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Distingués invités, parlementaires, collègues et amis, nous accueillons aujourd'hui avec grand plaisir une nouvelle citoyenne du Canada, une citoyenne d'un courage exceptionnel, Malala Yousafzai.
Malala, c'est pour nous un privilège de t'accueillir chez nous, à la Chambre des communes. À présent que te voilà citoyenne honoraire du Canada, j'espère que tu t'y considéreras aussi chez toi. Sois la bienvenue.
Ce qui est arrivé à Malala, nous le savons tous. C'est quelque chose qui est à la fois exceptionnel et familier, hors de l'ordinaire et, malheureusement, trop fréquent. Nous avons tous entendu parler de cette audacieuse et courageuse jeune fille de la vallée de Swat qui a osé tenir tête aux talibans, une jeune militante politique de 12 ans à l'esprit vif qui inspirait les autres jeunes, les amenant à se faire entendre et à donner l'exemple, une jeune fille qui, plus que tout autre chose au monde, souhaitait aller à l'école, une jeune fille qui refusait de se laisser réduire au silence. Devant elle, nous étions en admiration et remplis d'espoir. C'est avec horreur que nous avons vu des êtres lâches tenter de mettre fin à sa vie. Or, alors que le monde entier priait pour son rétablissement, nous nous sommes rappelé qu'une balle ne peut pas venir à bout d'une idée et que le mal n'est jamais de taille face à ce qui est juste et à ce qui est bon.
[Français]
Malala, tu as dit que tu ne souhaitais pas de mal à l'homme qui a tenté de t'assassiner. Tu as ainsi fait preuve d'une immense bonté en laquelle les Canadiens peuvent se reconnaître.
Il y a quelques mois à peine, nous avons été témoins d'un attentat terroriste qui a ciblé une mosquée de Québec. Ce geste de violence insensé a tué six personnes innocentes, des époux, des pères et des fils. Pourtant, même après ce crime, les Canadiens se sont montrés unis. Nous ne nous sommes pas retournés les uns contre les autres. Nous ne nous sommes pas divisés entre voisins. Nous n'avons pas succombé à la haine ou à la peur.
Par l'approche positive que nous essayons toujours de prendre en tant que Canadiens, nous avons dit au reste du monde que nous n'allions pas répondre à la violence par la violence, et que nous allions plutôt répondre à la peur et à la haine par l'amour et la compassion.
Malala, tu es un exemple de bonté, autant avec tes mots qu'avec tes gestes, et c'est quelque chose qui a trouvé un écho chez les Canadiens, mais aussi dans le reste du monde.
[Traduction]
Ton histoire est celle d'une jeune fille ordinaire qui fait des choses extraordinaires, d'une héroïne de tous les jours, d'une pionnière et d'une adolescente, d'une rebelle et d'une passionnée de lecture, d'une intrépide championne des droits et d'une jeune fille qui souhaite plus que tout voir plus d'enfants dans les classes. De surcroît, tu es d'une humilité prodigieuse. Au Canada, c'est un trait que nous connaissons bien.
Lorsque tu as accepté le prix Nobel de la paix, tu as dit: « Je raconte mon histoire, non pas parce qu'elle est unique, mais bien parce qu'elle ne l'est pas. » Lorsque tu as pris la parole devant les Nations unies, tu as déclaré: « J’élève ma voix, non pas pour crier, mais pour que les personnes sans voix puissent être entendues. » Mesdames et messieurs, Malala est l'incarnation même du leadership et du service. Nous devrions tous aspirer à servir autrui de façon aussi honorable au cours de notre vie.
Malala, tu donné de l'espoir à des garçons et à des filles accablés par la noirceur et tu as incité les femmes et les hommes de tous les horizons à s'améliorer pour que le monde soit meilleur. S'il y a un domaine où nous devons tous faire mieux, c'est bien au chapitre de l'éducation des jeunes. Nous savons que seule l'éducation peut permettre d'atteindre la paix véritable. J'affirme cela non seulement comme mari, père et membre de la collectivité, mais d'abord et avant tout à titre d'enseignant.
