propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, c'est pour moi un privilège de lancer aujourd'hui le débat sur mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi , Loi sur la protection de la liberté de conscience. Cette mesure législative reprend, avec de légères modifications, le projet de loi d'initiative parlementaire que j'avais présenté à la dernière législature, mais qui est mort au Feuilleton.
Je me dois de souligner encore une fois que cette mesure législative fait fond sur le travail assidu et la détermination d'anciens députés. La première mouture du projet de loi proposant de s'attaquer à ce problème avait été présentée en 2016 par le regretté Mark Warawa. Cette mesure législative n'avait pas été étudiée parce que le gouvernement avait présenté le projet de loi . Après l'adoption de cette mesure ministérielle, mon ancien collègue David Anderson avait présenté le projet de loi d'initiative parlementaire au cours de la 42e législature. Cependant, cette mesure est elle aussi morte au Feuilleton lors du déclenchement de l'élection générale en 2019.
Je profite de l'occasion pour remercier toutes les personnes qui ont fait avancer ce dossier pendant de nombreuses années et qui ont collaboré avec moi. Des experts de partout au Canada ont donné de l'information et des conseils, alors que des milliers de Canadiens ordinaires ont exprimé leur appui à la protection des libertés fondamentales. Je remercie également la Bibliothèque du Parlement pour les recherches diligentes et spécialisées menées en temps opportun qui ont contribué à l'élaboration de cette mesure législative.
Pour les fins du présent débat, je pense qu'il est important de comprendre ce qu'est la conscience. Il en existe de nombreuses définitions, qui disent toutes que la conscience est le sentiment intérieur qui permet à une personne de distinguer le bien du mal et qui guide son comportement en fonction de cette distinction. La Charte canadienne des droits et libertés indique au paragraphe 2a), sous le titre « Libertés fondamentales », que chacun a la liberté fondamentale qu'est la liberté de conscience. Ainsi, le projet de loi est très simple. Il propose la création de deux nouvelles infractions au Code criminel du Canada. Pour la gouverne des députés, je vais en lire le sommaire:
Le texte modifie le Code criminel afin d'ériger en infraction le fait d'intimider un médecin, un infirmier praticien, un pharmacien ou tout autre professionnel de la santé dans le dessein de le forcer à prendre part, directement ou indirectement, à la prestation de l'aide médicale à mourir.
Il érige également en infraction le fait de congédier ou de refuser d'employer un médecin, un infirmier praticien, un pharmacien ou tout autre professionnel de la santé pour la seule raison qu'il refuse de prendre part, directement ou indirectement, à la prestation de l'aide médicale à mourir.
Ce projet de loi répond aux appels des groupes de défense des droits des personnes handicapées, des Premières Nations, de l'Association médicale de l'Ontario, des juristes et d'un grand nombre de professionnels de la santé et de la santé mentale qui souhaitent protéger la liberté de conscience. Il fait en sorte que les professionnels de la santé qui décident de ne pas pratiquer un acte de suicide assisté ou participer à la prestation de l'aide médicale à mourir ou de ne pas aiguiller un patient vers ces services ne seront jamais forcés ou fortement incités à aller à l'encontre de leur liberté de conscience prévue dans la Charte.
Pendant les législatures précédentes, nous avons adopté des mesures législatives qui ont eu comme conséquence imprévue de forcer des médecins et des professionnels de la santé à donner la mort à des patients, peu importe s'ils croient ou non que c'est dans l'intérêt supérieur du patient. Le projet de loi et le projet de loi ont établi des normes pour offrir l'aide médicale à mourir et l'aide au suicide, mais pas pour protéger la liberté de conscience.
À titre d'information, les articles 241.1 à 241.4 du Code criminel du Canada régissent la prestation de l'aide médicale à mourir. Ces articles se trouvent à la partie VIII du Code, qui concerne les infractions contre la personne et la réputation, qui comprennent notamment les homicides, les enlèvements, les agressions et de nombreuses autres infractions. Le paragraphe 241(1) du Code criminel rend coupable d'un acte criminel quiconque conseille à une personne de se donner la mort ou aide quelqu'un à se donner la mort:
Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans quiconque, que le suicide s’ensuive ou non, selon le cas:
a) conseille à une personne de se donner la mort ou l’encourage à se donner la mort;
b) aide quelqu’un à se donner la mort.
En créant une exemption autorisant l'aide médicale à mourir, le gouvernement devait créer une exemption à cette interdiction de conseiller le suicide ou d'y aider. Cela mène à la prétention indéfendable voulant que le Code criminel protège déjà la liberté de conscience des professionnels de la santé.
Certains prétendent que la disposition de précision, le paragraphe 241.2 (9) du Code criminel, protège en quelque sorte la liberté de conscience. Voici ce qu'on peut y lire:
Il est entendu que le présent article n’a pas pour effet d’obliger quiconque à fournir ou à aider à fournir l’aide médicale à mourir.
Même si je comprends pourquoi certains veulent croire que cette disposition protège la liberté de conscience, à mon avis, ils se trompent totalement. Même si je comprends et appuie cet ajout au Code criminel, il ne vise qu'un côté de la médaille. Cette disposition ne fait que confirmer que le Code criminel n'est pas la source de l'obligation de participer à l'aide médicale à mourir.
Pour que le Code criminel ait le moindre mordant dans ce dossier, il devrait ériger en infraction le fait d'obliger quelqu'un à fournir ou à aider à fournir l'aide médicale à mourir contre son gré. Obliger quelqu'un à participer à l'aide médicale à mourir, c'est possible et ça existe, et c'est pourquoi j'ai présenté ce projet de loi et qu'il doit être adopté.
