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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 080 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 6 décembre 2017

[Enregistrement électronique]

(1545)

[Traduction]

    Bonjour à tous. Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, réunion au cours de laquelle nous allons poursuivre notre étude sur le counseling et les autres services de santé mentale offerts aux jurés.
    Aujourd'hui, nous sommes enchantés de recevoir un groupe d'illustres experts. Je vais d'abord présenter ceux qui sont ici, dans la pièce. Accueillons donc M. Patrick Baillie et Mme Marie-Eve Leclerc, qui témoignent tous les deux à titre personnel.
    Soyez les bienvenus.
    Nous accueillons également Mme Michelle Lonergan.
    Soyez la bienvenue.
    Souhaitons également la bienvenue à M. Greg Kyllo, qui est directeur national de l'innovation en matière de programmes à l'Association canadienne pour la santé mentale.
    Par vidéoconférence en provenance de Toronto, nous entendrons Mme Vivien Lee, qui est psychologue et qui témoignera au nom du Centre de toxicomanie et de santé mentale. Madame Lee, soyez la bienvenue.
    Nous allons demander à tous nos témoins d'y aller de leur déclaration liminaire. Chaque groupe dispose pour ce faire de huit à dix minutes. Nous allons suivre l'ordre dans lequel les témoins apparaissent sur la liste.
    Le premier à passer sera donc M. Baillie.
    Merci, monsieur le président, et merci de cette invitation à témoigner.
    Hier, vous avez reçu la juge Sheilah Martin. Mme Martin m'a enseigné l'éthique à l'école de droit. L'une des choses dont elle ne vous a pas parlé, c'est cette affaire particulièrement difficile dont elle a été saisie il y a quelques années. Dustin Paxton a été accusé de très mauvais traitements à l'endroit de son colocataire, de traitements à ce point violents que lorsque le colocataire a été débarqué dans un hôpital d'une autre province, il était tellement défiguré qu'il leur a fallu des jours pour établir son identité.
     De multiples experts, dont moi, ont été mobilisés pour cette affaire: des greffiers, des agents de police de deux provinces, des avocats et la juge Martin elle-même. Une fois le procès terminé, toutes ces personnes ont eu accès à du soutien en santé mentale. Je sais en outre que tous ceux qui ont travaillé sur cette affaire particulière ont été touchés à divers degrés.
    Dans cette optique, essayez d'imaginer ce scénario où vous recevriez une lettre vous informant que vous avez été choisi pour siéger à un jury. Vous n'êtes pas une personne qui a l'habitude du système judiciaire; vous ne travaillez pas pour les médias; et vous n'êtes pas membre d'une profession juridique, mais on vous intime de vous présenter et d'assumer la responsabilité de décider du sort de l'un de vos concitoyens.
    Votre contribution ne sera pas rémunérée adéquatement. En Ontario, les jurés ne reçoivent aucune rémunération pour les 10 premiers jours de leur prestation. En Alberta, on vous verse 50 $ par jour pour siéger comme juré. D'après ce que j'ai compris, chaque province a une norme de rémunération minimum, mais les personnes qui assument cette responsabilité ne reçoivent même pas le salaire minimum. En fait, dans certaines provinces, les jurés sont même obligés de payer leurs propres frais de stationnement. Si l'on ajoute à cela les frais pour faire garder les enfants et toutes les autres dépenses connexes, on s'aperçoit vite que les sources de stress commencent à s'accumuler.
    La première chose à laquelle les gens pensent lorsqu'ils reçoivent leur convocation, c'est à la façon dont ils vont s'en sortir. Concrètement, nous nous retrouvons dans une situation où les seules personnes qui peuvent faire partie de jurys sont les membres de syndicats ou les gens qui gagnent beaucoup en marge de leur pratique — grâce à un revenu passif, par exemple. Dans ces conditions, on peut à peine parler d'un jury de pairs.
    Imaginez donc ce qui peut se produire dans des procès horribles comme ceux qui se sont tenus plus tôt cette année, en Alberta: celui de Douglas Garland, accusé du meurtre de ses grands-parents, Alvin et Kathy Liknes, et de leur petit-fils, Nathan O'Brien; ou celui de Derek Saretzky, accusé du meurtre de trois personnes dans le Sud de l'Alberta. Ces deux procès étaient des procès avec jury; les deux ont duré des semaines et les deux ont donné lieu à des témoignages crus.
     Dans le procès Garland, il y avait des preuves indiquant que M. Garland avait suspendu ses victimes à un crochet à viande, ce que les tests d'ADN ont confirmé. On a fait circuler ce crochet à viande, bien que dans un sac en plastique, de juré à juré, et l'on pouvait entendre le bruit sourd qu'il faisait contre la table en passant de l'un à l'autre.
    Il n'est donc pas surprenant que, bien qu'ils réfléchissent aux conséquences sur le plan financier ou organisationnel, les gens ne passent pas autant de temps à penser aux répercussions que leur prestation de juré pourrait avoir sur leur santé mentale. Toutefois, comme mes collègues vous le diront, certaines preuves semblent indiquer la présence chez les jurés de stress post-traumatique et de symptômes d'anxiété, de dépression, d'anorexie, d'insomnie et d'autres formes de nervosité .
     Au terme du procès, on vous informera — du moins, dans certaines provinces — que vous pouvez vous prévaloir de quatre séances de counseling au cours des deux mois suivants. On pourrait aussi vous informer qu'il n'y a pas la moindre forme de counseling pour vous.
    Or, la toute première instruction que les jurés reçoivent au moment d'assumer leur responsabilité, c'est celle que leur donne le juge lorsqu'il les informe qu'ils ne peuvent discuter de l'affaire avec personne d'autre que les autres membres du jury, et ce, seulement en présence de tous les autres membres. Il y a deux semaines, vous avez entendu l'histoire consternante de quatre jurés qui ont pris part à de longs procès. Par exemple, Mark ne peut pas raconter ce qu'il vit à ses amis ou aux membres de sa famille. Lorsque quelqu'un cherche à se libérer du stress occasionné par la mauvaise journée qu'il vient de passer, il parle à son conjoint, à un membre de la famille ou à un ami proche. Certains pourront parler à leur psychologue ou à un autre type de thérapeute. C'est ce que nous faisons pour décompresser, pour libérer le stress. Sauf que les jurés se font dire explicitement qu'ils n'ont pas accès à cette soupape.
    Lors du procès Garland, le juge David Gates faisait des détours pour veiller sur la santé mentale des jurés, sauf que maintenant, cette délicatesse de la part du juge — ce soutien à l'intention des jurés — est l'un des arguments soutenus dans le cadre de l'appel. On prétend effectivement que la décision du juge a été influencée par le souci particulier qu'il a accordé à la protection de la santé mentale des jurés.
     Par conséquent, nous nous retrouvons dans une situation où nous n'informons pas les gens de ce dans quoi ils s'embarquent; nous ne les soutenons pas pendant le processus proprement dit et nous leur fournissons qu'une aide très limitée une fois le procès terminé.
(1550)
     Ce que j'ai à vous proposer, c'est une série d'étapes — et je vous ferai parvenir un document officiel sous peu — concernant l'information qui devrait être fournie aux futurs jurés avant qu'ils n'assument leurs fonctions. Cette information rappelle à leur souvenir leurs propres dispositions en matière de résilience ainsi que les choses qu'ils ont l'habitude de faire pour prendre soin d'eux-mêmes. Ils apprendront aussi l'existence de certaines choses qui peuvent perturber le déroulement du procès, comme les voir-dire. Il y aura des jours où leur présence sur place ne sera pas demandée et pendant lesquels ils n'auront absolument aucune façon de savoir ce qui se passe. Il faudra les informer de certains des mécanismes, des éventuelles indemnités de stationnement et de la nature de la rémunération qui leur sera accordée. Puis, lors du procès, on devrait prévoir un processus pour leur donner accès à un conseiller, à un psychologue ou à un autre type de thérapeute. Cette personne aura été dument nommée par la province. Elle ne sera pas autorisée à discuter du procès, mais elle pourra fournir de l'aide aux jurés mobilisés par des procédures qui traînent en longueur. Il faut veiller à ce que les jurés reçoivent une rémunération adéquate afin de leur éviter le stress financier que peut occasionner leur participation au procès. Il y aurait même lieu d'envisager une pause obligatoire pour les procès particulièrement longs. Vous avez entendu parler de ce jury qui a dû siéger tout au long d'un procès de 10 mois sans un seul congé. Personne ne les a payés pour qu'ils prennent une semaine de vacances et s'éloignent momentanément de leurs fonctions de jurés. Pourtant, toute autre personne prenant part à un processus d'une telle longueur serait autorisée à prendre des vacances.
    Puis, il y a les choses qu'il faut prévoir pour la suite du processus. Comme vous le savez, les membres des jurys ne sont pas autorisés à parler des délibérations. Ils ne doivent jamais parler à qui que ce soit de ce qui s'est passé dans la salle des jurés. Sauf que je peux vous affirmer que certains des jurés qui sont venus me voir ces deux dernières années — ces gens qui ont cherché à obtenir du counseling parce qu'ils trouvaient que les programmes provinciaux n'étaient pas à la hauteur — m'ont dit à quel point ils avaient trouvé cette partie de la procédure stressante. Ils ont écouté tous les témoins avec impartialité. Ils ont pris connaissance de la preuve. Ils ont manipulé les pièces à conviction. Certains m'ont raconté que, lorsqu'ils se sont retirés dans la salle des jurés, il y avait unanimité quant au verdict. Or, ils déploraient que, malgré cela, il avait fallu discuter longuement pendant des heures, voire des jours, afin d'établir comment chacun était arrivé à ce verdict particulier. Les modestes recherches qui ont été faites sur les jurés nous ont montré que les délibérations peuvent être tout aussi stressantes que le reste du processus.
    Voici ce que je propose. L'article 10 de la Loi sur le divorce permet à un juge de nommer une personne à qui l'on demandera de déterminer s'il existe ou non une possibilité que les deux conjoints en cause se réconcilient. L'information divulguée durant ce processus de détermination n'est jamais contraignable, quelles que soient les circonstances, et elle ne peut jamais être divulguée, même si les deux conjoints y consentent. Une façon de commencer à poser les bons gestes pour préserver la santé mentale des jurés serait d'appliquer une condition semblable afin de permettre aux jurés de parler de ce qu'ils ont vu, vécu et entendu avec une tierce personne, c'est-à-dire un fournisseur de service attitré.
    Je serai heureux de répondre à vos questions. Je suis content d'avoir l'occasion de reparler de cela. C'est une cause pour laquelle je me suis battu durant des années. Je suis ravi que le Comité ait décidé de se pencher sur cette question et qu'il ait décidé de le faire maintenant.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Baillie.
