OGGO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 4 avril 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Distingués collègues, la séance est ouverte. Nous avons quelques minutes de retard. Nous n'avons pas encore vu M. Conacher, mais je pense qu'il est en chemin.
Encore une fois, je souhaite la bienvenue à M. Devitt, à M. Devine et, tout particulièrement, à M. Worth, qui témoigne pour la première fois devant notre comité. Je souhaite également la bienvenue aux membres du Comité à cette nouvelle séance portant sur l'examen de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles. Comme nous avons l'habitude de le faire, nous allons demander à chacun des témoins de prononcer une brève déclaration liminaire. Viendront ensuite les questions des membres du Comité, questions pour lesquelles nous disposerons d'un peu moins de deux heures.
J'aimerais prendre environ 15 minutes à la fin de la réunion afin d'aborder rapidement certains travaux du Comité. Je vais donc lever la séance aux alentours de 10 h 30. Je crois comprendre que nos témoins seront en mesure de rester avec nous pour toute la durée de la réunion, à l'exception de M. Devitt, qui devra nous quitter à 10 h 15 parce qu'il doit prendre l'avion.
Sur ce, distingués collègues, je crois que nous allons faire place aux déclarations liminaires.
Monsieur Worth, comme c'est votre première fois devant notre comité, nous allons commencer par vous.
Je remercie le président du Comité de me donner l'occasion de parler, ici, aujourd'hui. C'est un grand honneur.
Je vous remercie aussi, mesdames et messieurs les députés, du temps que vous m'accordez pour que je puisse vous faire part de mon point de vue au sujet de cette importante initiative.
Je m'appelle Mark Worth. Je suis le directeur du projet international Blueprint for Free Speech, une ONG basée en Australie et en Allemagne. Je suis aussi le fondateur et le coordonnateur adjoint d'une autre ONG, la Southeast Europe Coalition on Whistleblower Protection [Note de la rédaction: difficultés techniques]. Je fais également partie du conseil d'administration de Platform to Protect Whistleblowers in Africa, une ONG qui a été fondée le mois dernier au Sénégal.
Blueprint for Free Speech est présent dans de nombreux pays répartis dans toutes les régions du monde. Notre travail consiste à faire la promotion de la protection des divulgateurs et des lois connexes, à travailler et faire enquête sur certaines affaires de divulgation, et à écrire sur ce qui se passe à cet égard en général.
Je voudrais commencer en vous rapportant une petite anecdote. Elle concerne cet homme qui travaillait pour l'agence du revenu. En 2013, il signale aux autorités que l'agence est rongée par une corruption à grande échelle qui permet aux entreprises de payer moins pour leurs droits d'exportation et d'importation. Cette dénonciation mène à l'arrestation de 53 personnes, et ces arrestations ont des répercussions énormes à travers le pays puisqu'elles soulignent la nécessité de tenir les coupables responsables de leur comportement illégal. Or, l'homme est promptement congédié. Il s'adresse donc aux autorités gouvernementales afin de se prévaloir de la protection prévue pour les divulgateurs. Le statut de divulgateur protégé lui est accordé, ce qui signifie qu'il a le droit de réintégrer son poste à l'agence du revenu. Cependant, le directeur de l'agence refuse de le reprendre. Or, dans ce pays, la loi stipule que le directeur d'un organisme gouvernemental qui refuserait de se conformer à une ordonnance visant la réintégration d'un divulgateur est passible d'une amende pouvant atteindre 10 000 euros. Le 4 juin 2015, le procureur appelle le directeur pour le sommer de réembaucher le divulgateur, faute de quoi il pourrait écoper d'une amende de 5 000 à 10 000 euros. L'homme est réembauché le jour suivant. Il y a eu une grande fête et il a retrouvé son emploi.
Voilà un exemple de la façon dont fonctionnent les lois sur les divulgateurs lorsqu'elles sont rédigées avec soin et qu'elles sont appliquées avec rigueur. Or, les divulgateurs peuvent se prévaloir de ces droits si les gens comprennent bien le processus et que les sanctions prévues sont brandies au besoin pour décourager les possibles représailles.
L'anecdote que je viens de vous raconter ne s'est pas produite au Canada. Elle ne s'est pas produite aux États-Unis, qui ont pourtant les lois sur les divulgateurs les plus anciennes et les plus efficaces du monde. Elle ne s'est pas produite au Royaume-Uni, qui, bien qu'il ne le mérite peut-être pas, jouit d'une très bonne réputation en ce qui concerne sa loi sur les divulgateurs. L'anecdote n'a pas eu lieu en Australie ou au Japon ou en Afrique du Sud ou en Corée du Sud ou nulle part ailleurs où de telles lois ont fait tout un bruit. Cette histoire s'est passée en Bosnie-Herzégovine, un pays qui ne fait pourtant pas les manchettes pour ses réussites au chapitre de la lutte à la corruption. Or, en matière de protection des divulgateurs, ce pays a su donner l'exemple à quelques reprises.
Dans l'index de perception de la corruption de l'organisme Transparency International, la Bosnie-herzégovine est classée 83e sur 176 pays. Cependant, sa loi visant à protéger les divulgateurs a des dispositions très rigoureuses, meilleures que celles qui ont cours au Canada, qui se classe pourtant 9e au même index. Lorsqu'il est question de la protection des divulgateurs, je crois qu'il ne faut pas se contenter de regarder ce qui se fait dans les pays les plus en vue et que nous aurions beaucoup à apprendre des pays qui se sont dotés de dispositions qui fonctionnent en pratique et qui aident concrètement les gens.
À l'heure actuelle, les lois visant à protéger les divulgateurs connaissent une grande effervescence. Lorsque le Canada a adopté la sienne, en 2005, les principes de Transparency International n'existaient pas encore. Les principes de l'OCDE et du Conseil de l'Europe n'existaient pas non plus. En 2005, tous ces autres principes mis au point par d'autres ONG et d'autres organismes n'avaient pas encore été mis de l'avant, alors je crois que l'examen que vous avez entrepris arrive au bon moment. Une foule de lois sur la protection des lanceurs d'alerte ont été adoptées. Depuis 2010 seulement, 25 de ces lois ont été adoptées partout dans le monde. Il y a beaucoup de leçons à tirer de toute cette activité, et j'espère que nous allons être en mesure d'examiner cela de plus près au cours des deux prochaines heures.
D'entrée de jeu, je tiens à souligner que je ne connais pas le système juridique du Canada. Je ne connais que le système américain et, dans une certaine mesure, le système du pays où je vis, l'Allemagne. Je crois qu'il n'est pas approprié qu'une entité du pouvoir exécutif — en l'occurrence, le commissaire à l'intégrité du secteur public — ait le pouvoir de décider si un divulgateur devrait avoir accès à une entité du pouvoir judiciaire et dans quelles circonstances ce droit devrait lui être accordé. Je ne veux pas simplifier les choses outre mesure, mais d'après ce que je comprends, c'est que le commissaire à l'intégrité peut renvoyer des affaires à un tribunal. Nous sommes très loin de la pratique exemplaire. J'espère que la loi sera modifiée pour autoriser la Commission elle-même à prendre des décisions en matière de représailles, de réintégration, d'indemnisation et de sanctions, ou pour permettre aux divulgateurs d'accéder directement à un tribunal. Le fait qu'un divulgateur doive s'adresser à une entité du pouvoir exécutif afin d'avoir accès à une entité du pouvoir judiciaire pervertit le principe de la séparation des pouvoirs.
Encore une fois, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître. J'ai bien hâte d'entendre les autres points de vue et de répondre à vos questions.
Merci.
Merci beaucoup, monsieur Worth.
Nous allons poursuivre avec les déclarations liminaires de nos témoins.
Je rappelle à nos témoins que vous avez déjà comparu devant notre comité et que vous devriez dans cette optique y aller assez rondement avec vos observations. Cela laissera plus de temps pour les questions des membres du Comité, ce dont je vous saurais gré.
Monsieur Devitt, nous allons commencer par vous.
Merci, monsieur le président, et merci encore au Comité de son invitation. C'est un privilège de vous parler de nouveau.
Je n'ai pas grand-chose à ajouter à mon témoignage antérieur. Je peux peut-être rappeler au Comité certains des éléments clés de la loi irlandaise — c'est celle que je connais le mieux — et revenir brièvement sur certains points qui ont été soulevés la dernière fois.
La loi irlandaise, la Protected Disclosures Act, a été proposée en 2014. Remplaçant certaines dispositions au passage, la loi est venue compléter les quelque 18 autres mesures législatives de l'Irish Statute Book qui concernent ou protègent les lanceurs d'alerte. C'est la première fois qu'une loi protège les lanceurs d'alerte du secteur public, du secteur privé et du secteur des organismes sans but lucratif.
Essentiellement, toutes les catégories de travailleurs sont protégées, à l'exception des travailleurs bénévoles, et les protections dont ils jouissent concernent toute une gamme de représailles, tant officielles qu'informelles. Les travailleurs sont protégés des sanctions officielles, c'est-à-dire des renvois ou des mesures disciplinaires auxquels une divulgation protégée pourrait donner lieu. De plus, les employeurs sont responsables par procuration pour tout mauvais traitement qu'un lanceur d'alerte pourrait subir pour avoir fait une divulgation protégée. Par conséquent, l'employeur est tenu de veiller à ce qu'un divulgateur ne soit pas la cible de blâmes, de discrimination ou de quelque autre mauvais traitement dans le cadre de son travail.
Les divulgateurs ont aussi accès aux tribunaux. L'un des éléments les plus importants de la loi irlandaise est le fait que le divulgateur a la possibilité de demander une injonction ou l'application d'un redressement provisoire à l'un des tribunaux d'instance inférieure — les tribunaux itinérants d'Irlande —, pour peu qu'il le fasse dans les 21 jours suivant son avis de congédiement. Cela signifie qu'une personne qui fait une divulgation protégée a 21 jours suivant son avis de congédiement pour empêcher son employeur de le congédier.
Comme je l'ai dit, c'est l'un des éléments les plus importants de la loi. Pourquoi? Parce que si le divulgateur ne pouvait pas se prévaloir de cette protection, il lui faudrait attendre jusqu'à deux ans pour que son affaire soit entendue par la Commission des relations du travail, ce qui pourrait avoir des conséquences financières éprouvantes, sans parler des conséquences psychologiques et pratiques découlant du fait d'être sans travail pendant tout ce temps.
Le système tarde toujours à être examiné en détail. Les tribunaux ont encore beaucoup d'affaires à entendre, mais nous savons que les trois quarts des affaires de redressement provisoire soumises au tribunal itinérant ont reçu un accueil favorable jusqu'ici. Nous sommes convaincus que cette façon de faire amènera un changement d'attitude en Irlande à l'égard de la divulgation d'actes répréhensibles. Déjà, la majorité des employeurs du secteur privé ont dit qu'ils s'engageaient à protéger les lanceurs d'alerte. Selon l'un de nos plus récents sondages, environ 90 % des employeurs affirment qu'ils appuient la dénonciation d'actes répréhensibles, même si cela implique la divulgation de renseignements confidentiels ou le risque de ternir leur réputation.
Comme c'est le cas pour n'importe quelle loi, le vrai test pour cette loi, c'est sa mise en oeuvre. Nous travaillons présentement avec le gouvernement. Nous avons l'appui du ministère de la Justice et de l'Égalité ainsi que du ministère des Dépenses publiques et de la Réforme en ce qui concerne le déploiement d'un nouveau programme, « intégrité au travail », dont je me ferai une joie de vous parler. Ce programme invite les employeurs à s'engager à faire en sorte que leurs employés ne souffrent pas du fait de rapporter des actes répréhensibles et à s'assurer que des mesures sont prises en réponse à ces dénonciations.
Il s'agit d'un nouveau programme qui sera lancé cette année. Nous avons déjà obtenu l'engagement des services de la police, du service des pénitenciers, du ministère de la Justice et de l'Égalité, d'un certain nombre d'organismes de bienfaisance, de l'agence de la protection environnementale, etc. Jusqu'ici, nous avons eu la confirmation d'environ 30 organismes. Nous sommes persuadés que le programme permettra de faire avancer la discussion au-delà des mesures législatives proprement dites et de l'orienter sur la façon dont la loi sera mise en oeuvre concrètement.