Quant aux questions de compétences, comme je l'ai mentionné plus tôt, le projet de loi propose d'ajouter deux nouvelles infractions au Code criminel qui porteraient sur l'intimidation de même que sur le congédiement de professionnels de la santé et le refus de les employer. Ces mesures législatives sont similaires à ce que l'on retrouve à l'article 425 du Code criminel, qui porte sur des décisions semblables prises par un employeur pour contraindre des employés de s'abstenir d’être membres d’un syndicat ouvrier ou de se syndiquer. J'avancerais que s'il est approprié d'inclure l'article 425 dans le Code criminel, il serait raisonnable d'inclure les modifications que je propose.
J'ajouterais qu'il serait injustifié d'alléguer qu'une mesure législative sur la liberté de conscience empiète d'une quelconque façon sur le rôle des provinces tout en étant convaincu que l'aide médicale à mourir ne le fait pas. C'est au Parlement et au gouvernement du Canada de protéger le droit à la liberté de conscience. Voilà pourquoi je présente ce projet de loi et que j'estime qu'il devrait être adopté.
Parallèlement, les provinces peuvent présenter leurs propres mesures législatives pour protéger le droit à la liberté de conscience des professionnels de la santé. À titre d'exemple, le Manitoba a adopté des mesures législatives simples et claires à cet effet. J'encourage toutes les assemblées législatives et tous les parlements à suivre l'exemple du Manitoba.
Bien que le projet de loi se concentre sur le droit à la liberté de conscience des professionnels de la santé, il protège aussi le droit qu'ont les patients d'obtenir un second avis médical. En effet, si tous les médecins sont tenus de proposer l'aide médicale à mourir parmi les options dont dispose le patient, cette approche standardisée aura pour effet de réduire, et non d'élargir, le choix qui s'offre aux patients canadiens.
De plus, les personnes qui sont contre l'aide médicale à mourir seront découragées d'entreprendre une carrière dans le domaine médical. Les patients n'auront plus la possibilité d'obtenir un deuxième avis à propos de leurs soins de fin de vie. Voilà pourquoi protéger le droit à la liberté de conscience des professionnels de la santé, c'est protéger non seulement les professionnels de la santé et leurs patients, mais aussi le système de santé.
Quand le droit à la liberté de conscience n'est pas protégé, les médecins sont forcés de fournir l'aide médicale à mourir à leurs patients ou de leur recommander un autre professionnel qui le fera, que cela serve au mieux les intérêts du patient ou non selon leur point de vue professionnel. Le désir d'agir dans l'intérêt du patient ne signifie pas qu'un professionnel de la santé s'opposerait à l'aide médicale à mourir dans toutes les circonstances: c'est plutôt qu'il ne la considérerait pas comme une option qu'il faut offrir dans tous les cas. Cette distinction a pris une importance particulière pour la communauté médicale depuis l'adoption du projet de loi .
Pour mettre en lumière les conséquences de l'élimination de l'exigence voulant que la mort soit raisonnablement prévisible, voici un extrait tiré d'une chronique publiée récemment, en ligne, dans le magazine Options politiques:
De nombreuses blessures et maladies physiques s'accompagnent en effet d'une dépression temporaire et de pensées suicidaires. Par exemple, la recherche démontre un risque accru de suicide au cours des deux années qui suivent une lésion de la moelle épinière. Dans la grande majorité des cas, cette suicidalité s'éteint avec l'adaptation et le soutien au rétablissement. Offrir la mort à quiconque pendant une période de suicidalité accrue et transitoire est, à notre avis, contraire à l'éthique et viole les normes médicales auxquelles les médecins doivent se conformer.
Le fait que la loi nouvellement étendue puisse faciliter la mort dans ces circonstances de pensées suicidaires accrues est, en soi, problématique.
Certains ont essayé de présenter les droits de conscience en mettant en opposition les droits du patient et ceux du médecin. Rien ne saurait être moins juste.
Les soins de santé sont fondamentalement liés à la relation médecin-patient. Prenons l'exemple du psychiatre qui soutient l'aide médicale à mourir dans certaines circonstances, mais qui, dans un cas précis, a passé 15 ans à conseiller un patient qui connaît des crises de dépression et des périodes suicidaires. Pendant 15 ans, il s'est établi entre eux une compréhension et une relation de confiance. Que se passerait-il si ce patient, animé de pensées suicidaires, demandait un suicide assisté? En vertu de la loi actuelle, ce psychiatre serait obligé d'aiguiller ce patient vers quelqu'un d'autre pour qu'il puisse mourir. Il doit le faire, tout en sachant que les pensées suicidaires sont temporaires et que, par ailleurs, le patient est joyeux et aime sa vie. Mettre fin à la vie de ce patient serait une erreur, mais le psychiatre a les mains liées. Cela ne devrait pas être considéré comme des soins médicaux au Canada.
Certains soutiendront que des mesures de sauvegarde sont en place pour prévenir de telles tragédies, mais je leur demanderais s'ils en sont absolument convaincus. Avec l'adoption du projet de loi , de nombreuses mesures de sauvegarde pour les médecins ont été supprimées. Il est question de mettre fin à une vie humaine. Il n'y a pas de place pour l'incertitude quand une vie est en jeu.
De plus, en matière de protection, la première ligne de défense ne devrait-elle pas être l’expertise des professionnels de la santé qui connaissent le mieux leurs patients? Si ces professionnels de la santé ne croient pas que la mort est la solution, ne devrions-nous pas au moins envisager qu’ils puissent avoir raison? Toutefois, cette idée fait craindre à certains que la protection du droit à la liberté de conscience des professionnels de la santé bloque l'accès à l’aide médicale à mourir aux personnes qui veulent vraiment y recourir. J’estime que cette idée est trompeuse et non fondée, et qu’elle ne vise qu’à semer la peur. L’aide médicale à mourir et le suicide assisté sont facilement accessibles partout au Canada. Il y a des lignes téléphoniques pour s’informer, les hôpitaux ont des professionnels de la santé qui acceptent cette pratique et on peut même écrire à des adresses courriel pour qu’on nous aide à prendre rendez-vous. Bref, l’aide médicale à mourir est devenue une réalité. Il est possible de l'obtenir.