    Au tour maintenant de Mme Leclerc et de Mme Lonergan.
    Bonjour à tous les membres du Comité. Merci beaucoup de m'avoir invitée ici aujourd'hui pour parler de ce très important sujet qu'est la santé mentale des jurés.
    Je suis à ma 4e année d'étude de doctorat au Département de psychiatrie de l'Université McGill. Depuis les neuf dernières années, j'étudie les effets dévastateurs des traumatismes et le trouble de stress post-traumatique sous la direction du Dr Alain Brunet, dans le laboratoire sur les traumatismes psychologiques de ce dernier, au centre de recherche Douglas.
    Je suis ici aujourd'hui avec ma collègue Marie-Eve Leclerc, qui est étudiante au doctorat à l'École de psychologie de l'Université d'Ottawa. Marie-Eve est une ancienne étudiante à la maîtrise du Dr Brunet — au Département de psychiatrie de l'Université McGill — et elle cosigne avec moi la recherche que je m'apprête à vous présenter.
    Le procès de Luka Magnotta, cet homme qui a violemment tué Lin Jun, un étudiant de l’Université Concordia, au printemps 2012, a commencé en septembre 2014. Ce même mois, lors d'une interview, le Dr Alain Brunet fait part de ses préoccupations au sujet des risques accrus de syndrome de stress post-traumatique, ou SSPT, chez les jurés, les avocats, les témoins experts et les autres membres du personnel du tribunal susceptibles d'être présents lors de la présentation de documents violents au procès de Magnotta. C’est à ce moment-là que le Dr Brunet commence à s’intéresser aux effets potentiellement traumatisants des fonctions de juré.
    Ce qu'il faut savoir c'est que la 5e édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, le MDS, a été publiée un an plus tôt. Or, dans cette édition, la conception de ce qui constitue un événement traumatique a été redéfinie et élargie afin d’inclure les cas de personnes qui, dans le cadre de leurs fonctions professionnelles, principalement, sont exposées indirectement, mais de façon répétée à du matériel traumatisant comme des photographies et des vidéos. Cette notion ne faisait pas partie de la version précédente du MDS. Cela signifie que l'American Psychiatric Association reconnaît désormais que toute personne qui, comme un juré, serait exposée de façon répétée à du matériel violent et cru est à risque de développer un SSPT.
    Envisageant la possibilité de mettre sur pied un projet de recherche pour approfondir cette question, le Dr Brunet m’a demandé d’écrire un article passant en revue tout ce qui s'est publié de scientifique sur la santé mentale des jurés. Les résultats de cet examen ont été publiés en 2016 dans le Journal of Criminal Justice.
    En tout, nous avons trouvé 14 études publiées depuis 1985 sur l'incidence des SSPT chez les jurés. Cette recherche révèle que jusqu'à 50 % des jurés auront des symptômes du SSPT d'une gravité pouvant nécessiter des soins médicaux. Jusqu’à 12 % des jurés répondent aux critères de diagnostic pour le SSPT peu après le procès, mais chez certains, cette propension peut persister pendant des mois, voire pendant des années.
    Parmi les symptômes les plus fréquemment signalés dans les études que nous avons examinées, citons les pensées et les mémoires intrusives, les cauchemars relatifs à ce qui a été vu ou entendu, les troubles du sommeil et l’insomnie, l'absence d'appétit, une sorte d'engourdissement émotionnel, le sentiment d'être séparé de son entourage et de ses proches. On a aussi signalé une tendance à l’hypervigilance, c'est-à-dire le sentiment de se méfier constamment de son entourage, voire d'en avoir peur. D’autres recherches font état d'une incidence élevée de cas de dépression et d’anxiété, ainsi que de problèmes de toxicomanie, lesquels font très souvent partie du profil clinique du SSPT.
    Notre recherche a aussi permis de cerner plusieurs sources de stress chez les jurés, les facteurs les plus importants étant reliés aux processus de délibération. Ces facteurs comprennent les éléments associés au processus de prise de décision — par exemple, la peur de prendre la mauvaise décision —, la tension entre les jurés, ainsi que le fait d’être séquestré puis isolé des réseaux de soutien familiers.
    Dans toutes les études qui ont été examinées, la nature du procès est associée à la sévérité de la pathologie. En effet, de 30 à 50 % des jurés ont indiqué que le caractère horrible de la preuve avait été, au minimum, modérément stressant.
    Les jurés de procès pénaux où il est question de crimes contre une personne ont systématiquement des symptômes plus prononcés de SSPT et sont beaucoup plus susceptibles d'être diagnostiqués avec un SSPT probable ou une dépression majeure que ceux qui siègent à des procès non criminels ou à des procès criminels où il n'est pas question de crimes contre une personne, comme les procès pour cambriolage ou pour fraude par carte de crédit.
    D'autres recherches indiquent que les procès longs où l'on présente des éléments de preuve explicites sont ceux où les jurés auront le plus de risque de développer un SSPT.
    Selon les articles examinés, les jurés ayant des antécédents de trouble de santé mentale risquent davantage de souffrir du SSPT après leur prestation, surtout si le procès se rapproche de leur propre traumatisme antérieur.
(1555)
    Même si jusqu'ici, les recherches appuient l'idée selon laquelle le risque d'ESPT pourrait être plus élevé parmi les jurés qui servent lors de procès fortement médiatisés concernant des crimes violents contre une personne, la fermeté de nos conclusions devrait être considérée en fonction de plusieurs limites méthodologiques, surtout en ce qui concerne la façon dont un événement traumatique et l'ESPT sont mesurés et diagnostiqués dans les différentes études, par exemple.
    Je serai heureuse de vous fournir d'autres détails pendant la période de questions.
    Pour l'instant, je laisse la parole à ma collègue, Marie-Eve Leclerc, qui est ici aujourd'hui pour formuler quelques recommandations fondées sur nos travaux, ainsi que pour répondre à vos questions au sujet de sa tentative de mener une étude sur les cas d'ESPT parmi d'anciens jurés.
    Merci. J'aimerais également vous remercier de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui.
    Dans le cadre de ma maîtrise, j'ai participé à la conception d'une étude qui visait à évaluer l'ESPT chez les membres d'un jury qui ont participé à un procès criminel précis. Malheureusement, en raison de plusieurs obstacles, je n'ai pas été en mesure de terminer cette recherche.
    Afin de continuer à me concentrer sur les symptômes de traumatisme dans les tribunaux, j'ai plutôt mené une étude sur l'ESPT chez les avocats canadiens. Je serai heureuse de répondre à vos questions sur les résultats de cette étude pendant la période de questions, si cela vous intéresse.
    En me fondant sur cette expérience et sur les travaux présentés ici par Mme Lonergan, j'aimerais formuler les recommandations suivantes.
    Ces recommandations servent à planifier une étude de recherche. En vue d'appliquer des techniques actives de résolution de problème à cet enjeu, nous croyons que nous devons étendre nos travaux à l'extérieur des tribunaux. Par exemple, nous suggérons d'employer une équipe multidisciplinaire composée d'experts du milieu universitaire dans les domaines de la psychiatrie, de la psychologie et du droit et dont l'objectif serait de bâtir des ponts et de s'attaquer aux limites des recherches plus poussées.
    Les recherches pourraient servir à évaluer les jurés potentiels en vue de cerner un trouble psychiatrique avant, après ou plusieurs mois après un procès. Ces évaluations menées par des cliniciens nous aideraient à comprendre la portée et la progression du problème. Cela nous aiderait non seulement à établir un profil pour cerner les personnes les plus à risque de développer des troubles liés à un traumatisme après leur service, mais cela nous permettrait également de mieux comprendre les effets directs des fonctions de juré sur la santé mentale.
    Les recommandations suivantes concernent la santé mentale des jurés.
    Les juges ont parfois recours à des séances d'information après le procès pour atténuer les effets négatifs potentiels sur la santé mentale des jurés. Malgré les efforts louables déployés par le système judiciaire pour réduire les symptômes de stress chez les jurés par l'utilisation de séances d'information après le procès, des données probantes révèlent que la séance d'information pourrait être insuffisante, à elle seule, pour réduire les niveaux de pathologie chez les jurés. Comme dans le cas d'un grand nombre de traitements, la combinaison de plusieurs pratiques fondées sur des données probantes produirait probablement de meilleurs résultats.
    On pourrait notamment utiliser la psychoéducation sur la préservation de l'équilibre personnel et des mécanismes d'adaptation pour préparer les jurés à faire face à des éléments potentiellement traumatiques. Cela permettrait également de renforcer les services psychologiques offerts aux membres d'un jury. Cela pourrait également comprendre du counselling et des séances d'information menées par des professionnels de la santé mentale pendant tout le procès, en groupe ou individuellement.
    Nous croyons que les troubles de santé mentale devraient idéalement être confiés à des professionnels de la santé mentale. De plus, des séances d'information menées par des cliniciens et un service de counselling pendant une période prolongée après le procès seraient des ressources très avantageuses. Des suivis prolongés après le procès pourraient être menés plusieurs semaines ou plusieurs mois après la fin d'un procès, afin de suivre les jurés et de veiller à leur réadaptation, car de nombreuses personnes ne tentent pas d'obtenir de l'aide lorsqu'elles souffrent de troubles liés à un traumatisme.
    Enfin, l'article 649 du Code criminel canadien interdit aux anciens jurés de divulguer des informations liées au processus judiciaire, ce qui restreint les enquêtes approfondies sur l'expérience réelle vécue par les jurés canadiens à des fins de recherche et à des fins cliniques. Il serait très avantageux de modifier cet article au profit des professionnels de la santé mentale certifiés, qui sont régis par des politiques en matière de confidentialité, ou de faire appel à des psychologues qui sont sous serment et qui travaillent expressément pour le tribunal. Ces professionnels pourraient aider les jurés tout au long du processus, à titre de fournisseurs de service désignés, comme l'a mentionné plus tôt M. Baillie.
    En terminant, nous sommes très heureuses d'apprendre que la Chambre des communes entreprend des recherches sur cette question très importante, et nous sommes fières de partager nos conclusions avec vous aujourd'hui.
    Je vous remercie de votre attention.
(1600)
    Merci beaucoup, mesdames.
    Nous entendrons maintenant M. Kyllo, de l'Association canadienne pour la santé mentale.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à tous, membres du Comité et collègues. Je vous remercie de m'avoir invité ici aujourd'hui.
    Je m'appelle Greg Kyllo et je suis le directeur national du programme d'innovation de l'Association canadienne pour la maladie mentale.
