulmans en 2013, soit un taux de 6,2 crimes par 100 000 personnes.
Étant donné qu'ils étaient 350 000 à vivre au Canada en 2013 alors que l'on recensait environ un million de musulmans au pays, les juifs canadiens étaient, si l'on tient compte des tailles respectives des deux communautés, environ huit fois plus susceptibles que les musulmans d'être victimes d'un crime haineux.
Notre suivi annuel des incidents ciblant des juifs nous permet de constater que l'antisémitisme est demeuré relativement constant au Canada depuis 2011. Alors qu'aucun conflit actif n'avait cours en Israël en 2015, 1 277 incidents semblables ont été signalés. Avec 136 incidents seulement, le vandalisme a atteint un plancher record pour les 15 dernières années, très loin de la moyenne établie sur cinq ans.
Pas plus tard qu'hier à Toronto, l'antisémitisme a sévi dans un immeuble en copropriété où vivent de nombreux juifs. Des notes ont été collées à la porte de plusieurs appartements. On y trouvait dans certains cas des représentations du swastika nazi, alors qu'on pouvait lire sur d'autres: « Interdit aux juifs ». La mézouza de certains résidants a été volée. La mézouza est un boîtier fixé au montant de la porte de chaque résidence juive où l'on place des prières provenant de la torah.
Il faut toutefois dire que, même avec les amendements proposés dans le projet de loi C-305, ce genre de méfait haineux ne serait pas visé par les nouvelles dispositions de la loi, car un immeuble en copropriété privée ne fait pas partie des biens que l'on souhaite cibler. C'est d'ailleurs peut-être un élément qui distingue les juifs; la mézouza est un élément d'auto-identification religieuse présent en permanence à leur domicile. On pourrait cependant facilement faire valoir qu'un crime haineux commis à la résidence d'une personne est encore plus traumatisant pour la victime qu'un méfait qui touche un établissement communautaire.
Dans une affaire récente, B'nai Brith n'a pas eu gain de cause en réclamant le dépôt d'accusations à la suite d'un autre acte malveillant à l'encontre de notre communauté. Des membres de l'organisation Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient (CJPMO) ont apposé des autocollants en faveur d'un boycott d'Israël sur des articles en vente dans des commerces de différentes régions du Canada, un cas patent de stigmatisation fondée sur l'origine ethnique. Aucune accusation de méfait n'a été portée jusqu'à maintenant bien que les gens des CJPMO aient eux-mêmes filmé leurs gestes, une preuve vidéo qui nous a incités à porter plainte à la police. Nous avons d'ailleurs écrit au gouvernement fédéral à ce sujet et nous attendons toujours une réponse.
La police nous a dit avoir les mains liées en l'absence d'une plainte logée par les propriétaires de magasin eux-mêmes, mais nous ne sommes pas d'accord. Même si le propriétaire est la victime directe de ces agissements, c'est toute la communauté juive canadienne qui en souffre. Les intérêts de notre communauté n'ont malheureusement pas été pris en compte dans ce dossier.
Il n'est pas suffisant pour nous de réclamer que justice soit faite. Il faut également au bout du compte que tous les Canadiens puissent constater que justice a été faite de telle sorte que notre système de justice pénale puisse continuer de bénéficier d'un soutien bien ancré au sein de notre société.
Depuis longtemps déjà, le Code criminel canadien prévoit différentes infractions pouvant s'appliquer aux cas de crimes haineux d'une manière générale. Il y a crime haineux au Canada si les agissements d'une personne visent à intimider, léser ou terrifier non seulement une personne, mais aussi le groupe auquel elle peut appartenir. Les gestes posés doivent être motivés par la haine; ils peuvent inclure l'intimidation, le harcèlement, les voies de fait et les menaces de recours à la force physique.
En février 2016, B'nai Brith a dénoncé un éditorial paru dans Al Forqan, un journal arabophone de Windsor, où l'on décrivait des attaques perpétrées contre des civils en Israël comme étant l'accomplissement d'un devoir sacré du djihad. Aucune accusation n'a été portée.
B'nai Brith a aussi décrié le travail d'Alfred Schaefer qui publie des vidéos en ligne glorifiant Adolf Hitler, décrivant les Juifs comme des parasites et les accusant de conspirer pour éliminer la race européenne. Encore là, aucune accusation n'a été portée au Canada. Les autorités allemandes ont récemment déposé des accusations contre Schaefer après avoir été alertées par B'nai Brith. Je pourrais vous citer de nombreux autres exemples semblables.
Le paragraphe 430(4.1) du Code criminel porte sur les méfaits motivés par la haine à l'égard de biens religieux, tel que définis expressément dans le Code, et prévoit des peines plus sévères que pour les méfaits à l'encontre d'autres biens.
Les modifications proposées visent à ajouter au paragraphe 430(4.1) l'identité de genre et l'orientation sexuelle aux éléments susceptibles de motiver la haine. Le nouveau paragraphe 430(4.101) propose par ailleurs d'étendre la définition de « bien » de telle sorte que les peines prévues à l'article 430 s'appliquent également lorsqu'un acte haineux est commis à l'égard d'un bâtiment ou d'une structure servant principalement d'université ou de collège, de garderie, de centre communautaire ou de résidence pour aînés.
B'nai Brith est l'un des principaux fournisseurs de logement abordable pour les aînés au Canada. Nous sommes donc tout à fait à même d'interpréter l'intention de ce projet de loi dans l'intérêt de notre millier de résidants. Il reste quand même qu'il faut se demander quelles pourraient être les répercussions concrètes des modifications proposées, et en quoi elles vont permettre de mieux protéger les gens des actes haineux qui pourraient les cibler.
Une partie de la confusion entourant l'application de la loi est sans doute attribuable à l'article 718.2 du Code criminel qui incite le tribunal à se demander si le crime a été motivé par de la haine fondée sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la langue, la couleur, la religion, etc. Ces dispositions peuvent être invoquées pour justifier des peines plus lourdes que celles généralement prévues pour un méfait.
Assez curieusement, une recherche exhaustive nous a permis de retracer une seule affaire recensée par Westlaw où un individu s'était vu imposer une peine en application du paragraphe 430(4.1), la disposition actuelle visant les biens religieux. Dans l'affaire Zehairi, l'inculpé était accusé en vertu dudit paragraphe d'avoir proféré des menaces de mort et barbouiller de graffitis des églises. La décision rendue n'a pas été publiée, mais il a été jugé non coupable pour cause de troubles mentaux.
Il y a également très peu de cas signalés de méfaits à l'égard de biens où interviennent les facteurs aggravants décrits à l'article 718.2. Certaines de ces causes ne seraient pas visées par la disposition telle que modifiée par le projet de loi dont vous êtes saisi. C'est le cas notamment de l'affaire R. c. Mackenzie, dans laquelle le prévenu a plaidé coupable à des accusations d'avoir fomenté volontairement la haine et d'avoir commis des méfaits après avoir peinturé à la bombe aérosol les graffitis « Mort aux musulmans » et « Mort aux Syriens » dans différents secteurs de Calgary où l'on retrouve d'importantes populations musulmane et syrienne. Le sous-alinéa 718.2a)(i) a été invoqué pour faire valoir qu'il y avait des circonstances aggravantes à prendre en compte relativement aux méfaits commis en l'espèce.
La confusion qui règne quant à savoir quelles accusations doivent être portées est d'autre part bien illustrée dans l'affaire R. c. Coleman. Le prévenu a plaidé coupable à l'égard de différentes infractions commises en 2010, y compris l'inscription à la bombe aérosol de messages de menace sur une mosquée. Il a été reconnu coupable et s'est vu imposer une peine pour méfaits dont le caractère haineux constituait une circonstance aggravante, mais aucune accusation n'a été portée en vertu du paragraphe 430(4.1) même s'il s'appliquait de toute évidence aux faits en cause.
Pourquoi n'a-t-on pas recensé un plus grand nombre de poursuites portant sur des méfaits à l'égard de biens religieux? C'est peut-être parce qu'il n'y a eu aucun cas de méfaits de la sorte au pays. Ce serait merveilleux, mais je pense que nous savons tous qu'il en va tout autrement. Peut-être aussi que les forces policières locales et les procureurs de la Couronne intentent des poursuites en vertu de la disposition générale touchant les méfaits en invoquant les dispositions prévues pour la détermination de la peine comme circonstances aggravantes parce qu'ils jugent qu'il est plus facile d'obtenir une condamnation sans avoir à traiter de l'intention à l'origine de l'infraction.
Il y a fort probablement des prévenus qui ont plaidé coupable, mais il nous est impossible d'avoir accès à ces données, car aucune des entreprises qui codifient la jurisprudence ne les consigne. Il est aussi possible qu'il y ait eu très peu d'incidents ou que l'on n'ait pas pris en faute ou poursuivi les responsables. Il se peut également que la police n'ait pas déposé d'accusations ou que l'on n'ait pas produit d'éléments de preuve indiquant que les actes étaient motivés par la haine.
Il y a un autre problème qui est lié au libellé de la modification proposée. Pourquoi indique-t-on dans les différents paragraphes que les actes visent un bâtiment ou une structure « servant principalement » à une chose ou à une autre? Il y a des écoles publiques qui sont utilisées par des groupes religieux qui louent des locaux pour des activités comme l'enseignement religieux du dimanche. On ne peut pas alors dire que l'école publique sert principalement à l'enseignement religieux, mais en quoi cela devrait-il être important alors que le but visé par les modifications est de protéger les groupes religieux et leurs adeptes à l'égard des comportements haineux?
L'antisémitisme et les autres formes de racisme systémique causent de sérieuses préoccupations dans notre pays. Lorsque des actes criminels sont motivés par la haine à l'endroit de groupes minoritaires identifiables, les Canadiens veulent que des accusations soient portées et qu'elles mènent à des condamnations. Si ce projet de loi n'étend pas vraiment la portée de la loi afin de protéger les communautés victimes de la haine, il convient de se demander pourquoi l'on envisage d'apporter ces modifications quand on sait que le paragraphe 430(4.1) dans sa forme actuelle n'est que rarement invoqué de toute manière. Il est possible qu'il existe d'excellentes raisons et que ces modifications corrigent effectivement une lacune de la loi, mais ce n'est pas ce qu'indique à première vue une analyse de la jurisprudence.
J'ai quelques recommandations à formuler, mais peut-être que je pourrai vous en glisser un mot tout à l'heure en répondant aux questions.
Merci.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens d'abord à remercier les membres de ce comité de m'avoir invité. Je voudrais également remercier le député Chandra Arya d'avoir déposé le projet de loi C-305 ainsi que tous les députés qui ont appuyé ce dernier à l'étape de la deuxième lecture.
Ce projet de loi est au programme de la communauté juive depuis longtemps. Vous comprendrez que je veuille faire un peu la genèse du projet de loi C-305. Cependant, je ne veux aucunement diminuer le mérite qui revient à M. Arya d'avoir présenté le projet de loi, bien au contraire.
Alors que j'occupais les fonctions qui sont les vôtres aujourd'hui et que j'étais porte-parole en matière de justice pour ma formation politique, la communauté juive m'a approché pour s'assurer que les protections déjà offertes aux maisons de culte, aux lieux de culte et aux cimetières soient élargies de façon à couvrir également les centres communautaires et les écoles de la communauté.
À l'époque, j'ai été convaincu. J'ai alors préparé un projet de loi. Je m'apprêtais à le déposer lorsque l'élection de 2006 a été déclenchée, élection que j'ai perdue. À la suite de cette défaite, une députée du Bloc québécois, Carole Freeman, a repris le projet de loi et l'a déposé de nouveau. Il s'agissait du projet de loi C-384. Celui-ci a été adopté à l'étape de la deuxième lecture et a été renvoyé à ce comité. Or l'élection de 2008 a été déclenchée et Mme Freeman a elle aussi perdu son poste.
Entre 2008 et 2011, une députée libérale du nom de Marlene Jennings a repris le projet de loi et l'a déposé. Il s'agissait cette fois du projet de loi C-451. Celui-ci a obtenu un large appui de toutes les formations politiques, mais Marlene a elle aussi perdu son poste en 2011.