En outre, l’Association médicale canadienne a clairement indiqué que la protection de la liberté de conscience ne risquait pas de nuire à l’accès au service, car il y a assez de médecins qui acceptent de l’offrir. Ainsi, on devrait déduire que, quand un médecin est forcé d’offrir l’aide médicale à mourir ou de recommander un patient à un autre médecin pour cette pratique, c’est une violation de ses droits garantis par la Charte. Je suis certaine que nous sommes capables d’assurer l’accès à l’aide médicale à mourir tout en protégeant le droit fondamental de liberté de conscience que reconnaît la Charte.
Enfin, certains ont laissé entendre que les professionnels de la santé devraient mettre leur sens moral de côté. Je ne crois pas que ce soit souhaitable. Par exemple, tout le monde s'attendrait à ce qu'un médecin ne déroge pas à ses principes si une personne lui offrait un pot-de-vin pour que quelqu'un se fasse soigner avant d'autres patients. On ne peut pas, d'une part, s'attendre à ce que les professionnels respectent les normes les plus rigoureuses et, d'autre part, leur demander de faire abstraction de leur propre sens moral. Par ailleurs, lorsque j'ai discuté de la question de la liberté de conscience avec une médecin, elle m'a dit que, sans protection de cette liberté, ce sont les patients qui ont le plus à perdre, alors que ce sont eux qu'on essaie d'aider. Avec ce projet de loi, on protégerait la relation entre le médecin et le patient en veillant à ce que les médecins et d'autres professionnels de la santé soient toujours en mesure de recommander et de fournir les soins qu'ils estiment être les mieux adaptés aux besoins des patients. Ce projet de loi doit être adopté tant dans l'intérêt des patients que dans celui des professionnels de la santé du Canada.
Au cours des deux dernières années, nous avons été à même de constater à quel point le système de santé est important et à quel point le travail des professionnels de ce système est essentiel pour les Canadiens et leur mode de vie. Nous devons offrir aux professionnels de la santé un milieu de travail qui les protège, qui les soutient et qui les encourage à faire leur travail essentiel.
En conclusion, j'invite tous les députés à appuyer le projet de loi sur la protection de la liberté de conscience.
:
Madame la Présidente, je suis très heureux de prendre la parole ce matin au sujet du projet de loi , Loi modifiant le Code criminel relativement à l'intimidation de professionnels de la santé, lequel a été présenté par la députée de . Je tiens à souligner que je prends la parole aujourd'hui sur les terres ancestrales non cédées du peuple algonquin.
Le projet de loi vise à protéger un droit important: la liberté de conscience et de religion, qui est garantie à l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés. L'objectif est louable, mais je ne crois pas que le projet de loi permet de l'atteindre. Le projet de loi propose de créer deux infractions criminelles afin de protéger le droit des professionnels de la santé, y compris les médecins, les infirmiers praticiens et les pharmaciens, de refuser de prendre part à la prestation de l'aide médicale à mourir pour offrir des services selon leur conscience.
Premièrement, il propose d'ériger en infraction le recours à la contrainte ou à toute forme d'intimidation dans le dessein de forcer un professionnel de la santé à prendre part, directement ou indirectement, à la prestation de l’aide médicale à mourir. Deuxièmement, il érigerait aussi en infraction le fait de congédier ou de refuser d'employer des professionnels de la santé uniquement parce qu'ils refusent de prendre part, directement ou indirectement, à la prestation de l'aide médicale à mourir.
[Français]
Nous sommes certainement toutes et tous d'accord qu'il est impératif que le droit à la liberté de conscience et de religion soit protégé non seulement pour les professionnels de la santé dans le contexte de l'aide médicale à mourir, mais pour tous au Canada.
[Traduction]
C'est indispensable pour que nous soyons tous en mesure de vivre notre vie personnelle et professionnelle dignement, en bénéficiant des mêmes droits. Toutefois, je ne crois pas que les modifications proposées au Code criminel soient nécessaires pour protéger ce droit fondamental. Je dois donc m'y opposer.
En fait, l'infraction d'intimidation proposée, qui interdirait le recours à la contrainte ou à l'intimidation pour forcer un professionnel de la santé à prendre part à la prestation de l’aide médicale à mourir, recoupe en grande partie des infractions figurant déjà dans le Code criminel. Par exemple, l'article 423 du Code criminel interdit déjà l'utilisation de violence, de menaces de violence, d'intimidation ou de tentatives d'intimidation dans le dessein de forcer toute personne à s’abstenir de faire une chose qu’elle a légalement le droit de faire, ou à faire une chose qu’elle peut légalement s’abstenir de faire. De plus, l'article 346 du Code criminel érige aussi en infraction le fait de commettre une extorsion, c'est‑à‑dire d'user de menaces, d'accusations ou de violence pour induire, ou tenter d'induire, une personne à accomplir ou à faire accomplir quelque chose. Les deux sont des actes criminels passibles au maximum d'une peine d'emprisonnement de 14 ans et de l'emprisonnement à perpétuité, respectivement.
Les infractions existantes concernant l’intimidation et l’extorsion s’appliquent en toutes circonstances, y compris dans le cadre de la prestation de l’aide médicale à mourir par des professionnels de la santé. Je considère que ces infractions protègent suffisamment les professionnels de la santé qui ne souhaitent pas prodiguer l’aide médicale à mourir.
L’infraction proposée concernant les sanctions liées à l’emploi empêcherait les employeurs de refuser d’employer ou de congédier des professionnels de la santé pour la seule raison qu’ils refusent de participer à la prestation de l’aide médicale à mourir. Cet objectif est valable et important, mais je préconise que nous réfléchissions à la mesure dans laquelle cette disposition pourrait empiéter sur les compétences provinciales et territoriales.