    Nous célébrerons en 2018 notre 100e anniversaire, et l'ACSM, vous l'ignorez peut-être — on nous confond souvent avec le CTSM —, est le plus important organisme communautaire sans but lucratif qui se consacre à la santé mentale au Canada. Même au sein du secteur, on oublie parfois que l'ACSM est présente dans plus de 330 collectivités et que près de 5 000 employés font une différence dans la vie de plus de 1,2 million de Canadiens chaque année. L'ACSM est le seul organisme national de santé mentale communautaire qui tient compte de tous les diagnostics, de toutes les professions et de toutes les données démographiques.
    Je vous remercie de l'attention que vous portez à ce sujet très important. Il faut protéger la santé mentale de nos jurés, et nous devons prendre des mesures pour veiller à ce que la participation à un jury et la contribution à la justice dans notre pays ne portent pas atteinte au bien-être des jurés. Aujourd'hui, j'aimerais me concentrer sur les secteurs clés qui, selon nous, souligneront l'importance de protéger la santé mentale des membres du jury et la façon dont ces services pourraient être mieux positionnés au sein du système de justice.
    L'ACSM remercie le gouvernement fédéral pour son intérêt dans ce dossier. Chose certaine, il faut mieux cerner les effets potentiels des fonctions de jurés sur la santé mentale, y compris le grave problème de santé mentale que beaucoup de gens associent aux premiers intervenants ou aux soldats qui participent à des opérations de combat. Nous savons que les traumatismes liés au stress opérationnel, ou TSO, et le trouble de stress post-traumatique, le TSPT, peuvent se développer pour toutes sortes de raisons, et ces raisons sont souvent très subjectives.
    Un procès difficile peut laisser des traces dans la vie de tous les participants, et nous espérons qu'avec le temps, nous parviendrons à les protéger contre les effets dévastateurs des TSO et du TSPT. Par conséquent, nous recommandons de mettre en place des mesures de soutien pour venir en aide à tous les intervenants du système judiciaire. L'ACSM encourage le système de justice à collaborer avec les organismes communautaires voués à la santé mentale et à trouver des solutions efficaces au traumatisme lié à un stress opérationnel et au trouble de stress post-traumatique chez les participants dans les tribunaux de partout au Canada.
    Les filiales de l'ACSM de partout au pays sont prêtes à aider les tribunaux locaux à mettre en oeuvre des programmes destinés à s'attaquer aux TSO et au TSPT au sein de leurs collectivités. Comme vous le savez, un traumatisme lié à un stress opérationnel est un trouble psychologique persistant découlant de l’exercice de fonctions opérationnelles, telles que l'application de la loi, le combat ou toute autre tâche liée au service. Le TSPT est un type de TSO qui survient après un traumatisme. Bien que ces troubles soient souvent associés à des vétérans et à des soldats qui participent à des opérations de combat, ils peuvent se développer dans d'autres circonstances. Les membres d'un jury, les avocats, les survivants d'actes de violence, les policiers, les ambulanciers, les travailleurs sociaux auprès des enfants, les infirmiers, les médecins et les travailleurs humanitaires sont parmi les personnes qui peuvent être exposées à un traumatisme primaire ou secondaire dans le cadre de leur travail.
    Le TSPT est l'un des types de TSO les plus courants et il peut se traduire par de la dépression, de l'anxiété, de la toxicomanie et d'autres symptômes de santé mentale qui persistent et peuvent perturber la vie au quotidien. Le TSPT présente divers symptômes, tels que des flashbacks, des cauchemars, le développement de phobies, la dépression, l'irritabilité, la colère et parfois, l'automutilation et le suicide.
    Le traumatisme est une expérience très subjective. Autrement dit, certains événements peuvent déclencher le trouble de stress post-traumatique chez certaines personnes, mais pas chez d'autres. Le traumatisme peut avoir des composantes physiques, mentales et émotionnelles. On peut aussi souffrir d'un traumatisme secondaire, ou d'un stress traumatique secondaire, lorsqu'on est témoin du traumatisme d'une autre personne ou qu'on en entend parler, sans nécessairement l'avoir vécu personnellement.
    Il est crucial d'écouter l'expérience qu'ont vécue les jurés pour orienter nos mesures et déterminer ce qui est nécessaire pour protéger et préserver la santé mentale de ceux qui servent dans notre système judiciaire.
    J'aimerais reconnaître et remercier tous les intervenants de notre système judiciaire qui ont souffert de maladie mentale et qui ont participé à ces discussions. Nous avons appris que certains types de procès présentent un plus grand risque pour le juré et que la nature du procès doit être prise en compte. Dans le cas d'un procès pour meurtre, le fait de devoir examiner tous les détails du crime, les preuves, y compris les photos d'autopsie, et la responsabilité de déterminer le sort de l’accusé peuvent laisser des séquelles profondes chez les jurés.
(1605)
    Par ailleurs, nous savons que bien souvent, ce sont les personnes elles-mêmes qui doivent aller chercher de l'aide. Dans le cas des jurés, des pratiques de soins uniformes doivent être intégrées à leurs responsabilités et devraient être considérées comme des mesures de sécurité obligatoires. Nous recommandons que le ministère de la Justice établisse un protocole amélioré sur la protection psychologique des membres d'un jury. Les jurés devraient être mis au courant de l'importance de suivre ce protocole de sécurité avant de s'acquitter de leurs fonctions et après pour assurer leur sécurité et leur bien-être.
    Ces services devraient-ils être obligatoires? Le port d'équipement de protection est obligatoire sur certains lieux de travail. Dans le cas des jurés, lorsqu'ils sont exposés à du matériel traumatisant, cela devient un environnement à risque. Par conséquent, nous recommandons que des mesures obligatoires soient mises en oeuvre pour les protéger contre les préjudices dans le cadre de certains procès.
    Il ne devrait pas revenir aux membres du jury de présenter une demande de remboursement à la Commission d'indemnisation des victimes d'actes criminels pour les frais de traitement, les pertes de salaire et d'autres dépenses découlant du traumatisme et des blessures psychologiques occasionnées par leurs fonctions. Des programmes, y compris des séances de débriefing et de counseling après le procès, devraient être offerts gratuitement et être facilement accessibles. Cette accessibilité est essentielle pour que tous les jurés puissent en bénéficier.
    Le gouvernement fédéral devrait s'inspirer des ministères provinciaux de la Justice, comme l'Ontario, par exemple, où les jurés peuvent appeler à un numéro de téléphone 24 heures sur 24 pour obtenir de l'aide lorsqu'ils en ont besoin, et le Manitoba, où un programme de débriefing à l'intention des jurés est une pratique exemplaire et a été mis en place avec succès.
    Ces programmes profiteraient à tous ceux qui ont servi dans un procès criminel ou civil ou une enquête. Les jurés recevront l'information sur le programme avant, pendant et après le procès, selon les besoins.
    En conclusion, bien qu'il y ait peu d'études sur l'impact psychologique des jurés à ce jour, nous savons que les traumatismes liés au stress opérationnel peuvent occasionner des conséquences importantes à long terme. Si une personne a été exposée à du stress ou à du matériel traumatisant, nous avons des outils fondés sur des données probantes pour l'aider à composer avec ce stress et répondre à ses besoins émotionnels et psychologiques.
    J'exhorte le gouvernement canadien à ne pas temporiser. Il ne faudrait pas attendre d'avoir la preuve que certaines pratiques comme le débriefing et le counseling après le procès sont bénéfiques; il faut agir dès maintenant et rendre ces pratiques fondées sur des preuves facilement accessibles et les rembourser.
    Je vous remercie encore une fois de m'avoir invité aujourd'hui.
(1610)
    Merci beaucoup, monsieur Kyllo.
    Je cède maintenant la parole à la représentante du Centre de toxicomanie et de santé mentale.
    Madame Lee, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président. Merci aux membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de me donner cette occasion de discuter des services de soutien en santé mentale à l'intention des jurés.
    Je suis une psychologue clinicienne qui a travaillé avec de nombreuses personnes ayant subi un traumatisme dans le cadre de leur travail, y compris des premiers intervenants et des militaires. Ce que nombre d'entre eux ont en commun, ce sont non seulement les problèmes de santé mentale résultant d'une exposition à un traumatisme, mais aussi la confusion et les préjugés dont ils souffrent à la suite de l'exercice de leurs fonctions normales. Par conséquent, ils ne reconnaissent souvent pas leurs problèmes ou demandent de l'aide beaucoup trop tard, lorsque leurs problèmes se sont déjà répercutés sur de nombreux aspects de leur vie personnelle et professionnelle.
    Pourquoi est-ce important pour le gouvernement canadien? En plus de la souffrance des personnes et de leurs proches, la Commission de la santé mentale du Canada a estimé que le coût des problèmes de santé mentale pour les employeurs au Canada se chiffrait à 6 milliards de dollars en perte de productivité par année. En outre, 30 % des demandes d'invalidité de courte et de longue durée peuvent être attribuées à des problèmes de santé mentale.
    Imaginez si nous pouvions atténuer ces coûts et ces souffrances. Nous pouvons le faire en accentuant la sensibilisation et en offrant un accès précoce à des traitements efficaces afin de limiter les répercussions sur notre économie. L'Organisation mondiale de la santé estime que chaque dollar investi dans le traitement de la dépression et de l'anxiété permet au gouvernement d'économiser environ 4 $, étant donné que la population sera en meilleure santé et aussi plus apte à travailler.
    Pour en revenir à l'impact du traumatisme sur la santé mentale, j'aimerais souligner l'effet des traumatismes cumulatifs ou de l'exposition répétée à du matériel traumatisant et à de la souffrance humaine. Par exemple, les enquêteurs criminels doivent parfois visionner plusieurs fois des images et des vidéos extrêmement troublantes. Ils peuvent être témoins de souffrance extrême et doivent travailler avec les victimes et leurs familles. L'exposition à un tel matériel peut entraîner des sentiments d'horreur et d'impuissance, et cela a d'ailleurs été ajouté aux critères du TSPT il y a quelques années.
    Le fait d'être souvent exposé à des détails traumatisants et horribles, tout en observant l'impact émotionnel sur les victimes, leurs proches et les témoins, peut également avoir une incidence sur les personnes présentes dans la salle d'audience. Les membres d'un jury n'ont pas le choix lorsqu'il s'agit de faire partie d'un jury et n'ont rien à dire quant au type du procès. À l'instar des enquêteurs, les jurés peuvent être exposés à des images horribles, des vidéos et des détails indescriptibles et des souffrances immenses, et pourtant, ils ne sont aucunement informés des conséquences potentielles pour leur propre santé.