Dans le cadre de la 41e législature, Marc Garneau, qui est maintenant ministre des Transports, a déposé le projet de loi, qui portait alors le numéro C-510, mais il était trop bas dans l'ordre des priorités pour voir le jour.
Dix ans ont passé depuis que ce projet de loi est né, mais nous sommes ici aujourd'hui pour en faire l'étude. Nous pouvons enfin commencer à voir la lumière au bout du tunnel.
[Traduction]
L'objectif de ce projet de loi est tout à fait clair. On souhaite étendre la protection déjà offerte aux lieux de culte et aux cimetières à d'autres bâtiments et structures utilisés par les communautés à risque.
Notre communauté, la communauté juive, a souvent été la cible de vandales. Comme l'indiquait Michael, les juifs canadiens sont victimes de crimes haineux dans une proportion plus élevée que tout autre groupe identifiable. Selon les données de Statistique Canada, environ les trois quarts de ces crimes peuvent être juridiquement qualifiés de méfaits, une catégorie qui englobe les actes de vandalisme et de destruction des biens.
Celui qui vandalise un centre communautaire ou une école ne s'en prend pas uniquement à des bâtiments. Son geste a des répercussions dans l'ensemble de la ville et de la communauté visée. Chaque membre de cette communauté est touché, qu'il fréquente assidûment ou non l'endroit vandalisé. C'est pour cette raison que de tels gestes doivent être sévèrement punis.
Le projet de loi étend la protection offerte en définissant comme suit le terme « bien » aux fins de l'application du paragraphe 4.1:
tout ou partie d'un bâtiment ou d'une structure servant principalement au culte religieux...
servant principalement d'établissement d'enseignement...
servant principalement à la tenue d'activités ou d'événements à caractère administratif, social, culturel ou sportif — notamment un hôtel de ville, un centre communautaire, un terrain de jeu ou un aréna —, ou...
servant principalement de résidence pour personnes âgées
Je comprends que certains craignent que le projet de loi ratisse trop large, plus précisément quant aux groupes bénéficiant d'une protection en vertu du paragraphe 4.1 et quant aux bâtiments et structures qui sont visés. Voyons ce qu'on peut dire à l'égard de chacune de ces préoccupations.
En fait, ce paragraphe porte sur les méfaits à l'égard des biens religieux. J'ai entendu certaines réserves à l'effet que l'on dénaturerait ce paragraphe en étendant la protection aux bâtiments associés à la communauté GLBTQ+, par exemple. Nous n'avons pour notre part aucune objection à ce que la protection soit également offerte aux bâtiments de cette communauté, comme en témoigne notre engagement de longue date dans la défense de ses droits, et notamment notre soutien actif au projet de loi C-16 — auparavant C-279 — parrainé par M. Randall Garrison.
Je ne crois pas que le principe de l'inclusion de la communauté GLBTQ+ soit en cause. Il s'agit peut-être plutôt de déterminer si les protections prévues devraient être incluses dans le même paragraphe, ce qui en modifie la nature, ou si elles devraient plutôt être prescrites ailleurs dans la loi. Aux yeux de la communauté juive, il n'importe pas tant de savoir comment on s'y prendra et quels paragraphes seront utilisés que de s'assurer d'offrir bel et bien à ces institutions une meilleure protection.
Pour ce qui est du risque que la loi devienne d'application trop large étant donné les bâtiments et structures visés par ce paragraphe, je ne suis pas d'accord. Qu'advient-il, par exemple, d'une synagogue, d'une mosquée ou d'un temple qui loue un local dans un centre commercial? Devraient-ils être également protégés? Qu'en est-il de l'agence de services sociaux d'une communauté qui loue des bureaux dans un édifice? Les représentants des agences de services sociaux juives de tout le Canada sont d'ailleurs aujourd'hui sur la Colline pour discuter avec les députés et les ministres des enjeux touchant l'incapacité. Ils seraient tout à fait en droit de vous dire que leurs bureaux devraient également être protégés.
[Français]
À une époque où Sayyed al-Ghitaoui, un imam du Centre islamique Al Andalous de Montréal, appelle à la destruction des Juifs, implorant Allah de détruire les Juifs maudits, de les tuer un par un et de rendre leurs enfants orphelins et leurs femmes veuves est appuyé par sa mosquée; à une époque où Igor Sadikov, étudiant membre de l’Association étudiante de l’Université McGill envoie un gazouillis qui se lit comme suit: punch a zionist today; à une époque — on parle du 6 février 2017 — où la feuille de présence d'une jeune équipe de natation de Côte Saint-Luc, hébergée par Google, a été piratée pour être remplie de menaces meurtrières à l'endroit de la communauté juive, accompagnées de plusieurs références au Hezbollah, l'organisation terroriste libanaise interdite au Canada et vouée à la destruction d'lsraël;
[Traduction]
Alors que six fidèles musulmans ont été brutalement assassinés pendant leur prière et qu'une vague de vandalisme haineux s'abat sur de nombreuses institutions religieuses et communautaires à Ottawa, y compris le centre communautaire où mes fils travaillent et la synagogue dont je fais partie, il est grand temps d'envoyer un puissant signal pour que tous comprennent bien que l'hostilité envers les juifs, les chrétiens, les musulmans et les sikhs, ainsi que la haine sous toutes ses formes n'ont plus leur place au Canada, que les écoles et les centres communautaires jouent un rôle essentiel dans la vie des minorités en tant que lieux de culte, et que les méfaits à l'égard de ces bâtiments et des cimetières doivent être sévèrement punis.
J'encourage tous les députés à maintenir leur appui au projet de loi C-305 et à l'adopter sans tarder.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup, monsieur Marceau.
Nous passons maintenant aux questions des membres du Comité. Nous débutons par M. Cooper.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Mostyn et monsieur Marceau, pour votre témoignage. Je conviens assurément avec vous que ce projet de loi s'inspire de bonnes intentions. Je pense qu'il permet de combler une lacune qui existe dans le Code criminel.
Comme vous l'avez mentionné tous les deux, nous avons été témoins au cours des dernières années de différents incidents dont les victimes ont été ciblées non seulement dans leur résidence, leur synagogue et leur mosquée, mais aussi dans leur école et leur centre communautaire. Nous nous souvenons de l'attentat à la bombe à l'école United Talmud Torah à Montréal. Il y a eu ici même à Ottawa il y a quelques mois une série d'incidents qui ont touché deux synagogues ainsi qu'une mosquée, mais également un centre d'enseignement juif et les locaux de l'Association musulmane d'Ottawa.
Tous ces méfaits étaient motivés par la même haine. On s'attaquait à une communauté tout entière pour perpétuer la haine. Les crimes commis dans chacun des cas étaient similaires. Selon l'endroit où les actes de vandalisme ont eu lieu, les coupables pouvaient être assujettis à la disposition d'application générale ou à la disposition plus ciblée du Code criminel et ainsi s'exposer à des peines très différentes, à savoir un maximum de 10 ans dans un cas et de 2 ans dans l'autre. Je suis certes d'accord pour dire qu'il y a un manque de cohérence et que ce projet de loi contribuerait à rectifier le tir.
Le libellé de l'alinéa a) du paragraphe 430(4.101) proposé parle d'un endroit servant principalement au « culte religieux — notamment une église, une mosquée, une synagogue » et ainsi de suite. Par contre, les alinéas b), c) et d) qui suivent ne font aucunement mention de la religion, si bien que ces dispositions ne s'appliquent pas nécessairement uniquement aux centres d'enseignement religieux, aux locaux administratifs ou aux salles communautaires d'une institution religieuse, ou encore aux résidences pour aînés musulmans ou juifs, par exemple.
Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez du fait que ces trois alinéas vont étendre à d'autres éléments la protection offerte par le présent paragraphe uniquement aux biens religieux?
Merci, monsieur Cooper, pour cette question.
Bon nombre des institutions de la communauté juive ne sont pas de nature religieuse. En général, un centre communautaire juif n'est pas un lieu de culte. Il arrive qu'une congrégation loue des locaux à court terme ou pour des événements particuliers, comme les Grandes Fêtes juives. Il y a des synagogues qui louent des locaux au centre communautaire juif d'Ottawa par exemple. En général, ces endroits ne sont pas associés à la religion juive, mais ils ont un lien direct avec la communauté juive. Ils peuvent servir autant pour des études juives que pour des équipes sportives de notre communauté.
Le Centre communautaire juif satisferait à cette définition de « bien » même s'il ne s'agit pas d'une institution religieuse et qu'il n'accueille pas d'activités religieuses à proprement parler. C'est à ce niveau que se manifeste la lacune dont vous avez parlé au départ, et cela montre bien à quel point il est important de combler cette lacune.
On pourrait en dire tout autant des activités culturelles et sportives. À Montréal, le Centre Segal abrite une compagnie de théâtre de la communauté juive. Il est tout à fait identifié à cette communauté. En vertu du paragraphe 4.1 dans sa forme actuelle, le Centre ne serait pas protégé, et ce, même si une attaque à son endroit était motivée par des visées antisémites.
Je pense que le libellé proposé permet de protéger les lieux semblables. Un attentat commis dans un centre communautaire juif a tout autant de répercussions qu'un autre qui viserait le centre culturel juif ou une autre institution culturelle de la communauté.
Il est bien clair que j'appuie ce projet de loi.
Il s'agit simplement de bien examiner son libellé pour voir si certains changements sont nécessaires. Est-ce que l'un d'entre vous aurait des suggestions à nous faire quant aux amendements qui pourraient être apportés, ou est-ce que le projet de loi vous convient parfaitement dans sa forme actuelle?
Je peux parler de cette question un moment.
Dans les alinéas proposés, soit les alinéas 430(4.101)a) à 430(4.101)d), on utilise « servant principalement » pour tous les différents biens qui sont mentionnés dans le projet de loi.
Dans ces alinéas, les mots « servant principalement » apparaissent devant chaque élément. On parle d'un bâtiment servant principalement de ceci, ou à cela.
Je présume que le Comité devrait se demander pourquoi ces mots sont utilisés. Comme je l'ai mentionné un peu plus tôt, il y a un certain nombre d'établissements qu'on n'utilise qu'à temps partiel. Richard a mentionné qu'il peut s'agir de centres communautaires juifs. Il pourrait s'agir de n'importe quel type de bien dont une école religieuse ou une école du dimanche, par exemple, ne se servent qu'à temps partiel.
On pourrait remplacer « servant principalement » par « servant en grande partie » ou « servant régulièrement », car il se peut que ces biens servent principalement à d'autres fins. Toutefois, on veut toujours protéger ces bâtiments de sorte que la loi soit appliquée de façon équitable.
Non. En fait, j'aime l'idée de Michael. Je l'examinerais sérieusement.
Autrement, le projet de loi actuel me convient, avec ce que j'ai mentionné plus tôt concernant les bâtiments de la communauté LGBTQ. Devraient-ils être intégrés au même paragraphe, sous la rubrique des biens religieux, ou dans un autre paragraphe? Cela n'a aucune importance pour nous. Nous croyons qu'en tant que communauté en danger, elle devrait être protégée.
Je mentionnerais une autre chose. Si nous supposons que le projet de loi C-16 sera adopté par le Sénat au cours de la session actuelle, nous devrions nous assurer que le libellé du projet de loi C-305 — que la Chambre a adopté et que l'autre endroit est en train d'examiner — va dans le même sens que le projet de loi C-16.
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais vous remercier tous les deux de votre présence. Je trouve émouvant que vous veniez témoigner au sujet du projet de loi, surtout compte tenu des incidents dont vous avez parlé, dont l'incident antisémite qui s'est produit à North York.
Monsieur Mostyn, vous avez dit que vous aviez des recommandations. S'agissait-il seulement de ce point, ou vous aviez d'autres recommandations à présenter au Comité ?
Merci beaucoup.
J'ai quelques autres recommandations. Le Comité devrait écouter les services de police et les procureurs généraux, les consulter afin de comprendre pourquoi on n'a pas recensé de jurisprudence en ce qui a trait à la disposition originale. Comme je l'ai mentionné, concernant la détermination de la peine, le sous-alinéa 718.2a)(i) peut être invoqué pour justifier des peines plus lourdes, qui peuvent aller jusqu'à 10 ans pour des méfaits généraux. Y a-t-il des plaidoyers de culpabilité? Il est difficile, j'imagine, du point de vue de la société civile, de comprendre exactement pourquoi la police porte ou ne porte pas d'accusations.