Comme tous les députés le savent, l’aide médicale à mourir relève d’une compétence partagée entre le gouvernement fédéral — qui a compétence en matière de droit pénal — et les gouvernements provinciaux, qui sont chargés de la prestation des soins de santé. En outre, en dehors des secteurs sous réglementation fédérale, les questions liées à l’emploi relèvent généralement de la responsabilité des provinces et territoires. Par conséquent, ces questions relèvent peut-être davantage de la réglementation à laquelle les employeurs sont assujettis sur le plan provincial ou territorial. Indépendamment des questions de compétence, je me demande également si le droit pénal est l’outil approprié pour traiter les questions liées à l’emploi.
Je suis aussi conscient que, même si le préambule du projet de loi suggère que l’objectif est de répondre aux situations dans lesquelles des médecins seraient obligés d'assurer l’aiguillage efficace des patients pour l’aide médicale à mourir, ce projet de loi ne pourrait pas régler cette question, étant donné que les ordres professionnels qui établissent ces politiques ne seraient pas visés par l’infraction concernant les sanctions liées à l’emploi.
Il faut se rappeler que la loi sur l'aide médicale à mourir permet tout simplement la prestation de l'aide médicale à mourir. Il n'oblige personne à prodiguer, que ce soit directement ou indirectement, ce service. En fait, il contient une disposition qui précise explicitement que « le présent article n'a pas pour effet d'obliger quiconque à fournir ou à aider à fournir l'aide médicale à mourir ». On trouve cette précision au paragraphe 241.2(9).
À ma connaissance, aucune preuve ne démontre que les professionnels de la santé font l'objet de coercition ou d'intimidation pour les forcer à prodiguer l'aide médicale à mourir. Je suis entièrement convaincu que le droit pénal protège déjà les gens qui seraient contraints de prodiguer ce service. J'aimerais aussi rappeler aux députés qu'il faut user du droit pénal avec parcimonie.
Je voudrais aussi souligner que les infractions proposées permettraient de protéger seulement les professionnels de la santé qui refusent de prodiguer l'aide médicale à mourir. Elles ne s'appliqueraient pas dans des circonstances où un professionnel de la santé voudrait prodiguer l'aide médicale à mourir, mais où on userait de contrainte ou d'intimidation pour qu'il s'abstienne de le faire. Je me demande vraiment pourquoi nous créerions une nouvelle infraction criminelle pour protéger la liberté de conscience d'un professionnel de la santé, mais pas celle d'un autre.
Les Canadiens ont des opinions variées à l'égard de l'aide médicale à mourir, selon leur situation, leurs croyances et leurs expériences personnelles. En dépit de ces opinions variées, les sondages d'opinion publique montrent invariablement un appui ferme pour l'aide médicale à mourir. Les lois canadiennes régissant l'aide médicale à mourir reconnaissent l'importance d'autoriser l'accès à cette dernière comme moyen pour les adultes capables de soulager leurs souffrances intolérables. Les lois reconnaissent que les personnes souhaitant recevoir l'aide médicale à mourir doivent pouvoir l'obtenir, et les statistiques disponibles montrent que de nombreux Canadiens choisissent de s'en prévaloir.
Les données les plus récentes publiées par Santé Canada, qui portent sur l'année 2020, montrent que depuis l'adoption de la première loi autorisant l'aide médicale à mourir en 2016, il y a eu 21 589 décès attribuables à celle‑ci au Canada. La principale affection médicale sous-jacente citée pour la majorité des personnes qui l'ont obtenue était le cancer. Viennent ensuite les troubles cardiovasculaires, les maladies respiratoires chroniques et les troubles neurologiques. Ces tendances correspondent aux principales causes de décès au Canada, le cancer et les maladies du cœur étant respectivement les causes de décès numéro 1 et 2. Ces renseignements se trouvent dans le « Deuxième rapport annuel sur l'aide médicale à mourir au Canada ».
L'aide médicale à mourir est une question complexe et foncièrement personnelle qui fait intervenir des droits et des intérêts fondamentaux, tant pour les personnes qui envisagent l'aide médicale à mourir que pour les professionnels de la santé qui choisissent de participer ou non à son administration. L'aide médicale à mourir est tout sauf simple, et nous devons continuer de travailler ensemble pour trouver des solutions appropriées et efficaces afin d'établir un juste équilibre entre le droit des personnes d'accéder à l'aide médicale à mourir et le droit des professionnels de la santé de fournir des soins et des services de qualité conformément à ce que leur dicte leur conscience. Je comprends l'esprit du projet de loi, mais je continue de craindre qu'il s'agisse d'une utilisation inadéquate du Code criminel. Par conséquent, je dois m'y opposer.
:
Madame la Présidente, le projet de loi à l'étude porte sur la protection de la liberté de conscience en matière d'aide médicale à mourir pour le personnel et les praticiens de la santé.
J'ose le dire, les débats que nous devons avoir sur le sujet devraient s'inspirer de la démarche qui a été entreprise au Québec à partir de 2010. De 2010 à 2014, il y a eu une réflexion. Des débats se sont faits de manière non partisane. La démarche s'est faite de façon à ce que tous les points de vue puissent être entendus pour arriver à une synthèse. Ce qui était au cœur de la démarche, c'était la dignité de la personne.
Or, quand on parle de dignité de la personne en matière de soins de fin de vie, il ne faut pas oublier que c'est le libre choix qui garantit la dignité de la personne. On ne peut pas prétendre faire le bien de la personne malade si on décide à sa place ce qui est son bien. Le projet de loi des conservateurs a ceci de particulier: les conservateurs veulent moins de l'État dans l'économie, mais veulent plus de l'État dans nos vies, notamment à propos d'une des décisions les plus intimes dans la vie d'un être humain, à savoir sa propre mort.
Ce n'est pas l'État ou les députés conservateurs qui vont mourir à la place de l'individu, de la personne mourante, du malade. Alors, pourquoi veulent-ils s'immiscer dans cette décision?