J'ai eu la chance d'enseigner en Colombie-Britannique pendant cinq ans, à des enfants vraiment formidables. Ces jeunes m'ont appris que le fait de fréquenter l'école ne se limite pas à apprendre à lire et à écrire. L'école aide les jeunes à élargir leur vision du monde, elle favorise l'innovation et elle donne l'occasion de résoudre des problèmes par la collaboration. L'éducation a le pouvoir de changer le monde. Elle contribue à éradiquer la pauvreté, à lutter contre le changement climatique et à prévenir la guerre. Cependant, pour réaliser des progrès tangibles, nous devons faire en sorte que tous les enfants, filles autant que garçons, aillent à l'école.
Je ne peux pas imaginer un monde dans lequel mes fils, Xavier et Hadrien, pourraient bénéficier du privilège que constitue l'éducation, mais où ma fille, Ella-Grace, n'aurait pas cette possibilité. À l'instar de nombreuses petites filles, elle adore apprendre et elle serait catastrophée si on la privait du droit d'apprendre.
[Français]
Ce n'est pas un secret que les femmes et les filles ont toujours dû se battre et qu'elles doivent continuer de se battre pour obtenir des choses que les hommes tiennent pour acquises: le droit de vote, le droit de servir son pays, le droit à l'équité salariale et le droit de choisir quand fonder une famille. Malheureusement, pour compléter cette liste, il me faudrait toute la journée.
Pourtant, la réussite de n'importe quelle société dépend de la pleine participation des femmes et des filles, et cela commence toujours par l'éducation. Ici, au Canada, nous nous assurons que nos enfants possèdent les compétences nécessaires pour avoir une vie épanouie dans un monde en constante évolution. En tant que ministre de la Jeunesse et père de jeunes enfants, je fais évidemment de l'éducation une de mes priorités.
Le mois dernier, nous avons annoncé le financement d'un nouveau programme qui permettra d'enseigner aux enfants des notions de codage et des compétences numériques. Nous aidons plus d'adolescents de communautés à faible revenu à terminer leurs études secondaires. Nous investissons dans des programmes qui encouragent les jeunes, garçons et filles, à s'intéresser aux sciences, à la technologie, au génie et aux mathématiques.
[Traduction]
Nous construisons et nous réparons des écoles afin que chaque élève autochtone vivant dans les réserves bénéficie d'une bonne éducation. Ces enfants ont été négligés pendant trop longtemps. C'est inacceptable, et nous devons faire mieux.
Au nom des filles et des garçons partout dans le monde, au nom de notre avenir, il est maintenant temps d'agir.
Mes amis, nous savons que le progrès commence sous la forme d'une idée ancrée dans la conviction, portée à la vie par des paroles appropriées et concrétisée avec courage.
Nous exhortons nos frères et nos soeurs partout dans le monde à s'exprimer avec audace et sans crainte, en sachant dans leur coeur que les paroles appropriées prononcées au bon moment peuvent provoquer le changement.
Malala, tu as choisi l'espoir, tu as choisi la dignité, tu as choisi la détermination, et les enfants de partout dans le monde t'en remercient. Aujourd'hui, dans ce pays et en cette Chambre, nous te rendons hommage.
Mesdames et messieurs, chers amis, c'est pour moi un grand privilège que de vous présenter une championne de l'éducation et une courageuse nouvelle Canadienne, Malala Yousafsai.
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Bismillah hir rahman ir rahim. Au nom de Dieu, le plus miséricordieux et le plus généreux.
Good afternoon. Bonjour.
Assalaam-u-alikum.
Monsieur le , madame Trudeau, Sophie, monsieur le Président, honorables députés, honorables sénateurs, distingués invités, mes parents, Ziauddin et Toor Pekai, et, finalement, peuple du Canada, mille mercis pour cet accueil chaleureux dans votre pays.
Il s'agit de mon premier voyage au Canada, mais pas de ma première tentative d'y venir. Le 22 octobre 2014, mon père et moi avons atterri à l'aéroport de Toronto, enthousiasmés à l'idée de cette première visite dans votre merveilleux pays. Nous avons toutefois rapidement appris qu'un forcené avait attaqué la Colline du Parlement, tuant un soldat canadien et blessant d'autres personnes, et qu'il avait menacé des dirigeants et des fonctionnaires dans l'édifice où je me trouve en ce moment.