Richard parlait d'autres incidents antisémites qui ciblent notre communauté. L'une des choses qui préoccupent notre communauté, qui est le groupe le plus ciblé, c'est qu'elle veut s'assurer de se sentir en sécurité. Tous les Canadiens veulent s'assurer que tous les autres Canadiens, peu importe leurs convictions religieuses ou leurs convictions identifiables, sont en sécurité, et que la loi est appliquée et qu'il n'y a pas deux poids, deux mesures. Si l'on ne consulte pas à cet égard, comme je l'ai dit, c'est très étrange, car il n'y a pas vraiment de jurisprudence dans ce cas-ci, et on parle de 2001.
Je suis désolé, mais j'aimerais seulement que ce soit clair. De toute évidence, le projet de loi récolte des appuis.
Ma question s'adresse peut-être à chacun d'entre vous. Craignez-vous que cela reflète le Parlement et qu'en raison de questions liées à l'application de la loi, votre communauté ne croit peut-être pas que les communautés et groupes ciblés sont mieux protégés?
En fait, je crois que les forces policières font un travail remarquable au Canada. Nous l'avons constaté à Ottawa. Lorsque le centre communautaire juif, les synagogues et les mosquées ont été les cibles d'attaques, les services de police ont réagi énergiquement. Nous leur en avons été très reconnaissants. Si l'on croit que le projet de loi C-305 est une panacée et qu'il réglera tous les problèmes, eh bien, ce n'est pas le cas. C'est un outil parmi d'autres. Il y a des dispositions législatives relativement aux crimes haineux; il y a le Programme de financement des projets d'infrastructure de sécurité pour les collectivités à risque, qui a été mis sur pied par les conservateurs et qui a été reconduit par le gouvernement libéral; et nous lui en sommes très reconnaissants. Ce dont nous avons besoin, c'est une approche holistique.
L'une des choses que nous avons mentionnées dans tout le débat sur l'élimination de l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne au cours de la législature précédente, c'est que si le Parlement voulait suivre cette voie, il fallait s'assurer que les procureurs de la Couronne et les procureurs généraux intenteraient des poursuites en vertu, je crois, des articles 318 et 319 du Code criminel plus souvent et plus énergiquement, ce qui ne s'est pas encore passé. Il y a de l'espace pour tenir un débat sur les mesures à prendre pour faire en sorte qu'au Canada, on lutte énergiquement contre les discours et les crimes haineux, et le projet de loi C-305 n'est qu'un élément.
Je pourrais intervenir rapidement pour appuyer mon ami ici. Il est intéressant de souligner que dans le cas des crimes haineux qui ont été commis à Ottawa, des accusations ont été portées en vertu du paragraphe d'origine, soit le paragraphe 430(4). On y a donc recours. On se demande seulement s'il y a des données permettant de bien comprendre cela? Les services de police du pays font de l'excellent travail. Ils font un travail formidable pour tous les Canadiens, mais encore une fois, il devrait peut-être y avoir des lignes directrices pour aider les policiers à déterminer si des accusations doivent être portées ou non en vertu de certaines dispositions.
Je pourrais simplement compléter la réponse. Vendredi dernier, l'auteur des crimes haineux à Ottawa a plaidé coupable aux accusations portées contre lui. Son nom ne peut être mentionné parce qu'il allait avoir 18 ans un mois plus tard, mais il a été poursuivi. Les services de police et le procureur de la Couronne ont pris l'affaire très au sérieux et ont été satisfaits de la façon dont les choses se sont déroulées.
Je vais poser une question qui dépasse peut-être un peu le cadre de notre étude du projet de loi C-305. J'espère que ma question ne sera pas jugée irrecevable.
Y a-t-il, à votre avis, des amendements au projet de loi ou d'autres modifications au Code criminel qui amélioreraient les choses sur le plan de l'efficacité ou de l'application?
Je ne me suis pas préparé pour d'autres dispositions, mais de façon très générale, je dirais qu'il y a toujours place à l'amélioration.
Je sais que partout au pays, les forces policières font un meilleur travail de nos jours; elles travaillent auprès des groupes communautaires de toutes origines, et essaient de mieux comprendre leur point de vue.
Il ne s'agit pas tant pour moi de proposer seulement qu'on apporte des changements au Code criminel, mais aussi qu'on mette l'accent sur le fait que le rôle des services de police consiste à protéger et à servir les gens. Un certain nombre de services de police embauchent maintenant des entreprises de relations publiques et vont voir des groupes communautaires. Tout cela est bien merveilleux, mais leur objectif principal consiste à assurer la sécurité de toutes les communautés.
Dans certains articles du Code criminel — les articles 318 et 319 —, le consentement du procureur général est exigé. On s'est toujours demandé, non seulement dans la communauté juive, mais aussi dans d'autres communautés, si parfois, au nom de la rectitude politique, les politiciens veulent ou ne veulent pas que des accusations soient portées pour certains groupes dans le cas de certaines infractions, selon ce que cela représentera dans les médias.
Il en va ici d'un examen constant, d'un travail constant, et il s'agit que chaque communauté au Canada se porte à la défense de toutes les autres communautés et s'assure que l'intolérance et les comportements haineux ne sont pas tolérés.
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Je suis ravi de vous revoir, monsieur Marceau; nous avions échangé des idées sur le projet de loi S-201 l'an dernier.
Monsieur Mostyn, je veux revenir à votre témoignage. Je n'ai pas bien compris les amendements que vous avez proposés concernant « servant principalement ». Pouvez-vous les répéter, s'il vous plaît?
Bien sûr. J'avais proposé qu'on change le libellé, les mots « servant principalement », que l'on retrouve dans les alinéas, et j'ai proposé autre chose, parce que je ne crois pas que c'est à cet égard que vous voulez que l'interprétation soit très restreinte. Il faut que ce soit plus large.
Si un bien est ciblé et que l'auteur des infractions était motivé par la haine, dans le cas de ce méfait, vous voulez vous assurer que ce soit plus vaste. Je n'ai fait que proposer l'utilisation de « en grande partie » ou de « régulièrement » plutôt que de « principalement ». Je crois que si vous deviez inclure ces mots, vous pourriez être mieux en mesure d'englober le type de biens qui doivent être protégés dans le cadre de mesures législatives comme celles-là.
Merci.
De plus, lorsque vous parliez de l'absence de jurisprudence, faisiez-vous référence à l'article 718.2 du Code criminel?
Il s'agissait de l'alinéa 718.2a). Il s'agit de la peine possible.
Lorsque nous examinons l'application concernant les méfaits généraux, dans quelques cas — mais peu sont recensés —, cela s'applique en particulier à des méfaits à l'égard d'un bien pour des établissements religieux, ce qui correspond à ce que nous examinons aujourd'hui.
Pour revenir à ce que disait Richard, une personne a plaidé coupable la semaine dernière. C'est quelque chose qui ne sera pas recensé, que les avocats ne pourront pas examiner et analyser.
Il est fort possible qu'avec l'utilisation de cette disposition et des caméras dont on se sert de nos jours — et bon nombre de nos communautés ciblées doivent malheureusement installer une caméra de surveillance et prendre des mesures de sécurité dans tous leurs établissements —, il se peut également que parfois, des gens se fassent prendre la main dans le sac et plaident coupables parce qu'ils savent ce qu'ils l'ont fait, et ils ne contesteront pas.
Même si un juge, au moment de la détermination de la peine, peut tenir compte de ces facteurs aggravants pour imposer une peine plus lourde, pensez-vous toujours que l'adoption du projet de loi C-305 est nécessaire pour éliminer des échappatoires existantes?
Bien. Je le demande aux fins du compte rendu, en prévision de notre étude article par article du projet de loi.
Je vais vous poser l'une des questions que j'ai posées au parrain du projet de loi — et je crois qu'on en a parlé un peu.
Monsieur Mostyn, vous avez dit que certains des crimes qui pourraient résulter de l'adoption du projet de loi peuvent en fait être considérés comme étant pires que si une personne posait les mêmes gestes sur une résidence privée. Avez-vous des suggestions?
Si une personne décidait de peindre des graffitis racistes ou contre une religion sur un banc de parc, elle pourrait se retrouver avec une peine plus sévère que si elle le faisait sur une résidence privée. Avez-vous des suggestions sur la façon dont nous devrions procéder dans le cadre du projet de loi à cet égard?
C'est exact. Cela pourrait faire partie de cet exemple.
Si j'ai donné l'exemple de l'incident antisémite qui s'est produit à North York, c'est que notre communauté, la communauté juive, en fait, s'auto-identifie 365 jours par année, car les ménages juifs ont des mezouzah. Souvent, dans bien des groupes religieux, il y a des traditions selon les saisons. Il peut s'agir d'accrocher une couronne durant la période de Noël. Il y a d'autres traditions religieuses. Notre communauté est vulnérable à cet égard.
On pourrait utiliser le méfait actuel avec l'article 718.2 et la peine pourrait aller jusqu'à 10 ans. Il y a une possibilité de permettre une certaine justice. Encore une fois, c'est quelque chose que le Comité devrait examiner, car qu'arrive-t-il, s'il s'agit d'une résidence pour personnes âgées, d'un établissement comprenant de nombreux groupes identifiables? Un grand nombre de résidants du condominium qui a été ciblé étaient juifs, mais il ne s'agit pas d'une résidence juive. C'est seulement que bon nombre de gens de même confession vivent dans le même bâtiment. J'imagine que c'est souvent le cas pour tous les groupes religieux au Canada.
J'ai une dernière question brève à vous poser, à tous les deux. Concernant le paragraphe 430(4.101), et l'alinéa c), on parle d'un bâtiment servant à « la tenue d'activités ou événements à caractère administratif ». J'ai certaines préoccupations. Croyez-vous que nous devrions définir ce mot? De nombreux bâtiments servent à des fins administratives, peu importe s'il s'agit d'un des groupes précisés. Si une personne ayant certaines croyances religieuses ou appartenant à un groupe ethnique travaille dans un bâtiment administratif comme la CIBC, et que ce bâtiment est la cible de graffiteurs, accroîtrons-nous trop la portée si nous ne définissons pas ce mot?
J'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.
Le paragraphe 4.101 proposé renvoie au paragraphe 4.1. On y lit « étant motivé par des préjugés ou de la haine fondés sur la religion, la race, la couleur », etc. Cela n'inclurait pas tous les établissements administratifs. Voici le meilleur exemple que je peux vous donner. Supposons que le centre juif de services familiaux d'une ville en particulier est un établissement administratif. Il devrait être couvert, car la raison pour laquelle il serait ciblé aux termes de cette disposition, c'est parce qu'il est désigné comme un établissement juif.
Si vous me le permettez, j'ajouterais qu'à mon avis, il est très peu probable que cela se produise. Si une personne commet un méfait en étant motivée par des préjugés et qu'on doit montrer cela comme un élément essentiel de l'infraction, pourquoi la police porterait-elle des accusations contre une personne si elle sait qu'il y a moins de chance qu'il y ait condamnation que si on utilise la disposition générale touchant les méfaits? Je pense qu'il est très peu probable que cela se produise.
Merci, monsieur le président. J'aimerais également remercier les témoins d'être ici aujourd'hui et d'avoir livré un témoignage très convaincant.
Tout d'abord, j'aimerais dire que cette situation est démoralisante et que j'ai trouvé absolument répugnante l'attaque menée contre le domicile de résidents de North York. Le député de Willowdale — la circonscription où s'est produit l'incident —, m'a dit que la victime s'attendait à cette attaque. C'est encore plus troublant, car personne ne devrait devoir s'attendre à ce genre d'attaque. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour protéger toutes les communautés.
C'est troublant. Je crois que notre gouvernement doit intervenir davantage. Vous avez également mentionné les paroles prononcées par un imam dans son sermon, et c'est aussi un comportement inacceptable. Nous devons déployer de plus grands efforts pour protéger nos communautés. Cela m'amène à l'intention de ce projet de loi, c'est-à-dire de faire cesser ces types de comportements, le vandalisme, etc.