Le projet de loi défonce des portes ouvertes. Je dis cela parce que, déjà, le paragraphe 241.2(9) ne crée pas cette obligation de fournir ou d'aider à fournir l'aide médicale à mourir si on ne veut pas le faire.
Je disais que la loi québécoise devrait inspirer les débats que nous avons aujourd'hui. L'article 31 de la loi québécoise permet justement à un praticien de ne pas être obligé de participer directement ou indirectement à l'aide médicale à mourir:
Tout médecin qui exerce sa profession dans un centre exploité par un établissement et qui refuse une demande d’aide médicale à mourir pour un motif non fondé sur l’article 29 [qui donne toutes les dispositions dont un médecin doit s'assurer pour pouvoir si oui ou non il donne l'aide médical à mourir] doit, le plus tôt possible, en aviser le directeur général de l’établissement ou toute autre personne qu’il désigne et, le cas échéant, lui transmettre le formulaire de demande d’aide médicale à mourir qui lui a été remis. Le directeur général de l’établissement, ou la personne qu’il a désignée, doit alors faire les démarches nécessaires pour trouver, le plus tôt possible, un médecin qui accepte de traiter la demande conformément à l’article 29.
Cela fait qu'on ne doit pas faire porter le fardeau des démarches dont je viens de parler au patient qui est en train de mourir et qui est dans un état de vulnérabilité avancé. Le projet de loi des conservateurs déposé aujourd'hui aurait cet effet. Il aurait l'effet de forcer l'individu de faire les démarches au moment plus vulnérable de sa vie, à la porte de la mort alors qu'il est en train d'agoniser. Or, on peut refuser de participer directement ou indirectement à l'aide médical à mourir.
On a entendu pendant les assises du Comité permanent de la justice et des droits de la personne relativement au projet de loi que des praticiens refusent actuellement, par dite liberté de conscience, de respecter le code de déontologie du Collège des médecins du Québec et ne veulent pas référer la demande. Or, cela s'appelle ignorer la demande, et on ne peut pas ignorer la demande.
Au Québec, l'objection de conscience est rédigée en ces termes: « Aucun professionnel de la santé ne peut ignorer une demande d'aide médicale à mourir. Un médecin peut cependant refuser d'administrer l'aide médicale à mourir en raison de ses valeurs personnelles. Il doit alors aviser le plus tôt possible le directeur général de l'établissement [...] »
Il est là l'enjeu. Présentement, les conservateurs cherchent à introduire au moyen de leur projet de loi une disposition pénale dans le Code criminel afin d'ériger en infraction ce qu'ils prétendent être de l'intimidation dans les milieux de la santé.
On parle d'un professionnel de la santé qui, devant une famille qui soutient un malade agonisant, que ce soit un père, une mère, un frère ou une sœur, pourrait offrir des options de fin de vie sans jamais soumettre la possibilité de l'aide médicale à mourir. C'est de cela qu’il est question.
Même si le Québec a été un chef de file en la matière et qu'il a contribué à l'avancement de cette loi, il y a encore beaucoup de résistance sur le terrain lorsqu'un patient demande l'aide médicale à mourir et cela prend toutes sortes de formes. Ce qui est assez étonnant, c'est que cette résistance va à l'encontre même de ce qui était à mon avis la perle de cette loi québécoise, laquelle visait à inscrire les soins de fin de vie dans un continuum des soins palliatifs.
Or, dans le débat actuel, il y a les tenants des soins palliatifs et ceux de l'aide médicale à mourir. La loi québécoise n'est pas tombée dans le panneau de cette opposition, qui ne doit pas avoir lieu. Les soins palliatifs doivent être accessibles et c'est dans ce continuum de soins palliatifs que peut émerger une demande d'aide médicale à mourir. Si une demande d'aide à mourir émerge, c'est parce qu'on aura offert au patient la possibilité de faire un choix libre et éclairé.
La dignité de l'être humain ne doit pas être définie par sa manière de mourir ou ne peut être compromise parce que l'on considère que la mort est laide. Le respect de la personne humaine passe par le respect de sa dignité, et le respect de sa dignité consiste à respecter son autonomie et sa capacité d'autodétermination jusqu'à son dernier souffle.
Le droit consacre le principe d'autodétermination tout au long de notre vie, et surtout en matière médicale. Nul ne peut porter atteinte à ma personne sans mon consentement libre et éclairé. Alors pourquoi, au moment le plus intime de ma vie, l'État s'immiscerait-il dans ma vie pour m'enlever le droit à l'autodétermination? Pour que je puisse exercer un libre choix, il faut que le praticien puisse m'offrir tous les choix, autant l'accessibilité aux soins palliatifs, à une sédation palliative, qu'à l'aide médicale à mourir. C'est une décision qui ne peut être portée que par la personne mourante.
Ce type de projets de loi et de débats nous font dériver d'objectifs beaucoup plus nobles. Les portes ouvertes ne se défoncent pas; tout cela était déjà prévu dans la loi.
J'aimerais bien que l'on comprenne pourquoi le Bloc québécois sera contre ce projet de loi. Nous sommes contre ce projet de loi parce que, actuellement, au Québec, certaines personnes demandant l'aide médicale à mourir dans un centre hospitalier ne sont pas admises dans une unité de soins palliatifs. Il est honteux que des personnes en fin de vie doivent vivre leurs derniers moments dans un endroit qui est loin d'être paisible et loin d'être ce que l'on préconise quand il est question de mourir dans la dignité. Pourquoi opposer tout cela?
Ce serait au continuum de soins qu'il faudrait que nous consacrions nos efforts, travailler pour que les soins palliatifs soient effectivement les plus disponibles et les plus accessibles possible sous toutes leurs formes, que ce soit à domicile, dans des maisons, etc. Cependant, il faut que la demande de mort ne soit pas considérée comme un échec, mais aussi comme une réussite de l'accompagnement vers la mort.