Les responsables canadiens de la sécurité nous ont alors conseillé de reporter notre visite. Le coeur lourd, nous sommes rentrés en Angleterre, bien déterminés à revenir un jour au Canada.
L'homme qui a attaqué la Colline du Parlement se disait musulman, mais il ne partageait pas ma foi. Il ne partageait pas la foi d'un milliard et demi de musulmans, qui vivent en paix un peu partout dans le monde. Il ne partageait pas notre islam, une religion d'apprentissage, de compassion et de clémence.
Moi, je suis musulmane, et à mes yeux, si une personne prend les armes et qu'elle tue des innocents au nom de l'islam, elle ne peut plus se dire musulmane. Cette personne, l'homme qui a semé la terreur sur la Colline du Parlement, les terroristes: ces gens ne partagent pas ma foi.
L'auteur de l'attentat du Parlement partageait plutôt la haine qui animait l'homme qui a pris d'assaut la mosquée de Québec, en janvier, et tué six hommes qui faisaient leurs prières — la même haine que l'homme qui a tué des civils et un agent de police à Londres il y a trois semaines, la même haine que les hommes qui ont tué 132 écoliers dans une école publique de l'armée pakistanaise de Peshawar et la même haine que l'homme qui a tiré sur moi et mes deux camarades de classe.
Ces hommes ont essayé de nous diviser et de détruire la démocratie, de réprimer la liberté de religion et de nous priver du droit d'aller à l'école, mais vous et moi avons refusé de nous laisser diviser. Les Canadiens, où qu'ils soient nés et quelle que soit leur religion, restent solidaires, et rien ne le prouve autant que votre engagement auprès des réfugiés.
Le monde entier chante les héros canadiens.
Nous avons tous entendu parler des membres de la Première Église unie d'Ottawa qui ont parrainé les nouveaux mariés Amina et Ebrahim. Quelques mois plus tard, le couple a eu son premier enfant, prénommée Marya. L'Église a décidé de continuer à ramasser de l'argent pour faire venir le frère et la famille d'Ebrahim au Canada, afin que Marya puisse grandir avec ses cousins et cousines.
Nous avons aussi entendu parler de Jorge Salazar, de Vancouver, qui a trouvé refuge au Canada alors qu'il était encore un enfant fuyant la violence de la Colombie. À peine devenu adulte, il aide aujourd'hui les enfants immigrants et réfugiés à s'adapter à une nouvelle culture et à un nouveau pays.
Je suis très fière d'annoncer que Farah Mohamed, qui a fui l'Ouganda et qui a pu se réfugier au Canada alors qu'elle était enfant, vient tout juste d'être nommée PDG de la Fondation Malala. C'est donc une Canadienne qui mènera maintenant la lutte pour l'éducation des filles de par le monde.
Bon nombre de gens en provenance de mon pays, le Pakistan, ont trouvé la terre promise au Canada, à commencer par la célèbre joueuse de squash Maria Toorpakai Wazir et les proches qui m'accompagnent aujourd'hui.
À l'instar des réfugiés au Canada et partout dans le monde, j'ai vécu dans la peur. Par moment, j'ignorais si j'étais en sécurité ou non. Je me souviens que ma mère laissait une échelle à l'arrière de la maison afin que nous puissions nous échapper en cas de danger.
Je me souviens encore que je lisais un verset coranique, Ayat al-Kursi, tous les soirs pour protéger notre famille et autant de personnes que je le pouvais.
J'avais peur en me rendant à l'école. Je craignais que quelqu'un m'arrête et me fasse du mal. Je cachais mes livres sous mon foulard.
Le bruit des bombes me réveillait la nuit. Chaque matin, j'apprenais que d'autres personnes innocentes avaient été tuées. J'ai vu des hommes lourdement armés dans les rues.
Ma ville d'origine, dans la vallée de Swat, au Pakistan, est plus paisible maintenant. Toutefois, des familles comme la mienne, de la Palestine au Venezuela, de la Somalie au Myanmar, de l'Irak au Congo, sont forcées de fuir leur foyer à cause de la violence.