Je n'ai pas de recommandations arrêtées à formuler à propos de la loi canadienne, sauf peut-être, pour faire écho aux réserves de Mark Worth, en ce qui concerne le fait de permettre à une entité du pouvoir exécutif d'empêcher les travailleurs de se prévaloir de leurs droits juridiques et d'avoir accès aux tribunaux.
Je répéterai ce que j’ai dit la dernière fois: toute mesure législative devrait être simple et claire, et elle devrait concerner tous les travailleurs qui interviennent dans l’économie, pas seulement ceux du secteur public.
Lors mon dernier passage ici, j’ai parlé des pratiques exemplaires concernant les lois sur la protection des dénonciateurs à travers le monde, pratiques qui nous aident à distinguer les lois qui sont des « boucliers en carton » et qui mettent en péril tous ceux qui s’y fient de celles qui sont des « boucliers en métal » et qui sont vraisemblablement à même de protéger ceux qui s'en prévalent.
Après examen, je ne serais pas prêt à dire que la loi canadienne en la matière pourrait avoir le statut de bouclier en métal. Je dirais plutôt qu’il s’agit plutôt d’un bouclier en papier.
Je peux me limiter à reprendre ces critiques ou je peux passer en revue les mêmes pratiques exemplaires en regardant du côté des solutions et des exemples de dispositions efficaces qui ont été concoctées dans d’autres pays. Je vous laisse le soin de choisir le scénario qui vous semble le plus utile, monsieur le président.
À mon avis, je crois qu’il serait mieux de laisser les membres du Comité poser les questions qu’ils veulent plutôt que de revenir sur ce dont vous avez parlé lors de votre dernière comparution. Si vous avez de nouveaux renseignements à nous donner, présentez-les sur-le-champ. Si ce n’est pas le cas, je propose que nous attendions que l’information que vous essayez de nous présenter se manifeste d’elle-même durant la période de questions.
Merci, monsieur le président.
Dans cette optique, permettez-moi alors de vous parler de certaines des solutions qui ont été mises au point pour répondre aux préoccupations qui ont été cernées au sujet de cette loi. Aucun de ces problèmes n’est nouveau, et il y a de nombreux exemples de moyen de satisfaire aux critères que je défendais lors de ma dernière comparution.
Passons au premier critère, la liberté d’expression « sans failles », c’est-à-dire une liberté d’expression pour laquelle les restrictions axées sur les procédures, le contexte, le temps et l’auditoire ne s’appliqueraient pas arbitrairement, ce qui aurait pour effet de miner l’efficacité de la loi. Le modèle américain fait partie des exemples démontrant que ce critère est réalisable; la loi protège les dénonciateurs pour toute déclaration d’acte illégal, de gaspillage flagrant, de mauvaise gestion, d’abus de pouvoir, de danger substantiel et particulier pour la santé ou la sécurité publique. Le modèle européen a aussi été très efficace puisqu’il permet la liberté d’expression du public en cas de besoin, c’est-à-dire lorsque les mesures de redressement internes ne font pas effet. Le modèle américain a supprimé toutes les failles relatives aux descriptions de tâche, aux procédures, au contexte et au moment de la dénonciation. Si l’information peut changer quelque chose aux termes de ces lois, elle sera protégée.
En ce qui concerne le champ d’application, c’est essentiellement la même chose. Le modèle américain protège toute dénonciation d’activités illicites, mais en fonction d’une violation de la loi. Il n’y a pas de restriction arbitraire. Certaines autres nations ont élargi la portée de cela. Des pays africains comme le Ghana et l’Afrique du Sud protègent la dénonciation de menaces à l’environnement. Relativement récemment, on a vu apparaître des catégories de rattrapage sur la protection de l’expression, comme les dommages à grande échelle en Serbie, les normes professionnelles en Roumanie et, de façon générale, l’intérêt public en Ouganda. Ces dispositions permettent de nous assurer que la loi ne vient pas limiter la portée qu’elle peut avoir.
Un troisième critère que je juge important, c’est la protection contre le débordement de représailles, car l’efficacité est effectivement conditionnelle à une certaine masse critique. Un lanceur d’alerte qui agit en solitaire ne parviendra probablement pas à accomplir grand-chose, mis à part le fait d’anéantir sa propre carrière. Il est important de protéger cette base de soutien et pas seulement l'ultime messager ou l’ambassadeur.
Les lois américaines disposent de protections pour ceux qui sont sur le point de dénoncer ou qui sont perçus, même à tort, comme des lanceurs d’alerte. La loi serbe visant à protéger les divulgateurs d’actes répréhensibles s’accompagne d’articles séparés qui offrent une protection aux personnes associées, aux personnes identifiées à tort et aux personnes qui font l’objet de représailles pour la simple raison d’avoir posé les mauvaises questions, ces questions qui sont pourtant nécessaires pour la base de recherche. Un certain nombre de lois africaines en la matière prévoient des dispositions pour protéger les membres de la parenté des divulgateurs. Il s’agit en fait d’offrir une protection à tous ceux qui en ont besoin.
Aux États-Unis, la protection est en quelque sorte fragmentaire, mais elle couvre pratiquement tout le secteur public et tout le secteur privé. D’autres États vont beaucoup plus loin. La loi serbe couvre les employés du secteur public et les employés du privé, ce qui inclut les militaires, la législature, la sécurité nationale et les employés des sociétés. Elle couvre les ONG et les médias. Quiconque subit des représailles pour avoir remis en question un abus de pouvoir trahissant la confiance du public est protégé par la loi. Les lois de la Corée, de la Zambie et de l’Ouganda protègent toutes l’ensemble des personnes et pas seulement les employés de l’administration publique nationale.
Un autre critère important, c’est la confidentialité. Sans protections efficaces, le flux d’information se tarira. À cet égard, les États-Unis et la Serbie ont tous les deux donné le ton en veillant à ce que leurs lois ne protègent pas seulement l’identité du divulgateur, mais aussi l’information qui pourrait permettre de remonter jusqu’au divulgateur. Avant que quoi que ce soit puisse être utilisé, il faut un consentement, sauf si un tel recours est nécessaire pour satisfaire un processus juridique, dans lequel cas, le dénonciateur recevra une mise en garde préalable.
En fait, la loi serbe stipule que les dispositions initiales en matière de confidentialité s'appliquent aussi à tout autre organisme gouvernemental qui travaille là-dessus. La Corée prévoit même des sanctions criminelles pour ceux qui violent la confidentialité, un aspect nouveau qui est repris dans certaines des lois plus récentes en la matière. C'est un critère qui est très important, et un certain travail a été fait à ce chapitre.
En ce qui concerne la protection contre le harcèlement non conventionnel, disons que plus du tiers des lois mondiales visant la protection des dénonciateurs offrent maintenant une protection contre la responsabilité civile et criminelle, et pas seulement contre la responsabilité en matière d'emploi. Il y a tellement de façons de menacer, d'effrayer ou de faire taire un lanceur d'alerte. Le libellé de l'article 7 de la loi serbe est, à mon sens, très éloquent puisqu'il fait référence à toute action qui placerait quelqu'un en position de désavantage. Vous n'avez même pas à faire partie d'une liste.
Les dispositions anti-bâillon sont très importantes pour empêcher que d'autres mesures législatives viennent fouler au pied les droits des dénonciateurs, comme les règlements de son organisme d'attache ou d'autres lois d'application générale. Aux États-Unis, le code comprend cinq dispositions anti-bâillon et la Whistleblower Protection Act en comprend trois. Je crois que l'article 3 de la loi serbe est éloquent à ce sujet, puisqu'il stipule que toute disposition qui pourrait empêcher une dénonciation est nulle et non avenue. Cet effet dissuasif est ce que recherchent la plupart des pratiques exemplaires.
Un autre critère est essentiel pour appuyer les services. Oui, vous avez un organisme qui veille au redressement administratif, mais son pouvoir discrétionnaire n'a pas de limite et il n'existe pas de fonction pour l'obliger à aider les gens. Aux États-Unis, l'agence qui veille au redressement est tenue d'enquêter. Elle n'a aucun pouvoir discrétionnaire lui permettant de porter atteinte aux droits de ceux qui cherchent de l'aide. L'agence doit expliquer ses démarches aux plaignants. En Serbie et dans un certain nombre d'autres pays, chaque institution doit établir des procédures internes et veiller à ce que quelqu'un soit là pour prêter main-forte à leur mise en oeuvre.
Le fardeau de la preuve est la pierre d'assise la plus importante de toute loi visant à protéger les lanceurs d'alerte, et le Canada n'en a pas. L'inversion du fardeau de la preuve est la pratique exemplaire à l'échelle internationale.
Enfin, pour les besoins de l'exposé de ce matin, il y a le droit de se faire entendre de bonne foi en audience publique. Après une décennie, nous espérons que le Canada saisira sa première occasion de permettre aux lanceurs d'alerte de se faire entendre de bonne foi en audience publique. Sans cela, la loi devient presque sans effet, sauf si ce n'est que pour menacer ceux qui tentent de faire appliquer leurs droits.
Mesdames et messieurs, les solutions aux problèmes que nous avons cernés dans cette loi ne demandent pas de créativité particulière. Non, il s'agit en fait d'étudier le cheminement des 35 autres États qui ont eu affaire au même processus, de tirer des leçons de ce cheminement et des crises de croissance de l'élaboration de ces mesures législatives, et d'intégrer les pratiques exemplaires. Notre organisme est là pour vous prêter main-forte. Nous sommes disposés à faire tout ce qui pourra contribuer à ce processus.
Merci beaucoup, monsieur Devine.
Si vous voulez nous prêter main-forte, vous pourriez nous fournir une version anglaise de la loi serbe sur la protection des divulgateurs, pour peu que cela soit possible.
Vous nous en sauriez très reconnaissants.
M. Conacher est finalement arrivé.
Monsieur Conacher, soyez de nouveau le bienvenu. Avez-vous des observations additionnelles à formuler avant la période de questions?
Je remercie sincèrement le Comité de me donner une fois de plus l'occasion de me prononcer au sujet de cette très importante question d'application de la loi. Si l'on considère l'« application de la loi » dans son sens large, je crois que c'est précisément ce dont il est question lorsque l'on parle de la protection des lanceurs d'alerte. Pour maintenir la primauté du droit, il est très important d'assurer que les lanceurs d'alerte et les inspecteurs de première ligne aient pleinement le droit de dénoncer les actes qu'ils estiment répréhensibles, et qu'ils seront pleinement protégés s'ils le font.
J'aimerais souligner de nouveau certains éléments clés, et faire écho à ce que mes collègues ont soulevé dans le cadre de leur témoignage. Tout d'abord, je tiens à vous rappeler que 21 000 électeurs ont signé une pétition mise en ligne par Démocratie en surveillance — à change.org —, laquelle réclamait que le gouvernement fédéral apporte 17 modifications clés pour protéger les divulgateurs. Les modifications ne visent pas seulement le gouvernement — je sais que votre examen met l'accent sur la loi et sur la protection des travailleurs de la fonction publique —, mais aussi les infractions à la loi, les abus et le gaspillage commis par les entreprises. Comme le montre le scandale actuel sur les services bancaires et plusieurs autres scandales survenus dans le monde des affaires, il est impératif de ne pas limiter cette protection à l'administration publique, mais bien de l'étendre à l'ensemble des travailleurs du secteur privé et à tous ceux qui évoluent dans le milieu des affaires.
Outre le besoin de vous protéger vous-mêmes, vous devriez étendre la protection au personnel politique et aux employés, mais aussi aux entrepreneurs, aux fournisseurs et, comme l'ont mentionné mes collègues, à toute personne qui recueille de l'information. Chacun devrait avoir le droit de présenter sa plainte directement et anonymement au commissariat ou à l'organisme chargé de la protection. Dans cette optique, il faudra garder le commissariat actuel et étendre son pouvoir à l'ensemble du secteur privé réglementé par le gouvernement fédéral ou créer un bureau distinct pour veiller à la protection des travailleurs du secteur privé. Les divulgateurs devraient être en mesure d'adresser leurs plaintes directement à ces organismes et sous le couvert de l'anonymat, sans avoir à passer par le patron de qui que ce soit.