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Madame la Présidente, je suis heureux, mais un peu surpris, de prendre la parole au sujet du projet de loi . Il y a moins d'un an, le 27 mai 2021, nous débattions à la Chambre du projet de loi , un projet de loi identique présenté par la députée de . Je suis stupéfait de voir la députée arriver aussi haut dans la liste tirée au hasard des affaires émanant des députés lors de deux législatures successives, mais je suis également stupéfait qu'elle ait gaspillé sa chance avec un projet de loi comme celui-ci.
Il y a deux raisons pour lesquelles je dis cela. En tant que députés, nous avons rarement la chance de présenter des projets de loi à la Chambre. J'ai eu l'occasion de le faire en 2013 et j'ai profité de cette occasion pour présenter le projet de loi , qui avait pour objet d'ajouter l'identité et l'expression de genre aux motifs de distinction illicite dans le code canadien des droits de la personne et dans l'article du Code criminel qui traite des crimes haineux. Même si de nombreuses personnes ne croyaient pas que c'était possible, le projet de loi a été adopté à la Chambre avec l'appui de députés de tous les partis. Il a fallu beaucoup de travail pour obtenir une coalition de députés qui allaient appuyer le projet de loi. Même si mon projet de loi a pris des chemins tortueux, il a fini par être adopté et il a maintenant force de loi.
Je me demande pourquoi, après avoir très clairement entendu dans des discours prononcés il y a moins d'un an que ce projet de loi bénéficiait d'un appui limité, voire inexistant, en dehors de son propre parti, la députée de l'a remis sur le tapis. Puisque rien n'indique que les circonstances aient changé ou que les députés aient pu changer d'avis, ce projet de loi n'ira nulle part une fois encore. Le fait de ne pas présenter un projet de loi susceptible d'être adopté ou de déposer de nouveau ce projet de loi au lieu de présenter un nouveau projet de loi renfermant des idées qui n'ont pas encore fait l'objet d'un débat ici à la Chambre me porte à dire qu'il s'agit là, au mieux, d'une occasion manquée.
La deuxième raison pour laquelle je suis porté à décrire le fait de présenter de nouveau ce projet de loi comme une occasion manquée concerne le projet de loi lui-même. Ce projet de loi reprend une toute petite partie des débats approfondis et importants sur l'aide médicale à mourir qui ont eu lieu dans le cadre de l'examen, au Parlement, du projet de loi en 2016, puis du projet de loi lors de la dernière législature. Ce projet de loi vise à prendre un point mineur mais très controversé et à en faire une pomme de discorde à la Chambre.
Nous attendons que le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir entame ses travaux sur les enjeux essentiels et importants qui n’ont pas été abordés en ce qui concerne l’aide médicale à mourir. Cependant, puisque le Comité n’a pas encore commencé à se pencher sur la question, je souhaite prendre l’occasion, aujourd’hui, de confirmer le principe qui a guidé les néo-démocrates tout au long de ces débats.
Nous croyons que l’aide médicale à mourir est un outil important quand vient le temps de mettre un terme à la souffrance inutile des patients en fin de vie et d’éviter que les familles souffrent inutilement, tandis qu’elles les accompagnent tout au long de ce parcours. C’est pourquoi les néo-démocrates défendront toujours le droit des personnes admissibles à l’aide médicale à mourir d'obtenir de l’information sur ce service et d'y recourir si elles le souhaitent.
Dans le cadre du débat sur le projet de loi , de nombreuses questions ont été soulevées sur les difficultés auxquelles les Canadiens doivent faire face à la fin de leur vie. Le projet de loi C‑7 aborde certaines d’entre elles directement, et ne répond toujours pas à d’autres. Deux questions importantes ont été au cœur du débat. Elles étaient, selon moi, les plus importantes. La première portait sur le fait de soulager la souffrance inutile en éliminant la période d’attente, qui est une grande source d'inquiétude pour les patients susceptibles de perdre leurs capacités avant d'arriver à la fin de cette période, ce qui les rendrait alors inadmissibles à l’aide médicale à mourir et les forcerait à envisager de souffrir.
La seconde avait trait à une modification permettant de renoncer au consentement final. Il s’agit d’une disposition qui me touche de près, car une amie a choisi de nous quitter plus rapidement qu’elle le voulait en raison d’une tumeur au cerveau et de sa peur de perdre son aptitude à donner son consentement au dernier moment, ce qui aurait prolongé la souffrance de sa famille.
Une deuxième difficulté a été soulevée dans le cadre du projet de loi . Comment peut-on préserver le degré le plus élevé possible d’autonomie des Canadiens en fin de vie? Le comité mixte spécial ne s’est toujours pas penché sur la plupart des questions associées à cet enjeu. Il s'agit notamment de questions relatives aux directives anticipées, à l’accès à l’aide médicale à mourir dans le cas des personnes ayant une maladie mentale et des mineurs matures, et au caractère adéquat des protections visant à empêcher les personnes en situation de handicap de subir des pressions pour demander l’aide médicale à mourir. Je continue d’éprouver de la frustration face aux retards observés quand vient le temps d’aborder ces questions très importantes. Le projet de loi à l'étude n'aborde aucune de ces questions.
L’accès aux services en fin de vie est une troisième difficulté qui a été soulevée lors du débat sur le projet de loi . Nous avons appris que le système de santé canadien comporte de nombreuses lacunes importantes sur le plan des services offerts aux personnes en fin de vie. Les services de diagnostic et de traitement présentent des lacunes selon l'endroit où ils sont offerts, qu’il s’agisse d’une grande ville ayant d’excellents établissements ou d’une région rurale et éloignée. Nous avons été mis au courant d’importantes lacunes sur le plan des soins palliatifs.