Votre devise « bienvenue au Canada », qui est aussi votre position, représente plus qu'une manchette ou un mot-clic. C'est l'accueil empreint d'humanité qu'espère chaque personne dont la famille est en crise. Je prie pour que vous continuiez à ouvrir vos portes et vos coeurs aux enfants et aux familles les plus vulnérables du monde, et j'espère que vos voisins suivront votre exemple.
J'accepte humblement la citoyenneté honoraire de votre pays. Même si je serai toujours une fière Pachtoune et citoyenne du Pakistan, je suis reconnaissante d'être membre honoraire de votre nation de héros, bien que j'aie toujours besoin d'un visa, mais c'est là un autre sujet de discussion.
J'ai aussi été très heureuse de rencontrer le ce matin. Ce qui me fascine, c'est l'accueil chaleureux qu'il réserve aux réfugiés, c'est sa décision de nommer le premier Cabinet paritaire au Canada et c'est sa détermination à placer les femmes et les jeunes filles au coeur de la stratégie canadienne de développement.
On a beaucoup entendu parler du , mais une chose en particulier m'a étonnée. Les gens disent toujours à quel point il est jeune. Ils disent que, au cours de son histoire, le Canada n'a connu qu'un seul premier ministre plus jeune que lui. Il fait du yoga. Il a des tatouages et un gros grain de beauté.
Sachant que j'allais venir ici, tout le monde m'a encouragée à serrer la main du premier ministre et voulait savoir à quoi il ressemble en réalité. Les gens étaient tellement emballés à l'idée que j'allais rencontrer le que je crois que personne ne se souciait vraiment du titre de citoyenne canadienne honoraire qui allait m'être décerné.
Il est vrai que le est jeune et que c'est un chef de gouvernement jeune, mais j'aimerais dire ceci aux enfants du Canada: vous n'avez pas à attendre d'être aussi vieux que le très jeune pour être des chefs de file.
Je suis toujours à la page 7 de mon discours. Je suis loin d'avoir fini. Si vous me faites encore une ovation debout, vous allez vous fatiguer. Je tiens simplement à vous signaler que j'en ai encore beaucoup à dire.
J'aimerais vous raconter mon histoire. J'aimerais dire aux enfants du Canada que, quand j'étais petite, je pensais que je devais attendre d'être adulte pour être une leader. J'ai toutefois appris que même la voix d'un enfant peut être entendue dans le monde entier.
Aux jeunes femmes du Canada, je tiens à dire ceci: foncez et élevez la voix, et la prochaine fois que je visiterai votre pays, j'espère qu'un plus grand nombre d'entre vous siégeront dans cette enceinte.
Je demande aux hommes du Canada d'être de fiers féministes et d'aider les femmes à avoir accès aux mêmes possibilités que les hommes.
Je sais que chaque dirigeant du Canada qui est ici aujourd'hui essaie de s'attaquer à certains des problèmes les plus pressants du monde, et ce, bien que leurs convictions politiques, leurs priorités et leurs politiques soient différentes. J'ai voyagé partout dans le monde et j'ai rencontré beaucoup de gens dans de nombreux pays. Je connais de première main les nombreux problèmes auxquels nous sommes actuellement confrontés — la guerre, l'instabilité économique, les changements climatiques et les crises dans le domaine de la santé — et je peux vous dire que les filles sont la réponse à ces problèmes.
L'éducation secondaire pour les filles peut transformer les communautés, les pays et la planète.
Voici ce que disent les statistiques. Je m'adresse aux gens qui ne croient toujours pas que l'éducation est importante — il y en a quelques-uns — et j'espère qu'ils entendront mes propos.
Si toutes les filles allaient à l'école pendant 12 ans, l'économie des pays à faible et à moyen revenu augmenterait de 92 milliards de dollars par année.
Les filles instruites sont moins susceptibles de se marier à un jeune âge et de contracter le VIH et plus susceptibles d'avoir des enfants instruits et en santé.
Selon la Brookings Institution, l'éducation secondaire pour les filles représente le meilleur investissement dans la lutte contre les changements climatiques ainsi que l'investissement le plus rentable à cet égard.