De plus, comme quelqu'un d'autre l'a mentionné, l'inversion du fardeau de la preuve lorsqu'il s'agit de vérifier s'il y a eu des représailles est une disposition essentielle au fonctionnement de ce type de protection ainsi qu'une pratique exemplaire en la matière. Certains de mes collègues ont dit que le commissaire est un agent du pouvoir exécutif, mais ce n'est pas le cas; c'est un agent du pouvoir législatif. Le commissaire à l'intégrité actuel est un haut fonctionnaire du Parlement, mais c'est néanmoins une barrière qui doit être franchie pour accéder aux tribunaux. Vous devriez autoriser ce commissaire à imposer des sanctions et à indemniser les divulgateurs, ou permettre aux gens de s'adresser directement aux tribunaux si le commissaire ne s'occupe pas assez diligemment de leur plainte.
La nomination du commissaire ou du directeur d'un bureau distinct, le cas échéant, est aussi très importante. Le processus de nomination actuel permet en quelque sorte au gouvernement — et, à plus forte raison, s'il s'agit d'un gouvernement majoritaire — de choisir qui bon lui semble. C'est une nomination politique qui ouvre la porte au favoritisme et au copinage, un processus qui permet au gouvernement de nommer quelqu'un qui lui obéira sans réserve. La nomination devrait se faire au terme d'un processus axé sur le mérite ouvert et indépendant. C'est un élément tout à fait crucial, car les trois commissaires que nous avons eus jusqu'ici, c'est-à-dire les deux derniers et le commissaire actuel, étaient tous issus de l'administration publique fédérale.
Le commissaire actuel a commencé à travailler au Commissariat à peu près en même temps que la première commissaire. Il a été témoin de toutes sortes d'actes répréhensibles qui avaient cours au Commissariat et, pour autant que je sache, il n'a jamais dénoncé quoi que ce soit. Le commissaire actuel ne m'inspire pas beaucoup confiance.
Le prochain commissaire est sur le point d'être nommé, et toutes les personnes nommées par le Cabinet devraient être nommées de cette façon, surtout celles qui sont chargées de faire appliquer les lois. Je prends la peine de le mentionner parce que la commissaire à l'éthique, la commissaire aux langues officielles et la commissaire au lobbying sont toutes les trois sur la liste de candidats potentiels examinée par le gouvernement fédéral. Le Cabinet contrôle le choix de tous ces responsables de la surveillance, responsables dont le rôle sera principalement de surveiller le Cabinet et ce que fait le Cabinet.
Pour nommer ses juges, l'Ontario a recours à une pratique exemplaire. La province a mis sur pied le Comité consultatif sur les nominations à la magistrature, un organisme indépendant où siègent six personnes extérieures au gouvernement et sept personnes qui sont nommées par lui. Bien entendu, le gouvernement ne devrait pas nommer la majorité des membres de ce comité, et c'est bien là la seule faille, sauf que ledit comité fonctionne depuis 20 ans. Son travail consiste à rechercher des candidats qualifiés pour pourvoir ces postes. La recherche se fait en fonction du mérite des candidats potentiels, lesquels peuvent faire partie ou non de l'administration publique. Au terme de ses évaluations, le Comité propose une liste restreinte de trois candidats, et le Cabinet doit choisir parmi ces trois-là. Cette façon de procéder élimine le contrôle politique qui pourrait s'exercer sur les nominations, ce qui garantit l'indépendance des juges ultimement choisis.
C'est le seul endroit au Canada où cela se fait. Ce devrait être la norme à l'échelle du Canada pour toutes les nominations faites par un cabinet, et surtout, je le répète, lorsqu'il s'agit d'organismes d'application de la loi qui sont tenus de surveiller ce qui se passe dans l'administration publique.
En ce qui concerne la commission ou l'organisme qui devra veiller à la protection des divulgateurs, je préconise qu'on leur donne le pouvoir d'édicter des sanctions et d'exiger des mesures correctives. Cette commission devrait avoir l'autorisation et le devoir de mener des audits, et de se prononcer publiquement et diligemment sur n'importe quelle plainte. L'identité de tous les auteurs d'actes répréhensibles devrait être rendue publique, ce qui n'est pas le cas actuellement, alors que cela devrait être exigé. De plus, la commission devrait être autorisée à établir des sanctions et à exiger des dirigeants de n'importe quelle institution gouvernementale qu'ils apportent des mesures correctives à leur système interne afin de montrer aux lanceurs d'alerte qu'ils ont le droit de dénoncer et comment ils doivent procéder. Cela pourrait comprendre, par exemple, la nécessité d'apporter des modifications à leur régime de formation, etc.
La commission devrait en outre être autorisée à imposer des amendes considérables. Dans le secteur public, il devrait y avoir des amendes de 100 000 à 200 000 $ en cas de représailles; dans le secteur privé, pour dissuader concrètement les représailles de ce type, l'amende devrait correspondre à 40 % du salaire annuel de l'employé fautif.
Le fait d'indemniser les divulgateurs dont les allégations s'avèreraient fondées est controversé, mais c'est ce qu'a fait la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. Dans cette province, à l'instar du modèle américain, il est maintenant possible de recevoir jusqu'à 5 millions de dollars pour la dénonciation d'une fraude en matière de valeurs ou d'un acte répréhensible que commettrait une société cotée à la Bourse de Toronto. Selon moi, il est très important de les indemniser adéquatement. Il ne s'agit pas d'aller jusqu'à la récompense, mais à tout le moins de les indemniser adéquatement pour les risques qu'ils prennent en prenant sur eux de dénoncer. Démocratie en surveillance recommande que l'indemnité accordée aux dénonciateurs dont les allégations s'avèreraient fondées devrait corresponde, au minimum, à une année de salaire.
En dernier lieu, nous devrions permettre à un lanceur d'alerte de recourir aux tribunaux si le commissariat à l'intégrité ou l'organisme d'application de la loi auquel le commissaire l'aurait référé ne traite pas sa plainte avec suffisamment de diligence. Nous devrions lui permettre de s'adresser au tribunal directement. Enfin, nous devrions veiller à ce que le système de protection fasse l'objet d'un audit du vérificateur général au moins tous les trois ans.
Je serai heureux de répondre à toutes vos questions au sujet de ces modifications et d'autres modifications possibles. Pour toutes ces modifications, le diable se cache dans les détails. Lorsque la loi dit que le commissaire ou qui que ce soit d'autre « peut » faire quelque chose ou « doit » faire quelque chose, c'est très important. La loi devrait invariablement user du verbe « devroir » afin d'exiger des reponsables qu'ils protègent pleinement et concrètement les divulgateurs d'actes répréhensibles, et pour veiller à ce que ceux qui exercent des représailles à l'endroit de ces divulgateurs écopent de sanctions sévères.
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à la série de questions de sept minutes, en commençant avec M. Whalen.
Merci, monsieur le président, et merci à chacun de son exposé d'aujourd'hui.
J'aimerais me focaliser sur deux enjeux au sujet desquels j'ai questionné d'autres témoins lors de séances antérieures.
Le premier concerne la portée que devrait avoir une divulgation faite dans l'intérêt public et ce que la loi devrait couvrir. La loi canadienne couvre les violations graves du code d'éthique en emploi pour les employés du secteur public. J'ai remarqué que les sujets qui concernent les emplois et les contrats de travail sont explicitement exclus de la loi irlandaise ainsi que de certaines autres lois que nous avons examinées.
J'aimerais savoir si vous croyez — très rapidement, bien entendu, car nous n'avons pas beaucoup de temps —, si vous croyez, donc, que nous devrions exclure les enjeux relatifs aux contrats de travail de la loi visant la protection des divulgateurs afin de nous focaliser sur les divulgations qui sont plus importantes et qui ont vraiment à voir avec l'intérêt public.
Nous pouvons commencer par vous, Tom.
Monsieur, lorsque vous parlez des enjeux relatifs aux contrats de travail, faites-vous allusion aux différends qui impliquent des employés et qui ont trait à la rémunération ou aux conditions de travail?
Il pourrait aussi s'agir de harcèlement. Il pourrait s'agir de n'importe quelle violation du code d'éthique visé par le contrat de travail.
Oui, la structure de presque toutes les lois visant à protéger les dénonciateurs se divise en deux; il y a tout ce qui concerne le harcèlement et les représailles, et tout ce qui touche aux droits visés par le contrat de travail. Cela fait partie de la section réparatrice de la loi qui est examinée.
Pardonnez-moi, Tom, mais cela fait plutôt partie de ce qui constitue une divulgation dans l'intérêt public, alors abstenons-nous de parler de représailles pour l'instant. De toute évidence, cela serait considéré comme des représailles si c'était fait contre un divulgateur.
Je me penche sur ce qui constitue une divulgation dans l'intérêt public. Je cherche à savoir si nous devrions explicitement exclure les enjeux qui ont trait à des contrats et à des nominations de notre définition de « divulgation dans l'intérêt public ».
Oui, la plupart des lois visant à protéger les lanceurs d'alerte excluent effectivement ce qui concerne les injustices personnelles — c'est-à-dire les injustices qui vous visent ou les menaces exercées sur vos droits en tant qu'employé — du vecteur de la divulgation, qui est le vecteur des représailles. Habituellement, ils sont bien séparés.
Au Royaume-Uni, un lanceur d'alerte doit montrer qu'il n'est pas seulement en train de rapporter un crime, par exemple, mais que c'est dans l'intérêt public de le faire.
En Irlande, plutôt que d'avoir recours à un test pour vérifier si la divulgation est bel et bien dans l'intérêt public, nous avons clairement expliqué que les seules divulgations qui pouvaient être protégées étaient celles qui ne concernaient pas directement le contrat individuel de travail de l'employé. Nous cherchions en cela à éviter que les employés ne confondent leurs griefs personnels avec des divulgations dans l'intérêt public.
Je n'ai pas vu de disposition dans la loi qui fasse la distinction entre des problèmes répandus, systématiques et généralisés dans le milieu de travail, comme la discrimination, les conditions de travail non sécuritaires ou l'intimidation, et les griefs de la part d'employés individuels. Il faudrait certainement exclure les griefs déposés par des employés individuels, comme John et Tom ont déclaré avec raison.
Cette disposition a été retirée de la Loi sur les divulgations dans l'intérêt public du Royaume-Uni, car elle créait énormément de problèmes, du fait que les gens se déclaraient être des divulgateurs si leur chaise n'était pas confortable ou on leur enlevait leur place de stationnement.
Je recommanderais une étude afin de trouver une définition des problèmes répandus, systématiques ou généralisés liés à l'emploi. Je crois que le public voudrait bien le savoir si nous avions une société, avec 500 employés, dont la moitié faisait l'objet de discrimination pour une certaine raison ou se faisaient refuser le paiement de leurs heures supplémentaires, notamment s'il s'agissait d'une société d'État. Je crois qu'il faudrait l'inclure.
Le Comité se penche également sur la question suivante, à savoir à qui peut-on faire les divulgations. Actuellement, notre commissaire à l'intégrité du secteur public nous demande d'élargir la définition de « superviseur ». Je me demande si nous devrions rallonger considérablement la liste des personnes à qui des divulgations peuvent être faites, et s'il serait logique ou non de protéger les divulgateurs contre les représailles lorsqu'ils mènent leur propre enquête, tentent de se renseigner, font des divulgations à leurs homologues, ou s'adressent directement aux forces de l'ordre ou aux médias sans en informer d'abord leur superviseur.
Je sais que c'est une question compliquée, mais devrions-nous tenir compte de facteurs supplémentaires lorsque nous examinons la possibilité d'agrandir le régime prévu pour les divulgations alors que nous nous demandons également s'il ne faudrait pas accorder les mêmes protections au secteur privé qu'au secteur public?
Je poserai d'abord la question à Tom.
Messieurs, il ne nous reste malheureusement que quelques minutes, même moins, pour tous nos témoins. Soyez le plus bref possible dans vos réponses.
Merci.
Effectivement, la protection accordée doit aller au-delà de celle qui vise les divulgations faites aux superviseurs ou par des moyens spécifiques. Il n'y a pas une seule formule ou recette qui convient à toutes les situations. Pour faire une divulgation de façon responsable, il faut se renseigner, parler à d'autres témoins possibles et faire beaucoup de recherches.