    Tout comme les premiers intervenants et les autres personnes exposées à un traumatisme dans le cadre de leur travail, les jurés peuvent essayer de se faire une raison et de remplir leur devoir civique. Ils peuvent ne pas se rendre compte qu'ils souffrent jusqu'à ce qu'ils aient repris leur routine habituelle. À ce moment-là, ils peuvent commencer à voir les répercussions sur leur fonctionnement émotionnel et physique.
    Parmi les symptômes du TSPT, mentionnons notamment des images et des souvenirs bouleversants qui refont sans cesse surface; des cauchemars; de la nervosité; de la difficulté à dormir et à se concentrer; et un sentiment d'engourdissement, de culpabilité, de tristesse ou de peur. Les personnes touchées peuvent aussi consommer de l'alcool ou des drogues pour faire face à leurs problèmes. Imaginez-vous éprouver ces problèmes jour après jour, nuit après nuit, en revoyant des images horribles quand vous regardez votre écran d'ordinateur ou, pire, sur les visages de vos proches.
    J'ai travaillé avec une personne qui a gardé d'importantes séquelles de son travail de juré. Il a été exposé à maintes reprises à des images atroces et à des détails sur les souffrances de la victime tout au long du procès. Il a bien rempli son devoir civique; cependant, il souffre d'un trouble de stress post-traumatique. Bien sûr, il n'avait aucune idée de ce qui se passait parce qu'il ne savait rien au sujet de ce trouble, sinon qu'il touchait les soldats et les victimes de crimes odieux. Il n'avait jamais pensé que ses difficultés pouvaient être liées à son rôle de juré.
    Sa vie à la maison s'est détériorée et son travail en a souffert. Quand il a essayé d'obtenir de l'aide auprès du système judiciaire, il a reçu peu de réponses. Au moment où mon client a réalisé que quelque chose n'allait pas et que c'était lié à son devoir de juré, il s'est présenté à mon bureau, quelques années plus tard. Or, les symptômes de stress post-traumatique étaient bien établis et s'étaient déjà répercutés sur tous les aspects de sa vie.
    Il y avait alors beaucoup d'autres facteurs de stress à traiter en plus de son TSPT. Le traitement était également un fardeau financier important pour lui, ce qui a fait en sorte que nos séances étaient peu nombreuses et irrégulières. S'il avait su dès le départ l'effet que le traumatisme pouvait avoir sur les jurés, s'il avait reçu des conseils pour accéder plus rapidement aux services et une aide financière pour payer les traitements fondés sur des données probantes, il aurait pu commencer à se sentir mieux beaucoup plus tôt, et bon nombre de ces répercussions auraient pu être évitées.
    C'est ce qui m'amène à vous parler du traitement du TSPT fondé sur des données probantes. J'insiste sur « fondé sur des données probantes ».
(1615)
    Il y a beaucoup de conseillers et de thérapeutes qui offrent des thérapies pour des traumatismes. Toutefois, leur efficacité varie énormément. Certains traitements peuvent être inefficaces ou même empirer le TSPT. Il est crucial qu’un traitement fondé sur des données probantes soit offert, d’une part pour permettre au client d’obtenir les soins efficaces dont il a besoin et, d’autre part, pour réduire les coûts à long terme pour le payeur de ce traitement.
    L'American Psychological Association a récemment mis à jour ses lignes directrices sur les pratiques exemplaires dans le traitement du trouble de stress post-traumatique en s'appuyant sur de solides études. Elle préconise notamment des traitements tels que la thérapie cognitivo-comportementale, l'exposition prolongée et la thérapie par le traitement cognitif. Ces traitements ont également été étudiés et recommandés par le Centre national pour le traitement du TSPT du département américain des Anciens Combattants.
    En résumé, il existe une similitude entre les jurés qui remplissent leur devoir civique dans les procès et les enquêteurs criminels qui sont témoins de scènes traumatisantes à répétition. Voici donc mes recommandations à l'intention du Comité.
    Premièrement, il faut sensibiliser les jurés sur les répercussions potentielles du matériel traumatisant auquel ils seront exposés et leur fournir les ressources nécessaires pour composer avec cette expérience avant et pendant le procès. Cela peut également aider à réduire les préjugés.
    Deuxièmement, on doit fournir de l’information psychologique et faire un bilan après chaque procès, de sorte que les personnes qui commencent à éprouver des symptômes puissent les reconnaître. Un tel processus aiderait ces personnes à réaliser que les symptômes intrusifs, tels que les souvenirs et les cauchemars pendant les premières semaines, sont tout à fait normaux. Évidemment, on ne demanderait pas ici aux personnes d'entrer dans les détails du traumatisme, car cela les replongerait trop rapidement dans leur expérience.
    Troisièmement, étant donné que de nombreuses personnes ne remarquent pas qu’elles ont un problème avant de reprendre leur vie normale, il sera important de fournir les coordonnées d’une organisation ou d’une personne-ressource dans l’éventualité où la personne aurait besoin d’aide pour accéder à ces services.
    Quatrièmement, le fait d'avoir le financement disponible pour un traitement fondé sur des données probantes peut faire une énorme différence à court et à long terme.
    Je vous remercie, mesdames et messieurs, les membres du Comité, de me donner l'occasion de m'exprimer aujourd'hui au sujet des effets potentiels du traumatisme sur les jurés. La mise en place d'un cadre fédéral visant à aider les membres de notre société à s'acquitter d'un devoir civique aussi important sera une étape cruciale dans la promotion de la santé mentale pour l'ensemble de la population canadienne.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Lee. Nous allons maintenant passer à la période de questions. Étant donné que vous ne voyez pas ce qui se passe dans la salle, sachez que les membres du Comité poseront des questions aux témoins dans la salle ou à distance, comme vous. Dans un premier temps, nous allons faire un premier tour de table, après quoi je vais donner la parole à toute personne qui souhaite poser des questions.
    Nous allons commencer par M. Nicholson.
    Je vous remercie pour votre témoignage très éloquent. C'était très pertinent, et nous vous en sommes reconnaissants.
    Mesdames Leclerc et Lonergan, j'espère que vous allez nous faire parvenir une copie de votre thèse, une fois qu'elle sera terminée. Croyez-le ou non, au fil des années, j'ai lu un certain nombre de thèses sur des enjeux qui m'intéressaient beaucoup. Nous serions donc très heureux de recevoir la vôtre, si c'est possible.
    Docteur Baillie, j'ai l'impression que vous pourriez presque rédiger notre rapport.
    Des voix: Ah, ah!
    Hon. Rob Nicholson: Vous semblez avoir une connaissance approfondie du sujet. Vous avez dit que vous alliez nous fournir des renseignements supplémentaires.
    Oui.
    Ce sera très apprécié, je tiens à vous le dire.
    Vous avez abordé tous les aspects de la question. Vous avez notamment dit qu'on préviendrait plutôt les jurés du montant de leur rémunération. Je serais presque gêné de le faire à certains d'entre eux. On essaie de leur expliquer l'importance de leur rôle, mais on ne leur donnera rien pour les deux premières semaines, et ils pourraient obtenir 50 $ par jour ensuite, si le procès s'étire sur quelques mois.
    Que proposez-vous à cet égard? Ou quelles sont vos réflexions à ce sujet? Est-ce que ça ne les aiderait pas à...? Vous avez bien lâché la remarque que, quand les éventuels jurés reçoivent l'avis, ils cherchent une porte de sortie. Premièrement. Mais n'est-ce pas une autre façon de leur faire dire qu'ils ne sont pas traitées justement, que le système les maltraitera? N'est-ce pas ce qu'on veut dire?
(1620)
    Je vous ai vu hocher de la tête quand j'ai parlé du salaire minimum. Je ne crois pas que ce soit une tâche à rémunérer au salaire minimum.
    Exactement.
    Nous demandons à des citoyens de se transformer tout d'un coup en spécialistes des témoignages lors de procès au criminel, d'évaluer la qualité des éléments de preuve qui leur sont présentés. De plus, comme mes collègues l'ont fait remarquer, les jurés n'ont pas la possibilité de détourner le regard. Ils ne peuvent faire aucune pause-café de 15 minutes au milieu d'un témoignage.
    Je pense que le salaire minimum est le minimum absolu, et nous devons envisager sensiblement plus. Si on suppose un salaire de 15 $ l'heure pour une journée de longueur normale en nombre d'heures — il ne faut pas vraiment s'attendre à ce que les jurés se présentent à leur travail à la fin de la journée après avoir rempli leur tâche — le minimum absolu serait dans la fourchette de 100 à 120 $ par jour.
    Si vous permettez, je vais vous résumer rapidement ma biographie. Psychologue auprès du service de police de Calgary pendant 22 ans, j'ai travaillé 25 ans dans un programme médico-légal de consultations externes. À cause de ce programme, des juges m'ont dit que si je voulais comprendre comment réfléchir comme un avocat, je devais en devenir un. Mon doctorat ne suffisait pas. Je suis retourné aux études, en droit, pour le plaisir, vous savez...
    Des voix: Oh, oh!
    M. Patrick Baillie: Je suis psychologue et avocat. Ça explique en partie pourquoi je vois le problème d'un certain nombre de points de vue différents. J'ai aussi eu le privilège de converser avec des juges et des avocats, au fil des années, sur les répercussions qu'ils subissent du fait de ces procès et, plus récemment, avec des jurés, qui m'ont déniché grâce, bien honnêtement, à la médiatisation de cet enjeu, et parce que ça leur donnait l'occasion d'en discuter.
    Je pense que les appuis que nous devons mettre en place sont d'abord financiers, mais, comme mes collègues l'ont laissé entendre, il ne faut pas en rester là, et quatre séances en deux mois, ce n'est simplement pas assez.
    Ils pourraient ne pas présenter les symptômes pendant deux mois.
    Comme Mme Lee l'a laissé entendre, les symptômes pourraient apparaître des années plus tard. Comme Mark l'a dit, c'est des mois plus tard que des membres de sa famille ont remarqué qu'il n'était pas redevenu ce qu'il était normalement. Il a fallu absolument que les efforts viennent de lui pour attirer l'attention sur le problème.
    Les finances en sont une dimension, mais il est indispensable de recevoir une thérapie compétente, fondée sur les faits et suivie.
    L'hon. Rob Nicholson: D'accord.
    M. Patrick Baillie: Il y a quelque semaines, j'ai participé à un reportage du côté anglais de Radio-Canada. On a invité la directrice du programme de l'Alberta à participer à la discussion. Elle a dit que, dans les deux dernières années d'existence du programme, une vingtaine de jurés s'en étaient prévalus.
    Eh bien, dans l'hypothèse du maximum de quatre séances pour chacun d'eux et d'honoraires de 200 $ l'heure pour les thérapeutes, la facture du programme, dans l'ensemble de la province, s'élèverait à 16 000 $. Qu'un ministre agite le spectre d'importantes conséquences financières prouve qu'on se fiche de la santé mentale des jurés.