Lorsqu'un pays permet à tous les enfants de bénéficier d'une éducation de niveau secondaire, le risque de guerre est réduit de moitié. L'éducation est essentielle à la sécurité mondiale puisque l'extrémisme croît en parallèle avec l'inégalité dans les endroits où les gens estiment n'avoir aucune possibilité, aucune voix et aucun espoir.
Lorsque les femmes sont instruites, il y a plus d'emplois pour tout le monde. Il y a de l'espoir quand les mères peuvent garder leurs enfants en vie et les envoyer à l'école. Cependant, 130 millions de filles partout dans le monde ne fréquentent actuellement pas l'école. Il se peut qu'elles n'aient pas lu les études et qu'elles ne connaissent pas les statistiques, mais elles comprennent que l'éducation représente leur seul moyen vers un avenir meilleur et elles se battent pour aller à l'école.
L'été dernier, au cours d'un voyage au Kenya, on m'a présenté Rahma, la fille la plus courageuse que j'aie jamais rencontrée. Lorsque Rahma avait 13 ans, sa famille a fui la Somalie pour se rendre à Dadaab, le plus grand camp de réfugiés du monde. Elle n'était jamais entrée dans une salle de classe, mais elle a travaillé d'arrache-pied pour rattraper son retard et, en quelques années, elle a terminé ses études à l'école élémentaire.
À l'âge de 18 ans, Rahma fréquentait l'école secondaire lorsque ses parents ont décidé de retourner en Somalie. Ils lui ont promis qu'elle pourrait poursuivre ses études, mais une fois sa famille arrivée en Somalie, il n'y avait aucune école où Rahma pouvait s'inscrire. Son père lui a dit que ses études étaient terminées et qu'elle allait bientôt marier un homme dans la cinquantaine, un homme qu'elle ne connaissait pas.
Rahma s'est souvenue d'un ami du camp de réfugiés qui avait obtenu une bourse d'études d'une université au Canada. Elle a emprunté l'accès à Internet d'un voisin pour communiquer avec lui sur Facebook. Au moyen d'Internet, l'étudiant universitaire au Canada lui a envoyé 70 $. Le soir venu, Rahma est sortie de la maison en catimini, a acheté un billet d'autobus et s'est lancée dans un périple de huit jours en direction du camp de réfugiés, le seul endroit où elle savait qu'elle pouvait aller à l'école.
Dans le contexte des objectifs du développement durable, nos pays ont promis à toutes les filles qu'elles pourraient fréquenter l'école pendant 12 ans. Nous avons pris l'engagement de voir à ce que les pays donateurs et les pays en développement collaborent afin que ce rêve devienne une réalité pour les filles les plus pauvres du monde. Je sais que les politiciens ne peuvent pas tenir toutes leurs promesses, mais vous devez honorer celle-là. Les dirigeants du monde ne peuvent plus s'attendre à ce que des filles comme Rahma mènent ce combat toutes seules. Nous pouvons établir la paix, faire croître les économies, améliorer la santé publique et la qualité de l'air que nous respirons ou encore nous pouvons abandonner une autre génération de filles à son sort.
Je défends les filles parce que je sais ce que c'est que de devoir fuir son foyer et de ne plus savoir si l'on pourra un jour retourner à l'école. Je défends les filles parce que je sais ce que c'est d'être privé du droit à l'éducation et de voir ses rêves menacés. Cette cause est la mienne. Si vous voulez m'accompagner, je vous demande de saisir toutes les occasions qui se présenteront pour défendre le droit des filles à l'éducation, au cours de la prochaine année.
Cher Canada, je vous demande de donner encore une fois l'exemple.
Premièrement, faites du droit des filles à l'éducation un thème central des discussions du G7 pendant que vous en assumerez la présidence, l'année prochaine.
Deuxièmement, servez-vous de votre influence pour remédier au financement insuffisant de l'éducation dans le monde. Vous avez recueilli des milliards de dollars et sauvé des vies lorsque vous avez organisé la Conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial, à Montréal, l'année dernière. Faites de même en éducation. Organisez la prochaine conférence de reconstitution des ressources du Partenariat mondial pour l'éducation. Réunissez des dirigeants mondiaux et trouvez du financement pour que les filles puissent aller à l'école. Si le Canada donne l'exemple, je sais que le monde suivra.