Avant de commencer à faire des accusations, il faut permettre au système de faire ce qui est prévu, ce qui veut dire faire des divulgations à son superviseur et remonter la chaîne de commandement. Le principe général veut que l'on devrait avoir la liberté d'expression nécessaire pour faire la divulgation lorsqu'elle s'avère nécessaire, afin de pouvoir faire sa part pour contrer l'abus de pouvoir ou d'autres actes répréhensibles.
Bon nombre des lois indiquent que...
Je suis désolé, Tom, j'aimerais donner aux autres la possibilité de répondre.
Y a-t-il des facteurs qui seraient différents pour le secteur public et le secteur privé en ce qui concerne ce principe, oui ou non?
Pas du tout, monsieur. Peu importe si l'organisme qui trahit la confiance du public est un organisme public ou privé.
Merci, Tom. Je vais passer au prochain témoin.
John, pouvez-vous nous donner le point de vue irlandais?
Nous savons, grâce aux données de sondages effectués au Royaume-Uni, en Irlande et aux États-Unis, qu'en temps normal, plus de 90 % des travailleurs signaleront les actes répréhensibles à des gens au sein de leur organisation. Comme Tom l'a dit, les gens souhaitent avoir la possibilité de faire le signalement en passant par la direction et les moyens de communication internes avant d'être obligés d'aller à l'extérieur de l'organisation.
En Irlande, un divulgateur peut s'adresser à quelqu'un à l'extérieur de l'organisation dans les cas où il est raisonnable de croire, par exemple, que le divulgateur pourrait subir les conséquences du fait qu'il s'adresse à quelqu'un à l'interne, ou lorsqu'il y a des risques que l'information soit occultée. Les gens ont la possibilité de s'adresser à un journaliste ou à un député parlementaire. Dans les situations où les renseignements concernent un acte grave, les dénonciateurs seront protégés s'ils font le signalement à un journaliste.
Merci, monsieur le président.
Bonjours à tous, peu importe le fuseau horaire dans lequel vous vous trouvez.
Monsieur Conacher, des témoins ont dit à plusieurs reprises devant notre comité que le Commissariat à l'intégrité du secteur public avait commis des actes fautifs. Cela a piqué ma curiosité. J'aimerais donc savoir de quels actes fautifs il s'agit.
Cet enjeu implique un bon nombre de termes techniques. Je vais donc devoir beaucoup travailler mon français.
[Traduction]
En ce qui concerne le Commissariat, l'acte répréhensible est historique. Christiane Ouimet, la première commissaire, a fait l'objet d'un audit par le vérificateur général et il a été établi que la commissaire avait essentiellement omis de mener une enquête et avait rejeté la plainte du divulgateur, et ce, dans plus de 200 cas.
La Cour fédérale a trouvé que Mario Dion avait fait preuve de négligence dans certains dossiers. Il avait également caché l'identité des auteurs des actes dans certains dossiers, en affirmant que la loi sur la protection des renseignements privés l'exigeait. Or, la loi n'oblige pas le commissaire à cacher l'identité des auteurs des actes; elle le permet clairement. Le vérificateur vient de terminer un audit des plus de 200 dossiers que Christiane Ouimet a laissés en suspens, dans lesquels on indique que Mme Ouimet n'a effectué qu'un examen rapide des dossiers, n'a mené des enquêtes en profondeur que dans le quart des cas, et a laissé les autres en plan.
Nous avons environ 150 dossiers qui remontent à l'époque de Christiane Ouimet et qui n'ont toujours pas été examinés en profondeur par le Commissariat. Voilà l'acte répréhensible, et le commissaire en poste était au Commissariat pendant une bonne partie de la période concernée. C'est la raison pour laquelle, je le répète, je ne lui fais pas beaucoup confiance, et le prochain titulaire du poste doit être nommé selon la méthode utilisée par l'Ontario. On ne peut plus permettre aux politiciens de choisir ces gens.
Merci beaucoup.
Monsieur Devine, vous avez indiqué que nous devrions absolument faire en sorte que le secteur privé soit visé par la loi. Je présume que c'est le cas aux États-Unis. Pouvez-vous nous dire comment cela fonctionne exactement, une loi sur la divulgation qui vise le secteur privé?
Je ne sais pas si je vous ai bien entendu, monsieur, mais la règle d'or, c'est que les lois en matière de divulgation visent autant le secteur privé que le secteur public. Certains pays ont des structures différentes selon le contexte.
Sur le plan technique, comment le système fonctionne-t-il dans votre pays? Comment s'applique-t-il dans le secteur privé? Par exemple, dans le secteur public, nous avons des organismes internes dans les ministères. Qu'en est-il pour le secteur privé?
Nous accordons des droits très semblables aux gens du secteur public et privé, mais effectivement, les moyens d'application sont différents. Dans le cas des employés du secteur privé, notre ministère du travail prévoit une procédure administrative pour les enquêtes informelles qui peuvent ensuite devenir des audiences administratives officielles. Si la décision n'est pas rendue dans un délai raisonnable, en général entre 180 à 210 jours après le début de la procédure administrative, les personnes concernées peuvent en saisir la cour fédérale et auront droit à un procès devant jury afin de faire valoir leurs droits.
Ai-je raison de croire qu'un employé du secteur privé n'est pas tenu de faire le signalement à son supérieur?
Vous avez tout à fait raison. Il n'y a aucune exigence qui veut qu'un employé du secteur privé soit tenu de passer par la chaîne de commandement.
Qu'en est-il pour le divulgateur du secteur public aux États-Unis? Doit-il passer par la chaîne de commandement?
Non, car dans bien des cas, il y a un conflit d'intérêt, ce qui fait que passer par la chaîne de commandement ferait entrave à la justice, et il faut avoir la liberté nécessaire pour s'adapter à ces scénarios. Pour nous, le défi principal, c'était de nous assurer que les gens étaient protégés lorsqu'ils remontaient la chaîne de commandement, parce que l'instinct de plus de 80 % des divulgateurs, c'est de faire le signalement dans le système, et bien souvent, ce système peut s'avérer traître.
Monsieur Worth, vous avez proposé des amendements à la loi qui, selon vous, seraient salutaires. Y a-t-il d'autres amendements dont vous n'avez pas parlé ce matin que vous voudriez nous proposer?
Je voulais vous dire que selon le site Web du commissaire, il y a eu 653 divulgations en vertu de la loi au cours des huit dernières années. Il se peut qu'il n'y ait pas toujours eu de lien avec les divulgations, mais pendant cette même période, on a recensé 215 plaintes concernant des représailles. C'est donc un rapport de 3 à 1. Pour chaque trois cas de divulgation, il y a eu une plainte concernant des représailles. On ignore si ces plaintes sont toujours reliées aux divulgations, mais c'est le pourcentage qui en ressort.
Sur ces 215 plaintes concernant des représailles, seulement six dossiers ont été traités afin de permettre une audience devant le tribunal. C'est donc un pourcentage de 2,9 %. Au Royaume-Uni, pendant les 18 ans qui se sont écoulés depuis l'entrée en vigueur de la loi, 18,7 % des gens ayant déposé une plainte en vertu de la loi concernant les divulgations ont eu droit à une audience. Cela veut dire que six fois plus de personnes au Royaume-Uni ont eu droit à une audience qu'au Canada. C'est donc un pourcentage très faible. Je crois que nous devrions étudier les obstacles aux audiences.
J'aimerais m'excuser d'avoir décrit la commission comme faisant partie du pouvoir exécutif. En fait, le commissariat relève de l'organe législatif. La protection assurée par les tribunaux n'est pas la pratique exemplaire. Comme l'a dit le représentant de Démocratie en surveillance, il vous faut une agence, comme il en existe en Bosnie et dans bien d'autres pays maintenant. L'agence qui relève du pouvoir exécutif a les pouvoirs nécessaires et en Bosnie, les cas sont traités dans un délai de 30 jours, et les cas urgents dans un délai de sept jours afin que les représailles soient évaluées et la personne concernée soit protégée. John et Tom peuvent vous affirmer que chaque jour qui s'écoule devient pour le divulgateur un trou qui se creuse pour anéantir sa carrière, détruire sa réputation, et permettre la marginalisation, le harcèlement cruel et les conditions de travail malsaines. Hier, le tribunal devait se pencher sur le dossier de Chantal Dunn. J'ignore même si le tribunal l'a fait. Le dossier remontre à 2012. C'est affreux. On ne devrait pas avoir à attendre quatre ans et demi avant qu'être entendu.
Je vous en prie, permettez-moi de terminer.
Au Royaume-Uni, le traitement d'un dossier prend en moyenne 20 mois, donc je crois que le plus grand changement que vous devez effectuer, c'est de vous débarrasser complètement de ce système axé sur le tribunal, à moins que vous n'en fassiez un moyen de recours d'urgence lorsque le pouvoir exécutif fait défaut, comme l'a indiqué le représentant de Démocratie en surveillance. Vous avez besoin d'un pouvoir exécutif ou d'un système administratif rapide qui puisse protéger ces gens.
Lorsque je regarde la protection accordée au divulgateur, et j'en suis à mon dernier point...
Merci, monsieur.
J'allais vous dire que les représailles dirigées contre les divulgateurs constituent un danger du milieu de travail. Si vous avez une usine qui a un bulldozer ou un chariot élévateur défectueux, l'inspecteur du travail peut y aller et le faire réparer immédiatement, sinon quoi l'équipement est retiré. S'il y a un restaurant dont la cuisine est sale, il peut y aller et corriger la situation immédiatement. En Allemagne, où j'habite, les femmes enceintes qui se font congédier en raison de leur grossesse peuvent être renommées à leur poste le prochain jour. Il n'y a aucune raison pour laquelle on ne pourrait pas améliorer la situation des divulgateurs qui font l'objet de représailles grâce à un système d'inspection sur les lieux de travail. L'inspecteur pourrait se rendre sur les lieux de travail, évaluer le problème et imposer des mesures correctrices, que ce soit une cuisine sale, un site de construction dangereux ou tout autre danger. Nous sommes contre le recours à un tribunal.
Y a-t-il quelqu'un dans cette salle qui est déjà passé devant un tribunal? Personne ne veut le faire. Je l'ai fait, et c'était pour des bagatelles. Personne ne veut aller en cour. Il est très naïf de croire que les divulgateurs, qui ont subi des torts ou qui n'en ont peut-être pas les moyens, auront la volonté, l'énergie et les fonds nécessaires pour prendre un avocat et intenter une procédure et ensuite attendre, comme c'est le cas de Chantal Dunn, quatre ans et demi ou cinq ans pour être entendus. Même au Royaume-Uni, comme je l'ai indiqué plus tôt, il faut attendre 20 mois. Nous sommes complètement opposés à toute action en justice, à moins qu'il ne s'agisse d'un dernier recours.
J'aimerais remercier le représentant de Démocratie en surveillance pour le temps que je lui ai pris.
Merci.
C'était un excellent point, et je ne vais pas manquer de transmettre vos remerciements à M. Conacher.
Je crois que nous avons établi qu'il est important de donner aux gens la possibilité de saisir un tribunal, mais également que le tribunal n'est pas forcément le recours le plus efficace ou pratique dans bien des cas.
Monsieur Devine, vous avez indiqué que notre comité n'a pas besoin de faire preuve d'une grande créativité et que dans une grande mesure déjà, nous pouvons nous inspirer des pratiques exemplaires internationales afin de concevoir un système de protection des divulgateurs. Or, hier soir, nous avons recueilli le témoignage de M. Brown en Australie, qui était d'avis que ce serait une erreur que de simplement reprendre la loi d'un autre pays, et que nous devons adapter les pratiques exemplaires internationales et les concepts associés au contexte des institutions canadiennes.
J'aimerais soulever un aspect de ce contexte, c'est-à-dire le rôle du Conseil du Trésor, car nous avons beaucoup parlé du commissaire à l'intégrité du secteur public, qui est un mandataire du Parlement, mais le système de protection des divulgateurs des divers ministères gouvernementaux et des agences est en fait administré et surveillé par le Conseil du Trésor, l'entité fédérale qui agit à titre d'employeur dans la fonction publique fédérale.