À votre avis, cette modification au Code criminel renforcera-t-elle l'effet de dissuasion? L'ajout de cette disposition dans notre Code criminel aura-t-il le pouvoir d'empêcher ces gens de commettre ces infractions?
J'aimerais que les deux témoins répondent à la question.
Est-ce que je pense que cela arrêtera la haine? Non, malheureusement, je ne le pense pas. Malheureusement, je ne sais pas quelles dispositions pourraient être ajoutées au Code criminel pour arrêter la haine. Certaines personnes ont des préjugés et agissent en conséquence contre des groupes identifiables. Le Code criminel ne suffit pas pour régler ce genre de situation; il faut plutôt compter sur l'éducation.
Il existe toutes sortes d'initiatives. Malgré tout, il y aura toujours... C'est la raison pour laquelle nous avons le Code criminel. Les peines plus sévères pourraient dissuader les personnes qui les comprennent. Malheureusement, dans des cas semblables, c'est ce qu'il faut envisager.
Je suis d'accord avec les propos de Michael. C'est à la fois un moyen de dissuasion et un message clair. Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir des déclarations faites par les parlementaires qui votent et qui s'expriment dans cet édifice. Ces interventions sont très puissantes et ont des répercussions à l'échelle du pays.
Cela s'arrêtera-t-il? Malheureusement, non. De nombreuses choses déclarées illégales il y a des siècles se produisent toujours, mais il faut tout de même continuer de diffuser ce message et d'imposer des peines.
Aujourd'hui, nous avons un peu parlé des peines et il a été mentionné que les policiers hésitent à porter des accusations lorsqu'un élément de preuve supplémentaire est exigé, par exemple dans le cas d'un méfait général comparativement à un méfait spécifique.
À votre avis, peut-on faire quelque chose pour encourager les policiers à accorder une plus grande importance à cet article précis du Code plutôt qu'à l'article de portée plus générale?
Certains services de police du pays — mais pas tous — ont une unité des crimes haineux. Les membres de ces unités ont tendance à être mieux informés et à mieux connaître les outils à leur disposition dans le Code criminel. Ottawa a une telle unité, ainsi que la Colombie-Britannique, mais ce n'est pas le cas de tous les services de police du pays. Je crois qu'il faut diffuser cette information. De plus, les policiers et les procureurs de la Couronne qui s'occupent des crimes haineux doivent être mieux informés sur cette façon plus efficace de lutter contre ces crimes.
Merci.
Certaines préoccupations liées à la portée générale du projet de loi ont été soulevées ici aujourd'hui et lorsque ce projet de loi a fait l'objet d'un débat à la Chambre.
Monsieur le président, pouvons-nous demander au gouvernement de nous décrire la position adoptée à cet égard?
Monsieur Mendicino.
J'attends que le président rende une décision, comme il l'a fait dans le cas de M. Bittle, mais je suis certainement prêt à donner un aperçu de notre position.
Je crois qu'il suffit d'obtenir le consentement pour que vous preniez la parole.
Consentez-vous à ce que M. Mendicino vous parle de la position du gouvernement?
Des voix: Oui.
Le président: Oui, alors allez-y.
Je remercie les membres du Comité de leur coopération. Je remercie également le président.
Tout d'abord, permettez-moi de revenir sur deux commentaires formulés par mes collègues, M. Bittle et Mme Khalid. Je crois que votre présence ici est émouvante, surtout en raison des discussions que nous avons eues aujourd'hui et que nous continuerons d'avoir au cours des prochaines semaines sur la discrimination religieuse et la nécessité de la qualifier comme telle. J'aimerais féliciter Mme Khalid d'avoir proposé sa motion.
Permettez-moi également de préciser que je suis très près de l'incident antisémite qui s'est produit à North York, monsieur Mostyn. Vous savez que ma circonscription est située très près de ce quartier et que je travaille très étroitement avec cette communauté. Je suis très inquiet et troublé par cet incident. J'espère que les autorités seront en mesure de mener une enquête rigoureuse.
En général, le gouvernement appuie les objectifs de ce projet de loi, précisément pour les raisons que je viens de donner. En effet, l'intention initiale du paragraphe 430(4.1) était d'identifier les méfaits liés aux biens religieux. Ce paragraphe énumère plusieurs édifices qui, s'ils faisaient l'objet d'un méfait, entraîneraient l'imposition d'une peine plus sévère.
En général, le gouvernement appuie ces objectifs. Les commentaires que nous aimerions ajouter aux délibérations du Comité concernent les catégories d'édifices laïques qui seraient visées par ce régime de détermination de la peine.
Si l'on revient à l'intention initiale du Parlement pour le paragraphe 4.1, l'accent était sur les biens religieux. Cela ne signifie pas qu'il n'existe aucune autre catégorie d'édifices et de structures qui servent à d'autres fins. Je crois que M. Marceau a parlé, par exemple, du centre communautaire juif qui n'est pas utilisé principalement à des fins religieuses, en disant qu'il faudrait tout de même imposer une peine suffisamment sévère si un méfait ou un discours haineux visait ce centre.
Nous pensons qu'en vertu de l'article 718.2, un juge d'instance ou un juge chargé de déterminer la peine pourrait certainement tenir compte de l'identité culturelle et d'autres identités qui devraient représenter un facteur aggravant entraînant une protection et une réprobation supplémentaires dans le contexte de cette phase particulière du procès. En présumant que les catégories d'édifices continuent de dépendre de leur fonction principalement religieuse, cela n'élimine pas la possibilité qu'un juge d'instance utilise son pouvoir discrétionnaire pour imposer une peine appropriée et plus sévère dans le cas hypothétique du centre communautaire juif dont vous avez parlé.
L'autre chose que j'aimerais souligner, monsieur le président, c'est que je comprends les commentaires de M. Mostyn sur la tentative de préciser un seuil approprié pour l'imposition d'une peine plus sévère dans le cadre du projet de loi C-305. Je comprends également sa suggestion d'abandonner la formulation « servant principalement » et d'utiliser plutôt « servant en grande partie » ou « servant régulièrement ». J'aimerais seulement préciser qu'à mon avis, les termes « en grande partie » et « régulièrement » pourraient être encore plus subjectifs que « servant principalement ». J'espère que ce témoignage sera utile aux membres du Comité dans leurs réflexions sur ces amendements.
Merci beaucoup, monsieur Mendicino et madame Khalid.
Nous pourrions également utiliser « servant à », sans autre précision. Au bout du compte, si une chose remplit une certaine fonction et qu'un crime haineux est commis... mais il faut en discuter. Ce n'est pas encore le moment, et je vous remercie encore une fois, madame Khalid.
Nous n'avons pas le temps pour une autre série complète de questions, mais j'aimerais donner la parole aux membres du Comité qui ont de brèves questions. Je sais que Mme Sgro aimerait poser une brève question, ainsi que M. Arnold et M. Falk, n'est-ce pas?
Nous entendrons M. Falk, et ensuite Mme Sgro.
Allez-y, monsieur Falk.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir sur ce qu'a dit Mme Khalid au début de son intervention. Elle a parlé de dissuasion. À votre avis, qu'accomplira ce projet de loi à cet égard?
Les deux témoins peuvent répondre à la question.
Je serais heureux d'y répondre.
Je pense qu'on doit dire aux gens que les lieux de culte et les cimetières sont effectivement importants, mais que les écoles et les centres communautaires sont également des endroits identifiables pour certains groupes, et que des méfaits commis contre ces établissements auront autant de répercussions sur la collectivité qu'une menace ou un crime haineux commis contre une synagogue, une mosquée ou une église.
L'exemple le plus récent que je peux vous donner concerne les menaces ciblées proférées hier contre les centres communautaires juifs à l'échelle de l'Amérique du Nord. On ne visait pas les synagogues, mais les centres communautaires juifs. Je peux vous dire qu'on a réagi très rapidement dans le milieu juif et qu'on a fait appel à des experts en matière de sécurité. On a tenté de déterminer si l'ensemble de la communauté de l'Amérique du Nord était visé, si certaines communautés étaient des cibles potentielles, etc. Encore une fois, nous ne pouvons pas sous-estimer cette situation. Par exemple, un parent qui amène ses enfants à un cours de natation au centre communautaire juif local et qui apprend qu'une menace a été proférée contre les centres communautaires juifs en général se demandera s'il peut laisser ses enfants au centre et s'il y a un danger. Un message haineux visant un établissement non religieux, mais lié à une communauté religieuse, peut également être très troublant et toucher de nombreuses personnes.
Je crois que j'aimerais savoir si les gens qui commettent ce type de crime se préoccupent réellement de ces détails.
Ces détails préoccupent-ils réellement ces gens? Pour revenir au point qu'a fait valoir Richard, lorsqu'un édifice non religieux — par exemple, un édifice qui se trouve au sein de la communauté juive — est ciblé, comme un centre communautaire juif, c'est parce qu'il est juif. Il est très important, pour la société, de reconnaître lorsqu'un crime est motivé par la haine. En fait, c'est très troublant pour notre communauté — et pour d'autres communautés, j'en suis sûr — si un méfait est traité par un tribunal, mais pas les motifs haineux liés à ce méfait. Au bout du compte, une communauté a l'impression d'avoir été abandonnée et peut-être même trahie si le système de justice pénale ne traite pas les facteurs de motivation. Les édifices non religieux sont souvent ciblés dans notre communauté en raison de motifs liés à la haine, et on devrait certainement se pencher sur ce problème.
Merci beaucoup.
C'est un point très intéressant; cela revient un peu aux peines minimales obligatoires, n'est-ce pas? Est-ce que la peine suffira à dissuader une personne de commettre un crime? Je crois qu'il y a un message de portée plus générale dans ce cas-ci.
Madame Sgro.
Merci beaucoup.
Il y a vingt-neuf ans, j'ai été élue au conseil municipal de North York, et le premier comité dont j'ai fait partie était le comité des relations interraciales de North York. À ce jour, tout au long de ma charge élective, nous avons beaucoup parlé de relations interraciales, de haine, etc. Monsieur Marceau, j'ai appuyé votre motion en 2006, ainsi que celles de Mme Freeman, de Mme Jenning et de M. Garneau. C'est pourquoi je suis triste de constater que nous devons traiter cet enjeu aujourd'hui, même si nous avons déjà tenté de régler cette situation à de nombreuses autres reprises. Il faut manifestement éliminer toutes les échappatoires et faire tout ce que nous pouvons pour tenter... Il faut sensibiliser les gens, parler du respect, etc.
Je peux seulement me demander dans quel monde nous vivons si... Je sais qu'au cours des 29 dernières années, de nombreux Canadiens se sont penchés sur ces enjeux et ont sensibilisé leurs concitoyens aux besoins des autres communautés, que ce soit à la suite d'actes de vandalisme motivés par la haine dans une école ou dans un autre édifice. Je crois que certaines personnes ont cultivé cette haine toute leur vie et qu'elles trouveront un endroit pour diffuser leur terrible message, qu'il s'agisse d'une mosquée, d'un temple ou d'une synagogue.
Tout ce que nous pouvons faire pour faire appliquer la loi et pour sensibiliser les gens... Nous devons diffuser un message beaucoup plus positif dans le monde, un message beaucoup plus respectueux. Certaines personnes ne comprennent pas, car elles cultivent leur propre méchanceté, et je crois que si le projet de loi C-305 élimine les échappatoires un peu plus efficacement, nous devrions faire cela.
Je trouve seulement étrange que je termine ma journée avec cette réunion du Comité, et que vous, vous étudiez cet enjeu. Je suis triste que notre pays doive toujours faire face à ce type d'antisémitisme. North York est ma ville, et nous sommes toujours aux prises avec ce problème. Nous devons tous lutter contre ce fléau. Le projet de loi C-305 représente une autre petite étape pour éliminer toute échappatoire et faire comprendre à tous que ce type de crime est inacceptable.
Nous devrons fournir tout le soutien possible aux services de police, car ils ont beaucoup de difficulté à obtenir suffisamment de preuves pour porter des accusations. Je crois que nous devons faire cela.
Merci, madame Sgro.