Enfin, priorisez l'objectif de permettre aux réfugiés d'avoir 12 années de scolarité. Aujourd'hui, seulement un quart des enfants réfugiés peuvent faire des études secondaires. Nous ne devrions pas demander aux enfants qui ont dû fuir leur foyer de renoncer en plus à leurs rêves. Nous devons être conscients que les jeunes réfugiés seront un jour des dirigeants dont nous dépendrons tous pour assurer la paix.
Le monde a besoin que des gens s'élèvent au rang de chef de file par leur désir de servir l'humanité, et non par la quantité d'armes qu'ils possèdent. Le Canada peut être ce genre de chef de file.
Il y a beaucoup de problèmes dans le monde, mais il n'est pas nécessaire de chercher bien loin la solution. Elle est déjà devant nous. Elle vit dans un camp de réfugiés en Jordanie. Elle doit marcher cinq kilomètres pour se rendre à l'école, au Guatemala. Elle coud des ballons de football pour payer ses frais de scolarité, en Inde. Elle est chacune des jeunes filles, dans le monde entier, qui ne peut pas aller à l'école aujourd'hui. Nous savons ce qu'il faut faire, mais il faut trouver au fond de nous-même la volonté de respecter nos promesses.
Chères soeurs et chers frères, nous avons le devoir d'améliorer le monde. Lorsque les prochaines générations s'informeront sur notre époque dans leurs livres, sur leur tablette ou au moyen de la prochaine technologie, je ne veux pas qu'elles apprennent avec stupéfaction que 130 millions de filles ne pouvaient pas aller à l'école et que nous n'avons rien fait pour améliorer leur sort. Je ne veux pas qu'elles soient outrées d'apprendre que nous n'avons pas cherché à protéger les enfants réfugiés provenant des millions de familles qui ont dû fuir leur foyer. Je ne veux pas qu'on se souvienne de nous parce que nous aurons manqué à notre devoir envers eux.
Faisons en sorte que les prochaines générations puissent dire de nous que nous avons agi, et de notre époque qu'elle est la première où toutes les filles ont pu aller à l'école et devenir des chefs de file sans craindre d'être persécutées. Soyons ceux qui auront changé les choses.
Je vous remercie de m'avoir écoutée.
[Applaudissements]
[On chante l'hymne national.]
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Malala, monsieur le premier ministre, madame Grégoire Trudeau, madame la juge en chef, Excellences, honorables sénateurs, députés de la Chambre des communes, distingués invités, mesdames et messieurs.
Malala, c'est un grand honneur de vous compter parmi nous aujourd'hui. Au nom de tous mes collègues parlementaires, j'aimerais vous remercier de cet inspirant discours.
[Traduction]
Je vous remercie de votre inspirant message, qui fait écho aux quatre coins du monde. C'est un message qui aide les gens à faire la différence entre la vérité et le mensonge, entre le bien et le mal.
La dernière fois que nous nous sommes réunis dans cette enceinte, c'était en juin, lorsque le président Obama s'est adressé à nous. Il se tenait là où vous vous tenez en ce moment. Nous l'avons remercié de ses réalisations au cours de son mandat de huit ans et avons évoqué une présidence qui tirait à sa fin.
Aujourd'hui, nous sommes ici pour une autre raison. Aujourd'hui, il sera question de l'avenir plutôt que du passé.
En cette période trouble, il peut être difficile d'envisager l'avenir avec optimisme. Partout dans le monde, les gens ont peur. La peur, comme nous le savons tous, est une émotion très puissante. Elle alimente l'intolérance. Elle sème la dissension. Comme vous le savez bien, Malala, l'intolérance peut donner lieu à d'horribles actes de brutalité et d'oppression.
Cependant, le savoir est l'antidote contre la peur.
L'acquisition de connaissances au moyen de l'éducation est quelque chose d'indéniablement bon. L'éducation nous montre que nos différences sont une source de force et que les idées peuvent être excitantes et enrichissantes. Lorsqu'elle est encouragée, l'éducation permet d'améliorer la vie des gens du monde entier. L'éducation fait en sorte que les femmes et les filles sont considérées comme égales aux hommes et aux garçons, et elle permet à tous de contribuer à faire de notre monde un monde meilleur.