    Madame Leclerc, vous avez formulé une proposition très intéressante, qui entre tout à fait dans nos compétences: recommander éventuellement une modification du Code criminel.
    J'ignore s'il existe d'autres renseignements que quelqu'un peut détenir, mais sans jamais pouvoir en discuter avec personne. Votre idée — et j'espère que nous lui donnerons suite — est d'examiner l'article incriminé du Code criminel et de dire: « Un instant, c'est de l'information qu'on peut divulguer à un médecin ». Je vous en remercie beaucoup.
    Aviez-vous d'autres observations à ce sujet?
    Pas particulièrement, mais Mme Lonergan, peut-être.
    Je peux vous dire ce que j'allais vous demander, madame Lonergan. Vous avez dit qu'il existe un certain nombre d'échelles différentes de mesure du syndrome de stress post-traumatique et un certain nombre d'études sur le sujet. Je me demande si vous pouviez nous donner seulement une autre petite explication.
    En tant que personne qui étudie les traumatismes, j'ai trouvé l'examen de ce qui a été publié assez exigeant. Dans de nombreuses études, on utilise des mesures validées sur l'état de stress post-traumatique. Concernant l'approche que j'ai adoptée pour cet article, j'avais une question précise. Je voulais savoir dans quelle mesure les jurés répondent aux critères diagnostiques de l'ESPT ou présentent des symptômes après l'examen d'éléments de preuve horribles. Voilà quels étaient mes critères de recherche.
    Ce que j'ai fini par découvrir, c'est que bien que dans de nombreuses études, des mesures standards concernant l'état de stress post-traumatique avaient été utilisées, bon nombre d'entre elles ont été modifiées à un point tel qu'en les lisant, je me suis demandé ce qu'elles voulaient dire. Lorsqu'on veut faire une comparaison avec d'autres groupes de personnes atteintes de l'état de stress post-traumatique, cela devient incomparable.
     Ou, par exemple, elles comprennent des statistiques sur la prévalence du diagnostic de l'état de stress post-traumatique, mais on ignore depuis combien de temps les gens présentent des symptômes. Dans une partie des recherches, un critère a été omis pour le diagnostic de l'ESPT, et c'est celui qui correspond à la déficience fonctionnelle: l'incapacité à fonctionner à la maison, au travail ou à l'école. Selon certaines études, pour l'ESPT, le taux de prévalence était de 10 %, mais on n'a pas pris en compte... on a simplement décidé de ne pas évaluer cela. Je me suis alors demandé si les symptômes qu'éprouvaient les gens étaient à ce point graves que cela perturbait leur vie, ou s'ils étaient gérables.
     Les études qui ont été publiées ont soulevé beaucoup de questions. Si c'était à refaire, si je devais le faire moi-même, j'ajouterais aux méthodes qui ont été utilisées, qui sont souvent des auto-évaluations dans le cadre desquelles sur la base d'une échelle les gens évaluent ce qu'ils ont vécu. J'y ajouterais des évaluations sur l'état de stress post-traumatique menées par des cliniciens en utilisant des mesures de référence. Bon nombre de mesures peuvent être utilisées pour obtenir une idée précise du problème.
(1625)
     Merci beaucoup.
    Monsieur McKinnon.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais commencer par vous, monsieur Baillie. Je veux dire tout d'abord que je suis d'accord avec M. Nicholson. Ce témoignage était très éloquent et va exactement dans le même sens que les autres témoignages que nous avons entendus. Il est très utile que les mêmes thèmes reviennent. À mon avis, cela nous donne une très bonne idée de l'orientation que nous devrions prendre.
    L'une des idées qui est revenue à maintes reprises, c'est celle voulant que les jurés aient accès à des conseillers durant le procès, et la crainte que cette personne puisse avoir une influence sur la décision.
     Monsieur Baillie, vous avez parlé de l'idée de permettre aux jurés de parler avec un fournisseur de service attitré après le procès. S'agirait-il des mêmes personnes ou bien de psychologues en général? Cette personne serait-elle liée au système judiciaire d'une quelconque façon et serait-elle en quelque sorte un officier de justice? Vous pourriez peut-être intervenir sur ces points.
    Les autres témoins peuvent répondre également.
    Je pense que les questions sont liées. Concernant le fournisseur de service attitré dont je parle, je crois qu'il est important que peu importe qui fournit les services de traitement, cette personne comprenne la situation unique dans laquelle elle se trouve. Si elle parle à un juré au milieu d'un procès, ce qui, je dois dire, pourrait se produire avec n'importe quel psychologue — il se peut que le juré soit en train de suivre une thérapie et qu'une séance soit prévue le mercredi après-midi suivant la date de comparution et qu'il parle du stress qu'il vit —, nous devons nous assurer que le psychologue n'influence d'aucune façon le processus.
    Dans certains cas, j'ai communiqué avec des juges au milieu d'un procès concernant les mesures que nous pourrions prendre pour aider les jurés durant le procès. Je crois que le soutien doit simplement être de nature générale, c'est-à-dire qu'on doit leur rappeler certains des symptômes qu'ils peuvent éprouver et, comme l'a dit Mme Lee, il faut comprendre que certains des symptômes sont normaux et ne mènent pas nécessairement à un diagnostic de stress post-traumatique.
     Comme l'a souligné Mme Lonergan, il y a quatre symptômes associés à l'état de stress post-traumatique, mais le diagnostic n'est posé que si ces symptômes sont à l'origine d'une détresse marquée ou d'une altération cliniquement significative du fonctionnement social et professionnel, par exemple.
     Comme vous pouvez le constater, j'ai dit cette phrase à quelques reprises au cours de ma vie.
    Des voix: Ah, ah!
    M. Patrick Baillie: On peut aider les gens qui présentent des symptômes sans parler des raisons pour lesquelles ils les ressentent et sans nécessairement devoir parler des éléments de preuve. Durant le procès, il existe des moyens de fournir de l'aide, mais encore une fois, si cette responsabilité est imposée à un psychologue ou à un thérapeute qui ne font pas partie du système judiciaire, il se peut qu'ils ignorent qu'avoir une conversation sur ce que le juré a vu la journée précédente pose problème. Je pense que le recours à un fournisseur de service attitré s'applique tant pendant qu'après le procès.
(1630)
    Est-ce que le fait de recevoir des services de counselling pendant un procès réduit le risque de souffrir de l'état de stress post-traumatique? Des premiers intervenants ont parlé de la nécessité de suivre une thérapie préventive. Cela entre-t-il dans cette catégorie?
    Encore une fois, comme l'a dit Mme Lee, il y a trois volets. Fournir de l'information avant le début du processus, soit utiliser en quelque sorte une méthode d'inoculation contre le stress, peut être un moyen important de réduire les symptômes liés à l'état de stress post-traumatique.
    Je m'occupe de l'évaluation des recrues pour le service de police de Calgary. Nous serions préoccupés si une personne qui est embauchée par le service de police avait déjà vécu des expériences traumatisantes. De façon similaire, une personne qui fait partie d'un jury risque beaucoup plus de ressentir des symptômes de traumatisme si elle a eu une maladie antérieurement. Je ne dis pas qu'on doit les exclure, mais ce type d'information peut être utile, comme le serait ce soutien continu, de sorte qu'ils sachent que les symptômes qu'ils risquent de ressentir sont normaux, et de sorte que s'ils deviennent anormaux — détresse marquée ou altération cliniquement significative —, nous leur fournirons de l'aide.
    Merci.
    Voulez-vous répondre à la question, madame Lee?
     Pour ce qui est des services de counselling durant le procès, vous avez raison: nous ne voulons pas qu'une personne influence les jurés. Ce que nous pouvons faire avant tout, c'est les informer, et nous pouvons normaliser une partie de leurs réactions.
     Les gens vivent des choses et pensent qu'il ne devrait pas en être ainsi parce que personne d'autre ne semble les vivre, et ils ont l'impression d'être des extraterrestres. Il s'agit de les aider à comprendre que ce qu'ils pensent est en grande partie normal. Il s'agit également de les aider à intégrer des capacités d'adaptation saines, même des choses simples comme respirer profondément, se dire que ça va et prendre soin de soi et essayer de relaxer un peu. Je sais que ces moyens peuvent sembler vraiment évidents, mais lorsqu'ils vivent une situation stressante, les gens n'y pensent pas et ils se disent que cela ne devrait pas les affecter. Il s'agit de prendre davantage soin de soi et de s'adapter à la situation par des moyens sains durant le procès.
    Merci.
    Quelqu'un d'autre veut répondre à la question? Monsieur Kyllo?
    Oui. Je suis d'accord avec mes collègues, et je crois que cela peut permettre de prévenir la maladie, en fait.
     Nous avons parlé de toxicomanie. Comme l'a mentionné Mme Lee, un mécanisme d'adaptation qui est malheureusement très normalisé dans notre société consiste à prendre un verre ou un remontant plus fort après une longue journée de travail, n'est-ce pas? C'est une mauvaise façon de gérer ce type de stress qui peut mener à une maladie grave.
     Comme on l'a déjà dit, accéder à cette aide durant le procès peut normaliser la réaction à cet environnement très dangereux et peut aussi fournir d'autres options, plutôt que les mécanismes d'adaptation que bon nombre d'entre nous ne considèrent peut-être pas comme étant malsains. Non seulement cela peut se faire de façon professionnelle de manière à ne pas influencer les résultats, à mon avis, mais cela peut mener à de meilleures délibérations du jury et à une meilleure issue parce que les gens auront une bonne vue d'ensemble dans le processus.
    Merci beaucoup.
    Monsieur MacGregor.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux répéter de précédents commentaires. Je veux dire à tous les témoins que le fait qu'ils soient venus comparaître devant le Comité et qu'ils aient livré un témoignage aussi concis et clair et présenté des recommandations précises fait en sorte qu'il est très difficile pour nous de poser des questions, car ils ont vraiment fait le travail pour nous.
    Je veux faire écho à ce qu'a dit M. Nicholson, surtout en ce qui vous concerne, M. Baillie. Lorsqu'il s'agit de rencontrer un groupe de législateurs et de présenter une recommandation claire visant à modifier une loi canadienne, c'est un domaine que nous connaissons bien. Je vous remercie d'avoir parlé de l'article 10 de la Loi sur le divorce, car nous pouvons l'utiliser comme modèle. Je constate que le libellé du paragraphe 10(2) est assez clair: « le tribunal [...] est tenu », par exemple.
    Oui.