Tout d'abord, je trouve difficile de croire que vous avez commencé vos fonctions électives il y a 29 ans. Je vous suis très reconnaissant de votre appui à l'égard du projet de loi C-305 et de ses versions précédentes. Je n'ai pas la naïveté de croire que ce projet de loi ou toute autre mesure législative suffira à mettre fin aux crimes haineux. Toutefois, je peux vous confirmer qu'il y a de mauvaises personnes. Ces personnes devraient être punies et nous devrions utiliser tous les moyens de dissuasion à notre disposition.
De façon très générale, les Canadiens sont de bonnes personnes. Nous l'avons constaté lors de l'horrible attaque qui a été menée dans la ville de Québec. L'appui manifesté à nos frères et soeurs musulmans du Canada a été renversant et sensationnel. Lorsque des attaques ont été menées contre des centres communautaires juifs et des synagogues d'Ottawa, tout le monde s'est rendu à la synagogue Machzikei Hadas ce samedi-là pour soutenir la communauté. Nous avons vu des politiciens, que ce soit à l'échelon municipal, fédéral ou provincial, ainsi des membres de chaque communauté. Lorsqu'une église de l'Église unie a été vandalisée quelques mois plus tôt, le samedi suivant, des membres de toutes les confessions religieuses étaient présents pour appuyer cette église. Il y a beaucoup de bonnes choses au Canada. J'aimerais terminer avec cela.
Il faut donc poursuivre sur cette lancée et ne pas oublier que malgré les pommes pourries, notre pays contient du beau et du bon à profusion.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Marceau, j'ai été très heureux d'entendre parler de vos travaux et de votre appui à l'égard du projet de loi C-16 et des travaux de mon collègue Randall Garrison. Je crois que nous avons conclu que l'expression de genre était absente du projet de loi.
J'aimerais vous poser une brève question. Dans l'article 718.2 du Code criminel, l'un des facteurs aggravants est le sexe. À votre avis, cela devrait-il être ajouté à cette partie?
Je pose la question, car l'édifice de la Cowichan Women Against Violence Society se trouve dans ma circonscription. Il s'agit d'un organisme de femmes dont l'objectif principal est d'aider les femmes à se sortir de relations abusives. À votre avis, si une personne ciblait cet édifice parce que ces gens aident les femmes, l'absence du sexe dans le paragraphe 4.1 représenterait-elle un problème?
Lorsque le projet de loi C-384 a fait l'objet d'un débat de 2006 à 2008, c'était le point principal que faisaient valoir les députés de l'époque. Il s'agit certainement d'un élément que j'encouragerais les membres de votre comité à envisager. Les refuges ou les édifices d'organismes pour les femmes, ou les organismes fondés sur le sexe, représentent certainement un élément que j'étudierais si j'étais à votre place.
[Français]
Monsieur Marceau, j'aimerais souligner l'appui que la communauté juive a donné à la communauté LGBTQ2.
[Traduction]
Je pense particulièrement au Congrès juif canadien. À l'époque du débat sur le mariage entre personnes du même sexe, la communauté juive du Canada était le premier intervenant n'appartenant pas à la communauté LGBTQ, car à l'époque, on faisait valoir que les droits de la personne visaient tout le monde et que nous devions être solidaires. Je remarque que vos deux organismes font cela à nouveau aujourd'hui. Je vous en suis reconnaissant.
Vous avez précisé que ce n'est pas une solution universelle et que nous devons nous procurer d'autres outils. Pouvez-vous nous recommander brièvement d'autres outils législatifs qui sont à notre disposition?
Je suis un peu surpris par la question. Puis-je vous répondre plus tard?
En ce moment, je crois que cela concerne ce qui, à mon avis, représente la principale lacune du projet de loi sur les crimes haineux. Permettez-moi de vous répondre plus tard.
Nous serons ravis de vous faire parvenir la réponse aussi.
La seule chose que j'ajouterais, c'est qu'une infraction comme celle-ci est un geste très lâche. C'est une chose qui est généralement faite dans l'obscurité. Je sais que vous parlez de vos expériences antérieures. Nous vivons malheureusement à l'ère des médias sociaux, et les gens n'ont plus à interagir directement les uns avec les autres. Peut-être que s'ils le faisaient, ils se traiteraient davantage comme des humains. Il y a d'excellentes raisons sociétales pour lesquelles vous pourriez dire qu'un comportement comme celui-ci est odieux et ne sera pas toléré au Canada.
Merci beaucoup, messieurs.
Monsieur Mostyn, monsieur Marceau, vos témoignages ont été des plus utiles à notre Comité. Nous vous remercions d'être venus. Nous vous en sommes incroyablement reconnaissants.
Nous allons prendre une courte pause pour passer au prochain groupe, puis nous reprendrons sous peu.
Reprenons la séance.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux prochains témoins. Nous accueillons Mickey Wilson, directeur exécutif du Pride Center of Edmonton.
Bienvenue, monsieur Wilson.
Nous recevons également Kristopher Wells, professeur adjoint et directeur de la faculté à l'Institute for Sexual Minority Studies and Services de l'Université de l'Alberta, qui témoigne à titre personnel.
Bienvenue, monsieur Wells.
Je pense que vous avez tous les deux convenu que M. Wells allait commencer. Monsieur Wells, vous avez la parole.
Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui.
J'aimerais dire à nos confrères qui ont témoigné tout à l'heure qu'il est formidable de voir une telle solidarité entre leurs communautés sur une question aussi importante que la haine et les préjugés qu'on observe au pays.
Je crois que les modifications proposées par le projet de loi C-305 sont importantes afin de préserver et de protéger les identités canadiennes de plus en plus diversifiées, multiculturelles et pluralistes, d'autant plus que nos identités et nos valeurs diversifiées sont de plus en plus visibles au sein de nos institutions publiques.
Comme le député Randall Garrison l'a souligné, je crois que le projet de loi C-305 devrait inclure non seulement l'orientation sexuelle et l'identité de genre, mais aussi l'expression de genre à la liste des motifs illicites de méfait. Ce serait conforme aux modifications que propose actuellement le projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel, où l'identité de genre et l'expression de genre figurent toutes les deux à la liste des motifs de distinction illicite.
Les personnes transgenres connaissent les taux les plus élevés de notre société en matière de violence, de discrimination et de préjugés. En cas de geste de haine ou de discrimination fondé sur l'identité ou l'expression de genre, les forces de l'ordre canadiennes n'ont malheureusement aucun moyen de surveiller l'individu, de porter des accusations contre lui ou d'intenter des poursuites. Pourtant, la vie des personnes transgenres est importante et digne de protection. Il faut donc pallier ce manque énorme.
Il est d'une importance vitale de reconnaître la communauté LGBTQ, c'est-à-dire les lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres et queer, et de la protéger au même titre que d'autres minorités culturelles, raciales ou visibles qui s'exposent à la haine, aux préjugés et à la discrimination en raison d'une caractéristique identifiable. La majeure partie de la discrimination contre les personnes LGBTQ est fondée sur leur expression de genre, sur les stéréotypes masculins ou féminins, ou sur la perception que ces personnes n'appartiennent à aucun de ces groupes.
On dit que l'homophobie et la transphobie comptent parmi les armes les plus puissantes du sexisme, de la misogynie et des gens privilégiés de notre société. Souvent, les personnes LGBTQ sont considérées comme des minorités invisibles parce qu'elles ne révèlent pas leur véritable identité à moins de se sentir en sécurité. C'est pourquoi les organismes communautaires LGBTQ, comme les centres de fierté ou arc-en-ciel, les célébrations culturelles grandissantes, comme les festivals de la fierté gaie, et les quartiers ou zones propres aux LGBTQ sont tous des espaces sûrs d'une importance cruciale. Ces zones sécuritaires portent souvent des drapeaux arc-en-ciel visibles qui représentent l'inclusion, l'acceptation et le soutien. En effet, c'était un moment historique remarquable de voir le drapeau de la fierté gaie aux couleurs de l'arc-en-ciel sur la Colline du Parlement en juin dernier. Le Canada a ainsi envoyé un signal fort et visible pour dire au reste du monde qu'il appuie les communautés LGBTQ d'ici et d'ailleurs.
Le défi relatif aux modifications proposées par le projet de loi C-305 consistera à donner des définitions claires de ce qu'on entend par des activités ou des événements à caractère administratif, social, culturel ou sportif. Par exemple, de nombreux crimes et incidents haineux se produisent dans des quartiers propres à la communauté LGBTQ et lors d'événements communautaires ou sociaux. Des endroits comme la rue Church, à Toronto, la rue Davie, à Vancouver, et la rue Sainte-Catherine, à Montréal, sont tous des quartiers LGBTQ clairement identifiés et qui reçoivent l'appui de la population.
Ces secteurs bénéficieront-ils de la protection proposée au projet de loi C-305? Je crois que des précisions s'imposent pour sécuriser ces lieux de rassemblement importants et d'autres, comme les festivals de la fierté gaie, qui peuvent attirer des dizaines de milliers de personnes, voire des centaines de milliers dans le cas des festivals de Toronto, de Montréal et de Vancouver.
Malheureusement, ces célébrations sur la diversité sont également des cibles de choix pour les actes haineux et extrémistes. Même si les méfaits ou les crimes contre les biens sont une des formes les plus courantes de crimes haineux au Canada, la plupart des crimes motivés par la haine contre la communauté LGBTQ ne visent pas des biens. Ils prennent plutôt la forme d'agressions physiques et sexuelles, et de meurtres. En effet, les chiffres récents sur les crimes haineux indiquent que de tous les crimes haineux signalés au Canada, ceux qui visent la communauté LGBTQ sont parmi les plus violents et ceux qui nécessitent des soins médicaux importants. Les victimes ne reçoivent pas un seul coup de poignard, mais bien 40 étant donné qu'elles ne sont pas considérées comme des personnes, mais plutôt comme des objets à détruire.
Malheureusement, seul un crime de haine sur dix est dénoncé aux forces de l'ordre. En s'attaquant à des personnes vulnérables, la plupart des auteurs de crimes haineux souhaitent susciter la peur et la terreur au sein de l'ensemble de la communauté. Ils s'attaquent au fondement même de notre représentation d'une démocratie inclusive, qui consiste à vivre ouvertement, à l'abri des menaces et de la peur.
Les modifications proposées par le projet de loi C-305 soulèvent plusieurs autres questions. Les locaux commerciaux, comme les entreprises associées aux LGBTQ, seront-ils protégés par la loi? Les bars et les boîtes de nuit ont toujours été des lieux importants de refuge et de résistance pour la communauté LGBTQ. Dans certains cas, ils étaient les seuls endroits sécuritaires au sein de nombreuses collectivités.
Il paraît que le mouvement moderne pour la fierté a pris naissance à la suite de descentes policières effectuées au Stonewall Inn, un bar new-yorkais tristement célèbre. Grâce à l'un des derniers gestes du président Obama, il est désormais le premier monument national LGBTQ aux États-Unis. Stonewall a marqué le début d'une nouvelle source d'identité et d'activisme communautaire. C'est d'ailleurs en réaction aux émeutes fatidiques de juin 1969 que bien des festivals de fierté gaie sont organisés dans le monde aujourd'hui encore.
La tragédie récente à la discothèque Pulse, à Orlando, qui a coûté la vie à 49 innocents et en a blessé 53 autres, s'est produite dans un lieu associé à la communauté homosexuelle. Voilà un autre exemple très récent et tragique de la haine et de la violence extrêmes qui continuent de toucher la communauté LGBT. Il y a eu plus de 25 attaques documentées qui ciblaient des lieux de la communauté LGBTQ. Les victimes s'y réunissaient pour trouver un sentiment d'appartenance et de l'amour, mais ils y ont été accueillis par la haine et la mort.
Peut-être est-il temps d'adopter une approche différente et plus globale, plutôt que d'apporter des modifications fragmentaires au Code criminel du Canada toujours dans l'objectif de lutter contre la haine et les préjugés. Au Canada, les organismes d'application de la loi n'ont toujours aucune définition opérationnelle commune des crimes haineux, ce qui pose problème lors d'enquêtes policières, de rapports et de collecte précise de données nationales importantes. Voilà pourquoi il devrait y avoir un article propre aux crimes haineux et une définition universelle de ceux-ci dans le Code.