Cependant, au lieu de s'attaquer à ces difficultés en matière d’autonomie et d’accès aux services, le projet de loi porte sur un tout autre sujet. Ce projet de loi dénierait le droit d’un patient à obtenir de l’information sur des services médicaux légalement fournis et d'y avoir accès, en fonction des croyances personnelles du fournisseur de services.
Permettez-moi d’exprimer cela en langage clair. Supposons qu’il existe une variété de traitements pour un patient. La nature de ces traitements n’a pas vraiment d’importance aux fins de la discussion. Si un professionnel de la santé croit que l’un d’entre eux ne devrait pas être offert, ce projet de loi dit que ce professionnel n’est pas obligé de s’assurer que les patients soient au courant de toutes les options qui s’offrent à eux. Les organisations professionnelles, comme les collèges de médecins et de chirurgiens, et les collèges d’infirmières, ont estimé que c’était un comportement contraire à l’éthique, de sorte qu’elles exigent des médecins, à des degrés divers, qu’ils orientent les patients vers quelqu’un qui est favorable à ces services et qui peut les fournir.
Cette obligation d’aiguillage existe dans sa forme la plus stricte en Ontario comme le droit des patients à un aiguillage efficace, c’est-à-dire un aiguillage vers un professionnel de la santé qui est disponible, capable et désireux de fournir ce service. Ce droit a été confirmé par les tribunaux comme un compromis raisonnable entre les droits d’accès des patients aux questions médicales et les droits de conscience des fournisseurs de services. C’est la principale raison pour laquelle je ne peux pas soutenir ce projet de loi. S’il était adopté, il entraînerait, de façon très réelle et pratique, le refus d’accès à des services de santé nécessaires pour de nombreux Canadiens.
De nombreuses collectivités ont un nombre très limité de médecins et si l’un de ces médecins, ou même plus d’un, n’est pas disposé à laisser ses patients s’informer sur l’aide médicale à mourir, alors nous condamnons ces Canadiens à souffrir en fin de vie d’une manière que d’autres Canadiens n’auraient pas à subir. Aucun professionnel de la santé n’est en fait tenu par la loi de participer, et c’est pourquoi je trouve que le titre de ce projet de loi, « intimidation des professionnels de la santé », est, au mieux, fallacieux. Le fait d’exiger une recommandation constitue-t-il une participation réelle à l’aide médicale à mourir? De toute évidence, ce n’est pas le cas, et le fait d’essayer d’associer l’obligation de fournir des renseignements à la participation n’aide personne à comprendre les véritables questions de conscience que soulève l’aide médicale à mourir.
Une raison tout aussi importante de s’opposer à ce projet de loi est le dangereux précédent qu’il créerait. Son rôle en tant que projet de loi susceptible de créer un précédent a déjà été noté par les partisans anti-choix qui ont exprimé avec force leur soutien à ce projet de loi. Ils reconnaissent que ce projet de loi créerait un précédent pour le refus d’aiguillage vers des services de contraception et d’avortement, et je tiens à souligner que le refus de services et de renseignements est très réel dans le système médical canadien actuel.
Ce projet de loi constituerait également un très mauvais précédent pour les tentatives actuelles de refuser aux mineurs transgenres les services de counseling et les services médicaux dont ils ont besoin pour affirmer qui ils sont. Sans accès à des services que d’autres peuvent juger inappropriés, les familles de mineurs transgenres devront se battre pour trouver l’information et le soutien dont leurs enfants ont réellement besoin. Si ce genre de précédent est autorisé, les professionnels de la santé ne seront pas tenus d’aiguiller le patient vers quelqu’un qui fournirait un service médicalement nécessaire.
Alors que mon intervention d'aujourd’hui touche à sa fin, je ne saurais terminer sans mentionner un autre précédent malheureux établi dans ce projet de loi, à savoir son utilisation d’un langage incendiaire. Je ne doute pas, comme je l’ai dit dans ma question à la marraine de ce projet de loi, de ses convictions personnelles et de leur force. Cependant, aussi sincères soient-elles, les termes utilisés dans ce projet de loi évoquent le spectre de l’utilisation de la violence pour intimider les professionnels de la santé, ce qui n’est absolument pas le cas au Canada. Invoquer le spectre de l’intimidation violente n’est certainement pas propice à un débat éclairé sur les véritables enjeux qui sont en cause ici.
Je termine mes observations d’aujourd’hui en réitérant que, par principe, les néo-démocrates s’opposent à toute loi qui limiterait l’accès aux Canadiens à l’aide médicale à mourir ou à de l’information sur ce service. Peu importe la force des convictions des autres, ce droit d’accès aux services médicalement nécessaires existe. Il ne fait aucun doute que la fin de vie est un moment difficile pour toutes les familles, et l’aide médicale à mourir, je le crois toujours, est un moyen important de mettre fin à des souffrances inutiles tant pour les patients que pour les familles en cette période de fin de vie. Je ne voudrais pas que quiconque se voie refuser l’accès aux renseignements dont il ou elle a besoin pour faire un choix qui protège sa propre autonomie quant à la façon dont sa vie se termine. À ce stade, permettez-moi de rendre hommage aux professionnels de la santé qui aident les patients et leur famille dans ce processus très difficile.
Une fois de plus, je déplore la tendance, non seulement de la députée, mais aussi de nombreux députés conservateurs, à utiliser les projets de loi d’initiative parlementaire pour marquer des points politiques et aiguiser les divisions au sein de la Chambre...
Une voix: Oh, oh!
M. Randall Garrison: ...au lieu de chercher des occasions de travailler ensemble pour le bien commun des Canadiens.
:
Madame la Présidente, je prends la parole pour appuyer fermement le projet de loi , Loi sur la protection de la liberté de conscience, présenté par mon amie la députée de .
Le projet de loi dont nous sommes saisis est une mesure législative indispensable pour protéger les droits garantis par la Charte des professionnels de la santé qui s’opposent, pour des raisons de conscience, à fournir une aide médicale à mourir ou à y participer. Je tiens à féliciter la députée pour son leadership indéfectible dans la défense de la liberté de conscience et pour avoir ramené ce projet de loi à la Chambre, puisqu’elle a présenté un projet de loi semblable qui est mort au Feuilleton lors de la dernière législature.