    Je remarque également qu'en vertu de l'article 627 du Code criminel, un juge « peut permettre au juré ayant une déficience physique » d'utiliser ces types d'aide. Concernant la recommandation à la ministre de la Justice d'apporter cette modification claire au Code criminel, êtes-vous pour l'utilisation d'une formulation claire comme celle qui figure dans la Loi sur le divorce, par exemple?
    Vous en avez également parlé, madame Leclerc.
    Sans entrer dans les détails, je pense qu'il est important de donner aux jurés la possibilité de parler de tous les aspects du procès.
     Il y a un point qui n'a pas encore été soulevé, je crois, non seulement aujourd'hui, mais depuis le début de ce processus. Dans le procès de Derek Saretzky, comme dans bon nombre de procès de nos jours, plus de 12 jurés étaient sélectionnés, mais le procès s'est conclu avec 14 d'entre eux. Le code prescrit que deux de ces jurés, au hasard, sont exclus du processus avant le début des délibérations. L'un des jurés s'est exprimé avec véhémence dans la salle d'audience et à l'extérieur de celle-ci. Il a dit que c'était une mascarade, qu'on l'avait fait écouter tous les témoignages pour ensuite l'expulser avant qu'il puisse participer aux délibérations avec ses collègues.
    L'une des choses que j'ai soulevées dans une lettre adressée à la ministre il y a deux ou trois mois, c'est que le nombre 12 n'a rien de magique. Exclure deux témoins et dire que cela fait en sorte qu'il est plus facile d'en arriver à un verdict unanime, cela revient à dire qu'on a en quelque sorte choisi au hasard les deux dissidents, qui auraient empêché un verdict unanime de toute façon. Pourquoi ne pas permettre à tous les gens de participer au processus? Le libellé que nous utilisons concernant l'idée d'autoriser les gens à discuter des délibérations constitue une reconnaissance des défis qui sont inhérents aux délibérations, mais il y a aussi le défi lié au fait que des gens sont chassés d'un jury avant même qu'on leur permette de terminer le processus.
(1635)
    J'ai également aimé vos observations sur la mesure dans laquelle dans certains cas, les jurés ne reçoivent même pas le salaire minimum; ils reçoivent moins qu'un adolescent qui travaille chez McDonald's. Il faut tenir compte de ce à quoi ils pourraient être exposés et de l'engagement total dans une affaire judiciaire. Comme vous l'avez dit, ils ne peuvent pas détourner le regard. Ils doivent tout examiner avec attention.
    Madame Lee, dans votre témoignage, vous avez fourni des données qui ont vraiment attiré mon attention. Par exemple, il y a le fait que le Canada perd 6 milliards de dollars en productivité par année en raison de problèmes de santé mentale et que chaque dollar investi permet au gouvernement d'économiser 4 $. Nous avons vu des statistiques similaires pendant notre étude sur l'accès en matière de justice. Ces investissements destinés à l'aide juridique permettent de régler une foule de problèmes connexes.
     L'une des choses qui nous posent problème, c'est que l'administration de la justice est une responsabilité provinciale, mais le gouvernement fédéral est responsable du Code criminel. De plus, nous avons recommandé le retrait d'un montant précis du Transfert social canadien pour qu'il soit consacré à l'aide juridique.
     Concernant le volet financier, je ne fais vraiment qu'essayer d'établir une recommandation précise que nous pouvons présenter à la ministre de la Justice. Aimeriez-vous voir quelque chose de similaire, c'est-à-dire que des fonds fédéraux soient utilisés pour faire en sorte que les provinces soient sur un pied d'égalité, qu'il y ait une norme équitable partout au pays?
     Je crois que oui, surtout si c'est proportionnel au nombre de gens qui remplissent des fonctions de jurés dans chaque province, pourvu qu'il ne s'agisse pas d'un montant fixe. Lorsque les choses débutent, il peut s'agir davantage d'un projet pilote. Si l'on se rend compte qu'il pourrait être utile d'investir plus d'argent dans, par exemple, les services de counseling durant le procès de même que le traitement fondé sur des données probantes par la suite, on pourrait devoir apporter de légères modifications pour voir ce qui fonctionne à long terme. Il pourrait falloir un certain temps pour déterminer le montant optimal.
     Je pense que c'est quelque chose qui devrait se faire partout au Canada. Pourquoi des gens de l'Ontario — c'est formidable que nous ayons accès à cela présentement — peuvent obtenir de l'aide après avoir fait partie d'un jury, mais qu'une personne de la province voisine ne peut pas?
    Monsieur Kyllo, avez-vous d'autres observations? Vous avez parlé des investissements, vous avez dit que si on s'en occupe tôt, on peut atténuer les problèmes plus tard. Voulez-vous ajouter quelque chose?
    Concernant le dollar investi et les 4 $, cela en dit long sur la promotion de la santé mentale et la prévention des maladies. Il y a une réelle occasion ici, surtout dans les cas où les gens vivront des traumatismes au cours du processus. C'est un très bon investissement. Mme Lee, moi et d'autres personnes pourrions probablement vous fournir des données plus précises pour appuyer ces propos de sorte que les recommandations soient appuyées de preuves. Cela serait très prudent, oui.
    Merci.
    Monsieur Fraser, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leur présence ici aujourd'hui et de leurs excellents exposés. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Monsieur Baillie, dans votre témoignage, vous avez dit qu'il était assez difficile pour les jurés de passer à travers un long procès sans pouvoir prendre une pause, tant pour leur santé physique que pour leur santé mentale. Savez-vous si d'autres administrations dans le monde ont un système de jury qui permet aux jurés de prendre une pause?
(1640)
    C'est une excellente question. Je n'en connais pas. Je peux vous parler du procès Garland, où le juge David Gates avait pris l'initiative, après de dures journées de témoignages, de suspendre la procédure pour la journée et de donner congé aux jurés pour la journée suivante. Il a pris deux pauses pendant un procès de cinq semaines. L'ennui avec ces longs procès, c'est qu'il est difficile de coordonner l'horaire de la cour pour permettre aux jurés de prendre une plus longue pause.
    Pour répondre à votre question précise, je ne crois pas qu'il existe un tel système ailleurs dans le monde.
    Un des témoins que nous avons entendus dans le cadre de notre étude a fait valoir que d'anciens jurés avaient de la difficulté à tourner la page après le procès. Une fois qu'ils ont délibéré et qu'il y a condamnation, on passe à la détermination de la peine. Les jurés sont alors exclus et on ne les informe pas du résultat. Avez-vous entendu ce genre de critiques de la part d'anciens jurés? Auriez-vous une recommandation à faire à cet égard?
    Je crois que le processus se fait en deux temps. Je vais encore une fois utiliser le procès Saretzky à titre d'exemple. M. Saretzky a été reconnu coupable, mais il y avait la question de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Comme il avait commis de multiples homicides, il risquait de se voir infliger plusieurs périodes consécutives d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. La plupart des jurés — mais pas tous — sont revenus pour la détermination de la peine et se sont assis aux tribunes. Ils voulaient voir la fin du processus.
    Certaines personnes choisiront de le faire, mais la plupart des jurés — et je crois que mes collègues, y compris M. Lee, pourront le confirmer — disent: « C'est fini. Nous avons donné notre verdict. Le juge nous a parlé quelques minutes; il nous a dit de faire attention à nous et c'était tout. J'ai validé mon billet de stationnement et j'ai quitté le palais de justice. » Ils n'ont pas l'impression de mettre un point final à tout cela.
    Je me permets de vous donner un exemple, puisque ce n'est pas confidentiel: les membres d'un jury avec lesquels je suis resté en contact se réunissent de façon périodique. Ils vont souper ensemble et prennent des nouvelles les uns des autres. Cela ne leur coûte pas cher et ils profitent du soutien des autres qui sont passés par un processus similaire. Ce serait bien si l'on offrait un soutien à ces personnes, une rencontre aux trois ou six mois, pour leur bien-être et pour voir comment ils se sentent de façon générale, comme le disait M. Lee.
    En ce qui a trait aux procédures criminelles en soi...
    Madame Leclerc et madame Lonergan, vous avez parlé des grandes différences entre les divers cas, dont certains sont horribles, et c'est à ceux-là qu'on pense lorsqu'on discute de l'offre d'un tel programme.
    Monsieur Baillie, pourriez-vous nous parler des différences entre les cas? Selon vous, est-ce que le niveau de soutien doit varier en fonction de la gravité des cas?
    Comme tous les témoins l'ont fait valoir, je crois que certaines personnes sont de très bons jurés et n'ont pas de difficulté à reprendre leur vie normale après un procès; chez d'autres personnes, le procès peut déclencher quelque chose, mais on ne peut pas savoir à l'avance quels seront les déclencheurs. Je crois que la plupart d'entre nous ont recommandé d'offrir de l'aide pour les procès criminels, les procès civils et les enquêtes médico-légales. On couvre un large spectre. Même dans le cas d'un procès civil, il se peut qu'il y ait une telle émotivité dans la salle que cela affecte les jurés. Je crois qu'il serait trop restrictif d'offrir l'aide uniquement dans les cas de procès pour homicide ou pour agression sexuelle d'enfants, par exemple.
    Madame Leclerc, madame Lonergan, je sais que vous en avez parlé pendant votre témoignage. Voulez-vous nous donner votre avis?
    Je suis d'accord avec M. Baillie: il est très difficile de répondre à cette question. Je ne crois pas qu'on doive faire une distinction et offrir les services à certaines personnes et pas à d'autres. On pourrait les offrir à tout le monde. Comme je l'ai dit plus tôt, la recherche montre de façon générale que les cas que l'on croit les plus problématiques le sont habituellement; or, d'autres recherches — une étude de 1994, par exemple — montrent que les jurés des procès criminels où il y avait crime contre une personne étaient six fois plus susceptibles de souffrir de dépression majeure, mais que ce n'était pas la même chose pour le trouble de stress post-traumatique. Une seule personne souffrait du trouble de stress post-traumatique et elle était jurée dans une affaire de vol ou de fraude par carte de crédit. Il est difficile de déterminer le domaine, le type de procès et les personnes les plus à risque. Je crois aussi qu'il serait difficile de faire une sélection choisie des personnes qui ont droit aux services par rapport à celles qui n'y ont pas droit. Je crois qu'il y a moyen d'offrir des programmes d'aide abordables et efficaces à tous les jurés qui ont des problèmes à la suite d'un procès.
(1645)
    C'est excellent. Merci.
    Madame Lee, vouliez-vous ajouter quelque chose?