J'aimerais demander à nos invités internationaux de nous dire si cette structure est celle qui convient et de nous décrire comment on pourrait la refaçonner. Je vais peut-être m'adresser tout d'abord à M. Conacher qui, il me semble, connaît mieux le système canadien et le rôle qu'occupe le Conseil du Trésor.
Oui, le commissaire à l'intégrité de la fonction publique est là essentiellement pour recevoir les plaintes, mais l'administration de tout le système à l'interne, et ça, c'est important, est un système qui dit que oui, on peut signaler des actes répréhensibles, mais personne ne peut en entendre parler sauf des gens à l'intérieur du gouvernement, ce qui ne fait pas grand-chose pour défendre le droit de savoir du public ou encore protéger ce même public. Ce système à l'interne est conçu pour ensuite retarder, nier, décevoir ou encore diviser les divulgateurs et leur refuser une protection suffisante.
C'est la raison pour laquelle il est si important, à mon avis, que le commissaire en poste ou un commissaire distinct ait les pouvoirs nécessaires à l'égard des travailleurs du secteur privé visés par la réglementation fédérale afin de pouvoir ordonner les directeurs généraux, les dirigeants de ministères, ainsi que les sociétés du secteur privé, de prendre des mesures correctrices lorsqu'ils apprennent que l'information et l'éducation offertes aux travailleurs sont insuffisantes ou lorsque le système interne comporte des lacunes.
Le commissaire devrait effectuer des audits de façon régulière, et ce même commissaire devrait avoir les pouvoirs nécessaires afin de dire: « Vous devez rectifier la situation. Elle n'est pas conforme aux pratiques exemplaires. Il faut apporter tels changements », et ensuite pouvoir pénaliser ces directeurs généraux et dirigeants de ministères, d'établissements et d'entreprises s'ils ne le font pas, afin de s'assurer que le système interne de premier recours fonctionne et protège les divulgateurs plutôt que de les punir.
Merci.
Je vais maintenant m'adresser à nos témoins de l'étranger pour savoir s'ils ont des propositions quant au rôle qu'occupe le Conseil du Trésor dans le système de protection des divulgateurs du Canada, et s'il serait plus utile de prévoir des structures au sein des ministères et agences, plutôt que de devoir s'adresser à une entité indépendante, telle que le commissaire.
Si vous ne connaissez pas suffisamment cet aspect du système canadien, je ne vous mets pas de pression, mais je me demande si quelqu'un avait des suggestions.
Je vais peut-être commencer par M. Devine, vu qu'il a beaucoup parlé des pratiques exemplaires internationales.
Je prends note de vos préoccupations. La Loi sur la réforme de la fonction publique de 1978, qui a créé la structure moderne de la Loi sur la divulgation des États-Unis, a permis de distinguer l'agence qui avait des responsabilités de gestion par rapport aux autres institutions. Cette agence serait indépendante et ainsi pourrait se concentrer, sans risque de conflit d'intérêts, sur les systèmes de mérite, tels que la protection des divulgateurs. Il faudrait que ce soit une agence distincte. Sinon, vous allez essentiellement demander à une institution, dont l'objectif primaire s'opposerait peut-être à vos propres intérêts, d'être responsable de rendre justice lorsque vous contestez ses abus de pouvoir allégués. La situation n'est pas tenable.
J'aimerais ajouter mon grain de sel quant à cette idée d'opposer les tribunaux aux agences administratives informelles. Il n'est pas question de l'un ou de l'autre; il faut les deux. C'est un système de justice global, et il faut absolument une procédure officielle et le droit de confronter ses accusateurs et de présenter ses propres preuves publiquement. On ne peut en faire abstraction. Or, cela peut se faire par une procédure administrative officielle, ou par un moyen judiciaire public.
Cependant, Mark a raison d'affirmer que bon nombre des gens n'ont pas les moyens d'intenter une action en justice et d'avoir un procès. Il faut qu'il y ait un recours administratif informel qui ne coûte pas cher. La solution, c'est d'imposer des contrôles sur ce recours. Sans ces contrôles, les retards peuvent être aussi graves ou encore pires que les actions en justice. Le secret peut être absolu, au contraire des tribunaux et, qui plus est, on peut tomber dans des pièges, des chevaux de Troie. Ce genre de système peut en fait créer des victimes et les enquêtes peuvent viser les divulgateurs, plutôt que les représailles.
Le problème du recours administratif canadien, c'est qu'il n'y a pas de contrôle.
Merci, madame Shanahan.
Je continuerai avec Mark et Duff, et leur laisserai l'occasion de répondre à la question sur l'élargissement du cercle de gens à qui les dénonciateurs peuvent divulguer des actes répréhensibles. Devrait-il ou non s'étendre aux collègues ou directement à la police, aux médias ou à quelqu'un d'autre? Qu'est-ce qui devrait être protégé? De plus, y a-t-il différentes considérations à prendre en compte au sujet de la divulgation au sein de la chaîne de commandement entre le secteur public et le secteur privé?
Ce qui diffère entre les secteurs public et privé, c'est que dans le secteur public, on veut que tout organisme ou institution, peu importe sa taille, ait une personne désignée. Dans le secteur privé, de nombreuses lois stipulent qu'il faut désigner une personne si une entreprise compte plus de 50 ou de 100 employés ou génère des revenus annuels d'un montant donné. Il n'est guère sensé de nommer une personne pour recevoir les divulgations dans une entreprise familiale. Il faut déterminer un seuil à partir duquel une entreprise doit nommer quelqu'un.
Pour répondre à votre première question, il faut qu'il existe autant de voies que possible pour faire une divulgation. Je trouve que dans sa forme actuelle, votre loi est très mêlante. On peut divulguer tel renseignement à un endroit, puis tel autre renseignement à un autre endroit. Vous ne voudriez pas demander à un avocat d'examiner cette loi. Elle est très complexe. La loi australienne l'est également.
Le concept de système à trois paliers — interne, réglementaire et externe — pourrait être modifié à votre gré. S'il est raisonnable et possible de divulguer les faits à l'interne, cela devrait certainement être encouragé. Mais comme Tom l'a fait remarquer plus tôt, vous ne voulez pas priver l'employé ou le travailleur du droit à la liberté d'expression. S'il ne se sent pas à l'aise de divulguer les actes répréhensibles à l'interne et que ce malaise est justifié, il devrait pouvoir s'adresser directement à l'organisme de réglementation. Si l'on est en présence d'une urgence grave — dans le cas de menaces de mort ou à l'environnement — ou si des preuves risquent d'être détruites, comme John l'a indiqué précédemment, les gens devraient avoir le droit de rendre les faits publics sans s'adresser à l'instance interne ou à l'organisme de réglementation.
Je voudrais simplement dire qu'il faut offrir de multiples voies. La Cour suprême du Canada a statué par le passé que les travailleurs du secteur public canadien — n'importe qui — ont le droit de divulguer des actes répréhensibles directement si la santé et la sécurité sont menacées. Mais ce droit est vague et devrait être expliqué bien plus clairement dans la loi.
J'aime beaucoup le concept de commission et de programme d'éducation destiné à tous les travailleurs, qu'ils oeuvrent au sein du secteur public, du secteur privé ou d'une entité travaillant avec le gouvernement, y compris la campagne de publicité à ce sujet. Un bureau existe pour fournir des renseignements et aider les gens à savoir exactement ce qu'ils peuvent faire, le tout de façon anonyme. Une fois que les gens se sont rendus à ce bureau, si, malgré leurs efforts, leur anonymat n'est plus assuré, ils sont protégés dès qu'ils communiquent avec le bureau, et ce dernier devrait les aider à déterminer s'ils se trouvent dans une situation dans laquelle ils peuvent rendre l'information publique immédiatement. Il agirait en partie à titre de clinique d'aide juridique en prodiguant des conseils juridiques gratuits. Nous avons besoin d'un tel bureau.
D'accord. Merci beaucoup.
Je suis désolée de ne pas avoir assisté à l'ensemble des témoignages, mais je suis très encouragée par la passion des témoins que nous recevons aujourd'hui, qui jugent qu'il s'agit d'une question que nous devons examiner de manière exhaustive. Je m'intéresse aux pays étrangers, comme la Serbie, qui a adopté une loi de protection des divulgateurs d'actes répréhensibles assez récemment, il me semble. A-t-on des données sur les résultats? Observe-t-on un changement de culture? Si c'est le cas, veuillez nous en dire plus à ce sujet.
Merci, madame.
Le dossier est incomplet, d'après ce que je comprends, mais nous avons des données préliminaires. Au cours des neuf premiers mois d'application de la loi serbe, on a dénombré 35 demandes de mesures correctives temporaires, dont 26 ont été accordées. Voilà qui constitue un taux de réussite extraordinaire sur le plan de la prévention des représailles. Outre les statistiques récentes figurant dans le dossier public, plus récemment, depuis l'automne dernier, des mesures correctives temporaires ont été accordées dans 8 cas sur 13, dont 5 initialement et 3 après appel. C'est un bilan vraiment surprenant qui témoigne de l'efficacité de la loi et montre qu'on en exploite bien le potentiel.
Les États-Unis affichent un taux de réussite de 25 à 30 % au chapitre des décisions fondées sur le mérite en application de ses lois de protection des divulgateurs d'actes répréhensibles les plus efficaces. Vous pouvez donc vous attendre à un taux de réussite semblable de la part d'une loi qui fonctionne.
Ce qui me préoccupe vraiment, ce sont les toutes premières étapes, quand un employé voit quelque chose et n'est pas vraiment certain de ce qu'il doit faire. Comment pouvons-nous encourager un nombre accru de gens à se manifester pour tout un éventail de raisons, que ce soit simplement pour poser des questions ou pour divulguer un acte criminel?
Ce qu'il faut, c'est assurer la protection en cas de divulgation interne. Les gens doivent avoir le droit de révéler les faits quand il y a conflit d'intérêts ou entrave à la justice au sein de l'institution. Cependant, les études récentes montrent presque toutes que 90 % des employés ont le réflexe de s'adresser à leur patron en premier et d'agir dans leur milieu professionnel coutumier. Ils font très rarement abstraction de la hiérarchie, sauf lorsqu'ils sont extrêmement mécontents ou qu'ils se heurtent sans cesse à un mur.
S'ils font l'objet de représailles aux étapes initiales, tout le monde ne tarde pas à savoir qu'il faut garder le silence. Il faut donc veiller à ce que les gens puissent au moins emprunter les voies institutionnelles de façon sécuritaire et avoir le droit de s'adresser à une instance extérieure du besoin.
Messieurs, je vous remercie de témoigner aujourd'hui. Pour certains d'entre vous, bienvenue de nouveau parmi nous.
Monsieur Devine, je tiens à vous complimenter pour le document intitulé Pratiques exemplaires internationales en matière de politiques sur la dénonciation, que vous avez publié le 25 novembre. Il est excellent.
Vous avez traité de la protection de ceux qui s'apprêtent à faire une divulgation. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Comment proposez-vous de les protéger?
Vous avez indiqué que nous devons protéger les divulgateurs, mais aussi ceux qui s'apprêtent à faire une divulgation. Comment nous y prendrions-nous pour le faire?
Essentiellement, il s'agit d'une version élargie de la protection contre une contrainte préalable. Souvent, certains prendront des mesures préventives parce que quelqu'un fouille là où il ne le faut pas, pose les mauvaises questions ou conteste certaines pratiques internes, sans porter d'accusation ou présenter de liste officielle d'actes à divulguer, mais en abordant les mauvais sujets. On veut alors agir avant que la personne ne puisse divulguer les actes répréhensibles et se prévaloir de ses droits.
La loi doit couvrir toutes les étapes auxquelles une personne est considérée comme une menace parce qu'elle exerce son doit à la liberté d'expression.
Vous avez également indiqué que les divulgateurs doivent pouvoir se faire entendre en cour. Est-ce pour être rétablis dans leurs fonctions ou pour résoudre d'autres questions?
Ils doivent au moins avoir le droit de présenter leurs propres preuves, de témoigner pour que leurs propos soient consignés au dossier public et d'affronter leurs accusateurs afin de contester les représailles.