L’aide médicale à mourir soulève de profondes questions juridiques, morales et éthiques. Dans l’arrêt Carter, qui a invalidé l’interdiction de l’aide médicale à mourir prévue par le Code criminel, la juge de première instance a déclaré: « La preuve montre que des personnes réfléchies et bien motivées peuvent arriver et sont arrivées à des conclusions différentes sur la question de savoir si l’aide médicale à mourir peut être justifiée sur le plan éthique. » C’est vrai pour les patients, et c’est vrai pour les professionnels de la santé.
Les professionnels de la santé ont le devoir de faire ce qui est dans l'intérêt de leurs patients et de fournir les meilleurs conseils possibles en fonction de leur jugement et de leur expérience, qui sont tous fondés sur des convictions morales et professionnelles. L’aide médicale à mourir fait appel à des considérations professionnelles, morales et éthiques de la plus haute importance.
Dans l’arrêt Carter, la Cour suprême a fondé sa décision sur deux éléments: la volonté d’un patient et, ce qui est tout aussi important, la volonté d’un médecin. Au paragraphe 132 de la décision Carter, la Cour a déclaré que rien dans son prononcé n’obligerait les professionnels de la santé à participer à l’aide médicale à mourir. La Cour est allée plus loin en déclarant ce qui suit: « Nous rappelons toutefois […] en abordant la participation du médecin […] que la décision du médecin de participer à l’aide à mourir relève de la conscience et, dans certains cas, de la croyance religieuse. » En d’autres termes, encore une fois, il faut un patient consentant et un médecin consentant.
Certains diront que cette mesure législative est redondante, qu’elle n’est pas nécessaire et qu’en ce qui concerne l’aide médicale à mourir, la liberté de conscience des professionnels de la santé est déjà protégée. Ils s’appuieraient sur la décision rendue dans l’affaire Carter. Ils pourraient également citer le projet de loi , qui comprend un préambule reconnaissant expressément le droit à la liberté de conscience ainsi qu’une disposition de précision dans le Code criminel, qui prévoit simplement: « Il est entendu que le présent article n'a pas pour effet d'obliger quiconque à fournir ou à aider à fournir l'aide médicale à mourir. »
Bien que l’intention du Parlement était de protéger la liberté de conscience des professionnels de la santé lorsque le projet de loi a été débattu et adopté — et j’étais là et j’ai participé activement à ce débat et à l’étude de ce projet de loi en comité —, dans la pratique, la protection de la liberté de conscience et des droits des professionnels de la santé n'est pas respectée partout au Canada. Il y a une lacune, et c’est pourquoi, lorsque le projet de loi a été étudié au comité de la justice, nous avons entendu des professionnels de la santé qui ont exprimé de sérieuses inquiétudes quant aux pressions et à la coercition exercées pour fournir l'aide médicale à mourir.
En fait, l’Association médicale de l'Ontario a écrit à notre comité précisément pour lui demander de modifier le projet de loi afin de prévoir une protection plus importante de la liberté de conscience des professionnels de la santé, car la disposition de précision, même si c’est mieux que rien, est sans effet. Elle n’est pas applicable. Dans ce contexte, bien que le Code criminel n’oblige pas un professionnel de la santé à administrer l'aide médicale à mourir, il ne protège pas expressément les professionnels de la santé qui subissent des pressions et des contraintes les incitant à le faire. Le projet de loi remédie à cette lacune en établissant deux infractions ciblées. Ainsi, intimider un professionnel de la santé pour le forcer à administrer l'aide médicale à mourir ou à y participer constituera une infraction et, par ailleurs, licencier ou refuser d’embaucher un professionnel de la santé uniquement au motif qu’il refuse de participer à l’aide médicale à mourir constituera aussi une infraction.
Le projet de loi protège les droits des professionnels de la santé, mais il faut également souligner qu’il protège tout autant les droits des patients en protégeant la relation entre le médecin et le patient. Il préserve, en effet, la possibilité pour les professionnels de la santé de donner leurs meilleurs conseils, au mieux de leur jugement, sans pressions ni contraintes, au patient qui envisage de recourir à l’aide médicale à mourir. Il protège les patients en protégeant leur droit à un second avis médical. Il ne peut y avoir de second avis, ou du moins une garantie de second avis, lorsqu’une contrainte ou des pressions sont exercées pour inciter le professionnel de la santé à administrer l'aide médicale à mourir. Il ne peut y avoir de second avis quand le seul choix offert à un patient, qui résulte de pressions et de contrainte, est l’aide médicale à mourir.
Préserver la relation entre le patient et le médecin, ce que le projet de loi tend à faire, est d’autant plus nécessaire devant l’élargissement de l’aide médicale à mourir au Canada avec l’adoption du projet de loi qui supprime des mesures de sauvegarde essentielles, y compris le critère selon lequel la mort de la personne doit être raisonnablement prévisible, et il permet à des personnes qui souffrent uniquement de maladie mentale d'avoir accès à l'aide médicale à mourir, même si l’on ne peut jamais prédire quand l’état d’une personne souffrant de maladie mentale s’améliorera. Nul ne peut dire si une maladie mentale est irrémédiable. Avec la suppression de ces mesures de sauvegarde essentielles, des patients vulnérables courent plus de risques encore.
Quand le droit à la liberté de conscience des professionnels de la santé, qui leur permet d’exercer leur meilleur jugement, est protégé et qu’ils ne subissent ni contrainte ni intimidation, les droits des patients sont également protégés. Il s’agit d’une mesure législative opportune, ciblée et nécessaire qui protège les droits des professionnels de la santé, leurs droits garantis par la Charte et les droits des patients. Je recommande vivement aux députés de l'adopter.