    Je veux juste dire que je suis d'accord avec les autres témoins. Je ferais très attention de ne pas sélectionner à l'avance les types de crimes qui sont susceptibles de traumatiser les jurés ou non. Je vais vous donner un exemple dans un autre contexte: je vois beaucoup de gens qui ont été blessés au travail. Souvent, les personnes de l'extérieur se disent qu'un tel incident ne doit pas être traumatisant pour une personne parce que cela fait partie de son travail; son employeur ne l'écoutera pas et lui dira qu'elle ne devrait pas se sentir comme cela ou qu'elle ne devrait pas être traumatisée, mais chaque personne est différente. Tout le monde dit qu'on ne sait jamais quel sera le déclencheur pour une personne. Ce qui est traumatisant pour l'un ne le sera peut-être pas pour l'autre, alors il faut faire très attention à cela.
    Merci.
    Nous passons maintenant à une série de questions plus courtes.
    Nous allons d'abord entendre M. Liepert, M. Ehsassi et M. Cooper, puis nous reviendrons à M. Fraser.
    Monsieur Liepert, vous avez la parole.
    J'aimerais aborder quelques points.
    Monsieur Baillie, pour faire suite à ce que nous venons de dire, je n'ai certainement pas besoin d'être convaincu, et je serais surpris si quelqu'un autour de la table n'était pas d'accord avec vous: il faut mieux informer les jurés au sujet de leurs fonctions. Selon les témoignages que nous avons entendus, il semble que les cas où des enfants sont en cause soient beaucoup plus traumatisants. Les deux procès auxquels vous avez fait référence, l'affaire Garland et l'affaire Saretzky, visaient des enfants. Croyez-vous que dans le cas de procès où des enfants sont en cause, il faudrait aborder la question dans la trousse d'information ou dans le cadre de la séance d'information?
    Oui. Je crois que les jurés peuvent tirer profit des renseignements précis qu'on leur transmet au sujet d'un procès, sans toutefois nuire aux procédures.
    Vous ne croyez pas qu'on puisse revenir, comme vous l'avez dit plus tôt au sujet de l'affaire Saretzky... est-ce bien de ce procès dont vous parliez?
    C'était l'affaire Garland.
    On utilise maintenant cela contre...?
    Je connais assez bien l'avocat de la défense dans cette affaire.
    À mon avis — et je ne veux pas porter de jugement sur la Cour d'appel —, le juge Gates se souciait de la santé mentale des jurés étant donné les témoignages qu'ils avaient entendus au sujet des victimes, qui n'indiquaient pas nécessairement que l'accusé était l'auteur du crime. Lorsqu'il y a un procès à la suite de la mort d'un enfant, à moins qu'il y ait un débat pour savoir si l'enfant est bel et bien mort ou s'il a disparu, on sait qu'un enfant est mort. C'est la même chose pour les enfants victimes de violence sexuelle.
    Je ne crois pas qu'on fausse le processus si l'on explique au jury quel type de témoignages il risque d'entendre. Encore une fois, comme tous les témoins l'ont dit, il faut rappeler aux gens l'importance des techniques de résilience: bien dormir, bien manger, faire de l'exercice, entretenir ses contacts sociaux, limiter sa consommation d'alcool ou d'autres drogues... Je ne crois pas que cela crée un biais.
    J'aimerais faire un commentaire, rapidement, monsieur Kyllo...
    En fait, il y a autre chose. Nous avons entendu le témoignage d'un juré exclu, qui nous a été très utile. C'est un problème bien réel qui ne semble pas si difficile que cela à régler.
    Oui.
    Monsieur Kyllo, j'aimerais faire un commentaire, rapidement, qui ne se veut pas une critique. Selon certains témoins, l'Alberta s'est dotée depuis longtemps d'un programme très progressiste — si je puis dire — dans ce domaine. Or, dans votre exposé, vous n'avez pas parlé de l'Alberta. Vous avez parlé de l'Ontario et du Manitoba.
    Est-ce que l'Association canadienne pour la santé mentale connaît bien le programme de l'Alberta? Est-ce que d'autres provinces pourraient l'utiliser?
(1650)
    Absolument; je dirais qu'il s'agit de l'une des meilleures pratiques qui soient. J'ai parlé des programmes de l'Ontario et du Manitoba parce qu'ils sont moins connus et que je pensais que vous aviez beaucoup entendu parler du programme de l'Alberta.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Ehsassi, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais moi aussi vous remercier. Vous nous avez beaucoup aidés. Comme il est assez tard, je serai très bref.
    Madame Lee, vous avez beaucoup d'expérience avec les premiers répondants. Y a-t-il une loi, une politique ou un code de conduite qui s'applique aux premiers répondants que nous pourrions utiliser pour les jurés? Avez-vous quelque chose en tête?
    Les services offerts au personnel varient grandement au Canada. Je suis formatrice pour les services paramédicaux de la région de York, que je vais citer en exemple, parce que je trouve qu'ils font un excellent travail. Je fais partie de l'équipe de formateurs cliniciens d'un programme de préparation à la résilience et à la santé mentale, qui vise les nouvelles recrues et les employés chevronnés. On parle des blessures de stress opérationnel possibles et de leurs symptômes. On parle des habiletés d'adaptation de base. On leur dit où appeler s'ils ont besoin d'aide ou à quel membre du personnel en parler de façon confidentielle.
    Ils sont très proactifs. Ils ont aussi une équipe de soutien par les pairs, ce qui n'est pas possible pour un jury, mais on pourrait avoir une sorte de... une personne ou un clinicien qui offrirait du soutien en santé mentale, ou une personne avec laquelle les jurés pourraient communiquer pendant et après le procès; je crois que cela aiderait beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Baillie.
    Vous avez parlé du nombre de personnes qui sollicitaient les services en Alberta; elles sont très peu nombreuses. Connaissez-vous les coûts associés à ces services?
    Non, parce que je ne sais pas quelle utilisation on en fait; les dates diffèrent aussi. La Saskatchewan a lancé son programme la semaine dernière. C'est un modèle qui vise quatre séances sur deux mois. Je ne crois pas qu'on y ait eu recours pour le moment, mais je suis certain qu'on pourrait obtenir les données d'autres provinces sur les mécanismes en place, comme le programme d'aide aux employés.
    Il faudrait qu'on regarde cela. Merci.
    Vous avez parlé des renseignements qu'on devrait fournir aux jurés avant le procès, mais vous n'avez donné que deux exemples, si j'ai bien entendu. Vous avez parlé des aspects techniques et de la rémunération, et d'autres éléments de cette nature.
    Pourriez-vous nous en dire plus? Que devraient contenir les trousses que l'on remet aux membres du jury avant le procès?
    Un élément essentiel auquel j'espère avoir fait référence, c'est la résilience: les jurés doivent prendre soin d'eux pendant le procès. Le volet financier et les aspects techniques permettent aux jurés d'avoir un certain contrôle sur leur vie. Lorsque les gens sentent qu'ils perdent le contrôle, ils ont tendance à être plus anxieux. Ainsi, si on leur transmet ces renseignements, ils sauront un peu plus à quoi s'attendre.
    Les jurés ne savent peut-être pas à quoi s'attendre lorsqu'il est question de témoignages émouvants. Dans l'affaire Garland, une médecin légiste qui témoignait était en larmes. C'était une professionnelle d'expérience, mais elle avait de la difficulté à présenter la preuve qu'on lui avait demandé de présenter. Il faut aborder la question à l'avance avec les membres du jury, qui ne sont pas habitués à cela. Il faut leur dire ce qu'ils risquent de ressentir et leur faire comprendre que c'est normal. Il faut leur parler des stratégies auxquelles ils peuvent avoir recours pour se sentir mieux tout au long du processus et leur parler des services d'aide qui leur seront offerts après le procès.
    Fait-on ce genre de choses en Alberta, actuellement?
    Un dépliant est fourni. Je pense que cela pourrait être plus complet. En fait, je pense que le programme devrait être plus exhaustif.
    Auriez-vous la gentillesse d'envoyer un exemplaire de ce document au Comité?
    Avec plaisir.
    À votre connaissance, d'autres provinces ont-elles des pratiques semblables?
    Je crois qu'elles fournissent des renseignements aux jurés, mais je ne sais pas à quel point ils sont exhaustifs.
    Nous avons déjà demandé tous les dépliants.
    Dans votre exposé, vous avez mentionné l'Alberta. L'Ontario a un programme de ce genre, et le Yukon aussi. Nous avons demandé à toutes les provinces qui ont un programme du genre de nous fournir ces renseignements.
    Monsieur Cooper.
(1655)
    Monsieur Kyllo, vous avez fait allusion au programme de verbalisation du Manitoba. Nous n'en avons pas beaucoup entendu parler. Je crois comprendre qu'il a été créé en 2005, mais outre cela, je n'en sais pas vraiment beaucoup à ce sujet. Je me demandais si vous pourriez nous parler de l'expérience du Manitoba avec ce programme de verbalisation.
    Monsieur Baillie, lorsque vous parlez de votre expérience de conseiller auprès de jurés, vous avez mentionné qu'un certain nombre de personnes que vous avez rencontrées se sont dites insatisfaites d'avoir seulement quatre séances de consultation ou ont indiqué avoir besoin d'aide supplémentaire. J'ai été notamment surpris d'entendre qu'en Alberta et en Ontario, un nombre relativement petit de jurés avait accès à ces programmes. J'ai également été surpris d'apprendre que parmi ceux qui ont eu accès à ces programmes, très peu ont demandé des séances supplémentaires. Je crois que la plupart des provinces offrent quatre séances et que l'Ontario offre jusqu'à huit séances.
    Avez-vous une hypothèse à cet égard? Serait-ce lié à un manque d'information? Décourage-t-on les jurés d'y avoir accès, d'une façon ou d'une autre? Cela semble plutôt surprenant, étant donné que les statistiques indiquent que le TSPT et d'autres troubles liés au stress sont assez courants chez les gens qui participent à ces programmes.
    Je vais laisser M. Kyllo répondre à la question sur le programme de verbalisation.
    C'est avec plaisir que nous vous fournirons des renseignements complémentaires. La directrice générale du bureau de Winnipeg de la division du Manitoba de l'ACSM m'a fourni des informations détaillées sur le programme du Manitoba, et c'est avec plaisir que je les transmettrai au Comité.
    Merci.
    Nous aimerions aussi que des représentants de l'ACSM viennent témoigner en janvier. Ils n'étaient pas disponibles avant Noël, mais nous espérons les accueillir au Comité au début de la nouvelle année.