Voici un exemple de définition uniforme: un crime haineux est une infraction commise contre une personne ou un bien, qui vise exclusivement ou partiellement à causer du tort ou à inculquer la haine à l'égard d'un groupe identifiable, fondé sur la race réelle ou perçue, l'origine ethnique ou nationale, la langue, la couleur, la religion, le sexe, l'identité de genre, l'expression de genre, l'âge, un handicap mental ou physique, l'orientation sexuelle, ou sur toute autre caractéristique similaire.
Grâce à l'ajout au Code d'un article propre aux crimes haineux, dont la forme pourrait ressembler à celle de l'article 83.01 sur le terrorisme, et grâce à la sensibilisation et à l'application de ce nouvel article par les services policiers et les représentants de la justice, les diverses communautés du Canada comprendraient que notre gouvernement préconise et soutient une coexistence pacifique entre les communautés, mais qu'il applique aussi pleinement la loi contre les semeurs de haine et les groupes extrémistes, dont le but est de s'attaquer à la diversité et à la différence, et de détruire le tissu social du pays.
Même si les modifications proposées à l'article 430 sont importantes, la haine ne prend pas uniquement la forme de crimes contre les biens. Elle a plutôt une incidence disproportionnée sur les gens, dont bon nombre sont les éléments les plus vulnérables de notre société. Nous devons redoubler d'efforts pour protéger et appuyer nos communautés les plus vulnérables et les plus marginalisées. Il suffit de jeter un coup d'oeil au reste du monde pour constater que la haine et l'extrémisme sont en hausse. La question est la suivante: qu'allons-nous répondre à cette menace grandissante? Comme nous avons tragiquement pu le constater récemment, le Canada n'est à l'abri de rien.
Nous devons redoubler d'efforts pour protéger nos communautés diversifiées. Nous devons aller plus loin pour donner aux forces de l'ordre les outils dont ils ont besoin pour faire enquête, pour surveiller les individus et pour intenter des poursuites en cas de crimes motivés par la haine, peu importe s'ils visent des biens ou des personnes. Il est temps d'avoir une conversation beaucoup plus vaste sur la haine et l'extrémisme au Canada.
J'espère que le projet de loi d'initiative parlementaire atteindra justement ce but.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui.
Merci de me permettre de vous parler aujourd'hui et de nous avoir invités à discuter de cet important projet de loi.
Je veux commencer par dire que je ne passe habituellement pas mon temps à analyser les projets de loi et à examiner en profondeur ce genre de travaux au moment de l'élaboration de politiques. Je travaille dans un centre communautaire. J'ai consacré 30 années de ma vie aux communautés LGBTQ, à titre de bénévole pour des organismes communautaires, et maintenant à titre d'employé rémunéré, puisque je suis le directeur exécutif du Pride Centre of Edmonton.
Chaque année, notre organisme aide environ 5 000 personnes uniques. Dans le cadre de notre programme de sensibilisation, nous nous adressons à l'ensemble de la collectivité, de sorte que notre message atteint chaque année encore plus de personnes. Nous offrons nos programmes au gouvernement, aux organismes sans but lucratif, aux écoles, aux églises, aux centres pour personnes âgées, aux entreprises de la collectivité, et à toutes sortes d'endroits.
Vous devez aussi savoir que je suis un membre du clergé à la retraite. Je comprends donc profondément le lien entre la foi et la communauté LGBTQ, de même que de la structure sociale de la foi et son importance dans la vie de toute communauté. Au cours des 20 années où j'ai appartenu activement au clergé, j'ai été au service de deux congrégations seulement. La première était située au centre-ville d'Edmonton et comptait principalement des sans-abri, surtout d'origine autochtone. De son côté, la deuxième se trouvait dans un milieu queer et transgenre. Nous nous réunissions dans des locaux partagés. La plupart du temps que j'ai passé dans ces congrégations, nous ne fréquentions pas le lieu de culte traditionnel. Nous devions louer des locaux selon nos besoins, et nous nous réunissions par la grâce d'autrui. Nous avons donc bel et bien occupé des espaces qui ne sont pas nécessairement décrits dans le projet de loi.
Dans le cadre de mon travail bénévole, j'ai eu la chance de travailler avec le conseil d'administration d'Égale Canada. J'ai d'ailleurs présidé le comité national sur les transgenres de l'organisme pendant cinq ans. Pendant cette période, Égale a lancé son étude « Every Class in Every School », qui a été publiée en 2011. C'était la première étude de ce genre, et elle a révélé des chiffres stupéfiants sur le harcèlement, la violence et l'insécurité perçue. De plus, l'étude a montré que les jeunes de race blanche, LGBT ou non, ont subi considérablement moins de violence physique et de harcèlement. Ils sont 8 % à en avoir été victime, comparativement à 13 % chez les étudiants autochtones, et à 15 % chez les jeunes de couleur. C'est important, car on observe ici un effet cumulé, ou une sorte de problème double. Ces personnes courent des risques en raison non seulement de leur genre ou de leur orientation sexuelle, mais aussi de leur origine ethnique.
En 2014, l'étude Trans PULSE menée sur des Ontariens transgenres a révélé des chiffres encore plus alarmants sur les personnes transgenres et non binaires. La recherche a surtout montré qu'une expérience de discrimination peut entraîner l'exclusion des espaces sociaux, le chômage, l'évitement des soins de santé et des troubles de santé mentale. L'étude a aussi mis en évidence l'effet de situations d'oppression concomitantes, comme l'identité transgenre ou de genre associée à l'appartenance à un groupe ethnique, ce qui produit le même effet cumulé.
Même si le projet de loi C-305 ne porte pas expressément sur les agressions physiques et la violence, le fait de subir un méfait motivé par la haine aura probablement ce même effet cumulé lorsque plusieurs catégories d'identité se recoupent. La recherche indique aussi que les personnes LGBTQ craignent plus la discrimination que les autres. Il semblerait même que nous l'anticipions dans notre vie, souvent au quotidien. Le stress lié à l'état de minorité qui en découle a un effet collectif particulièrement notable en cas de violence, de harcèlement ou de méfait.
Au cours des cinq dernières années, j'ai vu les mots « pédé » et « homo » être peints sur un véhicule de mon quartier, des notes d'insultes adressées à toutes sortes de personnes être affichées sur des fenêtres et des portes, des véhicules être brûlés, et des fenêtres être brisées. C'étaient d'ailleurs mes propres fenêtres. L'envers de la médaille, ce sont les répercussions de la reconnaissance de notre vulnérabilité et de notre valeur en tant que citoyens.
Le fait d'inclure les droits des personnes LGBTQ et de valider leurs identités sur le plan législatif permettra de donner du pouvoir à la communauté queer et transgenre, en plus de la renforcer tant individuellement que collectivement. J'ai d'ailleurs pu le constater à maintes reprises au cours de ma vie, depuis la décriminalisation de l'homosexualité en 1969, époque où je venais d'affirmer mon identité, jusqu'à la modification de la loi de l'Alberta sur les droits de la personne en décembre 2015, qui comprend désormais l'identité de genre et l'expression de genre.
À la lecture du projet de loi C-305, je ne sais pas exactement ni à quels bâtiments ni dans quels contextes la modification peut ou devrait s'appliquer. Je sais toutefois que les méfaits fondés sur la haine ont toujours le même résultat, peu importe où ils sont commis: un lieu de culte, un centre communautaire, une organisation de femmes, un regroupement communautaire à l'intention des personnes autochtones ou de couleur, un lieu de rassemblement des personnes transgenres ou queer, ou la porte d'un aîné dans un établissement pour personnes âgées.
Un projet de loi semblable envoie des messages percutants. À ceux qui adoptent les dispositions législatives contre les méfaits motivés par la haine au sein de notre société, il dit que nous nous opposons à de tels gestes. Le projet de loi ne mettra peut-être pas un terme à tout, mais il dit que ces gestes ne sont pas corrects et qu'ils sont inacceptables. Pour ce qui est des personnes vulnérables, le message est encore plus fort: le projet de loi leur dit qu'ils comptent, ce qui est vraiment l'aspect le plus important.
Je vous remercie de votre temps.
Merci beaucoup, monsieur Wilson. Je vous remercie tous les deux de vos exposés.
Nous allons maintenant passer à la période de questions, à commencer par M. Falk.
Je vous remercie de comparaître devant notre comité aujourd'hui.
Monsieur Wilson, je voudrais vous poser quelques questions. Vous avez évidemment eu l'occasion d'étudier un peu le projet de loi. Pensez-vous qu'il répond aux préoccupations que vous avez soulevées dans votre exposé?
Le projet de loi répond bel et bien à certaines d'entre elles. Je ne suis toutefois pas persuadé qu'il englobe clairement certains problèmes que la communauté LGBTQ peut rencontrer en matière de méfaits. Bon nombre de crimes sont commis dans des résidences privées et contre des biens personnels. Cela peut bel et bien survenir dans des lieux qui sont utilisés à l'occasion par la communauté. Par exemple, si un individu sait qu'une salle est louée pour une activité LGBTQ pendant la semaine de la fierté, un incident pourrait s'y produire. Il ne s'agirait toutefois pas d'une utilisation régulière ou principale.
Je pense que le projet de loi comporte des failles, mais j'ignore comment les combler. Ce n'est pas mon rôle, mais je constate qu'il pourrait ne pas répondre à tous les besoins de cette communauté.
Bien.
Vous avez relevé le mot « principalement » dans les quatre premiers alinéas des modifications proposées. Vous dites que cette notion peut poser problème, surtout dans le cas de vos communautés. Vous proposez donc d'y réfléchir plus attentivement et de peut-être même modifier le passage. Est-ce exact?
C'est mon avis. Lorsque j'ai lu le passage, je me suis demandé si le mot devait vraiment figurer au projet de loi. Je pense qu'en cas de méfait contre un groupe identifiable, on ne devrait pas avoir à déterminer s'il s'agit d'une utilisation principale ou non.
Mme Khalid du groupe de témoins précédent a demandé comment le projet de loi pourrait avoir un effet dissuasif. D'après votre témoignage et votre expérience, pensez-vous que la mesure législative dissuaderait les gens? Dans l'affirmative, comment y arriverait-elle, selon vous?
On ne peut qu'espérer qu'un effet dissuasif sur la haine, car c'est rarement le cas. Je crois que cela envoie certainement un message. Les gens susceptibles de se laisser convaincre pourraient l'être grâce à cette mesure. Malheureusement, la plupart du temps, je ne crois pas que la législation ou une loi puisse dissiper la haine.
Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux d'être venus à Ottawa. Il est très important que vous nous fassiez part du point de vue de la communauté LGBTQ2 et de celui de l'Ouest, plus particulièrement de l'Alberta, d'Edmonton.
Dans le cadre de mes conversations récentes avec la communauté, j'ai rencontré des chercheurs de partout au pays. À Vancouver, j'ai rencontré les gens du Centre de recherche sur la stigmatisation et la résilience chez les jeunes vulnérables, le SARAVYC. Je leur ai posé une question directe: « Comment pouvons-nous sauver la vie de jeunes allosexuels autochtones et mettre fin aux suicides? » Jennifer, qui faisait partie des chercheurs, a sorti une étude et m'a dit: « Voici la preuve que nous avons besoin de lieux sûrs et de symboles. » Ce que les jeunes doivent savoir, c'est qu'il y a un endroit où il est sécuritaire pour eux d'être qui ils sont, mais ils ont besoin de symboles qui indiquent que ces endroits existent. Ils ont besoin de voir des drapeaux de la fierté et de la communauté trans, comme ceux que l'on retrouve au Camp fYrefly, au bureau de l'iSMSS, au centre de la fierté. Ils ont aussi besoin de ce que la Ville de Vancouver fait maintenant dans tous ses centres récréatifs, où des lieux sûrs sont créés. Ces lieux sont importants, mais, comme vous l'avez tous les deux mentionné avec beaucoup d'éloquence dans vos observations, ils deviennent ensuite des cibles à cause des rassemblements qui y prennent place.
Ce qui est important pour moi de savoir et ce que j'aimerais vous demander, c'est comment nous pouvons nous attaquer à ces problèmes, en nous servant non seulement de mesures législatives, mais aussi des autres outils à notre disposition?