La reconnaissance des avantages de l'éducation doit être enseignée, et elle doit être enseignée avec courage, tout particulièrement dans un monde où les faussetés sont si souvent présentées comme des faits.
L'écrivain et philosophe français Antoine de Saint-Exupéry a dit un jour: « Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas des hommes pour aller chercher du bois, préparer des outils, répartir les tâches et alléger le travail, mais fais plutôt naître dans leur cœur le désir de la mer. »
Par votre exemple, Malala, vous nous enseignez à apprécier l'éducation à sa juste valeur et vous nous montrez qu'il faut aspirer à la connaissance.
Ensemble, nous devons tous chercher à promouvoir l'éducation dans le monde, à faire appel à la raison lorsque celle-ci est vacillante et à améliorer le sort des personnes pauvres et opprimées.
Encore une fois, nous vous remercions, Malala, pour votre courage et votre détermination dans la lutte que vous menez, en particulier pour les droits à l'éducation des filles et des femmes de votre pays et du monde entier. Alors que nous sommes confrontés à de grands défis, votre leadership brille avec éclat dans un monde autrement obscur.
Nous sommes si fiers de vous accorder la citoyenneté canadienne honoraire. Peu importe notre âge, que nous soyons jeunes ou vieux, vous êtes un exemple pour nous tous. Nous aspirons tous à être comme vous.
[Français]
Je vous remercie beaucoup.
( Président de la Chambre des communes):
Malala, monsieur le premier ministre, madame Grégoire Trudeau, madame la juge en chef, monsieur le Président du Sénat, mon ami et condisciple, Excellences, honorables sénateurs, députés de la Chambre des communes, distingués invités, mesdames et messieurs.
Malala, c'est un plaisir et un privilège pour moi de vous remercier, au nom de vos concitoyens canadiens et canadiennes, d'avoir tenu des propos aussi inspirants aujourd'hui.
Depuis l'âge de 11 ans, vous défendez les droits à l'éducation, particulièrement pour les filles. Il est évident qu'au fil des années votre passion pour cette cause n'a fait que grandir.
[Traduction]
Je sais que vous attribuez cette détermination à votre père, Ziauddin Yousafzai, et à votre mère, Toor Pekai Yousafzai, qui ont tous deux soutenu votre amour de l'apprentissage et vous ont encouragée à réaliser vos rêves. En tant que père, je sais que cela a probablement été difficile pour eux de laisser de côté leur peur qu'il vous arrive quelque chose, pour vous permettre de suivre votre coeur. Par conséquent, j'aimerais remercier vos parents, Malala, pour leur courage et leur générosité d'avoir partagé leur fille unique avec le monde.
[Français]
Depuis de nombreuses années maintenant, vous agissez comme pèlerin en matière d'éducation et de paix, et vous arrivez à trouver un équilibre entre votre travail de plaidoyer et vos études.
[Traduction]
Pour souligner votre travail remarquable dans la promotion et la défense des droits à l'éducation, vous avez reçu un certain nombre d'honneurs nationaux et internationaux, notamment un diplôme honorifique de l'Université de King's College, dans ma ville natale, Halifax, en Nouvelle-Écosse.
[Français]
Vous vous trouvez maintenant à l'aube d'un nouveau chapitre de votre vie, alors que vous êtes sur le point d'entamer votre carrière universitaire. Je suis persuadé qu'elle sera aussi remarquable et unique que vous.
[Traduction]
En luttant pour votre droit à l'éducation, vous vous êtes battue pour que d'autres aient aussi ce droit. En défendant les enfants, vous leur avez montré à se défendre et à exiger ce qui leur revient. En d'autres termes, vous êtes peut-être encore étudiante, Malala, mais vous êtes aussi devenue enseignante. Si vous regardez les tribunes dans cette enceinte, vous verrez des centaines de vos élèves.
Le mahatma Gandhi a dit que la véritable éducation consiste à tirer le meilleur de soi-même. Cela, vous l'avez déjà fait. En cherchant à réaliser vos rêves d'éducation, quels qu'ils soient, je suis certain que vous continuerez à rendre le monde meilleur.
Merci.
[Applaudissements]