    Parmi les préoccupations soulevées par les jurés qui ont fait appel à mes services, soulignons que certains d'entre eux avaient l'impression de ne pas avoir réussi à établir un lien avec le thérapeute du programme de soutien aux jurés. Je suis psychologue médico-légal. La dernière ligne de la biographie que j'utilise pour toutes les présentations se lit comme suit: « Le Dr Baillie a souvent été appelé devant les tribunaux, généralement comme expert et, en de rares occasions seulement, en tant qu'accusé. »
    J'ai l'habitude de me retrouver dans ce contexte. Je comprends les processus. Je comprends que les jurés puissent être touchés, même par des choses aussi simples que l'aménagement d'une salle d'audience, l'emplacement des salles des jurés et les problèmes de stationnement au palais de justice. Je pense que les jurés ont un sentiment d'appartenance et aimerais avoir l'occasion de discuter de leurs expériences avec une personne ayant une expérience concrète du processus, ce que certains conseillers n'ont pas toujours. Ils peuvent très bien être des conseillers ou des thérapeutes fort compétents, mais ils ne comprendront pas s'ils n'ont pas une expérience des procédures judiciaires ou des tribunaux. À titre d'exemple, si un juré indique avoir été en congé pendant trois jours en raison d'un voir-dire et que le conseiller ne sait pas ce que c'est, cela nuit en quelque sorte au processus de consultation, car le juré est alors obligé de renseigner son conseiller.
    Merci.
    Avez-vous un commentaire, madame Lee?
    Oui. Je voulais simplement ajouter, en corollaire, que beaucoup de premiers répondants ont indiqué que presque tous les services ont accès à un programme d'aide aux employés, ou PAE. J'ai tellement entendu d'histoires de gens qui demandent de l'aide aux conseillers du PAE, mais qui n'y vont qu'une ou deux fois en raison de la grande frustration qu'ils ressentent lors des rencontres.
    Je dirais, comme M. Baillie l'a indiqué, que beaucoup de conseillers n'y comprennent rien. Ils ne comprennent pas le traumatisme. Ils ne comprennent pas les troubles consécutifs à des traumatismes répétés. Ils ne comprennent pas les traumatismes qui font partie intégrante du travail ou des fonctions des gens.
    Les gens trouvent qu'il leur est très utile d'avoir la possibilité de discuter avec une personne qui a une réelle compréhension de leur réalité et des répercussions des traumatismes répétés.
    Merci.
    Il nous reste deux ou trois petites questions.
    M. Fraser, suivi de M. Boissonnault.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Kyllo, ma question sera probablement dans la même veine que les questions de M. Cooper sur le programme de verbalisation. Je crois comprendre que le Manitoba a un programme qui vous permet de recevoir ces renseignements. Selon vous, qu'est-ce qui pourrait servir de modèle pour les séances de verbalisation après la tenue d'un procès? À votre avis, serait-il préférable de tenir des séances de verbalisation individualisées avec chacun des jurés, ou de procéder en groupe?
    C'est une très bonne question.
    J'ai une opinion personnelle à ce sujet, mais je vais m'en remettre à mes estimés collègues pour ce qui est d'une réponse plus professionnelle.
(1700)
    Mon opinion professionnelle, c'est qu'il faudrait offrir les deux.
    En effet; c'est ce que je voulais proposer.
    On parle de groupes de 12 à 14 jurés qui ont vécu une expérience. À l'instar des séances de verbalisation avec les premiers répondants qui sont intervenus lors d'un grave incident, il y a de bonnes et de mauvaises méthodes. Il convient de permettre aux membres du jury d'exprimer leurs sentiments, en groupe, sur certaines expériences qu'ils ont vécues, mais il faut aussi offrir un suivi à ceux qui veulent un suivi personnalisé ou, à tout le moins, communiquer avec eux.
    Je rappelle, en ce qui concerne les unités d'agents d'infiltration — nous avons parlé de gens qui ont vu des images explicites —, les unités d'enquête sur les cas d'homicide et les groupes intégrés de lutte contre l'exploitation des enfants, que les membres de ces unités font l'objet d'une vérification de santé mentale annuelle. Il arrive qu'on me dise, dans une rencontre de 10 minutes: « Je vais bien, merci d'avoir fait un suivi. » D'autres pourraient dire: « Je suis vraiment content que ces rencontres fassent partie de notre routine, parce que cela me donne l'occasion de vous dire ce qui se passe. »
    Je pense que vous devriez procéder ainsi pour les jurés. Si une personne indique qu'elle va bien aujourd'hui, mais qu'elle est contente de savoir quelles mesures lui seront offertes plus tard, au besoin, cela devient une autre occasion de renforcer ces services.
    Avez-vous un commentaire à ce sujet, madame Lee?
    Je suis tout à fait d'accord. Il est certainement possible de mener des interventions ou le suivi de ce genre en groupe, tandis que si les membres veulent discuter...
    Il faut prendre garde de ne pas inciter les gens à discuter du traumatisme en détail, car cela peut être très perturbant pour d'autres membres du groupe. Il s'agit simplement de donner des renseignements sur les symptômes et sur ce qui pourrait se produire plus tard, et de chercher à savoir si certaines personnes veulent discuter de ce qu'elles ressentent. Ensuite, on leur donne un numéro de téléphone et on les invite à appeler au besoin.
    Vous pouvez faire cela en groupe. Ensuite, comme M. Baillie l'a indiqué, vous pouvez offrir un suivi individuel.
    Excellent.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Monsieur Boissonnault.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins.
    Nous entendrons d'autres témoins. Nous rédigerons un rapport et nous recommanderons l'affectation de fonds. Il est à espérer qu'on trouvera l'argent nécessaire et qu'il sera versé aux gens qui en ont besoin.
    A-t-on assez de personnel possédant l'expertise que Mme Lee, M. Kyllo et vous-même considérez comme nécessaire pour offrir des soins adéquats, ou sommes-nous en train de créer une demande pour laquelle nous n'avons pas assez de professionnels? C'est la première question.
    La deuxième question est la suivante. Dans le passé, nous avons dit aux militaires de prendre leur mal en patience, de prendre sur eux et de tourner la page. Cela n'a pas fonctionné. Nous avons fait la même chose avec les premiers intervenants. Cela n'a pas fonctionné. Maintenant, nous recommençons avec les jurés.
    En tant que profane, j'ai une question très simple. En demandons-nous trop aux jurés, ou est-ce simplement que nous leur en demandons trop, mais sans leur offrir des mesures d'aide adéquates?
    N'importe lequel d'entre vous peut répondre.
    Je peux commencer.
    Quant à savoir si nous avons assez de cliniciens, je dirais que ce ne serait probablement pas le cas si nous mettions cela en oeuvre dans l'ensemble du pays demain, mais il va sans dire que cela suscite beaucoup d'intérêt. De plus en plus de gens sont formés aux méthodes de traitement des traumatismes appropriées, étant donné l'attention que l'on porte aux anciens combattants qui reviennent d'Afghanistan et la reconnaissance plus en plus grande des expériences des premiers intervenants. Certaines formations pourraient être offertes très rapidement, pas dès demain, mais au fil du temps.
    Merci.
    Comme M. Kyllo l'a indiqué, je pense que nous nous inspirons des cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel que la plupart des provinces ont créées pour cette clientèle. Ces cliniques compteront sur plusieurs professionnels formés dans le traitement des traumatismes.
    Encore une fois, 20 jurés au cours des deux années d'existence du programme de l'Alberta... J'espère que nous aurons l'effectif nécessaire. Un des problèmes est lié aux jurés provenant de régions éloignées, mais il est aussi possible de leur offrir un suivi grâce aux formidables technologies dont nous disposons de nos jours.
    Je suis d'accord avec Mme Lee pour dire que cela ne se fera probablement pas demain, mais à très court terme, toutes les provinces devraient être en mesure de reconnaître les compétences de professionnels qualifiés, notamment des psychologues, des travailleurs sociaux, etc. Elles pourront ensuite offrir ces services.
    Merci.
    Pourriez-vous répondre, madame Lonergan?
    On tente actuellement de mettre au point d'autres méthodes de traitement du TSPT. Nous travaillons sur l'une d'entre elles dans notre laboratoire. C'est un peu complexe, mais il s'agit essentiellement d'atténuer la charge émotive de la mémoire du traumatisme afin d'atténuer les symptômes. Nous menons ces recherches depuis 10 ans, environ.
    Ce qui est extrêmement encourageant, c'est que nous obtenons déjà en ce moment des résultats semblables aux traitements fondés sur des données probantes, mais nous y parvenons en deux fois moins de temps, à la moitié du coût, et avec des étudiants qui peuvent recevoir la formation dès... Les étudiants de premier cycle peuvent le faire, car c'est un traitement très facile à mettre en place.
    Ce sont des techniques d'avenir. On en est encore à l'étape expérimentale, de sorte que ce n'est pas encore très répandu, mais c'est pour bientôt. Nous espérons que ce seront des choses plus courantes dans un avenir rapproché, ce qui permettra de former plus d'intervenants et d'atteindre beaucoup plus de gens.
(1705)
    Quelqu'un souhaite-t-il répondre à la question de savoir si nos exigences à l'égard des jurés sont trop élevées?
    En 1996, après un procès auquel j'ai participé, j'étais assis avec plusieurs avocats et l'un d'entre eux a alors indiqué qu'il avait participé à 12 procès pour homicide au cours d'une année civile.
    On ne voit plus ce genre de choses de nos jours en raison de la complexité du voir-dire dans chaque instance, de contestation fondée sur la Charte et des questions liées à l'admissibilité de la preuve.
    Dans un procès complexe, nous demandons alors aux jurés de se prononcer en fonction de la preuve hors de tout doute raisonnable pour certains aspects, mais selon la prépondérance de la preuve pour d'autres aspects. Nous avons rendu le processus très complexe.
    Cependant, je pense que l'aspect qui entraîne le plus de complications est la durée du procès. Dans le bon vieux temps, un procès pour homicide s'étirait sur trois, quatre ou peut-être cinq jours. Le procès de Daniel McNaughton, l'affaire tristement célèbre de défense d'aliénation mentale, a duré trois jours. Maintenant, les procès de ce genre s'étirent sur une période de 5 à 10 mois, comme certains témoins vous l'ont indiqué il y a deux semaines.
    Cela a pour effet d'accroître l'exposition répétée à des témoignages horribles, aux preuves, aux vidéos, aux objets déposés comme pièces d'un témoignage. Cela rend la tâche des jurés beaucoup plus exigeante et je pense que nous arrivons maintenant à un point où nous exigeons trop de certaines personnes.
    Merci beaucoup à tous.
    Merci beaucoup. Y a-t-il d'autres questions?
    Je vois qu'il n'y en a pas.
    Je tiens à remercier notre groupe de témoins d'aujourd'hui. Comme tous mes collègues l'ont indiqué, vos témoignages ont été très utiles et très instructifs. Nous sommes toujours reconnaissants d'avoir des recommandations claires.
    Je vous remercie tous d'avoir comparu, en personne ou par vidéoconférence à partir de Toronto.
    La séance est levée.
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