Kris, vous avez carrément dit que nous devons examiner l'ensemble de la situation. Vous n'avez pas à me croire sur parole. Les dernières données de 2013 recueillies par Statistique Canada indiquent que 16 % des crimes haineux étaient motivés par une haine fondée sur l'orientation sexuelle, ce qui en fait le troisième motif en importance après la race et l'ethnicité, et la religion. Je félicite M. Arya de l'avoir mentionné et d'aller aussi loin.
Voici ce que je vous demande, monsieur Wells: quels seraient pour la communauté LGBTQ2 les effets concrets et symboliques de l'ajout de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre à cet article?
J'aurai ensuite une question pour Mickey et une question pour vous deux.
Merci de poser la question. Je pense que dans sa forme actuelle, le projet de loi dit que ces personnes sont importantes, qu'elles existent. Quand nous nommons les gens, nous leur donnons un statut. Nous reconnaissons qu'ils ont des droits, que ce sont des membres actifs, estimés et à part entière de notre société. Nous reconnaissons également en tant que gouvernement qu'il s'agit d'une communauté distincte et vulnérable de notre société. Nous le regrettons certainement, mais c'est ainsi. Ces changements sont symboliques. Ils permettent d'étendre la portée de la conversation et d'accroître l'inclusion dans notre pays.
Je pense qu'ils peuvent également donner des outils concrets aux forces de l'ordre, à nos procureurs, pour que le message soit clair, à savoir que les crimes commis seront pris très au sérieux compte tenu de leurs répercussions particulières. Comme on l'a dit à maintes reprises, ce ne sont pas des crimes, même si ce sont parfois des biens qui sont ciblés. Un groupe entier de personnes est ciblé. Le message se propage haut et fort, ce qui fait que certaines personnes ont l'impression de devoir se taire et se cacher. Elles se sentent donc moins en sécurité lorsqu'elles se rendent dans un lieu sûr.
Merci.
Monsieur Wilson, quelle serait l'incidence de l'ajout de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre sur le centre de la fierté d'Edmonton et d'autres organisations semblables d'un bout à l'autre du pays? Quelle serait l'incidence de ces ajouts proposés sur la communauté trans et sur les Canadiens de diverses identités de genre?
Je pense qu'il est très clair que lorsque les gens se voient dans la législation, ils sont plus susceptibles de sentir qu'ils ont des droits. À défaut de croire qu'ils seront écoutés, la plupart des allosexuels et des transgenres ne signalent pas les crimes et les incidents haineux ou les incidents fondés sur des préjugés qui se produisent dans leur communauté. Ils ne pensent pas que quelqu'un se préoccuperait vraiment d'une insulte qu'ils ont essuyée ou d'une menace proférée aux toilettes parce qu'ils sont trans, de ce genre de choses.
Cet ajout ferait en sorte que la loi dit qu'ils importent, que leur gouvernement reconnaît leur existence et dit que c'est important, et que ce l'est suffisamment pour le mettre par écrit et créer un seuil imposé par la loi.
Qu'est-ce que cela signifierait pour le centre de la fierté? Nous nous sentirions sans aucun doute plus en sécurité. Depuis que nous occupons nos locaux actuels, rien n'a été collé sur nos portes ou quoi que ce soit dans le genre, mais nous recevons des lettres que nous signalons, et des gens viennent dans mon bureau pour nous dire que nous sommes mauvais, que nous devons nous repentir, que nous irons en enfer et que nous ne devrions pas exister.
Les personnes de diverses identités de genre sont peut-être les plus marginalisées parmi nous. Les femmes trans sont sous-employées ou sans-emploi. On les assassine avec violence. Elles sont battues. Elles éprouvent sans cesse des difficultés. Je dirais que nous subissons une injustice à chaque occasion. Je peux dire qu'il n'y a pas une journée dans nos vies où nous n'avons pas à composer avec une sorte de conflit ou de confrontation. En venant ici ce matin, j'ai eu une conversation avec les agents de contrôle de l'aéroport à propos de qui je suis. C'est donc une réalité de tous les jours.
Je pense que le gouvernement reconnaît qui nous sommes et affirme que les gens n'ont pas le droit de nous maltraiter ou de commettre des crimes visant nos biens ou les lieux que nous occupons. C'est vraiment important.
Nous travaillons très fort pour que vous vous sentiez tous les jours en sécurité. Vous le savez, et je sais que vous avez contribué au dialogue.
Monsieur le président, me reste-t-il 30 secondes ou une minute? Combien de temps me reste-t-il, s'il m'en reste?
À vrai dire, vous n'avez plus de temps, mais nous avons 30 secondes, et je suis heureux de vous les accorder.
Vous pourrez peut-être répondre à cette question plus tard. Quarante pour cent des jeunes sans-abri font partie de la communauté LGBTQ2. Des aînés de la communauté se rendent dans des établissements pour personnes âgées où ils cachent de nouveau leur identité de genre. Au moment où le gouvernement commence à créer plus d'endroits sûrs pour les aînées LGBTQ et à aider tous les jeunes à sortir de l'itinérance, ce qui comprend sans aucun doute les jeunes LGBTQ, d'après vous, de quelle façon ce genre de disposition rend-elle ces endroits plus sécuritaires?
Nous savons que la haine est une valeur apprise, n'est-ce pas? La réalité, c'est que la grande majorité des crimes haineux sont commis par des jeunes et contre des jeunes, qui ont moins de 25 ans. Si la haine est une valeur apprise, ce qu'il faut vraiment nous demander, c'est ce que nous leur apprenons. À quel endroit apprennent-ils qu'il est acceptable de haïr et d'attaquer d'autres personnes?
C'est en grande partie attribuable aux conversations de famille autour de la table. Cela renvoie au genre de dialogue que nous voyons maintenant au sein de la Ligue nationale de hockey, alors que le thème du mois de février est « Le hockey est pour tout le monde ». Notre organisation, de concert avec d'autres organisations, dont Calder Bateman, a créé le ruban de la fierté pour permettre aux joueurs de la LNH, qui donnent l'exemple, de mettre sur leur bâton un ruban aux couleurs de l'arc-en-ciel pour dire que nous sommes des alliés; que nous allons lutter contre la discrimination; que nous allons créer des lieux d'inclusion.
Lorsque nous parlons d'apporter des modifications au Code criminel, nous parlons de tous ces petits changements, des micropratiques grâce auxquelles des personnes et des organisations interviennent et dénoncent la haine et les préjugés, car c'est ainsi que la culture évoluera.
C'est un premier pas important, mais je pense vraiment que c'est une question d'éducation et de changement culturel, que c'est lié au genre de propos que nous tenons.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous suis tous les deux très reconnaissant de comparaître aujourd'hui. Merci d'être venus à Ottawa.
Monsieur Wells, j'ai été très heureux de vous entendre parler dans votre témoignage de l'aspect fragmentaire du Code criminel. Le Code criminel est un grand morceau de la législation fédérale. Je crois qu'il compte plus de 1 300 pages. Chaque fois que je l'examine, je dois sauter d'un article à l'autre, car 500 pages peuvent séparer des articles sur un même sujet.
Je sais que l'objet du projet de loi C-305 est très noble, mais, dans votre témoignage, vous avez dit craindre que ces définitions très précises donnent lieu à certaines lacunes. L'article 718.2 autorise un juge à imposer des peines plus sévères lorsqu'un crime est motivé par la haine, selon certains critères. Je fais remarquer que l'identité et l'expression de genre ne figurent actuellement pas dans le libellé.
Y aurait-il un meilleur moyen d'ajouter ces termes au projet de loi, pour en élargir un peu la portée et faciliter la tâche des juges qui doivent les interpréter? En parlant de cet article, vous avez évoqué la possibilité que des entreprises visibles soient exclues. Cette mesure législative ne tient pas compte de certains quartiers de Vancouver et de Toronto, même s'ils sont reconnus comme des endroits où les membres de la communauté trans se rendent pour se sentir en sécurité; il s'agit de leur communauté.
Qu'en pensez-vous?
Je pense que vous avez raison. Lorsqu'une loi est modifiée au fil du temps, il est inévitable que certains articles ne forment pas nécessairement un ensemble cohérent et qu'ils soient difficiles à trouver. Si les juges ont de la difficulté à trouver différents articles en vigueur ou ne se trouvant plus dans les livres, je ne sais pas comment des citoyens ordinaires pourraient les interpréter.
C'est pour cette raison que l'on propose d'ajouter au Code criminel un article sur les crimes haineux pour tout regrouper. Nous indiquerions ainsi de manière plus convaincante ce que nous entendons par haine; c'est sans aucun doute ce que nous avons fait pour le terrorisme. De plus, cette façon de procéder nous donnerait une orientation claire et plus de moyens pour former les forces de l'ordre.
Nous savons qu'il existe actuellement des procureurs qui se consacrent aux crimes haineux étant donné qu'il est complexe d'être en mesure de prouver un motif, de déterminer qui est concerné et qui ne l'est pas. Le fait que nous n'ayons même pas de définition normalisée de ce qu'est un crime haineux au Canada est pour moi inadmissible. Comment pourrons-nous atteindre l'objectif des modifications au Code criminel lorsque des services de police partout au pays mènent leurs activités en fonction d'interprétations différentes?
Je sais qu'on y est favorable. Il faut juste en faire une priorité, et compte tenu de la situation que nous voyons dans le monde, je pense que le temps est venu pour nous de le faire en tant que pays. C'est une discussion sérieuse que nous devrions avoir. Comment pouvons-nous renforcer notre approche par rapport à la haine, que ce soit dans le Code criminel ou à l'aide d'autres ressources à notre disposition?
Je sais que nous avons au Canada d'excellents modèles de brigade du crime. Certains mettent l'accent sur les services de police, tandis que d'autres assurent une coordination à l'échelle provinciale, mais en avons-nous également à l'échelle nationale?
Je pense qu'une grande partie de ce que nous faisons, c'est parler de formes d'extrémisme et de terrorisme, mais nous parlons de la façon dont la haine et le terrorisme diffèrent. Ils peuvent être reliés, mais aussi très distincts. Quand nous parlons de haine, nous parlons souvent de personnes vulnérables prises pour cibles. Quand nous parlons de terrorisme, nous parlons aussi de catégories complètes ou de groupes entiers de personnes.
Je pense que cette mesure législative est importante, qu'elle représente un pas dans la bonne direction. Je crois que c'est un dialogue que nous devons poursuivre avec détermination.
Je vais également vous laisser aborder la question, monsieur Wilson, mais il y a une chose dont je voulais rapidement parler avant que M. Wells termine son intervention.
Si nous trouvons le moyen d'inclure ces modifications pour cerner des entreprises ou toutes sortes de lieux de rassemblement, pensez-vous que cela rendrait le projet de loi C-305 plus utile, même s'il est nécessaire de définir les crimes haineux de manière plus générale?
Oui. Je pense que c'est important pour la communauté LGBTQ. En vertu de la législation actuelle, si un drame se produit dans ce genre d'établissements commerciaux, comme celui de la boîte de nuit Pulse, nous nous demanderions si cela s'applique ou non. Nous pouvons apprendre les leçons de l'histoire et aller de l'avant de façon proactive. Nous pourrions peut-être aussi parler de lieux de célébration.
Nous avons discuté un peu de la définition. Une fois que nous commençons à être précis au point de nommer les motifs, il est possible que nous devions ajouter la phrase « et d'autres facteurs semblables », pour éviter de devoir rouvrir au fil du temps ces articles du code qui sont sujets à interprétation.
Je vais me contenter d'ajouter qu'on a l'occasion d'imposer une peine plus sévère lorsque la haine est considérée comme un motif, mais cela n'arrive pas très souvent, même quand c'est le cas. Je pense que c'est problématique, car cela signifie que nous ne savons pas — personne ne le sait — que la haine était un motif. Il n'en est question nulle part. Je pense que c'est problématique.
Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux de vos témoignages.
Monsieur Wells, vous avez dit que le terme « expression de genre » devrait figurer au paragraphe 430 (4.1). Pouvez-vous expliquer comment cet ajout améliorerait le projet de loi et l'effet qu'il pourrait avoir?