Certaines des lois de protection des divulgateurs les plus efficaces permettent aux dénonciateurs de s'adresser aux tribunaux pour s'attaquer à la corruption ou à l'abus de pouvoir en vertu des ordonnances d'un procureur général. Ce droit est issu initialement de la Grande Charte d'Angleterre. La False Claims Act, aux États-Unis, permet aux divulgateurs d'entreprendre des poursuites pour des fraudes relatives aux marchés publics et constitue la loi anticorruption la plus efficace en Amérique. Elle a permis de faire passer le montant des fraudes décelées dans les contrats du gouvernement de quelque 10 millions de dollars en moyenne par année à plus d'un milliard de dollars par année. Ce montant s'élèvera à plus de 3 milliards de dollars par an dans quelques années.
Merci.
Monsieur Devitt, bienvenue de nouveau parmi nous. Vous avez indiqué qu'en Irlande, il est possible d'accéder directement aux tribunaux pour être réintégré dans ses fonctions. Peut-on le faire pour un autre motif ou seulement à cette fin?
C'est pour réintégrer ses fonctions en attendant l'issue de l'audition de la Workplace Relations Commission. La cour de circuit ne se prononce pas sur le résultat de l'affaire, se contentant d'indiquer que le travailleur — le demandeur dans le cas présent — a le droit d'être entendu par la Workplace Relations Commission. Or, ces affaires mettent deux ans ou plus à être entendues; en attendant, l'employeur devrait réintégrer le travailleur dans ses fonctions.
Merci.
Vous avez indiqué que les trois quarts des demandeurs remportent leur cause; à l'évidence, donc, le quart échouent. Ces échecs sont-ils le fait de demandes futiles ou d'un simple manque de preuves? Avez-vous une idée de la raison...?
Quand je parle des trois quarts, je veux dire que des six demandes qui ont été présentées aux tribunaux irlandais, quatre ont réussi et deux ont échoué, et ce, en grande partie parce que le tribunal a statué que dans quatre cas, aucune divulgation protégée n'avait été faite.
Merci.
Monsieur Worth, nous disposons de peu de temps. Vous avez indiqué qu'une personne désignée devrait être en poste dans chaque ministère pour que les divulgateurs puissent s'adresser à elle. Il existe de telles personnes au sein du gouvernement, mais nous avons pu constater nettement que les ressources, tout abondantes soit-elles, ne sont pas très efficaces. Vous avez souligné qu'il importe que les divulgateurs aient quelqu'un à qui s'adresser. De telles personnes existent, mais on nous a indiqué que ceux qui sont censés protéger les divulgateurs se trouvent presque en position de confit d'intérêts, parce qu'ils font rapport sur le ministère à l'intérieur du ministère, que ce soit au sous-ministre adjoint ou au sous-ministre.
Comment faire en sorte qu'il y ait dans chaque ministère des personnes clés pour protéger les divulgateurs, des personnes qui sont là exclusivement pour eux et pas pour protéger les bureaucrates occupant des postes supérieurs ou le ministère en premier?
Je pense qu'on peut nommer une personne-ressource, mais il faut instaurer, à l'échelle fédérale ou nationale, une institution à l'intention des divulgateurs afin d'exercer les droits. On évite ainsi le conflit, puisque les droits sont exercés par une institution désignée. Je considère toutefois qu'il faut tout de même prévoir une personne-ressource dans chaque ministère ou organisme gouvernemental.
Merci de témoigner.
Bienvenue, monsieur Worth.
J'ai trois questions, que je vous poserai maintenant pour ne pas avoir à attendre.
Quand vous nous donnez des exemples de protection efficace, avez-vous des données permettant de déterminer le genre de divulgateurs? Les divulgations concernent-elles le secteur des finances, l'environnement ou un autre domaine? Quelle est l'intersectionnalité? S'agit-il de femmes, d'hommes, d'agents financiers? Qui décide de faire une divulgation? Existe-t-il, à ce chapitre, un mécanisme d'évaluation que vous pourriez utiliser pour vérifier ce qu'il en est? J'ai regardé l'exemple que M. Devine nous a donné aux États-Unis, et tout a été remanié en 1989.
Monsieur Worth, je commencerai par vous, puis j'entendrai M. Devine et M. Conacher.
Nous disposons effectivement de renseignements que nous pouvons vous transmettre au sujet de la ventilation des données que contiennent les rapports préparés au Royaume-Uni et dans certains pays d'Europe de l'Est où des institutions sont en place à l'intention des divulgateurs.
Je ne veux pas généraliser en indiquant qu'il s'agit principalement de femmes ou d'hommes. De nombreuses divulgations sont certainement faites dans les secteurs des banques et des finances, de l'éducation, des soins de santé et de la prestation de services publics comme la médecine ou les soins hospitaliers. Dès que les gens agissent en interaction directe avec une institution ou un service public, on enregistre beaucoup de divulgations, au sujet des marchés publics, par exemple. J'ai l'impression que dans certains pays, ce sont surtout des femmes, alors que dans d'autres, ce sont principalement des hommes qui se manifestent. Un large éventail de groupes d'âge sont représentés. Je me ferai un plaisir de vous envoyer, à vous et à l'ensemble du Comité, une ventilation des données, si vous le désirez.
Oui. J'aimerais également obtenir des données sur les mécanismes d'évaluation, s'il en existe.
Monsieur Devine.
Il n'existe pas de type particulier de divulgateurs. Partout où il y a du pouvoir, il peut y avoir de l'abus, et certains agissent selon leur conscience en dénonçant ces abus de pouvoir.
Je conviendrais avec Mark que les contrats et les marchés du gouvernement tendent à faire l'objet de nombreuses divulgations. C'est un domaine qui semble toujours propice à la corruption, et on peut facilement colliger de l'information sur ce genre de crime.
Volontiers. Les données les plus impressionnantes concerneraient la réussite des droits de divulguer la fraude dans les marchés publics que prévoit la False Claims Act. Les chiffres sont phénoménaux. Je vous les communiquerai avec plaisir.
Nous serons plus qu'heureux de vous envoyer les données que nous recueillons grâce à notre centre d'aide téléphonique et de conseils juridiques. À ce jour, nous avons constaté que les hommes sont plus nombreux que les femmes à faire des divulgations, situation qui pourrait être attribuable au fait qu'ils travaillent dans des centres où des actes répréhensibles sont plus susceptibles d'être commis. Nous observons qu'un nombre élevé de personnes font état de préoccupations dans le secteur des soins de santé. Il s'agit là du secteur où le plus de gens se manifestent.
Oui. Le Department of Public Expenditure and Reform d'Irlande est responsable de la gestion de ces données. Nous l'aidons dans cette entreprise et contribuons à surveiller l'expérience des divulgateurs dans les divers ministères. Je vous enverrai de l'information à ce sujet avec plaisir.
J'ai évoqué des statistiques antérieures, selon lesquelles environ 150 plaintes n'ont pas encore été entièrement réglées. Vous avez aussi entendu les statistiques plus récentes de M. Worth. Voilà pourquoi je recommande vivement d'effectuer une vérification indépendante de l'ensemble du système.
Ce que j'aimerais savoir, c'est si les divulgateurs sont des hommes, des femmes ou des agents financiers, et si les divulgations concernent les secteurs financier ou environnemental. Il nous serait utile de le savoir.
Je ne pense pas que nous ayons de tableau d'ensemble au Canada, parce que la reddition de comptes à ce sujet était fort lacunaire. On a carrément fait preuve de négligence dans le traitement des plaintes; nous n'avons donc pas de portait global de la situation au pays. C'est pourquoi il faut réaliser une vérification. Le vérificateur général en a réalisé une. Il faut toutefois effectuer régulièrement une vérification de l'ensemble du système, au moins tous les trois ans, pour que le commissaire ne puisse pas cacher ce qu'il se passe au commissariat. Il doit rendre des comptes lui aussi.
Excellent.
Rebonjour, messieurs.
Monsieur Brown, qui a témoigné hier, a fait remarquer que l'obligation de rendre des comptes constitue un élément nécessaire d'une solide loi sur la divulgation. Or, cette obligation n'existe pas ici. Monsieur Worth, je voudrais vous interroger en premier à ce sujet, puisque cela concerne ma dernière question sur notre processus interne. Convenez-vous qu'il soit nécessaire que l'agent chargé de recueillir des divulgations internes ait l'obligation de faire rapport sur les affaires de divulgation?
C'est absolument essentiel.
En fait, votre site Web fournit certaines données sur le nombre de divulgations, de plaintes pour représailles et d'autres interventions. Ce qui est utile à savoir, comme John l'a souligné en Irlande, c'est le motif pour lequel les plaintes pour représailles ont été rejetées ou les divulgations ont été ignorées, et les raisons pour lesquelles les gens n'ont pas été indemnisés ou n'ont pas été protégés à la suite de leurs divulgations. Ces renseignements peuvent permettre de déceler les lacunes dans le système de protection. Je pense que les données qui figurent sur votre site Web, dans votre rapport annuel — qui est excellent —, doivent inclure des détails plus précis, sans toutefois révéler d'information sur le divulgateur, bien entendu.
Quel est le résultat de la divulgation? A-t-on mené une enquête? Dans de nombreux pays d'Europe de l'Est et d'Amérique latine, on peut connaître le nombre de divulgations et savoir qu'elles ont mené à un nombre donné de poursuites, de condamnations et d'enquêtes. Le suivi est assuré tout au long du processus. Il en va de même pour les plaintes pour représailles. Combien ont été acceptées? Combien de temps a-t-il fallu pour les traiter? Combien ont été rejetées? Pour quelle raison l'ont-elles été? Vous devez recueillir davantage de renseignements sur les résultats des divulgations et des plaintes pour représailles. Tous ces renseignements devraient être publiés chaque année dans un format très convivial. C'est une pratique de plus en plus courante. De grands progrès ont été réalisés à ce chapitre dans le monde; tout le système de divulgation gagne en transparence.
Et si vous donniez un exemple où on fait le suivi de chaque cas? Un lanceur d'alerte se manifeste. Actuellement, le dossier est seulement au point mort, sauf que, une fois par année, nous recevons un rapport. Merci beaucoup! Et si chaque cas, individuellement, faisait l'objet d'un suivi et que l'information parvenait au même moment à l'organisme externe de surveillance pour éviter, encore une fois, que le dossier ne s'égare dans les dédales du ministère? D'après nos témoins et mes propres observations, en fait, les fonctionnaires à qui nous avons parlé, il est entré dans les habitudes de ne rien ébruiter à l'extérieur du ministère et de ne pas vraiment diligenter le dossier comme il le faudrait.
Voici ma question. Nous discutons du sujet une fois par année; ainsi le veut notre politique interne. Une fois par année, nous recevons un rapport sans véritable suite donnée des autorités qui peuvent se trouver, par exemple, au Conseil du Trésor ou dans d'autres ministères. Que diriez-vous de la divulgation de chaque cas, à mesure qu'il se produit? L'organisme externe et l'organisme interne en ont connaissance immédiatement.
Vous pouvez demander à Tom. Je sais que, aux États-Unis, l'OSHA, l'Administration chargée de l'hygiène et de la sécurité au travail, publie des communiqués chaque fois qu'un employé est victime de représailles puis réintégré dans son emploi, et elle précise le montant des arriérés de salaire qu'il obtient. Ces communiqués sont très détaillés. Vous pourriez demander à Tom comment marche ce système, si tous les dossiers ou seulement les plus gros font l'objet d'un communiqué.
Bien sûr, aux États-Unis, la Commission des valeurs mobilières et le Service du revenu intérieur publient de l'information sur les dossiers à mesure qu'ils sont renseignés. Le ministère de la Justice publie des renseignements sur les dossiers. Ces renseignements sont incroyablement utiles. Ils prouvent au lanceur d'alerte l'efficacité du système.
Il y a quelques années, au Brésil, j'ai entendu un reportage sur la condamnation d'un lanceur d'alerte. Le lendemain, ce dénouement n'a pas empêché la dénonciation d'une autre affaire par un autre lanceur d'alerte qui croyait dans l'efficacité du système. La transparence peut favoriser la confiance du public dans le système.
Monsieur Conacher, vous pouvez peut-être expliquer dans ce peu de temps si le Canada peut s'inspirer efficacement du système américain de récompense pour les lanceurs d'alerte. Le recommandez-vous?
Universel. L'Office of Special Counsel, l'OSC, a montré la voie à suivre au Canada. Je pense que c'est essentiel parce que beaucoup, même si les représailles n'ont pas lieu, se sentent comme mal à l'aise dans leur poste et veulent aller ailleurs. Dans l'administration publique, on devrait d'abord les envoyer dans un autre organisme et prévoir aussi une indemnisation à la place. On le ferait aussi dans le secteur privé et les affaires.
Merci, monsieur le président. Je remercie aussi les témoins d'être, cette fois encore, avec nous.
Ma première question s'adresse à M. Devine, mais que les autres n'hésitent pas à intervenir, sur votre article du 25 novembre. D'après certains témoins, au Canada, l'organisation ou le ministère tend à passer en mode de défense contre le lanceur d'alerte, plutôt que d'essayer de déterminer si la divulgation était fondée. Souvent les collègues du lanceur d'alerte cessent de lui adresser la parole et de l'aider. C'est, comme vous avez dit, une retombée des représailles.
Comment recommandez-vous que nous améliorions cette culture, pour contrer ces retombées? Des témoins nous ont dit craindre de se retrouver isolés dans leur propre ministère au lieu de recevoir l'appui de leurs collègues. Comment mieux faire?
Il faut d'abord s'assurer que la loi protégera les éventuels lanceurs d'alerte et leur collaborateurs, pour prévenir leur isolement. Ça signifie protéger les personnes réputées à tort être des lanceurs d'alerte, les assistants du lanceur d'alerte et les fournisseurs des preuves.
Vient ensuite le leadership. Une grande partie du problème provient de la perception que l'action du lanceur d'alerte trahit l'organisation et que, par conséquent, la divergence de vues menace les emplois, le mieux-être et la carrière des collègues. La plupart des lanceurs d'alerte, cependant, veulent défendre l'organisation, parce qu'ils craignent que l'abus de pouvoir se retournera contre elle, au détriment de tous.
Le dirigeant qui annonce vouloir connaître les problèmes avant qu'ils ne s'aggravent, que l'aveuglement empêche de les corriger ou de prévenir les catastrophes, qu'il faut laisser l'information circuler librement pour favoriser les bonnes décisions et l'action la plus efficace, met en place, quand les employés le comprennent et le croient, les conditions propices à la fin de l'isolement fatal pour les lanceurs d'alerte. L'idée d'un bureau interne chargé de prendre connaissance des divulgations peut être le point de départ essentiel. Mais ce peut être un piège très dangereux, parce que son titulaire peut ne recueillir que des renseignements et se trouver en conflit d'intérêts, et les divulgations faites à cette personne déclencheront des représailles et une opération de camouflage avant que l'information en parvienne à des oreilles objectives. Cependant, elle peut accorder une aide précieuse, et le bureau doit être structuré de façon à être efficace.
On l'a demandé: comment s'y prendre? Je vous renvoie aux critères de l'International Ombudsman Association, parce que le rôle des agents de ces organismes internes chargés de prendre connaissance des divulgations est très semblable. Leurs deux fonctions les plus importantes sont d'abord d'avoir un accès direct à la direction de l'organisation, ce qui, s'ils ne sont pas enfouis à l'intérieur d'une bureaucratie, supprime le risque de démenti plausible; ensuite, toutes les communications qu'on leur adresse ou qu'on reçoit d'eux sont automatiquement protégées conformément à la loi sur les lanceurs d'alerte, parce que ce peut être un travail extrêmement dangereux.
Le principal facteur de vulnérabilité du lanceur d'alerte est l'absence de réaction de l'employeur. Les collègues du lanceur d'alerte déduiront de l'inaction de l'employeur que la divulgation n'était pas fondée, ce qui rend le lanceur d'alerte très vulnérable, à cause de l'indifférence de l'employeur à ses inquiétudes.
À un niveau plus extrême, il y a eu des cas où deux agents et un chef de police ont démissionné après un scandale majeur causé par une petite corruption policière. Les deux agents avaient dénoncé cette corruption, mais, devant le Parlement, le chef de police a qualifié leurs actions de répugnantes, ce qui a isolé davantage les deux hommes et les a soumis à des pressions énormes.
Il est essentiel de percevoir une réaction des employeurs. Voilà pourquoi nous collaborons étroitement avec eux et que nous informons volontiers le Comité de notre expérience de collaboration avec les organismes publics pour assurer une intervention en réaction aux inquiétudes.
Merci beaucoup. Votre temps est écoulé, Francis.
Monsieur Devitt, je crois comprendre que vous devez partir maintenant pour ne pas rater l'avion. Je vous remercie donc de votre comparution. Comme je le dis à tous les témoins, à la fin de leur témoignage, si vous possédez des renseignements supplémentaires que vous croyez utiles à notre comité, je vous enjoins de les faire parvenir directement à notre greffier. Votre contribution est très appréciée.
Monsieur Weir, vous disposez d'un court temps de parole de trois minutes.
Si M. Devitt peut rester encore trois minutes, j'allais lui demander de nous parler un peu du modèle irlandais d'intégrité au travail.
C'est une nouvelle initiative, que nous avons conçue, pour obtenir l'engagement des employeurs dans les secteurs public, privé et le secteur des organismes sans but lucratif, pour qu'ils donnent suite aux rapports qu'ils reçoivent en se montrant magnanimes pour les lanceurs d'alerte.
Jusqu'ici, une trentaine d'organisations du secteur public et d'organismes sans but lucratif s'y sont inscrits. L'initiative est parrainée par le ministère de la Justice et de l'Égalité ainsi que par celui de la Réforme des dépenses publiques. Elle est en période d'essai. L'employeur doit signer un engagement, qu'il rend public, de ne pas sévir contre les lanceurs d'alerte et de donner suite aux inquiétudes exprimées. Il doit faire savoir à ses employés qu'ils peuvent obtenir de l'aide juridique gratuite de Transparency International ou de toute autre organisation qui pourrait être en mesure de l'accorder.
De plus, le lanceur d'alerte victime de représailles ou insatisfait de la réaction de son employeur peut s'adresser à nous. Nous pouvons envoyer un rapport à l'employeur, même le chef de police ou de hauts gradés de la police, pour mettre en évidence l'expérience de la personne et, comme Tom l'a fait remarquer, pour prévenir tout risque de démenti plausible. Ces hauts gradés ne pourront pas dire ensuite qu'ils ignoraient qu'un lanceur d'alerte avait été puni pour son indiscrétion.
Une caractéristique importante de l'initiative est que les signataires devront aussi informer leur principale clientèle de leur participation à cette initiative, pour que le Parlement sache que la police s'engage dans l'initiative, tout comme le feront l'autorité de contrôle et l'ombudsman de la police. Chacun de ces organismes adhérera à l'initiative; c'est ainsi que si un lanceur d'alerte de l'ombudsman de la police ou de l'autorité de contrôle veut nous contacter, ils pourront agir de même.
Nous essaierons ensuite d'établir une norme de conformité pour les organismes. Nous leur fournirons des ressources, une liste de contrôle, une autoévaluation, une boîte à outils, après quoi nous leur communiquerons un rapport annuel fondé sur les divulgations qu'ils nous auront faites et les recommandations qui découlent de l'initiative.
Nous vous communiquerons volontiers plus de renseignements ultérieurement.
Merci, monsieur Devitt.
Chers collègues, comme je l'ai dit au début de la séance, je voudrais suspendre les travaux pour aborder les affaires du Comité. Pour cette raison, pouvons-nous répartir le temps des questions en trois interventions de cinq minutes, plutôt que de sept? Chacun des trois partis officiels aura ainsi droit à une de ces interventions, ce qui nous conduirait ainsi exactement à l'heure prévue.
Commençons par M. Ayoub.
[Français]
Vous disposez de cinq minutes, s'il vous plaît.
Merci, messieurs.
D'entrée de jeu, je vous dirais qu'à vous entendre, je ne voudrais pas devenir lanceur d'alerte. Même si je n'avais rien à perdre, j'aurais l'impression d'être perdant. Peu importe le pays, la législation ou les règlements qui l'entourent, je ne suis vraiment pas très confiant.
J'ai parfois l'impression que le système de lanceurs d'alerte est un énorme éléphant. Selon ma définition, un lanceur d'alerte est une personne qui lance en effet l'alerte, mais qui ne devient pas pour autant responsable de celle-ci. Or j'ai l'impression que, présentement, le lanceur d'alerte en est entièrement responsable ou presque. Dans bien des cas, tout le fardeau de la preuve lui incombe. Il y a peut-être des pays où la situation est un peu différente, où il y a des nuances.
Monsieur Devine, j'ai visité le site du Government Accountability Project, le GAP. J'y ai constaté qu'on pouvait rapporter une fraude ou d'autres actes illégaux en ligne. Or je me demande si des gens osent remplir cette fiche par l'entremise d'Internet. On fait la liste de tous les détails d'ordre technique et légal et on dit ensuite que tout le monde se protège. Cependant, la personne qui lance l'alerte ne bénéficie pour sa part d'aucune protection ou presque, du moins au départ.
Dans le cas des journalistes, on ne remet pratiquement pas en question l'aspect public ou celui de la confidentialité. Tout le monde sait que les journalistes, lorsqu'on se confie à eux, se soucient normalement de protéger leurs sources. Or ici, on établit un système qui vise à protéger le système à l'intérieur du système. Honnêtement, je suis dépassé par le fait que tous les coûts et les personnes impliqués là-dedans donnent si peu de résultats. En effet, je n'ai pas l'impression qu'on obtient beaucoup de résultats.
Monsieur Devine, je ne sais pas ce que vous en pensez, mais j'ai l'impression que, sur le plan philosophique, à l'échelle mondiale, on ne se dirige pas vers des solutions pratiques pour ce qui est des lanceurs d'alerte.
[Traduction]
Oui. Ce n'est pas un nouveau. Depuis que la société existe, les abus de pouvoir ont fini par provoquer des contestations. Ceux qui les font les armes à la main, on les appelle parfois révolutionnaires ou terroristes. De ceux qui ne s'arment que de la parole, on dit qu'ils se servent de leur liberté d'expression. Ça n'arrive pas toujours, et ce sera toujours dangereux, parce que ceux que ça menace ne resteront jamais passifs. Le problème consiste à réduire le risque au minimum pour les divulgations qui, faites de façon responsable, contribuent au bien public.
Pour répondre à vos questions, la divulgation et la protection en ligne sont facilitées par le droit américain, qui protège les divulgations d'après leur nature, à moins que les renseignements ne soient classifiés, comme on dit, ou que la loi en interdise la divulgation. Sinon, le lanceur l'alerte a droit à la protection accordée à la liberté d'expression en public, que la divulgation ait été faite à la télévision ou en ligne.
Quant aux résultats, c'est une excellente question, parce que l'absence de résultats constatée dans une étude est considérée comme le principal facteur paralysant. Les témoins se taisent au lieu de dénoncer les abus de pouvoir qui trahissent le public, pas par crainte, mais parce qu'ils pensent que ça ne changera rien. Une loi qui protège efficacement les lanceurs d'alerte permet d'obtenir des résultats.
Permettez-moi de vous présenter un bref aperçu de certains des résultats obtenus aux États-Unis grâce à la loi sur les lanceurs d'alerte de ce pays.
Cette loi a mis fin, en l'exposant, à la surveillance générale sur le territoire national et conduit à l'adoption de l'USA Freedom Act. Elle a permis d'interdire la commercialisation de médicaments dangereux comme le Vioxx, qui a tué 50 000 Américains. Elle a conduit à l'allocation de ressources en Afghanistan et en Irak pour protéger nos soldats contre les mines terrestres, ce qui a permis de réduire le taux des pertes causées par ces engins de 60 à 5 %. Un lanceur d'alerte du Federal Air Marshal Service a empêché une réédition plus ambitieuse du 9 septembre 2001. La loi a empêché cinq fois le gouvernement des États-Unis de déréglementer l'inspection des viandes et de la volaille et de la remplacer par un système d'honneur des entreprises pour les aliments approuvés par lui. Elle a empêché la construction de centrales nucléaires. Systématiquement illégales, elles étaient des bombes à retardement. La loi a permis, ces dernières années, de faire passer de 26 millions de dollars par année à plus de 3 milliards les montants recouvrés dans tout le pays des sommes détournées par fraude dans les marchés de l'État.