Tout à fait. Je pense qu'on a dit que ce devrait être une mesure parallèle au projet de loi C-16. Comme je l'ai mentionné, de nombreuses personnes sont prises pour cibles à cause de leur expression de genre, car elles n'agissent pas comme des hommes ou des femmes dans le sens qui est socialement accepté. Et que se passe-t-il lorsqu'on a diverses identités de genre? On parle d'un groupe de personnes qui peuvent courir des risques extrêmes, comme mon collègue l'a mentionné.
Au moment où nous changeons une partie du Code criminel et où nous avons l'occasion de faire preuve de cohérence, je pense que c'est prudent. Je crois qu'on en a beaucoup parlé. À mon avis, ce qui a changé, c'est que nous comprenons mieux l'identité de genre et ce que signifie l'expression de genre, et comment ces deux réalités peuvent rendre vulnérables des personnes dont l'identité pourrait contraster avec le binôme masculin/féminin. Nous percevons cela davantage comme une fluidité au sein de notre société.
Comme je le dis toujours, adressez-vous à nos étudiants et à nos jeunes, allez sur Facebook. Il n'y a pas que deux choix de genre. Il y en a plus de 50. En tant que professeur qui travaille dans ce domaine, je dirais que mes étudiants sont ceux qui m'enseignent le mieux ce qui est courant de nos jours dans leur façon de s'identifier.
J'ai porté attention à votre dialogue plus vaste sur les crimes haineux et ainsi de suite. Cependant, nous devons malheureusement nous pencher sur un aspect très restreint de la question, à savoir l'objet du projet de loi. Le projet de loi a pris forme à la suite de méfaits contre des immeubles qui sont définis de manière très générale dans certains cas et de manière très restreinte dans d'autres, et contre les espaces connexes — quant à savoir s'il s'agit d'une fonction principale ou partielle des immeubles, c'est une chose dont nous devrons parler.
Je me demande si le libellé doit comprendre tous les autres espaces ainsi que la propriété privée. Si on y ajoutait les lieux, les immeubles et les structures qui sont pris pour cibles en raison de ce que l'on perçoit comme une utilisation ou une association liée aux groupes énumérés, que ce soit en totalité ou en partie, je me demande si cela ne serait pas trop général.
J'appuierais certainement cette proposition. Je donne l'exemple d'une personne qui place un drapeau arc-en-ciel dans sa fenêtre ou dans sa cour avant, et qui est ensuite ciblée parce qu'elle a affiché son appui ou son appartenance à la communauté LGBTQ. En plus, ce n'est pas seulement elle qui est ciblée, mais aussi tous ses amis, ses parents, parce que le crime est motivé par une caractéristique précise, une personne. C'est vraiment là où nous voulons en venir. Ce n'est pas un crime ordinaire. C'est un crime motivé par la malveillance et les préjugés.
J'avais une question, mais je l'ai oubliée.
Une de mes préoccupations, c'est que certains propos sont très haineux, mais qu'ils relèvent de la liberté d'expression. En incluant plus de types ou de catégories de bâtiments, on risque d'empiéter sur la liberté d'expression, ce qui pourrait entraîner des contestations en vertu de la Charte.
Est-ce l'un de vous aurait quelque chose à dire là-dessus?
Il y a eu beaucoup de commentaires sur la liberté d'expression, et ce n'est certainement pas une question facile à résoudre, mais je pense que la jurisprudence commence à établir des définitions.
Nous parlons ici de certains graffitis. Nous parlons de violence exercée contre des lieux. Nous parlons de choses comme des bombes incendiaires et des dommages matériels, ce qui est différent de la notion de liberté d'expression. C'est certainement quelque chose qui nous est cher et que nous valorisons à l'université. C'est très important pour moi d'avoir cette voix, car il arrive souvent que je prenne la parole et que des gens appellent le président de l'université pour me faire congédier parce qu'ils n'aiment pas qu'on présente le point de vue de la communauté LGBTQ.
Dans une société démocratique, c'est très important de ne pas limiter cet espace, mais en même temps, il faut trouver un équilibre qui permette de protéger les groupes vulnérables, surtout quand la liberté d'expression se transforme en propagande haineuse.
D'accord, j'ai une dernière question. D'après vous, s'agit-il d'un outil qui sera utile aux organismes d'application de la loi? Est-ce qu'élargir ainsi la mesure les aidera?
Je ne peux pas répondre pour les organismes d'application de la loi, mais il s'agirait d'un outil additionnel utile. La modification envoie un autre message très ferme. L'utilité des changements de ce genre dépend de l'éducation fournie par la suite — la mise en oeuvre. Il y a donc la question de la formation et de la sensibilisation. De nombreux policiers et procureurs de la Couronne n'ont toujours pas une bonne compréhension de ce que sont la haine et les préjugés dans notre société. J'espère que les modifications proposées renforceront la conversation.
Merci beaucoup, monsieur McKinnon.
Il ne nous reste pas assez de temps pour une série complète de questions, mais si des membres ont des questions brèves, je leur permettrais de les poser et je vous demanderais de donner des réponses brèves, s'il vous plaît.
M. Arnold avait une question.
Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins de leur présence.
C'est la première fois que j'examine le projet de loi très attentivement. Une grande partie de la discussion vise à établir des définitions précises en incluant certaines choses, et ce qui n'est pas inclus devient le centre de la discussion.
Le projet de loi contient les mots « servant principalement », et je me demande pourquoi ces mots se trouvent aux alinéas 4.101a), b) et c), car si on retirait le mot « principalement », les dispositions deviendraient applicables dans tous les cas. L'alinéa 4.101d) est le seul qui pourrait poser problème.
Je me demande si les témoins ont quelque chose à dire à ce sujet.
Comme je l'ai déjà dit, je ne suis pas certain que le mot soit nécessaire. D'après moi, il limite la possibilité d'utiliser le projet de loi efficacement. Certains lieux servent seulement occasionnellement... Comme Kris le disait, il y a l'exemple de l'entreprise appartenant à un allié hétérosexuel de la communauté qui décide de placer un drapeau arc-en-ciel dans sa fenêtre et dont l'entreprise est ciblée juste à cause de la présence du drapeau. Je trouve donc que le mot « principalement » est très restrictif, car l'entreprise en question n'a peut-être rien à voir avec notre communauté, sauf le fait qu'elle nous appuie et qu'elle montre que nous sommes les bienvenus, et pourtant, elle pourrait être ciblée juste à cause du symbole.
Le mot est restrictif.
Ma question s'éloigne du sujet, et j'espère que le président ne l'écartera pas. Elle est liée au travail que vous accomplissez tous les deux au sein de vos organisations. Lorsque vous devez réagir à une attaque, à une fenêtre cassée, par exemple, vous avez besoin d'argent. Vous avez besoin de financement. Vous avez aussi besoin de financement pour soutenir 5 000 personnes. J'aimerais savoir si vos organisations reçoivent du financement fédéral pour faire leur important travail.
Merci. Je suis d'accord avec vous, monsieur Boissonnault, que la question s'éloigne énormément du sujet.
La discussion concerne la portée du projet de loi. Vous pourriez donc reformuler de la façon suivante ou de façon semblable: à votre connaissance, le projet de loi prévoit-il des fonds auxquels vous auriez accès; sinon, de quelles autres manières avez-vous obtenu des fonds? Je vais être assez souple.
M. Ted Falk: Vous allez chercher très loin.
Le président: Oui, mais comme il est tard, écoutons la réponse.
Le financement est toujours utile. Une grande partie du financement sert principalement à la mise en oeuvre des dispositions législatives et à la sensibilisation par rapport à celles-ci. Comme nous l'avons déjà dit, il ne suffit pas d'adopter une mesure législative; il faut aussi veiller à ce qu'elle soit appliquée efficacement et aux fins prévues, et à ce que les gens soient bien informés. Chaque fois qu'il est question de mesures législatives, il faut se demander quel est le plan de mise en oeuvre et quelles ressources seront investies pour en faire une réussite.
Merci.
Avez-vous d'autres questions concernant le projet de loi? J'en ai une, si les membres du Comité me permettent de la poser.
J'ai écouté la discussion. Je comprends parfaitement ce que vous avez dit tous les deux au sujet de cibler, par exemple, une entreprise alliée qui arbore le drapeau de la fierté gaie ou la maison de quelqu'un. Cela se produit dans toutes les communautés.
Voyez-vous une différence entre les actes de vandalisme visant un centre communautaire LGBTQ, un bureau qui représente clairement un groupe précis de la communauté ou un bâtiment loué à l'occasion de la semaine de la fierté gaie pour une activité LGBTQ, et les actes de vandalisme visant une résidence privée, qui n'est, dans aucun cas, à des fins religieuses ou autres, ciblée par la disposition?
Non. Pour répondre très franchement, non.
Les répercussions au sein de la communauté sont les mêmes. Si la maison d'un membre de notre communauté est vandalisée, nous nous demandons tous qui sera la prochaine victime. Nous nous demandons aussi si la personne responsable se fera prendre parce que la plupart du temps, elle ne l'est pas. Si elle se fait prendre, nous nous demandons si elle sera traduite en justice, car souvent, elle ne l'est pas.
Je dirais que la question n'est pas de savoir s'il y a des répercussions ou non; c'est de connaître l'ampleur des répercussions.
Je suis d'accord. La distinction entre les personnes et les lieux pose aussi problème parce que ce n'est pas si facile de diviser l'identité des personnes, n'est-ce pas? Nous parlons de crimes fondés sur l'identité; le lieu où ils sont perpétrés n'est donc pas nécessairement important. Leurs répercussions, la prise pour cible de l'essence même d'une personne, sont les raisons pour lesquelles nous avons adopté des lois sur les crimes motivés par la haine.
Je suis particulièrement préoccupé par ce qui adviendra, en vertu du projet de loi, des locaux commerciaux qui servent de facto d'espaces communautaires. Je le répète, à cause de circonstances historiques, souvent, il n'y a pas d'autres endroits que les nombreux bars et boîtes de nuit ayant servi de refuges. Je me rappelle bien avoir marché dans des ruelles où il n'y avait pas de portes parce que ce n'était pas sécuritaire pour les établissements gais de mettre des enseignes. Le Canada a réalisé d'énormes progrès.
Je pense que nous avons aujourd'hui une réelle occasion de renforcer le leadership du Canada relativement aux questions LGBTQ et aux questions des droits de la personne, non seulement au pays, mais aussi à l'échelle internationale. Il existe un vide à l'échelle mondiale, et j'espère que le gouvernement n'aura pas peur de combler ce vide, car comme d'autres l'ont dit, le monde a besoin de plus de pays comme le Canada en ce moment.
Je vais poser une question complémentaire parce que je comprends ce que vous dites et je tiens à mieux saisir le tout.
Par exemple, selon le libellé actuel du projet de loi, ou du moins selon la lecture que j'en fais, une boîte de nuit gaie ne serait pas visée par les dispositions du projet de loi, à moins qu'elle soit définie comme un lieu social. Ce que vous dites, c'est que pour la communauté gaie, c'est autant un lieu de rassemblement et un espace sécuritaire qu'un centre culturel mennonite ou juif, car c'est là que les membres de la communauté s'affirment, se rassemblent et se sentent à l'aise les uns avec les autres. Ce lieu devrait donc être traité de la même façon que les autres endroits inclus dans le projet de loi. Est-ce exact?
Tout à fait. Il devrait être inclus dans la définition; ainsi, on n'aurait pas à se demander s'il s'agit d'un lieu social et personne n'aurait à déclarer: « C'est un local commercial. Il n'est pas visé par la disposition. »
Ce serait affreux qu'une telle chose se produise ou qu'on dise cela à une communauté blessée et souffrante. Nous savons que ce sont ces endroits qui risquent le plus d'être ciblés et attaqués.
Après les événements qui se sont déroulés à la boîte de nuit Pulse, c'était une des conversations qu'on avait dans la communauté. Les gens tenaient pour acquis que c'était un endroit sûr, et quelqu'un en a fait un endroit dangereux.
La sécurité est tellement importante dans tous les lieux et pour tous les groupes identifiables. Les endroits sécuritaires pour les personnes queer et transgenres ne sont pas toujours faciles à identifier par une institution donnée.
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