Si nous protégeons ces lanceurs d'alerte, les choses peuvent changer. Plus que jamais, ils changent le cours de l'histoire. Pour le Canada, le moment est très bien choisi pour adhérer à ce processus.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Conacher, avant d'aller plus loin, j'aimerais que vous clarifiiez quelque chose.
Vous avez dit que le commissaire n'a pas de pouvoir exécutif puisqu'il est un officier du Parlement, mais le Parlement a trois pouvoirs: l'exécutif, le législatif et le judiciaire. Qu'est-ce qui vous fait dire que le commissaire a un pouvoir législatif plutôt qu'exécutif?
[Traduction]
Le commissaire est un haut fonctionnaire du Parlement, qui a trop de liens avec l'exécutif. En effet, c'est lui, le cabinet seul, qui le choisit, et c'est ce conflit d'intérêts dont d'autres ont parlé dans tout le système.
Seulement pour revenir à l'autre sujet soulevé par Tom Devine, les agents chargés de prendre connaissance des divulgations. Comparez ce mécanisme au système d'accès à l'information. Conformément à notre Loi sur l'accès à l'information, des employés sont agents de l'accès à l'information. Leur travail consiste à s'occuper de l'accès à l'information. Conformément à la Loi sur la protection des dénonciateurs, une personne désignée continue de faire son autre travail, de faire partie de la hiérarchie, elle est embauchée par ses patrons et elle cherche à être promue dans son autre emploi. Elle est seulement désignée pour être un agent chargé de prendre connaissance des divulgations.
Il serait génial que ces agents puissent être les ombudsmans dont Tom Devine a parlé, mais ils ne sont pas assez indépendants pour l'être.
On a lancé l'idée que le commissaire pourrait les choisir, que ces fonctionnaires pourraient ressembler aux agents chargés de l'accès à l'information, mais à temps plein. Que le commissaire les choisisse et non le sous-ministre ni l'administrateur général, pour leur donner l'indépendance nécessaire. Mais je doute que, actuellement, ces agents, dans les cas vraiment difficiles, ne ressentent pas de conflit d'intérêts du fait de désirer une promotion pour continuer à exercer la même tâche, parce qu'ils sont seulement désignés pour prendre connaissance des divulgations.
C'est pourquoi j'insiste tant pour que soit créé un bureau central d'information auquel on sensibilisera régulièrement tous les fonctionnaires, pas seulement à leur embauche. Dans certaines initiatives d'intégrité au travail, ils s'attachent à la psychologie comportementale de la modification de la culture de l'organisation et à prodiguer des encouragements. Je suis sûr que vous avez entendu parler des gouvernements qui incitent doucement les citoyens à respecter la loi. Nous avons besoin aussi de ce coup de pouce dans l'administration publique.
Je préconise notamment que, au début de chaque processus de décision, non seulement les responsables signent encore une fois les codes de valeurs et d'éthique de la fonction publique, mais que tous les participants au processus se fassent remettre une déclaration selon laquelle ils ont le droit de lancer l'alerte s'ils constatent des irrégularités dans le processus. Voilà comment on distribue encouragements et rappels. Je ne crois tout simplement pas que l'agent chargé de prendre connaissance des divulgations ne deviendra une personne à moins de ressembler à l'agent de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels, dont l'embauche est indépendante — non, il n'est pas embauché de manière indépendante — mais c'est sa seule occupation. Sinon, ils seront en situation de conflit d'intérêts. Je pense que c'est une excellente idée de donner au commissaire le pouvoir d'embaucher toutes ces personnes dans toutes les institutions de l'État.
Vous pouvez prétendre que la facture sera excessive. Dans ce cas, il faut un bureau central de plus grande importance à l'existence duquel tous sont sensibilisés régulièrement, plusieurs fois par année, à qui on s'adresse pour obtenir la réponse à toutes ses questions et, dès le premier contact avec ce bureau, même de manière anonyme, on est protégé entièrement de même que tous les collègues auxquels on a pu parler.
[Français]
Dans un système politique idéal, on respecterait toujours la convention de la responsabilité ministérielle appliquée de façon absolue, c'est-à-dire qu'un ministre démissionnerait dès qu'un acte fautif reconnu serait commis par son ministère. En Angleterre, c'est ainsi que cela se passe, mais je ne sais si cette responsabilité est appliquée de façon absolue, comme c'était le cas il y a plusieurs décennies. Aux États-Unis, c'est plutôt la responsabilité bureaucratique qui a cours, le gouvernement n'étant pas responsable du tout.
Je vais au-delà ici de toute partisanerie ou de tout parti au pouvoir. Au Canada, le problème lié aux divulgateurs n'est-il pas attribuable au fait qu'il n'y a plus de responsabilité ministérielle absolue, c'est-à-dire que les ministres ne démissionnent pas quand il y a des problèmes dans leur ministère, à moins que la pression médiatique soit telle qu'ils n'en peuvent plus?
Il n'y a pas cet honneur conventionnel de démissionner lorsqu'un ministère a commis une erreur. Paradoxalement, il y a un processus interne dans les ministères, où l'employé doit d'abord faire une divulgation à l'agent officiel, qui le dit ensuite au sous-ministre. Puis, le sous-ministre devrait le dire au ministre. Cette chaîne de commandement ne peut pas fonctionner parce que tout le monde sait que le ministre va tout faire pour pousser cela vers le bas, parce qu'il ne va pas démissionner.
Le problème est-il attribuable au fait que la convention constitutionnelle « westminstérienne » n'est pas appliquée?
[Traduction]
Malheureusement, monsieur Conacher, le temps est écoulé. Comme je le répète souvent à mes collègues au sein du Comité, les cinq minutes qui leur sont allouées englobent à la fois les questions et les réponses, et lorsqu'il n'y a plus de temps, il n'y a plus de temps.
[Français]
[Traduction]
Monsieur Weir, nous allons terminer avec vous, à moins que vous ne souhaitiez céder une partie de votre temps à M. Conacher pour qu'il puisse répondre à la question de M. Clarke.
Merci. Je vais tout d'abord m'adresser à M. Devine. Étant donné que vous êtes à Washington, je ne peux pas m'empêcher de vous parler de la controverse entourant l'ancienne conseillère à la sécurité nationale, Susan Rice, et la divulgation de renseignements. Avez-vous quelque chose à dire là-dessus? Allons-nous voir le système américain de protection des dénonciateurs à l'oeuvre ici?
Nous avons un système parallèle pour les agents du renseignement. Sur les 32 premiers pays qui ont adopté une loi sur la protection des dénonciateurs, 12 avaient prévu une exemption ou avaient restreint les droits des responsables de la sécurité nationale. Le but ici est de leur accorder la même protection contre les représailles que tout le monde.
Aux États-Unis, ces gens sont libres de présenter des points de vue divergents au sein de l'organisme gouvernemental. Ils ne jouissent pas d'une liberté d'expression publique, mais ils sont protégés contre les représailles au sein de la chaîne de commandement. Ils peuvent dénoncer des inconduites, non seulement au sein de la chaîne de commandement, mais aussi au sein de comités de surveillance du renseignement au Congrès.
En fait, ce système s'avère très efficace, parce que les personnes responsables de son application agissent de bonne foi et sont fermement résolues à assurer son bon fonctionnement.
Merci. Je vais permettre à M. Conacher de répondre à la question de M. Clarke au sujet du régime de Westminster.
Oui. En ce qui concerne les lacunes... Je ne crois pas que les ministres devraient être tenus responsables de tout ce que font leurs fonctionnaires au sein de leur ministère, parce que parfois, ils ne sont pas au courant. Cependant, s'ils l'étaient, à ce moment-là, ils devraient être tenus responsables. Ce qui est au coeur du problème, c'est le fait que les sous-ministres et les sous-ministres adjoints sont sélectionnés par le Cabinet.
La Commission Gomery — après s'être penchée sur le scandale des commandites — a recommandé que les sous-ministres soient sélectionnés par une commission indépendante, qu'ils se voient accorder un mandat d'une durée déterminée et qu'ils ne puissent être congédiés sans motif. C'est essentiel si on veut avoir une fonction publique indépendante. Tous les titulaires d'un poste de niveau inférieur à celui du sous-ministre adjoint et du sous-ministre savent que pour accéder aux plus hauts échelons, il faut plaire aux politiciens. C'est pourquoi il est si essentiel d'avoir des agents complètement indépendants si on veut que ces personnes à l'interne soient désignées ombudsmans.
Les agents de l'AIPRP sont déjà là. Pourquoi ne pas les désigner? Ils jouissent d'une plus grande indépendance et font partie d'un système d'accès à l'information, ce qui s'inscrit dans le droit de divulguer des actes répréhensibles et dans le droit du public de savoir. Cela comporte des lacunes.
La recommandation de la Commission Gomery avait donné lieu au groupe des 60 — les anciens premiers ministres et sous-ministres qui disaient qu'on ne pouvait pas procéder ainsi et que les sous-ministres devaient faire preuve d'une loyauté aveugle envers leurs ministres. Non, ils doivent être loyaux envers la primauté du droit et faire ce qui est dans l'intérêt du public. Je considère que c'est une lacune fondamentale de notre système, et cela signifie que la fonction publique n'est pas aussi indépendante qu'elle devrait l'être. La protection des dénonciateurs ne peut pas fonctionner sans un bureau entièrement indépendant à qui les gens peuvent s'adresser.
Je pense que vous avez soulevé une question cruciale au sujet de l'importance du processus de nomination pour maintenir cette indépendance.
J'aimerais terminer avec vous, monsieur Worth, afin d'en savoir davantage sur le processus visant à nommer un commissaire et des agents indépendants.
En effet, c'est la question la plus importante. J'ai parlé de la Bosnie un peu plus tôt. En Bosnie, la commission de lutte contre la corruption rend des comptes à un comité composé de trois parlementaires qui représentent chacune des factions parlementaires. Je ne connais pas vraiment le système canadien, je m'en excuse, mais je considère que le législatif doit avoir le plus de pouvoir possible. Il s'agit du pouvoir le plus démocratique, évidemment, et du plus transparent, habituellement. Je pense qu'il faut laisser aux gens la possibilité de se prononcer sur la nomination de ce bureau chargé des dénonciations.
Peut-être que Tom pourrait nous en dire davantage au sujet du système américain, mais nos recherches démontrent que ce qui compte le plus, c'est d'avoir un bureau voué à la protection des divulgateurs. Si on ajoute une section à une autre institution déjà établie, que ce soit le ministre de la Justice ou un organisme de lutte contre la corruption, cela ne va pas fonctionner... On doit mettre en place un bureau qui s'occupe exclusivement des dénonciations et de gens dont le seul travail est de protéger les dénonciateurs. Je pense qu'il faut avoir un bureau pour le secteur public et un autre pour le secteur privé.
Aux États-Unis, le SEC a un bureau chargé des dénonciations. L'Office of Special Counsel a un bureau indépendant également. Tout ce qu'ils font, c'est protéger les gens contre les représailles. L'IRS a aussi un bureau qui s'occupe des dénonciations. Il faut avoir des employés qui se consacrent uniquement à la protection des divulgateurs et à rien d'autre.
Merci beaucoup. Malheureusement, chers collègues et témoins, nous n'avons plus de temps.
J'aimerais dire un dernier mot à nos témoins. Lorsque le Comité a entrepris cet examen de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, nous avions prévu d'y consacrer quelques séances. Toutefois, en bonne partie grâce à des témoignages comme les vôtres, notre étude va beaucoup plus loin que ce à quoi nous nous attendions au départ.
Vos témoignages nous ont été d'une grande utilité. Nous nous rendons maintenant compte de l'ampleur de la tâche à accomplir, pour ce qui est de faire rapport au gouvernement des changements potentiels et peut-être — je ne veux pas m'exprimer sans le consentement du Comité — des changements nécessaires.
Si vous avez d'autres renseignements que vous n'avez pas eu l'occasion de nous transmettre, encore une fois, je vous encouragerais à les faire parvenir à notre greffière. N'hésitez pas à nous faire part de tout ce qui pourrait nous aider dans le cadre de nos délibérations. Encore une fois, je vous remercie.
Chers collègues, nous allons faire une brève pause, après quoi nous reprendrons la séance à huis clos pour discuter des travaux du Comité.
[La séance se poursuit à huis clos.]
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